CA Agen, ch. civ., 3 septembre 2025, n° 24/00648
AGEN
Arrêt
Autre
ARRÊT DU
03 Septembre 2025
MDB / NC
--------------------
N° RG 24/00648
N° Portalis DBVO-V-B7I -DHXZ
--------------------
[O] [C]
C/
MSA DORDOGNE LOT ET GARONNE
SCP [P] [J]
-------------------
GROSSES le
aux avocats
ARRÊT n° 224-25
COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Civile
LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,
ENTRE :
Madame [O] [C]
née le [Date naissance 2] 1971 à [Localité 10]
de nationalité française, exploitante agricole
domiciliée : [Adresse 9]
[Localité 5]
représentée par Me Erwan VIMONT, membre de la SCP LEX ALLIANCE, avocat postulant au barreau d'AGEN
et Me Thomas NECKEBROECK, exerçant sous l'enseigne Cabinet CTN, avocat plaidant au barreau de TOULOUSE, substitué à l'audience par Me Thibault FLOUR
APPELANTE d'un jugement du tribunal judiciaire d'AGEN en date du 16 mai 2024, RG 23/01706
D'une part,
ET :
MSA DORDOGNE LOT ET GARONNE prise en la personne de ses représentants légaux audit siège
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Elodie SEVERAC, membre de la SELARL ACTION JURIS, avocate au barreau d'AGEN
SCP [P] [J] en qualité de mandataire liquidateur de Mme [O] [C] et anciennement commissaire à l'exécution du plan de ce même débiteur
[Adresse 7]
[Localité 6]
n'ayant pas constitué avocat
INTIMÉES
D'autre part,
COMPOSITION DE LA COUR :
l'affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 16 juin 2025, sans opposition des parties, devant la cour composée de :
Marianne DOUCHEZ-BOUCARD, Présidente de chambre, qui a fait un rapport oral à l'audience
qui en a rendu compte dans le délibéré de la cour composée outre elle-même de :
André BEAUCLAIR, Président de chambre, et Anne Laure RIGAULT, Conseiller
en application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile et après qu'il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés,
Greffière : Nathalie CAILHETON
ARRÊT : prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
' '
'
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [O] [C] est exploitante agricole, à titre personnel. Elle est également co-gérante avec M. [N] [I] de l'EARL DE PEYRAL.
Par jugement du 1er juillet 2021, un plan de redressement présenté par Mme [O] [C] a été homologué par le tribunal judiciaire d'Agen prévoyant un échéancier de remboursement de ses dettes, d'un montant total de 49 501,39 euros, sur une période de 5 ans, le premier dividende de 9 595,26 euros, devant intervenir avant le 1er juillet 2022.
Par jugement du 16 mai 2024, le tribunal judiciaire d'Agen, saisi par la Caisse de Mutualité Sociale Agricole de Dordogne et Lot et Garonne et par le commissaire à l'exécution du plan (qui s'est finalement désisté après avoir pris acte du versement des sommes dues au titre du plan), a, entre autres dispositions :
- constaté la cessation des paiements de Mme [O] [C], [Adresse 8] et en a fixé provisoirement la date au 28 juin 2023 ;
- prononcé la résiliation du plan de redressement dont elle faisait l'objet et l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de Mme [O] [C], ci-après le débiteur ;
- désigné M. [K] [T] et, en cas d'indisponibilité Mme [B] [L], en qualité de juge-commissaire ;
- désigné la SCP [P] [J], représentée par Me [P] [J], en qualité de liquidateur judiciaire ;
- fixé à 18 mois le délai prévu pour le dépôt au greffe par le liquidateur judiciaire de la liste des créanciers du débiteur assortie de ses propositions d'admission, de rejet ou de renvoi devant la juridiction compétente ;
- désigné la SCP [G] BEYSSERESSE POLTEAU, représentée par [U] [G], huissier de justice, demeurant [Adresse 1], pour procéder à l'inventaire et à la prisée des biens du débiteur, aux frais de ce dernier, conformément aux dispositions des articles L. 622-6 et R. 622-5 du code de commerce, pour dresser l'inventaire de l'actif mobilier ;
- dit que cet inventaire et la prisée seraient établis en deux exemplaires, l'un remis au greffe de ce tribunal et l'autre au mandataire judiciaire ;
- dit que les frais correspondants à l'intervention de l'huissier de justice seraient compris en frais privilégiés de la procédure collective, payables sur les premiers fonds disponibles aux soins du mandataire judiciaire ;
- dit qu'en l'absence de comité d'entreprise ou de délégué du personnel, les salariés seraient invités à élire leur représentant qui exercera les fonctions dévolues au comité d'entreprise ou de délégué du personnel et que le procès-verbal d'élection ou de carence devra être déposé auprès du tribunal ;
- impartit un délai de deux mois à compter de la publication du présent jugement au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales aux créanciers pour la déclaration de leur créance, rappelé que ce délai est augmenté de deux mois pour les créanciers doivent déclarer leur créance au liquidateur judiciaire selon les modalités fixées aux articles L. 640-1 et suivants du code de commerce ;
- rappelé que les mesures de publicité, à savoir la publication du présent jugement au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales et dans un journal d'annonces légales du lieu du siège de la débitrice, seront effectuées à la diligence du greffe de la juridiction dans les quinze jours du prononcé de la décision et que le présent jugement sera signifié au débiteur à la diligence du greffe ;
- dit que les opérations liquidatives devront être effectuées dans un délai de deux ans ;
- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
Par déclaration du 21 juin 2024, Mme [O] [C] a interjeté appel de cette décision. Tous les chefs du jugement sont expressément critiqués dans la déclaration d'appel.
L'avis de fixation à bref délai a été envoyé le 5 juillet 2024.
Par ordonnance de référé du 26 septembre 2024, le Premier Président de la cour d'appel d'Agen, statuant en matière de référé, saisi par l'appelante d'une demande d'arrêt de l'exécution provisoire dont se trouve assorti le jugement déféré, a déclaré la citation des 19 et 22 août 2024 caduque et dit que les dépens seraient à la charge de Mme [O] [C].
Aux termes d'un arrêt du 27 novembre 2024, la présente cour a ordonné la réouverture des débats, invité le conseil de Mme [O] [C] à conclure avant le 6 janvier 2025 a fixé la clôture des débats au 12 février 2025 et réservé les droits des parties au fond et les dépens.
A l'audience du 12 février 2025, les parties ont sollicité un nouveau renvoi de la cause qui a finalement été évoquée à l'audience du 16 juin 2025, après fixation de la nouvelle clôture au 11 juin 2025 (ordonnance du 11 juin 2025).
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions déposées le 18 février 2025, Mme [O] [C] demande à la cour de :
- révoquer l'ordonnance de clôture du 12 février 2025 et de prononcer la clôture au jour des plaidoiries ;
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel ;
- constater qu'il n'y a lieu à ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire sur résolution du plan de redressement, Mme [O] [C] n'étant pas en cessation des paiements de manière caractérisée ;
Par conséquent,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé sa liquidation judiciaire en toutes ses dispositions ;
- débouter toutes autres demandes, fins et prétentions contraires ;
Statuant à nouveau,
- ordonner la poursuite du plan de redressement en faveur de Mme [O] [C] et maintenir la SCP [P] [J] en qualité de commissaire à l'exécution du plan ;
- statuer ce que de droit quant aux dépens.
Par ses conclusions numéro 2 du 30 janvier 2025, la MSA Dordogne demande à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré ;
- débouter Mme [O] [C] de ses demandes plus amples ou contraires ;
- condamner Mme [O] [C] au paiement d'une somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Dans ses conclusions déposées au greffe de la cour le 8 octobre 2024, le Procureur général, sur la recevabilité de l'appel et au fond, s'en est rapporté à la décision de la cour.
La SCP [P] [J], à qui la déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiées le 12 juillet 2024 et le 08 août 2024, n'a pas constitué avocat.
La cour pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties fait expressément référence à la décision entreprise et aux dernières conclusions régulièrement déposées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la procédure
L'ordonnance de clôture définitive de la procédure ayant été rendue le 11 juin 2025, la demande de rabat de l'ordonnance du 12 février 2025, au demeurant non contestée par l'intimée, est devenue sans objet.
La déclaration d'appel et les conclusions de la partie appelante ont été signifiées à la SCP [P] [J], organe de la procédure collective, intimée indiquant à la partie intimée que faute pour elle de constituer avocat dans un délai de 15 jours à compter de celle-ci, elle s'exposait à ce qu'un arrêt soit rendu contre elle sur les seuls éléments fournis par ses adversaires, et rappelant les dispositions de l'article 909 du code de procédure civile. La SCP [P] [J] n'a pas constitué avocat, il est donc statué par arrêt réputé contradictoire conformément aux dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.
Sur la cessation des paiements
L'article L.626-27 I alinéa 2 du code de commerce dispose que le tribunal qui a arrêté le plan peut, après avis du ministère public, en décider la résolution si le débiteur n'exécute pas ses engagements dans les délais fixés par le plan.
Lorsque la cessation des paiements du débiteur est constatée au cours de l'exécution du plan, le tribunal qui a arrêté ce dernier décide, après avis du ministère public, sa résolution et ouvre une procédure de redressement judiciaire ou, si le redressement est manifestement impossible, une procédure de liquidation judiciaire.
Le jugement qui prononce la résolution du plan met fin aux opérations et à la procédure lorsque celle-ci est toujours en cours. Sous réserve des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 626-19, il fait recouvrer aux créanciers l'intégralité de leurs créances et sûretés, déduction faite des sommes perçues, et emporte déchéance de tout délai de paiement accordé.
L'article L.631-1 du code de commerce définit la cessation des paiements comme l'impossibilité de faire face au passif exigible avec l'actif disponible.
La situation de l'entreprise doit être appréciée à la date à laquelle la cour statue.
Il ressort des pièces transmises par le tribunal judiciaire d'Agen et de celles versées par les parties que :
Le plan de redressement annexé au jugement du 1er juillet 2021 comprenait deux créances de la MSA DORDOGNE LOT ET GARONNE (dont le montant est illisible sur la pièce transmise par l'intimée).
Les premiers juges ont constaté dans le jugement du 16 mai 2024 que Mme [O] [C] restait devoir à la MSA DORDOGNE LOT ET GARONNE une somme de 29 979 euros (versement d'une somme de 5 000 euros en cours de procédure déduit selon l'organisme social), étant précisé que la somme initialement réclamée dans l'assignation du 25 septembre 2023 s'élevait à 17 629 euros, au titre des cotisations des années 2021, 2022 et des appels de cotisations de l'année 2023.
Par courrier du 29 avril 2024, réceptionné au greffe du tribunal judiciaire le 2 mai 2024, la SCP [P] [J], agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan, a informé cette juridiction que Mme [O] [C] avait procédé au paiement des créances inférieures à 500 euros pour un montant total de 151 euros et au paiement des deux premiers dividendes du plan pour un montant total de 19 190 euros. Elle a joint à ce courrier un récapitulatif des sommes allouées à chacun des créanciers qui prévoyait notamment le versement à la MSA de Dordogne d'une somme de 4 591,17 euros (2 833,37 euros et 1 757,80 euros) au titre du premier dividende et une somme identique au titre de deuxième dividende, soit une somme totale de 9 182,34 euros.
En outre, entre le 27 mars 2024 et le 2 mai 2024, Mme [O] [C] et M. [N] [I] ont procédé à trois virements d'un montant respectif de 5 000 euros, 10 000 euros et 9 000 euros.
Cependant, il ressort des relevés détaillés produits par la MSA DORDOGNE LOT ET GARONNE que ces sommes ont été affectées au paiement des cotisations salariales dues pour les années 2017 à 2020 (mais aussi sur des cotisations dues par M. [N] [I]). Ainsi, à la date du 7 novembre 2024, Mme [O] [C] restait recevable, selon l'intimée, de la somme de 12 155,11 euros. Après déduction du crédit de l'année 2024 (1 188,15 euros), de majorations de retard au titre de l'année 2024 (113.48 euros) et d'un versement de 100 euros effectué par Mme [O] [C] en octobre 2024, Mme [O] [C] demeurait encore redevable de la somme de 10 753,48 euros, représentant uniquement des sommes dues au titre des années 2021 et 2022, sommes exigibles postérieurement au prononcé du jugement du 1er juillet 2021.
Deux constats s'imposent à l'issue de l'examen de ces documents :
la cour en n'a pas été en mesure de déterminer à la lecture des pièces financières adressées par l'intimée ce qu'il était advenu des sommes affectées à ce créancier par le commissaire à l'exécution du plan au titre des deux premiers dividendes pour un montant de 9 182.34 euros ;
Les sommes versées par Mme [O] [C] et M. [N] [I] entre le mois de mars 2024 et le mois de mai de la même année, ont été affectées au remboursement de cotisations sociales déjà incluses dans le plan de redressement.
Eu égard à ces éléments, la demande de La MSA DORDOGNE LOT ET GARONNE tendant à la confirmation de la décision déférée au motif que Mme [O] [C] aurait contracté de nouvelles dettes, postérieures à la mise en 'uvre du plan de redressement, et serait donc en état de cessation de paiement, apparait, à la date à laquelle la cour statue, particulièrement mal fondée alors que :
- d'une part Mme [O] [C] s'est mobilisée non seulement pour procéder au paiement des dividendes qui lui incombait mais encore au paiement des cotisations sociales dues à la MSA postérieurement au prononcé du plan, peu important que les fonds proviennent d'un emprunt familial ;
- d'autre part la MSA DORDOGNE LOT ET GARONNE a affecté les derniers virements adressés par Mme [O] [C] à des cotisations déclarées dans le cadre de la procédure de redressement dont le remboursement devait intervenir dans le cadre de l'exécution du plan, laissant subsister des créances postérieures à l'établissement du plan qui auraient pu être soldés par lesdits versements.
D'où il s'en suit que l'existence d'une cessation des paiements n'est pas établie ; que le jugement déféré doit être infirmé et par voie de conséquence la poursuite de la procédure de redressement judiciaire avec maintien de la SCP [J] en qualité de commissaire au plan ordonnée.
Sur les demandes accessoires
Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la MSA DORDOGNE LOT ET GARONNE qui a succombé le montant des sommes exposées pour la présente procédure, ce qui commande le rejet de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire prononcé par mise à disposition et en dernier ressort,
Vu la nouvelle ordonnance de clôture rendue le 11 juin 2025 ;
CONSTATE que la demande de rabat de l'ordonnance du 12 février 2025 est devenue sans objet ;
INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Statuant de nouveau ;
CONSTATE qu'il n'existe pas de cessation de paiements caractérisée ;
ORDONNE la poursuite de la procédure de redressement judiciaire ;
DIT que la SCP [J] sera maintenue en qualité de commissaire à l'exécution du plan ;
Y ajoutant :
REJETTE la demande de la MSA DORDOGNE LOT ET GARONNE fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
DIT que les dépens seront passés en frais privilégiés de procédure collective.
Le présent arrêt a été signé par Marianne DOUCHEZ-BOUCARD, présidente, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière, La Présidente,
03 Septembre 2025
MDB / NC
--------------------
N° RG 24/00648
N° Portalis DBVO-V-B7I -DHXZ
--------------------
[O] [C]
C/
MSA DORDOGNE LOT ET GARONNE
SCP [P] [J]
-------------------
GROSSES le
aux avocats
ARRÊT n° 224-25
COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Civile
LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,
ENTRE :
Madame [O] [C]
née le [Date naissance 2] 1971 à [Localité 10]
de nationalité française, exploitante agricole
domiciliée : [Adresse 9]
[Localité 5]
représentée par Me Erwan VIMONT, membre de la SCP LEX ALLIANCE, avocat postulant au barreau d'AGEN
et Me Thomas NECKEBROECK, exerçant sous l'enseigne Cabinet CTN, avocat plaidant au barreau de TOULOUSE, substitué à l'audience par Me Thibault FLOUR
APPELANTE d'un jugement du tribunal judiciaire d'AGEN en date du 16 mai 2024, RG 23/01706
D'une part,
ET :
MSA DORDOGNE LOT ET GARONNE prise en la personne de ses représentants légaux audit siège
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Elodie SEVERAC, membre de la SELARL ACTION JURIS, avocate au barreau d'AGEN
SCP [P] [J] en qualité de mandataire liquidateur de Mme [O] [C] et anciennement commissaire à l'exécution du plan de ce même débiteur
[Adresse 7]
[Localité 6]
n'ayant pas constitué avocat
INTIMÉES
D'autre part,
COMPOSITION DE LA COUR :
l'affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 16 juin 2025, sans opposition des parties, devant la cour composée de :
Marianne DOUCHEZ-BOUCARD, Présidente de chambre, qui a fait un rapport oral à l'audience
qui en a rendu compte dans le délibéré de la cour composée outre elle-même de :
André BEAUCLAIR, Président de chambre, et Anne Laure RIGAULT, Conseiller
en application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile et après qu'il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés,
Greffière : Nathalie CAILHETON
ARRÊT : prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
' '
'
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [O] [C] est exploitante agricole, à titre personnel. Elle est également co-gérante avec M. [N] [I] de l'EARL DE PEYRAL.
Par jugement du 1er juillet 2021, un plan de redressement présenté par Mme [O] [C] a été homologué par le tribunal judiciaire d'Agen prévoyant un échéancier de remboursement de ses dettes, d'un montant total de 49 501,39 euros, sur une période de 5 ans, le premier dividende de 9 595,26 euros, devant intervenir avant le 1er juillet 2022.
Par jugement du 16 mai 2024, le tribunal judiciaire d'Agen, saisi par la Caisse de Mutualité Sociale Agricole de Dordogne et Lot et Garonne et par le commissaire à l'exécution du plan (qui s'est finalement désisté après avoir pris acte du versement des sommes dues au titre du plan), a, entre autres dispositions :
- constaté la cessation des paiements de Mme [O] [C], [Adresse 8] et en a fixé provisoirement la date au 28 juin 2023 ;
- prononcé la résiliation du plan de redressement dont elle faisait l'objet et l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de Mme [O] [C], ci-après le débiteur ;
- désigné M. [K] [T] et, en cas d'indisponibilité Mme [B] [L], en qualité de juge-commissaire ;
- désigné la SCP [P] [J], représentée par Me [P] [J], en qualité de liquidateur judiciaire ;
- fixé à 18 mois le délai prévu pour le dépôt au greffe par le liquidateur judiciaire de la liste des créanciers du débiteur assortie de ses propositions d'admission, de rejet ou de renvoi devant la juridiction compétente ;
- désigné la SCP [G] BEYSSERESSE POLTEAU, représentée par [U] [G], huissier de justice, demeurant [Adresse 1], pour procéder à l'inventaire et à la prisée des biens du débiteur, aux frais de ce dernier, conformément aux dispositions des articles L. 622-6 et R. 622-5 du code de commerce, pour dresser l'inventaire de l'actif mobilier ;
- dit que cet inventaire et la prisée seraient établis en deux exemplaires, l'un remis au greffe de ce tribunal et l'autre au mandataire judiciaire ;
- dit que les frais correspondants à l'intervention de l'huissier de justice seraient compris en frais privilégiés de la procédure collective, payables sur les premiers fonds disponibles aux soins du mandataire judiciaire ;
- dit qu'en l'absence de comité d'entreprise ou de délégué du personnel, les salariés seraient invités à élire leur représentant qui exercera les fonctions dévolues au comité d'entreprise ou de délégué du personnel et que le procès-verbal d'élection ou de carence devra être déposé auprès du tribunal ;
- impartit un délai de deux mois à compter de la publication du présent jugement au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales aux créanciers pour la déclaration de leur créance, rappelé que ce délai est augmenté de deux mois pour les créanciers doivent déclarer leur créance au liquidateur judiciaire selon les modalités fixées aux articles L. 640-1 et suivants du code de commerce ;
- rappelé que les mesures de publicité, à savoir la publication du présent jugement au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales et dans un journal d'annonces légales du lieu du siège de la débitrice, seront effectuées à la diligence du greffe de la juridiction dans les quinze jours du prononcé de la décision et que le présent jugement sera signifié au débiteur à la diligence du greffe ;
- dit que les opérations liquidatives devront être effectuées dans un délai de deux ans ;
- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
Par déclaration du 21 juin 2024, Mme [O] [C] a interjeté appel de cette décision. Tous les chefs du jugement sont expressément critiqués dans la déclaration d'appel.
L'avis de fixation à bref délai a été envoyé le 5 juillet 2024.
Par ordonnance de référé du 26 septembre 2024, le Premier Président de la cour d'appel d'Agen, statuant en matière de référé, saisi par l'appelante d'une demande d'arrêt de l'exécution provisoire dont se trouve assorti le jugement déféré, a déclaré la citation des 19 et 22 août 2024 caduque et dit que les dépens seraient à la charge de Mme [O] [C].
Aux termes d'un arrêt du 27 novembre 2024, la présente cour a ordonné la réouverture des débats, invité le conseil de Mme [O] [C] à conclure avant le 6 janvier 2025 a fixé la clôture des débats au 12 février 2025 et réservé les droits des parties au fond et les dépens.
A l'audience du 12 février 2025, les parties ont sollicité un nouveau renvoi de la cause qui a finalement été évoquée à l'audience du 16 juin 2025, après fixation de la nouvelle clôture au 11 juin 2025 (ordonnance du 11 juin 2025).
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions déposées le 18 février 2025, Mme [O] [C] demande à la cour de :
- révoquer l'ordonnance de clôture du 12 février 2025 et de prononcer la clôture au jour des plaidoiries ;
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel ;
- constater qu'il n'y a lieu à ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire sur résolution du plan de redressement, Mme [O] [C] n'étant pas en cessation des paiements de manière caractérisée ;
Par conséquent,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé sa liquidation judiciaire en toutes ses dispositions ;
- débouter toutes autres demandes, fins et prétentions contraires ;
Statuant à nouveau,
- ordonner la poursuite du plan de redressement en faveur de Mme [O] [C] et maintenir la SCP [P] [J] en qualité de commissaire à l'exécution du plan ;
- statuer ce que de droit quant aux dépens.
Par ses conclusions numéro 2 du 30 janvier 2025, la MSA Dordogne demande à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré ;
- débouter Mme [O] [C] de ses demandes plus amples ou contraires ;
- condamner Mme [O] [C] au paiement d'une somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Dans ses conclusions déposées au greffe de la cour le 8 octobre 2024, le Procureur général, sur la recevabilité de l'appel et au fond, s'en est rapporté à la décision de la cour.
La SCP [P] [J], à qui la déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiées le 12 juillet 2024 et le 08 août 2024, n'a pas constitué avocat.
La cour pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties fait expressément référence à la décision entreprise et aux dernières conclusions régulièrement déposées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la procédure
L'ordonnance de clôture définitive de la procédure ayant été rendue le 11 juin 2025, la demande de rabat de l'ordonnance du 12 février 2025, au demeurant non contestée par l'intimée, est devenue sans objet.
La déclaration d'appel et les conclusions de la partie appelante ont été signifiées à la SCP [P] [J], organe de la procédure collective, intimée indiquant à la partie intimée que faute pour elle de constituer avocat dans un délai de 15 jours à compter de celle-ci, elle s'exposait à ce qu'un arrêt soit rendu contre elle sur les seuls éléments fournis par ses adversaires, et rappelant les dispositions de l'article 909 du code de procédure civile. La SCP [P] [J] n'a pas constitué avocat, il est donc statué par arrêt réputé contradictoire conformément aux dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.
Sur la cessation des paiements
L'article L.626-27 I alinéa 2 du code de commerce dispose que le tribunal qui a arrêté le plan peut, après avis du ministère public, en décider la résolution si le débiteur n'exécute pas ses engagements dans les délais fixés par le plan.
Lorsque la cessation des paiements du débiteur est constatée au cours de l'exécution du plan, le tribunal qui a arrêté ce dernier décide, après avis du ministère public, sa résolution et ouvre une procédure de redressement judiciaire ou, si le redressement est manifestement impossible, une procédure de liquidation judiciaire.
Le jugement qui prononce la résolution du plan met fin aux opérations et à la procédure lorsque celle-ci est toujours en cours. Sous réserve des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 626-19, il fait recouvrer aux créanciers l'intégralité de leurs créances et sûretés, déduction faite des sommes perçues, et emporte déchéance de tout délai de paiement accordé.
L'article L.631-1 du code de commerce définit la cessation des paiements comme l'impossibilité de faire face au passif exigible avec l'actif disponible.
La situation de l'entreprise doit être appréciée à la date à laquelle la cour statue.
Il ressort des pièces transmises par le tribunal judiciaire d'Agen et de celles versées par les parties que :
Le plan de redressement annexé au jugement du 1er juillet 2021 comprenait deux créances de la MSA DORDOGNE LOT ET GARONNE (dont le montant est illisible sur la pièce transmise par l'intimée).
Les premiers juges ont constaté dans le jugement du 16 mai 2024 que Mme [O] [C] restait devoir à la MSA DORDOGNE LOT ET GARONNE une somme de 29 979 euros (versement d'une somme de 5 000 euros en cours de procédure déduit selon l'organisme social), étant précisé que la somme initialement réclamée dans l'assignation du 25 septembre 2023 s'élevait à 17 629 euros, au titre des cotisations des années 2021, 2022 et des appels de cotisations de l'année 2023.
Par courrier du 29 avril 2024, réceptionné au greffe du tribunal judiciaire le 2 mai 2024, la SCP [P] [J], agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan, a informé cette juridiction que Mme [O] [C] avait procédé au paiement des créances inférieures à 500 euros pour un montant total de 151 euros et au paiement des deux premiers dividendes du plan pour un montant total de 19 190 euros. Elle a joint à ce courrier un récapitulatif des sommes allouées à chacun des créanciers qui prévoyait notamment le versement à la MSA de Dordogne d'une somme de 4 591,17 euros (2 833,37 euros et 1 757,80 euros) au titre du premier dividende et une somme identique au titre de deuxième dividende, soit une somme totale de 9 182,34 euros.
En outre, entre le 27 mars 2024 et le 2 mai 2024, Mme [O] [C] et M. [N] [I] ont procédé à trois virements d'un montant respectif de 5 000 euros, 10 000 euros et 9 000 euros.
Cependant, il ressort des relevés détaillés produits par la MSA DORDOGNE LOT ET GARONNE que ces sommes ont été affectées au paiement des cotisations salariales dues pour les années 2017 à 2020 (mais aussi sur des cotisations dues par M. [N] [I]). Ainsi, à la date du 7 novembre 2024, Mme [O] [C] restait recevable, selon l'intimée, de la somme de 12 155,11 euros. Après déduction du crédit de l'année 2024 (1 188,15 euros), de majorations de retard au titre de l'année 2024 (113.48 euros) et d'un versement de 100 euros effectué par Mme [O] [C] en octobre 2024, Mme [O] [C] demeurait encore redevable de la somme de 10 753,48 euros, représentant uniquement des sommes dues au titre des années 2021 et 2022, sommes exigibles postérieurement au prononcé du jugement du 1er juillet 2021.
Deux constats s'imposent à l'issue de l'examen de ces documents :
la cour en n'a pas été en mesure de déterminer à la lecture des pièces financières adressées par l'intimée ce qu'il était advenu des sommes affectées à ce créancier par le commissaire à l'exécution du plan au titre des deux premiers dividendes pour un montant de 9 182.34 euros ;
Les sommes versées par Mme [O] [C] et M. [N] [I] entre le mois de mars 2024 et le mois de mai de la même année, ont été affectées au remboursement de cotisations sociales déjà incluses dans le plan de redressement.
Eu égard à ces éléments, la demande de La MSA DORDOGNE LOT ET GARONNE tendant à la confirmation de la décision déférée au motif que Mme [O] [C] aurait contracté de nouvelles dettes, postérieures à la mise en 'uvre du plan de redressement, et serait donc en état de cessation de paiement, apparait, à la date à laquelle la cour statue, particulièrement mal fondée alors que :
- d'une part Mme [O] [C] s'est mobilisée non seulement pour procéder au paiement des dividendes qui lui incombait mais encore au paiement des cotisations sociales dues à la MSA postérieurement au prononcé du plan, peu important que les fonds proviennent d'un emprunt familial ;
- d'autre part la MSA DORDOGNE LOT ET GARONNE a affecté les derniers virements adressés par Mme [O] [C] à des cotisations déclarées dans le cadre de la procédure de redressement dont le remboursement devait intervenir dans le cadre de l'exécution du plan, laissant subsister des créances postérieures à l'établissement du plan qui auraient pu être soldés par lesdits versements.
D'où il s'en suit que l'existence d'une cessation des paiements n'est pas établie ; que le jugement déféré doit être infirmé et par voie de conséquence la poursuite de la procédure de redressement judiciaire avec maintien de la SCP [J] en qualité de commissaire au plan ordonnée.
Sur les demandes accessoires
Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la MSA DORDOGNE LOT ET GARONNE qui a succombé le montant des sommes exposées pour la présente procédure, ce qui commande le rejet de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire prononcé par mise à disposition et en dernier ressort,
Vu la nouvelle ordonnance de clôture rendue le 11 juin 2025 ;
CONSTATE que la demande de rabat de l'ordonnance du 12 février 2025 est devenue sans objet ;
INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Statuant de nouveau ;
CONSTATE qu'il n'existe pas de cessation de paiements caractérisée ;
ORDONNE la poursuite de la procédure de redressement judiciaire ;
DIT que la SCP [J] sera maintenue en qualité de commissaire à l'exécution du plan ;
Y ajoutant :
REJETTE la demande de la MSA DORDOGNE LOT ET GARONNE fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
DIT que les dépens seront passés en frais privilégiés de procédure collective.
Le présent arrêt a été signé par Marianne DOUCHEZ-BOUCARD, présidente, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière, La Présidente,