CA Amiens, 1re ch. civ., 4 septembre 2025, n° 24/00158
AMIENS
Arrêt
Autre
ARRET
N°
S.C.I. CEGUI 2
C/
[N]
[J]
GH/VB/CL
COUR D'APPEL D'AMIENS
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU QUATRE SEPTEMBRE
DEUX MILLE VINGT CINQ
Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 24/00158 - N° Portalis DBV4-V-B7I-I6WT
Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE D'AMIENS DU VINGT DEUX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS
PARTIES EN CAUSE :
S.C.I. CEGUI 2 agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Juliette DELAHOUSSE-LECLERCQ substituant Me Franck DELAHOUSSE de la SELARL DELAHOUSSE ET ASSOCIÉS, avocats au barreau d'AMIENS
APPELANTE
ET
Monsieur [T] [N]
né le 07 Mars 1970 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
Madame [O] [J] épouse [N]
née le 13 Juillet 1972 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Amélie ROHAUT substituant Me Gonzague DE LIMERVILLE de la SCP GONZAGUE DE LIMERVILLE - AVOCAT, avocats au barreau d'AMIENS
INTIMES
DÉBATS & DÉLIBÉRÉ :
L'affaire est venue à l'audience publique du 15 mai 2025 devant la cour composée de Mme Graziella HAUDUIN, Présidente de chambre, Présidente, M. Douglas BERTHE, Président de chambre et Mme Clémence JACQUELINE, Conseillère, qui en ont ensuite délibéré conformément à la loi.
A l'audience, la cour était assistée de Mme Vitalienne BALOCCO, cadre greffier.
Sur le rapport de Mme Clémence JACQUELINE et à l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré et la présidente a avisé les parties de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 04 septembre 2025, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
PRONONCÉ :
Le 04 septembre 2025, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Graziella HAUDUIN, Présidente de chambre et Mme Vitalienne BALOCCO, cadre greffier.
*
* *
DECISION :
Selon acte authentique du 7 juillet 2017, M. [T] [N] et Mme [O] [J] épouse [N] ont fait l'acquisition par la SCI Cegui 2 d'un immeuble à usage d'habitation constitué d'un pavillon situé à [Adresse 5], qu'elle avait intégralement fait rénover, agrandir et surélever, selon permis de construire délivré le 4 novembre 2014, les travaux étant confiés à la SARL Picards de Bâtiment.
À la suite d'infiltrations, M. et Mme [N] ont obtenu la désignation de M. [G] [V], en qualité d'expert judiciaire selon ordonnance de référé rendue par le président du tribunal judiciaire d'Amiens le 18 décembre 2019. Par une seconde ordonnance du 14 avril 2021, les opérations d'expertise ont été étendues à de nouveaux désordres, constatés par un huissier de justice le 13 novembre 2020.
L'expert a établi son rapport le 14 juin 2022.
Par acte de commissaire de justice en date du 18 janvier 2023, M. et Mme [N] ont fait assigner la SCI Cegui 2 devant le tribunal judiciaire d'Amiens aux fins à titre principal, d'indemnisation sur le fondement de la garantie décennale des articles 1792 et suivants du code civil et à titre subsidiaire de restitution du prix de vente sur le fondement de la garantie des vices cachés des articles 1641 et suivants du même code.
Par jugement du 22 novembre 2023, le tribunal judiciaire d'Amiens a :
Dit que la SCI Cegui 2 est tenue à la garantie décennale des constructeurs à l'égard de M. et Mme [N],
Condamné la SCI Cegui 2 à payer à M. et Mme [N] :
' Défaut d'étanchéité : 25 180,89 euros HT,
' Remplacement du chauffe-eau : 1 746,80 euros HT,
' VMC : 1 389,41 euros HT,
' Changement de la porte d'entrée : 4 185,99 euros HT,
' Menuiserie de la terrasse : 1 000 euros HT,
' Tablettes d'appui des fenêtres : 2 500 euros HT,
' Enduits extérieurs : 56 021,13 euros HT,
' Doublages intérieurs après réparation des surfaces enterrées : 3 151 euros HT,
' Garde-corps : 8 175 euros HT,
Soit un total TTC de : 113 685,24 euros sur une base de TVA actuellement de 10 %,
Dit que ces sommes seront augmentées de l'intérêt au taux légal à compter du 18 janvier 2023 et réévalués selon l'indice du coût de la construction BT01 à compter de la date de chacun des devis,
Condamné la SCI Cegui 2 à payer à M. et Mme [N] la somme de 10 800 euros au titre des honoraires du bureau d'études,
Condamné la SCI Cegui 2 à payer à M. et Mme [N], la somme de 2 750 euros au titre des frais de déménagement,
Condamné la SCI Cegui 2 à payer à M. et Mme [N], la somme de 12 000 euros au titre des préjudices immatériels, soit 5 000 euros pour le préjudice de jouissance, 1 000 euros pour le préjudice moral et 6 000 euros pour la perte de chance,
Rejeté toutes les autres demandes de M. et Mme [N],
Condamné la SCI Cegui 2 aux dépens,
Condamné la SCI Cegui 2 à payer à M. et Mme [N] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration d'appel en date du 3 janvier 2024, la SCI Cegui 2 a interjeté appel du jugement.
Par ses dernières conclusions signifiées par voie dématérialisée le 10 février 2025, elle demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l'exception de celles portant sur les condamnations allouées au titre des défauts d'étanchéité, des menuiseries de la terrasse, des tablettes d'appui des fenêtres, des doublages intérieurs après réparation des surfaces enterrées.
Statuant à nouveau,
Sur la recevabilité :
- juger les époux [N] prescrits en leur demande en réparation du préjudice invoqué au titre de la perte de chance découlant de la non-souscription de l'assurance dommages-ouvrage et pour avoir fait croire à l'existence d'une telle assurance ;
Sur le fond :
- Sur les désordres :
- Juger le quantum des travaux de reprise des désordres disproportionné et surévalué au regard des désordres affectant le système de production d'eau chaude, la VMC, la porte d'entrée, les enduits extérieurs, la non-conformité d'un garde-corps mais aussi au titre des frais de bureau d'études ou de maître d''uvre,
- Débouter les époux [N] de leurs demandes,
Subsidiairement, réduire à de plus justes proportions les montants de l'indemnisation accordée au titre des désordres affectant le système de production d'eau chaude, de la VMC, de la porte d'entrée, des enduits extérieurs et de la non-conformité d'un garde-corps (absence) mais aussi au titre des frais de bureau d'étude spécialisé ou maître d''uvre,
- Sur les autres préjudices :
- Sur le préjudice de jouissance :
Juger les époux [N] mal fondés en leurs demandes, les en débouter,
Subsidiairement, réduire à de plus justes proportions les montants de l'indemnisation accordée au titre du préjudice de jouissance,
- Sur la non-souscription de l'assurance dommages-ouvrage :
Subsidiairement, si la cour juge recevable l'action des époux [N] en leur demande en réparation du préjudice au titre de la perte de chance d'être indemnisé plus rapidement découlant de la non-souscription de l'assurance dommages-ouvrage et pour avoir fait croire à l'existence d'une telle assurance, les dire mal fondés,
Débouter les époux [N] de leurs demandes de ce chef de préjudice,
Sur l'appel incident des époux [N],
Juger les époux [N] mal fondés en leur appel incident,
Confirmer le jugement sur les chefs critiqués par les époux [N] à savoir le rejet de la demande au titre du défaut d'étanchéité dans la salle de bains de l'étage et le montant alloué pour réparer le défaut d'étanchéité sur menuiserie extérieure,
Les débouter de l'intégralité de leurs demandes,
Condamner solidairement M. et Mme [T] [N] à payer à la SCI Cegui une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner solidairement M. et Mme [T] [N] aux entiers dépens dont distraction est requise au profit de la SELARL Delahousse et Associés.
Elle expose que l'action concernant le défaut de souscription d'une assurance dommage ouvrage est prescrite car l'acte authentique du 7 juillet 2017 informait les acquéreurs de la situation mais ils n'ont agi que le 18 janvier 2023. Elle soutient que l'assignation en référé expertise délivrée par les époux [N] en novembre 2019, comme celle délivrée en février 2021 ont un effet interruptif uniquement à l'égard des demandes en réparation des désordres allégués et non au regard de l'action en responsabilité pour défaut de souscription d'assurance.
Sur l'indemnisation des préjudices, elle expose que :
- l'estimation retenue par le tribunal est disproportionnée au regard des travaux à réaliser pour répondre au dysfonctionnement affectant ce chauffe-eau ; elle soutient qu'il n'y a pas lieu de remplacer l'appareil mais de le réparer car il se met en sécurité en raison d'un manque de ventilation,
- l'estimation est excessive s'agissant de la VMC et qu'elle produit un devis de 660 euros hors taxes,
- s'agissant de la porte d'entrée, un remplacement est disproportionné alors qu'une simple révision suffit,
- s'agissant des enduits extérieurs, le retrait de l'isolant ne s'impose pas,
- en ce qui concerne le garde-corps, elle expose que l'indemnisation accordée par le tribunal correspond au remplacement de plusieurs gare-corps alors qu'un seul n'est pas sécurisé,
- sur les frais de bureau d'étude, elle indique que l'indemnisation doit être limitée en ajustant les honoraires au regard du montant total des travaux et en fonction du pourcentage appliqué sur ce montant tel que suggéré par l'expert judiciaire à 5%.
À titre subsidiaire, sur le défaut de souscription d'une assurance dommages ouvrage, elle soutient qu'aucune perte de chance d'être indemnisés par un assureur n'est caractérisée puisque l'acte authentique indiquait explicitement qu'une telle assurance n'avait pas été souscrite. Au surplus, elle expose qu'elle est condamnée à indemniser le préjudice des époux [N] si bien qu'elle ne saurait également être condamnée à indemniser la prétendue perte de chance de ne pas acquérir le bien.
Elle affirme enfin que le préjudice de jouissance n'est caractérisé ni dans son quantum ni dans son principe.
En réponse à l'appel incident des époux [N], elle indique que le défaut d'étanchéité de la salle de bains de l'étage a été jugé mineur par l'expert. Sur la menuiserie en terrasse extérieure, elle observe que l'expert n'a pas préconisé le remplacement de la menuiserie pour permettre la pose d'un rejingot.
Elle admet ne pas avoir demandé dans ses premières conclusions l'infirmation du jugement sur les frais irrépétibles de première instance. Elle le conteste pour les dépens.
Par leurs dernières conclusions signifiées le 16 octobre 2024, M. et Mme [N] demandent à la cour de :
Juger recevable mais mal fondée la SCI Cegui 2 en son appel,
Juger recevables et bien fondés M. [T] [N] et Mme [O] [J] épouse [N] en leur appel incident,
En conséquence,
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
« Dit que la SCI Cegui 2 est tenue de la garantie décennale des constructeurs à l'égard de M. et Mme [N] ;
Condamné la SCI Cegui 2 à payer à M. et Mme [N] :
. défaut d'étanchéité : 25 180,89 euros hors taxes,
. remplacement du chauffe-eau : 1 746,80 euros hors taxes,
. VMC : 1 389,41 euros hors taxes,
. changement de la porte d'entrée : 4 185,99 euros hors taxes,
. tablettes d'appui des fenêtres : 2 500 euros hors taxes,
. enduits extérieurs : 56 021,13 euros hors taxes,
. doublages intérieurs après réparation des surfaces enterrées : 3 151 euros hors taxes,
. garde-corps : 8 175 euros hors taxes,
Dit que ces sommes seront augmentées de l'intérêt au taux légal à compter du 18 janvier 2023 et réévalués selon l'indice du coût de la construction BT 01 à compter de la date de chacun des devis;
Condamné la SCI Cegui 2 à payer à M. et Mme [N] la somme de 10 800 euros au titre des honoraires du bureau d'études ;
Condamné la SCI Cegui 2 à payer à M. et Mme [N] la somme de 2 750 euros au titre des frais de déménagement ;
Condamné la SCI Cegui 2 à payer à M. et Mme [N] la somme de 12 000 euros au titre des préjudices immatériels, soit 5 000 euros pour le préjudice de jouissance, 1 000 euros pour le préjudice moral et 6 000 euros pour la perte de chance ;
Condamné la SCI Cegui 2 aux dépens ;
Condamné la SCI Cegui 2 à payer à M. et Mme [N] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ».
Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
Débouté Mme [O] [J] épouse [N] et M. [T] [N] de leur demande au titre de la reprise d'une infiltration dans la salle de bains de l'étage,
Limité la condamnation de la SCI Cegui 2 à la somme de 1 000 euros hors taxes au titre de la menuiserie de la terrasse,
Statuant à nouveau,
Condamner la SCI Cegui 2 à payer à Mme [O] [J] épouse [N] et M. [T] [N] les sommes de :
- 617,05 euros correspondant à la prise en charge des travaux de reprise de la salle de bains de l'étage;
- 10 564,74 euros hors taxes au titre de la reprise de la menuiserie de la terrasse arrière.
Y ajoutant,
Condamner la SCI Cegui 2 à payer à Mme [O] [J] épouse [N] et M. [T] [N] la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles à hauteur d'appel,
Condamner la SCI Cegui 2 aux entiers dépens d'appel.
Ils exposent qu'ils ont été privés d'une chance d'être indemnisés par l'assureur dommages ouvrages en cas de sinistre. Ils indiquent que la prescription de l'action a été interrompue par l'assignation en référé expertise qui fait état de l'absence de souscription de l'assurance dommage-ouvrages.
Ils ajoutent que le préjudice de jouissance est distinct de leur préjudice moral. Ils indiquent que le préjudice de jouissance est lié à l'impossibilité d'utiliser le sous-sol mais également la terrasse de la maison. Ils signalent que les travaux de reprise dureront cinq mois pendant lesquels ils ne pourront pas utiliser leur bien normalement.
Sur l'estimation de la réparation des désordres, ils exposent que :
- sur le système de chauffage de production d'eau chaude, pour une remise en conformité avec un espace suffisant entre le chauffe-eau et le plafond et pour éviter les risques d'atteinte à la sécurité des personnes, il est nécessaire de revoir l'intégralité des branchements du système, ce qui justifie le devis de remplacement du chauffe-eau pour un montant de 1 921,50 euros TTC, somme retenue par le tribunal ;
- sur la ventilation mécanique, il convient de tenir compte du devis actualisé qu'ils produisent ;
- sur la porte d'entrée, l'expert a uniquement chiffré le coût de la révision de la porte alors qu'il est nécessaire de la remplacer car, une fois les rejingots placés conformément aux règles de l'art, la menuiserie ne sera plus adaptée ;
- sur les garde-corps, ils exposent que l'ensemble des garde-corps présente une dangerosité et non pas un seul d'entre eux comme le soutient l'appelante ;
- sur les frais d'un bureau d'étude, le juge n'est pas tenu par l'évaluation opérée par l'expert et que le coût réel correspond à 7 % du coût total des travaux ;
- sur l'enduit extérieur, l'expert a préconisé la dépose de l'isolant et a validé l'évaluation proposée ;
- les devis fournis par l'appelante n'ont pas été établis dans le bien immobilier mais uniquement sur la base des déclarations de la SCI Cegui 2.
À l'appui de leur appel incident, ils font valoir que :
- le désordre lié au défaut d'étanchéité dans la salle de bains a été constaté par l'expert et qu'ils ont découvert sa cause postérieurement à l'expertise, soit un défaut d'étanchéité d'une bouche de sortie VMC,
- sur la menuiserie terrasse extérieure, le remplacement de la baie vitrée est inévitable.
La clôture de la procédure a été ordonnée le 12 février 2025 et l'affaire a été renvoyée à l'audience du 15 mai 2025 pour plaidoirie.
MOTIFS
1. Sur la recevabilité de la demande d'indemnisation d'une perte de chance d'être indemnisé par un assureur dommages-ouvrage
Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Selon l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
En vertu de l'article 2241 du code civil, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.
En l'espèce, l'acte de vente du 7 juillet 2017 mentionne en page 15, après avoir explicité la nature des assurances responsabilité décennale et dommages-ouvrage, que le vendeur déclare qu'aucune police d'assurance dommages ouvrage ni d'assurance responsabilité décennale n'a été souscrite pour la réalisation des travaux et que les parties reconnaissent avoir reçu toutes explications utiles concernant les conséquences pouvant résulter des garanties et responsabilité du vendeur attachées à ces constructions et de l'absence de souscription de telles polices d'assurances. En page 16, il est précisé qu'au-delà d'une faute pénale, le défaut d'assurance est une faute civile et que l'acquéreur est en droit de s'en prévaloir sur le fondement de la perte d'une chance d'être indemnisé en cas de sinistre.
M. et Mme [N] ont donc eu connaissance du défaut de souscription d'une assurance dommages-ouvrage par le vendeur du bien depuis le 7 juillet 2017. Ils se prévalent de l'assignation en référé délivrée à la SCI Cegui 2 en novembre 2019 pour soutenir que la prescription a été interrompue car l'assignation évoque le défaut de souscription d'une assurance dommages-ouvrage.
Si l'assignation n'est pas produite, la société Cegui 2 ne conteste pas qu'elle comportait les mentions recopiées en italique en page 10 des conclusions de M. et Mme [N]. Il en résulte que ces derniers ont effectivement évoqué le fait que la société Groupama [Localité 8] Val de Loire n'était que l'assureur garantie décennale dans l'affaire et a refusé de transmettre son rapport d'expertise amiable.
Il n'en résulte cependant pas que les époux [N] ont à ce stade formé une demande en lien avec ce défaut de souscription d'une assurance dommages-ouvrage. L'ordonnance de référé du 18 décembre 2019 n'évoque même pas cette question, aucune demande et aucun moyen n'étant en lien avec cet enjeu d'assurance. Il résulte de l'ordonnance que les époux [N] ont en réalité assigné la SCI Cegui 2, la SARL SPB et Groupama en référé expertise afin qu'un expert décrive les désordres allégués et chiffre les préjudices.
L'effet interruptif de la prescription n'est attaché qu'à l'action en réparation des désordres concernés par le référé expertise et non à une demande tendant à l'indemnisation d'une perte de chance qui n'a pas même été alléguée dans le cadre de la procédure de référé.
L'assignation en référé n'a donc pas interrompu le cours de la prescription de l'action en réparation d'une perte de chance d'actionner l'assurance dommages ouvrage qui est donc prescrite. En effet, l'assignation au fond date du 18 janvier 2023 alors que la prescription était acquise le 7 juillet 2022.
Le jugement sera donc infirmé et l'action en indemnisation sera déclarée prescrite sur ce point.
2. Sur l'indemnisation des préjudices subis
2.1 Aucune des parties ne conteste les dispositions du jugement qui retiennent la responsabilité de la société Cegui 2 en sa qualité de constructeur sur le fondement de l'article 1792 du code civil.
La société Cegui 2 critique uniquement les montants alloués pour indemniser certains postes de préjudice, les époux [N] sollicitent pour leur part qu'il soit fait droit à leur demande rejetée par le premier juge s'agissant de travaux de reprise de la salle de bains de l'étage et que l'indemnisation de la reprise de la menuiserie de la terrasse arrière soit portée à la somme de 10 567,74 euros.
Les dispositions du jugement relatives à l'indemnisation du défaut d'étanchéité, des tablettes d'appui de fenêtres, des doublages intérieurs après réparations des surfaces enterrées, des frais de déménagement et du préjudice moral sont donc définitives.
Il convient donc d'examiner un par un les postes d'indemnisation contestés dans leur montant.
2.2 Sur le système de production d'eau chaude
L'expert judiciaire a relevé que l'absence de ventilation et d'évacuation constitue une non- conformité qui conduit le chauffe-eau thermodynamique à se mettre en sécurité. Il chiffre les travaux de reprise à 500 euros hors taxes.
Le premier juge a alloué 1 746,80 euros hors taxes aux époux [N] sur la base d'un devis actualisé produit par ces derniers prévoyant le remplacement du chauffe-eau. Les intimés demandent la confirmation du jugement sur ce point.
La société Cegui 2 produit pour sa part un devis établi par la société Fictac qui chiffre à 535 euros hors taxes les travaux de mise en place d'une sortie d'air avec rejet vers l'extérieur du sous-sol.
Il résulte du rapport d'expertise que le ballon d'eau chaude a été installé à 9 centimètres du plafond alors qu'une hauteur de 20 centimètres au moins doit séparer le haut du ballon du plafond, ce qui conduit l'appareil à se mettre en sécurité faute de création de ventilation et d'évacuation comprimant l'entrée d'air de l'équipement. Le chiffrage retenu par l'expert démontre que la solution pour remédier au désordre ne correspond pas au remplacement du chauffe-eau mais à la création d'un système de ventilation et d'évacuation de l'air dans la pièce.
Dans ces conditions, le jugement sera infirmé sur ce point et la société Cegui 2 sera condamnée à verser à M. et Mme [N] une indemnité de 535 euros hors taxes au titre des travaux d'aération du système de chauffage de la production d'eau chaude.
2.3 Sur la VMC
L'expert judiciaire constate que le rez-de-chaussée n'est pas équipé de grilles d'extraction au plafond, qu'il n'y a aucune installation de VMC en rez-de-chaussée et que l'ensemble des menuiseries ne sont pas équipées de grille d'entrée d'air. Il chiffre les travaux de reprise à 1 200 euros hors taxes et non à 500 euros hors taxes comme le prétend l'appelante.
Le premier juge a indemnisé les intimés à hauteur de 1 389,41 euros hors taxes sur la base d'un devis actualisé fourni par les époux [N] tandis que la société Cegui 2 produit un devis pour la fourniture et la pose d'une VMC simple flux pour un coup de 600 euros hors taxes.
Ce dernier devis n'est cependant pas probant dès lors qu'il a été établi sans que la société sollicitée ne se déplace dans le bien immobilier des époux [N]. Ces derniers sont bien fondés en leur demande en ce que leur devis actualisé correspond aux travaux préconisés par l'expert et comporte un coût actualisé se rapprochant du montant retenu en son temps par l'expert.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a indemnisé ce préjudice à hauteur de 1 389,41 euros hors taxes.
2.4 Sur la porte d'entrée
L'expert note que son fonctionnement est difficile, que ses moyens de fixation ont fait l'objet de 'nombreux rattrapages', que les paumelles d'ouverture sont défaillantes et que le système de compression du joint est inadapté. Il précise qu'il y a lieu de faire une révision complète de la porte ou de procéder à son remplacement. Il chiffre les travaux de reprise à 600 euros hors taxes.
Le premier juge a indemnisé les époux [N] à hauteur de 4 185,99 euros hors taxes sur la base d'un devis de remplacement de la porte.
Les intimés justifient, par la production d'un mail de l'entrepreneur chargé de l'éventuel remplacement de la porte, du fait qu'il n'est pas possible de remettre en place la menuiserie existante une fois les rejingots placés conformément aux règles de l'art, si bien que leur demande de prise en charge du coût du remplacement de la porte est justifiée. Le remplacement de la porte n'est donc pas disproportionné, comme le soutient la société Cegui 2, mais indispensable pour que la porte fonctionne normalement. L'expert n'avait d'ailleurs pas exclu qu'il soit nécessaire de remplacer la porte.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a alloué 4 185,99 euros aux époux [N] au titre du remplacement de la porte d'entrée.
2.5 Sur les enduits extérieurs
L'expert judiciaire a constaté l'apparition de fissures par rétractation complète du produit d'étanchéité et du crépi. Il a fait réaliser une destruction partielle du revêtement qui a montré un décrochement du support, de sorte que celui-ci n'assure plus le clos et le couvert de l'immeuble d'où une impropriété à sa destination et n'est plus perméable à l'eau et à l'air. Il chiffre les travaux de reprise à 53 130,93 euros hors taxes.
Le premier juge a retenu ce chiffrage mais actualisé un an plus tard en vertu d'un devis produit par les époux [N], soit 56 021,13 euros.
La société Cegui 2 conteste cette évaluation au motif que le retrait de l'isolant ne s'impose pas.
Pourtant, l'expert, après avoir fait réaliser un sondage destructif sur l'enduit a constaté que le revêtement d'imperméabilisation n'est pas suffisamment fixé à l'isolant, que l'isolant est humide, qu'il a été fixé sur l'ancien support de la façade sans qu'aucun décapage ne soit réalisé d'où le manque d'adhérence et la concentration de la vapeur d'eau. Il note que la paroi se décolle intégralement sur la face avant, que des infiltrations sont présentes, que le décollement du film de parement est constaté sur tout le pavillon et que l'enveloppe n'est pas perméable. Il expose qu'au regard de ces constatations et de l'impasse liée à l'impossibilité de connaître la qualité des produits utilisés en l'absence de documents et informations relatives à ce qui a été mis en oeuvre (la société Cegui 2 n'a pas participé aux opérations d'expertise), il est nécessaire de lui transmettre un devis de réfection totale des quatre faces de l'immeuble avec reprise intégrale par une finition similaire. Il conclut que 'la dépose totale du revêtement et de son isolation avec la mise en place d'un système similaire breveté et conforme à la réglementation s'impose'.
Il ressort de ces éléments que le retrait de l'isolant est un préalable indispensable à la reprise des enduits extérieurs et qu'il ne saurait être tenu compte du devis produit par la société Cegui 2 qui ne l'évalue pas et qui au surplus a été établi sans visite préalable des lieux.
Par ailleurs, il importe peu que le devis produit par les époux [N] ne comporte pas les prix unitaires alors que les surfaces sont mentionnées et permettent de s'assurer que le devis est adapté au regard du chantier de reprise des enduits extérieurs.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il condamne la société Cegui 2 à verser aux époux [N] une indemnité de 56 021,13 euros hors taxes à ce titre.
2.6 Sur les garde-corps
M. [V] a constaté la non-conformité d' 'un' garde-corps en page 41 de son rapport dans le tableau de chiffrage des préjudices et d'imputation des désordres aux différents intervenants. Il chiffre les travaux de reprise à 2 500 euros hors taxes.
Cela conduit la société Cegui 2 à contester la demande d'indemnisation formée par les époux [N] pour plusieurs garde-corps à hauteur de 8 175 euros hors taxes, indemnisation retenue par le premier juge.
Cependant, la lecture complète du rapport d'expertise permet de relever que l'expert mentionne l'absence de garde-corps sur l'ensemble de la toiture terrasse 'et' en partie sur l'escalier. Il précise également que, lors de la visite intérieure de l'immeuble, il a constaté que les rampes et garde-corps installés au droit de l'escalier menant à l'étage ne sont pas conformes et ne répondent pas à la norme NF P01-012.
Dans ces conditions, le devis produit chiffrant des travaux à hauteur de 8 175 euros hors taxes correspond bien aux travaux nécessaires pour remédier aux désordres concernant les divers garde-corps de l'ensemble immobilier, intérieur et extérieur, la société Cegui 2 échouant à démontrer que la gamme retenue est supérieure à celle initialement prévue.
Le jugement sera donc confirmé sur ce point.
2.7 Sur le défaut d'étanchéité dans la salle de bains
Dans son rapport, l'expert expose en page 43 qu'il a constaté une infiltration mineure ou un phénomène de condensation au plafond de la salle de bains en raison du défaut d'étanchéité d'une bouche de sortie de la VMC, problème mineur auquel il a été remédié par une intervention réglée aux frais avancés des époux [N]. Il indique qu'il y aura lieu de prévoir dans les préjudices la réparation de ces désordres.
Dans ces conditions, les époux [N] sont bien fondés à demander à être indemnisés à ce titre. Ils justifient par la production de deux factures avoir réglé 617,05 euros toutes taxes comprises, somme que la société Cegui 2 sera condamnée à leur rembourser, par infirmation du jugement.
2.8 Sur le défaut d'étanchéité sur menuiserie extérieure
L'expert judiciaire constate un défaut d'étanchéité en partie basse après démontage d'une partie de la terrasse de sorte que le renvoi d'eau n'est pas effectué et qu'il existe un défaut d'isolation et d'étanchéité entre le seuil de la maçonnerie et la menuiserie, ce qui constitue un défaut de respect du DTU 36.5. Il chiffre les travaux de reprise à 1 000 euros hors taxes.
Cette évaluation a été retenue par le premier juge pour chiffrer le préjudice. Les époux [N] soutiennent qu'il est cependant nécessaire de remplacer toute la baie vitrée car l'ancienne menuiserie n'est plus adaptée une fois le rejingot correctement mis en place.
Ils produisent en effet un message de l'entrepreneur qui devra réaliser les travaux qui indique qu'une fois mis en place le rejingot, il ne sera pas possible de remettre en place la menuiserie d'origine. Or, l'expert a bien préconisé de tels travaux, supposant l'exécution d'un rejingot en partie basse. Il n'a cependant pas anticipé le fait que les mesures de la baie vitrée ne correspondraient plus.
Dans ces conditions, par infirmation du jugement, il convient de condamner la société Cegui 2 à verser la somme de 10 564,74 euros hors taxes au titre de ce poste de préjudice, le devis produit chiffrant les travaux nécessaires à la pose du rejingot et de la nouvelle porte-fenêtre.
2.9 Sur les frais de bureau d'étude
L'expert judiciaire a retenu la nécessité pour les époux [N] de se faire assister d'un bureau d'étude spécialisé ou maître d'oeuvre pour coordonner les travaux dont le montant a été évalué par l'expert à environ 5 % de la valeur totale des travaux.
Par une juste appréciation des éléments de fait et des pièces produites, le premier juge a relevé que les époux [N] justifient d'un devis d'un montant plus élevé de 10 800 euros toutes taxes comprises, le chiffrage opéré par l'expert n'apparaissant pas ajusté, d'autant qu'il avait retenu une fourchette basse.
Le jugement sera donc confirmé sur ce point.
2.10 Sur le préjudice de jouissance
Les époux [N] souffrent d'un préjudice de jouissance distinct du préjudice moral non contesté par la SCI Cegui 2.
En effet, ils ne peuvent faire usage de leur sous-sol ni du toit terrasse qui n'est pas sécurisé et ce depuis 2018.
Par ailleurs, ils subissent des infiltrations et les menuiseries ne sont pas étanches.
Enfin, ils subiront également des désagréments dans l'usage de la maison tout au long des travaux de reprise dont la durée a été évaluée à cinq mois par l'expert.
Dans ces conditions, leur préjudice de jouissance a été évalué avec pertinence à la somme de 5 000 euros par le premier juge et la décision sera confirmée sur ce point.
3. Sur les autres demandes
Compte tenu de l'issue du litige, le jugement entrepris sera confirmé dans ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.
La SCI Cegui 2 sera condamnée aux dépens d'appel dont distraction conformément à l'article 696 du code de procédure civile et au paiement d'une indemnité de 2 500 euros au profit des époux [N] au titre des frais irrépétibles d'appel. Le surplus de la demande sera rejeté et la SCI Cegui 2 sera déboutée de sa demande au même titre.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à disposition au greffe, dans les limites de l'appel,
Confirme le jugement entrepris dans les dispositions qui lui sont soumises sauf en ce qui concerne la condamnation de la SCI Cegui 2 à verser à M. et Mme [N] les sommes de 1 746,80 euros hors taxes au titre du remplacement du chauffe-eau, 1 000 euros hors taxes au titre de la menuiserie de la terrasse et 6 000 euros au titre de la perte de chance ainsi qu'en conséquence sur le total du coût de la reprise des désordres arrêté à un total toutes taxes comprises à 113 685,24 euros sur une base de TVA de 10 % actuellement ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Déclare irrecevable comme prescrite la demande d'indemnisation d'une perte de chance d'actionner l'assurance dommages ouvrage ;
Condamne la SCI Cegui 2 à verser à M. et Mme [N] une indemnité de 535 euros hors taxes au titre des travaux d'aération du système de chauffage de la production d'eau chaude et une somme de 10 564,74 euros au titre des travaux de remplacement de la menuiserie sur terrasse ;
Dit que la reprise totale des désordres peut ainsi être évaluée à 122 873,47 euros toutes taxes comprises sur une base de TVA de 10 % actuellement ;
Condamne la SCI Cegui 2 à verser à M. et Mme [N] une indemnité 617,05 euros toutes taxes comprises au titre des travaux d'étanchéité de la salle de bain réglés par les époux [N] en cours d'expertise ;
Condamne la SCI Cegui 2 à verser à M. et Mme [N] une indemnité de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;
Rejette le surplus de la demande de M. et Mme [N] et déboute la SCI Cegui 2 de sa demande au même titre ;
Condamne la SCI Cegui 2 aux dépens d'appel dont distraction conformément à l'article 696 du code de procédure civile.
LE CADRE GREFFIER LA PRESIDENTE
N°
S.C.I. CEGUI 2
C/
[N]
[J]
GH/VB/CL
COUR D'APPEL D'AMIENS
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU QUATRE SEPTEMBRE
DEUX MILLE VINGT CINQ
Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 24/00158 - N° Portalis DBV4-V-B7I-I6WT
Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE D'AMIENS DU VINGT DEUX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS
PARTIES EN CAUSE :
S.C.I. CEGUI 2 agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Juliette DELAHOUSSE-LECLERCQ substituant Me Franck DELAHOUSSE de la SELARL DELAHOUSSE ET ASSOCIÉS, avocats au barreau d'AMIENS
APPELANTE
ET
Monsieur [T] [N]
né le 07 Mars 1970 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
Madame [O] [J] épouse [N]
née le 13 Juillet 1972 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Amélie ROHAUT substituant Me Gonzague DE LIMERVILLE de la SCP GONZAGUE DE LIMERVILLE - AVOCAT, avocats au barreau d'AMIENS
INTIMES
DÉBATS & DÉLIBÉRÉ :
L'affaire est venue à l'audience publique du 15 mai 2025 devant la cour composée de Mme Graziella HAUDUIN, Présidente de chambre, Présidente, M. Douglas BERTHE, Président de chambre et Mme Clémence JACQUELINE, Conseillère, qui en ont ensuite délibéré conformément à la loi.
A l'audience, la cour était assistée de Mme Vitalienne BALOCCO, cadre greffier.
Sur le rapport de Mme Clémence JACQUELINE et à l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré et la présidente a avisé les parties de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 04 septembre 2025, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
PRONONCÉ :
Le 04 septembre 2025, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Graziella HAUDUIN, Présidente de chambre et Mme Vitalienne BALOCCO, cadre greffier.
*
* *
DECISION :
Selon acte authentique du 7 juillet 2017, M. [T] [N] et Mme [O] [J] épouse [N] ont fait l'acquisition par la SCI Cegui 2 d'un immeuble à usage d'habitation constitué d'un pavillon situé à [Adresse 5], qu'elle avait intégralement fait rénover, agrandir et surélever, selon permis de construire délivré le 4 novembre 2014, les travaux étant confiés à la SARL Picards de Bâtiment.
À la suite d'infiltrations, M. et Mme [N] ont obtenu la désignation de M. [G] [V], en qualité d'expert judiciaire selon ordonnance de référé rendue par le président du tribunal judiciaire d'Amiens le 18 décembre 2019. Par une seconde ordonnance du 14 avril 2021, les opérations d'expertise ont été étendues à de nouveaux désordres, constatés par un huissier de justice le 13 novembre 2020.
L'expert a établi son rapport le 14 juin 2022.
Par acte de commissaire de justice en date du 18 janvier 2023, M. et Mme [N] ont fait assigner la SCI Cegui 2 devant le tribunal judiciaire d'Amiens aux fins à titre principal, d'indemnisation sur le fondement de la garantie décennale des articles 1792 et suivants du code civil et à titre subsidiaire de restitution du prix de vente sur le fondement de la garantie des vices cachés des articles 1641 et suivants du même code.
Par jugement du 22 novembre 2023, le tribunal judiciaire d'Amiens a :
Dit que la SCI Cegui 2 est tenue à la garantie décennale des constructeurs à l'égard de M. et Mme [N],
Condamné la SCI Cegui 2 à payer à M. et Mme [N] :
' Défaut d'étanchéité : 25 180,89 euros HT,
' Remplacement du chauffe-eau : 1 746,80 euros HT,
' VMC : 1 389,41 euros HT,
' Changement de la porte d'entrée : 4 185,99 euros HT,
' Menuiserie de la terrasse : 1 000 euros HT,
' Tablettes d'appui des fenêtres : 2 500 euros HT,
' Enduits extérieurs : 56 021,13 euros HT,
' Doublages intérieurs après réparation des surfaces enterrées : 3 151 euros HT,
' Garde-corps : 8 175 euros HT,
Soit un total TTC de : 113 685,24 euros sur une base de TVA actuellement de 10 %,
Dit que ces sommes seront augmentées de l'intérêt au taux légal à compter du 18 janvier 2023 et réévalués selon l'indice du coût de la construction BT01 à compter de la date de chacun des devis,
Condamné la SCI Cegui 2 à payer à M. et Mme [N] la somme de 10 800 euros au titre des honoraires du bureau d'études,
Condamné la SCI Cegui 2 à payer à M. et Mme [N], la somme de 2 750 euros au titre des frais de déménagement,
Condamné la SCI Cegui 2 à payer à M. et Mme [N], la somme de 12 000 euros au titre des préjudices immatériels, soit 5 000 euros pour le préjudice de jouissance, 1 000 euros pour le préjudice moral et 6 000 euros pour la perte de chance,
Rejeté toutes les autres demandes de M. et Mme [N],
Condamné la SCI Cegui 2 aux dépens,
Condamné la SCI Cegui 2 à payer à M. et Mme [N] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration d'appel en date du 3 janvier 2024, la SCI Cegui 2 a interjeté appel du jugement.
Par ses dernières conclusions signifiées par voie dématérialisée le 10 février 2025, elle demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l'exception de celles portant sur les condamnations allouées au titre des défauts d'étanchéité, des menuiseries de la terrasse, des tablettes d'appui des fenêtres, des doublages intérieurs après réparation des surfaces enterrées.
Statuant à nouveau,
Sur la recevabilité :
- juger les époux [N] prescrits en leur demande en réparation du préjudice invoqué au titre de la perte de chance découlant de la non-souscription de l'assurance dommages-ouvrage et pour avoir fait croire à l'existence d'une telle assurance ;
Sur le fond :
- Sur les désordres :
- Juger le quantum des travaux de reprise des désordres disproportionné et surévalué au regard des désordres affectant le système de production d'eau chaude, la VMC, la porte d'entrée, les enduits extérieurs, la non-conformité d'un garde-corps mais aussi au titre des frais de bureau d'études ou de maître d''uvre,
- Débouter les époux [N] de leurs demandes,
Subsidiairement, réduire à de plus justes proportions les montants de l'indemnisation accordée au titre des désordres affectant le système de production d'eau chaude, de la VMC, de la porte d'entrée, des enduits extérieurs et de la non-conformité d'un garde-corps (absence) mais aussi au titre des frais de bureau d'étude spécialisé ou maître d''uvre,
- Sur les autres préjudices :
- Sur le préjudice de jouissance :
Juger les époux [N] mal fondés en leurs demandes, les en débouter,
Subsidiairement, réduire à de plus justes proportions les montants de l'indemnisation accordée au titre du préjudice de jouissance,
- Sur la non-souscription de l'assurance dommages-ouvrage :
Subsidiairement, si la cour juge recevable l'action des époux [N] en leur demande en réparation du préjudice au titre de la perte de chance d'être indemnisé plus rapidement découlant de la non-souscription de l'assurance dommages-ouvrage et pour avoir fait croire à l'existence d'une telle assurance, les dire mal fondés,
Débouter les époux [N] de leurs demandes de ce chef de préjudice,
Sur l'appel incident des époux [N],
Juger les époux [N] mal fondés en leur appel incident,
Confirmer le jugement sur les chefs critiqués par les époux [N] à savoir le rejet de la demande au titre du défaut d'étanchéité dans la salle de bains de l'étage et le montant alloué pour réparer le défaut d'étanchéité sur menuiserie extérieure,
Les débouter de l'intégralité de leurs demandes,
Condamner solidairement M. et Mme [T] [N] à payer à la SCI Cegui une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner solidairement M. et Mme [T] [N] aux entiers dépens dont distraction est requise au profit de la SELARL Delahousse et Associés.
Elle expose que l'action concernant le défaut de souscription d'une assurance dommage ouvrage est prescrite car l'acte authentique du 7 juillet 2017 informait les acquéreurs de la situation mais ils n'ont agi que le 18 janvier 2023. Elle soutient que l'assignation en référé expertise délivrée par les époux [N] en novembre 2019, comme celle délivrée en février 2021 ont un effet interruptif uniquement à l'égard des demandes en réparation des désordres allégués et non au regard de l'action en responsabilité pour défaut de souscription d'assurance.
Sur l'indemnisation des préjudices, elle expose que :
- l'estimation retenue par le tribunal est disproportionnée au regard des travaux à réaliser pour répondre au dysfonctionnement affectant ce chauffe-eau ; elle soutient qu'il n'y a pas lieu de remplacer l'appareil mais de le réparer car il se met en sécurité en raison d'un manque de ventilation,
- l'estimation est excessive s'agissant de la VMC et qu'elle produit un devis de 660 euros hors taxes,
- s'agissant de la porte d'entrée, un remplacement est disproportionné alors qu'une simple révision suffit,
- s'agissant des enduits extérieurs, le retrait de l'isolant ne s'impose pas,
- en ce qui concerne le garde-corps, elle expose que l'indemnisation accordée par le tribunal correspond au remplacement de plusieurs gare-corps alors qu'un seul n'est pas sécurisé,
- sur les frais de bureau d'étude, elle indique que l'indemnisation doit être limitée en ajustant les honoraires au regard du montant total des travaux et en fonction du pourcentage appliqué sur ce montant tel que suggéré par l'expert judiciaire à 5%.
À titre subsidiaire, sur le défaut de souscription d'une assurance dommages ouvrage, elle soutient qu'aucune perte de chance d'être indemnisés par un assureur n'est caractérisée puisque l'acte authentique indiquait explicitement qu'une telle assurance n'avait pas été souscrite. Au surplus, elle expose qu'elle est condamnée à indemniser le préjudice des époux [N] si bien qu'elle ne saurait également être condamnée à indemniser la prétendue perte de chance de ne pas acquérir le bien.
Elle affirme enfin que le préjudice de jouissance n'est caractérisé ni dans son quantum ni dans son principe.
En réponse à l'appel incident des époux [N], elle indique que le défaut d'étanchéité de la salle de bains de l'étage a été jugé mineur par l'expert. Sur la menuiserie en terrasse extérieure, elle observe que l'expert n'a pas préconisé le remplacement de la menuiserie pour permettre la pose d'un rejingot.
Elle admet ne pas avoir demandé dans ses premières conclusions l'infirmation du jugement sur les frais irrépétibles de première instance. Elle le conteste pour les dépens.
Par leurs dernières conclusions signifiées le 16 octobre 2024, M. et Mme [N] demandent à la cour de :
Juger recevable mais mal fondée la SCI Cegui 2 en son appel,
Juger recevables et bien fondés M. [T] [N] et Mme [O] [J] épouse [N] en leur appel incident,
En conséquence,
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
« Dit que la SCI Cegui 2 est tenue de la garantie décennale des constructeurs à l'égard de M. et Mme [N] ;
Condamné la SCI Cegui 2 à payer à M. et Mme [N] :
. défaut d'étanchéité : 25 180,89 euros hors taxes,
. remplacement du chauffe-eau : 1 746,80 euros hors taxes,
. VMC : 1 389,41 euros hors taxes,
. changement de la porte d'entrée : 4 185,99 euros hors taxes,
. tablettes d'appui des fenêtres : 2 500 euros hors taxes,
. enduits extérieurs : 56 021,13 euros hors taxes,
. doublages intérieurs après réparation des surfaces enterrées : 3 151 euros hors taxes,
. garde-corps : 8 175 euros hors taxes,
Dit que ces sommes seront augmentées de l'intérêt au taux légal à compter du 18 janvier 2023 et réévalués selon l'indice du coût de la construction BT 01 à compter de la date de chacun des devis;
Condamné la SCI Cegui 2 à payer à M. et Mme [N] la somme de 10 800 euros au titre des honoraires du bureau d'études ;
Condamné la SCI Cegui 2 à payer à M. et Mme [N] la somme de 2 750 euros au titre des frais de déménagement ;
Condamné la SCI Cegui 2 à payer à M. et Mme [N] la somme de 12 000 euros au titre des préjudices immatériels, soit 5 000 euros pour le préjudice de jouissance, 1 000 euros pour le préjudice moral et 6 000 euros pour la perte de chance ;
Condamné la SCI Cegui 2 aux dépens ;
Condamné la SCI Cegui 2 à payer à M. et Mme [N] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ».
Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
Débouté Mme [O] [J] épouse [N] et M. [T] [N] de leur demande au titre de la reprise d'une infiltration dans la salle de bains de l'étage,
Limité la condamnation de la SCI Cegui 2 à la somme de 1 000 euros hors taxes au titre de la menuiserie de la terrasse,
Statuant à nouveau,
Condamner la SCI Cegui 2 à payer à Mme [O] [J] épouse [N] et M. [T] [N] les sommes de :
- 617,05 euros correspondant à la prise en charge des travaux de reprise de la salle de bains de l'étage;
- 10 564,74 euros hors taxes au titre de la reprise de la menuiserie de la terrasse arrière.
Y ajoutant,
Condamner la SCI Cegui 2 à payer à Mme [O] [J] épouse [N] et M. [T] [N] la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles à hauteur d'appel,
Condamner la SCI Cegui 2 aux entiers dépens d'appel.
Ils exposent qu'ils ont été privés d'une chance d'être indemnisés par l'assureur dommages ouvrages en cas de sinistre. Ils indiquent que la prescription de l'action a été interrompue par l'assignation en référé expertise qui fait état de l'absence de souscription de l'assurance dommage-ouvrages.
Ils ajoutent que le préjudice de jouissance est distinct de leur préjudice moral. Ils indiquent que le préjudice de jouissance est lié à l'impossibilité d'utiliser le sous-sol mais également la terrasse de la maison. Ils signalent que les travaux de reprise dureront cinq mois pendant lesquels ils ne pourront pas utiliser leur bien normalement.
Sur l'estimation de la réparation des désordres, ils exposent que :
- sur le système de chauffage de production d'eau chaude, pour une remise en conformité avec un espace suffisant entre le chauffe-eau et le plafond et pour éviter les risques d'atteinte à la sécurité des personnes, il est nécessaire de revoir l'intégralité des branchements du système, ce qui justifie le devis de remplacement du chauffe-eau pour un montant de 1 921,50 euros TTC, somme retenue par le tribunal ;
- sur la ventilation mécanique, il convient de tenir compte du devis actualisé qu'ils produisent ;
- sur la porte d'entrée, l'expert a uniquement chiffré le coût de la révision de la porte alors qu'il est nécessaire de la remplacer car, une fois les rejingots placés conformément aux règles de l'art, la menuiserie ne sera plus adaptée ;
- sur les garde-corps, ils exposent que l'ensemble des garde-corps présente une dangerosité et non pas un seul d'entre eux comme le soutient l'appelante ;
- sur les frais d'un bureau d'étude, le juge n'est pas tenu par l'évaluation opérée par l'expert et que le coût réel correspond à 7 % du coût total des travaux ;
- sur l'enduit extérieur, l'expert a préconisé la dépose de l'isolant et a validé l'évaluation proposée ;
- les devis fournis par l'appelante n'ont pas été établis dans le bien immobilier mais uniquement sur la base des déclarations de la SCI Cegui 2.
À l'appui de leur appel incident, ils font valoir que :
- le désordre lié au défaut d'étanchéité dans la salle de bains a été constaté par l'expert et qu'ils ont découvert sa cause postérieurement à l'expertise, soit un défaut d'étanchéité d'une bouche de sortie VMC,
- sur la menuiserie terrasse extérieure, le remplacement de la baie vitrée est inévitable.
La clôture de la procédure a été ordonnée le 12 février 2025 et l'affaire a été renvoyée à l'audience du 15 mai 2025 pour plaidoirie.
MOTIFS
1. Sur la recevabilité de la demande d'indemnisation d'une perte de chance d'être indemnisé par un assureur dommages-ouvrage
Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Selon l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
En vertu de l'article 2241 du code civil, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.
En l'espèce, l'acte de vente du 7 juillet 2017 mentionne en page 15, après avoir explicité la nature des assurances responsabilité décennale et dommages-ouvrage, que le vendeur déclare qu'aucune police d'assurance dommages ouvrage ni d'assurance responsabilité décennale n'a été souscrite pour la réalisation des travaux et que les parties reconnaissent avoir reçu toutes explications utiles concernant les conséquences pouvant résulter des garanties et responsabilité du vendeur attachées à ces constructions et de l'absence de souscription de telles polices d'assurances. En page 16, il est précisé qu'au-delà d'une faute pénale, le défaut d'assurance est une faute civile et que l'acquéreur est en droit de s'en prévaloir sur le fondement de la perte d'une chance d'être indemnisé en cas de sinistre.
M. et Mme [N] ont donc eu connaissance du défaut de souscription d'une assurance dommages-ouvrage par le vendeur du bien depuis le 7 juillet 2017. Ils se prévalent de l'assignation en référé délivrée à la SCI Cegui 2 en novembre 2019 pour soutenir que la prescription a été interrompue car l'assignation évoque le défaut de souscription d'une assurance dommages-ouvrage.
Si l'assignation n'est pas produite, la société Cegui 2 ne conteste pas qu'elle comportait les mentions recopiées en italique en page 10 des conclusions de M. et Mme [N]. Il en résulte que ces derniers ont effectivement évoqué le fait que la société Groupama [Localité 8] Val de Loire n'était que l'assureur garantie décennale dans l'affaire et a refusé de transmettre son rapport d'expertise amiable.
Il n'en résulte cependant pas que les époux [N] ont à ce stade formé une demande en lien avec ce défaut de souscription d'une assurance dommages-ouvrage. L'ordonnance de référé du 18 décembre 2019 n'évoque même pas cette question, aucune demande et aucun moyen n'étant en lien avec cet enjeu d'assurance. Il résulte de l'ordonnance que les époux [N] ont en réalité assigné la SCI Cegui 2, la SARL SPB et Groupama en référé expertise afin qu'un expert décrive les désordres allégués et chiffre les préjudices.
L'effet interruptif de la prescription n'est attaché qu'à l'action en réparation des désordres concernés par le référé expertise et non à une demande tendant à l'indemnisation d'une perte de chance qui n'a pas même été alléguée dans le cadre de la procédure de référé.
L'assignation en référé n'a donc pas interrompu le cours de la prescription de l'action en réparation d'une perte de chance d'actionner l'assurance dommages ouvrage qui est donc prescrite. En effet, l'assignation au fond date du 18 janvier 2023 alors que la prescription était acquise le 7 juillet 2022.
Le jugement sera donc infirmé et l'action en indemnisation sera déclarée prescrite sur ce point.
2. Sur l'indemnisation des préjudices subis
2.1 Aucune des parties ne conteste les dispositions du jugement qui retiennent la responsabilité de la société Cegui 2 en sa qualité de constructeur sur le fondement de l'article 1792 du code civil.
La société Cegui 2 critique uniquement les montants alloués pour indemniser certains postes de préjudice, les époux [N] sollicitent pour leur part qu'il soit fait droit à leur demande rejetée par le premier juge s'agissant de travaux de reprise de la salle de bains de l'étage et que l'indemnisation de la reprise de la menuiserie de la terrasse arrière soit portée à la somme de 10 567,74 euros.
Les dispositions du jugement relatives à l'indemnisation du défaut d'étanchéité, des tablettes d'appui de fenêtres, des doublages intérieurs après réparations des surfaces enterrées, des frais de déménagement et du préjudice moral sont donc définitives.
Il convient donc d'examiner un par un les postes d'indemnisation contestés dans leur montant.
2.2 Sur le système de production d'eau chaude
L'expert judiciaire a relevé que l'absence de ventilation et d'évacuation constitue une non- conformité qui conduit le chauffe-eau thermodynamique à se mettre en sécurité. Il chiffre les travaux de reprise à 500 euros hors taxes.
Le premier juge a alloué 1 746,80 euros hors taxes aux époux [N] sur la base d'un devis actualisé produit par ces derniers prévoyant le remplacement du chauffe-eau. Les intimés demandent la confirmation du jugement sur ce point.
La société Cegui 2 produit pour sa part un devis établi par la société Fictac qui chiffre à 535 euros hors taxes les travaux de mise en place d'une sortie d'air avec rejet vers l'extérieur du sous-sol.
Il résulte du rapport d'expertise que le ballon d'eau chaude a été installé à 9 centimètres du plafond alors qu'une hauteur de 20 centimètres au moins doit séparer le haut du ballon du plafond, ce qui conduit l'appareil à se mettre en sécurité faute de création de ventilation et d'évacuation comprimant l'entrée d'air de l'équipement. Le chiffrage retenu par l'expert démontre que la solution pour remédier au désordre ne correspond pas au remplacement du chauffe-eau mais à la création d'un système de ventilation et d'évacuation de l'air dans la pièce.
Dans ces conditions, le jugement sera infirmé sur ce point et la société Cegui 2 sera condamnée à verser à M. et Mme [N] une indemnité de 535 euros hors taxes au titre des travaux d'aération du système de chauffage de la production d'eau chaude.
2.3 Sur la VMC
L'expert judiciaire constate que le rez-de-chaussée n'est pas équipé de grilles d'extraction au plafond, qu'il n'y a aucune installation de VMC en rez-de-chaussée et que l'ensemble des menuiseries ne sont pas équipées de grille d'entrée d'air. Il chiffre les travaux de reprise à 1 200 euros hors taxes et non à 500 euros hors taxes comme le prétend l'appelante.
Le premier juge a indemnisé les intimés à hauteur de 1 389,41 euros hors taxes sur la base d'un devis actualisé fourni par les époux [N] tandis que la société Cegui 2 produit un devis pour la fourniture et la pose d'une VMC simple flux pour un coup de 600 euros hors taxes.
Ce dernier devis n'est cependant pas probant dès lors qu'il a été établi sans que la société sollicitée ne se déplace dans le bien immobilier des époux [N]. Ces derniers sont bien fondés en leur demande en ce que leur devis actualisé correspond aux travaux préconisés par l'expert et comporte un coût actualisé se rapprochant du montant retenu en son temps par l'expert.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a indemnisé ce préjudice à hauteur de 1 389,41 euros hors taxes.
2.4 Sur la porte d'entrée
L'expert note que son fonctionnement est difficile, que ses moyens de fixation ont fait l'objet de 'nombreux rattrapages', que les paumelles d'ouverture sont défaillantes et que le système de compression du joint est inadapté. Il précise qu'il y a lieu de faire une révision complète de la porte ou de procéder à son remplacement. Il chiffre les travaux de reprise à 600 euros hors taxes.
Le premier juge a indemnisé les époux [N] à hauteur de 4 185,99 euros hors taxes sur la base d'un devis de remplacement de la porte.
Les intimés justifient, par la production d'un mail de l'entrepreneur chargé de l'éventuel remplacement de la porte, du fait qu'il n'est pas possible de remettre en place la menuiserie existante une fois les rejingots placés conformément aux règles de l'art, si bien que leur demande de prise en charge du coût du remplacement de la porte est justifiée. Le remplacement de la porte n'est donc pas disproportionné, comme le soutient la société Cegui 2, mais indispensable pour que la porte fonctionne normalement. L'expert n'avait d'ailleurs pas exclu qu'il soit nécessaire de remplacer la porte.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a alloué 4 185,99 euros aux époux [N] au titre du remplacement de la porte d'entrée.
2.5 Sur les enduits extérieurs
L'expert judiciaire a constaté l'apparition de fissures par rétractation complète du produit d'étanchéité et du crépi. Il a fait réaliser une destruction partielle du revêtement qui a montré un décrochement du support, de sorte que celui-ci n'assure plus le clos et le couvert de l'immeuble d'où une impropriété à sa destination et n'est plus perméable à l'eau et à l'air. Il chiffre les travaux de reprise à 53 130,93 euros hors taxes.
Le premier juge a retenu ce chiffrage mais actualisé un an plus tard en vertu d'un devis produit par les époux [N], soit 56 021,13 euros.
La société Cegui 2 conteste cette évaluation au motif que le retrait de l'isolant ne s'impose pas.
Pourtant, l'expert, après avoir fait réaliser un sondage destructif sur l'enduit a constaté que le revêtement d'imperméabilisation n'est pas suffisamment fixé à l'isolant, que l'isolant est humide, qu'il a été fixé sur l'ancien support de la façade sans qu'aucun décapage ne soit réalisé d'où le manque d'adhérence et la concentration de la vapeur d'eau. Il note que la paroi se décolle intégralement sur la face avant, que des infiltrations sont présentes, que le décollement du film de parement est constaté sur tout le pavillon et que l'enveloppe n'est pas perméable. Il expose qu'au regard de ces constatations et de l'impasse liée à l'impossibilité de connaître la qualité des produits utilisés en l'absence de documents et informations relatives à ce qui a été mis en oeuvre (la société Cegui 2 n'a pas participé aux opérations d'expertise), il est nécessaire de lui transmettre un devis de réfection totale des quatre faces de l'immeuble avec reprise intégrale par une finition similaire. Il conclut que 'la dépose totale du revêtement et de son isolation avec la mise en place d'un système similaire breveté et conforme à la réglementation s'impose'.
Il ressort de ces éléments que le retrait de l'isolant est un préalable indispensable à la reprise des enduits extérieurs et qu'il ne saurait être tenu compte du devis produit par la société Cegui 2 qui ne l'évalue pas et qui au surplus a été établi sans visite préalable des lieux.
Par ailleurs, il importe peu que le devis produit par les époux [N] ne comporte pas les prix unitaires alors que les surfaces sont mentionnées et permettent de s'assurer que le devis est adapté au regard du chantier de reprise des enduits extérieurs.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il condamne la société Cegui 2 à verser aux époux [N] une indemnité de 56 021,13 euros hors taxes à ce titre.
2.6 Sur les garde-corps
M. [V] a constaté la non-conformité d' 'un' garde-corps en page 41 de son rapport dans le tableau de chiffrage des préjudices et d'imputation des désordres aux différents intervenants. Il chiffre les travaux de reprise à 2 500 euros hors taxes.
Cela conduit la société Cegui 2 à contester la demande d'indemnisation formée par les époux [N] pour plusieurs garde-corps à hauteur de 8 175 euros hors taxes, indemnisation retenue par le premier juge.
Cependant, la lecture complète du rapport d'expertise permet de relever que l'expert mentionne l'absence de garde-corps sur l'ensemble de la toiture terrasse 'et' en partie sur l'escalier. Il précise également que, lors de la visite intérieure de l'immeuble, il a constaté que les rampes et garde-corps installés au droit de l'escalier menant à l'étage ne sont pas conformes et ne répondent pas à la norme NF P01-012.
Dans ces conditions, le devis produit chiffrant des travaux à hauteur de 8 175 euros hors taxes correspond bien aux travaux nécessaires pour remédier aux désordres concernant les divers garde-corps de l'ensemble immobilier, intérieur et extérieur, la société Cegui 2 échouant à démontrer que la gamme retenue est supérieure à celle initialement prévue.
Le jugement sera donc confirmé sur ce point.
2.7 Sur le défaut d'étanchéité dans la salle de bains
Dans son rapport, l'expert expose en page 43 qu'il a constaté une infiltration mineure ou un phénomène de condensation au plafond de la salle de bains en raison du défaut d'étanchéité d'une bouche de sortie de la VMC, problème mineur auquel il a été remédié par une intervention réglée aux frais avancés des époux [N]. Il indique qu'il y aura lieu de prévoir dans les préjudices la réparation de ces désordres.
Dans ces conditions, les époux [N] sont bien fondés à demander à être indemnisés à ce titre. Ils justifient par la production de deux factures avoir réglé 617,05 euros toutes taxes comprises, somme que la société Cegui 2 sera condamnée à leur rembourser, par infirmation du jugement.
2.8 Sur le défaut d'étanchéité sur menuiserie extérieure
L'expert judiciaire constate un défaut d'étanchéité en partie basse après démontage d'une partie de la terrasse de sorte que le renvoi d'eau n'est pas effectué et qu'il existe un défaut d'isolation et d'étanchéité entre le seuil de la maçonnerie et la menuiserie, ce qui constitue un défaut de respect du DTU 36.5. Il chiffre les travaux de reprise à 1 000 euros hors taxes.
Cette évaluation a été retenue par le premier juge pour chiffrer le préjudice. Les époux [N] soutiennent qu'il est cependant nécessaire de remplacer toute la baie vitrée car l'ancienne menuiserie n'est plus adaptée une fois le rejingot correctement mis en place.
Ils produisent en effet un message de l'entrepreneur qui devra réaliser les travaux qui indique qu'une fois mis en place le rejingot, il ne sera pas possible de remettre en place la menuiserie d'origine. Or, l'expert a bien préconisé de tels travaux, supposant l'exécution d'un rejingot en partie basse. Il n'a cependant pas anticipé le fait que les mesures de la baie vitrée ne correspondraient plus.
Dans ces conditions, par infirmation du jugement, il convient de condamner la société Cegui 2 à verser la somme de 10 564,74 euros hors taxes au titre de ce poste de préjudice, le devis produit chiffrant les travaux nécessaires à la pose du rejingot et de la nouvelle porte-fenêtre.
2.9 Sur les frais de bureau d'étude
L'expert judiciaire a retenu la nécessité pour les époux [N] de se faire assister d'un bureau d'étude spécialisé ou maître d'oeuvre pour coordonner les travaux dont le montant a été évalué par l'expert à environ 5 % de la valeur totale des travaux.
Par une juste appréciation des éléments de fait et des pièces produites, le premier juge a relevé que les époux [N] justifient d'un devis d'un montant plus élevé de 10 800 euros toutes taxes comprises, le chiffrage opéré par l'expert n'apparaissant pas ajusté, d'autant qu'il avait retenu une fourchette basse.
Le jugement sera donc confirmé sur ce point.
2.10 Sur le préjudice de jouissance
Les époux [N] souffrent d'un préjudice de jouissance distinct du préjudice moral non contesté par la SCI Cegui 2.
En effet, ils ne peuvent faire usage de leur sous-sol ni du toit terrasse qui n'est pas sécurisé et ce depuis 2018.
Par ailleurs, ils subissent des infiltrations et les menuiseries ne sont pas étanches.
Enfin, ils subiront également des désagréments dans l'usage de la maison tout au long des travaux de reprise dont la durée a été évaluée à cinq mois par l'expert.
Dans ces conditions, leur préjudice de jouissance a été évalué avec pertinence à la somme de 5 000 euros par le premier juge et la décision sera confirmée sur ce point.
3. Sur les autres demandes
Compte tenu de l'issue du litige, le jugement entrepris sera confirmé dans ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.
La SCI Cegui 2 sera condamnée aux dépens d'appel dont distraction conformément à l'article 696 du code de procédure civile et au paiement d'une indemnité de 2 500 euros au profit des époux [N] au titre des frais irrépétibles d'appel. Le surplus de la demande sera rejeté et la SCI Cegui 2 sera déboutée de sa demande au même titre.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à disposition au greffe, dans les limites de l'appel,
Confirme le jugement entrepris dans les dispositions qui lui sont soumises sauf en ce qui concerne la condamnation de la SCI Cegui 2 à verser à M. et Mme [N] les sommes de 1 746,80 euros hors taxes au titre du remplacement du chauffe-eau, 1 000 euros hors taxes au titre de la menuiserie de la terrasse et 6 000 euros au titre de la perte de chance ainsi qu'en conséquence sur le total du coût de la reprise des désordres arrêté à un total toutes taxes comprises à 113 685,24 euros sur une base de TVA de 10 % actuellement ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Déclare irrecevable comme prescrite la demande d'indemnisation d'une perte de chance d'actionner l'assurance dommages ouvrage ;
Condamne la SCI Cegui 2 à verser à M. et Mme [N] une indemnité de 535 euros hors taxes au titre des travaux d'aération du système de chauffage de la production d'eau chaude et une somme de 10 564,74 euros au titre des travaux de remplacement de la menuiserie sur terrasse ;
Dit que la reprise totale des désordres peut ainsi être évaluée à 122 873,47 euros toutes taxes comprises sur une base de TVA de 10 % actuellement ;
Condamne la SCI Cegui 2 à verser à M. et Mme [N] une indemnité 617,05 euros toutes taxes comprises au titre des travaux d'étanchéité de la salle de bain réglés par les époux [N] en cours d'expertise ;
Condamne la SCI Cegui 2 à verser à M. et Mme [N] une indemnité de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;
Rejette le surplus de la demande de M. et Mme [N] et déboute la SCI Cegui 2 de sa demande au même titre ;
Condamne la SCI Cegui 2 aux dépens d'appel dont distraction conformément à l'article 696 du code de procédure civile.
LE CADRE GREFFIER LA PRESIDENTE