CA Paris, Pôle 4 - ch. 6, 5 septembre 2025, n° 24/08711
PARIS
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRAN'AISE
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 6
ARRÊT DU 05 SEPTEMBRE 2025
(n° /2025,11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général :N° RG 24/08711 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJM6C
Décision déférée à la Cour : ordonnance du 19 octobre 2023 - juge de la mise en état d'[Localité 10]- RG n° 22/01869
APPELANTE
S.A.R.L. APPLICATION CONCEPT INNOVATION ENERGIES RENOUVELABLES - ACI, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 14]
[Localité 5]
Représentée par Me Sophie GILI BOULLANT, avocat au barreau de PARIS, toque : E0818
Ayant pour avocat plaidant Me Sandrine MARTIN-SOL, avocat au barreau de CHARTRES, substituée à l'audience par Me Rudy GILLOTIN, avocat au barreau de CHARTRES
INTIMÉS
Monsieur [U] [V]
[Adresse 1]
[Localité 8]
Représenté par Me Nathalie CORREIA DA SILVA, avocat au barreau de PARIS, toque : C2301
Madame [W] [D] épouse [V]
[Adresse 1]
[Localité 8]
Représentée par Me Nathalie CORREIA DA SILVA, avocat au barreau de PARIS, toque : C2301
S.A. ABEILLE IARD ET SANTE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 9]
Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP CAROLINE REGNIER AUBERT - BRUNO REGNIER, AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050
Ayant pour avocat plaidant Me Alberta SMAIL, avocat au barreau de PARIS, substituée à l'audience par Me Isabelle GROUT, avocat au barreau de PARIS
S.A. MIC INSURANCE venant aux droits de MILLENNIUM INSURANCE COMPANY,prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représentée par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515
Compagnie d'assurance MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES en sa qualité d'assureur de la société ACI, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Laurent SERVILLAT de la SELARL HMS JURIS, avocat au barreau de l'ESSONNE, substitué à l'audience par Me Laurent GABET, avocat au barreau de l'ESSONNE
Compagnie d'assurance MMA IARD SA en sa qualité d'assureur de ACI, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Laurent SERVILLAT de la SELARL HMS JURIS, avocat au barreau de l'ESSONNE, substitué à l'audience par Me Laurent GABET, avocat au barreau de l'ESSONNE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 12 juin 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Sylvie DELACOURT, présidente de chambre
Mme Laura TARDY, conseillère
Mme Viviane SZLAMOVICZ, conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Laura Tardy, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Mme Manon CARON
ARRÊT :
- contradictoire.
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Sylvie DELACOURT, présidente de chambre et par Tiffany CASCIOLI, greffière, présente lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Par contrat du 11 mai 2015, M. [U] [V] et Mme [W] [V] née [D] ont confié à la société [Adresse 11], assurée par la société Aviva Assurance devenue la société Abeille IARD & Santé, la construction d'une maison individuelle située [Adresse 1] à [Localité 12] (91) moyennant le prix de 143 933 euros.
Sont notamment intervenues à l'opération de construction :
- la société Application Concept Innovation Energies Renouvelables (la société ACI), assurée auprès de la société MMA IARD ;
- la société LMELEC, assurée auprès de la société Mutuelle de [Localité 13] ;
- la société TNR BAT, assurée auprès de la société MIC Insurance.
Le 28 juillet 2017, un procès-verbal de réception a été signé avec des réserves.
Par acte du 12 juin 2019, se prévalant de nouveaux désordres, M. et Mme [V] ont assigné les intervenants à la construction devant le président du tribunal judiciaire d'Evry-Courcouronnes aux fins de voir ordonner une expertise.
Par acte du 8 juillet 2019, M. et Mme [V] ont fait assigner Maître [L], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société [Adresse 11].
Par ordonnance du 17 septembre 2019, le juge des référés a désigné M. [J] en qualité d'expert.
Par ordonnance du 13 novembre 2020, les opérations d'expertise ont été rendues communes à la société ACI et son assureur la société MMA IARD, la société LMELEC et son assureur la société Mutuelles de [Localité 13] et la société MIC en qualité d'assureur de la société TNR BAT (société liquidée).
Le 8 novembre 2021, l'expert a rendu son rapport.
Par actes signifiés les 24, 29 et 30 mars 2022, M. et Mme [V] ont assigné les sociétés Abeille IARD & Santé, ACI, MMA IARD et MIC Insurance devant le tribunal judiciaire d'Evry aux fins d'indemnisation de leurs préjudices.
Par ordonnance du 19 octobre 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'Evry a statué en ces termes :
- rejette la fin de non-recevoir soulevée par la société ACI à l'encontre de M. et Mme [V] ;
- rejette la demande indemnitaire reconventionnelle formée par M. et Mme [V] ;
- condamne la société ACI à payer à M. et Mme [V] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rejette la demande de la société ACI formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- réserve les dépens ;
- renvoie l'affaire à la mise en état du 18 janvier 2024 à 9h30 pour conclusions des défendeurs et éventuelles conclusions actualisées des demandeurs.
Par déclaration en date du 3 mai 2024, la société ACI a interjeté appel de l'ordonnance, intimant devant la cour d'appel de Paris M. et Mme [V] et les sociétés MMA IARD, MMA IARD Assurances mutuelles, Abeille IARD & Santé et MIC Insurance.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 15 juillet 2024, la société ACI demande à la cour de :
- constater que les demandes des époux [V] formulées à l'encontre de la société ACI sont fondées exclusivement sur les dispositions de l'article 1240 du code civil ;
- dire que l'ensemble des dommages imputés à la société ACI concerne des éléments d'équipement dissociables qui sont destinés à fonctionner et constater que cela n'est pas contesté par les époux [V] ;
- dire que le délai de forclusion de la garantie de bon fonctionnement de deux ans a commencé à courir à compter du 13 novembre 2020 pour expirer le 13 novembre 2022 ;
- juger que les demandes des époux [V] formulées à l'encontre de la société ACI au visa de l'article 1240 du code civil sont donc irrecevables ;
- dire qu'en raison du fondement erroné de leur assignation, les époux [V] n'ont pu valablement interrompre le délai de forclusion de 2 ans ;
- juger que les époux [V] sont aujourd'hui forclos à soulever à l'encontre de la société ACI les dispositions de l'article 1792-3 du code civil pour engager la responsabilité de la société ACI ;
En conséquence,
- infirmer l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état en date du 19 octobre 2023 en ce qu'elle a :
- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société ACI à l'encontre de M. [U] [V] et Mme [W] [D] épouse [V] ;
- condamné la société ACI à payer à M. [U] [V] et Mme [W] [D] épouse [V] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rejeté la demande de la société ACI formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- réservé les dépens ;
Et statuant de nouveau :
- mettre hors de cause la société ACI ;
- condamner les époux [V] à rembourser à la société ACI la somme par elle réglée au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance soit la somme de 800 euros ;
- condamner solidairement les époux [V] à verser à la société ACI la somme de de 16 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner solidairement les époux [V] aux entiers dépens.
Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 9 juillet 2024, les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles demandent à la cour de :
- prendre acte de ce que les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles s'associent à l'argumentation développée par la société ACI ;
- infirmer l'ordonnance rendue le 19 octobre 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'Evry en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société ACI à l'encontre des époux [V] ;
Et statuant à nouveau,
- déclarer les époux [V] forclos en leur demande de condamnations formulées à l'encontre des sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles ;
En conséquence,
- débouter les époux [V] de leurs demandes dirigées à l'encontre des sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles ;
- condamner solidairement les époux [V] à verser aux sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner solidairement les époux [V] aux entiers dépens.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 10 juillet 2024, la société MIC Insurance demande à la cour de :
- statuer ce que de droit sur l'appel de l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état d'[Localité 10] le 19 octobre 2023 ;
En tout état de cause :
- condamner tout succombant à payer à la société MIC Insurance une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 29 juillet 2024, M. et Mme [V] demandent à la cour de :
- déclarer irrecevable l'appel de la société ACI sur l'ordonnance du 19 octobre 2023, dirigé à l'encontre de Mme [W] [D] épouse [V] et M. [U] [V] ;
- déclarer irrecevables les demandes des intimés tendant à voir déclarer forclose l'action indemnitaire des époux [V] devant le tribunal judiciaire d'Evry visant à réparer les désordres/non-conformités incombant à la société ACI, et ce faisant,
- déclarer recevables les demandes indemnitaires de Mme [W] [D] épouse [V] et de M. [U] [V] dirigées à l'encontre de l'ensemble des parties à la procédure et ce faisant, débouter toutes les demandes adverses tendant à voir déclarer forclose l'action indemnitaire des époux [V] devant le tribunal judiciaire d'Evry ;
Subsidiairement,
- confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état près le tribunal judiciaire d'Evry en date du 19 octobre 2023, en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société ACI à l'encontre de Mme [W] [D] épouse [V] et M. [U] [V], et ce faisant ;
- déclarer recevable l'action des époux [V] dirigée à l'encontre de la société ACI et de l'ensemble des parties à la procédure ;
- infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état près le tribunal judiciaire d'Evry en date du 19 octobre 2023, en ce qu'elle a rejeté la demande indemnitaire reconventionnelle formée par Mme [W] [D] épouse [V] et M. [U] [V], et ce faisant :
- condamner la société ACI à payer aux époux [V] la somme de 3 000 euros, à titre de dommages et intérêts, pour sa procédure abusive ;
- débouter la société ACI et l'ensemble des intimés de toutes leurs demandes ;
- débouter toutes les demandes dirigées à l'encontre de Monsieur [U] [V] et Madame [W] [D] épouse [V] ;
En tout état de cause :
- condamner in solidum la société ACI, la société Abeille IARD & Santé, les sociétés sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles à payer à M. et Mme [V] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la présente procédure, ainsi qu'aux dépens, lesquels pourront être recouvrés par Maître Correia Da Silva, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 5 décembre 2024, la société Abeille IARD & Santé demande à la cour de :
- déclarer la société Abeille IARD & Santé recevable et bien fondée en son appel incident ;
Y faisant droit,
- infirmer l'ordonnance rendue le 19 octobre 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'Evry en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société ACI à l'encontre de M. et Mme [V] ;
Et statuant à nouveau,
- déclarer M. et Mme [V] forclos en leurs demandes de condamnation formulées à l'encontre de la société Abeille IARD & Santé, recherchée en qualité d'assureur de la société [Adresse 11] au titre des désordres relevant de la sphère d'intervention de la société ACI ;
En conséquence,
- débouter M. et Mme [V] de leurs demandes de condamnation formulées à l'encontre de la société Abeille IARD & Santé, recherchée en qualité d'assureur de la société [Adresse 11] au titre des griefs relevant des travaux de chauffage et de plomberie ;
- débouter M. et Mme [V] de toute demande de condamnation qui pourrait être formée à l'encontre de la société Abeille IARD & Santé ;
- condamner tout succombant à verser à la société Abeille IARD & Santé, nouvelle dénomination de la société Aviva Assurances, la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 19 décembre 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience du 12 juin 2025, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.
MOTIVATION
Sur la recevabilité de l'appel de la société ACI
Moyens des parties
M. et Mme [V] soulèvent l'irrecevabilité de l'appel de la société ACI, sur le fondement de l'article 410 du code de procédure civile, au motif que cette société a exécuté spontanément l'ordonnance en leur réglant la somme au paiement de laquelle elle avait été condamnée au titre des frais irrépétibles, alors qu'ils ne lui avaient pas signifié la décision, ce paiement valant ainsi acquiescement.
La société ACI fait valoir que les dispositions de l'article 410 ne s'appliquent pas en cas d'exécution des condamnations aux dépens et frais irrépétibles, et qu'elle n'a pas exécuté un jugement non exécutoire au sens de ce texte, mais une ordonnance du juge de la mise en état, ce qui ne vaut pas acquiescement.
Réponse de la cour
L'article 122 du code de procédure civile énonce que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
L'intimé qui oppose à l'appelant son acquiescement au jugement frappé d'appel soulève une fin de non-recevoir (Cass., 2ème Civ., 11 octobre 1995, n° 92-21.232).
Selon l'article 410 du code de procédure civile, l'acquiescement peut être exprès ou implicite. L'exécution sans réserve d'un jugement non exécutoire vaut acquiescement, hors les cas où celui-ci n'est pas permis.
Il est constant que les articles 410 et 558 ne sont pas applicables en cas d'exécution des condamnations aux dépens ou aux sommes allouées en application de l'article 700 du code de procédure civile (Cass., 2ème Civ., 23 novembre 1994, n° 92-18.354 ; 26 févr. 1997, n° 95-13.876).
En l'espèce, par ordonnance du 19 octobre 2023, le juge de la mise en état a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société ACI et opposée aux demandes des époux [V], a rejeté la demande indemnitaire reconventionnelle de ceux-ci et a condamné la société ACI à leur verser la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles.
La société ACI a versé la somme de 800 euros (pièce 14 des époux [V]) le 21 novembre 2023, en exécution de la condamnation aux frais irrépétibles. Ce versement, en l'absence de tout autre acte démontrant une volonté claire et non équivoque d'acquiescer au jugement, ne peut donc caractériser un acquiescement à la décision de la part de la société ACI.
La fin de non-recevoir soulevée par M. et Mme [V] à l'encontre de la société ACI sera donc rejetée.
Sur la fin de non-recevoir opposée par les époux [V] aux autres intimés
Moyens des parties
M. et Mme [V] soulèvent l'irrecevabilité des demandes des intimés tendant à voir déclarer forclose leur action indemnitaire, et, dans la partie discussion de leurs écritures, indiquent que cette demande vise tous les intimés sauf la société MIC Insurance, pour nouveauté en appel de leur prétention de forclusion à leur égard.
La société Abeille IARD & Santé rappelle que les fins de non-recevoir peuvent être opposées en tout état de cause, y compris en appel.
Les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles ne concluent pas sur ce point.
Réponse de la cour
Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
L'article 122 du même code énonce que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. L'article 123 ajoute que les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.
Il est constant que les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, y compris pour la première fois en appel (Cass., 2ème Civ., 1er avril 1998, n° 95-20.848).
En l'espèce, devant le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'Evry, seule la société ACI a soulevé l'irrecevabilité des demandes indemnitaires de M. et Mme [V] à son égard pour forclusion. Devant ce juge, la société MIC Insurance avait, par message RPVA, indiqué s'en rapporter à la décision de la juridiction, comme la société Abeille IARD & Santé.
À hauteur de cour, les sociétés MMA IARD, MMA IARD Assurances mutuelles et Abeille IARD & Santé sollicitent l'infirmation de l'ordonnance du juge de la mise en état et soulèvent à l'encontre des époux [V] une fin de non-recevoir tirée de la forclusion des demandes des maîtres d'ouvrage à leur égard.
Cette demande est recevable à hauteur d'appel, dès lors la demande des époux [V] de déclarer irrecevable la fin de non-recevoir soulevée par les sociétés MMA IARD, MMA IARD Assurances mutuelles et Abeille IARD & Santé sera rejetée.
Sur la fin de non-recevoir opposée à l'action des époux [V]
Moyens des parties
La société ACI indique que les époux [V] poursuivent sa responsabilité délictuelle, au seul visa des dispositions de l'article 1240 du code civil, en qualité de sous-traitante de la société [Adresse 11], au titre de divers désordres affectant leur bien immobilier, mais que leur action est irrecevable car elle aurait dû être fondée sur la garantie de bon fonctionnement, laquelle est forclose. Elle ajoute que le juge n'a pas l'obligation, sur le fondement de l'article 12 du code de procédure civile, de changer la dénomination ou le fondement des demandes. Elle soutient que l'ensemble des désordres allégués par les maîtres d'ouvrage relève des lots Plomberie et Chauffage et concerne des éléments d'équipement dissociables qui sont destinés à fonctionner. Elle précise que l'article 1240 du code civil ne trouve pas à s'appliquer, que les désordres relèvent de l'article 1792-4-2 du code civil et que le délai de forclusion de la garantie biennale de bon fonctionnement, courant à compter de la réception survenue le 28 juillet 2017, a été interrompu par l'assignation du 12 juin 2019, puis l'ordonnance de référé du 17 septembre 2019 et l'ordonnance du 13 novembre 2020 et a expiré, l'assignation du 29 mars 2022, fondée sur les dispositions de l'article 1240 du code civil n'ayant pu avoir d'effet interruptif.
La société Abeille IARD & Santé, assureur de la société [Adresse 11], conclut dans le même sens que la société ACI et s'associe à l'argumentation développée par celle-ci, comme les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles, assureurs de la société ACI.
La société MIC Insurance s'en rapporte à justice.
M. et Mme [V] font valoir, à l'égard de la société ACI, que l'action du maître d'ouvrage à l'encontre du sous-traitant est de nature délictuelle, ce dernier n'étant pas astreint aux garanties légales du droit de la construction, et qu'ils ont valablement interrompu leur délai d'action biennal, qui avait recommencé à courir à compter de la date du dépôt du rapport d'expertise judiciaire, soit le 8 novembre 2021, par l'assignation qu'ils lui ont fait délivrer devant le tribunal judiciaire en date du 29 mars 2022. Subsidiairement, s'agissant des non-conformités (notamment la chaudière et le ballon d'eau chaude), ils précisent que la responsabilité de la société ACI peut être recherchée en qualité de fournisseur de la société [Adresse 11], et que dès lors, sa responsabilité est de nature contractuelle. Ils ajoutent que le juge est, en vertu de l'article 12 du code de procédure civile, tenu de restituer l'exacte qualification juridique à la demande d'indemnisation formée par ces derniers à l'encontre du sous-traitant sur les défaillances dûment constatées et chiffrées par l'expert judiciaire dans son rapport, à supposer que cette demande repose sur un fondement juridique erroné.
A l'égard de la société Abeille IARD & Santé, assureur de la société [Adresse 11], ils indiquent faire valoir des non-conformités, permettant d'engager la responsabilité contractuelle du constructeur sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil, avec un délai de forclusion décennal conformément à l'article 1792-4-3 du même code.
Réponse de la cour
La cour constate que, comme devant le juge de la mise en état, les parties ne contestent pas que la société ACI est intervenue sur le chantier dont M. et Mme [V] étaient maîtres d'ouvrage en qualité de sous-traitante de la société [Adresse 11], et que les désordres pour lesquels les époux [V] recherchent la responsabilité des sociétés ACI et [Adresse 11] et la garantie de leurs assureurs affectent des éléments d'équipement dissociables de l'ouvrage.
L'article 1792-4-2 du code civil dispose que les actions en responsabilité dirigées contre un sous-traitant en raison de dommages affectant un ouvrage ou des éléments d'équipement d'un ouvrage mentionnés aux articles 1792 et 1792-2 se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux et, pour les dommages affectant ceux des éléments d'équipement de l'ouvrage mentionnés à l'article 1792-3, par deux ans à compter de cette même réception.
Il est constant qu'en l'absence de contrat les liant, le maître d'ouvrage ne peut engager que la responsabilité délictuelle du sous-traitant, dans les conditions de l'article 1382 du code civil devenu article 1240. Cette action directe est cependant soumise, quant au délai pour agir offert au maître d'ouvrage, aux dispositions de l'article 1792-4-2 précité. Au cas d'espèce, ce que les parties ne contestent pas, l'action de M. et Mme [V] est enfermée dans un délai de deux ans à compter de la réception de l'ouvrage.
La Cour de cassation a jugé (3e Civ., 10 juin 2021, n° 20-16.837, publié au Bulletin) qu'à l'égard des constructeurs, et dans une volonté d'unification du régime de responsabilité et de délais pour agir, le délai d'action en responsabilité non fondée sur une des garanties légales des articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2, énoncé à l'article 1792-4-3, était un délai de forclusion, à l'instar de celui applicable à la mise en jeu des garanties légales auxquelles ces constructeurs sont tenus, et ce nonobstant le fait que cet article contienne le terme "prescrive". Or, cet article vise les constructeurs et leurs sous-traitants, et il apparaît conforme à la volonté unificatrice rappelée ci-dessus que le délai d'action du maître d'ouvrage à l'égard du sous-traitant ne soit pas différent de celui encadrant l'action du maître d'ouvrage envers le constructeur, quand bien même l'action du maître d'ouvrage à l'encontre du sous-traitant est fondée sur la responsabilité délictuelle de droit commun et non sur une garantie légale. De même, l'article 1792-4-2, qui étend à l'action du maître d'ouvrage à l'encontre du sous-traitant la durée applicable entre le premier et les constructeurs au titre des garanties légales, doit donc être considéré comme édictant un délai de forclusion et non de prescription, sauf à fonder, à l'égard du maître d'ouvrage, une différence de régime entre les constructeurs et les sous-traitants qui n'apparaît pas justifiée. Ainsi, le délai d'action de M. et Mme [V] à l'encontre de la société ACI est un délai de forclusion.
Selon les articles 2241 alinéa 1er et 2242 du code de procédure civile, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion ; l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance. L'article 2239, selon lequel la prescription est également suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès, n'est pas applicable aux délais de forclusion.
Pour interrompre la prescription ainsi que les délais pour agir, une citation en justice, même en référé, doit être signifiée à celui qu'on veut empêcher de prescrire (Cass., 3ème Civ., 23 mai 2013, n° 12-14.901).
L'ouvrage argué de désordres a été réceptionné le 28 juillet 2017. Par actes d'huissier en date du 12 juin 2019, les époux [V] ont assigné devant le président du tribunal de grande instance d'Evry statuant en référé les sociétés [Adresse 11], Aviva Assurances (devenue Abeille IARD & Santé) et Caisse d'Assurance mutuelle du Crédit agricole (la CAMCA). Par acte du 8 juillet 2019, les demandeurs ont fait assigner Maître [L] en qualité de liquidateur de la société [Adresse 11].
Par ordonnance du 17 septembre 2019, le juge des référés a ordonné une expertise et commis M. [J] à cette fin.
La société Aviva Assurances a, par actes des 9, 10 et 17 juillet 2020, assigné notamment la société ACI et son assureur la société MMA IARD en référé afin de leur voir déclarer opposable l'ordonnance de référé précitée.
Par actes des 24, 29 et 30 mars 2022, M. et Mme [V] ont assigné devant le tribunal judiciaire d'Evry les sociétés Abeille IARD & Santé, ACI, MMA IARD et MIC Insurance aux fins d'indemnisation de leurs préjudices.
A l'égard de la société ACI, le délai de forclusion biennal a commencé à courir le 28 juillet 2017 et n'a pas été interrompu par l'instance en référé ni par l'assignation en déclaration d'expertise commune, à défaut de citation en justice délivrée par les époux [V] à cette société avant l'expiration du délai biennal. L'action des époux [V] à l'encontre de la société ACI a été initiée par acte du 24 mars 2022, au-delà du délai de forclusion de deux ans imparti par l'article 1792-4-2 précité.
Par conséquent, l'ordonnance du 19 octobre 2023 doit être infirmée et, statuant à nouveau, la cour dit les demandes formées par M. et Mme [V] à l'encontre de la société ACI irrecevables comme étant forcloses.
Il en va de même de l'action directe des époux [V] à l'encontre de la société MMA IARD, assureur de la société ACI, action soumise au même délai que celle à l'encontre de l'assuré.
A l'égard de la société Abeille IARD & Santé, assureur de la société [Adresse 11], constructeur, M. et Mme [V] ont interrompu le délai de forclusion biennal en l'assignant devant le juge des référés le 12 juin 2019. Le délai de forclusion a recommencé à courir le 17 décembre 2019, date de l'ordonnance de référé. Les époux [V] ont assigné la société Abeille IARD & Santé au fond par acte du 24 mars 2022, au-delà du délai biennal qui leur était imparti. Leur action est donc irrecevable à l'encontre de cette société.
Sur la demande reconventionnelle de M. et Mme [V]
Moyens des parties
M. et Mme [V] sollicitent l'infirmation de l'ordonnance qui a rejeté leur demande de condamnation de la société ACI à leur verser la somme de 3 000 euros de dommages-intérêts pour résistance et procédure abusive, faisant valoir que cette société a diligenté le présent incident sur un fondement erroné et en faisant preuve d'une volonté purement dilatoire, comme démontré par la chronologie de la procédure.
La société ACI ne répond pas.
Réponse de la cour
Dès lors qu'il a été fait droit à la fin de non-recevoir soulevée par la société ACI à l'encontre des demandes de M. et Mme [V], il ne peut être considéré que cette société a fait preuve d'abus dans la résistance aux demandes formées contre elle. La décision du juge de la mise en état, ayant rejeté la demande indemnitaire des époux [V], sera confirmée.
Sur les frais du procès
Le sens de l'arrêt conduit à infirmer l'ordonnance sur la condamnation aux dépens et sur celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau et y ajoutant en appel, la cour condamne in solidum M. et Mme [V] à verser à la société ACI la somme de 6 000 euros, ainsi que celle de 2 000 euros chacune aux sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles, ensemble, et Abeille IARD & Santé. La cour rejette leur demande au titre des frais irrépétibles.
Le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile sera accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.
PAR CES MOTIFS
La cour,
REJETTE la fin de non-recevoir tirée de l'acquiescement à l'ordonnance, opposée par M. [U] [V] et Mme [W] [D] épouse [V] à la société ACI,
REJETTE la fin de non-recevoir tirée de la nouveauté en appel de la fin de non-recevoir soulevée par les sociétés MMA IARD, MMA IARD Assurances mutuelles et Abeille IARD & Santé, opposée par M. [U] [V] et Mme [W] [D] épouse [V] à ces sociétés,
CONFIRME l'ordonnance rendue le 19 octobre 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'Evry en ce qu'elle a rejeté la demande indemnitaire reconventionnelle formée par M. [U] [V] et Mme [W] [D] épouse [V] au titre de l'abus de procédure,
L'INFIRME pour le surplus des dispositions soumises à la cour,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DÉCLARE irrecevables comme étant forcloses les demandes formées par M. [U] [V] et Mme [W] [D] épouse [V] à l'encontre de la société ACI, des sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles et de la société Abeille IARD & Santé,
CONDAMNE in solidum M. [U] [V] et Mme [W] [D] épouse [V] à verser à la société ACI la somme de six mille euros (6 000 euros) au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, ainsi que celle de deux mille euros (2 000 euros) chacune aux sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles ensemble, et à la société Abeille IARD & Santé,
REJETTE la demande de M. [U] [V] et Mme [W] [D] épouse [V] au titre des frais irrépétibles,
ADMET les avocats qui en ont fait la demande et peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La greffière, La présidente de chambre,
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 6
ARRÊT DU 05 SEPTEMBRE 2025
(n° /2025,11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général :N° RG 24/08711 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJM6C
Décision déférée à la Cour : ordonnance du 19 octobre 2023 - juge de la mise en état d'[Localité 10]- RG n° 22/01869
APPELANTE
S.A.R.L. APPLICATION CONCEPT INNOVATION ENERGIES RENOUVELABLES - ACI, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 14]
[Localité 5]
Représentée par Me Sophie GILI BOULLANT, avocat au barreau de PARIS, toque : E0818
Ayant pour avocat plaidant Me Sandrine MARTIN-SOL, avocat au barreau de CHARTRES, substituée à l'audience par Me Rudy GILLOTIN, avocat au barreau de CHARTRES
INTIMÉS
Monsieur [U] [V]
[Adresse 1]
[Localité 8]
Représenté par Me Nathalie CORREIA DA SILVA, avocat au barreau de PARIS, toque : C2301
Madame [W] [D] épouse [V]
[Adresse 1]
[Localité 8]
Représentée par Me Nathalie CORREIA DA SILVA, avocat au barreau de PARIS, toque : C2301
S.A. ABEILLE IARD ET SANTE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 9]
Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP CAROLINE REGNIER AUBERT - BRUNO REGNIER, AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050
Ayant pour avocat plaidant Me Alberta SMAIL, avocat au barreau de PARIS, substituée à l'audience par Me Isabelle GROUT, avocat au barreau de PARIS
S.A. MIC INSURANCE venant aux droits de MILLENNIUM INSURANCE COMPANY,prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représentée par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515
Compagnie d'assurance MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES en sa qualité d'assureur de la société ACI, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Laurent SERVILLAT de la SELARL HMS JURIS, avocat au barreau de l'ESSONNE, substitué à l'audience par Me Laurent GABET, avocat au barreau de l'ESSONNE
Compagnie d'assurance MMA IARD SA en sa qualité d'assureur de ACI, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Laurent SERVILLAT de la SELARL HMS JURIS, avocat au barreau de l'ESSONNE, substitué à l'audience par Me Laurent GABET, avocat au barreau de l'ESSONNE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 12 juin 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Sylvie DELACOURT, présidente de chambre
Mme Laura TARDY, conseillère
Mme Viviane SZLAMOVICZ, conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Laura Tardy, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Mme Manon CARON
ARRÊT :
- contradictoire.
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Sylvie DELACOURT, présidente de chambre et par Tiffany CASCIOLI, greffière, présente lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Par contrat du 11 mai 2015, M. [U] [V] et Mme [W] [V] née [D] ont confié à la société [Adresse 11], assurée par la société Aviva Assurance devenue la société Abeille IARD & Santé, la construction d'une maison individuelle située [Adresse 1] à [Localité 12] (91) moyennant le prix de 143 933 euros.
Sont notamment intervenues à l'opération de construction :
- la société Application Concept Innovation Energies Renouvelables (la société ACI), assurée auprès de la société MMA IARD ;
- la société LMELEC, assurée auprès de la société Mutuelle de [Localité 13] ;
- la société TNR BAT, assurée auprès de la société MIC Insurance.
Le 28 juillet 2017, un procès-verbal de réception a été signé avec des réserves.
Par acte du 12 juin 2019, se prévalant de nouveaux désordres, M. et Mme [V] ont assigné les intervenants à la construction devant le président du tribunal judiciaire d'Evry-Courcouronnes aux fins de voir ordonner une expertise.
Par acte du 8 juillet 2019, M. et Mme [V] ont fait assigner Maître [L], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société [Adresse 11].
Par ordonnance du 17 septembre 2019, le juge des référés a désigné M. [J] en qualité d'expert.
Par ordonnance du 13 novembre 2020, les opérations d'expertise ont été rendues communes à la société ACI et son assureur la société MMA IARD, la société LMELEC et son assureur la société Mutuelles de [Localité 13] et la société MIC en qualité d'assureur de la société TNR BAT (société liquidée).
Le 8 novembre 2021, l'expert a rendu son rapport.
Par actes signifiés les 24, 29 et 30 mars 2022, M. et Mme [V] ont assigné les sociétés Abeille IARD & Santé, ACI, MMA IARD et MIC Insurance devant le tribunal judiciaire d'Evry aux fins d'indemnisation de leurs préjudices.
Par ordonnance du 19 octobre 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'Evry a statué en ces termes :
- rejette la fin de non-recevoir soulevée par la société ACI à l'encontre de M. et Mme [V] ;
- rejette la demande indemnitaire reconventionnelle formée par M. et Mme [V] ;
- condamne la société ACI à payer à M. et Mme [V] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rejette la demande de la société ACI formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- réserve les dépens ;
- renvoie l'affaire à la mise en état du 18 janvier 2024 à 9h30 pour conclusions des défendeurs et éventuelles conclusions actualisées des demandeurs.
Par déclaration en date du 3 mai 2024, la société ACI a interjeté appel de l'ordonnance, intimant devant la cour d'appel de Paris M. et Mme [V] et les sociétés MMA IARD, MMA IARD Assurances mutuelles, Abeille IARD & Santé et MIC Insurance.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 15 juillet 2024, la société ACI demande à la cour de :
- constater que les demandes des époux [V] formulées à l'encontre de la société ACI sont fondées exclusivement sur les dispositions de l'article 1240 du code civil ;
- dire que l'ensemble des dommages imputés à la société ACI concerne des éléments d'équipement dissociables qui sont destinés à fonctionner et constater que cela n'est pas contesté par les époux [V] ;
- dire que le délai de forclusion de la garantie de bon fonctionnement de deux ans a commencé à courir à compter du 13 novembre 2020 pour expirer le 13 novembre 2022 ;
- juger que les demandes des époux [V] formulées à l'encontre de la société ACI au visa de l'article 1240 du code civil sont donc irrecevables ;
- dire qu'en raison du fondement erroné de leur assignation, les époux [V] n'ont pu valablement interrompre le délai de forclusion de 2 ans ;
- juger que les époux [V] sont aujourd'hui forclos à soulever à l'encontre de la société ACI les dispositions de l'article 1792-3 du code civil pour engager la responsabilité de la société ACI ;
En conséquence,
- infirmer l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état en date du 19 octobre 2023 en ce qu'elle a :
- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société ACI à l'encontre de M. [U] [V] et Mme [W] [D] épouse [V] ;
- condamné la société ACI à payer à M. [U] [V] et Mme [W] [D] épouse [V] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rejeté la demande de la société ACI formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- réservé les dépens ;
Et statuant de nouveau :
- mettre hors de cause la société ACI ;
- condamner les époux [V] à rembourser à la société ACI la somme par elle réglée au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance soit la somme de 800 euros ;
- condamner solidairement les époux [V] à verser à la société ACI la somme de de 16 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner solidairement les époux [V] aux entiers dépens.
Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 9 juillet 2024, les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles demandent à la cour de :
- prendre acte de ce que les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles s'associent à l'argumentation développée par la société ACI ;
- infirmer l'ordonnance rendue le 19 octobre 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'Evry en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société ACI à l'encontre des époux [V] ;
Et statuant à nouveau,
- déclarer les époux [V] forclos en leur demande de condamnations formulées à l'encontre des sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles ;
En conséquence,
- débouter les époux [V] de leurs demandes dirigées à l'encontre des sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles ;
- condamner solidairement les époux [V] à verser aux sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner solidairement les époux [V] aux entiers dépens.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 10 juillet 2024, la société MIC Insurance demande à la cour de :
- statuer ce que de droit sur l'appel de l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état d'[Localité 10] le 19 octobre 2023 ;
En tout état de cause :
- condamner tout succombant à payer à la société MIC Insurance une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 29 juillet 2024, M. et Mme [V] demandent à la cour de :
- déclarer irrecevable l'appel de la société ACI sur l'ordonnance du 19 octobre 2023, dirigé à l'encontre de Mme [W] [D] épouse [V] et M. [U] [V] ;
- déclarer irrecevables les demandes des intimés tendant à voir déclarer forclose l'action indemnitaire des époux [V] devant le tribunal judiciaire d'Evry visant à réparer les désordres/non-conformités incombant à la société ACI, et ce faisant,
- déclarer recevables les demandes indemnitaires de Mme [W] [D] épouse [V] et de M. [U] [V] dirigées à l'encontre de l'ensemble des parties à la procédure et ce faisant, débouter toutes les demandes adverses tendant à voir déclarer forclose l'action indemnitaire des époux [V] devant le tribunal judiciaire d'Evry ;
Subsidiairement,
- confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état près le tribunal judiciaire d'Evry en date du 19 octobre 2023, en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société ACI à l'encontre de Mme [W] [D] épouse [V] et M. [U] [V], et ce faisant ;
- déclarer recevable l'action des époux [V] dirigée à l'encontre de la société ACI et de l'ensemble des parties à la procédure ;
- infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état près le tribunal judiciaire d'Evry en date du 19 octobre 2023, en ce qu'elle a rejeté la demande indemnitaire reconventionnelle formée par Mme [W] [D] épouse [V] et M. [U] [V], et ce faisant :
- condamner la société ACI à payer aux époux [V] la somme de 3 000 euros, à titre de dommages et intérêts, pour sa procédure abusive ;
- débouter la société ACI et l'ensemble des intimés de toutes leurs demandes ;
- débouter toutes les demandes dirigées à l'encontre de Monsieur [U] [V] et Madame [W] [D] épouse [V] ;
En tout état de cause :
- condamner in solidum la société ACI, la société Abeille IARD & Santé, les sociétés sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles à payer à M. et Mme [V] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la présente procédure, ainsi qu'aux dépens, lesquels pourront être recouvrés par Maître Correia Da Silva, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 5 décembre 2024, la société Abeille IARD & Santé demande à la cour de :
- déclarer la société Abeille IARD & Santé recevable et bien fondée en son appel incident ;
Y faisant droit,
- infirmer l'ordonnance rendue le 19 octobre 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'Evry en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société ACI à l'encontre de M. et Mme [V] ;
Et statuant à nouveau,
- déclarer M. et Mme [V] forclos en leurs demandes de condamnation formulées à l'encontre de la société Abeille IARD & Santé, recherchée en qualité d'assureur de la société [Adresse 11] au titre des désordres relevant de la sphère d'intervention de la société ACI ;
En conséquence,
- débouter M. et Mme [V] de leurs demandes de condamnation formulées à l'encontre de la société Abeille IARD & Santé, recherchée en qualité d'assureur de la société [Adresse 11] au titre des griefs relevant des travaux de chauffage et de plomberie ;
- débouter M. et Mme [V] de toute demande de condamnation qui pourrait être formée à l'encontre de la société Abeille IARD & Santé ;
- condamner tout succombant à verser à la société Abeille IARD & Santé, nouvelle dénomination de la société Aviva Assurances, la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 19 décembre 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience du 12 juin 2025, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.
MOTIVATION
Sur la recevabilité de l'appel de la société ACI
Moyens des parties
M. et Mme [V] soulèvent l'irrecevabilité de l'appel de la société ACI, sur le fondement de l'article 410 du code de procédure civile, au motif que cette société a exécuté spontanément l'ordonnance en leur réglant la somme au paiement de laquelle elle avait été condamnée au titre des frais irrépétibles, alors qu'ils ne lui avaient pas signifié la décision, ce paiement valant ainsi acquiescement.
La société ACI fait valoir que les dispositions de l'article 410 ne s'appliquent pas en cas d'exécution des condamnations aux dépens et frais irrépétibles, et qu'elle n'a pas exécuté un jugement non exécutoire au sens de ce texte, mais une ordonnance du juge de la mise en état, ce qui ne vaut pas acquiescement.
Réponse de la cour
L'article 122 du code de procédure civile énonce que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
L'intimé qui oppose à l'appelant son acquiescement au jugement frappé d'appel soulève une fin de non-recevoir (Cass., 2ème Civ., 11 octobre 1995, n° 92-21.232).
Selon l'article 410 du code de procédure civile, l'acquiescement peut être exprès ou implicite. L'exécution sans réserve d'un jugement non exécutoire vaut acquiescement, hors les cas où celui-ci n'est pas permis.
Il est constant que les articles 410 et 558 ne sont pas applicables en cas d'exécution des condamnations aux dépens ou aux sommes allouées en application de l'article 700 du code de procédure civile (Cass., 2ème Civ., 23 novembre 1994, n° 92-18.354 ; 26 févr. 1997, n° 95-13.876).
En l'espèce, par ordonnance du 19 octobre 2023, le juge de la mise en état a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société ACI et opposée aux demandes des époux [V], a rejeté la demande indemnitaire reconventionnelle de ceux-ci et a condamné la société ACI à leur verser la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles.
La société ACI a versé la somme de 800 euros (pièce 14 des époux [V]) le 21 novembre 2023, en exécution de la condamnation aux frais irrépétibles. Ce versement, en l'absence de tout autre acte démontrant une volonté claire et non équivoque d'acquiescer au jugement, ne peut donc caractériser un acquiescement à la décision de la part de la société ACI.
La fin de non-recevoir soulevée par M. et Mme [V] à l'encontre de la société ACI sera donc rejetée.
Sur la fin de non-recevoir opposée par les époux [V] aux autres intimés
Moyens des parties
M. et Mme [V] soulèvent l'irrecevabilité des demandes des intimés tendant à voir déclarer forclose leur action indemnitaire, et, dans la partie discussion de leurs écritures, indiquent que cette demande vise tous les intimés sauf la société MIC Insurance, pour nouveauté en appel de leur prétention de forclusion à leur égard.
La société Abeille IARD & Santé rappelle que les fins de non-recevoir peuvent être opposées en tout état de cause, y compris en appel.
Les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles ne concluent pas sur ce point.
Réponse de la cour
Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
L'article 122 du même code énonce que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. L'article 123 ajoute que les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.
Il est constant que les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, y compris pour la première fois en appel (Cass., 2ème Civ., 1er avril 1998, n° 95-20.848).
En l'espèce, devant le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'Evry, seule la société ACI a soulevé l'irrecevabilité des demandes indemnitaires de M. et Mme [V] à son égard pour forclusion. Devant ce juge, la société MIC Insurance avait, par message RPVA, indiqué s'en rapporter à la décision de la juridiction, comme la société Abeille IARD & Santé.
À hauteur de cour, les sociétés MMA IARD, MMA IARD Assurances mutuelles et Abeille IARD & Santé sollicitent l'infirmation de l'ordonnance du juge de la mise en état et soulèvent à l'encontre des époux [V] une fin de non-recevoir tirée de la forclusion des demandes des maîtres d'ouvrage à leur égard.
Cette demande est recevable à hauteur d'appel, dès lors la demande des époux [V] de déclarer irrecevable la fin de non-recevoir soulevée par les sociétés MMA IARD, MMA IARD Assurances mutuelles et Abeille IARD & Santé sera rejetée.
Sur la fin de non-recevoir opposée à l'action des époux [V]
Moyens des parties
La société ACI indique que les époux [V] poursuivent sa responsabilité délictuelle, au seul visa des dispositions de l'article 1240 du code civil, en qualité de sous-traitante de la société [Adresse 11], au titre de divers désordres affectant leur bien immobilier, mais que leur action est irrecevable car elle aurait dû être fondée sur la garantie de bon fonctionnement, laquelle est forclose. Elle ajoute que le juge n'a pas l'obligation, sur le fondement de l'article 12 du code de procédure civile, de changer la dénomination ou le fondement des demandes. Elle soutient que l'ensemble des désordres allégués par les maîtres d'ouvrage relève des lots Plomberie et Chauffage et concerne des éléments d'équipement dissociables qui sont destinés à fonctionner. Elle précise que l'article 1240 du code civil ne trouve pas à s'appliquer, que les désordres relèvent de l'article 1792-4-2 du code civil et que le délai de forclusion de la garantie biennale de bon fonctionnement, courant à compter de la réception survenue le 28 juillet 2017, a été interrompu par l'assignation du 12 juin 2019, puis l'ordonnance de référé du 17 septembre 2019 et l'ordonnance du 13 novembre 2020 et a expiré, l'assignation du 29 mars 2022, fondée sur les dispositions de l'article 1240 du code civil n'ayant pu avoir d'effet interruptif.
La société Abeille IARD & Santé, assureur de la société [Adresse 11], conclut dans le même sens que la société ACI et s'associe à l'argumentation développée par celle-ci, comme les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles, assureurs de la société ACI.
La société MIC Insurance s'en rapporte à justice.
M. et Mme [V] font valoir, à l'égard de la société ACI, que l'action du maître d'ouvrage à l'encontre du sous-traitant est de nature délictuelle, ce dernier n'étant pas astreint aux garanties légales du droit de la construction, et qu'ils ont valablement interrompu leur délai d'action biennal, qui avait recommencé à courir à compter de la date du dépôt du rapport d'expertise judiciaire, soit le 8 novembre 2021, par l'assignation qu'ils lui ont fait délivrer devant le tribunal judiciaire en date du 29 mars 2022. Subsidiairement, s'agissant des non-conformités (notamment la chaudière et le ballon d'eau chaude), ils précisent que la responsabilité de la société ACI peut être recherchée en qualité de fournisseur de la société [Adresse 11], et que dès lors, sa responsabilité est de nature contractuelle. Ils ajoutent que le juge est, en vertu de l'article 12 du code de procédure civile, tenu de restituer l'exacte qualification juridique à la demande d'indemnisation formée par ces derniers à l'encontre du sous-traitant sur les défaillances dûment constatées et chiffrées par l'expert judiciaire dans son rapport, à supposer que cette demande repose sur un fondement juridique erroné.
A l'égard de la société Abeille IARD & Santé, assureur de la société [Adresse 11], ils indiquent faire valoir des non-conformités, permettant d'engager la responsabilité contractuelle du constructeur sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil, avec un délai de forclusion décennal conformément à l'article 1792-4-3 du même code.
Réponse de la cour
La cour constate que, comme devant le juge de la mise en état, les parties ne contestent pas que la société ACI est intervenue sur le chantier dont M. et Mme [V] étaient maîtres d'ouvrage en qualité de sous-traitante de la société [Adresse 11], et que les désordres pour lesquels les époux [V] recherchent la responsabilité des sociétés ACI et [Adresse 11] et la garantie de leurs assureurs affectent des éléments d'équipement dissociables de l'ouvrage.
L'article 1792-4-2 du code civil dispose que les actions en responsabilité dirigées contre un sous-traitant en raison de dommages affectant un ouvrage ou des éléments d'équipement d'un ouvrage mentionnés aux articles 1792 et 1792-2 se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux et, pour les dommages affectant ceux des éléments d'équipement de l'ouvrage mentionnés à l'article 1792-3, par deux ans à compter de cette même réception.
Il est constant qu'en l'absence de contrat les liant, le maître d'ouvrage ne peut engager que la responsabilité délictuelle du sous-traitant, dans les conditions de l'article 1382 du code civil devenu article 1240. Cette action directe est cependant soumise, quant au délai pour agir offert au maître d'ouvrage, aux dispositions de l'article 1792-4-2 précité. Au cas d'espèce, ce que les parties ne contestent pas, l'action de M. et Mme [V] est enfermée dans un délai de deux ans à compter de la réception de l'ouvrage.
La Cour de cassation a jugé (3e Civ., 10 juin 2021, n° 20-16.837, publié au Bulletin) qu'à l'égard des constructeurs, et dans une volonté d'unification du régime de responsabilité et de délais pour agir, le délai d'action en responsabilité non fondée sur une des garanties légales des articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2, énoncé à l'article 1792-4-3, était un délai de forclusion, à l'instar de celui applicable à la mise en jeu des garanties légales auxquelles ces constructeurs sont tenus, et ce nonobstant le fait que cet article contienne le terme "prescrive". Or, cet article vise les constructeurs et leurs sous-traitants, et il apparaît conforme à la volonté unificatrice rappelée ci-dessus que le délai d'action du maître d'ouvrage à l'égard du sous-traitant ne soit pas différent de celui encadrant l'action du maître d'ouvrage envers le constructeur, quand bien même l'action du maître d'ouvrage à l'encontre du sous-traitant est fondée sur la responsabilité délictuelle de droit commun et non sur une garantie légale. De même, l'article 1792-4-2, qui étend à l'action du maître d'ouvrage à l'encontre du sous-traitant la durée applicable entre le premier et les constructeurs au titre des garanties légales, doit donc être considéré comme édictant un délai de forclusion et non de prescription, sauf à fonder, à l'égard du maître d'ouvrage, une différence de régime entre les constructeurs et les sous-traitants qui n'apparaît pas justifiée. Ainsi, le délai d'action de M. et Mme [V] à l'encontre de la société ACI est un délai de forclusion.
Selon les articles 2241 alinéa 1er et 2242 du code de procédure civile, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion ; l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance. L'article 2239, selon lequel la prescription est également suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès, n'est pas applicable aux délais de forclusion.
Pour interrompre la prescription ainsi que les délais pour agir, une citation en justice, même en référé, doit être signifiée à celui qu'on veut empêcher de prescrire (Cass., 3ème Civ., 23 mai 2013, n° 12-14.901).
L'ouvrage argué de désordres a été réceptionné le 28 juillet 2017. Par actes d'huissier en date du 12 juin 2019, les époux [V] ont assigné devant le président du tribunal de grande instance d'Evry statuant en référé les sociétés [Adresse 11], Aviva Assurances (devenue Abeille IARD & Santé) et Caisse d'Assurance mutuelle du Crédit agricole (la CAMCA). Par acte du 8 juillet 2019, les demandeurs ont fait assigner Maître [L] en qualité de liquidateur de la société [Adresse 11].
Par ordonnance du 17 septembre 2019, le juge des référés a ordonné une expertise et commis M. [J] à cette fin.
La société Aviva Assurances a, par actes des 9, 10 et 17 juillet 2020, assigné notamment la société ACI et son assureur la société MMA IARD en référé afin de leur voir déclarer opposable l'ordonnance de référé précitée.
Par actes des 24, 29 et 30 mars 2022, M. et Mme [V] ont assigné devant le tribunal judiciaire d'Evry les sociétés Abeille IARD & Santé, ACI, MMA IARD et MIC Insurance aux fins d'indemnisation de leurs préjudices.
A l'égard de la société ACI, le délai de forclusion biennal a commencé à courir le 28 juillet 2017 et n'a pas été interrompu par l'instance en référé ni par l'assignation en déclaration d'expertise commune, à défaut de citation en justice délivrée par les époux [V] à cette société avant l'expiration du délai biennal. L'action des époux [V] à l'encontre de la société ACI a été initiée par acte du 24 mars 2022, au-delà du délai de forclusion de deux ans imparti par l'article 1792-4-2 précité.
Par conséquent, l'ordonnance du 19 octobre 2023 doit être infirmée et, statuant à nouveau, la cour dit les demandes formées par M. et Mme [V] à l'encontre de la société ACI irrecevables comme étant forcloses.
Il en va de même de l'action directe des époux [V] à l'encontre de la société MMA IARD, assureur de la société ACI, action soumise au même délai que celle à l'encontre de l'assuré.
A l'égard de la société Abeille IARD & Santé, assureur de la société [Adresse 11], constructeur, M. et Mme [V] ont interrompu le délai de forclusion biennal en l'assignant devant le juge des référés le 12 juin 2019. Le délai de forclusion a recommencé à courir le 17 décembre 2019, date de l'ordonnance de référé. Les époux [V] ont assigné la société Abeille IARD & Santé au fond par acte du 24 mars 2022, au-delà du délai biennal qui leur était imparti. Leur action est donc irrecevable à l'encontre de cette société.
Sur la demande reconventionnelle de M. et Mme [V]
Moyens des parties
M. et Mme [V] sollicitent l'infirmation de l'ordonnance qui a rejeté leur demande de condamnation de la société ACI à leur verser la somme de 3 000 euros de dommages-intérêts pour résistance et procédure abusive, faisant valoir que cette société a diligenté le présent incident sur un fondement erroné et en faisant preuve d'une volonté purement dilatoire, comme démontré par la chronologie de la procédure.
La société ACI ne répond pas.
Réponse de la cour
Dès lors qu'il a été fait droit à la fin de non-recevoir soulevée par la société ACI à l'encontre des demandes de M. et Mme [V], il ne peut être considéré que cette société a fait preuve d'abus dans la résistance aux demandes formées contre elle. La décision du juge de la mise en état, ayant rejeté la demande indemnitaire des époux [V], sera confirmée.
Sur les frais du procès
Le sens de l'arrêt conduit à infirmer l'ordonnance sur la condamnation aux dépens et sur celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau et y ajoutant en appel, la cour condamne in solidum M. et Mme [V] à verser à la société ACI la somme de 6 000 euros, ainsi que celle de 2 000 euros chacune aux sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles, ensemble, et Abeille IARD & Santé. La cour rejette leur demande au titre des frais irrépétibles.
Le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile sera accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.
PAR CES MOTIFS
La cour,
REJETTE la fin de non-recevoir tirée de l'acquiescement à l'ordonnance, opposée par M. [U] [V] et Mme [W] [D] épouse [V] à la société ACI,
REJETTE la fin de non-recevoir tirée de la nouveauté en appel de la fin de non-recevoir soulevée par les sociétés MMA IARD, MMA IARD Assurances mutuelles et Abeille IARD & Santé, opposée par M. [U] [V] et Mme [W] [D] épouse [V] à ces sociétés,
CONFIRME l'ordonnance rendue le 19 octobre 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'Evry en ce qu'elle a rejeté la demande indemnitaire reconventionnelle formée par M. [U] [V] et Mme [W] [D] épouse [V] au titre de l'abus de procédure,
L'INFIRME pour le surplus des dispositions soumises à la cour,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DÉCLARE irrecevables comme étant forcloses les demandes formées par M. [U] [V] et Mme [W] [D] épouse [V] à l'encontre de la société ACI, des sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles et de la société Abeille IARD & Santé,
CONDAMNE in solidum M. [U] [V] et Mme [W] [D] épouse [V] à verser à la société ACI la somme de six mille euros (6 000 euros) au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, ainsi que celle de deux mille euros (2 000 euros) chacune aux sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles ensemble, et à la société Abeille IARD & Santé,
REJETTE la demande de M. [U] [V] et Mme [W] [D] épouse [V] au titre des frais irrépétibles,
ADMET les avocats qui en ont fait la demande et peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La greffière, La présidente de chambre,