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CA Paris, Pôle 4 - ch. 1, 5 septembre 2025, n° 23/14965

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 23/14965

5 septembre 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 1

ARRÊT DU 05 SEPTEMBRE 2025

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/14965 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIG5H

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Juillet 2023 - Tibunal judiciaire hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 7] - RG n° 20/04960

APPELANT

Monsieur [T] [X] né le 13 Avril 1944 à [Localité 7],

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représenté par Me Benjamin MOISAN de la SELARL BAECHLIN MOISAN Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : L34 assisté de Me Laure HUE DE LA COLOMBE de la SELAS SELAS VALSAMIDIS AMSALLEM JONATH FLAICHER et ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : A0313

INTIMÉES

S.A.R.L. BARRIER COLLECTIONS représentée par la SELAFA MJA en la personne de Me [Z] LELOUP-THOMASEs qualité de mandataire ayant pour mission de poursuivre les instances en cours désignée par le Jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 20 octobre 2022

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Martine CHOLAY, avocat au barreau de PARIS, toque : B0242 assistée de Me Romuald COHANA de la SELARL SHARP, avocat au barreau de PARIS, toque : A387

S.C.I. BOETIE SAINT HONORE,, immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 775.670.169, dont le siège social est situé [Adresse 2], représenté par son administrateur provisoire, Maître [P] [O], dont l'Etude est sise à 75007 PARIS - 47 bis avenue Bosquet, fonction à laquelle elle a été désignée suivant jugement rendu le 13 novembre 2018 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS,

Représentée par Me Philippe THOMAS COURCEL de la SELARL CABINET THOMAS-COURCEL BLONDE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0165

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 mai 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant M. Claude CRETON, président,magistrat honoraire, du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Ange SENTUCQ , présidente de chambre

Nathalie BRET, conseillère

Claude CRETON, président, magistrat honoraire

Greffier, lors des débats : Marylène BOGAERS.

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour initialement prévue le 04 juillet 2025 prorogé au 05 septembre 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre et par Marylène BOGAERS, greffier, présent lors de la mise à disposition.

******

Conclusions [X] : 21 mai 2024

Conclusions société Barbier collections : 23 janvier 2025

Clôture : 15 mai 2025

La SCI La Boétie-Saint [Adresse 6] était propriétaire dans l'immeuble situé à [Adresse 8] et [Adresse 1] de différents lots.

Condamnée à payer une certaine somme au titre des charges de copropriété au syndicat des copropriétaires, qui lui a fait délivrer un commandement de payer valant saisie immobilière, elle a cherché à vendre ces lots. La société Barrier collections, exerçant une activité de vente et achat de bijoux et d'horlogerie de luxe a transmis à M. [X], avocat de la SCI La Boétie-Saint Honoré, une offre d'achat de Mme [K] au prix de 4 900 000 euros puis une offre d'achat du même montant de la société Groupe PRI. La vente au prix de 4 900 000 euros ayant été autorisée par l'assemblée générale de la SCI La Boétie-Saint Honoré, une promesse de vente a été conclue avec la société Groupe PRI le 29 novembre 2016. La SCI La Boétie-Saint Honoré était représentée par son gérant, M. [I], qui avait donné procuration à M. [X].

La superficie du bien étant inférieure de plus de 5 % à celle indiquée dans la promesse, M. [X], déclarant agir en qualité de mandataire de la SCI La Boétie-Saint Honoré, afin d'éviter une remise en cause du prix de vente qui avait été convenu, a informé la société Barrier collections que la SCI La Boétie-Saint Honoré acceptait de prendre en charge ses honoraires d'un montant de 300 000 euros HT, ainsi que les frais exposés par la société Groupe PRI, si celle-ci 'accepte irrévocablement la surface loi Carrez de l'appartement objet de la vente telle que mentionnée dans la promesse de vente du 29 novembre 2016, soit 574,38 m² + chambre de service 18,44 m²'.

La vente a été conclue le 28 février 2017 au prix de 4 900 000 euros avec la société PGC développement, qui s'était substituée à la société Groupe PRI comme l'autorisait la promesse.

Faisant valoir que sa rémunération ne lui a pas été réglée, la société Barrier collections a assigné la SCI La Boétie-Saint Honoré et M. [X] et sollicité la condamnation à titre principale de celle-là à lui payer la somme de 330 000 TTC et de celui-ci à titre subsidiaire.

La société Barrier collections ayant été placée en liquidation judiciaire le 24 janvier 2019, l'instance a été reprise par son liquidateur judiciaire.

Par jugement du 28 juillet 2023, le tribunal judiciaire de Paris, après avoir rejeté les fins de non-recevoir soulevées par la SCI La Boétie-Saint Honoré et par M. [X], a déclaré recevable les demandes de la société Barrier collections, déclaré nul l'accord conclu le 15 février 2017 entre la SCI La Boétie-Saint Honoré, représentée par M. [X], et la société Groupe PRI, rejeté la demande en paiement de la somme de 330 000 euros formée par la société Barrier collections contre la SCI La Boétie-Saint Honoré, condamné M. [X] à payer à la société Groupe PRI la somme de 330 000 euros, outre les les intérêts au taux légal, capitalisés annuellement, et rejeté les demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a retenu que la procuration donnée par le gérant de la SCI Boétie-Saint Honoré lui donnait le pouvoir, conformément à la décision de l'assemblée générale de la SCI, de conclure la vente au prix de 4 900 000 euros, frais, émoluments et droits étant à la charge de l'acquéreur, sans possibilité de négocier une baisse de prix ; qu'en l'absence de ratification par la SCI de l'engagement pris en son nom par M. [X], il a débouté la société Barrier collections de ses demandes contre la SCI Boétie-Saint Honoré et condamné M. [X], qui a excédé ses pouvoirs, au paiement de la somme de 330 000 euros TTC.

M. [X] a interjeté appel de ce jugement dont il sollicite l'infirmation en ce qu'il a rejeté les fins de non-recevoir qu'il a soulevées et l'a condamné à payer à la société Barrier collections la somme de 330 000 euros, augmentée des intérêts capitalisés annuellement et aux dépens et en ce qu'il a rejeté sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il demande à la cour :

- à titre principal, de déclarer irrecevable l'action de la société Barrier collections et de la débouter en conséquence de ses demandes ;

- à titre subsidiaire, de débouter la société Barrier collections et la SCI La Boétie-Saint Honoré de leurs demandes ,

- à titre plus subsidiaire, de juger que la SCI La Boétie-Saint Honoré est seule tenue au paiement des sommes dues à la société Barrier collections ;

- de condamner la société Barrier collections à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour conclure à l'irrecevabilité de l'action de la société Barrier collections, il fait valoir que celle-ci a exercé une activité d'intermédiation immobilière qui est illicite faute de respect des règles d'ordre public de la loi du 2 janvier 1970, notamment l'absence de carte professionnelle d'agent immobilier, de mandat pour effectuer la transaction litigieuse et de tenue d'un registre des mandats. Il soutient que la société Barrier collections ne peut prétendre échapper à ces obligations au motif que son entremise a été ponctuelle puisque, pour la même opération, il s'est fait rémunérer par plusieurs personnes et qu'en outre elle ne peut soutenir avoir agi en qualité d'apporteur d'affaires qui supposerait qu'elle ait été mandatée par un tiers à l'acte de vente.

Pour contester le bien fondé de la demande, M. [X] explique d'abord que si la société Barrier collections avait mis en contact le vendeur et la société Groupe PRI, la vente a été finalement conclue avec la société PGC développement, qui s'est substituée à cette dernière sans intervention de la société Barrier collections. Il ajoute que l'accord du 15 février 2017 prévoyait 'le règlement de la facture d'honoraires de la société Barrier collections à hauteur de 300 000 euros HT' à la condition que 'la société Groupe PRI accepte irrévocablement la surface loi Carrez de l'appartement objet de la vente telle que mentionnées dans la promesse de vente du 29 novembre 2016, soit 574,38 m² + chambre de service 18,44 m²', condition qui n'a pas été remplie puisque la société Groupe PRI a refusé non seulement de maintenir le prix mais également d'acquérir le bien.

Il soutient ensuite que l'accord du 15 février 2017 encourt la nullité puique, exerçant illégalement une activité d'intermédiaire immobilier, la société Barrier collections, qui ne justifie pas d'un mandat, ne peut prétendre au paiement d'une commission.

A titre subsidiaire, M. [X] expose que la société Barrier collections, qui a produit elle-même la procuration, et la société Groupe PRI, qui était signataire de la promesse de vente à laquelle cette procuration était jointe, avaient ainsi connaissance de l'étendue de ses pouvoirs. Il déclare avoir agi dans les limites de son mandat, de sorte que s'il est jugé que la rémunération est due à la société Barrier collections, seule la SCI La Boétie-Saint Honoré sera tenue au paiement de cette rémunération.

Il fait également valoir que, dans l'hypothèse où il serait jugé qu'il a excédé les pouvoirs que lui avait confié M. [I] en qualité de gérant de la SCI La Boétie-Saint Honoré, celui-ci a ratifié l'engagement qu'il a pris envers la société Barrier collections. Il conteste l'affirmation du tribunal qui a considéré que seule l'assemblée générale de la SCI La Boétie-Saint Honoré pouvait ratifier cet engagement. Il soutient que cet engagement n'a pas eu pour conséquence une baisse du prix de vente qui avait été précédemment voté par l'assemblée générale mais, au contraire, a permis de conclure l'acte de vente au prix initialement fixé alors que la moindre superficie du bien par rapport à celle mentionnée dans la promesse permettait à l'acquéreur d'obtenir une réduction proportionnelle du prix.

Plus subsidiairement encore, M. [X] explique avoir conclu l'engagement du 15 octobre 2017 en qualité de mandataire de la SCI La Boétie-Saint Honoré et n'avoir pas contracté d'engagement personnel et ajoute que sa responsabilité délictuelle ne peut en outre pas être engagée puisque a société Barrier collections avait connaissance de la procuration que lui avait donné la SCI La Boétie-Saint Honoré et, par conséquent, de ses pouvoirs.

La société Barrier collections conclut à titre principal à la confirmation. A titre subsidiaire il conclut à son infirmation en ce qu'il a déclaré nul l'accord conclu le 15 février 2017 et rejeté la demande de condamnation de la SCI La Boétie-Saint Honoré à lui payer la somme de 330 000 euros TTC et demande à la cour de condamné celle-ci à lui payer la somme de 275 000 euros HT, soit 330 000 euros TTC, outre les les intérêts au taux légal à compter du 20 février 2017. Il réclame en outre la condamnation de M. [X] et de la SCI La Boétie-Saint Honoré chacun à lui payer la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La SCI La Boétie-Saint Honoré n'a pas conclu. Par message du 1er mars 2025, son avocat a informé la cour que la mission de son administrateur provisoire a pris fin le 13 novembre 2023 et que depuis cette date elle n'avait plus de représentant.

MOTIFS DE L'ARRÊT

1 - Sur la recevabilité de l'action de la société Barrier collections

Considérant que l'illicéité de l'activité d'intermédiation de la société Barrier collections, à la supposer établie est seulement de nature à entraîner le rejet de sa demande de rémunération et est sans incidence sur la recevabilité de son action ;

2 - Sur le bien fondé de sa demande

Considérant que les dispositions de la loi du 2 janvier 1970 limitant l'exercice de l'activité d'intermédiaire pour l'achat, la vente, la recherche d'immeubles aux titulaires d'une carte d'activité professionnelle ne s'applique qu'aux personnes physiques ou morales qui se livrent d'une manière habituelle à ces opérations ; que si la société Berrier collections a transmis à la SCI La Boétie-Saint Honoré, qui cherchait à vendre les biens litigieux, les offres d'achat de Mme [K] et de la société Groupe PRI, ces deux offres portaient sur le même bien et il n'est pas démontré qu'elle s'est entremise dans d'autres opérations immobilières ; que s'agissant d'une activité ponctuelle, la loi du 2 janvier 1970 ne lui est pas applicable ;

Considérant que la société PGC développement s'étant substituée à la société Groupe PRI, qui avait été signataire de la promesse et dont l'offre d'achat avait été transmise à la SCI La Boétie-Saint Honoré par la société Berrier collections, il est ainsi établi que la vente a été conclue grâce à l'intervention de cette dernière qui est ainsi fondée à obtenir rémunération de sa prestation ;

Considérant que le 15 février 2017, M. [X], agissant en qualité de mandataire de la SCI La Boétie-Saint Honoré, a proposé à la société Barrier collections la prise en charge par la SCI La Boétie-Saint Honoré de sa facture d'honoraires d'un montant de 300 000 euros HT, en contrepartie de l'engagement de la société Groupe PRI de renoncer à réclamer une réduction du prix correspondant à la moindre superficie du bien ; qu'il est constant que cet engagement a été accepté par la société Berrier collections ; que la vente ayant été conclue au prix initialement conveneu de 4 900 000 euros, sans que la société PGC développement n'ait réclamé une réduction du prix, la condition à laquelle était soumis l'engagement du 15 octobre 2017 a été respectée ; que par lettre adressée le 29 juin 2018 à M. [X], M. [I], en qualité de gérant de la SCI La Boétie-Saint Honoré, 'confirme lui avoir donné mandat de négocier avec le bénéficiaire de la promesse de vente, la société Groupe PRI, l'acceptation irrévocable par elle de ne pas contester la surface loi Carrez portée à l'acte notariée...' ; qu'il ajoute que '(sa) proposition du 15 février 2017 établie à quelques jours de la date d'expiration de la promesse de vente, était amplement justifiée et en tant que besoin, je la ratifie totalement' ; qu'il apparaît ainsi que l'engagement du 15 février 2017 au nom de la SCI La Boétie-Saint Honoré a été pris par M. [X] dans les limites de ses pouvoirs ; qu'il en résulte que la SCI La Boétie-Saint Honoré s'est engagée envers la société Barrier collections à lui payer la somme de 330 000 euros TTC au titre de sa rémunération ; qu'il convient d'infirmer le jugement qui a condamné M. [X] au paiement de cette somme et de condamner la SCI La Boétie-Saint Honoré ;

PAR CES MOTIFS :

Infirme le jugement, mais seulement en ce qu'il déclare nul l'accord conclu le 15 février 2015 entre la SCI La Boétie-Saint Honoré et la société Groupe PRI , rejette la demande en paiement de la somme de 330 000 euros TTC de la société Barrier collections contre la SCI La Boétie-Saint Honoré, condamne M. [X] à payer à la société Barrier collections la somme de 330 000 euros TTC, avec les intérêts au taux légal à compter du jugement et capitalisation annuelle des intérêts, condamne M. [X] aux dépens ;

Statuant à nouveau,

Déboute la société Barrier collections de sa demande contre M. [X] ;

Condamne la SCI La Boétie-Saint Honoré à payer à la société Barrier collections la somme de 330 000 euros TTC, outre les les intérêts au taux légal à compter du 21 juin 2018, date de l'assignation, avec capitalisation annuelle ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SCI La Boétie-Saint Honoré à payer à M. [X] la somme de 5 000 euros et à la société Barrier collections, représentée par son liquidateur judiciaire, la somme de 5 000 euros ;

Condamne la SCI La Boétie-Saint Honoré aux dépens qui pourront être recouvrés directement, pour ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision, par la SELAS Valsamidis Amsallem Jonath Flaicher et associés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER,

LA PRÉSIDENTE,

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