CA Aix-en-Provence, ch. 3-2, 3 septembre 2025, n° 24/13940
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-2
ARRÊT AU FOND
DU 03 SEPTEMBRE 2025
Rôle N° RG 24/13940 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BN7HT
[Z] [S]
(AJT n° 2024-011660 du 25/03/2025 BAJ d'[Localité 5] - EN -PROVENCE)
C/
S.E.L.A.R.L. RM MANDATAIRES
Copie exécutoire délivrée
le : 03/09/2025
à :
Me Patrick GEORGES
Me Julie GIANELLI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 07 Novembre 2024 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 24/01387.
APPELANTE
Madame [Z] [S]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2024-011660 du 25/03/2025 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 6]), née le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 7] (84), de nationalité Française, demeurant [Adresse 4], inscrite au RNE sous le numéro 342 556 289, anciennement entrepreneur individuel en activité d'agent commercial immobilier,
représentée par Me Patrick GEORGES de la SELARL PATRICK GEORGES ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de TOULON
assistée de Me Olivier HASENFRATZ de la SELEURL CABINET HASENFRATZ, avocat au barreau de PARIS, plaidant
INTIMEE
La SELARL RM MANDATAIRES,
prise en la personne de Maître [H] [V], ès-qualités de liquidateur de Madame [Z] [S], fonctions auxquelles elle a été nommée suivant Jugement du Tribunal judiciaire de TOULON en date du 7 novembre 2024, et ès-qualités de Mandataire Judiciaire de Madame [Z] [S], fonctions auxquelles elle a été nommée suivant Jugement du Tribunal judiciaire de TOULON du 4 avril 2024, dont le siège social est sis [Adresse 1], inscrite au RCS de TOULON sous le n° D 420 111 569
représentée par Me Julie GIANELLI, avocat au barreau de TOULON, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 02 Juillet 2025 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Gwenael KEROMES, Présidente a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre
Madame Muriel VASSAIL, Conseillère
Mme Isabelle MIQUEL, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Septembre 2025.
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Septembre 2025,
Signé par Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre et Madame Chantal DESSI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Mme [Z] [S] inscrite au RNE sous le numéro 342 556 289, exerce une activité d'agent commercial en immobilier sous le statut d'entrepreneur indépendant, à son domicile personnel situé à [Adresse 10]. Ce domicile a été acquis à l'aide d'un prêt immobilier contracté en 2018 d'un montant de 80 000 euros. Elle a, par ailleurs, débuté à compter du mois de juillet 2023 une activité secondaire de location meublée en louant deux chambres, puis une troisième ainsi qu'une petite dépendance attenant à sa maison.
Rencontrant des difficultés économiques, Mme [Z] [S] a déposé une déclaration de cessation des paiements le 6 mars 2024 et sollicité auprès du tribunal judiciaire de Toulon, une mesure de redressement judiciaire.
Par jugement du 4 avril 2024, le tribunal judiciaire de Toulon a ouvert une procédure de redressement judiciaire à son égard, fixant la date de cessation des paiements au 1er octobre 2023, avec période d'observation de 6 mois et désigné la Selarl RM Mandataires prise en la personne de Me [H] [V] en qualité de mandataire judiciaire.
A la requête de ce dernier déposée le 13 mai 2024, le tribunal judiciaire a :
- dit n'y avoir lieu à appliquer les dispositions de l'article L 681-1 du code de commerce
- dit n'y avoir lieu à ouvrir une procédure de surendettement,
- mis fin à la période d'observation,
- ordonné la conversion de la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire,
- désigné en qualité de liquidateur judiciaire la Selarl RM Mandataires représentée par Me [H] [V] .
Pour se déterminer, le tribunal judiciaire a considéré que :
- Mme [Z] [S] relève du statut de l'entrepreneur individuel au sens de l'article L526-22 du code de commerce ;
- il appartient au tribunal de vérifier si l'article L681-1 du code de commerce s'applique et le cas échéant d'apprécier si les conditions d'ouverture sont réunies pour les deux patrimoines,
- Mme [Z] [S] a débuté son activité le 25 septembre 2021 et au moins une des créances dont il est fait état est antérieure au 15 mai 2022, date d'entrée en vigueur de la loi du 14 février 2022, s'agissant de l'emprunt immobilier contracté le 21 novembre 2018 pour l'achat du domicile personnel à l'adresse duquel est domiciliée l'activité professionnelle ;
- la distinction des patrimoines n'a pas été strictement respectée et par conséquent, l'article L681-1 n'a pas lieu de s'appliquer, comme il n'y a pas lieu à l'ouverture d'une procédure de surendettement.
- en outre, en cas de cessation d'activité le passif doit être considéré dans son entièreté les deux patrimoines étant réunis conformément à l'article L.526-2 du code de commerce,
- compte tenu de la cessation d'activité de la débitrice, il apparaît impossible d'aboutir à un plan de continuation et il convient de convertir la procédure de redressement en liquidation judiciaire.
Mme [Z] [S] a interjeté appel le 19 novembre 2024 de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions d'appelante 4 déposées et notifiées au RPVA le 2 juin 2025 , Mme [S] demande à la cour :
- d'infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Toulon en toutes ses dispositions ayant ordonné la conversion de la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire, écarté l'application des dispositions de l'article L681-1 du code de commerce, constaté à tort la réunion des patrimoines professionnel et personnel et rejeté la demande subsidiaire de traitement de la situation au titre du surendettement des particuliers,
En conséquence,
- de juger qu'elle bénéficie en sa qualité d'entrepreneur individuel de la séparation des patrimoines professionnels et personnels institués par l'article L.526-22 du code de commerce,
- de juger qu'à la date du jugement de conversion du 7 novembre 2024, Mme [Z] [S] n'avait pas cessé son activité professionnelle,
- de juger qu'il existe une capacité d'apurement effective du passif professionnel,
- de rejeter la demande de conversion en liquidation judiciaire et d'ordonner la poursuite de la procédure de redressement judiciaire sous réserve de l'élaboration d'un plan
et en ce sens,
- approuver le plan A visant l'apurement du passif strictement professionnel évalué à 6 872 euros selon une mensualité de 549 euros sur une durée de 13 mois sans intérêt ni concours extérieur ;
- subsidiairement, approuver le plan B portant sur l'apurement intégral du passif y compris le prêt immobilier pour un montant total de 69 430 euros, selon une mensualité constante de 549 euros sur une durée de 127 mois ,
A titre subsidiaire,
- juger que les dettes majoritairement personnelle de Mme [S] ne relèvent pas du redressement judiciaire ;
- renvoyer Mme [D] vers la commission de surendettement des particuliers pour le prêt bancaire en application de l'article L 711-3 du code de la consommation pour traitement de sa situation au titre de l'endettement personnel et notamment du prêt immobilier,
En tout état de cause,
- condamner la Selarl RM Mandataires en qualité de mandataire judiciaire, aux entiers dépens de l'instance,
- allouer à Mme [D] une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'appelante soutient ne pas avoir renoncé expressément à la séparation des patrimoines, qui est de droit et le fait qu'elle ait signé l'état des créances ne saurait valoir renonciation, n'étant alors assistée d'aucun avocat.
Elle affirme que le bien immobilier acquis à l'aide d'un prêt de 80 000 euros est un bien personnel qui n'a fait l'objet d'aucune affectation à l'activité et qu'elle n'en loue une partie que de manière ponctuelle ; que ce bien doit rester dans le périmètre de son patrimoine personnel insaisissable au sens de l'article L. 526-22 précité et que la dette afférente ne saurait être admise au passif de la procédure collective.
Elle soutient ne pas avoir cessé son activité professionnelle, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, avoir déclaré un chiffre d'affaires BNC de 11 563 euros au second trimestre 2024 dans le cadre d'une transaction immobilière pour lequel elle règle des cotisations à l'Urssaf. Parallèlement elle a développé une activité de location meublée non professionnelle régie par le régime fiscal 'micro-bic' dont les revenus déclarés ont excédé 15 000 euros en 2024 et estimés à 17 000 euros sur l'exercice entier, activité civile accessoire qui est en plein essor sous forme notamment de deux baux mobilité, sans incidence sur le statut d'entrepreneur individuel.
Selon elle, un plan de redressement est parfaitement envisageable compte tenu du passif professionnel déclaré, limité à la seule la créance de l'Urssaf s'élevant à 3 721,05 euros à laquelle peut être rajoutée la somme de 277 euros au titre des cotisations sociales complémentaires.
Elle conteste les arguments du liquidateur judiciaire selon lesquels :
- la résidence principale Mme [S] constituerait le siège de son activité et qu'elle y aurait également hébergé une activité de location attrayant ainsi le bien immobilier dans le patrimoine professionnelle de cette dernière.
- l'actif détenu en compte soit 8 815 euros serait insuffisant à apurer le passif et les frais
Aux termes de leurs dernières conclusions récapitulatives n°5 notifiées par RPVA le 26 juin 2025, auxquelles la cour entend se référer pour plus ample exposé des prétentions, la Selarl RM Mandataires demande à la cour de :
- prononcer l'irrecevabilité de la demande de Mme [Z] [S] tendant à juger que le bien objet du prêt souscrit en 2018 constitue un bien personnel insaisissable,
- prononcer l'irrecevabilité de la demande de Mme [Z] [S] tendant à arrêter un plan de redressement en cause d'appel,
Subsidiairement,
- débouter Mme [Z] [S] de sa demande tendant à juger que le bien objet du prêt souscrit en 2018 constitue un bien personnel insaisissable,
- prononcer que la procédure collective porte sur l'ensemble du patrimoine de Mme [Z] [S],
En tout état de cause,
- prononcer que toutes les créances déclarées au passif de la procédure collective de Mme [Z] [S] sont professionnelles,
- prononcer que le passif de Mme [Z] [S] est professionnel,
- débouter Mme [Z] [S] de toutes demandes contraires,
- statuer sur la cessation d'activité de Mme [Z] [S] et l'application des dispositions de l'article L626-22 du code de commerce,
- donner acte et prononcer que la Selarl RM Mandataires ès qualités de liquidateur judiciaire de Mme [Z] [S] s'en rapporte à la sagesse de la cour de céans quant à la demande de Mme [Z] [S] visant à renvoyer l'affaire devant le tribunal judiciaire de Toulon en vue de présenter un plan d'apurement de sa dette.
- condamner Mme [Z] [S] à payer à la Selarl RM Mandataires la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
L'intimée fait valoir que':
- le passif antérieur est de 66 507 euros (banque populaire méditerranée 62 558,85 euros - SGC [Localité 11] : 115,53 € - SGC [Localité 11] 111,57 euros, Urssaf Paca : 3 721,05 euros).
- le passif postérieur est de 2 739,17 euros (Urssaf et SGC [Localité 11]). Mme [Z] [S] bénéficiait d'un échéancier de 12 mois de l'Urssaf pour le passif postérieur.
- les frais de justice s'élèvent à 9 137,87 euros, émoluments de la Selarl RM Mandataires compris (4 185,56 euros)
Au vu de l'actif disponible en caisse et des revenus déclarés par l'appelante au bureau d'aide juridictionnelle, s'élevant à 9 360 euros, celle-ci n'est pas en capacité de faire face aux obligations des plans de redressement qu'elle propose, dont l'un excède la durée de 10 ans, qu'il s'agisse du plan A avec un règlement de certaines créances mais pas de la totalité du passif, que du plan B prévu sur 10 ans et 7 mois sans frais ni intérêts, ce qui n'est pas possible au regard des dispositions de l'article L622-28 du code de commerce.
La demande tendant à faire arrêter par la cour un plan de redressement est irrecevable car c'est une demande nouvelle en appel et il n'a pas été circularisé auprès des créanciers.
Quant à la détermination du patrimoine visé par la procédure collective, le liquidateur judiciaire considère que l'activité de location de logement est immatriculée au RNE sous le même numéro SIREN visé par la procédure collective et correspond donc à une activité secondaire dépendant du même numéro SIREN. A cet égard le jugement d'ouverture a acquis l'autorité de la chose jugée.
Son statut fiscal de loueur de meublé non professionnel ne peut suffire à démontrer que cette activité n'est pas professionnelle, ce d'autant que la totalité de ses revenus sont issus des activités exercées sous le même numéro SIREN et qu'elle a mentionné cette activité dans sa déclaration de cessation des paiements dans le chiffre d'affaires déclaré sous le même numéro SIREN.
Selon l'article L526-22 du code de commerce, les biens, droits, obligations et sûretés dont il est titulaire et qui sont utiles à son activité ou à ses activités professionnelles indépendantes constitue le patrimoine professionnel de l'entrepreneur individuel, sous réserve du titre VI du présent code, ce patrimoine ne peut être scindé. L'article R526-26 3°du code de commerce précise que les biens immeubles servant à l'activité, y compris la partie de la résidence principale de l'entrepreneur individuel utilisé pour un usage professionnel .
Mme [Z] [S] a pour activité la location du bien immobilier qu'elle a acquis à l'aide d'un prêt immobilier et dont elle a retiré 15 000 euros pour l'année 2024 et ne peut donc soutenir que la créance de la banque d'un montant de 62 558,85 euros serait une créance personnelle afférente à son patrimoine personnel, interprétation qui se heurte aux dispositions des articles L526-22 et R. 626-26 du code de commerce.
Sur la séparation des patrimoines, elle fait valoir que le principe de séparation des patrimoines classe les éléments patrimoniaux de l'entrepreneur individuel par référence à leur utilité du bien au regard de l'activité professionnelle.
L'immatriculation pour cette activité de location et le qualificatif de non professionnel fait par l'administration fiscale est sans lien avec la qualification d'activité professionnelle au sens des dispositions du code de commerce précitées. Or il est constant que Mme [Z] [S] tire ses revenus de la location du bien immobilier objet du prêt immobilier souscrit en 2018. Dès lors le critère de l'utilité est rempli et la créance de prêt est donc professionnelle.
Sur la nature du bien immobilier, l'objet de l'appel est la réformation du jugement ayant prononcé sa liquidation judiciaire et la question de l'insaisissabilité du logement dans lequel Mme [S] a fixé sa résidence principale constitue une demande nouvelle, sur laquelle le premier juge ne s'est pas prononcée et est irrecevable en cause d'appel.
Sur la cessation d'activité, Mme [Z] [S] ne produit pas d'élément relatif à son activité d'agent commercial et ne présente pas de contrat de location à ce jour.
La cour se prononcera sur sa cessation d'activité et sur l'application de l'article L.526-22
**
L'affaire a fait l'objet d'une fixation à bref délai à l'audience du 04 juin 2025 puis renvoyée à l'audience du 2 juillet 2025 à la demande des parties. La clôture initialement rendue le 22 mai 2025 a été révoquée et prononcée le 2 juillet 2025.
Il sera renvoyé, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens respectifs.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il est acquis aux débats que Mme [Z] [S] relève du statut de l'entrepreneur individuel au sens de l'article L.526-22 du code de commerce issu de la loi API n°2022-172 du 14 février 2022 et à ce titre, la dissociation du patrimoine personnel et professionnel est de droit.
Il se déduit des dispositions expresses de l'article L. 681-1 2° du code de commerce que lorsque le tribunal de la procédure collective est saisi d'une demande d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire par un débiteur relevant du statut de l'entrepreneur individuel, il apprécie, dès le jugement d'ouverture, la situation globale de l'intéressé, à savoir si les conditions d'ouverture d'une procédure collective prévues au regard des dispositions du titre II à IV du code de commerce et si celles d'une procédure de surendettement prévue aux articles L. 711-1 et suivants du code de la consommation sont réunies. Il ne peut différer cet examen à l'issue ou en cours de période d'observation, mais il lui est toutefois loisible dans le même jugement, ouvrir une procédure collective du titre IV du code de commerce et surseoir à statuer sur l'ouverture de la procédure de surendettement dans l'attente du retour de l'inventaire des biens ou de toute autre mesure d'instruction appropriée.
En revanche, comme c'est le cas en l'espèce, si le tribunal ne s'est pas prononcé sur la situation du débiteur au regard de sa situation de surendettement, ce dernier peut, en cours de procédure, demander l'ouverture d'une procédure de surendettement attrayant son patrimoine personnel, s'il en remplit les conditions.
Pour rejeter la demande d'examen de la situation de surendettement de Mme [S] et son renvoi à la commission de surendettement, le jugement critiqué a estimé qu'il y avait lieu à la réunion des patrimoines en raison de la cessation de son activité professionnelle, d'une affectation économique de son logement et de la non séparation stricte des deux patrimoines de la débitrice, et en a déduit que la débitrice relevait d'une procédure collective.
Contrairement à ce que les premiers juges ont retenu, Mme [Z] [S] n'a pas cessé de son plein gré son activité professionnelle d'agent commercial, ayant été commissionnée au titre d'une vente immobilière réalisée en 2024, ni celle de location de meublé qu'elle justifie avoir poursuivi en 2024 et il ressort de l'attestation d'immatriculation au registre national des entreprises établie à la date du 28 mai 2025 (pièce n°7 de l'intimée) qu'elle n'a pas sollicité sa radiation du RNE, ni du registre des agents commerciaux et a, en outre, déclaré une activité secondaire à compter du 15 juillet 2023, de location de logement meublé qu'elle exerce au [Adresse 3], sous le même numéro SIREN. Ces deux activités doivent être considérées comme étant toujours en cours à la date à laquelle la cour statue, dans la mesure où leur cessation n'est que la conséquence du jugement de liquidation judiciaire faisant interdiction à la débitrice de poursuivre les dites activités.
En revanche, en raison de l'affectation d'une partie du bien immobilier lui appartenant, à son activité professionnelle d'agent commercial en immobilier (un bureau) et à celle de louage de meublés, activité dont elle ne conteste pas se livrer depuis le mois de juillet 2023 et qui lui procure une partie substantielle de ses revenus, soit 15 687 euros à la date du 3 octobre 2024 ou 17 000 euros estimés sur l'exercice plein, et dont le caractère habituel exclut tout aspect ponctuel, ce bien doit être considéré comme étant utile à ses deux activités professionnelles et, à ce titre, rattaché à son patrimoine professionnel, en application des articles L. 626-22 et R.526-26 du code de commerce, nonobstant le fait qu'elle y ait établi sa résidence principale.
Cette affectation résulte des déclarations et des pièces produites par l'appelante et ne nécessite pas, contrairement à ce qui est soutenu, une déclaration d'affectation ou un acte juridique particulier. L'appelante a, comme le relève le liquidateur judiciaire, déclaré cette activité de location de meublé sous le même numéro SIREN sous lequel elle exerce son activité d'agent commercial, confirmant ainsi -nonobstant le régime fiscal de loueur de meublé non professionnel appliqué à ces locations- qu'il s'agit bien d'une activité revêtant un caractère professionnel, ce qui ressort par ailleurs de la déclaration de cessation des paiements qu'elle a établie, laquelle mentionne le chiffre d'affaires des deux activités.
C'est donc par une exacte application des dispositions de l'article L.681-2 III du code de commerce que le tribunal a considéré, qu'en raison de l'affectation d'une partie du bien immobilier aux besoins de ses activités professionnelles déclarées caractérisant l'absence de séparation stricte des patrimoines professionnel et personnel, Mme [S] ne pouvait prétendre aux dispositions de l'article L.681-1 et relevait d'une procédure collective attrayant tout à la fois son patrimoine professionnel et personnel et a rejeté sa demande tendant au bénéficie d'une procédure de traitement de sa situation de surendettement.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Il se déduit des dispositions combinées des articles L. 631-1 et L. 631-15 du code de commerce que la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire n'est possible que si la poursuite de l'activité et le redressement sont manifestement impossibles.
L'impossibilité manifeste du débiteur à se redresser s'apprécie in concreto, au cas par cas, au regard de sa situation matérielle et financière globale et de son activité.
Par ailleurs, pour mener à bien cette appréciation, la cour doit examiner la situation matérielle réelle de l'appelante au jour où elle statue.
S'agissant de la détermination du passif antérieur, il ressort de la liste des créances admises nées antérieurement au jugement d'ouverture (pièce n°3 de l'intimée) que le passif de Mme [Z] [S], s'élevant à la somme totale de 66 507 euros est composé :
- passif privilégié :
Urssaf PACA : 3 721,05 euros (échu)
Banque Populaire Méditerranée : 62 558,85 euros (à échoir)
- passif chirographaire :
SGC [Localité 11] : 115,57 euros
Les capacités de redressement de Mme [S] sont par conséquent avérées et résultent des déclarations de ressources de l'année 2022 et 2023 qui font apparaître :
- en 2022, un chiffre d'affaires de 36 700 euros soit 23 700 euros de bénéfices tirés de son activité d'agent commercial en immobilier et 7 750 euros de revenus tirés de la location de chambres meublées, soit un revenu total de 31 460 euros
- pour 2023, elle a déclaré en 2024 un revenu imposable de 25415 euros, dont 15 857 euros de revenus locatifs
- l'actif détenu en compte s'élève, selon le liquidateur judiciaire, à 8 815,55 euros.
A supposer que la débitrice puisse dégager un revenu annuel moyen de l'ordre de 25 000 euros, elle est en capacité, sur une durée maximale de 10 ans d'assumer financièrement des annuités de 6 651 euros.
Il y a lieu par conséquent d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire et de renvoyer l'affaire et les parties devant le tribunal judiciaire de Draguignan afin que soit poursuivie la procédure de redressement judiciaire, la période d'observation devant être mise à profit pour l'élaboration d'un plan de redressement à circulariser auprès des créanciers, permettant à Mme [S] d'apurer intégralement le passif déclaré. Il y a lieu de débouter la Selarl RM Mandataires de sa demande d'irrecevabilité de la demande d'admission d'un plan.
Concernant la demande de Mme [S] tendant à voir déclarer le bien immobilier sis à [Adresse 9] insaisissable, outre qu'il s'agit d'une demande qui ne se rattache pas à l'objet du litige et formulée pour la première fois à hauteur d'appel, cette prétention n'a pas été reprise dans le dispositif des conclusions de l'appelante, qui seul lie la cour en application de l'article 954 du code de procédure civile. La demande de la Selarl RM Mandataire tendant à voir déclarer cette prétention irrecevable est par conséquent sans objet.
Compte tenu des circonstances de la cause, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou de l'autre des parties et toute demande sur ce chef sera rejetée.
Les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Draguignan en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à ouvrir à l'égard de Mme [Z] [S] une procédure de surendettement;
L'infirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Rejette les demandes de la partie intimée tendant à l'irrecevabilité des demandes de l'appelante en ce qui concerne l'insaisissabilité du bien immobilier sis à [Adresse 8] et l'adoption d'un plan de redressement ;
Ordonne la poursuite de la procédure de redressement judiciaire et de la période d'observation;
Renvoie les parties et la procédure devant le tribunal judiciaire de Draguignan afin que soit élaboré un plan de redressement permettant d'apurer la totalité du passif déclaré ;
Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et rejette toute demande sur ce chef ;
Dit que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,
Chambre 3-2
ARRÊT AU FOND
DU 03 SEPTEMBRE 2025
Rôle N° RG 24/13940 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BN7HT
[Z] [S]
(AJT n° 2024-011660 du 25/03/2025 BAJ d'[Localité 5] - EN -PROVENCE)
C/
S.E.L.A.R.L. RM MANDATAIRES
Copie exécutoire délivrée
le : 03/09/2025
à :
Me Patrick GEORGES
Me Julie GIANELLI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 07 Novembre 2024 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 24/01387.
APPELANTE
Madame [Z] [S]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2024-011660 du 25/03/2025 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 6]), née le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 7] (84), de nationalité Française, demeurant [Adresse 4], inscrite au RNE sous le numéro 342 556 289, anciennement entrepreneur individuel en activité d'agent commercial immobilier,
représentée par Me Patrick GEORGES de la SELARL PATRICK GEORGES ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de TOULON
assistée de Me Olivier HASENFRATZ de la SELEURL CABINET HASENFRATZ, avocat au barreau de PARIS, plaidant
INTIMEE
La SELARL RM MANDATAIRES,
prise en la personne de Maître [H] [V], ès-qualités de liquidateur de Madame [Z] [S], fonctions auxquelles elle a été nommée suivant Jugement du Tribunal judiciaire de TOULON en date du 7 novembre 2024, et ès-qualités de Mandataire Judiciaire de Madame [Z] [S], fonctions auxquelles elle a été nommée suivant Jugement du Tribunal judiciaire de TOULON du 4 avril 2024, dont le siège social est sis [Adresse 1], inscrite au RCS de TOULON sous le n° D 420 111 569
représentée par Me Julie GIANELLI, avocat au barreau de TOULON, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 02 Juillet 2025 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Gwenael KEROMES, Présidente a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre
Madame Muriel VASSAIL, Conseillère
Mme Isabelle MIQUEL, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Septembre 2025.
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Septembre 2025,
Signé par Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre et Madame Chantal DESSI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Mme [Z] [S] inscrite au RNE sous le numéro 342 556 289, exerce une activité d'agent commercial en immobilier sous le statut d'entrepreneur indépendant, à son domicile personnel situé à [Adresse 10]. Ce domicile a été acquis à l'aide d'un prêt immobilier contracté en 2018 d'un montant de 80 000 euros. Elle a, par ailleurs, débuté à compter du mois de juillet 2023 une activité secondaire de location meublée en louant deux chambres, puis une troisième ainsi qu'une petite dépendance attenant à sa maison.
Rencontrant des difficultés économiques, Mme [Z] [S] a déposé une déclaration de cessation des paiements le 6 mars 2024 et sollicité auprès du tribunal judiciaire de Toulon, une mesure de redressement judiciaire.
Par jugement du 4 avril 2024, le tribunal judiciaire de Toulon a ouvert une procédure de redressement judiciaire à son égard, fixant la date de cessation des paiements au 1er octobre 2023, avec période d'observation de 6 mois et désigné la Selarl RM Mandataires prise en la personne de Me [H] [V] en qualité de mandataire judiciaire.
A la requête de ce dernier déposée le 13 mai 2024, le tribunal judiciaire a :
- dit n'y avoir lieu à appliquer les dispositions de l'article L 681-1 du code de commerce
- dit n'y avoir lieu à ouvrir une procédure de surendettement,
- mis fin à la période d'observation,
- ordonné la conversion de la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire,
- désigné en qualité de liquidateur judiciaire la Selarl RM Mandataires représentée par Me [H] [V] .
Pour se déterminer, le tribunal judiciaire a considéré que :
- Mme [Z] [S] relève du statut de l'entrepreneur individuel au sens de l'article L526-22 du code de commerce ;
- il appartient au tribunal de vérifier si l'article L681-1 du code de commerce s'applique et le cas échéant d'apprécier si les conditions d'ouverture sont réunies pour les deux patrimoines,
- Mme [Z] [S] a débuté son activité le 25 septembre 2021 et au moins une des créances dont il est fait état est antérieure au 15 mai 2022, date d'entrée en vigueur de la loi du 14 février 2022, s'agissant de l'emprunt immobilier contracté le 21 novembre 2018 pour l'achat du domicile personnel à l'adresse duquel est domiciliée l'activité professionnelle ;
- la distinction des patrimoines n'a pas été strictement respectée et par conséquent, l'article L681-1 n'a pas lieu de s'appliquer, comme il n'y a pas lieu à l'ouverture d'une procédure de surendettement.
- en outre, en cas de cessation d'activité le passif doit être considéré dans son entièreté les deux patrimoines étant réunis conformément à l'article L.526-2 du code de commerce,
- compte tenu de la cessation d'activité de la débitrice, il apparaît impossible d'aboutir à un plan de continuation et il convient de convertir la procédure de redressement en liquidation judiciaire.
Mme [Z] [S] a interjeté appel le 19 novembre 2024 de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions d'appelante 4 déposées et notifiées au RPVA le 2 juin 2025 , Mme [S] demande à la cour :
- d'infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Toulon en toutes ses dispositions ayant ordonné la conversion de la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire, écarté l'application des dispositions de l'article L681-1 du code de commerce, constaté à tort la réunion des patrimoines professionnel et personnel et rejeté la demande subsidiaire de traitement de la situation au titre du surendettement des particuliers,
En conséquence,
- de juger qu'elle bénéficie en sa qualité d'entrepreneur individuel de la séparation des patrimoines professionnels et personnels institués par l'article L.526-22 du code de commerce,
- de juger qu'à la date du jugement de conversion du 7 novembre 2024, Mme [Z] [S] n'avait pas cessé son activité professionnelle,
- de juger qu'il existe une capacité d'apurement effective du passif professionnel,
- de rejeter la demande de conversion en liquidation judiciaire et d'ordonner la poursuite de la procédure de redressement judiciaire sous réserve de l'élaboration d'un plan
et en ce sens,
- approuver le plan A visant l'apurement du passif strictement professionnel évalué à 6 872 euros selon une mensualité de 549 euros sur une durée de 13 mois sans intérêt ni concours extérieur ;
- subsidiairement, approuver le plan B portant sur l'apurement intégral du passif y compris le prêt immobilier pour un montant total de 69 430 euros, selon une mensualité constante de 549 euros sur une durée de 127 mois ,
A titre subsidiaire,
- juger que les dettes majoritairement personnelle de Mme [S] ne relèvent pas du redressement judiciaire ;
- renvoyer Mme [D] vers la commission de surendettement des particuliers pour le prêt bancaire en application de l'article L 711-3 du code de la consommation pour traitement de sa situation au titre de l'endettement personnel et notamment du prêt immobilier,
En tout état de cause,
- condamner la Selarl RM Mandataires en qualité de mandataire judiciaire, aux entiers dépens de l'instance,
- allouer à Mme [D] une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'appelante soutient ne pas avoir renoncé expressément à la séparation des patrimoines, qui est de droit et le fait qu'elle ait signé l'état des créances ne saurait valoir renonciation, n'étant alors assistée d'aucun avocat.
Elle affirme que le bien immobilier acquis à l'aide d'un prêt de 80 000 euros est un bien personnel qui n'a fait l'objet d'aucune affectation à l'activité et qu'elle n'en loue une partie que de manière ponctuelle ; que ce bien doit rester dans le périmètre de son patrimoine personnel insaisissable au sens de l'article L. 526-22 précité et que la dette afférente ne saurait être admise au passif de la procédure collective.
Elle soutient ne pas avoir cessé son activité professionnelle, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, avoir déclaré un chiffre d'affaires BNC de 11 563 euros au second trimestre 2024 dans le cadre d'une transaction immobilière pour lequel elle règle des cotisations à l'Urssaf. Parallèlement elle a développé une activité de location meublée non professionnelle régie par le régime fiscal 'micro-bic' dont les revenus déclarés ont excédé 15 000 euros en 2024 et estimés à 17 000 euros sur l'exercice entier, activité civile accessoire qui est en plein essor sous forme notamment de deux baux mobilité, sans incidence sur le statut d'entrepreneur individuel.
Selon elle, un plan de redressement est parfaitement envisageable compte tenu du passif professionnel déclaré, limité à la seule la créance de l'Urssaf s'élevant à 3 721,05 euros à laquelle peut être rajoutée la somme de 277 euros au titre des cotisations sociales complémentaires.
Elle conteste les arguments du liquidateur judiciaire selon lesquels :
- la résidence principale Mme [S] constituerait le siège de son activité et qu'elle y aurait également hébergé une activité de location attrayant ainsi le bien immobilier dans le patrimoine professionnelle de cette dernière.
- l'actif détenu en compte soit 8 815 euros serait insuffisant à apurer le passif et les frais
Aux termes de leurs dernières conclusions récapitulatives n°5 notifiées par RPVA le 26 juin 2025, auxquelles la cour entend se référer pour plus ample exposé des prétentions, la Selarl RM Mandataires demande à la cour de :
- prononcer l'irrecevabilité de la demande de Mme [Z] [S] tendant à juger que le bien objet du prêt souscrit en 2018 constitue un bien personnel insaisissable,
- prononcer l'irrecevabilité de la demande de Mme [Z] [S] tendant à arrêter un plan de redressement en cause d'appel,
Subsidiairement,
- débouter Mme [Z] [S] de sa demande tendant à juger que le bien objet du prêt souscrit en 2018 constitue un bien personnel insaisissable,
- prononcer que la procédure collective porte sur l'ensemble du patrimoine de Mme [Z] [S],
En tout état de cause,
- prononcer que toutes les créances déclarées au passif de la procédure collective de Mme [Z] [S] sont professionnelles,
- prononcer que le passif de Mme [Z] [S] est professionnel,
- débouter Mme [Z] [S] de toutes demandes contraires,
- statuer sur la cessation d'activité de Mme [Z] [S] et l'application des dispositions de l'article L626-22 du code de commerce,
- donner acte et prononcer que la Selarl RM Mandataires ès qualités de liquidateur judiciaire de Mme [Z] [S] s'en rapporte à la sagesse de la cour de céans quant à la demande de Mme [Z] [S] visant à renvoyer l'affaire devant le tribunal judiciaire de Toulon en vue de présenter un plan d'apurement de sa dette.
- condamner Mme [Z] [S] à payer à la Selarl RM Mandataires la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
L'intimée fait valoir que':
- le passif antérieur est de 66 507 euros (banque populaire méditerranée 62 558,85 euros - SGC [Localité 11] : 115,53 € - SGC [Localité 11] 111,57 euros, Urssaf Paca : 3 721,05 euros).
- le passif postérieur est de 2 739,17 euros (Urssaf et SGC [Localité 11]). Mme [Z] [S] bénéficiait d'un échéancier de 12 mois de l'Urssaf pour le passif postérieur.
- les frais de justice s'élèvent à 9 137,87 euros, émoluments de la Selarl RM Mandataires compris (4 185,56 euros)
Au vu de l'actif disponible en caisse et des revenus déclarés par l'appelante au bureau d'aide juridictionnelle, s'élevant à 9 360 euros, celle-ci n'est pas en capacité de faire face aux obligations des plans de redressement qu'elle propose, dont l'un excède la durée de 10 ans, qu'il s'agisse du plan A avec un règlement de certaines créances mais pas de la totalité du passif, que du plan B prévu sur 10 ans et 7 mois sans frais ni intérêts, ce qui n'est pas possible au regard des dispositions de l'article L622-28 du code de commerce.
La demande tendant à faire arrêter par la cour un plan de redressement est irrecevable car c'est une demande nouvelle en appel et il n'a pas été circularisé auprès des créanciers.
Quant à la détermination du patrimoine visé par la procédure collective, le liquidateur judiciaire considère que l'activité de location de logement est immatriculée au RNE sous le même numéro SIREN visé par la procédure collective et correspond donc à une activité secondaire dépendant du même numéro SIREN. A cet égard le jugement d'ouverture a acquis l'autorité de la chose jugée.
Son statut fiscal de loueur de meublé non professionnel ne peut suffire à démontrer que cette activité n'est pas professionnelle, ce d'autant que la totalité de ses revenus sont issus des activités exercées sous le même numéro SIREN et qu'elle a mentionné cette activité dans sa déclaration de cessation des paiements dans le chiffre d'affaires déclaré sous le même numéro SIREN.
Selon l'article L526-22 du code de commerce, les biens, droits, obligations et sûretés dont il est titulaire et qui sont utiles à son activité ou à ses activités professionnelles indépendantes constitue le patrimoine professionnel de l'entrepreneur individuel, sous réserve du titre VI du présent code, ce patrimoine ne peut être scindé. L'article R526-26 3°du code de commerce précise que les biens immeubles servant à l'activité, y compris la partie de la résidence principale de l'entrepreneur individuel utilisé pour un usage professionnel .
Mme [Z] [S] a pour activité la location du bien immobilier qu'elle a acquis à l'aide d'un prêt immobilier et dont elle a retiré 15 000 euros pour l'année 2024 et ne peut donc soutenir que la créance de la banque d'un montant de 62 558,85 euros serait une créance personnelle afférente à son patrimoine personnel, interprétation qui se heurte aux dispositions des articles L526-22 et R. 626-26 du code de commerce.
Sur la séparation des patrimoines, elle fait valoir que le principe de séparation des patrimoines classe les éléments patrimoniaux de l'entrepreneur individuel par référence à leur utilité du bien au regard de l'activité professionnelle.
L'immatriculation pour cette activité de location et le qualificatif de non professionnel fait par l'administration fiscale est sans lien avec la qualification d'activité professionnelle au sens des dispositions du code de commerce précitées. Or il est constant que Mme [Z] [S] tire ses revenus de la location du bien immobilier objet du prêt immobilier souscrit en 2018. Dès lors le critère de l'utilité est rempli et la créance de prêt est donc professionnelle.
Sur la nature du bien immobilier, l'objet de l'appel est la réformation du jugement ayant prononcé sa liquidation judiciaire et la question de l'insaisissabilité du logement dans lequel Mme [S] a fixé sa résidence principale constitue une demande nouvelle, sur laquelle le premier juge ne s'est pas prononcée et est irrecevable en cause d'appel.
Sur la cessation d'activité, Mme [Z] [S] ne produit pas d'élément relatif à son activité d'agent commercial et ne présente pas de contrat de location à ce jour.
La cour se prononcera sur sa cessation d'activité et sur l'application de l'article L.526-22
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L'affaire a fait l'objet d'une fixation à bref délai à l'audience du 04 juin 2025 puis renvoyée à l'audience du 2 juillet 2025 à la demande des parties. La clôture initialement rendue le 22 mai 2025 a été révoquée et prononcée le 2 juillet 2025.
Il sera renvoyé, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens respectifs.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il est acquis aux débats que Mme [Z] [S] relève du statut de l'entrepreneur individuel au sens de l'article L.526-22 du code de commerce issu de la loi API n°2022-172 du 14 février 2022 et à ce titre, la dissociation du patrimoine personnel et professionnel est de droit.
Il se déduit des dispositions expresses de l'article L. 681-1 2° du code de commerce que lorsque le tribunal de la procédure collective est saisi d'une demande d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire par un débiteur relevant du statut de l'entrepreneur individuel, il apprécie, dès le jugement d'ouverture, la situation globale de l'intéressé, à savoir si les conditions d'ouverture d'une procédure collective prévues au regard des dispositions du titre II à IV du code de commerce et si celles d'une procédure de surendettement prévue aux articles L. 711-1 et suivants du code de la consommation sont réunies. Il ne peut différer cet examen à l'issue ou en cours de période d'observation, mais il lui est toutefois loisible dans le même jugement, ouvrir une procédure collective du titre IV du code de commerce et surseoir à statuer sur l'ouverture de la procédure de surendettement dans l'attente du retour de l'inventaire des biens ou de toute autre mesure d'instruction appropriée.
En revanche, comme c'est le cas en l'espèce, si le tribunal ne s'est pas prononcé sur la situation du débiteur au regard de sa situation de surendettement, ce dernier peut, en cours de procédure, demander l'ouverture d'une procédure de surendettement attrayant son patrimoine personnel, s'il en remplit les conditions.
Pour rejeter la demande d'examen de la situation de surendettement de Mme [S] et son renvoi à la commission de surendettement, le jugement critiqué a estimé qu'il y avait lieu à la réunion des patrimoines en raison de la cessation de son activité professionnelle, d'une affectation économique de son logement et de la non séparation stricte des deux patrimoines de la débitrice, et en a déduit que la débitrice relevait d'une procédure collective.
Contrairement à ce que les premiers juges ont retenu, Mme [Z] [S] n'a pas cessé de son plein gré son activité professionnelle d'agent commercial, ayant été commissionnée au titre d'une vente immobilière réalisée en 2024, ni celle de location de meublé qu'elle justifie avoir poursuivi en 2024 et il ressort de l'attestation d'immatriculation au registre national des entreprises établie à la date du 28 mai 2025 (pièce n°7 de l'intimée) qu'elle n'a pas sollicité sa radiation du RNE, ni du registre des agents commerciaux et a, en outre, déclaré une activité secondaire à compter du 15 juillet 2023, de location de logement meublé qu'elle exerce au [Adresse 3], sous le même numéro SIREN. Ces deux activités doivent être considérées comme étant toujours en cours à la date à laquelle la cour statue, dans la mesure où leur cessation n'est que la conséquence du jugement de liquidation judiciaire faisant interdiction à la débitrice de poursuivre les dites activités.
En revanche, en raison de l'affectation d'une partie du bien immobilier lui appartenant, à son activité professionnelle d'agent commercial en immobilier (un bureau) et à celle de louage de meublés, activité dont elle ne conteste pas se livrer depuis le mois de juillet 2023 et qui lui procure une partie substantielle de ses revenus, soit 15 687 euros à la date du 3 octobre 2024 ou 17 000 euros estimés sur l'exercice plein, et dont le caractère habituel exclut tout aspect ponctuel, ce bien doit être considéré comme étant utile à ses deux activités professionnelles et, à ce titre, rattaché à son patrimoine professionnel, en application des articles L. 626-22 et R.526-26 du code de commerce, nonobstant le fait qu'elle y ait établi sa résidence principale.
Cette affectation résulte des déclarations et des pièces produites par l'appelante et ne nécessite pas, contrairement à ce qui est soutenu, une déclaration d'affectation ou un acte juridique particulier. L'appelante a, comme le relève le liquidateur judiciaire, déclaré cette activité de location de meublé sous le même numéro SIREN sous lequel elle exerce son activité d'agent commercial, confirmant ainsi -nonobstant le régime fiscal de loueur de meublé non professionnel appliqué à ces locations- qu'il s'agit bien d'une activité revêtant un caractère professionnel, ce qui ressort par ailleurs de la déclaration de cessation des paiements qu'elle a établie, laquelle mentionne le chiffre d'affaires des deux activités.
C'est donc par une exacte application des dispositions de l'article L.681-2 III du code de commerce que le tribunal a considéré, qu'en raison de l'affectation d'une partie du bien immobilier aux besoins de ses activités professionnelles déclarées caractérisant l'absence de séparation stricte des patrimoines professionnel et personnel, Mme [S] ne pouvait prétendre aux dispositions de l'article L.681-1 et relevait d'une procédure collective attrayant tout à la fois son patrimoine professionnel et personnel et a rejeté sa demande tendant au bénéficie d'une procédure de traitement de sa situation de surendettement.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Il se déduit des dispositions combinées des articles L. 631-1 et L. 631-15 du code de commerce que la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire n'est possible que si la poursuite de l'activité et le redressement sont manifestement impossibles.
L'impossibilité manifeste du débiteur à se redresser s'apprécie in concreto, au cas par cas, au regard de sa situation matérielle et financière globale et de son activité.
Par ailleurs, pour mener à bien cette appréciation, la cour doit examiner la situation matérielle réelle de l'appelante au jour où elle statue.
S'agissant de la détermination du passif antérieur, il ressort de la liste des créances admises nées antérieurement au jugement d'ouverture (pièce n°3 de l'intimée) que le passif de Mme [Z] [S], s'élevant à la somme totale de 66 507 euros est composé :
- passif privilégié :
Urssaf PACA : 3 721,05 euros (échu)
Banque Populaire Méditerranée : 62 558,85 euros (à échoir)
- passif chirographaire :
SGC [Localité 11] : 115,57 euros
Les capacités de redressement de Mme [S] sont par conséquent avérées et résultent des déclarations de ressources de l'année 2022 et 2023 qui font apparaître :
- en 2022, un chiffre d'affaires de 36 700 euros soit 23 700 euros de bénéfices tirés de son activité d'agent commercial en immobilier et 7 750 euros de revenus tirés de la location de chambres meublées, soit un revenu total de 31 460 euros
- pour 2023, elle a déclaré en 2024 un revenu imposable de 25415 euros, dont 15 857 euros de revenus locatifs
- l'actif détenu en compte s'élève, selon le liquidateur judiciaire, à 8 815,55 euros.
A supposer que la débitrice puisse dégager un revenu annuel moyen de l'ordre de 25 000 euros, elle est en capacité, sur une durée maximale de 10 ans d'assumer financièrement des annuités de 6 651 euros.
Il y a lieu par conséquent d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire et de renvoyer l'affaire et les parties devant le tribunal judiciaire de Draguignan afin que soit poursuivie la procédure de redressement judiciaire, la période d'observation devant être mise à profit pour l'élaboration d'un plan de redressement à circulariser auprès des créanciers, permettant à Mme [S] d'apurer intégralement le passif déclaré. Il y a lieu de débouter la Selarl RM Mandataires de sa demande d'irrecevabilité de la demande d'admission d'un plan.
Concernant la demande de Mme [S] tendant à voir déclarer le bien immobilier sis à [Adresse 9] insaisissable, outre qu'il s'agit d'une demande qui ne se rattache pas à l'objet du litige et formulée pour la première fois à hauteur d'appel, cette prétention n'a pas été reprise dans le dispositif des conclusions de l'appelante, qui seul lie la cour en application de l'article 954 du code de procédure civile. La demande de la Selarl RM Mandataire tendant à voir déclarer cette prétention irrecevable est par conséquent sans objet.
Compte tenu des circonstances de la cause, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou de l'autre des parties et toute demande sur ce chef sera rejetée.
Les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Draguignan en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à ouvrir à l'égard de Mme [Z] [S] une procédure de surendettement;
L'infirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Rejette les demandes de la partie intimée tendant à l'irrecevabilité des demandes de l'appelante en ce qui concerne l'insaisissabilité du bien immobilier sis à [Adresse 8] et l'adoption d'un plan de redressement ;
Ordonne la poursuite de la procédure de redressement judiciaire et de la période d'observation;
Renvoie les parties et la procédure devant le tribunal judiciaire de Draguignan afin que soit élaboré un plan de redressement permettant d'apurer la totalité du passif déclaré ;
Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et rejette toute demande sur ce chef ;
Dit que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,