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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-2, 2 septembre 2025, n° 24/02600

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 24/02600

2 septembre 2025

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 51Z

Chambre civile 1-2

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 02 SEPTEMBRE 2025

N° RG 24/02600 - N° Portalis DBV3-V-B7I-WPWK

AFFAIRE :

[J] [I] épouse [A]

...

C/

[T] [S] veuve [L]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Février 2024 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PONTOISE

N° chambre :

N° Section :

N° RG : 22/00960

Expéditions exécutoires

Copies

délivrées le : 02/09/25

à :

Me Adèle VANHAECKE

Me Sébastien TO

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DEUX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

APPELANTES

Madame [J] [I] épouse [A]

née le 20 Février 1965 à [Localité 13] (MAROC)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 8]

Représentant : Me Adèle VANHAECKE, Postulant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 168

Plaidant : Me Gautier DERAMOND DE ROUCY de la SELARL GDR AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Louis CHAILA, avocat au barreau de PARIS

S.E.L.A.R.L. CHIRURGIEN DENTISTE DU DOCTEUR [I]-[A]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 10]

[Localité 14]

Représentant : Me Adèle VANHAECKE, Postulant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 168

Plaidant : Me Gautier DERAMOND DE ROUCY de la SELARL GDR AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Louis CHAILA, avocat au barreau de PARIS

****************

INTIMES

Madame [T] [S] veuve [L]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 12]

Représentant : Me Sébastien TO de la SCP EVODROIT, Postulant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 13,

Plaidant : Me Anne BAUDOIN, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire: 13, substituée par Me Aude FLOC'HLAY, avocate au barreau du Val d'Oise

Madame [U] [L] épouse [R]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 11]

Représentant : Me Sébastien TO de la SCP EVODROIT, Postulant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 13,

Plaidant : Me Anne BAUDOIN, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire: 13, substituée par Me Aude FLOC'HLAY, avocate au barreau du Val d'Oise

Madame [K] [L]

de nationalité Française

[Adresse 16]

[Localité 9] (SUISSE)

Représentant : Me Sébastien TO de la SCP EVODROIT, Postulant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 13,

Plaidant : Me Anne BAUDOIN, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire: 13, substituée par Me Aude FLOC'HLAY, avocate au barreau du Val d'Oise

Monsieur [O] [L]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentant : Me Sébastien TO de la SCP EVODROIT, Postulant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 13,

Plaidant : Me Anne BAUDOIN, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire: 13, substituée par Me Aude FLOC'HLAY, avocate au barreau du Val d'Oise

Madame [G] [L]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentant : Me Sébastien TO de la SCP EVODROIT, Postulant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 13,

Plaidant : Me Anne BAUDOIN, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire: 13, substituée par Me Aude FLOC'HLAY, avocate au barreau du Val d'Oise

S.C.I. [L]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 7]

[Localité 12]

Représentant : Me Sébastien TO de la SCP EVODROIT, Postulant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 13,

Plaidant : Me Anne BAUDOIN, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire: 13, substituée par Me Aude FLOC'HLAY, avocate au barreau du Val d'Oise

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 01 Avril 2025, Monsieur Philippe JAVELAS, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe JAVELAS, Président,

Madame Anne THIVELLIER, Conseillère,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseillère,

qui en ont délibéré,

Greffière en pré-affectation, lors des débats et du prononcé de la décision : Madame Bénédicte NISI,

EXPOSE DU LITIGE

Une société civile immobilière [L] a été créée en 1992 entre les époux, Mme [T] [S] et M. [V] [L].

[V] [L] est décédé le 13 janvier 2008.

Ses parts sociales ont été réparties entre ses épouses et ses quatre enfants, comme suit :

* Mme [S], épouse [L] : 5 334 parts,

* Mme [J] [I] épouse [A] : 5 333 parts,

* indivision [L] : 5 333 parts.

Par acte sous seing privé du 1er août 1994, la société [L] a consenti à la SCM [L] [L]-[S]-[H], un bail professionnel portant sur des locaux situés sis [Adresse 10] à [Localité 15].

Une convention de mise à disposition a été conclue le 11 octobre 2000, entre Mme [J] [I], épouse [A], et la société civile de moyens des docteurs [L] - [S]-[L] - [H]. La durée de la convention a été fixée à 22 mois et 20 jours, puis prolongée par avenant du 11 juillet 2002 pour une durée de 10 ans.

La SELARL de chirurgien dentiste du docteur [I]-[A], qui se prévaut de l'existence d'un bail professionnel à son profit, a réglé, à compter du 1er janvier 2019 des loyers correspondant à la surface qu'elle occupe effectivement, soit les 2/3 des locaux.

La gérante de la SCI a consigné l'ensemble des loyers à compter du 1er décembre 2020.

Les associés de la SCI, lors de l'assemblée générale du 29 novembre 2021(,) ont adopté à la majorité la résolution suivante :

' Par acte sous seing privé en date du 1er août 1994, la SCI [L] a donné à bail à la SCM [L]-[L]/[S] - [H] des locaux détenus par la SCI [L].

L'article 2 du bail prévoit que la durée est fixée à 6 ans.

Cet article stipule que la SCI peut 'donner congé pour l'échéance du bail, à la condition de le justifier par l'un des motifs prévus par la loi, à savoir sa décision de vendre, de le reprendre pour motif légitime et sérieux, notamment l'inexécution de l'une des obligations incombant au locataire, après mise en demeure restée sans effet. Le congé doit être donné moyennant un préavis de six mois délivré par lettre recommandée avec accusé de réception'.

Compte tenu des impayés de la SCM (dette actualisée à hauteur de 81 496 euros), l'assemblée générale décide de ne pas faire droit au renouvellement tacite du bail au 31 juillet 2024".

Par actes sous seing privé délivrés en date des 1er, 3 et 10 février 2022, la société de chirurgien dentiste du docteur [I]-[A] et Mme [A] ont fait assigner la société civile immobilière [L], Mme [S], Mmes [L], M. [L] devant le tribunal judiciaire de Pontoise aux fins d'obtenir :

- la caractérisation de l'existence d'un bail professionnel entre la société de chirurgien dentiste du docteur [I]-[A] et la société [L] s'agissant des locaux sis [Adresse 10] à [Localité 14],

- dire que ledit bail a été conclu aux clauses et conditions du contrat de bail liant précédemment la société [L] et la société des docteurs [L] - [S]-[L] - [I]-[A],

- dire que ledit bail porte sur l'occupation des locaux professionnels à l'exception d'un bureau laissé vacant,

- dire que ledit bail a pris effet le 1er janvier 2019 moyennant un loyer mensuel de 3 000 TTC,

A titre subsidiaire,

- constater l'abus de majorité commis par Mme [S] et 'l'indivision [L]' prise en la personne de Mme [S], de Mmes [L], de M. [L],

En conséquence,

- prononcer la nullité des décisions prises au cours de l'assemblée générale extraordinaire du 29 novembre 2021,

- débouter la société [L], Mme [S], Mmes [L], M. [L], de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions tant infondées qu'injustifiées,

- condamner Mme [S] au paiement de la somme de 3 000 euros à Mme [I]-[A] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [S] aux entiers dépens.

Par jugement contradictoire du 6 février 2024, le tribunal judiciaire de Pontoise a :

- reçu Mme [L] en son intervention volontaire,

- débouté la société de chirurgien dentiste du docteur [I]-[A] et Mme [I] de l'ensemble de leurs demandes,

- condamné in solidum la société de chirurgien dentiste du docteur [I]-[A] et Mme [I] à payer à la société [L], Mme [S], Mmes [L] et M. [L] la somme globale de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum la société de chirurgien dentiste du docteur [I]-[A] et Mme [I] aux dépens,

- rappelé que l'exécution provisoire de la présente décision était de droit.

Par déclaration reçue au greffe le 22 avril 2024, la société de chirurgien dentiste du docteur [I]-[A] et Mme [I] a relevé appel de ce jugement.

Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 11 mars 2025, la société de chirurgien dentiste du docteur [I]-[A] et Mme [I], appelants, demandent à la cour de :

A titre principal,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Pontoise le 6 février 2024 en ce qu'il:

* les a déboutés de l'ensemble de leurs demandes ;

* les a condamnés in solidum à payer à la société [L], Mme [S], Mmes [L] et M. [L] la somme globale de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* les a condamnés in solidum aux dépens,

En conséquence, statuant à nouveau,

- caractériser l'existence d'un bail professionnel entre eux et la société [L] s'agissant des locaux sis [Adresse 10], à [Localité 14],

- dire que ledit bail a été conclu aux clauses et conditions du contrat de bail liant précédemment la société [L] et la société des docteurs [L] - [S]-[L] - [I]-[A],

- dire que ledit bail porte sur l'occupation des locaux professionnels à l'exception d'un bureau laissé vacant,

- dire que ledit bail a pris effet le 1er janvier 2019 moyennant un loyer mensuel de 3 000 euros T.T.C,

A titre subsidiaire,

- constater l'abus de majorité commis par Mme [S] et « l'indivision [L] » prise en la personne de Mme [S], de Mmes [L] et M. [L],

En conséquence,

- prononcer la nullité des décisions prises au cours de l'assemblée générale extraordinaire du 29 novembre 2021,

En tout état de cause,

- débouter la société [L], Mme [S], Mmes [L] et M. [L] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions tant infondées qu'injustifiées,

- condamner Mme [S] au paiement de la somme de 3 000 euros à Mme [I]-[A] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [S] aux entiers dépens.

Aux termes de leurs conclusions signifiées le 25 février 2025, la société [L], Mmes [L] et M. [L], intimés, demandent à la cour de :

- déclarer irrecevable et infondé l'appel de la société de chirurgien dentiste du docteur [I]-[A] et Mme [I],

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Pontoise en date du 6 février 2024 en ce qu'il a :

* debouté la société de chirurgien dentiste du docteur [I]-[A] et Mme [I] de l'ensemble de leurs demandes,

* condamné in solidum la société de chirurgien dentiste du docteur [I]-[A] et Mme [I] à leur payer la somme globale de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné in solidum société de chirurgien dentiste du docteur [I]-[A] et Mme [I] aux dépens,

En conséquence,

- déclarer les demandes de la société de chirurgien dentiste du docteur [I]-[A] et Mme [I] irrecevables et infondées,

- débouter la société de chirurgien dentiste du docteur [I]-[A] et Mme [I] de l'ensemble de leurs demandes,

- condamner solidairement Mme [I]-[A] et la société de chirurgien dentiste du docteur [I]-[A] à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance,

- condamner solidairement la société de chirurgien dentiste du docteur [I]-[A] et Mme [I] aux entiers dépens,

- condamner solidairement la société de chirurgien dentiste du docteur [I]-[A] et Mme [I] à leur payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la présente procédure d'appel,

- condamner solidairement la société de chirurgien dentiste du docteur [I]-[A] et Mme [I] aux entiers dépens d'appel.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 13 mars 2025.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I) Sur l'existence d'un bail professionnel

Les appelantes font grief aux premiers juges de les avoir déboutées de leur demande visant à voir reconnaître l'existence d'un bail professionnel conclu entre la société de chirurgien dentiste du docteur [I]-[A] et la société civile immobilière [L] en raison du fait que :

- le bail professionnel du 1er août 1994 liant la SCI [L] et la société civile de moyens [L]-[L]/[S]- [H] n'a jamais été résilié,

- la volonté de Mme [T] [S] de recouvrer le paiement des loyers auprès de la SCM, matérialisée par l'envoi d'une mise en demeure, le 2 novembre 2020, est incompatible avec l'acquiescement d'accueillir un nouveau locataire dans le cadre d'un nouveau bail.

Poursuivant l'infirmation de ce chef du jugement, les appelantes exposent à la cour que :

- nonobstant l'article 57 de la loi du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l'investissement locatif, qui prévoit l'existence d'un écrit, la démonstration de l'existence d'un bail professionnel peut se faire par tous moyens,

- Mme [T] [S], pendant plus de deux ans, a perçu et accepté les loyers correspondant à une occupation effective de 2/3 des locaux médicaux pour une somme de 3 000 euros toutes taxes comprises et un tel comportement, non équivoque, caractérise la résiliation tacite du bail précédent et l'acquiescement à la conclusion d'un nouveau bail avec la société [I]-[A],

- les parties se sont accordées sur :

* l'objet du bail : la location de l'intégralité du cabinet médical, à l'exception d'un bureau vide et inoccupé, qui était l'ancien bureau de Mme [S] depuis son départ à la retraite,

* le loyer : 3 000 euros eu égard à l'occupation effective des lieux,

* les autres stipulations contractuelles : le bail s'est conclu aux clauses et conditions du précédent bail,

La société civile immobilière [L] et l'indivision [L] de répliquer que :

- les demandes des appelantes sont irrecevables en raison de leur libellé ' caractériser l'existence', 'dire que' (,) elles ne constituent pas des prétentions au sens juridique du terme,

- les appelantes ne justifient d'aucun contrat de bail écrit, conformément aux dispositions de l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986, alors même qu'il existe un contrat de bail écrit toujours en cours conclu en 1994 avec la SCM [L], et pour lequel aucune novation n'est intervenue,

- subsidiairement, les appelantes ne démontrent nullement l'existence d'un bail, dès lors qu'aucun accord de volonté entre les parties n'est caractérisé, le règlement des loyers dont se prévalent les appelantes par un tiers n'emportant pas résiliation du bail en cours et conclusion d'un nouveau bail.

Réponse de la cour

La demande des intimées visant à voir déclarer irrecevables les demandes des intimées, en raison du libellé de ces demandes dans le dispositif, ne peut prospérer.

En effet, si les demandes de ' constater' ou de 'dire et juger' ne constituent effectivement pas, en principe des prétentions, il incombe au juge d'interpréter la formulation des prétentions des parties qui peuvent se dissimuler derrière une demande de ' dire et juger' ou de ' constater' (Cass. 2ème civ. 13 avril 2023, n°21-21.463) et, en l'espèce, les formulations de ' caractériser l'existence d'un bail' , ' dire que ledit bail a été conclu aux clauses et conditions du précédent bail', ' dire que ledit bail a pris effet le 1er janvier 2019 moyennant un loyer mensuel de 3000 euros toutes taxes comprises' constituent bien des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile, de sorte que la cour ne saurait, sans faire preuve d'un formalisme excessif, les déclarer irrecevables.

Au fond, selon les termes de l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986,

'Le contrat de location d'un local affecté à un usage exclusivement professionnel est conclu pour une durée au moins égale à six ans. Il est établi par écrit.'

Il résulte de ce texte que le bail doit être obligatoirement établi par écrit.

Toutefois, si, contrairement aux prescriptions de la loi dont les dispositions sont, en l'espèce d'ordre public, les parties concluaient un bail purement verbal, ce bail n'est pas nul et ne fait pas obstacle à l'application de l'article 57 -A de la loi du 23 décembre 1986 (Cass. 1re civ., 24 avr. 2013, n° 11-26.597).

Il s'ensuit que le seul fait que les appelantes ne puissent, en l'espèce, se prévaloir d'un contrat écrit ne suffit pas à écarter l'existence d'un bail professionnel.

Pour autant, les premiers juges ont pertinemment débouté Mme [A] et la société chirurgien dentiste du docteur [A] de leur demande visant à voir constater l'existence d'un bail professionnel, après avoir relevé que :

- un bail professionnel, conclu le 1er août 1994, entre la société civile immobilière [L] et la société civile de moyens [L]- [L]/[S] et [H], était toujours en cours, sans que le non-renouvellement du bail à son échéance du 31 juillet 2024 ne soit de nature à remettre en cause la solution dégagée par les premiers juges.

- le souhait de Mme [T] [S] de mettre un terme à ce bail n'était point démontrée, la volonté de cette dernière de recouvrer les loyers auprès de la SCM et les termes de la lettre de mise en demeure adressée à cette fin le 2 novembre 2020 à Mme [A] - ' la SELARL [A] que vous paraissez avoir de fait substituée à la SCM locataire' étant, au contraire, incompatibles avec l'acceptation d'un nouveau locataire, dans le cadre d'un nouveau bail portant sur des locaux sensiblement réduits, et alors même que Mme [S] réclamait dans le même courrier le paiement des loyers concernant la totalité de la surface mentionnée dans le bail en cours du 1er août 1994.

Les moyens développés par Mme [A] et la SELARL de chirurgien dentiste du docteur [A], au soutien de leur appel principal, ne font que réitérer sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation, étant, par ailleurs, rappelé que le paiement, même partiel, des loyers par un tiers au contrat ne saurait emporter résiliation d'un bail en cours et conclusion d'un nouveau bail.

Le jugement contesté sera, par suite, confirmé en ce qu'il a décidé que la SELARL de chirurgien dentiste du docteur [I]-[A] ne pouvait se prévaloir utilement de l'existence d'un bail professionnel.

II) Sur la nullité de l'assemblée générale de la société civile immobilière du 29 novembre 2021

Les appelantes font grief à la décision déférée d'avoir rejeté leur demande d'annulation de l'assemblée générale du 29 novembre 2021, en raison du fait qu'il était dans l'intérêt social de la SCI [L] de mettre fin au bail la liant à la SCM, afin d'éviter un accroissement de la dette de loyer, déjà très importante, et que Mme [A] n'avait jamais formellement contesté le départ de Mme [L] et ne pouvait, dès lors, contester une diminution de la surface des locaux utilisés.

Elles soutiennent, devant la cour, que la résolution adoptée par l'assemblée générale extraordinaire du 29 novembre 2021 visant à résilier le bail entre la SCI et la SCM constitue un abus de majorité de la famille [L]-[S], est contraire à l'intérêt social de la société, dès lors qu'il sera très difficile à la SCI de trouver un nouveau locataire au même loyer pour les locaux litigieux en mauvais état et dans un contexte de chute des loyers commerciaux, et n'a été adoptée que dans le but de nuire à Mme [A], qui a été mise devant le fait accompli par la décision unilatérale et abusive de Mme [T] [S] de quitter son bureau et la SCM.

Les bailleresses intimées de rétorquer qu'aucun abus de majorité n'est constitué, dès lors que :

- la décision de l'assemblée générale du 29 novembre 2021 n'a eu aucune conséquence immédiate puisqu'elle n'a pas résilié le bail, mais seulement décidé de ne pas le renouveler à son échéance, le 31 juillet 2024,

- le non-renouvellement du bail permettrait de conclure un nouveau bail avec un locataire réglant effectivement ses loyers, sans que les allégations de Mme [A] selon lesquelles la SCI aurait le plus grand mal à trouver un nouveau locataire à l'échéance du bail, soient démontrées,

- les conséquences de la décision sont rigoureusement les mêmes pour l'ensemble des associés,

- Mme [A] ne peut se prétendre victime de la situation, alors même qu'elle ne règle que les 2/3 des loyers et qu'elle n'a jamais contesté le retrait de Mme [S], consécutif à un départ en retraite annoncé de longue date.

Réponse de la cour

Une délibération ne saurait être annulée pour abus de majorité que s'il est établi qu'elle a été prise contrairement à l'intérêt général de la société et dans l'unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment des membres de la minorité (Cass. com. 24 mai 2016,n° 14-28.121).

L'abus de majorité ne se présume pas. Il faut en démontrer l'existence.

Au cas d'espèce, la décision de pas renouveler à son échéance le bail existant entre la SCM et la SCI a, comme l'ont pertinemment relevé les premiers juges, une cause légitime : la volonté de ne pas accroître une dette de loyer déjà importante, et était, de ce fait, dictée par l'intérêt social.

Il n'est pas, au reste, pas établi par les appelantes à qui cette preuve incombe, que cette décision serait contraire à l'intérêt de la société civile immobilière ni même qu'elle méconnaîtrait les exigences de bonne gestion sociale, les allégations des appelantes selon lesquelles la SCI éprouverait des difficultés à trouver un autre locataire à l'échéance du bail n'étant nullement démontrées.

Il n'est pas davantage établi que la décision litigieuse aurait été prise dans l'unique dessein de favoriser les associés majoritaires au détriment de l'associée minoritaire, la décision litigieuse ne procurant aucun avantage aux associés majoritaires qui l'ont votée, dès lors que les conséquences de la décision, à savoir l'absence de renouvellement du bail à son échéance, sont analogues pour la totalité des associés.

L'abus de majorité invoqué n'étant pas caractérisé, la cour confirmera la décision déférée en son chef ayant rejeté la demande d'annulation de l'assemblée générale de la SCI du 29 novembre 2021.

III) Sur les dépens

La société de chirurgien dentiste du docteur [I]-[A] et Mme [J] [I]- [A], qui succombent, seront condamnés aux dépens d'appel, les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens de première instance et aux frais irrépétibles non compris dans ces mêmes dépens étant, par ailleurs, confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant

Déboute la société de chirurgien dentiste du docteur [I]-[A] et Mme [J] [I], épouse [A], de la totalité de leurs demandes;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum la société de chirurgien dentiste du docteur [I]-[A] et Mme [J] [I], épouse [A], à payer à Mme [T] [S], veuve [L], Mme [U] [L], veuve [R], Mme [K] [L], M. [O] [L], et Mme [G] [L] une indemnité de 4 000 euros ;

Condamne in solidum la société de chirurgien dentiste du docteur [I]-[A] et Mme [J] [I], épouse [A], aux dépens de la procédure d'appel,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Bénédicte NISI, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière, Le Président

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