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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 4 septembre 2025, n° 21/11436

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 21/11436

4 septembre 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4

ARRÊT AU FOND

DU 04 SEPTEMBRE 2025

Rôle N° RG 21/11436 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BH4LC

[D] [B]

S.A.S. JALOM

C/

[U] [K]

S.A. MMA IARD

S.A. VERSPIEREN

Copie exécutoire délivrée

le : 4 Septembre 2025

à :

Me Paul GUEDJ

Me Caroline PAYEN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'AIX-EN-PROVENCE en date du 15 Janvier 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 19/00468.

APPELANTS

Monsieur [D] [B]

né le [Date naissance 7] 1964 à [Localité 11] (Liban), demeurant [Adresse 2] - [Localité 3]

représenté par Me Caroline PAYEN de la SCP DRUJON D'ASTROS & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Manon CHAMPEAUX, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

S.A.S. JALOM

, demeurant [Adresse 2] - [Localité 3]

représentée par Me Caroline PAYEN de la SCP DRUJON D'ASTROS & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Manon CHAMPEAUX, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEES

Madame [U] [K]

née le [Date naissance 6] 1956 à ALGERIE, demeurant [Adresse 9] - [Localité 4]

défaillante

S.A. MMA IARD

, demeurant [Adresse 5] - [Localité 10]

représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Maître Nicolas CROZIER, avocat au barreau de PARIS

S.A. VERSPIEREN

, demeurant [Adresse 1] - [Localité 8]

représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Maître Nicolas CROZIER, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Mai 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président Rapporteur,

et Madame Laetitia VIGNON, conseiller- rapporteur,

chargés du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente

Madame Laetitia VIGNON, Conseillère

Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Septembre 2025.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Septembre 2025.

Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

La SAS Jalom, qui a pour activité principale l'achat et la vente de bijoux anciens et d'occasion, a été constituée le 20 novembre 2013 entre Mme [E] [M] et M. [D] [B], ce dernier étant désigné en qualité de président.

En 2014, la société a confié à Mme [U] [K], expert-comptable, une mission de présentation des comptes annuels dont l'étendue exacte fait débat entre les parties.

Par mail du 1er juillet 2015, le président de la SAS Jalom a notifié à Mme [K] la résiliation de sa mission prenant effet début 2015.

Un nouvel expert-comptable a été mandaté le 30 juillet 2015.

Dans un contexte de grave mésentente entre associés et de difficultés financières de la société caractérisées notamment par le non-remboursement du prêt consenti par la Caisse d'épargne pour l'acquisition du fonds, Mme [M] a saisi le président du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence d'une requête aux fins de désignation d'un administrateur provisoire.

Par ordonnance du 24 octobre 2016, Maître [S] [Z] a été désigné en qualité d'administrateur provisoire.

Un protocole d'accord a été conclu le 3 novembre 2017 entre les associés aux termes duquel Mme [M] a cédé à M. [B] les parts qu'elle détenait dans la société Jalom ainsi que son compte courant d'associé.

Il a été mis fin à la mission de l'administrateur le 28 novembre 2017.

Le 21 décembre 2017, l'administration fiscale a notifié à la société Jalom une proposition de rectification aux termes de laquelle la société était soumise à une taxation d'office au titre de la TVA pour l'année 2014 au motif qu'aucune déclaration annuelle récapitulative CA12 n'avait été souscrite.

La société Jalom a également fait l'objet d'une procédure de vérification de comptabilité portant sur les exercices 2015 et 2016, donnant lieu à une proposition de rectification notifiée le 16 juillet 2018 au titre de la TVA, de l'impôt sur les sociétés et de la taxe sur les véhicules de société.

Par acte du 17 décembre 2018, la SAS Jalom et M. [D] [B] ont fait assigner Mme [U] [K] ainsi que les sociétés MMA IARD et Verspieren devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence aux fins d'obtenir la condamnation de Mme [K], sous la garantie des assureurs, à indemniser les demandeurs des préjudices résultant des fautes commises par l'expert-comptable.

Mme [K] n'a pas constitué avocat devant le tribunal.

Par jugement du 15 janvier 2021, le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence a :

- mis hors de cause la SA Verspieren en sa qualité de courtier,

- dit que [U] [K] a failli à son devoir de conseil et d'alerte s'agissant des déclarations de TVA sur l'exercice 2014,

- débouté la SAS Jalom et [D] [B] de leurs demandes plus amples concernant la responsabilité contractuelle de [U] [K],

- constaté qu'aucun préjudice n'est sollicité pour le manquement retenu,

- débouté par conséquent la SAS Jalom et [D] [B] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

- dit n'y avoir lieu à statuer sur la garantie de la SA MMA IARD,

- condamné la SAS Jalom et [D] [B] in solidum à verser aux SA MMA IARD et Verspieren respectivement une indemnité de 3000 euros et une indemnité de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum la SAS Jalom et [D] [B] aux dépens,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision.

Le tribunal a retenu à cet effet :

- aucun contrat écrit n'a été établi entre les parties, les notes d'honoraires établies par l'expert-comptable pour les mois de juillet à décembre 2014 mentionnent des honoraires pour les missions 'comptabilité-bilan' et 'social'.

- quelles que soient les missions de l'expert-comptable, elles s'accompagnent toujours d'une obligation de conseil qui en est l'accessoire. Si on ne peut considérer au regard des seules notes d'honoraires produites que l'expert-comptable était chargé d'établir les déclarations fiscales, il ne pouvait ignorer, de par sa mission d'établissement du bilan, l'assujettissement de la société à la TVA et il lui incombait d'avertir son client de l'obligation de souscrire une déclaration d'assujettissement à la TVA et du risque de redressement fiscal encouru.

- il n'est versé aux débats aucun élément établissant la poursuite de la mission de Mme [K] pendant le premier semestre 2015 alors qu'il ressort du dossier que M. [O] [H] a été mandaté pour établir la comptabilité de la société à compter du 30 juillet 2015.

- il n'est pas démontré que l'absence de dépôt dans les délais des déclarations de TVA pour les exercices 2015 et 2016 soient imputables à des manquements de Mme [K], le rapport de l'administrateur provisoire faisant état de difficultés étrangères et indépendantes de la mission de l'expert-comptable, comme 'une approximation dans l'établissement des comptes en raison notamment des problèmes de santé rencontrés par M. [B]', et le rapport de l'administration fiscale mentionnant la carence de la société à fournir les justificatifs demandés.

- aucun élément ne permet d'étayer l'affirmation des demandeurs selon laquelle Mme [K] aurait falsifié le grand livre des comptes généraux concernant le compte courant d'associé de Mme [M].

- les préjudices allégués dont les demandeurs sollicitent l'indemnisation sont dépourvus de lien de causalité avec le seul manquement retenu par le tribunal à l'encontre de Mme [K].

La société Jalom et M. [B] ont interjeté appel de cette décision le 27 juillet 2021.

Par conclusions déposées et notifiées le 18 avril 2025, la société Jalom et M. [B] demandent à la cour de :

Vu les anciennes dispositions de l'article 1147 du code civil et 1231-1 du code civil nouveau, l'article 2051 du code civil,

Vu les dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile,

Vu l'article 17 de l'ordonnance du 19 septembre 1945 n°45-2138 portant institution de l'ordre des experts comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable,

Vu le décret n°2012-432 du 30 mars 2012 relatif à l'exercice de l'activité d'expertise comptable,

Recevoir l'appel de la SAS Jalom et de M. [D] [B] et le dire bien fondé,

À titre liminaire, sur la mise hors de cause de la SA Verspieren,

Constater que la mise en cause de la SA Verspieren en première instance résulte des informations transmises par l'ordre des experts comptables,

Prononcer la mise hors de cause de la SA Verspieren,

Rejeter les prétentions de la SA Verspieren plus amples ou contraires notamment au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Sur la garantie des MMA en qualité d'assureur,

Constater, que les MMA sont l'assureur de l'ordre des experts comptables de [Localité 12] au jour de la réclamation,

Juger que les MMA doivent leur garantie au titre des fautes professionnelles de Madame [U] [K],

Juger que les MMA, sont en toutes hypothèses infondées à opposer une non garantie en qualité d'assureur groupe au titre de la responsabilité civile professionnelle de Mme [U] [K],

À titre principal,

Juger que Mme [U] [K] a commis une faute professionnelle dans l'exercice de ses fonctions d'expert-comptable de la SAS Jalom consistant en un manquement à son devoir d'information, de conseil et d'alerte,

Juger que cette faute cause un préjudice direct à la SAS Jalom et à M. [D] [B] ès qualités d'associés gérant de la SAS Jalom,

Dire que le Mme [U] [K] était assurée au moment des faits au titre de sa responsabilité professionnelle auprès des MMA qui demeurent en tout état de cause l'assureur de l'ordre des experts comptable au jour de la réclamation,

En conséquence,

Réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence le 15 janvier 2021 en toutes ses dispositions en ce compris les condamnations allouées à la SA Verspieren et les MMA au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Le confirmer néanmoins en ce qu'il a dit que Mme [U] [K] avait failli à son devoir de conseil et d'alerte,

Statuant à nouveau,

Condamner solidairement Mme [U] [K], les MMA à payer à la SAS Jalom la somme de 9764 euros au titre des intérêts et majorations fiscales,

Juger cette prétention recevable,

Condamner solidairement Mme [U] [K] et les MMA à payer à la SAS Jalom la somme de 168 300 euros au titre de son préjudice économique et financier découlant du manquement à son obligation de conseil et d'alerte augmenté de la somme de 57 000 euros dont la SAS Jalom a été privée,

Condamner solidairement Mme [U] [K] et les MMA à payer à M. [D] [B] la somme de 57 000 euros au titre du détournement de son compte courant d'associé,

Condamner solidairement Mme [U] [K] et les MMA à payer à M. [D] [B] la somme de 5000 euros au titre du préjudice moral souffert par celui-ci,

Condamner toute compagnie d'assurance appelée en la cause par la défenderesse à relever et garantir Mme [U] [K] de toutes éventuelles condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre dans le cadre de la présente instance,

Condamner solidairement Mme [U] [K] les MMA au paiement de la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à tous les dépens dont distraction pour ceux la concernant au profit de Maître Caroline Payen, membre de la SCP Drujon d'Astros & associés qui pourra les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées et notifiées le 8 avril 2025, la SA MMA IARD et la SA Verspieren demandent à la cour, vu les dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile, de :

Juger irrecevables les nouvelles prétentions de la société Jalom relatives aux 9764 euros d'intérêts de retard au titre de redressement pour l'exercice 2014, non contenues dans ses premières conclusions d'appelant,

À titre principal

Confirmer le jugement de mise hors de cause de la société Verspieren,

Confirmer le jugement de débouté entrepris et de condamnation in solidum de la société Jalom et M. [B] à régler les indemnités de 1500 euros au profit de Verspieren et de 3000 euros au profit des MMA IARD au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il retient une faute contre Mme [K] et y ajoutant,

Juger que Mme [K] n'a pas commis de faute dans l'exécution de sa mission,

Débouter la société Jalom et M. [B] de l'intégralité de leurs demandes de condamnation des MMA IARD, es qualité d'assureur responsabilité civile de Mme [U] [K],

Condamner in solidum la société Jalom et M. [D] [B] à régler la somme de 1500 euros à Verspieren et celle de 5000 euros aux MMA IARD au titre de leurs frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel,

À titre subsidiaire,

Juger que la garantie des MMA a pris effet au 1er janvier 2015 et a pris fin le 28 juillet 2018 suite à la résiliation du contrat pour non-paiement de primes,

En conséquence,

Juger que les MMA sont bien fondées à opposer une non-garantie pour une réclamation intervenue postérieurement à la résiliation le 17 décembre 2018,

En conséquence,

Débouter la société Jalom et M. [B] de l'intégralité de leurs demandes de condamnation des MMA IARD, ès qualités d'assureur responsabilité civile de Mme [U] [K],

Condamner in solidum la société Jalom et M. [D] [B] à régler la somme de 1500 euros à Verspieren et celle de 5000 euros aux MMA IARD au titre de leurs frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

La procédure a été clôturée le 22 avril 2025.

MOTIFS

Sur la situation procédurale de Mme [K] :

Maître Paul Guedj de la SCP Cohen Guedj Montero Daval-Guedj a déposé le 3 août 2021 une constitution pour Mme [U] [K] et la SA MMA IARD.

Le 27 octobre 2021, cet avocat a déposé une nouvelle constitution pour la SA MMA IARD et la SA Verspieren, et précisé qu'il s'était constitué par erreur pour Mme [K], pour laquelle il n'entendait pas conclure.

Il sera en conséquence considéré que Mme [K], qui n'a pas mandaté Maître Guedj, constitué par erreur, n'a pas constitué avocat, et la présente décision sera rendue par défaut.

Sur les fautes reprochées à Mme [K] :

La responsabilité de l'expert-comptable s'apprécie à l'aune de la mission qui lui a été confiée.

Le fait que Mme [K] ait omis de faire signer à sa cliente une lettre de mission ne prive pas cette dernière de la possibilité d'établir par tout moyen la nature et l'étendue de la mission contractuelle.

Les appelants produisent les notes d'honoraires adressées mensuellement par Mme [K] entre juillet et décembre 2014.

Ces factures mentionnent un poste d'honoraires 'comptabilité-bilan' pour un montant mensuel de 305 euros HT et un poste d'honoraires 'social' pour un montant de 31 euros HT.

Il se déduit de ces intitulés que la mission confiée par la société Jalom à Mme [K] portait, outre sur le volet social non concerné par le présent litige, sur la présentation des comptes annuels qui implique a minima un contrôle sur l'organisation de la comptabilité, sa bonne tenue et sa régularité formelle.

Il ne résulte pas expressément des pièces produites par les appelants que Mme [K] aurait été chargée de l'établissement des déclarations fiscales et en particulier des déclarations de TVA, qui est une mission spécifique mais dans un message adressé le 11 juillet 2014 à M. [B], Mme [K] indique 'Pour la TVA, je viendrai au magasin le 23 juillet 2014 après midi si ça vous convient' ce dont il se déduit que la mission de l'expert-comptable impliquait des échanges relatifs à l'assujettissement de la société Jalom à la TVA.

En tout état de cause, ainsi que l'a énoncé le premier juge, quelles que soient les missions confiées à l'expert-comptable, elles s'accompagnent toujours d'une mission de conseil qui en est l'accessoire, ainsi que le rappelle le code de déontologie de la profession et en particulier l'article 142 du décret du 30 mars 2012 alors applicable.

Ce devoir de conseil est essentiellement constitué par l'obligation d'informer et d'éclairer le client, qui englobe un devoir de renseignement et un devoir de vigilance et de mise en garde, appréciés avec d'autant plus de rigueur que l'expert-comptable appartient à une profession réglementée.

Le tribunal a retenu à juste titre que chargée d'établir les comptes et bilans faisant notamment apparaître le chiffre d'affaires de l'entreprise ainsi que la TVA collectée et déductible, il appartenait à Mme [K] d'informer la société Jalom sur le régime de TVA applicable et les obligations déclaratives qui lui incombaient afin d'éviter un redressement fiscal.

Il appartenait ainsi à Mme [K] d'inviter la société Jalom à procéder à une déclaration annuelle récapitulative CA12 pour l'exercice 2014 et de l'informer sur la nécessité de procéder à une déclaration mensuelle sur l'exercice 2015 au regard du montant de la TVA due pour l'exercice 2014, étant rappelé que la mission de Mme [K] n'a été résiliée que par mail du 30 juillet 2015.

En s'abstenant de fournir à la société Jalom toute information et tout conseil à ce titre, Mme [K] a manqué à ses obligations et contribué à exposer la société Jalom à des redressements fiscaux.

Il ressort par ailleurs des courriers et mails produits par les appelants que Mme [K] a fait preuve d'une inertie blâmable en s'abstenant de communiquer au nouvel expert-comptable, M. [O] [H], les écritures comptables de 2014, permettant de faire la jonction avec 2015, tels la balance générale au 31/12/2014, les balances auxiliaires fournisseurs, clients et salariés, la liste des immobilisations et le tableau d'amortissements économiques, le grand livre général et les grands livres auxiliaires 2014, Mme [K] restant injoignable malgré les relances qui lui étaient adressées et la saisine du conseil de l'Ordre.

Les autres manquements reprochés par les appelants à Mme [K] ne sont en revanche pas suffisamment établis.

Il n'est pas démontré que la société Jalom aurait communiqué à Mme [K] des justificatifs de charges que cette dernière aurait égarés, ni que l'expert-comptable aurait falsifié le grand livre des comptes généraux concernant le compte courant d'associé de Mme [M].

À la suite de relances qui lui ont été adressées courant mai 2015, Mme [K] a transmis le 28 mai 2015 le bilan au 31 décembre 2014 sous forme de liasse fiscale, dont le caractère incomplet et erroné n'est pas démontré.

Sur les demandes d'indemnisation formées par les appelants :

- sur la recevabilité de la demande tendant à la condamnation solidaire de Mme [U] [K] et des MMA à payer à la SAS Jalom la somme de 9764 euros au titre des intérêts et majorations fiscales :

Aux termes de l'article 910-4 du code de procédure civile dans sa version applicable à la présente instance, à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond (...) Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs de jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Le principe de concentration temporelle des prétentions en cause d'appel édicté par ce texte est distinct du dispositif institué par l'article 564 du code de procédure civile qui interdit de formuler en appel une prétention non soumise au premier juge.

Le régime de l'article 910-4 est plus strict et les assouplissements prévus par les articles 565 et 566 ne sont pas applicables.

Ainsi que le soulignent les intimées, les appelants ont présenté pour la première fois dans leurs conclusions déposées et notifiées le 22 février 2022, soit postérieurement à l'expiration du délai prévu par l'article 908 du code de procédure civile, une prétention au fond tendant à la condamnation solidaire de Mme [U] [K] et des MMA à payer à la SAS Jalom la somme de 9764 euros au titre des intérêts et majorations réclamés par l'administration fiscale au titre du redressement portant sur l'exercice 2014.

Cette prétention est distincte de celle figurant dans les premières conclusions d'appelants et tendant à la condamnation solidaire de Mme [U] [K] et des MMA à payer à la SAS Jalom la somme de 9764 euros au titre des intérêts et majorations réclamés par l'administration fiscale au titre du redressement portant sur les exercices 2015 et 2016.

S'agissant de la demande en réparation d'un préjudice connu depuis le 17 septembre 2019, date de la mise en recouvrement mentionnée sur le justificatif produit à l'appui de cette demande, cette prétention, qui ne peut être considérée comme destinée à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait, sera déclarée irrecevable.

- sur les autres demandes :

La société Jalom sollicite l'allocation d'une somme de 168300 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice économique et financier, détaillée comme suit :

- 14000 euros au titre des honoraires de l'administrateur provisoire,

- 4300 euros au titre des frais exposés pour 'tenter de reprendre les négligences de Mme [K]',

- 150000 euros au titre de la chute du chiffre d'affaires de la société.

Il ressort des motifs de la requête et de l'ordonnance du président du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence du 24 octobre 2016 que la désignation d'un administrateur provisoire a été rendue nécessaire du fait de la défaillance de M. [B] dans l'exercice de ses fonctions de président depuis 2013, de la dégradation des relations et de l'absence de tout dialogue possible entre les deux associés, de l'exigibilité du prêt consenti pour l'acquisition du fonds et des poursuites exercées par la banque.

Le fait que l'administrateur provisoire mentionne dans son compte rendu de mission 'des incertitudes concernant le montant des comptes courants d'associés de chacun en l'état notamment des probables manquements de l'ancien expert-comptable' est insuffisant à établir un lien de causalité entre les manquements retenus par la cour à l'encontre de Mme [K] et la désignation de l'administrateur provisoire.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a écarté ce chef de réclamation.

S'agissant de la somme de 4300 euros prétendument exposée pour 'tenter de reprendre les négligences de Mme [K]', la société Jalom produit à l'appui de cette réclamation un mail adressé le 29 juin 2016 au conseil régional de l'ordre des experts-comptables par Mme [E] [M], évoquant le paiement par cette dernière, et non par la société Jalom, d'une somme de 4300 euros pour reprendre le travail de Mme [K] concernant les bilans 2013/14/15 d'une SCI Saint Antoine Marianna à Avignon.

La réclamation de la société Jalom à ce titre apparaît en conséquence particulièrement injustifiée.

Enfin, les appelants ne démontrent aucunement l'existence d'un lien de causalité entre la prétendue perte de chiffre d'affaires alléguée, sans précision sur la période concernée, et les manquements retenus par la cour à l'encontre de Mme [K].

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Jalom de sa demande à ce titre.

La société Jalom et M. [B] seront également déboutés de leurs demandes respectives en paiement d'une somme de 57 000 euros au titre de falsifications commises par Mme [K] concernant les comptes courants d'associés, non retenues par la cour.

La demande de M. [B] en réparation d'un préjudice moral résultant d'un prétendu détournement de son compte courant d'associé sera rejetée pour le même motif.

Les demandes de condamnations formées contre Mme [K] étant rejetées, il n'y a pas lieu de statuer sur les contestations de garantie opposées par les MMA.

La jugement dont appel sera ainsi confirmé en son intégralité, y compris en ce qui concerne la condamnation de la SAS Jalom et de M. [B] au paiement d'une indemnité pour frais irrépétibles au profit de la SA Verspieren, contrainte d'engager des frais pour défendre à une assignation délivrée à son encontre.

Parties succombantes en cause d'appel, la SAS Jalom et M. [B] seront condamnés aux dépens d'appel ainsi qu'au paiement d'une indemnité pour frais irrépétibles comme il sera dit au dispositif.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par défaut,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

Déclare les appelants irrecevables en leur prétention tendant à la condamnation solidaire de Mme [U] [K] et des MMA à payer à la SAS Jalom la somme de 9764 euros au titre des intérêts et majorations fiscales,

Condamne la SAS Jalom et [D] [B] in solidum à verser aux SA MMA IARD et Verspieren une indemnité globale de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS Jalom et [D] [B] in solidum aux dépens d'appel.

Le Greffier, La Présidente,

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