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Décisions

CA Reims, ch. soc., 3 septembre 2025, n° 25/00222

REIMS

Arrêt

Autre

CA Reims n° 25/00222

3 septembre 2025

Arrêt n°

du 3/09/2025

N° RG 25/00222

IF / FJ

Formule exécutoire le :

03/09/2025

à :

- BQD

- PINCON

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 3 septembre 2025

APPELANT :

d'un jugement rendu le 16 janvier 2025 par le Conseil de Prud'hommes de REIMS, section Commerce (n° F 23/00393)

Monsieur [J], [O], [I] [L]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par la SELARL BQD AVOCATS, avocats au barreau de REIMS

INTIMÉS :

Maître [H] [G]

en qualité de mandataire judiciaire à la procédure de liquidation judiciaire de la SARL GP CONSTRUCTION

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Olivier PINCON, avocat au barreau de REIMS

L'AGS CGEA D'[Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Défaillante

DÉBATS :

En audience publique, en application des dispositions de l'article 906-5 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 mai 2025, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle FALEUR, conseiller, chargée du rapport, qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 3 septembre 2025.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Monsieur François MELIN, président

Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller

Madame Isabelle FALEUR, conseiller

GREFFIER lors des débats :

Madame Allison CORNU-HARROIS

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur François MELIN, président, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Faits et procédure :

Selon contrat à durée indéterminée signé le 1er août 2019, Monsieur [J] [L] a été embauché par la société GP CONSTRUCTION, intermédiaire en commercialisation de maisons individuelles en qualité de conseiller commercial junior, statut agent de maîtrise, avec reprise de son ancienneté au 3 septembre 2018 alors qu'il était salarié de la SAS SEISSIGMA.

Il a ensuite été nommé conseiller commercial confirmé.

La convention collective applicable était celle de la promotion immobilière.

Le 11 avril 2022, Monsieur [J] [L] a donné sa démission, avec effet au jour même et dispense de préavis, pour prendre le poste de responsable d'agence au sein de la SAS SEISSIGMA.

Selon jugement en date du 15 novembre 2022, le tribunal de commerce de Reims a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société GP CONSTRUCTION.

Maître [H] [G] a été désignée aux fonctions de liquidateur judiciaire.

Le 18 novembre 2022, Monsieur [J] [L] l'a informée des sommes qui lui restaient dues par la société GP CONSTRUCTION en exécution du contrat de travail, au titre des commissions et des primes.

Le 31 janvier 2023, Maître [H] [G] a répondu à Monsieur [J] [L] qu'aucune somme ne semblait lui être due et par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 16 juin 2023, elle l'a informé de l'avis de dépôt des créances salariales de la société GP CONSTRUCTION dans le journal 'les petites affiches Matot Braine', édition du 29 mai au 4 juin 2023.

Par requête déposée le 27 juillet 2023, Monsieur [J] [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Reims.

Aux termes de ses conclusions soutenues à l'audience de jugement, il a demandé au conseil de prud'hommes de :

- le déclarer recevable et bien fondé en toutes ses demandes ;

- fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société GP CONSTRUCTION comme suit :

. 9 000 euros bruts de rappel de salaire au titre des avances sur commissions,

. 5 400 euros bruts de rappel de salaire au titre des primes exceptionnelles,

. 2 253,73 euros bruts correspondant au salaire pour la période du 1er au 11 avril 2022 et à l'indemnité compensatrice de congés payés ;

- d'ordonner que l'AGS-CGEA d'[Localité 6] garantisse le paiement des sommes dues, dans les limites de sa garantie ;

- d'ordonner la rectification et la remise du bulletin de salaire pour solde, d'un reçu pour solde de tout compte conforme, au besoin sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à compter du huitième jour suivant la notification du jugement ;

- de fixer sa créance au passif chirographaire de la procédure de liquidation judiciaire de la société GP CONSTRUCTION à la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'absence de remise des documents de fin de contrat ;

- de condamner solidairement l'AGS-CGEA d'[Localité 6] et Maître [H] [G] ès qualité de mandataire liquidateur à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens éventuels ;

- de débouter les autres parties de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions éventuelles ;

- de rejeter la demande de sursis à statuer formulée par Maître [H] [G] ès qualité de mandataire liquidateur ;

- d'ordonner l'exécution provisoire ;

Aux termes de ses conclusions soutenues à l'audience de jugement, Maître [H] [G] ès qualité de mandataire liquidateur a demandé au conseil de prud'hommes :

à titre principal,

- de débouter Monsieur [J] [L] de toutes ses demandes, fins et prétentions ;

à titre subsidiaire,

- de surseoir à statuer dans l'attente de toute information à solliciter de la part de Maître [M] ès qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société SEISSIGMA sur la destination et la distribution de la somme de 100'000 euros qui, selon les déclarations de Monsieur [J] [L], serait 'affectée au paiement des commissions de divers intermédiaires ayant permis la conclusion de ces contrats'

en tout état de cause,

- de condamner Monsieur [J] [L] à lui payer ès qualité de mandataire liquidateur la somme de 1 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de laisser les éventuels dépens à la charge de Monsieur [J] [L] ;

L'AGS-CGEA d'[Localité 6] n'était ni présent ni représenté en première instance.

Suivant jugement réputé contradictoire du 16 janvier 2025, le conseil de prud'hommes de Reims :

- s'est déclaré incompétent au profit du tribunal judiciaire de Reims ;

- a renvoyé l'affaire devant le tribunal judiciaire de Reims et dit que le dossier serait transmis à cette juridiction à l'expiration de la voie de recours ;

- a réservé les dépens ;

Le 8 février 2025, Monsieur [J] [L] a interjeté appel de la décision de première instance statuant uniquement sur la compétence.

Suivant ordonnance rendue le 11 février 2025, à sa requête, le premier président de la cour d'appel de Reims a autorisé Monsieur [J] [L] à faire délivrer une assignation à jour fixe sur son appel, pour l'audience du 26 mai 2025.

Par exploits de commissaire de justice en date du 13 mars 2025, Monsieur [J] [L] a fait délivrer assignation à jour fixe à Maître [H] [G] ès qualité de mandataire liquidateur de la société GP CONSTRUCTION et à l'AGS-CGEA d'[Localité 6].

Maître [H] [G] a constitué avocat.

Prétentions et moyens des parties :

Aux termes de ses conclusions notifiées par RPVA le 16 mai 2025, auxquelles en application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, Monsieur [J] [L] demande à la cour :

DE LE DÉCLARER recevable et bien fondé en son appel ;

à titre principal,

D'ANNULER le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Reims le 16 janvier 2025 ;

à titre subsidiaire

D'INFIRMER en toutes ses dispositions le jugement de première instance et notamment en ce qu'il s'est déclaré incompétent au profit du tribunal judiciaire de Reims, a renvoyé l'affaire devant le tribunal judiciaire de Reims, dit que le dossier serait transmis à cette juridiction à l'expiration de la voie de recours et a réservé les dépens ;

statuant à nouveau du chef de la compétence,

DE DÉCLARER le conseil de prud'hommes de Reims exclusivement compétent pour connaître du litige qui l'oppose à Maître [H] [G] ès qualité de mandataire liquidateur de la société GP CONSTRUCTION et à l'AGS-CGEA d'Amiens dans le cadre du contrat de travail conclu le 1er août 2019 ;

en tout état de cause, statuant sur le fond par la faculté de l'évocation ;

DE FIXER sa créance au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société GP CONSTRUCTION comme suit :

. 9 000 euros bruts de rappel de salaire au titre des avances sur commissions,

. 5 400 euros bruts de rappel de salaire au titre des primes exceptionnelles consenties par l'employeur,

. 2 253,73 euros bruts correspondant au salaire du mois d'avril 2022 au prorata temporis du 1er au 11 avril 2022 et à l'indemnité compensatrice de congés payés arrêtée à cette date ;

DE CONDAMNER l'AGS-CGEA d'[Localité 6] à garantir le paiement des sommes dues dans les limites de sa garantie ;

D'ORDONNER la rectification et la remise du bulletin de salaire pour solde, d'un reçu pour solde de tout compte conforme, au besoin sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à compter du huitième jour suivant la notification du jugement à intervenir ;

DE FIXER sa créance au passif chirographaire de la procédure de liquidation judiciaire de la société GP CONSTRUCTION à la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'absence de remise des documents de fin de contrat ;

DE CONDAMNER solidairement l'AGS-CGEA d'[Localité 6] et Maître [H] [G] ès qualité de mandataire liquidateur de la société GP CONSTRUCTION à lui payer la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

DE DÉBOUTER les autres parties de l'intégralité de leurs prétentions ;

Aux termes de ses conclusions notifiées par RPVA le 17 mai 2025, auxquelles en application de l'article 455 du code de procédure civile il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, Maître [H] [G] ès qualité de mandataire liquidateur de la société GP CONSTRUCTION demande à la cour :

DE DÉBOUTER Monsieur [J] [L] de sa demande d'annulation du jugement de première instance ;

DE CONFIRMER le jugement de première instance en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour statuer sur les demandes de condamnation dirigées contre elle ès qualité ;

D'INFIRMER le jugement en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour statuer sur les demandes de fixation de créances au passif de la société GP CONSTRUCTION ;

statuant à nouveau sur ce chef, faisant application de l'article 88 du code de procédure civile,

D'ÉVOQUER l'affaire et de déclarer la juridiction prud'homale compétente pour statuer sur les demandes de fixation de créances au passif de la liquidation judiciaire de la société GP CONSTRUCTION ;

statuant sur les demandes de fixation de créances,

à titre principal,

DE DÉBOUTER Monsieur [J] [L] de toutes ses demandes, fins et prétentions ;

à titre subsidiaire,

DE SURSEOIR à statuer dans l'attente de toute information à solliciter de la part de Maître [M] ès qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société SEISSIGMA sur la destination et la distribution de la somme de 100'000 euros qui selon les déclarations de Monsieur [J] [L] serait 'affectée au paiement des commissions de divers intermédiaires ayant permis la conclusion de ces contrats' ;

dans tous les cas,

DE CONDAMNER Monsieur [J] [L] à lui payer, ès qualité de mandataire judiciaire à la procédure de liquidation judiciaire de la société GP CONSTRUCTION, la somme de 3 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

DE LAISSER les éventuels dépens à la charge de Monsieur [J] [L] ;

L'AGS-CGEA d'[Localité 6], régulièrement assigné, n'a pas constitué avocat.

Motifs :

Sur la demande d'annulation du jugement de première instance

Monsieur [J] [L] sollicite l'annulation du jugement de première instance :

- pour défaut de motivation, le conseil de prud'hommes ayant visé les articles L622-21, L 622-22 et R 662-3 du code de commerce pour se déclarer incompétent sans aucune motivation quant à l'application de ces textes au litige,

- pour défaut de respect du contradictoire, le conseil de prud'hommes s'étant déclaré incompétent au profit du tribunal judiciaire de Reims alors qu'aucune des parties n'avait soulevé d'exception d'incompétence dans le dispositif de ses conclusions et que la question de la compétence n'avait pas été débattue lors de l'audience du 20 janvier 2024.

Maître [H] [G] es qualité de mandataire liquidateur de la société GP CONSTRUCTION sollicite le débouté de la demande d'annulation du jugement de première instance faisant valoir qu'elle a soulevé un moyen lié à l'incompétence du conseil de prud'hommes pour prononcer une condamnation à l'encontre du mandataire liquidateur sur le fondement des articles L 622-21 et L 622-22 du code de commerce.

Toutefois elle fait valoir que l'incompétence du conseil de prud'hommes devait se limiter aux demandes de condamnation formulées à son encontre, ès qualité de mandataire liquidateur et demande à la cour d'infirmer le jugement de première instance en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour statuer sur les demandes de fixation de créances au passif de la société GP CONSTRUCTION.

L'article R 1453-5 du code du travail dispose que lorsque toutes les parties comparantes formulent leurs prétentions par écrit et sont assistées ou représentées par un avocat, elles sont tenues, dans leurs conclusions, de formuler expressément les prétentions ainsi que les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées. Un bordereau énumérant les pièces justifiant ces prétentions est annexé aux conclusions. Les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif. Le bureau de jugement ou la formation de référé ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif. Les parties doivent reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et il n'est statué que sur les dernières conclusions communiquées.

L'Article 16 du code de procédure civile dispose :

Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.

Selon l'article 76 du code de procédure civile, sauf application de l'article 82-1, l'incompétence peut être prononcée d'office en cas de violation d'une règle de compétence d'attribution lorsque cette règle est d'ordre public ou lorsque le défendeur ne comparaît pas. Elle ne peut l'être qu'en ces cas.

Devant la cour d'appel et devant la Cour de cassation, cette incompétence ne peut être relevée d'office que si l'affaire relève de la compétence d'une juridiction répressive ou administrative ou échappe à la connaissance de la juridiction française.

En l'espèce, toutes les parties comparantes devant le premier juge ont formulé leurs prétentions par écrit et étaient assistées ou représentées par un avocat. Elles étaient donc tenues, dans leurs conclusions, de formuler expressément leurs prétentions ainsi que les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions était fondée conformément à l'article R1453-5 du code du travail.

Dans le dispositif de ses conclusions de première instance, Maître [H] [G] es qualité de mandataire liquidateur n'a pas soulevé l'incompétence, même partielle, du conseil de prud'hommes de Reims de sorte que le premier juge n'était pas saisi d'une telle prétention.

Il ne pouvait prononcer d'office son incompétence à défaut, en l'espèce, d'une violation d'une règle de compétence d'attribution d'ordre public.

Les parties n'ont pas été invitées à présenter leurs observations sur l'incompétence que le conseil de prud'hommes a soulevée d'office. Ce faisant, le premier juge a méconnu le principe du respect du contradictoire.

Le jugement de première instance doit donc être annulé.

Il encourt de plus fort l'annulation dans la mesure où il contrevient aux dispositions des articles 455 et 458 du code de procédure civile qui énoncent que tout jugement doit à peine de nullité exposer succinctement les prétentions des parties et leurs moyens et être motivé.

En effet, le jugement déféré ne satisfait pas à ces exigences, en ce qu'après avoir rappelé les dispositions des articles L 622-21 et L 622-22 et R 662-3 du code de commerce, il ne contient aucune motivation et énonce seulement que le conseil de prud'hommes se déclare incompétent au profit du tribunal judiciaire de Reims.

Il y a lieu, dans ces conditions, d'annuler le jugement du conseil de prud'hommes de Reims du 16 janvier 2025.

En vertu de l'alinéa 2 de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel interjeté contre ce jugement opère dévolution pour le tout, de sorte que la cour est saisie de l'entier litige.

Sur la demande de sursis à statuer

Maître [H] [G] es qualité de mandataire liquidateur sollicite un sursis à statuer, faisant valoir que la société SEISSIGMA, dont la société GP CONSTRUCTION était le courtier chargé d'assurer la prospection commerciale, a elle-même été placée en liquidation judiciaire, par le tribunal de commerce de Soissons, le 27 octobre 2022 et que par ordonnance du 26 janvier 2023, le juge commissaire du tribunal de commerce de Soissons a ordonné la cession des contrats clients en cours au profit de la société MAISON PIERRE, le franchiseur, pour 858'182 euros outre 100'000 euros affectés au paiement des commissions de divers intermédiaires ayant permis la conclusion de ces contrats.

Elle affirme que la société GP CONSTRUCTION n'était pas titulaire des contrats de construction de maisons individuelles et que les éventuelles commissions dues à Monsieur [J] [L] sont susceptibles d'être payées dans le cadre de la distribution de la somme de 100 000 euros dont il convient d'attendre que Maître [M], liquidateur judiciaire de la société SEISSIGMA, justifie.

Monsieur [J] [L] répond que la demande de sursis à statuer est dépourvue de tout fondement dans la mesure où le contrat de courtage, qu'il produit aux débats, démontre que le lien commercial qui existait entre la société GP CONSTRUCTION et la société SEISSIGMA n'a aucune incidence sur le litige qui l'oppose à son ancien employeur.

Le contrat de courtage produit aux débats démontre que le système de commercialisation de maisons individuelles sous l'enseigne Maisons Pierre se déclinait en un contrat de concession de la part de la société MAISONS PIERRE au profit de la société SEISSIGMA, par lequel elle l'autorisait à construire des maisons individuelles sous son enseigne, et un contrat de courtage de la part de la société SEISSIGMA au profit de la société GP CONSTRUCTION par lequel elle la chargeait d'assurer la prospection commerciale et de lui apporter des contrats.

Le contrat de courtage prévoit que le courtier, la société GP CONSTRUCTION, a la qualité de commerçant indépendant avec le statut fiscal et social qui lui est attaché, qu'il est responsable des moyens humains et financiers qu'il engage et qu'il est libre d'embaucher à sa guise le personnel nécessaire à la conduite de son activité.

Ainsi la somme de 100'000 euros affectée au paiement des commissions des divers intermédiaires par l'ordonnance du juge commissaire de Soissons ne pourra être destinée qu'aux co-contractants de la société SESSIGMA qui sont créanciers de cette société et dont fait partie la société GP CONSTRUCTION en tant que courtier, au titre des commissions qui lui sont restées impayées.

Les sommes dues aux salariés de la société GP CONSTRUCTION ne seront pas réglées dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société SEISSIGMA en l'absence de tout lien contractuel entre cette dernière et ces salariés.

Il n'y a donc pas lieu de surseoir à statuer.

Sur les demandes de fixation de créances au titre des rappels de salaire

Monsieur [J] [L] prétend, en vertu des dispositions de son contrat de travail, à des avances sur commissions d'un montant de 9 000 euros bruts et à des primes exceptionnelles d'un montant de 5 400 euros bruts.

Il soutient que le fait générateur de la rémunération variable est la date de signature du contrat de vente entre le client et la société GP CONSTRUCTION et précise qu'aucune somme ne lui a été réglée lors de sa démission.

Maître [H] [G] es qualité de mandataire liquidateur soutient que les avances sur commissions prévues au contrat de travail constituent des avances sur salaire dont l'acquisition définitive dépend de la réalisation d'une opération à terme qui en constitue le fait générateur. Elle soutient que les mises en chantier des immeubles, qui auraient pu fonder le versement de la deuxième partie des avances sur commissions n'ont été justifiées par Monsieur [J] [L] que le 4 décembre 2023.

Maître [H] [G] es qualité de mandataire liquidateur de la société GP CONSTRUCTION ajoute que Monsieur [J] [L] ne démontre pas la réalisation du fait générateur concernant les primes exceptionnelles.

* sur les avances sur commissions

Le contrat de travail de Monsieur [J] [L] stipule en son article 5.2 que le mois où le commercial ne réalise aucune vente et/ou ne touche aucune commission sur offres de prêt, il perçoit un revenu fixe mensuel de 1200 euros bruts.

La rémunération variable est composée de commissions sur les ventes de la marque MAISONS PIERRE et HABITAT PAR COEUR, d'une prime de mi-mois, d'une prime S3, d'une prime mensuelle à trois ventes.

Le versement des commissions se fait sous forme d'avances sur commissions en deux parties : une première partie à hauteur de 50 % le mois suivant la prise en numéro de la vente et une deuxième partie à hauteur de 50 % le mois suivant le lancement.

Le contrat de travail prévoit que les avances sur commissions ne sont définitivement acquises qu'à compter de la mise en chantier. Il ne prévoit aucune disposition quant au versement desdites avances sur commissions en cas de rupture du contrat de travail, tant à l'initiative du salarié que de l'employeur.

En conséquence l'employeur ne peut décider unilatéralement que la rémunération n'est pas due au motif que le salarié n'est plus présent dans l'entreprise.

En vertu de ces dispositions contractuelles, le fait générateur de la commission est la mise en chantier de l'immeuble puisque c'est à cette date que les avances sur commissions sont définitivement acquises.

Monsieur [J] [L] produit aux débats :

- un tableau en pièce 7 sur lequel apparaissent les noms des acquéreurs, les communes d'implantation et le modèle de maison, les dates de lancement des chantiers, toutes antérieures à l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, avec le numéro et l'avance sur commission qui correspond à l'opération,

- en pièces 15 à 22, des photographies prises entre août et novembre 2023 démontrant que les immeubles qui figurent sur le tableau en pièce 7 sont en cours de construction.

Maître [H] [G] es qualité de mandataire liquidateur de la société GP CONSTRUCTION ne démontre pas que les dates de lancement des chantiers mentionnées par Monsieur [J] [L] sont inexactes.

Les avances sur commissions dont Monsieur [J] [L] sollicite le paiement étaient donc définitivement acquises à la date d'ouverture de la liquidation judiciaire de la société GP CONSTRUCTION.

Il y a donc lieu de fixer la somme de 9000 euros au passif de la liquidation judiciaire de la société GP CONSTRUCTION au titre des avances sur commission.

* sur les primes exceptionnelles

Le contrat de travail de Monsieur [J] [L] ne prévoit rien concernant les primes exceptionnelles mais ce dernier produit aux débats un courriel, non daté, émanant de Monsieur [F] [E], directeur de la société GP CONSTRUCTION rédigé en ces termes : « bonjour [J], concernant la commercialisation des neuf terrains de [Localité 7] situés [Adresse 8], une prime exceptionnelle vous sera versée sur chaque dossier client ne vous concernant pas personnellement dans le délai d'un mois annoncé de votre exclusivité, soit jusqu'au 29 avril 2022 (date de fin d'exclusivité vous concernant). Ce montant versé sera de 1800 euros bruts, payable à la mise en fondation de chaque dossier. Un acompte préalable sera possible sur simple demande. En cas d'annulation avant mise en fondation, l'acompte éventuellement versé sera restitué. Concernant vos dossiers personnels, les termes du contrat de travail resteront inchangés. Cordialement ».

Monsieur [J] [L] sollicite le paiement d'une prime exceptionnelle de 5 400 euros au titre de la construction sur le lotissement de [Localité 7] des maisons des clients [S], [Z] et [U].

Monsieur [J] [L] produit :

- en pièce 8, un tableau mentionnant le nom des clients, le nom du vendeur, le prix de l'immeuble, le montant de la commission en brut,

- en pièces 20 à 22 des photographies en date du 27 novembre 2023 des trois immeubles en cours de construction.

Toutefois il ne justifie pas des dates de commercialisation de ces immeubles alors que le délai d'exclusivité expirait le 29 avril 2022. Dans ces conditions sa demande sera rejetée.

* au titre du salaire pour la période du 1er au 11 avril 2022 et de l'indemnité compensatrice de préavis arrêtée à cette date

Maître [H] [G] es qualité de mandataire liquidateur ne justifie pas que la société GP CONSTRUCTION a remis à Monsieur [J] [L] son solde de tout compte.

Monsieur [J] [L] produit en pièce 11 la copie de son dernier bulletin de salaire qui fait état d'une somme de 1 529,97 euros nets payée par chèque le 11 avril 2022, correspondant au salaire du mois d'avril au prorata du temps de présence et à l'indemnité compensatrice de congés payés arrêtée à cette date.

Il est toutefois établi que Monsieur [J] [L] n'a pas reçu cette somme dans la mesure où, par courrier officiel du 1er décembre 2023, le conseil de la caisse d'épargne, banque de la société GP CONSTRUCTION a informé le conseil du salarié que le chèque litigieux n'avait jamais été débité du compte de la société.

Il y a donc lieu de fixer la créance de Monsieur [J] [L] au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société GP CONSTRUCTION à la somme de 2253,73 euros bruts correspondant au salaire du mois d'avril 2022 au prorata temporis du 1er au 11 avril 2022 et à l'indemnité compensatrice de congés payés arrêtée à cette date.

Sur la demande de dommages et intérêts pour défaut de remise des documents de fin de contrat

Monsieur [J] [L] soutient que l'absence de remise des documents de fin de contrat et de règlement de son solde de tout compte, outre le non-paiement de sa rémunération variable, révèlent la mauvaise foi du dirigeant de la société GP CONSTRUCTION qui a transmis au mandataire liquidateur des éléments erronés dans l'intention de lui nuire, ce qui justifie la réparation de son préjudice à hauteur de 2000 euros.

Maître [H] [G] es qualité de mandataire liquidateur répond qu'il a été remis au salarié démissionnaire un certificat de travail daté du 11 avril 2022, une attestation pôle emploi du 11 avril 2022 et un reçu pour solde de tout compte et que dans la mesure où il ne faisait plus partie des effectifs à la date de la liquidation judiciaire, il n'y avait pas lieu de lui remettre d'autres documents.

Si un certificat de travail et une attestation pôle emploi ont bien été remis au salarié, le reçu pour solde de tout compte qu'il produit aux débats n'est pas signé. Maître [H] [G] es qualité de mandataire liquidateur ne produit pas davantage un reçu pour solde de tout compte signé par le salarié.

Il est par ailleurs établi que Monsieur [J] [L] n'a jamais été destinataire de la somme de 1 529,97 euros nets correspondant au bulletin de salaire du mois d'avril 2022.

Toutefois, Monsieur [J] [L] n'apporte pas la preuve du préjudice qu'il allègue.

Il doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

Sur la garantie de l'AGS-CGEA d'[Localité 6]

Il convient de déclarer le présent arrêt opposable à l'AGS-CGEA d'[Localité 6] et de rappeler que la garantie de l'AGS n'est due, toutes créances avancées pour le compte du salarié que dans la limite des plafonds définis notamment aux articles L3253-17, D3253-2 et D 3253-5 du code du travail et dans la limite des textes légaux définissant l'étendue de sa garantie à savoir les articles L3253-8 à L3253-13, L3253-15 et L3253-19 à L3253-24 du code du travail.

Il convient également de rappeler que l'AGS ne garantit pas les sommes allouées en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et que le cours des intérêts a été interrompu à la date de l'ouverture de la procédure collective.

Sur les autres demandes

Il y a lieu d'ordonner à Maître [H] [G] es qualité de mandataire liquidateur de remettre à Monsieur [J] [L] ses documents de fin de contrat rectifiés conformément au présent arrêt (bulletins de salaire, attestation pôle emploi, solde de tout compte).

L'astreinte n'apparaît pas nécessaire et la demande à ce titre est rejetée.

Compte tenu de la solution donnée au litige il y a lieu de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société GP CONSTRUCTION la somme de 2500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Maître [H] [G] es qualité de mandataire liquidateur de la société GP CONSTRUCTION est déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles, Monsieur [J] [L] étant lui-même débouté de sa demande de condamnation solidaire de l'AGS-CGEA d'[Localité 6] à ce titre.

Les dépens de première instance et d'appel seront passés en frais privilégiés de la procédure de liquidation judiciaire.

Par ces motifs :

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

ANNULE le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Reims le 16 janvier 2025 pour défaut de respect du contradictoire et défaut de motifs ;

Évoquant le litige et statuant,

DIT n'y avoir lieu à surseoir à statuer ;

FIXE au passif de la liquidation judiciaire de la société GP CONSTRUCTION les sommes suivantes :

. 9 000 euros bruts au titre des avances sur commissions restant dues,

. 2 253,73 euros bruts correspondant aux salaires du mois d'avril 2022 au prorata temporis du 1er au 11 avril 2022 et à l'indemnité compensatrice de congés payés arrêtée à cette date,

. 2 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

REJETTE le surplus des demandes de Monsieur [J] [L] ;

DÉBOUTE Maître [H] [G] es qualité de mandataire liquidateur de la société GP CONSTRUCTION de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

ORDONNE à Maître [H] [G] es qualité de mandataire liquidateur de remettre à Monsieur [J] [L] ses documents de fin de contrat rectifiés conformément au présent arrêt (bulletins de salaire, attestation pôle emploi, solde de tout compte) ;

REJETTE la demande d'astreinte ;

DÉCLARE le présent arrêt opposable à l'AGS-CGEA d'[Localité 6] et rappelle que la garantie de l'AGS n'est due, toutes créances avancées pour le compte du salarié que dans la limite des plafonds définis notamment aux articles L3253-17, D3253-2 et D 3253-5 du code du travail et dans la limite des textes légaux définissant l'étendue de sa garantie à savoir les articles L3253-8 à L3253-13, L3253-15 et L3253-19 à L3253-24 du code du travail.

RAPPELLE que le cours des intérêts a été interrompu à la date de l'ouverture de la procédure collective ;

JUGE que les dépens de première instance et d'appels seront passés en frais privilégiés de la procédure de liquidation judiciaire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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