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Décisions

CA Bourges, 1re ch., 5 septembre 2025, n° 24/00775

BOURGES

Arrêt

Autre

CA Bourges n° 24/00775

5 septembre 2025

SM/RP

COPIE OFFICIEUSE

COPIE EXÉCUTOIRE

à :

- la SELARL ALCIAT-JURIS

- la SCP SOREL & ASSOCIES

Expédition TJ

LE : 05 SEPTEMBRE 2025

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 05 SEPTEMBRE 2025

N° RG 24/00775 - N° Portalis DBVD-V-B7I-DVO5

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal Judiciaire de BOURGES en date du 12 Avril 2024

PARTIES EN CAUSE :

I - M. [D] [P]

né le 06 Juillet 1952 à [Localité 8]

[Adresse 7]

[Localité 2]

- Mme [F] [G] épouse [P]

née le 14 Novembre 1956 à [Localité 6]

[Adresse 7]

[Localité 2]

Représentés par la SELARL ALCIAT-JURIS, avocat au barreau de BOURGES

timbre fiscal acquitté

APPELANTS suivant déclaration du 16/08/2024

INCIDEMMENT INTIMÉS

II - S.A.S. SOCIETE D'EMBALLAGE SCIENTIFIQUE MODERNE, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social :

[Adresse 1]

[Localité 4]

N° SIRET : 542 062 468

- S.A. MAAF ASSURANCES, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social :

[Adresse 5]

[Localité 3]

N° SIRET : 542 073 580

Représentées par la SCP SOREL & ASSOCIES, avocat au barreau de BOURGES

timbre fiscal acquitté

INTIMÉES

INCIDEMMENT APPELANTES

05 SEPTEMBRE 2025

p. 2

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Juin 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. PERINETTI, Conseiller chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Odile CLEMENT Présidente de Chambre

M. Richard PERINETTI Conseiller

Mme Marie-Madeleine CIABRINI Conseiller

***************

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme MAGIS

***************

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

**************

Exposé :

Selon bon de commande signé le 3 août 2011 pour un montant de 75.531,32 € TTC, Monsieur et Madame [P] ont confié à la société SESM (Société d'Emballage Scientifique Moderne), assurée en responsabilité décennale auprès de la MAAF, la fourniture et la pose d'un abri de piscine de type « Carene » avec rotonde à ossature bois, remplissage en polycarbonate alvéolaire, teinté vert en couverture et plein en paroi verticale, outre une prestation complémentaire relative à la parure or des profilés internes pour un montant de 17.114,76 €.

Une facture a été émise le 9 août 2011 pour un montant de 92.808,21 € et la réception est intervenue le 3 août 2012.

En mai et juin 2015, Monsieur et Madame [P] ont évoqué différents désordres d'ordre esthétique, liés à des défauts de fixation, une altération de la lasure et un dysfonctionnement de l'éclairage.

Après plusieurs expertises amiables organisées la MAAF, Monsieur et Madame [P] ont saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Bourges par acte du 14 octobre 2020, aux fins d'organisation d'une mesure d'expertise.

Monsieur [C], expert désigné par le juge des référés le 19 novembre 2020, a procédé à ses opérations et a déposé son rapport le 13 septembre 2021.

C'est dans ces conditions que Monsieur et Madame [P] ont assigné la société SESM et son assureur, la MAAF, devant le tribunal judiciaire de Bourges aux fins d'obtenir, au visa de l'article 1792 du code civil, leur condamnation in solidum à leur verser la somme de 110.378,00 € TTC au titre de travaux de reprise avec indexation sur l'indice BT01 du coût de la construction jusqu'à parfait règlement, outre 5000 € au titre du préjudice de jouissance.

Par jugement du 12 avril 2024, le tribunal judiciaire de Bourges a :

Condamné la SAS SESM et la MAAF ASSURANCES à payer in solidum à Madame [F], [O], [Y] [P] et Monsieur [D] [P] la somme de 73.011,73 € au titre des travaux de reprise avec indexation au titre de l'indice BT01 du coût de la construction jusqu'à parfait règlement ;

Condamné la SAS SESM et la MAAF ASSURANCES à payer in solidum à Madame [F], [O], [Y] [P] et Monsieur [D] [P] la somme de 300 € au titre du préjudice de jouissance ;

Débouté Madame [F], [O], [Y] [P] et Monsieur [D] [P] de leur demande relative au remplacement complet de l'ouvrage ;

Condamné la SAS SESM et la MAAF ASSURANCES in solidum aux entiers dépens de l'instance ;

Condamné la SAS SESM et la MAAF ASSURANCES à payer in solidum à Madame [F], [O], [Y] [P] et Monsieur [D] [P] la somme de 2000 € au titre des frais irrépétibles ;

Débouté la SAS SESM et la MAAF ASSURANCES de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rappelé l'exécution provisoire de la décision.

[F] [P] née [G] et [D] [P] ont interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée le 16 août 2024 et demandent à la cour, dans leurs dernières écritures en date du 23 avril 2025, à la lecture desquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, de :

Vu l'article 1792 du Code Civil,

INFIRMER le jugement déféré en ce qu'il a condamné in solidum la SAS SESM et son assureur à régler aux époux [P] la somme de 73 011.73 euros au titre des travaux de reprise avec indexation au titre de l'indice BT01 du coût de la construction jusqu'à parfait règlement, outre 300.00 euros au titre du préjudice de jouissance, 2 000.00 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance et a débouté les époux [P] de leur demande relative au remplacement complet de l'ouvrage.

Statuant à nouveau,

CONDAMNER in solidum la SAS SESM et son assurance de la responsabilité décennale la SA MAAF assurances à verser aux époux [P] la somme de 110 378.00 euros TTC correspondant au devis ABRISUD établi le 26 juin 2021, outre indexation sur l'indice BT01 du coût de la construction jusqu'à parfait règlement au titre du remplacement complet de l'ouvrage.

CONDAMNER in solidum la SAS SESM et la SA MAAF assurances à verser aux époux [P] la somme de 5 000.00 € à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice de jouissance subi et à subir.

CONDAMNER in solidum la SAS SESM et la SA MAAF assurances à verser aux époux [P] la somme de 5 000.00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

CONDAMNER in solidum la SAS SESM et la SA MAAF assurances aux entiers dépens de première instance en ce compris les frais de référé expertise et expertise judiciaire.

Subsidiairement, vu les articles 1792-6 et 1231-1 du Code Civil,

CONDAMNER la SAS SESM à verser aux époux [P] la somme de 110 378 € TTC correspondant au devis ABRISUD établi le 26 juin 2021, outre indexation sur l'indice BT01 du coût de la construction jusqu'à parfait règlement, au titre de sa responsabilité contractuelle fondée sur les dommages intermédiaires et aux fins du remplacement complet de l'ouvrage.

CONDAMNER in solidum la SAS SESM et la SA MAAF assurances à verser aux époux [P] la somme de 5 000.00 € à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice de jouissance subi et à subir.

CONDAMNER in solidum la SAS SESM et la SA MAAF assurances à verser aux époux [P] la somme de 5 000.00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

CONDAMNER in solidum la SAS SESM et la SA MAAF assurances aux entiers dépens de première instance en ce compris les frais de référé expertise et expertise judiciaire.

EN TOUTE HYPOTHESE,

CONFIRMER le jugement en ce qu'il a débouté la SAS SESM et la SA MAAF de leur demande d'indemnité procédurale

DEBOUTER la SAS SESM et la SA MAAF assurances de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions.

CONDAMNER in solidum la SAS SESM et la SA MAAF assurances à verser aux époux [P] la somme de 5 000.00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamner in solidum la SAS SESM et la SA MAAF assurances aux entiers dépens d'appel

La société anonyme MAAF ASSURANCE et la SAS SOCIETE D'EMBALLAGE SCIENTIFIQUE MODERNE, intimées au principal et appelantes incidentes, demandent pour leur part à la cour, dans leurs dernières écritures en date du 11 février 2005, à la lecture desquelles il est pareillement expressément renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, de :

Vu l'article 1792 du Code Civil,

A TITRE PRINCIPAL,

Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SA SESM et le MAAF à payer in solidum à Monsieur et Madame [P] la somme de 73 011,73 € au titre des travaux de reprise avec indexation au titre de l'indice BT01 du coût de la construction jusqu'à parfait règlement.

Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SA SESM et le MAAF à payer in solidum à Monsieur et Madame [P] la somme de 300 € au titre du préjudice de jouissance.

Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SA SESM et le MAAF in solidum aux entiers dépens de l'instance.

Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SA SESM et le MAAF à payer in solidum à Monsieur et Madame [P] la somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles.

Statuant à nouveau,

Dire et juger que l'article 1792 du Code Civil ne peut trouver application à défaut d'ouvrage.

Ce faisant, dire et juger que l'action en responsabilité engagée contre le vendeur se trouve prescrite.

Débouter Monsieur et Madame [P] de l'ensemble de leurs demandes.

Condamner Monsieur et Madame [P] à verser à la SAS SESM et la SA MAAF ASSURANCES la somme de 2.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

A TITRE SUBSIDIAIRE,

Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SA SESM et le MAAF à payer in solidum à Monsieur et Madame [P] la somme de 73 011,73 € au titre des travaux de reprise avec indexation au titre de l'indice BT01 du coût de la construction jusqu'à parfait règlement.

Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SA SESM et le MAAF à payer in solidum à Monsieur et Madame [P] la somme de 300 € au titre du préjudice de jouissance.

Statuant à nouveau,

Dire que les désordres affectant l'abri de piscine ne relèvent pas de la garantie décennale.

Ordonner la mise hors de cause de MAAF ASSURANCES.

Fixer le coût des travaux de reprise à la somme globale de 67 000,00 € TTC.

Débouter Monsieur et Madame [P] de leur demande au titre du préjudice de jouissance.

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE,

Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SA SESM et le MAAF à payer in solidum à Monsieur et Madame [P] la somme de 73 011,73 € au titre des travaux de reprise avec indexation au titre de l'indice BT01 du coût de la construction jusqu'à parfait règlement.

Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SA SESM et le MAAF à payer in solidum à Monsieur et Madame [P] la somme de 300 € au titre du préjudice de jouissance.

Statuant à nouveau,

Fixer le coût des travaux de reprise à la somme globale de 67 000,00 € TTC.

Débouter Monsieur et Madame [P] de leur demande au titre du préjudice de jouissance.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 20 mai 2025.

Sur quoi :

I) sur la garantie décennale :

Selon l'article 1792 du code civil, « tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère ».

Il appartient à celui qui se prévaut de ce texte de rapporter la preuve de l'existence d'un ouvrage, c'est-à-dire une construction de nature immobilière, ayant fait l'objet d'une réception, expresse, judiciaire ou tacite, ainsi que d'un dommage non apparent à la réception présentant les critères de gravité énoncés par cet article, c'est-à-dire affectant la solidité de l'ouvrage ou le rendant impropre à sa destination.

La société MAAF sollicite, à titre principal, l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a considéré que de telles dispositions étaient applicables au cas d'espèce, faisant principalement valoir que l'abri de piscine réalisé par la société SESM à la demande des époux [P] ne peut être considéré, au sens du texte précité, comme un ouvrage, dès lors qu'il s'agit d'un élément repliable et mobile, reposant simplement sur le sol sans aucun ancrage dans celui-ci.

Il doit être rappelé que la mise en jeu de la garantie décennale se trouve subordonnée au constat de l'immobilisation de la construction, qui suppose qu'elle ait été ancrée dans le sol, de sorte qu'une construction simplement posée sur le sol, sans travaux ni réalisation de fondations ne saurait relever de cette garantie ( Cass. 3e civ., 28 avr. 1993, n° 91-14.215).

En l'espèce, il résulte du bon de commande signé le 3 août 2011 par Monsieur et Madame [P] que ces derniers ont sollicité la société SESM en vue de la fourniture et de la pose d'un abri de piscine type « Carène » d'une longueur de 16,9 m et d'une largeur de 8,92 m, composé de différents modules : « 2 mobiles doubles, 1 fixe double, 1 rotonde » (pièce numéro 1 du dossier des appelants).

En page 8 de son rapport, l'expert judiciaire a rappelé que « l'ouvrage est constitué d'un abri de piscine dont la structure partiellement mobile en forme d'arche est en bois lamellé-collé, les parois longitudinales de l'abri sont constituées par des plaques translucides en polycarbonate traitées anti UV, les plaques en polycarbonate sont fixées aux arches par emboîtement dans des joints souples ».

L'expert a par ailleurs rappelé que l'abri comportait deux éléments mobiles et un « élément fixe », et que si les éléments du pignon de l'abri en forme de rotonde étaient mobiles, l'autre pignon était « fixe » et comportait des doubles portes coulissantes, faisant en outre expressément référence à « l'usage d'un abri fixe » dans le paragraphe 7. 6 de la conclusion de son rapport (page 27), sans nullement évoquer le caractère repliable ou démontable de l'abri.

Au demeurant, les photographies figurant dans ce rapport, notamment au bas de la page 21, montrent l'existence d'un système de fixation de l'abri de piscine dans la dalle en béton entourant la piscine des appelants.

Par ailleurs, et de la même façon, les photographies du procès-verbal de constat établi le 8 juillet 2020 par Maître [Z], huissier de justice, montrent les fixations dans le sol d'une partie de l'abri de piscine litigieux, dont le rédacteur de ce procès-verbal précise qu'il « se compose d'une rotonde et de 3 parties dont 2 amovibles » (pièce numéro 15 du dossier des appelants).

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'abri de piscine dont Monsieur et Madame [P] ont passé commande auprès de la société SESM constitue, non pas un simple abri dissociable et mobile, mais un abri d'une superficie importante fixé, au moins pour partie, par un ancrage au sol.

C'est en conséquence à juste titre que le premier juge a estimé qu'un tel abri pouvait être considéré comme constituant un ouvrage au sens des dispositions de l'article 1792 du code civil précité, étant surabondamment remarqué à cet égard que la MAAF avait refusé sa garantie dans le courrier du 21 novembre 2019 non pas au motif de l'absence d'ouvrage, mais en considérant que les désordres invoqués étaient purement esthétique « et n'engagent aucunement la solidité des ouvrages » (pièce numéro 13 du dossier des appelants).

Il convient en conséquence de rechercher si les différents désordres établis par le rapport d'expertise judiciaire et les pièces versées au dossier présentent les critères de gravité requis par le texte précité, c'est-à-dire s'ils compromettent la solidité de l'ouvrage ou s'ils le rendent impropre à sa destination.

À cet égard, le rapport d'expertise judiciaire, dont la teneur n'est nullement critiquée par les parties, ainsi que le procès-verbal de constat d'huissier précité, ont permis d'établir la présence des huit désordres suivants affectant l'abri de piscine des appelants :

' Déformation de la structure de l'arche : l'expert a noté que la société SESM était intervenue en juillet 2019 pour corriger un affaissement important de 13 cm d'une arche, ce qui avait nécessité la mise en place d'un renfort, et que, en dépit d'une telle intervention, la structure continuait à se dégrader et présentait des signes de ripage au droit des pieds de l'arche, les balais de frottement entre éléments étant par ailleurs devenus inopérants puisque certains sortent de leur logement (pages 21 et 22 du rapport).

' Mauvaise étanchéité de l'abri de piscine : l'expert indique à cet égard : « les plaques utilisées pour réaliser la couverture de l'abri sont d'un seul tenant sur toute la largeur de l'abri. Lors d'un événement climatique, peu de temps après la réalisation de l'abri, une des plaques de polycarbonate s'est dégagée de la structure en se brisant. Le remplacement de la plaque brisée dans son intégralité n'a pas pu être réalisé par la société SESM, pour des problèmes d'approvisionnement unitaire. Un remplacement partiel de la plaque brisée a été réalisé », ajoutant que « le joint ainsi créé entre les deux éléments de la plaque n'a jamais pu être correctement étanché ». Les photographies figurant en page 22 du rapport montrent la présence de coulures sur les traverses et de diverses traces d'écoulement d'eau. En outre, l'expert a indiqué (page numéro 9 du rapport) avoir pu lui-même constater, lors de la visite du 28 avril 2021 par temps pluvieux, l'absence d'étanchéité de l'ouvrage à l'eau de pluie, établissant à cet égard un schéma montrant les différents points de perméabilité à l'eau de pluie de l'ouvrage avec photographies de traces de différentes fuites, notamment « au droit du noeud d'articulation de la rotonde qui forme rétention de par son affaissement ».

' Dégradation des éléments en bois : l'expert a estimé que la classe du bois n'était pas en adéquation avec l'utilisation qui en est faite, précisant qu'il a ainsi observé une altération importante de certains éléments de la structure, notamment une dégradation des arches sur le dessus de la rotonde et une dégradation d'une traverse basse (page 23 du rapport). Il a précisé à cet égard que, de par la conception de l'abri, certains éléments tels que les traverses basses ou le n'ud supérieur de la rotonde formaient rétention à l'eau de pluie, de sorte que la classe d'emploi du bois requis était au minimum 3.2 selon la norme NF EN 335, alors que le bois utilisé était de classe 3.1 selon la facture d'achat (pages 26 et 27 du rapport). Il doit à cet égard être ajouté que le rapport d'expertise amiable du cabinet Polyexpert (pièce numéro 14) montre les dommages importants des éléments en bois de l'abri de piscine, notamment en raison de la rétractation des joints d'étanchéité entre le vitrage et l'encadrement, avec notamment un début de pourrissement de ces éléments (pages 5 et 6 de ce rapport).

' Infiltration au droit de l'assemblage des plaques en polycarbonate à la structure en bois : l'expert judiciaire indique à cet égard que la plupart des joints ne garnissent pas la totalité des gorges, et que l'infiltration d'eau dans les gorges contribue largement aux dégradations constatées, la déformation de certaines pièces de bois accentuant l'infiltration d'eau vers le c'ur des éléments en bois (photographies figurant en pages 23 et 24 du rapport).

' Dysfonctionnement du dispositif de fermeture : l'expert note à cet égard que le désalignement des éléments entre eux rend le dispositif de fermeture inopérant (page 24).

' Dysfonctionnement du système d'éclairage : Monsieur [C] indique avoir pu constater le 9 mars 2021 que « très peu de tronçons d'éclairage fonctionnent correctement », estimant que l'oxydation des rails ne permet pas d'assurer un fonctionnement pérenne du dispositif d'éclairage mentionné sur le bon de commande avec la mention manuscrite « inclus éclairage LED » (pages 24 et 25 du rapport).

' Difficultés à man'uvrer les éléments mobiles de l'abri : après avoir rappelé que l'abri comporte deux éléments mobiles et un élément fixe, l'expert indique à cet égard que les déformations des pieds d'arche provoquent des frottements des éléments entre eux et rendent difficile la man'uvre des éléments mobiles de l'abri et que, sans renforcement et redressement des pieds d'arche, ce phénomène ne peut que s'accentuer jusqu'au blocage complet des éléments. Il indique en conséquence à cet égard que « le verrouillage des éléments entre eux prévu pour assurer la sécurité du bassin n'est plus opérationnel en raison de la déformation des pieds d'arche » (page numéro 25).

' Dégradations d'ordre esthétique : le rapport d'expertise indique à cet égard : « le vieillissement du bois est un phénomène normal, il n'altère pas sa résistance si tant est que la classe d'emploi du bois utilisé corresponde à la situation de service à laquelle est exposé le bois. L'altération des renforts métalliques or est prématuré » (page 26 du rapport).

Il convient de rappeler que selon l'article 1792-4-1 du code civil, « toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4 du présent code est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, en application des articles 1792 à 1792-2, après dix ans à compter de la réception des travaux ou, en application de l'article 1792-3, à l'expiration du délai visé à cet article ».

Les travaux confiés par Monsieur et Madame [P] à la société SESM ont été réalisés au cours du printemps 2012, et intégralement réglés par ces derniers suite à la facture du 11 juin 2012, de sorte que la réception tacite des travaux doit être retenue à cette date.

Répondant au chef de mission numéro 6 qui lui demandait de « dire si les désordres, malfaçons et non-conformités compromettent la solidité de l'ouvrage ou le rendent impropre à sa destination », l'expert judiciaire a indiqué que la structure présentait « un risque pour sa solidité avant le terme des 10 ans après la réception » et qu'il était « important de noter que son état [avait] nécessité une intervention pour corriger un affaissement de 13 cm d'une arche en 2019 », tout en estimant que « l'ouvrage tel qu'observé le 9 mars 2021 n'[était] pas impropre à l'usage d'un abri fixe » (page 27 du rapport).

Parmi les différents désordres ci-dessus énumérés, il doit être considéré que le défaut de perméabilité à l'eau de l'abri de piscine, qui se trouve à l'origine d'un affaissement partiel auquel il a été remédié au cours de l'été 2019, ainsi que la dégradation des éléments en bois, les infiltrations au droit de l'assemblage des plaques en polycarbonate et les déformations de la structure de l'arche, compromettent la solidité de l'ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil.

Le premier juge a pertinemment retenu que les autres désordres retenus par l'expert ' dysfonctionnement du dispositif de fermeture et du dispositif d'éclairage, difficultés à man'uvrer les éléments mobiles de l'abri et dégradations d'ordre purement esthétique ' ne présentaient pas les critères de gravité requis par l'article 1792 précité, dès lors qu'ils n'étaient pas de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination.

Monsieur et Madame [P] apparaissent en conséquence bien fondés à solliciter la condamnation in solidum de la société SESM et de la société MAAF Assurances, en sa qualité d'assureur responsabilité décennale de cette dernière, au titre des travaux de reprise nécessaires pour remédier aux désordres de nature décennale ci-dessus énumérés.

Le premier juge a pertinemment considéré que l'octroi de la somme de 110'318 €, figurant au devis de la société ABRISUD du 26 juin 2021 et correspondant à une dépose complète avec remplacement de l'ouvrage, ne se justifiait pas en l'espèce, dès lors que l'expert a chiffré le montant des travaux permettant de remettre l'abri de piscine en état de façon satisfaisante (page numéro 18).

À cet égard, l'expert a préconisé les travaux suivants propres à remédier aux désordres : dépose des éléments en polycarbonate, remplacement des pièces de bois de la structure trop abîmées, renforcement des éléments fragilisés par de la résine époxydique, de manière à leur conférer la résistance requise à leur exposition, remplacement des plaques de polycarbonate et de leur système d'ancrage à la structure assurant également l'étanchéité en feuillure, remplacement des balais entre éléments mobiles et entre éléments fixes et mobiles par un système équivalent, traitement final de la structure par un produit approprié, décapage ou remplacement des « traverses or » (page numéro 17 du rapport).

L'expert avait retenu un devis de la société MAINDRON STRUCTURES du 26 août 2020 d'un montant de 46'986 € TTC au titre du renforcement de la structure bois, un devis de la société EAP du 25 janvier 2021 d'un montant de 12'871,73 € TTC au titre du remplacement des plaques en polycarbonate, ainsi qu'un devis de la société Charles LOURY du 13 mai 2021 d'un montant de 3500 € au titre de la préparation du support et de l'application de deux couches de lazure (page 18 du rapport), estimant par ailleurs nécessaire le recours à un maître d''uvre pour la coordination des interventions ce qui représente un coût d'environ 10 % du montant total des travaux.

Il apparaît que le devis du 26 août 2020 DV n° 200261 de la société MAINDRON STRUCTURES, ainsi retenu par l'expert, a fait l'objet d'une réactualisation par cette société le 18 janvier 2023 à la somme de 56'383,25 € TTC (pièce numéro 32 du dossier des appelants).

De la même façon, le devis précité de la société EAP, concernant le remplacement des plaques en polycarbonate, a été réactualisé le 27 janvier 2023 à la somme de 16'568,64 € TTC.

En outre, les appelants indiquent que l'ancien devis fourni par la société Charles LOURY n'a pas pu être réactualisé en raison de la cessation d'activité de cette société, mais produisent un devis établi par la société Rémy TAUNAY, artisan peintre, au titre de la préparation du support et de l'application de deux couches de lazure, pour un montant TTC de 6831 € (pièce numéro 36).

Ainsi, et compte tenu du coût résultant du nécessaire recours à un maître d''uvre conformément aux préconisations de l'expert, le montant des travaux de reprise des désordres de nature décennale affectant l'abri de piscine des appelants devra être fixé à la somme de : (56'383,25 + 16'568,64 + 6831) + 10 % = 87'761,18 €, la demande de la société MAAF tendant à la limitation du coût des travaux de reprise à la somme globale de 67'000 € ne pouvant ainsi qu'être rejetée.

Réformant sur ce montant la décision entreprise, la cour condamnera donc in solidum la société SESM et son assureur la MAAF au paiement de ladite somme, laquelle sera indexée sur l'indice BT 01 du coût de la construction jusqu'à parfait règlement.

II) sur la demande formée au titre de la responsabilité contractuelle de la société SESM :

Il est de principe que les dommages intermédiaires sont les dommages affectant un ouvrage et qui ne revêtent pas la gravité nécessaire à la mise en jeu de la garantie décennale dès lors qu'ils ne portent pas atteinte à la solidité de l'ouvrage ni ne le rendent impropre à sa destination.

En présence de dommages intermédiaires, tels que notamment des dommages esthétiques, la responsabilité des constructeurs est subordonnée à la preuve d'une faute sur le fondement de l'article'1231-1 du code civil selon lequel « le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure » (Cass. 3e civ., 10 juill. 1978, n° 77-12.595).

La prescription des actions en responsabilité contractuelle de droit commun pour faute prouvée, exercées en réparation de dommages intermédiaires, est régie par les dispositions spécifiques de l'article 1792-4-3 du code civil (Cass. 3e civ., 4 oct. 2018, n° 17-23.993), ce texte énonçant qu' « en dehors des actions régies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2, les actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs désignés aux articles 1792 et 1792-1 et leurs sous-traitants se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux », ce texte dérogeant ainsi aux dispositions générales de l'article 2224 du même code.

En l'espèce, l'action de Monsieur et Madame [P] a été engagée avant l'expiration du délai de 10 ans courant à compter de la réception des travaux au mois de juin 2012, de sorte qu'elle ne se heurte pas à la prescription applicable en la matière, contrairement à ce qui a été retenu par le premier juge.

La faute requise pour l'engagement de la responsabilité contractuelle de la société SESM au titre des désordres intermédiaires se trouve suffisamment établie par les pièces du dossier, et notamment les conclusions du rapport d'expertise selon lesquelles « la mauvaise conception de l'ouvrage est à l'origine des désordres constatés » (page 28 du rapport).

Dès lors, les appelants apparaissent bien fondés à solliciter la condamnation de la société SESM à leur verser les sommes correspondant aux travaux de reprise des désordres précités ne relevant pas de la garantie décennale, en l'occurrence le dysfonctionnement du dispositif de fermeture et du dispositif d'éclairage, les difficultés à man'uvrer les éléments mobiles de l'abri et les dégradations d'ordre purement esthétique.

A cet égard, l'expert avait retenu les devis respectivement établis les 20 et 21 avril 2021 par les sociétés HUBERT et LRB ROULIER pour des montants de 3015 € TTC et 503 € TTC.

La société HUBERT a réactualisé le 19 janvier 2023 son devis relatif au remplacement du dispositif d'éclairage à un montant de 3806,88 € TTC (pièce numéro 34), la société AEGIS - remplaçant la société LRB ROULIER ayant cessé son activité en avril 2022 ' réactualisant quant à elle son devis le 19 janvier 2023 à la somme de 664 € (courrier électronique figurant en pièce numéro 35 du dossier des appelants).

En conséquence, la société SESM sera condamnée à verser à Monsieur et Madame [P], au titre des travaux nécessaires pour remédier aux désordres intermédiaires, la somme de : 3806,88 + 664 = 4470,88 €, avec indexation sur l'indice BT 01 du coût de la construction jusqu'à parfait règlement, la décision entreprise étant réformée de ce chef.

III) sur les autres demandes :

C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a limité à la somme de 300 € le montant de l'indemnisation du préjudice de jouissance subi par Monsieur et Madame [P] en raison des malfaçons affectant leur abri de piscine, après avoir justement observé que ces dernières n'avaient nullement empêché l'utilisation de leur piscine et que l'abri avait permis de maintenir une bonne qualité d'eau et une baignade en toute saison.

La décision dont appel devra donc être confirmée de ce chef, et également en ce qu'elle a fait une juste application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés par Monsieur et Madame [P] en première instance.

Il résulte de ce qui précède que l'appel de ces derniers se trouve, en partie, accueilli, de sorte qu'il y aura lieu de laisser les entiers dépens d'appel à la charge des intimés.

L'équité commandera, enfin, d'allouer aux appelants une indemnité globale de 2000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles qu'ils ont dû exposer devant la cour.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

' Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a condamné in solidum la SAS SESM et la société MAAF Assurances à verser à Monsieur et Madame [P] la somme de 73'011,73 € au titre des travaux de reprise avec indexation sur l'indice BT 01 du coût de la construction jusqu'à parfait règlement

Et, statuant à nouveau sur ce chef réformé

' Condamne in solidum la SAS SESM et la société MAAF Assurances à verser à Monsieur et Madame [P] la somme de 87'761,18 € avec indexation sur l'indice BT 01 du coût de la construction jusqu'à parfait règlement

' Condamne la SAS SESM à verser à Monsieur et Madame [P] la somme de 4470,88 € avec indexation sur l'indice BT 01 du coût de la construction jusqu'à parfait règlement

Y ajoutant

' Condamne in solidum la SAS SESM et la société MAAF Assurances à verser à Monsieur et Madame [P] une indemnité globale de 2000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

' Rejette toutes autres demandes, plus amples ou contraires

' Condamne in solidum la SAS SESM et la société MAAF assurances aux entiers dépens d'appel.

L'arrêt a été signé par O. CLEMENT, Présidente, et par S. MAGIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,

S. MAGIS O. CLEMENT

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