CA Versailles, ch civ.. 1-4 copropriete, 3 septembre 2025, n° 23/00694
VERSAILLES
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 72F
Ch civ. 1-4 copropriété
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 03 SEPTEMBRE 2025
N° RG 23/00694 - N° Portalis DBV3-V-B7H-VU7Q
AFFAIRE :
S.A. ALLIANZ IARD
C/
[C] [Y]
et autres
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Décembre 2022 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 23]
N° RG : 19/01826
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Philippe MARINO,
Me France CHAUTEMPS,
Me Franck LAFON,
Me Laure BRACQUEMONT
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TROIS SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A. ALLIANZ IARD
[Adresse 2]
[Localité 13]
Représentant : Me Philippe MARINO ANDRONIK de la SCP DORVALD MARINO, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0143
APPELANTE
****************
Madame [C] [Y] épouse [I]
[Adresse 20]
[Localité 12]
Représentant : Me France CHAUTEMPS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS
SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DU [Adresse 4], représenté par son syndic en exercice le Cabinet AGENCE METAYER - ORPI, dont le siège sociale est sise [Adresse 8], elle-même prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 15]
Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 et Me Laurence GUEGAN-GELINET, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0748
S.A. SOCIETE ANONYME DE DEFENSE ET D'ASSURANCE - SADA
[Adresse 11]
[Localité 10]
Représentant : Me Laure BRACQUEMONT de la SELEURL LBCA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2364
INTIMÉS
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 Juin 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Cécile MOULIN-ZYS, Conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Raphaël TRARIEUX, Président,
Madame Séverine ROMI, Conseillère,
Madame Marie-Cécile MOULIN-ZYS, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Kalliopi CAPO-CHICHI,
****************
FAITS & PROCÉDURE
Faits
Mme [C] [Y] est copropriétaire d'un appartement situé au 4ème et dernier étage de l'immeuble sis [Adresse 5] [Localité 22], soumis au statut de la copropriété.
Cet appartement, admninistré à compter du mois de mai 2010 par la branche 'Gérance' du Cabinet [F] (qui était alors, et demeure, le syndic de la copropriété) a été donné en location à M. [Z] et Mme [T] selon bail d'habitation du 8 juillet 2010 au 28 juillet 2016.
L'état des lieux d'entrée réalisé le 8 juillet 2010, indique que l'appartement est en bon état général, la cuisine ayant un plafond avec une 'peinture en bon état' mais la salle de bains ayant un plafond avec une peinture en état d'usage présentant des fissures et des écailles, une porte en ' bois peint état d'usage peinture écaillée' et un meuble vasque 'état d'usage dessus gondolé, écaillé par l'humidité'.
Par un courrier du 25 octobre 2012 adressé aux seuls locataires, le Cabinet [F] les informait que 'notre service syndic relère qu'aucune déclaration d'assurance n'a été faite de votre part', et les invitait à déclarer les 'infiltrations de toiture qui ont provoqué un dégât des eaux dans l'appartement' à leur propre assureur. Ces travaux ont été terminés le 17 novembre 2012, selon la facture SER'ETANCH datée du 22 novembre 2012 adressée au 'Cabinet [F], syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 7] à [Localité 18]' et leur description était 'Réparation ponctuelle de l'étanchéité à l'aplomb de l'infiltration (en gras dans le document original) dans l'appartement de M. [Z]'. Aucune description desdits travaux n'est produite au dossier, ni aucun état des lieux postérieur, pas même un compte-rendu de réception des travaux.
Par un courrier recommandé avec avis de réception du 14 mai 2013 adressé au Cabinet [F]/ service syndic, la MAIF s'est manifestée en tant qu'assureur de M. [Z] (locataire) 'victime d'un dégât des eaux survenu le 23 novembre 2012" (pièce Mme [Y] n°6). Le syndicat des copropriétaires n'en dit mot.
L'état des lieux de sortie réalisé le 27 juillet 2016, fait état d'une dégradation, la cuisine ayant un plafond blanc avec une 'peinture en mauvais état suite à dégât des eaux peinture écaillée et plafond abîmé' et des murs peints en blanc avec une 'peinture écaillée traces noires'. La salle de bains ayant un plafond blanc avec une 'peinture en mauvais état, une porte en ' bois peint état d'usage peinture écaillée' et un meuble vasque en 'état d'usage'.
Mme [Y] a mandaté au mois de juillet 2016, le Cabinet CCEE afin de réaliser une expertise. Cet expert s'est rendu dans l'appartement le 4 juillet 2016 étant accompagné de Mme [Y] et de la locataire qui a précisé 'de fortes chutes d'eau se produisent en continu dans les cuisine et salle de bain les jours de pluie'(page 5 du rapport CCEE). L'expert a constaté des dommages affectant le plafond et les murs de la cuisine, ainsi que le plafond de la salle de bain « dus à une fuite d'eau continue consécutive très certainement à une rupture d'étanchéité de la toiture-terrasse. (') La fuite dure depuis longtemps nonobstant les travaux réalisés par l'entreprise SER ETANCH' qui a fait une réparation ponctuelle de l'étanchéité à l'aplomb de l'infiltration de l'appartement concerné, en novembre 2012 ».
Le 7 septembre 2016, le Cabinet [F] a fait une déclaration de sinistre à la société Allianz en détaillant le sinistre comme suit ' Dégradations dans la cuisine provenant de la toiture-terrasse (...) Toutes les autres dégradations sont dues à la condensation'.
Suivant acte du 24 janvier 2017, Mme [Y] a assigné le syndicat des copropriétaires ainsi que le syndic, en sa qualité de représentant du syndicat des copropriétaires et également en tant que gestionnaire de son appartement, aux fins de voir désigner un expert judiciaire, ce qui a été fait par ordonnance du 1er mars 2017 du juge des référés du Tribunal de grande instance de Nanterre.
L'expert judiciaire M. [P], qui a examiné les lieux le 6 octobre 2017, a rendu son rapport le 26 octobre 2018, aux termes duquel il relève en particulier (page 9) 'depuis 2012, les locataires se sont plaints à plusieurs reprises d'infiltrations dans la cuisine et la salle de bains » et que :
- au plafond de la cuisine « une importante dégradation du feuil de peintre et de l'enduction sous-jacente dans un proche environnement d'une pénétration de chute apparente en fonte », il impute les désordres affectant la cuisine à la défaillance du complexe d'étanchéité de la toiture-terrasse de l'immeuble, précisément de l'une des évacuations des eaux pluviales de la terrasse, ce qui est corroboré notamment par la photo de la chute dans la plafond de la cuisine en page 9 et de son affleurement sur le toit-terrasse, en page 11 du rapport ;
- dans la salle de bain il constate « au plafond un décollement quasi généralisé du feuil de peinture. Aucune auréole, aucune trace n'est visible sur l'enduit d'interposition, la fenêtre de la salle de bain est un châssis en PVC 'bien étanche' ce qui interdit les passages d'air (...) La porte de distribution intérieure de ladite pièce humide n'est pas du tout détalonnée (...) Ce qui limite fortement la circulation d'air ». Il impute les désordres de la salle de bain à un phénomène important de condensation lié à la configuration des lieux (et peut être aussi aux conditions d'utilisation)'.
Au vu du rapport du Cabinet CCEE diligenté par Mme [Y], le Cabinet [F] a fait établir différents devis de réfection de l'étanchéité de la terrasse, par la sté FOSSE les 7 juillet et 13 juillet 2016 pour une réfection ponctuelle puis totale de l'étanchéité de la toiture-terrasse, par la sté AMCCO le 21 mars 2017 (réfection totale) actualisé le 21 mars 2018, par la sté ELOUADI le 5 octobre 2016 (réfection totale) actualisé le 19 avril 2018, par la sté Yvelines-Etanchéité le 20 juin 2017 (réfection totale) et par la sté ISOCHAPPE le 9 mars 2018 (réfection totale) actualisé le 24 avril 2018, puis a sollicité la société d'architectes COSTE ORBACH qui les a analysés (sauf ceux de la sté FOSSE) dans un rapport remis le 25 avril 2018.
Les travaux préconisés ont été approuvés par l'assemblée générale du 26 juin 2018, puis réceptionnés sans réserve le 4 mars 2019 (pièce du syndicat des copropriétaires n°15). Les parties conviennent qu'aucun désordre n'a été constaté depuis la réalisation de ces travaux.
Le 20 juillet 2018, Mme [Y] a reloué son bien après réfection des travaux de la cuisine et avant la réalisation des travaux de reprise de l'étanchéité du toit-terrasse.
Procédure
Mme [Y] a fait assigner le syndicat des copropriétaires et le Cabinet [F] devant le Tribunal judiciaire de Nanterre par exploit d'huissier du 19 février 2019 aux fins essentiellement de les voir condamnés in solidum à :
- réaliser les travaux de réfection de la toiture-terrasse de l'immeuble tels que votés lors de
l'assemblée générale extraordinaire du 26 juin 2018, sous astreinte,
- l'indemniser des différents préjudices subis.
Cette procédure a été enrôlée sous le RG : 19/01826.
Par exploit d'huissier du 18 janvier 2019, le syndicat des copropriétaires a fait assigner en garantie la société Allianz IARD, assureur de l'immeuble entre le 15 octobre 2015 et le 1er octobre 2017, auprès de laquelle il a déclaré le sinistre le 7 septembre 2016, et la SADA qui lui a succédé et assure la copropriété depuis le 1er octobre 2017, afin de les voir condamner solidairement à le relever et garantir indemne de toute condamnation.
Cette seconde procédure, enrôlée sous le n° RG 19/02650, a été jointe à la première par ordonnance du juge de la mise en état du 19 avril 2019.
Par le jugement attaqué, rendu contradictoirement le 12 décembre 2022, le Tribunal judiciaire de Nanterre a :
- Condamné le syndicat des copropriétaires à payer à Mme [Y] :
' 1 498,39 euros au titre de la réfection des embellissements de la cuisine ;
' 33 984 euros au titre de la perte de loyers ;
' 2 000 euros au titre de son préjudice moral ;
- Débouté Mme [Y] de ses demandes à l'encontre du Cabinet [F] ;
- Débouté le syndicat des copropriétaires de ses demandes à l'encontre de la société SADA ;
- Condamné la société Allianz IARD à relever et garantir indemne le syndicat des
copropriétaires de toutes les sommes mises à sa charge ;
- Condamné le syndicat des copropriétaires à régler à Mme [Y] une indemnité de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et à la société SADA celle de 2 000 euros ;
- Rejeté les autres demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ,
- Condamné le syndicat des copropriétaires aux dépens de l'instance, qui comprendront les frais d'expertise judiciaire ;
- Débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;
- Ordonné l'exécution provisoire.
La société Allianz IARD en a interjeté appel par déclaration du 31 janvier 2023.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu les conclusions notifiées le 11 décembre 2024, par lesquelles la société Allianz IARD, appelante, invite la Cour à :
- Infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à garantir le syndicat des copropriétaires de toutes les sommes mises à sa charge ;
Statuant à nouveau,
- Débouter le syndicat des copropriétaires mais, également, l'ensemble des autres parties en la procédure de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions, à son encontre, dont la garantie ne peut être mobilisée en l'espèce ;
- Condamner le syndicat des copropriétaires ou, à défaut, toutes parties succombantes, à lui régler la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en cause d'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner le syndicat des copropriétaires aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Philippe Marino Andronik, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Vu les conclusions notifiées le 24 juillet 2023, par lesquelles Mme [Y], intimée, invite la Cour à :
- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne la réparation des pertes locatives supportées par elle,
- Infirmer le jugement du 12 décembre 2022 qui a condamné le syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 33 984 euros au titre des pertes de loyers,
En conséquence,
- Condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 43 660 euros au titre de son préjudice locatif,
- Condamner le syndicat des copropriétaires avec tout succombant, in solidum, en sa qualité de syndic, à lui payer la somme de 7 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, comprenant notamment les frais d'expertise de M. [P], d'un montant de 2 968,85 euros.
Vu les conclusions notifiées le 24 octobre 2024, par lesquelles la SADA, intimée, invite la Cour à :
- Confirmer le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
- Juger que le sinistre est survenu avant la signature du contrat souscrit par le syndicat des copropriétaires auprès d'elle-même, la SADA,
- Juger que le contrat d'assurance est nul, faute de caractère aléatoire lors de la souscription,
- Juger que sa garantie n'est pas due,
- la Mettre hors de cause,
- Débouter le syndicat des copropriétaires ainsi que tous autres concluants de leurs demandes,
- Condamner le syndicat des copropriétaires ou tout succombant à lui verser 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance ainsi qu'aux dépens de première instance,
- Condamner Allianz IARD à lui régler la somme de 4 000 euros au titre de ses frais irrépétibles en appel,
- Condamner Allianz IARD ou tout succombant aux entiers dépens d'appel qui seront directement recouvrés par Selarl LBCA, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Vu les conclusions notifiées le 27 janvier 2025, par lesquelles le syndicat des copropriétaires, intimé, invite la Cour à :
- infirmer le jugement en ce qu'il :
o l'a Condamné à payer à Mme [Y] :
' La somme de 1 498,39 euros au titre de la réfection des embellissements de la cuisine ;
' La somme de 33 984 euros au titre de la perte de loyers ;
' La somme de 2 000 euros au titre de son préjudice moral.
o l'a Condamné à payer une somme de 6 000 euros à Mme [Y] en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
o l'a Condamné à payer la somme de 2 000 euros à la SADA en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
o a Rejeté sa demande de condamnation de Mme [Y], Allianz à payer 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
o l'a Condamné au paiement des dépens y compris les frais d'expertise judiciaire.
o a Ordonné l'exécution provisoire.
puis, statuant à nouveau,
' débouter Mme [Y] de ses demandes à son encontre,
' condamner Mme [Y] au paiement d'une somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles,
' condamner Mme [Y] au paiement des dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.
a titre subsidiaire, et dans l'hypothese d'une confirmation par la Cour d'une condamnation du syndicat des copropriétaires :
' condamner solidairement la société Allianz IARD à le relever et garantir indemne de toutes condamnations,
' rejeter toute demande qui serait formulée à son encontre,
' condamner Mme [Y] et la société Allianz IARD au paiement de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles de la présente instance ainsi qu'aux entiers dépens, dont le montant pourra être directement recouvré par Maître Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La procédure devant la Cour a été clôturée le 25 mars 2025.
Avec l'autorisation de la Cour, Mme [Y] a communiqué le 30 juin 2025 une note en délibéré, dûment soumise au contradictoire.
SUR CE,
La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
En application de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la Cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.
A titre préliminaire:
Les demandes tendant à voir la Cour 'dire', 'juger', 'donner acte', 'déclarer', 'constater' et 'recevoir' telles que figurant dans le dispositif des conclusions des parties, ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4 et 954 du code de procédure civile en tant qu'elles ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert, ces demandes n'étant de manière générale que la redite des moyens invoqués, et non des chefs de décision devant figurer dans le dispositif de l'arrêt.
Il n'y sera dès lors pas statué, sauf exception au regard de leur pertinence au sens des textes susvisés.
Sur la condamnation du syndicat des copropriétaires à indemniser Mme [Y]
Sur les responsabilités encourues
En droit
Selon l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 dans sa rédaction applicable au litige : « La collectivité des copropriétaires est constituée en un syndicat qui a la personnalité civile. (...) / Il a pour objet la conservation et l'amélioration de l'immeuble et l'administration des parties communes. / Le syndicat est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par le vice de construction ou le défaut d'entretient des parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires. »
Aux termes de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965, le syndic a le pouvoir d'administrer l'immeuble, de pourvoir à sa conservation, à sa garde et à son entretien et, en cas d'urgence, de faire procéder de sa propre initiative à l'exécution de tous travaux nécessaires à la sauvegarde de celui-ci. Le syndic a une obligation de moyen, il doit réaliser sa mission dans le cadre des diligences normales d'un professionnel averti.
En l'absence de lien contractuel entre les copropriétaires et le syndic, ce dernier engage sa responsabilité quasi délictuelle à l'égard des copropriétaires, responsabilité découlant de la faute commise par lui dans l'accomplissement de sa mission.
L'article 9 du code de procédure civile dispose qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de ses prétentions.
En l'espèce
Pour retenir la responsabilité du syndicat des copropriétaires sur le fondement de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965, le Tribunal a tout d'abord rappelé qu'elle est indépendante de toute notion de faute, et qu'il suffit à la victime d'apporter la preuve que le dommage est imputable à un défaut de conception ou d'entretien d'une partie commune ou d'un élément d'équipement collectif et que le syndicat ne peut s'exonérer de sa responsabilité qu'en rapportant la preuve soit de l'absence d'un lien de causalité entre l'état de l'immeuble et le préjudice invoqué, soit de l'existence d'un cas de force majeure ou d'une faute de la victime qui y serait assimilable. Ensuite, le Tribunal a précisé, par des motifs que la Cour adopte, qu' 'il est suffisamment établi par le rapport d'expertise judiciaire que les désordres occasionnés à la cuisine de Mme [Y] trouvent leur origine dans la défaillance du complexe d'étanchéité de la toiture-terrasse partie commune de l'immeuble. (...) le syndicat des copropriétaires a indiqué à l'expert qu'il avait prévu de procéder aux travaux de réfection de cette toiture-terrasse, ayant fait établir des devis de réfection en 2016 consécutivement au rapport du Cabinet CCEE, reconnaissant ainsi l'imputabilité des désordres constatés dans la cuisine à la défaillance du complexe d'étanchéité retenue par M. [P].'
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur l'indemnisation des préjudices
Il est établi que les préjudices détaillés ci-après, ont été causés directement par les faits survenus depuis 2012 et ressortissent directement de la responsabilité non fautive du syndicat des copropriétaires.
Sur la réfection des embellissements
En l'absence de prétentions nouvelles ou modifiées sur ce point, le jugement sera confirmé en tant qu'il a condamné le syndicat des copropriétaires à verser une somme de 1 498,39 euros à Mme [Y] au titre du coût des travaux de réfection des embellissements de la cuisine de son appartement.
Sur le préjudice locatif
Mme [Y] demande que le syndicat des copropriétaires soit condamné à lui verser la somme de 43 660 euros au titre de la perte de loyers consécutive aux désordres pour la période du 28 juillet 2016 (date à laquelle ses derniers locataires sont partis) au 20 juillet 2018, date à laquelle elle a reloué, soient 23,6 mois, sur la base d'une valeur locative mensuelle de 1 850 euros.
Il ressort de l'état des lieux d'entrée réalisé le 8 juillet 2010, que l'appartement est en bon état général (Pièce Mme [Y] n°8), la cuisine ayant un plafond avec une 'peinture en bon état' mais la salle de bains ayant un plafond avec une peinture en état d'usage présentant des fissures et des écailles, une porte en ' bois peint état d'usage peinture écaillée' et un meuble vasque 'état d'usage dessus gondolé, écaillée par l'humidité'.
Quant à l'état des lieux de sortie réalisé le 27 juillet 2016, beaucoup plus détaillé que l'état des lieux initial, il fait état d'une dégradation (Pièce Mme [Y] n°9), la cuisine ayant un plafond blanc avec une 'peinture en mauvais état suite à dégât des eaux peinture écaillée et plafond abîmé' et des murs peints en blanc avec une 'peinture écaillée traces noires'. La salle de bains avait un plafond blanc avec une 'peinture en mauvais état, une porte en ' bois peint état d'usage peinture écaillée' et un meuble vasque en 'état d'usage'.
Enfin, la Cour observe qu'il n'est pas établi que la cause du départ des locataires en juillet 2016, serait la persistance du dégât des eaux dans la cuisine, contrairement à ce que soutient Mme [Y].
La perte de loyers ne peut égaler le montant du loyer mensuel, étant rappelé que le préjudice locatif ne peut consister qu'en une perte de chance, à savoir non pas la perte des loyers mais celle de l'espoir de les percevoir. En tout état de cause des impositions sont dues, et par ailleurs un propriétaire n'est pas certain de louer son bien en permanence : des périodes de vacance du logement peuvent se produire, et en outre des réparations ou remises en état peuvent s'avérer nécessaires, eu égard à l'état des lieux de sortie notamment. La somme réclamée par Mme [Y] est donc largement excessive, son préjudice ne pouvant s'établir à hauteur du montant du loyer eu égard à ce qui vient d'être dit.
Compte tenu de ce que le loyer mensuel charges comprises, fixé dans le bail du 8 juillet 2010 s'élevait à 1 600 euros par mois, et de son évolution prévisible avec le jeu de l'indexation, le jugement sera infirmé quant à l'évaluation du quantum de la perte locative, qui sera fixé à un montant de 1 000 euros par mois au titre de la période d'indemnisation de 23,6 mois, ce qui totalise une indemnité de 23 600 euros au titre de la perte de chance de percevoir des loyers.
Le jugement sera réformé en ce sens.
Sur le préjudice moral
Par des motifs que la Cour adopte, à savoir que l'ensemble des éléments et pièces du dossier démontrent que c'est la mobilisation de Mme [Y], enfin avertie en juillet 2016 des désordres dans son appartement, qui seule, a permis d'aboutir à la détermination de leur cause et à la réalisation des travaux au terme de deux années de procédure, le Tribunal a justement condamné le syndicat des copropriétaires à lui verser une somme de 2 000 euros.
Le jugement sera confirmé en ce sens.
Sur la garantie de la société Allianz IARD et de la SADA
En droit
Il résulte de l'article 1964 du code civil que l'absence d'aléa est une cause de nullité du contrat d'assurance. L'assureur ne couvre pas l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres s'il est établi que l'assuré avait connaissance du fait dommageable à la date de la souscription de la garantie. Voir par ex. Cour Cass. Civ. 2e, 6 mai 2021, n° 19-25.395 qui rappelle le principe selon lequel l'aléa est inhérent au contrat d'assurance, pour en tirer la conséquence logique qu'il ne peut jamais porter sur un risque que l'assuré sait s'être déjà réalisé.
Lorsqu'un même sinistre est susceptible de mettre en jeu les garanties apportées par plusieurs contrats successifs, la garantie déclenchée par le fait dommageable ayant pris effet postérieurement à la prise d'effet de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003, dite de sécurité financière, est appelée en priorité.
En l'espèce
S'agissant de la SADA
Par des motifs que la Cour adopte, le premier juge a rejeté la demande en garantie de la SADA en retenant que le syndicat des copropriétaires était informé du sinistre survenu dans l'appartement de Mme [Y] par le rapport du Cabinet CCEE et qu'il a fait établir quatre devis de réfection du complexe d'étanchéité de la toiture-terrasse entre juillet et octobre 2016, qu'ainsi le contrat signé le 22 septembre 2017 avec la SADA est dépourvu d'aléa concernant ce sinistre.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
S'agissant de la société Allianz IARD
Si la société Allianz IARD se prévaut de clauses exonératoires mentionnées dans des conditions générales de 48 pages, non datées, non paraphées et non signées, qui auraient été 'reçues avec l'étude personnalisée précédant la conclusion du contrat' conclu avec le syndic le 15 octobre 2015, celles-ci seront dès lors écartées pour ces motifs, invoqués à bon droit par le premier juge.
Le syndicat des copropriétaires invoque le contrat Allianz de 3 pages conclu le 15 octobre 2015, qui prévoit la prise en charge des sinistres résultant d'un dégât des eaux, mais ne précise pas si la mise en 'uvre de la garantie résulte du fait dommageable ou de la réclamation. Par suite, ce sont les conditions de droit commun ci-dessus rappelées, qui s'appliquent.
Sur l'existence d'un aléa et s'agissant de savoir si le syndic, qui est le souscripteur de cette assurance et donc l'assuré, avait connaissance du fait dommageable à la date du 15 octobre 2015 de la souscription de la garantie Allianz :
La Cour relève que, dans la gestion de cette affaire depuis 2012, l'assuré, le Cabinet [F] joue à la fois le rôle de syndic de l'immeuble et celui de mandataire chargé d'administrer l'appartement de Mme [Y] et que, de par cette double position, il possède le plus haut niveau d'information et de capacité d'investigation des problèmes mais aussi d'initiative dans la copropriété. Ainsi, le Cabinet [F], syndic et administrateur du bien :
- avait connaissance de l'état des lieux d'entrée réalisé le 8 juillet 2010, indiquant que l'appartement est en bon état général (Pièce Mme [Y] n°8), la cuisine ayant un plafond avec une 'peinture en bon état' ;
- a adressé le courrier du 25 octobre 2012 aux seuls locataires, les invitant à faire une déclaration de sinistre relative à des 'infiltrations de toiture qui ont provoqué un dégât des eaux dans l'appartement', s'abstenant de faire usage de ses pouvoirs d'investigation pour étudier ce problème affectant la toiture qui est une partie commune ;
- en sa qualité d'administrateur de ce bien et de syndic, a nécessairement supervisé les travaux de 'Réparation ponctuelle de l'étanchéité à l'aplomb de l'infiltration' terminés le 17 novembre 2012, selon la facture SER'ETANCH, mais il n'en produit ni description, ni compte-rendu de réception, ni état des lieux postérieur et s'est également abstenu d'en rendre compte à la copropriétaire ;
- a réceptionné le courrier recommandé avec avis de réception du 14 mai 2013 lui étant adressé par la MAIF en tant qu'assureur des locataires et concernant 'un dégât des eaux survenu le 23 novembre 2012" (pièce Mme [Y] n°6), mais le cabinet [F] est taisant sur les suites données à ce nouveau dégât des eaux, signalé un mois après celui d'octobre 2012, quelques jours seulement après le 17 novembre 2012, date d'achèvement des travaux de réparation de l'étanchéité, et n'a effectué aucune diligence face à cette information inquiétante,
- a nécessairement pris connaissance de l'état des lieux de sortie du 27 juillet 2016, qu'il a lui-même diligenté, et qui indique que la cuisine avait un plafond blanc avec une 'peinture en mauvais état suite à dégât des eaux peinture écaillée et plafond abîmé' et des murs peints en blanc avec une 'peinture écaillée traces noires',
- a été destinataire de l'expertise du Cabinet CCEE constatant en juillet 2016 des dommages affectant en particulier le plafond et les murs de la cuisine « dus à une fuite d'eau continue consécutive très certainement à une rupture d'étanchéité de la toiture-terrasse. (') La fuite dure depuis longtemps nonobstant les travaux réalisés par l'entreprise SER ETANCH' qui a fait une réparation ponctuelle de l'étanchéité à l'aplomb de l'infiltration de l'appartement concerné en novembre 2012 », cette origine des dommages et leur persistance depuis 2012 étant confirmée par la locataire qui était présente lors de cette expertise contradictoire,
- a attendu le 7 septembre 2016, pour déclarer le sinistre à la société Allianz en le décrivant comme suit ' Dégradations dans la cuisine provenant de la toiture-terrasse (...) Toutes les autres dégradations sont dues à la condensation'.
L'ensemble de ces constatations et surtout l'origine de la fuite due à un défaut d'étanchéité du toit-terrasse, est par ailleurs confirmée par le rapport d'expertise judiciaire déposé le 26 octobre 2018.
Il ressort de l'ensemble de ces faits exposés chronologiquement, et malgré le défaut de production par le syndic des nombreux éléments détaillés ci-dessus, qu'il s'agit d'un dégât des eaux affectant la seule cuisine de l'appartement de Mme [Y], dû à un défaut d'étanchéité du toit-terrasse révélé en 2012 et non résolu par des travaux de 'Réparation ponctuelle de l'étanchéité à l'aplomb de l'infiltration' terminés le 17 novembre 2012, réapparu ausssitôt ainsi qu'en atteste le courrier recommandé avec avis de réception du 14 mai 2013 adressé par l'assureur des locataires et concernant 'un dégât des eaux survenu le 23 novembre 2012', dégât des eaux qui s'est donc reproduit lors d'épisodes pluvieux pendant les années qui ont suivi, résultant en de fortes dégradations dans ladite cuisine, dûment constatées le 4 juillet 2016 par l'expert mandaté par Mme [Y].
Il suit de tout ce qui précède que le Cabinet [F], qui depuis 2012 est le syndic de l'immeuble et l'administrateur de l'appartement de Mme [Y], en contact avec les locataires, avait nécessairement connaissance du fait dommageable préalablement à la date du 15 octobre 2015 de la souscription de la garantie Allianz.
Si le syndicat des copropriétaires fait encore valoir que le rapport d'expertise du 26 octobre 2018 mentionne que pour la cuisine 'aucune humidité n'a été décelée à l'humitest sur les fonds', cette circonstance est toutefois sans incidence sur l'appréciation de la Cour sur la connaissance que le syndic avait du fait dommageable avant la date du 15 octobre 2015.
Partant, la société Allianz IARD fait valoir à bon droit que le contrat signé le 15 octobre 2015, est dépourvu d'aléa concernant ce sinistre.
Il suit de tout ce qui précède, que la demande de garantie de la société Allianz IARD sera rejetée.
Le jugement sera réformé sur ce point.
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens en ce compris les honoraires de l'expert judiciaire ainsi que concernant l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le syndicat des copropriétaires et Mme [Y], parties perdantes, doivent être condamnés in solidum aux entiers dépens d'appel dont recouvrement, chacun en ce qui le concerne, au profit de la Selarl LBCA et de Maître Philippe Marino Andronik, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
En équité, il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,
INFIRME le jugement rendu le 12 décembre 2022 par le Tribunal judiciaire de Nanterre en tant qu'il a :
- Condamné le syndicat des copropriétaires à payer à Mme [Y] une somme de 33 984 euros au titre d'une perte de loyers ;
- Condamné la société Allianz IARD à relever et garantir indemne le syndicat des copropriétaires de toutes les sommes mises à sa charge ;
le CONFIRME en ses autres dispositions,
Statuant de nouveau du chef infirmé
- CONDAMNE le syndicat des copropriétaires du [Adresse 6]), représenté par son syndic le Cabinet [F], dont le siège social est [Adresse 9], à payer à Mme [C] [Y] épouse [I], domiciliée [Adresse 19], la somme de 23 600 euros au titre de la perte de loyers,
- DEBOUTE le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] à [Adresse 17] ([Adresse 14]), représenté par son syndic le Cabinet [F], dont le siège social est [Adresse 9], de toutes ses demandes, et principalement son appel en garantie, à l'encontre de la société Allianz IARD, RCS de [Localité 23] sous le numéro 542 110 291 et dont le siège social est [Adresse 3],
Y ajoutant
- CONDAMNE in solidum le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] à [Localité 16] [Adresse 21] [Localité 1], représenté par son syndic le Cabinet [F], dont le siège social est [Adresse 9] et Mme [C] [Y] épouse [I], domiciliée [Adresse 19], aux entiers dépens d'appel dont recouvrement, chacun en ce qui le concerne, au profit de la Selarl LBCA et de Maître Philippe Marino Andronik, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- REJETTE toute autre demande.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Raphaël TRARIEUX, Président et par Madame Kalliopi CAPO-CHICHI, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
DE
VERSAILLES
Code nac : 72F
Ch civ. 1-4 copropriété
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 03 SEPTEMBRE 2025
N° RG 23/00694 - N° Portalis DBV3-V-B7H-VU7Q
AFFAIRE :
S.A. ALLIANZ IARD
C/
[C] [Y]
et autres
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Décembre 2022 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 23]
N° RG : 19/01826
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Philippe MARINO,
Me France CHAUTEMPS,
Me Franck LAFON,
Me Laure BRACQUEMONT
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TROIS SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A. ALLIANZ IARD
[Adresse 2]
[Localité 13]
Représentant : Me Philippe MARINO ANDRONIK de la SCP DORVALD MARINO, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0143
APPELANTE
****************
Madame [C] [Y] épouse [I]
[Adresse 20]
[Localité 12]
Représentant : Me France CHAUTEMPS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS
SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DU [Adresse 4], représenté par son syndic en exercice le Cabinet AGENCE METAYER - ORPI, dont le siège sociale est sise [Adresse 8], elle-même prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 15]
Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 et Me Laurence GUEGAN-GELINET, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0748
S.A. SOCIETE ANONYME DE DEFENSE ET D'ASSURANCE - SADA
[Adresse 11]
[Localité 10]
Représentant : Me Laure BRACQUEMONT de la SELEURL LBCA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2364
INTIMÉS
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 Juin 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Cécile MOULIN-ZYS, Conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Raphaël TRARIEUX, Président,
Madame Séverine ROMI, Conseillère,
Madame Marie-Cécile MOULIN-ZYS, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Kalliopi CAPO-CHICHI,
****************
FAITS & PROCÉDURE
Faits
Mme [C] [Y] est copropriétaire d'un appartement situé au 4ème et dernier étage de l'immeuble sis [Adresse 5] [Localité 22], soumis au statut de la copropriété.
Cet appartement, admninistré à compter du mois de mai 2010 par la branche 'Gérance' du Cabinet [F] (qui était alors, et demeure, le syndic de la copropriété) a été donné en location à M. [Z] et Mme [T] selon bail d'habitation du 8 juillet 2010 au 28 juillet 2016.
L'état des lieux d'entrée réalisé le 8 juillet 2010, indique que l'appartement est en bon état général, la cuisine ayant un plafond avec une 'peinture en bon état' mais la salle de bains ayant un plafond avec une peinture en état d'usage présentant des fissures et des écailles, une porte en ' bois peint état d'usage peinture écaillée' et un meuble vasque 'état d'usage dessus gondolé, écaillé par l'humidité'.
Par un courrier du 25 octobre 2012 adressé aux seuls locataires, le Cabinet [F] les informait que 'notre service syndic relère qu'aucune déclaration d'assurance n'a été faite de votre part', et les invitait à déclarer les 'infiltrations de toiture qui ont provoqué un dégât des eaux dans l'appartement' à leur propre assureur. Ces travaux ont été terminés le 17 novembre 2012, selon la facture SER'ETANCH datée du 22 novembre 2012 adressée au 'Cabinet [F], syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 7] à [Localité 18]' et leur description était 'Réparation ponctuelle de l'étanchéité à l'aplomb de l'infiltration (en gras dans le document original) dans l'appartement de M. [Z]'. Aucune description desdits travaux n'est produite au dossier, ni aucun état des lieux postérieur, pas même un compte-rendu de réception des travaux.
Par un courrier recommandé avec avis de réception du 14 mai 2013 adressé au Cabinet [F]/ service syndic, la MAIF s'est manifestée en tant qu'assureur de M. [Z] (locataire) 'victime d'un dégât des eaux survenu le 23 novembre 2012" (pièce Mme [Y] n°6). Le syndicat des copropriétaires n'en dit mot.
L'état des lieux de sortie réalisé le 27 juillet 2016, fait état d'une dégradation, la cuisine ayant un plafond blanc avec une 'peinture en mauvais état suite à dégât des eaux peinture écaillée et plafond abîmé' et des murs peints en blanc avec une 'peinture écaillée traces noires'. La salle de bains ayant un plafond blanc avec une 'peinture en mauvais état, une porte en ' bois peint état d'usage peinture écaillée' et un meuble vasque en 'état d'usage'.
Mme [Y] a mandaté au mois de juillet 2016, le Cabinet CCEE afin de réaliser une expertise. Cet expert s'est rendu dans l'appartement le 4 juillet 2016 étant accompagné de Mme [Y] et de la locataire qui a précisé 'de fortes chutes d'eau se produisent en continu dans les cuisine et salle de bain les jours de pluie'(page 5 du rapport CCEE). L'expert a constaté des dommages affectant le plafond et les murs de la cuisine, ainsi que le plafond de la salle de bain « dus à une fuite d'eau continue consécutive très certainement à une rupture d'étanchéité de la toiture-terrasse. (') La fuite dure depuis longtemps nonobstant les travaux réalisés par l'entreprise SER ETANCH' qui a fait une réparation ponctuelle de l'étanchéité à l'aplomb de l'infiltration de l'appartement concerné, en novembre 2012 ».
Le 7 septembre 2016, le Cabinet [F] a fait une déclaration de sinistre à la société Allianz en détaillant le sinistre comme suit ' Dégradations dans la cuisine provenant de la toiture-terrasse (...) Toutes les autres dégradations sont dues à la condensation'.
Suivant acte du 24 janvier 2017, Mme [Y] a assigné le syndicat des copropriétaires ainsi que le syndic, en sa qualité de représentant du syndicat des copropriétaires et également en tant que gestionnaire de son appartement, aux fins de voir désigner un expert judiciaire, ce qui a été fait par ordonnance du 1er mars 2017 du juge des référés du Tribunal de grande instance de Nanterre.
L'expert judiciaire M. [P], qui a examiné les lieux le 6 octobre 2017, a rendu son rapport le 26 octobre 2018, aux termes duquel il relève en particulier (page 9) 'depuis 2012, les locataires se sont plaints à plusieurs reprises d'infiltrations dans la cuisine et la salle de bains » et que :
- au plafond de la cuisine « une importante dégradation du feuil de peintre et de l'enduction sous-jacente dans un proche environnement d'une pénétration de chute apparente en fonte », il impute les désordres affectant la cuisine à la défaillance du complexe d'étanchéité de la toiture-terrasse de l'immeuble, précisément de l'une des évacuations des eaux pluviales de la terrasse, ce qui est corroboré notamment par la photo de la chute dans la plafond de la cuisine en page 9 et de son affleurement sur le toit-terrasse, en page 11 du rapport ;
- dans la salle de bain il constate « au plafond un décollement quasi généralisé du feuil de peinture. Aucune auréole, aucune trace n'est visible sur l'enduit d'interposition, la fenêtre de la salle de bain est un châssis en PVC 'bien étanche' ce qui interdit les passages d'air (...) La porte de distribution intérieure de ladite pièce humide n'est pas du tout détalonnée (...) Ce qui limite fortement la circulation d'air ». Il impute les désordres de la salle de bain à un phénomène important de condensation lié à la configuration des lieux (et peut être aussi aux conditions d'utilisation)'.
Au vu du rapport du Cabinet CCEE diligenté par Mme [Y], le Cabinet [F] a fait établir différents devis de réfection de l'étanchéité de la terrasse, par la sté FOSSE les 7 juillet et 13 juillet 2016 pour une réfection ponctuelle puis totale de l'étanchéité de la toiture-terrasse, par la sté AMCCO le 21 mars 2017 (réfection totale) actualisé le 21 mars 2018, par la sté ELOUADI le 5 octobre 2016 (réfection totale) actualisé le 19 avril 2018, par la sté Yvelines-Etanchéité le 20 juin 2017 (réfection totale) et par la sté ISOCHAPPE le 9 mars 2018 (réfection totale) actualisé le 24 avril 2018, puis a sollicité la société d'architectes COSTE ORBACH qui les a analysés (sauf ceux de la sté FOSSE) dans un rapport remis le 25 avril 2018.
Les travaux préconisés ont été approuvés par l'assemblée générale du 26 juin 2018, puis réceptionnés sans réserve le 4 mars 2019 (pièce du syndicat des copropriétaires n°15). Les parties conviennent qu'aucun désordre n'a été constaté depuis la réalisation de ces travaux.
Le 20 juillet 2018, Mme [Y] a reloué son bien après réfection des travaux de la cuisine et avant la réalisation des travaux de reprise de l'étanchéité du toit-terrasse.
Procédure
Mme [Y] a fait assigner le syndicat des copropriétaires et le Cabinet [F] devant le Tribunal judiciaire de Nanterre par exploit d'huissier du 19 février 2019 aux fins essentiellement de les voir condamnés in solidum à :
- réaliser les travaux de réfection de la toiture-terrasse de l'immeuble tels que votés lors de
l'assemblée générale extraordinaire du 26 juin 2018, sous astreinte,
- l'indemniser des différents préjudices subis.
Cette procédure a été enrôlée sous le RG : 19/01826.
Par exploit d'huissier du 18 janvier 2019, le syndicat des copropriétaires a fait assigner en garantie la société Allianz IARD, assureur de l'immeuble entre le 15 octobre 2015 et le 1er octobre 2017, auprès de laquelle il a déclaré le sinistre le 7 septembre 2016, et la SADA qui lui a succédé et assure la copropriété depuis le 1er octobre 2017, afin de les voir condamner solidairement à le relever et garantir indemne de toute condamnation.
Cette seconde procédure, enrôlée sous le n° RG 19/02650, a été jointe à la première par ordonnance du juge de la mise en état du 19 avril 2019.
Par le jugement attaqué, rendu contradictoirement le 12 décembre 2022, le Tribunal judiciaire de Nanterre a :
- Condamné le syndicat des copropriétaires à payer à Mme [Y] :
' 1 498,39 euros au titre de la réfection des embellissements de la cuisine ;
' 33 984 euros au titre de la perte de loyers ;
' 2 000 euros au titre de son préjudice moral ;
- Débouté Mme [Y] de ses demandes à l'encontre du Cabinet [F] ;
- Débouté le syndicat des copropriétaires de ses demandes à l'encontre de la société SADA ;
- Condamné la société Allianz IARD à relever et garantir indemne le syndicat des
copropriétaires de toutes les sommes mises à sa charge ;
- Condamné le syndicat des copropriétaires à régler à Mme [Y] une indemnité de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et à la société SADA celle de 2 000 euros ;
- Rejeté les autres demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ,
- Condamné le syndicat des copropriétaires aux dépens de l'instance, qui comprendront les frais d'expertise judiciaire ;
- Débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;
- Ordonné l'exécution provisoire.
La société Allianz IARD en a interjeté appel par déclaration du 31 janvier 2023.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu les conclusions notifiées le 11 décembre 2024, par lesquelles la société Allianz IARD, appelante, invite la Cour à :
- Infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à garantir le syndicat des copropriétaires de toutes les sommes mises à sa charge ;
Statuant à nouveau,
- Débouter le syndicat des copropriétaires mais, également, l'ensemble des autres parties en la procédure de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions, à son encontre, dont la garantie ne peut être mobilisée en l'espèce ;
- Condamner le syndicat des copropriétaires ou, à défaut, toutes parties succombantes, à lui régler la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en cause d'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner le syndicat des copropriétaires aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Philippe Marino Andronik, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Vu les conclusions notifiées le 24 juillet 2023, par lesquelles Mme [Y], intimée, invite la Cour à :
- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne la réparation des pertes locatives supportées par elle,
- Infirmer le jugement du 12 décembre 2022 qui a condamné le syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 33 984 euros au titre des pertes de loyers,
En conséquence,
- Condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 43 660 euros au titre de son préjudice locatif,
- Condamner le syndicat des copropriétaires avec tout succombant, in solidum, en sa qualité de syndic, à lui payer la somme de 7 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, comprenant notamment les frais d'expertise de M. [P], d'un montant de 2 968,85 euros.
Vu les conclusions notifiées le 24 octobre 2024, par lesquelles la SADA, intimée, invite la Cour à :
- Confirmer le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
- Juger que le sinistre est survenu avant la signature du contrat souscrit par le syndicat des copropriétaires auprès d'elle-même, la SADA,
- Juger que le contrat d'assurance est nul, faute de caractère aléatoire lors de la souscription,
- Juger que sa garantie n'est pas due,
- la Mettre hors de cause,
- Débouter le syndicat des copropriétaires ainsi que tous autres concluants de leurs demandes,
- Condamner le syndicat des copropriétaires ou tout succombant à lui verser 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance ainsi qu'aux dépens de première instance,
- Condamner Allianz IARD à lui régler la somme de 4 000 euros au titre de ses frais irrépétibles en appel,
- Condamner Allianz IARD ou tout succombant aux entiers dépens d'appel qui seront directement recouvrés par Selarl LBCA, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Vu les conclusions notifiées le 27 janvier 2025, par lesquelles le syndicat des copropriétaires, intimé, invite la Cour à :
- infirmer le jugement en ce qu'il :
o l'a Condamné à payer à Mme [Y] :
' La somme de 1 498,39 euros au titre de la réfection des embellissements de la cuisine ;
' La somme de 33 984 euros au titre de la perte de loyers ;
' La somme de 2 000 euros au titre de son préjudice moral.
o l'a Condamné à payer une somme de 6 000 euros à Mme [Y] en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
o l'a Condamné à payer la somme de 2 000 euros à la SADA en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
o a Rejeté sa demande de condamnation de Mme [Y], Allianz à payer 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
o l'a Condamné au paiement des dépens y compris les frais d'expertise judiciaire.
o a Ordonné l'exécution provisoire.
puis, statuant à nouveau,
' débouter Mme [Y] de ses demandes à son encontre,
' condamner Mme [Y] au paiement d'une somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles,
' condamner Mme [Y] au paiement des dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.
a titre subsidiaire, et dans l'hypothese d'une confirmation par la Cour d'une condamnation du syndicat des copropriétaires :
' condamner solidairement la société Allianz IARD à le relever et garantir indemne de toutes condamnations,
' rejeter toute demande qui serait formulée à son encontre,
' condamner Mme [Y] et la société Allianz IARD au paiement de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles de la présente instance ainsi qu'aux entiers dépens, dont le montant pourra être directement recouvré par Maître Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La procédure devant la Cour a été clôturée le 25 mars 2025.
Avec l'autorisation de la Cour, Mme [Y] a communiqué le 30 juin 2025 une note en délibéré, dûment soumise au contradictoire.
SUR CE,
La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
En application de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la Cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.
A titre préliminaire:
Les demandes tendant à voir la Cour 'dire', 'juger', 'donner acte', 'déclarer', 'constater' et 'recevoir' telles que figurant dans le dispositif des conclusions des parties, ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4 et 954 du code de procédure civile en tant qu'elles ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert, ces demandes n'étant de manière générale que la redite des moyens invoqués, et non des chefs de décision devant figurer dans le dispositif de l'arrêt.
Il n'y sera dès lors pas statué, sauf exception au regard de leur pertinence au sens des textes susvisés.
Sur la condamnation du syndicat des copropriétaires à indemniser Mme [Y]
Sur les responsabilités encourues
En droit
Selon l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 dans sa rédaction applicable au litige : « La collectivité des copropriétaires est constituée en un syndicat qui a la personnalité civile. (...) / Il a pour objet la conservation et l'amélioration de l'immeuble et l'administration des parties communes. / Le syndicat est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par le vice de construction ou le défaut d'entretient des parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires. »
Aux termes de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965, le syndic a le pouvoir d'administrer l'immeuble, de pourvoir à sa conservation, à sa garde et à son entretien et, en cas d'urgence, de faire procéder de sa propre initiative à l'exécution de tous travaux nécessaires à la sauvegarde de celui-ci. Le syndic a une obligation de moyen, il doit réaliser sa mission dans le cadre des diligences normales d'un professionnel averti.
En l'absence de lien contractuel entre les copropriétaires et le syndic, ce dernier engage sa responsabilité quasi délictuelle à l'égard des copropriétaires, responsabilité découlant de la faute commise par lui dans l'accomplissement de sa mission.
L'article 9 du code de procédure civile dispose qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de ses prétentions.
En l'espèce
Pour retenir la responsabilité du syndicat des copropriétaires sur le fondement de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965, le Tribunal a tout d'abord rappelé qu'elle est indépendante de toute notion de faute, et qu'il suffit à la victime d'apporter la preuve que le dommage est imputable à un défaut de conception ou d'entretien d'une partie commune ou d'un élément d'équipement collectif et que le syndicat ne peut s'exonérer de sa responsabilité qu'en rapportant la preuve soit de l'absence d'un lien de causalité entre l'état de l'immeuble et le préjudice invoqué, soit de l'existence d'un cas de force majeure ou d'une faute de la victime qui y serait assimilable. Ensuite, le Tribunal a précisé, par des motifs que la Cour adopte, qu' 'il est suffisamment établi par le rapport d'expertise judiciaire que les désordres occasionnés à la cuisine de Mme [Y] trouvent leur origine dans la défaillance du complexe d'étanchéité de la toiture-terrasse partie commune de l'immeuble. (...) le syndicat des copropriétaires a indiqué à l'expert qu'il avait prévu de procéder aux travaux de réfection de cette toiture-terrasse, ayant fait établir des devis de réfection en 2016 consécutivement au rapport du Cabinet CCEE, reconnaissant ainsi l'imputabilité des désordres constatés dans la cuisine à la défaillance du complexe d'étanchéité retenue par M. [P].'
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur l'indemnisation des préjudices
Il est établi que les préjudices détaillés ci-après, ont été causés directement par les faits survenus depuis 2012 et ressortissent directement de la responsabilité non fautive du syndicat des copropriétaires.
Sur la réfection des embellissements
En l'absence de prétentions nouvelles ou modifiées sur ce point, le jugement sera confirmé en tant qu'il a condamné le syndicat des copropriétaires à verser une somme de 1 498,39 euros à Mme [Y] au titre du coût des travaux de réfection des embellissements de la cuisine de son appartement.
Sur le préjudice locatif
Mme [Y] demande que le syndicat des copropriétaires soit condamné à lui verser la somme de 43 660 euros au titre de la perte de loyers consécutive aux désordres pour la période du 28 juillet 2016 (date à laquelle ses derniers locataires sont partis) au 20 juillet 2018, date à laquelle elle a reloué, soient 23,6 mois, sur la base d'une valeur locative mensuelle de 1 850 euros.
Il ressort de l'état des lieux d'entrée réalisé le 8 juillet 2010, que l'appartement est en bon état général (Pièce Mme [Y] n°8), la cuisine ayant un plafond avec une 'peinture en bon état' mais la salle de bains ayant un plafond avec une peinture en état d'usage présentant des fissures et des écailles, une porte en ' bois peint état d'usage peinture écaillée' et un meuble vasque 'état d'usage dessus gondolé, écaillée par l'humidité'.
Quant à l'état des lieux de sortie réalisé le 27 juillet 2016, beaucoup plus détaillé que l'état des lieux initial, il fait état d'une dégradation (Pièce Mme [Y] n°9), la cuisine ayant un plafond blanc avec une 'peinture en mauvais état suite à dégât des eaux peinture écaillée et plafond abîmé' et des murs peints en blanc avec une 'peinture écaillée traces noires'. La salle de bains avait un plafond blanc avec une 'peinture en mauvais état, une porte en ' bois peint état d'usage peinture écaillée' et un meuble vasque en 'état d'usage'.
Enfin, la Cour observe qu'il n'est pas établi que la cause du départ des locataires en juillet 2016, serait la persistance du dégât des eaux dans la cuisine, contrairement à ce que soutient Mme [Y].
La perte de loyers ne peut égaler le montant du loyer mensuel, étant rappelé que le préjudice locatif ne peut consister qu'en une perte de chance, à savoir non pas la perte des loyers mais celle de l'espoir de les percevoir. En tout état de cause des impositions sont dues, et par ailleurs un propriétaire n'est pas certain de louer son bien en permanence : des périodes de vacance du logement peuvent se produire, et en outre des réparations ou remises en état peuvent s'avérer nécessaires, eu égard à l'état des lieux de sortie notamment. La somme réclamée par Mme [Y] est donc largement excessive, son préjudice ne pouvant s'établir à hauteur du montant du loyer eu égard à ce qui vient d'être dit.
Compte tenu de ce que le loyer mensuel charges comprises, fixé dans le bail du 8 juillet 2010 s'élevait à 1 600 euros par mois, et de son évolution prévisible avec le jeu de l'indexation, le jugement sera infirmé quant à l'évaluation du quantum de la perte locative, qui sera fixé à un montant de 1 000 euros par mois au titre de la période d'indemnisation de 23,6 mois, ce qui totalise une indemnité de 23 600 euros au titre de la perte de chance de percevoir des loyers.
Le jugement sera réformé en ce sens.
Sur le préjudice moral
Par des motifs que la Cour adopte, à savoir que l'ensemble des éléments et pièces du dossier démontrent que c'est la mobilisation de Mme [Y], enfin avertie en juillet 2016 des désordres dans son appartement, qui seule, a permis d'aboutir à la détermination de leur cause et à la réalisation des travaux au terme de deux années de procédure, le Tribunal a justement condamné le syndicat des copropriétaires à lui verser une somme de 2 000 euros.
Le jugement sera confirmé en ce sens.
Sur la garantie de la société Allianz IARD et de la SADA
En droit
Il résulte de l'article 1964 du code civil que l'absence d'aléa est une cause de nullité du contrat d'assurance. L'assureur ne couvre pas l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres s'il est établi que l'assuré avait connaissance du fait dommageable à la date de la souscription de la garantie. Voir par ex. Cour Cass. Civ. 2e, 6 mai 2021, n° 19-25.395 qui rappelle le principe selon lequel l'aléa est inhérent au contrat d'assurance, pour en tirer la conséquence logique qu'il ne peut jamais porter sur un risque que l'assuré sait s'être déjà réalisé.
Lorsqu'un même sinistre est susceptible de mettre en jeu les garanties apportées par plusieurs contrats successifs, la garantie déclenchée par le fait dommageable ayant pris effet postérieurement à la prise d'effet de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003, dite de sécurité financière, est appelée en priorité.
En l'espèce
S'agissant de la SADA
Par des motifs que la Cour adopte, le premier juge a rejeté la demande en garantie de la SADA en retenant que le syndicat des copropriétaires était informé du sinistre survenu dans l'appartement de Mme [Y] par le rapport du Cabinet CCEE et qu'il a fait établir quatre devis de réfection du complexe d'étanchéité de la toiture-terrasse entre juillet et octobre 2016, qu'ainsi le contrat signé le 22 septembre 2017 avec la SADA est dépourvu d'aléa concernant ce sinistre.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
S'agissant de la société Allianz IARD
Si la société Allianz IARD se prévaut de clauses exonératoires mentionnées dans des conditions générales de 48 pages, non datées, non paraphées et non signées, qui auraient été 'reçues avec l'étude personnalisée précédant la conclusion du contrat' conclu avec le syndic le 15 octobre 2015, celles-ci seront dès lors écartées pour ces motifs, invoqués à bon droit par le premier juge.
Le syndicat des copropriétaires invoque le contrat Allianz de 3 pages conclu le 15 octobre 2015, qui prévoit la prise en charge des sinistres résultant d'un dégât des eaux, mais ne précise pas si la mise en 'uvre de la garantie résulte du fait dommageable ou de la réclamation. Par suite, ce sont les conditions de droit commun ci-dessus rappelées, qui s'appliquent.
Sur l'existence d'un aléa et s'agissant de savoir si le syndic, qui est le souscripteur de cette assurance et donc l'assuré, avait connaissance du fait dommageable à la date du 15 octobre 2015 de la souscription de la garantie Allianz :
La Cour relève que, dans la gestion de cette affaire depuis 2012, l'assuré, le Cabinet [F] joue à la fois le rôle de syndic de l'immeuble et celui de mandataire chargé d'administrer l'appartement de Mme [Y] et que, de par cette double position, il possède le plus haut niveau d'information et de capacité d'investigation des problèmes mais aussi d'initiative dans la copropriété. Ainsi, le Cabinet [F], syndic et administrateur du bien :
- avait connaissance de l'état des lieux d'entrée réalisé le 8 juillet 2010, indiquant que l'appartement est en bon état général (Pièce Mme [Y] n°8), la cuisine ayant un plafond avec une 'peinture en bon état' ;
- a adressé le courrier du 25 octobre 2012 aux seuls locataires, les invitant à faire une déclaration de sinistre relative à des 'infiltrations de toiture qui ont provoqué un dégât des eaux dans l'appartement', s'abstenant de faire usage de ses pouvoirs d'investigation pour étudier ce problème affectant la toiture qui est une partie commune ;
- en sa qualité d'administrateur de ce bien et de syndic, a nécessairement supervisé les travaux de 'Réparation ponctuelle de l'étanchéité à l'aplomb de l'infiltration' terminés le 17 novembre 2012, selon la facture SER'ETANCH, mais il n'en produit ni description, ni compte-rendu de réception, ni état des lieux postérieur et s'est également abstenu d'en rendre compte à la copropriétaire ;
- a réceptionné le courrier recommandé avec avis de réception du 14 mai 2013 lui étant adressé par la MAIF en tant qu'assureur des locataires et concernant 'un dégât des eaux survenu le 23 novembre 2012" (pièce Mme [Y] n°6), mais le cabinet [F] est taisant sur les suites données à ce nouveau dégât des eaux, signalé un mois après celui d'octobre 2012, quelques jours seulement après le 17 novembre 2012, date d'achèvement des travaux de réparation de l'étanchéité, et n'a effectué aucune diligence face à cette information inquiétante,
- a nécessairement pris connaissance de l'état des lieux de sortie du 27 juillet 2016, qu'il a lui-même diligenté, et qui indique que la cuisine avait un plafond blanc avec une 'peinture en mauvais état suite à dégât des eaux peinture écaillée et plafond abîmé' et des murs peints en blanc avec une 'peinture écaillée traces noires',
- a été destinataire de l'expertise du Cabinet CCEE constatant en juillet 2016 des dommages affectant en particulier le plafond et les murs de la cuisine « dus à une fuite d'eau continue consécutive très certainement à une rupture d'étanchéité de la toiture-terrasse. (') La fuite dure depuis longtemps nonobstant les travaux réalisés par l'entreprise SER ETANCH' qui a fait une réparation ponctuelle de l'étanchéité à l'aplomb de l'infiltration de l'appartement concerné en novembre 2012 », cette origine des dommages et leur persistance depuis 2012 étant confirmée par la locataire qui était présente lors de cette expertise contradictoire,
- a attendu le 7 septembre 2016, pour déclarer le sinistre à la société Allianz en le décrivant comme suit ' Dégradations dans la cuisine provenant de la toiture-terrasse (...) Toutes les autres dégradations sont dues à la condensation'.
L'ensemble de ces constatations et surtout l'origine de la fuite due à un défaut d'étanchéité du toit-terrasse, est par ailleurs confirmée par le rapport d'expertise judiciaire déposé le 26 octobre 2018.
Il ressort de l'ensemble de ces faits exposés chronologiquement, et malgré le défaut de production par le syndic des nombreux éléments détaillés ci-dessus, qu'il s'agit d'un dégât des eaux affectant la seule cuisine de l'appartement de Mme [Y], dû à un défaut d'étanchéité du toit-terrasse révélé en 2012 et non résolu par des travaux de 'Réparation ponctuelle de l'étanchéité à l'aplomb de l'infiltration' terminés le 17 novembre 2012, réapparu ausssitôt ainsi qu'en atteste le courrier recommandé avec avis de réception du 14 mai 2013 adressé par l'assureur des locataires et concernant 'un dégât des eaux survenu le 23 novembre 2012', dégât des eaux qui s'est donc reproduit lors d'épisodes pluvieux pendant les années qui ont suivi, résultant en de fortes dégradations dans ladite cuisine, dûment constatées le 4 juillet 2016 par l'expert mandaté par Mme [Y].
Il suit de tout ce qui précède que le Cabinet [F], qui depuis 2012 est le syndic de l'immeuble et l'administrateur de l'appartement de Mme [Y], en contact avec les locataires, avait nécessairement connaissance du fait dommageable préalablement à la date du 15 octobre 2015 de la souscription de la garantie Allianz.
Si le syndicat des copropriétaires fait encore valoir que le rapport d'expertise du 26 octobre 2018 mentionne que pour la cuisine 'aucune humidité n'a été décelée à l'humitest sur les fonds', cette circonstance est toutefois sans incidence sur l'appréciation de la Cour sur la connaissance que le syndic avait du fait dommageable avant la date du 15 octobre 2015.
Partant, la société Allianz IARD fait valoir à bon droit que le contrat signé le 15 octobre 2015, est dépourvu d'aléa concernant ce sinistre.
Il suit de tout ce qui précède, que la demande de garantie de la société Allianz IARD sera rejetée.
Le jugement sera réformé sur ce point.
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens en ce compris les honoraires de l'expert judiciaire ainsi que concernant l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le syndicat des copropriétaires et Mme [Y], parties perdantes, doivent être condamnés in solidum aux entiers dépens d'appel dont recouvrement, chacun en ce qui le concerne, au profit de la Selarl LBCA et de Maître Philippe Marino Andronik, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
En équité, il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,
INFIRME le jugement rendu le 12 décembre 2022 par le Tribunal judiciaire de Nanterre en tant qu'il a :
- Condamné le syndicat des copropriétaires à payer à Mme [Y] une somme de 33 984 euros au titre d'une perte de loyers ;
- Condamné la société Allianz IARD à relever et garantir indemne le syndicat des copropriétaires de toutes les sommes mises à sa charge ;
le CONFIRME en ses autres dispositions,
Statuant de nouveau du chef infirmé
- CONDAMNE le syndicat des copropriétaires du [Adresse 6]), représenté par son syndic le Cabinet [F], dont le siège social est [Adresse 9], à payer à Mme [C] [Y] épouse [I], domiciliée [Adresse 19], la somme de 23 600 euros au titre de la perte de loyers,
- DEBOUTE le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] à [Adresse 17] ([Adresse 14]), représenté par son syndic le Cabinet [F], dont le siège social est [Adresse 9], de toutes ses demandes, et principalement son appel en garantie, à l'encontre de la société Allianz IARD, RCS de [Localité 23] sous le numéro 542 110 291 et dont le siège social est [Adresse 3],
Y ajoutant
- CONDAMNE in solidum le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] à [Localité 16] [Adresse 21] [Localité 1], représenté par son syndic le Cabinet [F], dont le siège social est [Adresse 9] et Mme [C] [Y] épouse [I], domiciliée [Adresse 19], aux entiers dépens d'appel dont recouvrement, chacun en ce qui le concerne, au profit de la Selarl LBCA et de Maître Philippe Marino Andronik, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- REJETTE toute autre demande.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Raphaël TRARIEUX, Président et par Madame Kalliopi CAPO-CHICHI, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT