CA Nîmes, 1re ch., 4 septembre 2025, n° 23/03592
NÎMES
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 23/03592 -
N° Portalis DBVH-V-B7H-JAD7
AB
TJ DE NIMES
02 novembre 2023
RG:21/03739
Sci LA SALAMANDRE
C/
[Y]
[G]
SCI [Adresse 7]
Copie exécutoire délivrée
le 04 septembre 2025
à :
Me Clotilde Lamy
Me Jean-Michel Divisia
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1ère chambre
ARRÊT DU 04 SEPTEMBRE 2025
Décision déférée à la cour : jugement du tribunal judiciaire de Nîmes en date du 02 novembre 2023, N°21/03739
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Isabelle Defarge, présidente de chambre,
Mme Alexandra Berger, conseillère,
Mme Audrey Gentilini, conseillère,
GREFFIER :
Mme Nadège Rodrigues, greffière, lors des débats et du prononcé de la décision,
DÉBATS :
A l'audience publique du 17 juin 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 04 septembre 2025.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
La Sci LA SALAMANDRE
RCS CANNES n°481 091 536
prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Clotilde Lamy de la Selarl Cabinet Lamy Pomies-Richaud avocats associés, postulante/plaidante, avocate au barreau de Nîmes
INTIMÉS :
Me [S] [Y]
en sa qualité de gérant et d'associé de la Sci [Adresse 7] et de co-gérant de la Selarl UNIJURIS
né le [Date naissance 3] 1966 à [Localité 9]
[Adresse 5]
[Localité 9]
Me [C] [G]
en sa qualité d'associé de la Sci [Adresse 7] et de co-gérant de la Selarl UNIIJURIS
né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 8]
[Adresse 7]
[Localité 9]
La Sci 46 BHV
RCS NICE n° 481 126 076,
prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité
[Adresse 7]
[Localité 9]
Représentés par Me Jean-Michel Divisia de la Scp Coulomb Divisia Chiarini, postulant, avocat au barreau de Nîmes
Représentés par Me Philippe Dutertre de la Scp d'avocats Berliner-Dutertre, plaidant, avocat au barreau de Nice
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Isabelle Defarge, présidente de chambre, le 04 septembre 2025, par mise à disposition au greffe de la cour
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
La société civile immobilière [Adresse 7] a été constituée le 17 février 2005 en vue de l'acquisition d'un immeuble [Adresse 6] à Nice, initialement entre sept associés tous avocats.
Elle est actuellement constituée de trois associés égalitaires :
- Me [C] [G],
- Me [S] [Y]
- et la société civile immobilière La Salamandre dont le capital est réparti égalitairement entre M. [S] [L] et sa s'ur [I] [D] et dont les fonctions de gérant ont été confiées à leur père, Me [U] [L].
Par acte notarié du 20 février 2005, la société [Adresse 7] a effectivement acquis l'immeuble [Adresse 6] à [Localité 9].
Elle a consenti le 23 décembre 2005 sur l'ensemble de l'immeuble et ses dépendances un bail à usage professionnel pour une durée prenant effet rétroactivement le 03 mars 2005 et jusqu'au 31 décembre 2010, moyennant un droit d'entrée de 90 000 euros et un loyer annuel de 196 800 euros HT à la Selarl Unijuris dont le capital social était réparti initialement entre
- Me [C] [G] à hauteur de 20 %,
- Me [S] [Y] à hauteur de 28%
- et Me [U] [L] à hauteur de 44 %
puis ce dernier ayant fait valoir ses droits à la retraite et cessé son activité d'avocat le 1er juillet 2010, entre
- Me [C] [G] à hauteur de 450 parts
- Me [S] [Y] à hauteur de 450 parts,
- et Me [N] [P] à hauteur de 2 parts.
La société locataire a entrepris des travaux de réfection de la toiture et des façades pour un montant de 600 000 euros.
La société [Adresse 7] lui a consenti à compter du 21 décembre 2005 l'usufruit temporaire des parts de ses associés, pour une durée de 15 ans, soit jusqu'au 20 décembre 2020, avec faculté de sous-location et dans ce cadre l'usufruitière a donné à bail professionnel une partie des locaux à l'office notarial Dogliani-Kurgansky, au loyer annuel de 78 400 euros.
Par décision du 22 juin 2018 l'assemblée générale extraordinaire de la société [Adresse 7], a proposé de scinder le bail initial de 12 ans avec la société Unijuris qui s'était renouvelé par tacite reconduction en deux baux professionnels distincts conclus tous deux le 09 octobre 2018 pour une durée de 6 ans à compter du 1er mai 2018 devant expirer le 30 avril 2024 - le premier avec la société Unijuris portant sur les 1er et 2éme étages de l'immeuble au loyer annuel de 192 400 euros HT - le second avec la société Colas-Dogliani-Kurgansky portant sur le rez-de-chaussée de l'immeuble au loyer annuel de 78 400 euros HT.
Par lettre recommandée en date du 16 mai 2019, la société Colas-Dogliani-Kurgansky a informé la société [Adresse 7] de sa volonté de résilier ce dernier bail en quittant les lieux courant janvier 2020.
Aux termes de ses résolutions n°2 et n° 3 adoptées à la majorité, la société La Salamandre s'y étant opposée, l'assemblée générale extraordinaire du 14 décembre 2020 de la société [Adresse 7]
- a fixé ' le loyer annuel (hors charges et taxes foncières d'Unijuris à compter de l'année 2020 pour les locaux actuellement occupés (1er et 2ème étage (...) désormais à la somme de 120 000 euros sous réserve qu'Unijuris confirme en retour que le solde du compte courant qu'il détiendrait au 1er janvier 2021 dans la société sit compensé pou moitié avec les loyers sur chacune des années 2021 et 2022".
- a décidé ' eu égard au contexte sanitaire lié au Covid, d'abandonner le loyer dû par Unijusris au titre de l'année 2020 à hauteur de la somme de 60000 euros représentant six mois de loyer, les remboursements de taxe foncière et des charges étant maintenus'.
Par exploits d'huissier de justice en date des 24 et 30 août 2021, la société La Salamandre a fait assigner la société [Adresse 7], Me [S] [Y] et Me [C] [G], en annulation des deuxièmes et troisièmes résolutions de l'assemblée générale extraordinaire du 14 décembre 2020, rétablissement du loyer par application du bail en cours et indemnisation devant le tribunal judiciaire de Nîmes qui par jugement du 2 novembre 2023
- l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes,
- l'a condamnée à payer à la société [Adresse 7], Me [S] [Y] et [C] [G] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- l'a condamnée aux entiers dépens,
- a rappelé que sa décision est exécutoire de plein droit par provision.
L'immeuble a été vendu le 29 septembre 2023 au prix de 5 300 000 euros, un mois et demi avant l'intervention de ce jugement dont la société La Salamandre a interjeté appel par déclaration du 17 novembre 2023.
Par ordonnance du 24 octobre 2024, la clôture de la procédure a été fixée au 13 février 2025 et appelée devant le deuxième chambre civile de la cour d'appel de Nîmes le 6 mars 2025.
Suite à un changement de chambre, en date du 3 mars 2025 en direction de la première chambre civile de la cour d'appel de Nîmes, l'affaire a été fixée à l'audience du17 juin 2025. Au jour de l'audience, avant ouverture des débats, l'ordonnance de clôture a été révoquée et la clôture a été fixée au jour de l'audience et l'affaire mise en délibéré au 4 septembre 2025.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS
Aux termes de ses dernières conclusions régulièrement notifiées le 11 février 2025, la société La Salamandre, appelante, demande à la cour
- de réformer le jugement du tribunal judiciaire de Nimes du 2 novembre 2023 (RG n°21/03739 Minute JG23/254) en toutes ses dispositions.
statuant à nouveau
- de juger que les 2ème et 3ème résolutions de l'assemblée générale extraordinaire de la société [Adresse 7] en date du 14 décembre 2020 sont constitutives d'un abus de majorité, comme prises dans l'intérêt exclusif des associés majoritaires en violation de l'intérêt social et de l'associée minoritaire,
- de les juger nulles et de nul effet,
- de condamner en conséquence in solidum Mes [S] [Y] et [C] [G] à lui payer les sommes de
- 154 633 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier au titre de la quote-part de résultat dont elle a été privée à cause des avantages financiers abusivement consentis à la société Unijuris pour la période du 1er janvier 2020 au 29 septembre 2023 et de la perte de chance consécutive de revenus locatifs pour la société [Adresse 7],
- 100 000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
- de les débouter de leurs demandes,
- de les condamner in solidum à lui payer la somme de 7 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance,
Aux termes de leurs dernières conclusions régulièrement notifiées le 12 mars 2025, Me [S] [Y], Me [C] [G] et la société 46 BHV demandent à la cour :
- d'ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture,
- de confirmer le jugement,
- de débouter la société La Salamandre de toutes ses demandes,
- de la condamner au paiement d'une somme de 9 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Il est expressément fait renvoi aux dernières écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens conformément aux dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile.
MOTIVATION
* demande d'annulation des résolutions de l'assemblée générale de la société [Adresse 7]
Pour rejeter sa demande le tribunal a jugé qu'aucun abus de majorité n'avait été commis au préjudice ni de la société La Salamandreni de la société [Adresse 7].
L'appelante excipe de la violation du contrat conclu avec la société Unijuris et d'un abus de majorité à son détriment.
Elle soutient que le montant du loyer nouvellement arrêté par les résolutions attaquées lui cause un préjudice alors que dans le même temps elles sont en faveur des intimés, par ailleurs associés majoritaires de la société locataire, que la diminution du loyer rétroactive pour l'année 2020 n'est justifiée ni par l'intérêt de la société ni par une diminution de son activité.
Les intimés répliquent que ces résolutions ont été adoptées dans l'intérêt de la société [Adresse 7] puisque le loyer jusque-là fixé ne correspondait pas au prix du marché, que cette diminution leur a permis de garder leur locataire jusqu'à la vente de l'immeuble, leur permettant ainsi d'amortir leurs charges fixes. Ils soutiennent que le gérant de la société Salamandre avait été informé et avait consenti à ces décisions.
Aux termes de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Aux termes de l'article 1833 du code civil, toute société doit avoir un objet licite et être constituée dans l'intérêt commun des associés.
La société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité.
Aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
L'abus de majorité repose que la réunion de deux conditions cumulatives - l'atteinte à l'intérêt social, si des décisions sont prises qui ne servent pas le bon fonctionnement de la société, mais des intérêts personnels,
- la rupture d'égalité entre associés, si des associés majoritaires cherchent à satisfaire leurs intérêts personnels au détriment des associés minoritaires, notamment par des décisions au détriment de ces derniers.
Les statuts de la société [Adresse 7] prévoient que son objet est l'acquisition, la vente, la propriété, l'administration, la gestion et l'exploitation par bail de tous biens et droits immobiliers à usage commercial ou d'habitation et plus particulièrement, du bien immobilier sis à [Adresse 10]. Leur article 16 'conditions requises pour l'adoption des décisions collectives' prévoit 'l'assemblée générale ordinaire est celle appelée à statuer sur l'approbation des comptes, avec répartition et affectation des résultats de la société. Toutes les autres décisions, qu'elles modifient ou non les statuts relèvent de l'assemblée générales extraordinaire. Les décisions ordinaires doivent, pour être valables, être adoptées par un ou plusieurs associés représentant plus de la moitié des parts composant le capital social. Les décisions collectives extraordinaires, doivent , pour être valables, être adoptées par la majorité en nombre des associés représentant les eux tiers des parts composant le capital social'.
La modification du loyer relevait donc de la compétence de l'assemblée générale, et le principe de la force obligatoire des contrats ne peut y faire obstacle dès lors que les statuts l'autorisent.
* atteinte à l'intérêt social
**diminution du loyer
Si la valeur locative du bien avait été évaluée à 91 000 euros HT par an en 2018, la charge des loyers de la société Unijuris avait été réduite par la sous-location d'une partie du bien à la société Colas Dogliani Kurgansky pour 78 400 euros par an.
Or cette société a résilié son bail le 16 mai 2019.
A la suite de cette résiliation, la société Unijuris n'a pas conclu de nouveau bail avec un sous locataire, selon elle en raison du montant du loyer réclamé.
Le rapport de la gérance à l'assemblée générale annuelle du 25 février 2020 énonce qu'il n'y avait pas de candidat locataire pour les locaux libérés par la société Colas-Dogliani-Kurgansky malgré trois mandats de ventes confiés depuis la fin du mois de juin 2019 à des agences immobilières, et que le loyer a donc dû été révisé à la baisse.
Elle en conclut que la valeur locative des locaux qu'elle occupe ne correspondait pas au loyer qu'elle règlait elle-même.
La société [Adresse 7] produit deux avis de valeur de la société Savills,
- du 2 novembre 2020, de 150 000 euros HT par an
- du 18 décembre 2020, de 142 000 euros HT par an
pour la location de l'entier immeuble.
En fixant à 120 000 euros le loyer de la société Unijuris, pour le seul lot qu'elle occupe, la société [Adresse 7] a donc retenu une estimation haute.
La société La Salamandre soutient que la valeur locative doit être calculée en pourcentage du prix du bien.
Or, comme souligné par les intimés, l'estimation immobilière de la valeur locative s'apprécie en comparaison des loyers, pour un même secteur et pour des biens comparables.
C'est à partir de données objectives d'évaluation de la valeur locative et du fait du départ non remplacé de la société Colas-Dogliani-Kurgansky que l'assemblée générale de la société [Adresse 7] a adopté les deux résolutions contestée qui n'ont pas pu prendre de court l'associé minoritaire la société La Salamandre dont le gérant, dans une correspondance du 23 novembre 2020 évoquait lui même trois possibilités : ' - décision de mise en vente de l'immeuble à effet courant 2021 et recherche d'un acquéreur (...),
- pas de location du rez-de-chaussée,
- congé donné par Unijuris et accepté par la SCI pour le 31 décembre 2021 au plus tard, avec autorisation de mettre fin au bail par anticipation en cas de vente en cours d'année, sans pénalité,
- loyer d'Unijuris exceptionnellement ramené à 12 500 euros HT par mois à compter du mois de janvier 2021 jusqu'à la date de départ deUnijuris et au plus tard le 31 décembre 2021 et remboursement par la SCI du compte courant d'Unijuris le jour de la vente de l'immeuble, ou mise en place d'un financement bancaire pour un remboursement au plus tôt'.
Finalement, il refusait une diminution du loyer, par courriel du 26 novembre 2020, lui préférant l'option d'une libération des locaux par la société Unijuris pour procéder à leur vente.
Il admettait également que le loyer fixé à l'origine 'était supérieur à la valeur locative', que 'c'est en pleine connaissance de cause que ce montant a été décidé par nous tous eu égard à l'économie de notre projet. Unijuris a supporté ce loyer pendant quinze ans sans jamais remettre en cause le montant et sans que cela ne remette en cause son exploitation'.
La circonstance selon laquelle la société Unijuris avait accepté jusque-là le paiement d'un loyer élevé ne l'engageait pas à l'accepter pour l'avenir; elle était libre de résilier de manière anticipé son bail, laissant ainsi libre de tout occupant le bien et le poids des charges fixes du bien aux associés de la société [Adresse 7].
Si la société Unijuris a réglé son loyer par compensation avec la créance qui lui était due au titre de l'usufruit sur les parts de la société [Adresse 7], ce fait était connu de tous les associés et constitue un mode de règlement régulier qui n'est pas contraire à l'intérêt social.
Dans le cadre des résolutions litigieuses, une compensation était accordée à la société [Adresse 7] en contrepartie de la baisse de loyer consistant en ce que le solde de son compte-courant détenu au 1er janvier 2021 dans la société [Adresse 7] soit compensé pour moitié par les loyers des années 2021 et 2022 contrairement à une exigibilité immédiate de la créance d'Unijuris.
Dans le même temps, la résolution n°4 de l'assemblée générale, adoptée quant à elle à l'unanimité des associés a décidé de vendre le bien aux conditions suivantes, notamment ' engagement formel de notre locataire Unijuris d'avoir quitté les lieux au plus tard dans les trente jours qui précéderont la vente'.
La diminution du loyer de la société Unijuris n'était donc pas sans contrepartie au bénéfice de la société [Adresse 7] et de tous ses associés.
Cette société produit d'ailleurs ses comptes annuels pour l'année 2020 qui ne présentent pas de résultat déficitaire.
Enfin, il ne se déduit pas de la circonstance selon laquelle ses associés majoritaires sont également les associés majoritaires de la société locataire, la preuve d'une intention contraire aux intérêts de la première, ni de manoeuvres frauduleuses.
Cet état de fait était connu de la société La Salamandre lorsque le bail a été conclu en faveur de la société Unijuris.
Ainsi, la diminution du loyer consentie à la société Unijuris a permis la poursuite du bail et donc le paiement des charges fixes de l'immeuble jusqu'à la vente de celui-ci, cette société ayant prix l'engagement de libérer les lieux trente jours après la conclusion de la vente.
Dès lors, du 14 décembre 2020, date de l'adoption des résolutions litigieuses, au 29 septembre 2023, date de la vente du bien, la société Unijuris a assuré des revenus locatifs à la société [Adresse 7], tout en supportant les charges de l'immeuble loué.
L'intérêt de la société [Adresse 7] a donc été préservé par ces résolutions.
* abattement pour cause de Covid
La société La Salamandre conteste le bien fondé de cet abattement au motif que la société Unijuris aurait poursuivi son activité pendant cette période sans payer de loyer..
Dans son courriel du 26 novembre 2020, son gérant écrit pourtant qu'il 'n'est pas opposé à des mesures exceptionnelles pour 2020 liées au Covid (...) à définir'.
La société La Salamandre ne rapporte donc pas la preuve dont la charge lui incombe d'une atteinte aux intérêts de la société [Adresse 7] par l'adoption de cette résolution.
* atteinte aux intérêts de l'associé minoritaire
La société La Salamandre, associée minoritaire de la société [Adresse 7] ne rapporte pas la preuve d'un enrichissement personnel de Me [S] [Y] et [C] [G] à son détriment.
Aucune des données chiffrées reprises dans ses écritures n'est vérifiable au regard des seules pièces produites.
L'enrichissement des associés de la société Unijuris qu'elle allègue à son détriment n'est pas plus démontré.
De leur côté, les intimés rapportent la preuve que les comptes de la société [Adresse 7] ont été approuvés jusqu'en 2021, à l'unanimité, donc également par la société La Salamandre.
Enfin, ils produisent le procès-verbal de l'assemblée générale de cette société du 11 décembre 2024 portant notamment approbation des comptes annuels de l'exercice clos le 31 décembre 2023, approuvés par la société La Salamandre alors que ces comptes comprenaient plusieurs mois de location aux conditions du loyer contesté.
La société La Salamandre ne rapporte donc pas la preuve d'une atteinte à ses intérêts.
La deuxième des conditions cumulatives pour caractériser un abus de majorité n'étant pas caractérisé, le jugement est confirmé de ce chef ainsi que du chef du rejet de la demande de dommages et intérêts, faute de démonstration d'une faute dans l'adoption des résolutions litigieuses.
* dépens et article 700 du code de procédure civile
Succombant à l'instance, l'appelante doit en supporter les dépens, en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
L'équité commande par ailleurs de la condamner à payer à la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés par les intimés sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Nîmes du 2 novembre 2023 en toutes ses dispositions soumises à la cour,
Y ajoutant,
Condamne la société La Salamandre aux dépens d'appel,
Condamne la société La Salamandre à payer à la société [Adresse 7], Me [S] [Y] et Me [C] [G] la somme de 1 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 23/03592 -
N° Portalis DBVH-V-B7H-JAD7
AB
TJ DE NIMES
02 novembre 2023
RG:21/03739
Sci LA SALAMANDRE
C/
[Y]
[G]
SCI [Adresse 7]
Copie exécutoire délivrée
le 04 septembre 2025
à :
Me Clotilde Lamy
Me Jean-Michel Divisia
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1ère chambre
ARRÊT DU 04 SEPTEMBRE 2025
Décision déférée à la cour : jugement du tribunal judiciaire de Nîmes en date du 02 novembre 2023, N°21/03739
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Isabelle Defarge, présidente de chambre,
Mme Alexandra Berger, conseillère,
Mme Audrey Gentilini, conseillère,
GREFFIER :
Mme Nadège Rodrigues, greffière, lors des débats et du prononcé de la décision,
DÉBATS :
A l'audience publique du 17 juin 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 04 septembre 2025.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
La Sci LA SALAMANDRE
RCS CANNES n°481 091 536
prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Clotilde Lamy de la Selarl Cabinet Lamy Pomies-Richaud avocats associés, postulante/plaidante, avocate au barreau de Nîmes
INTIMÉS :
Me [S] [Y]
en sa qualité de gérant et d'associé de la Sci [Adresse 7] et de co-gérant de la Selarl UNIJURIS
né le [Date naissance 3] 1966 à [Localité 9]
[Adresse 5]
[Localité 9]
Me [C] [G]
en sa qualité d'associé de la Sci [Adresse 7] et de co-gérant de la Selarl UNIIJURIS
né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 8]
[Adresse 7]
[Localité 9]
La Sci 46 BHV
RCS NICE n° 481 126 076,
prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité
[Adresse 7]
[Localité 9]
Représentés par Me Jean-Michel Divisia de la Scp Coulomb Divisia Chiarini, postulant, avocat au barreau de Nîmes
Représentés par Me Philippe Dutertre de la Scp d'avocats Berliner-Dutertre, plaidant, avocat au barreau de Nice
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Isabelle Defarge, présidente de chambre, le 04 septembre 2025, par mise à disposition au greffe de la cour
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
La société civile immobilière [Adresse 7] a été constituée le 17 février 2005 en vue de l'acquisition d'un immeuble [Adresse 6] à Nice, initialement entre sept associés tous avocats.
Elle est actuellement constituée de trois associés égalitaires :
- Me [C] [G],
- Me [S] [Y]
- et la société civile immobilière La Salamandre dont le capital est réparti égalitairement entre M. [S] [L] et sa s'ur [I] [D] et dont les fonctions de gérant ont été confiées à leur père, Me [U] [L].
Par acte notarié du 20 février 2005, la société [Adresse 7] a effectivement acquis l'immeuble [Adresse 6] à [Localité 9].
Elle a consenti le 23 décembre 2005 sur l'ensemble de l'immeuble et ses dépendances un bail à usage professionnel pour une durée prenant effet rétroactivement le 03 mars 2005 et jusqu'au 31 décembre 2010, moyennant un droit d'entrée de 90 000 euros et un loyer annuel de 196 800 euros HT à la Selarl Unijuris dont le capital social était réparti initialement entre
- Me [C] [G] à hauteur de 20 %,
- Me [S] [Y] à hauteur de 28%
- et Me [U] [L] à hauteur de 44 %
puis ce dernier ayant fait valoir ses droits à la retraite et cessé son activité d'avocat le 1er juillet 2010, entre
- Me [C] [G] à hauteur de 450 parts
- Me [S] [Y] à hauteur de 450 parts,
- et Me [N] [P] à hauteur de 2 parts.
La société locataire a entrepris des travaux de réfection de la toiture et des façades pour un montant de 600 000 euros.
La société [Adresse 7] lui a consenti à compter du 21 décembre 2005 l'usufruit temporaire des parts de ses associés, pour une durée de 15 ans, soit jusqu'au 20 décembre 2020, avec faculté de sous-location et dans ce cadre l'usufruitière a donné à bail professionnel une partie des locaux à l'office notarial Dogliani-Kurgansky, au loyer annuel de 78 400 euros.
Par décision du 22 juin 2018 l'assemblée générale extraordinaire de la société [Adresse 7], a proposé de scinder le bail initial de 12 ans avec la société Unijuris qui s'était renouvelé par tacite reconduction en deux baux professionnels distincts conclus tous deux le 09 octobre 2018 pour une durée de 6 ans à compter du 1er mai 2018 devant expirer le 30 avril 2024 - le premier avec la société Unijuris portant sur les 1er et 2éme étages de l'immeuble au loyer annuel de 192 400 euros HT - le second avec la société Colas-Dogliani-Kurgansky portant sur le rez-de-chaussée de l'immeuble au loyer annuel de 78 400 euros HT.
Par lettre recommandée en date du 16 mai 2019, la société Colas-Dogliani-Kurgansky a informé la société [Adresse 7] de sa volonté de résilier ce dernier bail en quittant les lieux courant janvier 2020.
Aux termes de ses résolutions n°2 et n° 3 adoptées à la majorité, la société La Salamandre s'y étant opposée, l'assemblée générale extraordinaire du 14 décembre 2020 de la société [Adresse 7]
- a fixé ' le loyer annuel (hors charges et taxes foncières d'Unijuris à compter de l'année 2020 pour les locaux actuellement occupés (1er et 2ème étage (...) désormais à la somme de 120 000 euros sous réserve qu'Unijuris confirme en retour que le solde du compte courant qu'il détiendrait au 1er janvier 2021 dans la société sit compensé pou moitié avec les loyers sur chacune des années 2021 et 2022".
- a décidé ' eu égard au contexte sanitaire lié au Covid, d'abandonner le loyer dû par Unijusris au titre de l'année 2020 à hauteur de la somme de 60000 euros représentant six mois de loyer, les remboursements de taxe foncière et des charges étant maintenus'.
Par exploits d'huissier de justice en date des 24 et 30 août 2021, la société La Salamandre a fait assigner la société [Adresse 7], Me [S] [Y] et Me [C] [G], en annulation des deuxièmes et troisièmes résolutions de l'assemblée générale extraordinaire du 14 décembre 2020, rétablissement du loyer par application du bail en cours et indemnisation devant le tribunal judiciaire de Nîmes qui par jugement du 2 novembre 2023
- l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes,
- l'a condamnée à payer à la société [Adresse 7], Me [S] [Y] et [C] [G] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- l'a condamnée aux entiers dépens,
- a rappelé que sa décision est exécutoire de plein droit par provision.
L'immeuble a été vendu le 29 septembre 2023 au prix de 5 300 000 euros, un mois et demi avant l'intervention de ce jugement dont la société La Salamandre a interjeté appel par déclaration du 17 novembre 2023.
Par ordonnance du 24 octobre 2024, la clôture de la procédure a été fixée au 13 février 2025 et appelée devant le deuxième chambre civile de la cour d'appel de Nîmes le 6 mars 2025.
Suite à un changement de chambre, en date du 3 mars 2025 en direction de la première chambre civile de la cour d'appel de Nîmes, l'affaire a été fixée à l'audience du17 juin 2025. Au jour de l'audience, avant ouverture des débats, l'ordonnance de clôture a été révoquée et la clôture a été fixée au jour de l'audience et l'affaire mise en délibéré au 4 septembre 2025.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS
Aux termes de ses dernières conclusions régulièrement notifiées le 11 février 2025, la société La Salamandre, appelante, demande à la cour
- de réformer le jugement du tribunal judiciaire de Nimes du 2 novembre 2023 (RG n°21/03739 Minute JG23/254) en toutes ses dispositions.
statuant à nouveau
- de juger que les 2ème et 3ème résolutions de l'assemblée générale extraordinaire de la société [Adresse 7] en date du 14 décembre 2020 sont constitutives d'un abus de majorité, comme prises dans l'intérêt exclusif des associés majoritaires en violation de l'intérêt social et de l'associée minoritaire,
- de les juger nulles et de nul effet,
- de condamner en conséquence in solidum Mes [S] [Y] et [C] [G] à lui payer les sommes de
- 154 633 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier au titre de la quote-part de résultat dont elle a été privée à cause des avantages financiers abusivement consentis à la société Unijuris pour la période du 1er janvier 2020 au 29 septembre 2023 et de la perte de chance consécutive de revenus locatifs pour la société [Adresse 7],
- 100 000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
- de les débouter de leurs demandes,
- de les condamner in solidum à lui payer la somme de 7 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance,
Aux termes de leurs dernières conclusions régulièrement notifiées le 12 mars 2025, Me [S] [Y], Me [C] [G] et la société 46 BHV demandent à la cour :
- d'ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture,
- de confirmer le jugement,
- de débouter la société La Salamandre de toutes ses demandes,
- de la condamner au paiement d'une somme de 9 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Il est expressément fait renvoi aux dernières écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens conformément aux dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile.
MOTIVATION
* demande d'annulation des résolutions de l'assemblée générale de la société [Adresse 7]
Pour rejeter sa demande le tribunal a jugé qu'aucun abus de majorité n'avait été commis au préjudice ni de la société La Salamandreni de la société [Adresse 7].
L'appelante excipe de la violation du contrat conclu avec la société Unijuris et d'un abus de majorité à son détriment.
Elle soutient que le montant du loyer nouvellement arrêté par les résolutions attaquées lui cause un préjudice alors que dans le même temps elles sont en faveur des intimés, par ailleurs associés majoritaires de la société locataire, que la diminution du loyer rétroactive pour l'année 2020 n'est justifiée ni par l'intérêt de la société ni par une diminution de son activité.
Les intimés répliquent que ces résolutions ont été adoptées dans l'intérêt de la société [Adresse 7] puisque le loyer jusque-là fixé ne correspondait pas au prix du marché, que cette diminution leur a permis de garder leur locataire jusqu'à la vente de l'immeuble, leur permettant ainsi d'amortir leurs charges fixes. Ils soutiennent que le gérant de la société Salamandre avait été informé et avait consenti à ces décisions.
Aux termes de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Aux termes de l'article 1833 du code civil, toute société doit avoir un objet licite et être constituée dans l'intérêt commun des associés.
La société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité.
Aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
L'abus de majorité repose que la réunion de deux conditions cumulatives - l'atteinte à l'intérêt social, si des décisions sont prises qui ne servent pas le bon fonctionnement de la société, mais des intérêts personnels,
- la rupture d'égalité entre associés, si des associés majoritaires cherchent à satisfaire leurs intérêts personnels au détriment des associés minoritaires, notamment par des décisions au détriment de ces derniers.
Les statuts de la société [Adresse 7] prévoient que son objet est l'acquisition, la vente, la propriété, l'administration, la gestion et l'exploitation par bail de tous biens et droits immobiliers à usage commercial ou d'habitation et plus particulièrement, du bien immobilier sis à [Adresse 10]. Leur article 16 'conditions requises pour l'adoption des décisions collectives' prévoit 'l'assemblée générale ordinaire est celle appelée à statuer sur l'approbation des comptes, avec répartition et affectation des résultats de la société. Toutes les autres décisions, qu'elles modifient ou non les statuts relèvent de l'assemblée générales extraordinaire. Les décisions ordinaires doivent, pour être valables, être adoptées par un ou plusieurs associés représentant plus de la moitié des parts composant le capital social. Les décisions collectives extraordinaires, doivent , pour être valables, être adoptées par la majorité en nombre des associés représentant les eux tiers des parts composant le capital social'.
La modification du loyer relevait donc de la compétence de l'assemblée générale, et le principe de la force obligatoire des contrats ne peut y faire obstacle dès lors que les statuts l'autorisent.
* atteinte à l'intérêt social
**diminution du loyer
Si la valeur locative du bien avait été évaluée à 91 000 euros HT par an en 2018, la charge des loyers de la société Unijuris avait été réduite par la sous-location d'une partie du bien à la société Colas Dogliani Kurgansky pour 78 400 euros par an.
Or cette société a résilié son bail le 16 mai 2019.
A la suite de cette résiliation, la société Unijuris n'a pas conclu de nouveau bail avec un sous locataire, selon elle en raison du montant du loyer réclamé.
Le rapport de la gérance à l'assemblée générale annuelle du 25 février 2020 énonce qu'il n'y avait pas de candidat locataire pour les locaux libérés par la société Colas-Dogliani-Kurgansky malgré trois mandats de ventes confiés depuis la fin du mois de juin 2019 à des agences immobilières, et que le loyer a donc dû été révisé à la baisse.
Elle en conclut que la valeur locative des locaux qu'elle occupe ne correspondait pas au loyer qu'elle règlait elle-même.
La société [Adresse 7] produit deux avis de valeur de la société Savills,
- du 2 novembre 2020, de 150 000 euros HT par an
- du 18 décembre 2020, de 142 000 euros HT par an
pour la location de l'entier immeuble.
En fixant à 120 000 euros le loyer de la société Unijuris, pour le seul lot qu'elle occupe, la société [Adresse 7] a donc retenu une estimation haute.
La société La Salamandre soutient que la valeur locative doit être calculée en pourcentage du prix du bien.
Or, comme souligné par les intimés, l'estimation immobilière de la valeur locative s'apprécie en comparaison des loyers, pour un même secteur et pour des biens comparables.
C'est à partir de données objectives d'évaluation de la valeur locative et du fait du départ non remplacé de la société Colas-Dogliani-Kurgansky que l'assemblée générale de la société [Adresse 7] a adopté les deux résolutions contestée qui n'ont pas pu prendre de court l'associé minoritaire la société La Salamandre dont le gérant, dans une correspondance du 23 novembre 2020 évoquait lui même trois possibilités : ' - décision de mise en vente de l'immeuble à effet courant 2021 et recherche d'un acquéreur (...),
- pas de location du rez-de-chaussée,
- congé donné par Unijuris et accepté par la SCI pour le 31 décembre 2021 au plus tard, avec autorisation de mettre fin au bail par anticipation en cas de vente en cours d'année, sans pénalité,
- loyer d'Unijuris exceptionnellement ramené à 12 500 euros HT par mois à compter du mois de janvier 2021 jusqu'à la date de départ deUnijuris et au plus tard le 31 décembre 2021 et remboursement par la SCI du compte courant d'Unijuris le jour de la vente de l'immeuble, ou mise en place d'un financement bancaire pour un remboursement au plus tôt'.
Finalement, il refusait une diminution du loyer, par courriel du 26 novembre 2020, lui préférant l'option d'une libération des locaux par la société Unijuris pour procéder à leur vente.
Il admettait également que le loyer fixé à l'origine 'était supérieur à la valeur locative', que 'c'est en pleine connaissance de cause que ce montant a été décidé par nous tous eu égard à l'économie de notre projet. Unijuris a supporté ce loyer pendant quinze ans sans jamais remettre en cause le montant et sans que cela ne remette en cause son exploitation'.
La circonstance selon laquelle la société Unijuris avait accepté jusque-là le paiement d'un loyer élevé ne l'engageait pas à l'accepter pour l'avenir; elle était libre de résilier de manière anticipé son bail, laissant ainsi libre de tout occupant le bien et le poids des charges fixes du bien aux associés de la société [Adresse 7].
Si la société Unijuris a réglé son loyer par compensation avec la créance qui lui était due au titre de l'usufruit sur les parts de la société [Adresse 7], ce fait était connu de tous les associés et constitue un mode de règlement régulier qui n'est pas contraire à l'intérêt social.
Dans le cadre des résolutions litigieuses, une compensation était accordée à la société [Adresse 7] en contrepartie de la baisse de loyer consistant en ce que le solde de son compte-courant détenu au 1er janvier 2021 dans la société [Adresse 7] soit compensé pour moitié par les loyers des années 2021 et 2022 contrairement à une exigibilité immédiate de la créance d'Unijuris.
Dans le même temps, la résolution n°4 de l'assemblée générale, adoptée quant à elle à l'unanimité des associés a décidé de vendre le bien aux conditions suivantes, notamment ' engagement formel de notre locataire Unijuris d'avoir quitté les lieux au plus tard dans les trente jours qui précéderont la vente'.
La diminution du loyer de la société Unijuris n'était donc pas sans contrepartie au bénéfice de la société [Adresse 7] et de tous ses associés.
Cette société produit d'ailleurs ses comptes annuels pour l'année 2020 qui ne présentent pas de résultat déficitaire.
Enfin, il ne se déduit pas de la circonstance selon laquelle ses associés majoritaires sont également les associés majoritaires de la société locataire, la preuve d'une intention contraire aux intérêts de la première, ni de manoeuvres frauduleuses.
Cet état de fait était connu de la société La Salamandre lorsque le bail a été conclu en faveur de la société Unijuris.
Ainsi, la diminution du loyer consentie à la société Unijuris a permis la poursuite du bail et donc le paiement des charges fixes de l'immeuble jusqu'à la vente de celui-ci, cette société ayant prix l'engagement de libérer les lieux trente jours après la conclusion de la vente.
Dès lors, du 14 décembre 2020, date de l'adoption des résolutions litigieuses, au 29 septembre 2023, date de la vente du bien, la société Unijuris a assuré des revenus locatifs à la société [Adresse 7], tout en supportant les charges de l'immeuble loué.
L'intérêt de la société [Adresse 7] a donc été préservé par ces résolutions.
* abattement pour cause de Covid
La société La Salamandre conteste le bien fondé de cet abattement au motif que la société Unijuris aurait poursuivi son activité pendant cette période sans payer de loyer..
Dans son courriel du 26 novembre 2020, son gérant écrit pourtant qu'il 'n'est pas opposé à des mesures exceptionnelles pour 2020 liées au Covid (...) à définir'.
La société La Salamandre ne rapporte donc pas la preuve dont la charge lui incombe d'une atteinte aux intérêts de la société [Adresse 7] par l'adoption de cette résolution.
* atteinte aux intérêts de l'associé minoritaire
La société La Salamandre, associée minoritaire de la société [Adresse 7] ne rapporte pas la preuve d'un enrichissement personnel de Me [S] [Y] et [C] [G] à son détriment.
Aucune des données chiffrées reprises dans ses écritures n'est vérifiable au regard des seules pièces produites.
L'enrichissement des associés de la société Unijuris qu'elle allègue à son détriment n'est pas plus démontré.
De leur côté, les intimés rapportent la preuve que les comptes de la société [Adresse 7] ont été approuvés jusqu'en 2021, à l'unanimité, donc également par la société La Salamandre.
Enfin, ils produisent le procès-verbal de l'assemblée générale de cette société du 11 décembre 2024 portant notamment approbation des comptes annuels de l'exercice clos le 31 décembre 2023, approuvés par la société La Salamandre alors que ces comptes comprenaient plusieurs mois de location aux conditions du loyer contesté.
La société La Salamandre ne rapporte donc pas la preuve d'une atteinte à ses intérêts.
La deuxième des conditions cumulatives pour caractériser un abus de majorité n'étant pas caractérisé, le jugement est confirmé de ce chef ainsi que du chef du rejet de la demande de dommages et intérêts, faute de démonstration d'une faute dans l'adoption des résolutions litigieuses.
* dépens et article 700 du code de procédure civile
Succombant à l'instance, l'appelante doit en supporter les dépens, en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
L'équité commande par ailleurs de la condamner à payer à la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés par les intimés sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Nîmes du 2 novembre 2023 en toutes ses dispositions soumises à la cour,
Y ajoutant,
Condamne la société La Salamandre aux dépens d'appel,
Condamne la société La Salamandre à payer à la société [Adresse 7], Me [S] [Y] et Me [C] [G] la somme de 1 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,