CA Paris, Pôle 4 - ch. 5, 3 septembre 2025, n° 22/02651
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 5
ARRET DU 03 SEPTEMBRE 2025
(n° /2025, 14 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/02651 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFFWM
Décision déférée à la Cour : jugement du 18 janvier 2022 - tribunal judiciaire de MELUN - RG n° 20/03571
APPELANTE
S.A. GENERALI IARD prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Vincent RIBAUT de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010
Ayant pour avocat plaidant Me Kérène RUDERMANN, avocat au barreau de PARIS, substituée à l'audience par Me Aristide CAPRA, avocat au barreau de PARIS
INTIME
Monsieur [L] [Y]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représenté à l'audience par Me Michel BOHBOT, avocat au barreau de PARIS, toque : C0052
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 mars 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Viviane SZLAMOVICZ conseillère faisant fonction de présidente pour le président empêché et de Mme Emmanuelle BOUTIE, conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Viviane SZLAMOVICZ, conseillère faisant fonction de présidente pour le président empêché
Mme Emmanuelle BOUTIE, Conseiller
M. Fabrice MORILLO, Conseiller
Greffière, lors des débats : Mme Tiffany CASCIOLI
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, délibéré initialement prévu le 25 juin 2025 et prorogé jusqu'au 03 septembre 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Viviane SZLAMOVICZ, conseillère faisant fonction de présidente pour le président empêché et par Tiffany CASCIOLI, greffière, présente lors de la mise à disposition.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
M. [Y] est propriétaire d'une maison à usage d'habitation sise [Adresse 1] sur la commune de [Localité 7].
Le 3 février 2016, il a mandaté la société CNE, assurée auprès de la société Generali IARD, aux fins de réaliser des travaux de surélévation et d'extension de l'habitation.
Arguant d'un retard de chantier, M. [Y] a mis fin à l'intervention de cette entreprise, qui a été payée à hauteur de 117 170,75 euros selon facture en date du 6 avril 2017, après signature d'un procès-verbal de réception du même jour sans réserve.
M. [Y] a également mandaté le BET DB ingenierie afin d'achever la réalisation des travaux de surélévation. Ce dernier a constaté des désordres et malfaçons dans son rapport de visite réalisé le 23 octobre 2017.
Par ordonnance du 16 janvier 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a désigné M. [S] en qualité d'expert. Celui-ci a déposé son rapport le 6 novembre 2019.
Par acte d'huissier en date du 18 août 2020, M. [Y] a assigné la société Generali IARD devant le tribunal judiciaire de Melun aux fins d'indemnisation de ses préjudices.
Par jugement du 18 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Melun a statué en ces termes :
Condamne la société Generali IARD à verser à M. [Y] les sommes suivantes :
- 509 611,85 euros TTC au titre de la réparation de ses préjudices matériels, valeur novembre 2019, avec actualisation en fonction de la variation de l'indice INSEE du coût de la construction jusqu'au jour du complet paiement,
- 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute M. [Y] de ses demandes au titre de la réparation de son préjudice immatériel ;
Ordonne la capitalisation des intérêts dans le cadre de l'anatocisme ;
Condamne la société Generali IARD aux entiers frais et dépens, en ce compris les honoraires d'étude engagés pendant l'expertise, les frais d'expertise, et les dépens résultant de la procédure de référé ;
Déboute les parties de leurs prétentions plus amples ou contraires ;
Dit n'y avoir à écarter l'exécution provisoire de droit.
Par déclaration en date du 1er février 2022, la société Generali IARD interjeté appel du jugement, intimant devant la cour :
- M. [Y]
Par ordonnance du 10 mai 2022, le conseiller en charge de la mise en état, a ordonné la jonction des procédures inscrites au rôle sous les numéros 22/02651 et 22/02653 et dit qu'elle se poursuivront sous le numéro 22/02651.
EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 10 octobre 2022 la société Generali IARD demande à la cour de :
Annuler ou, à tout le moins, infirmer le jugement du 18 janvier 2022 en ce qu'il a :
Condamné la société Generali IARD à verser à M. [Y] les sommes suivantes :
- 509 611,85 euros TTC au titre de la réparation de ses préjudices matériels valeur novembre 2019, avec actualisation en fonction de la variation de l'indice INSEE du coût de la construction jusqu'au jour du complet paiement,
- 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamné la société Generali IARD aux entiers frais et dépens, en ce compris les honoraires d'étude engagés pendant l'expertise, les frais d'expertise, et les dépens résultant de la procédure de référé ;
Puis, statuant de nouveau :
A titre principal,
Rejeter toute demande condamnation contre la société Generali IARD dès lors que la société CNE a réalisé une activité de constructeur de maison individuelle expressément exclue de la couverture assurantielle,
Rejeter toute demande de condamnation contre la société Generali IARD à raison des désordres résultant des activités de fondations profondes, charpente industrielle, couverture, étanchéité et menuiseries, qui n'ont pas été déclarées à la police ;
Rejeter toute demande de condamnation contre la société Generali IARD à raison des désordres visibles à la réception dès lors que celle-ci est intervenue sans la moindre réserve émise par M. [Y],
A titre subsidiaire,
Ramener le quantum des réclamations à de plus justes proportions,
Prendre acte des limites contractuelles prévues à la police pour fixer le montant final de la condamnation qui pourrait être prononcée à l'encontre de la société Generali IARD
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 16 novembre 2022 M. [Y] demande à la cour de :
Confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a déclaré les désordres entièrement imputables aux travaux réalisés par l'entreprise CNE et déclaré la société Generali IARD tenue à garantir la responsabilité de l'entreprise CNE au regard de la nature desdits travaux.
Confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté les moyens de non-garantie tiré du prétendu statut d'entreprise générale tous corps d'état de l'entreprise CNE et de la prétendue activité de construction de maisons individuelles ;
Débouter la société Generali IARD de l'intégralité de ses demandes.
Recevoir M. [Y] en son appel incident.
Infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a limité à la somme de 509 611,85 euros TTC l'indemnité allouée au titre de la réparation de ses préjudices matériels.
L'infirmer également en ce qu'il a débouté M. [Y] de ses demandes au titre de la réparation des préjudices immatériels. Statuant à nouveau de ces chefs,
Condamner la société Generali IARD à payer à M. [Y], au titre des dommages matériels, la somme de 564 653,44 euros, valeur novembre 2019, avec actualisation en fonction de la variation de l'indice INSEE du coût de la construction jusqu'au jour du complet paiement et capitalisation annuelle conformément aux dispositions de l'article 1343 2 du code civil.
Fixer les dommages immatériels à la somme de 141 002 euros et condamner la société Generali IARD à payer à M. [Y] à ce titre la somme de 85 000 euros avec intérêts légaux à compter de l'assignation et capitalisation annuelle conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.
Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Generali IARD aux entiers dépens, comprenant les frais d'expertise et les dépens du référé ainsi qu'à payer à M. [Y] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Y ajoutant, condamner la société Generali IARD à payer à M. [Y] une indemnité supplémentaire de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel.
Condamner la société Generali IARD aux entiers dépens d'appel qui pourront être recouvrés par Me Bohbot conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 18 février 2025 et l'affaire a été appelée à l'audience du 25 mars, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.
MOTIVATION
Sur le rapport d'expertise judiciaire
Moyens des parties
La société Generali IARD soutient que le rapport d'expertise comporte des lacunes matérielles dans la mesure où l'expert ne s'est pas réellement emparé de sa mission, se contentant d'entériner essentiellement les constats réalisés par le cabinet DB Ingenierie et sans apporter de réponse justifiée aux observations formulées par la société Generali IARD dans ses différents dires.
Elle précise que le tribunal a entaché son analyse d'une erreur de droit en ce que la contestation du déroulement des opérations d'expertise devant le juge chargé du contrôle pendant la conduite des opérations n'est pas une condition de recevabilité de la contestation au fond de la teneur du rapport d'expertise ainsi que d'une erreur de motivation en se contentant de constater que l'expert judiciaire a répondu à chaque chef de mission par une motivation type " stéréotypée ".
En réponse, M. [Y] fait valoir que le tribunal n'a pas entaché son jugement d'une erreur d'appréciation ni de raisonnement et qu'il a motiver sa décision sans dénaturer les éléments objectifs du débat.
Il ajoute que le fait que l'expert ait analysé la liste des désordres établies par le cabinet DB ingenierie en y apposant ses observations, n'entache pas la qualité du travail de l'expert qui a procédé à des constatations personnelles sur les désordres ainsi listés et a fourni un avis propre et objectif sur chacun d'eux.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 238 du code de procédure civile, le technicien doit donner son avis sur les points pour l'examen desquels il a été commis.
Il ne peut répondre à d'autres questions, sauf accord écrit des parties.
Il ne doit jamais porter d'appréciations d'ordre juridique.
Au cas d'espèce, la société Generali IARD critique le rapport déposé par l'expert judiciaire le 6 novembre 2019 en faisant valoir que celui-ci présente des carences, l'expert n'ayant notamment pas apporté de réponse justifiée aux observations formulées dans ses dires.
Toutefois, il résulte du chapitre III du rapport, intitulé " Réponses aux dires récapitulatifs" que l'expert a répondu au dernier dire n°5 de la société Generali IARD, en reprenant chaque point soulevé par son conseil et en précisant, s'agissant de la question de la réception de l'ouvrage, évoquée par l'appelante à plusieurs reprises, que cette question soulève des points de droit auquel il ne lui appartient pas de répondre.
En outre, si la société CNE fait état de ce que l'expert judiciaire a entériné les constats réalisés par la société DB ingenierie, mandatée par M. [Y], force est de constater qu'il résulte des éléments du rapport que l'expert a procédé à des constatations personnelles et objectives concernant chaque désordre, conformément au cadre de sa mission, et que l'expert précise qu'aucune étude de sol ne lui a été transmise par la société CNE, assurée par la société Generali IARD, ni aucune pièce concernant l'exécution des travaux, plans d'exécution, plans de ferraillages et de coffrages, notes de calcul, rapport d'étude de sol et plan des fondations, ces pièces ayant aussi été sollicitées à plusieurs reprises par le magistrat en charge du contrôle des expertises.
Ainsi, en l'absence de tout élément de preuve permettant de contester utilement les conclusions de l'expert et les termes de son rapport, c'est à juste titre que le tribunal a retenu que l'expert a répondu à l'ensemble des missions confiées par le tribunal de grande instance de Paris en se prononçant sur l'origine, les causes, l'étendue, l'imputabilité et les conséquences des désordres et qu'il a répondu aux dires récapitulatifs communiqués par les parties à l'exception des points de droit sur lesquels il ne lui appartient pas de se prononcer en application des dispositions de l'article 238 du code de procédure civile susvisé.
En tout état de cause, la cour relève que l'appelante ne formule pas de demande d'annulation du jugement à ce titre ni de demande de nouvelle expertise.
Sur la responsabilité décennale de la société CNE
Moyens des parties
La société Generali IARD soutient que le jugement entrepris est entaché d'un défaut de motivation en ce qu'il ne s'est pas prononcé sur la gravité des désordres et ne s'est pas livré à une appréciation minutieuse de ces derniers, se contentant de procéder à une analyse globale.
En outre, elle avance que le tribunal a commis une erreur de droit en retenant que les conditions de mise en 'uvre de la responsabilité décennale de la société CNE étaient réunies alors qu'il avait préalablement relevé que certaines malfaçons étaient apparentes.
Enfin, elle ajoute que le tribunal a dénaturé les faits de l'espèce en considérant d'une part, que les défauts visibles concernaient principalement les inachèvements et, d'autre part, que les conséquences apparentes des malfaçons n'étaient pas décelables par un profane.
En réponse, M. [Y] fait valoir que les travaux ont été réceptionnés sans réserve mais qu'ils n'ont pas été intégralement achevés de sorte qu'il était impossible pour lui, étant kinésithérapeute et incompétent en matière de construction, de se convaincre de la matérialité et de l'étendue exacte des désordres.
S'agissant des désordres visibles, il précise qu'il lui était impossible de mesurer leur gravité ni de savoir si les défauts d'exécution étaient ou non de nature à rendre l'immeuble impropre à sa destination.
Il observe que le tribunal a minutieusement analysé les désordres et fait la distinction entre ceux résultant de l'inachèvement des travaux, potentiellement visibles, et les autres consistant en des malfaçons et des non-conformités de sorte qu'il a distingué la notion matérielle de défaut visible de la notion juridique de vice apparent.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.
Il est établi que les travaux sur existants sont, en raison de leur conception, de leur ampleur et de l'utilisation de technique de construction pour leur réalisation, assimilés à des travaux de construction d'un ouvrage, telle la rénovation de l'ensemble d'un immeuble (3e Civ., 30 mars 1994, pourvoi n° 92-11.996, Bulletin 1994 III N° 70).
Il incombe au maître de l'ouvrage ou à l'acquéreur de l'ouvrage qui agit sur le fondement de l'article 1792 du code civil de rapporter la preuve que les conditions d'application de ce texte sont réunies (3e Civ., 7 juillet 2004, pourvoi n° 03-14.166, Bull., 2004, III, n° 142) et, notamment, du caractère caché du désordre, au jour de la réception, pour un maître de l'ouvrage profane (3e Civ., 2 mars 2022, pourvoi n° 21-10.753, publié au Bulletin).
Au cas d'espèce, la qualité de constructeur de la société CNE, en charge des travaux de surélévation et d'extension de l'immeuble, n'est pas contestée à l'instar de la signature du procès-verbal de réception sans réserve intervenue le 6 avril 2017.
Si la société Generali IARD critique la motivation du tribunal notamment en ce qu'il n'aurait pas suffisamment analysé les désordres affectant l'ouvrage, il résulte des motifs du jugement que le tribunal a analysé les désordres constatés par l'expert judiciaire avec précision et minutie en distinguant notamment les désordres résultant de l'inachèvement des travaux, potentiellement visibles et ceux consistant en des malfaçons et des non-conformités.
En outre, la cour relève que la société Generali IARD procède par affirmations sans produire d'éléments de nature à remettre en cause les constatations de l'expert ni ses conclusions reprises par le tribunal.
Ainsi, il résulte des conclusions du rapport d'expertise que l'origine des désordres est due à une réalisation non conforme des éléments structurels de la maison, qu'il n'a été communiqué aucun élément aussi bien graphique qu'écrit concernant la réalisation de la partie en agrandissement et de la partie en surélévation et que les sondages et investigations ont démontré une exécution non conforme aux règles de l'art.
En outre, l'expert précise que ces non-conformités concernent, d'une part, les fondations existantes qui étaient suffisantes pour la maison existante mais qui ne le sont plus du fait du rehaussement et donc des charges complémentaires qui sont appliquées sur les fondations, d'autre part, les nouvelles fondations sur la zone en agrandissement, dont même la profondeur n'est pas conforme aux règles de l'art et enfin, les modifications de structure sur la partie existantes, sur l'agrandissement et sur la surélévation.
Il ajoute que ces non-conformités obligent à démolir la majeure partie des nouvelles structures, pour d'une part, reprendre les fondations anciennes et nouvelles et, d'autre part, refaire les structures de façon satisfaisante et conforme et observe aussi qu'en l'absence d'autres intervenants que l'entreprise CNE sur le chantier, l'imputabilité complète des désordres et non-conformités lui revient.
Il conclut aussi qu'alors qu'aucune étude de sol ne lui a été communiquée par l'entreprise CNE, il apparaît que le bâtiment actuel surélevé n'est pas conforme aux règles de l'art et normes applicables en ce qui concerne les fondations de sorte qu'il existe un risque de tassement du bâtiment, qui ne peut être utilisé en l'état et qu'il en est de même pour la terrasse extérieure au niveau 1, où il a constaté lors des sondages réalisés le 25 avril 2018 que les fondations n'étaient conformes, ne serait-ce qu'en raison d'une profondeur suffisante, celle-ci étant de 25 à 45 cms au lieu du minimum requis de 60 cms.
De plus, le tribunal a relevé avec pertinence que si la société Generali fait valoir que les différents désordres constatés trouvent leur origine dans l'inachèvement du chantier du fait de M. [Y], qui a mis fin au contrat le liant à la société CNR, l'expert précise expressément, en réponse aux dires de la société Generali IARD, que les travaux faisant l'objet du devis de l'entreprise étaient presque terminés à l'exception de plusieurs prestations qui ont été retirées de son décompte et que les réclamations concernent principalement une mauvaise exécution des travaux, 38 désordres étant constatés à ce titre, à la différence des désordres imputés à l'inachèvement des travaux, seuls 10 désordres étant relevés à ce titre.
Par ailleurs, en l'absence de tout nouvel élément de preuve produit aux débats par la société Generali IARD, le tribunal a justement a retenu que si certains défauts dans la réalisation de l'ouvrage étaient apparents au regard des photos versées par les parties aux débats, ceux-ci concernent principalement les désordres résultant de l'inachèvement des travaux visés par l'expert judiciaire, et non des malfaçons et non-conformités imputés à la société CNE, non décelables par un profane ni dans son principe ni dans ses conséquences, s'agissant, notamment, de l'absence de liaisonnement des élévations récentes avec les existantes, la ségrégation du béton au droit des poutres, l'absence de fondations apparentes au niveau des poteaux, l'absence de joint de dilatation entre les constructions neuves et anciennes, un appui insuffisant au niveau des poutres, la présence de polystyrène sous dalle pour calage, une épaisseur de la paillasse trop fine pour permettre une présence d'acier, une poutre transversale de faible section sans poteau intermédiaire, l'absence de fixation conforme des menuiseries extérieures, l'absence de joint de dilatation entre la nouvelle structure et l'existant, l'absence de relevé d'étanchéité, des poteaux en parpaing courant, la mauvaise qualité des bétons et leur mise en 'uvre, le mauvais dimensionnement du maillage des solives du plancher ou bien encore les non-conformités concernant les fondations existantes et les nouvelles fondations.
Ainsi, il résulte de ces éléments que le tribunal a réalisé une analyse des désordres constatés par l'expert en opérant une distinction entre ceux relevant de l'inachèvement des travaux et ceux consistant en des malfaçons et non-conformités.
Alors que l'impropriété de l'ouvrage à sa destination n'est pas contestée en l'espèce, il y a lieu de rejeter la demande d'annulation du jugement entrepris formulée par la société Generali IARD et de le confirmer en ce qu'il a retenu que les conditions de la mise en 'uvre de la responsabilité décennale de la société CNE étaient réunies en l'espèce.
Sur la garantie de la société Generali IARD
Moyens des parties
La société Generali IARD soutient que malgré l'amplitude des activités accessoires et complémentaires, l'activité de maçonnerie déclarée par la société CNE, n'équivaut pas à une activité tous corps d'état.
Elle expose que si l'activité de maçonnerie comprend certaines activités complémentaires ou accessoires, elle ne vise pas les activités de couverture, de menuiserie intérieure et extérieure ni celle d'étanchéité.
Elle relève qu'alors que ces activités ont représenté près de 75% du marché total des travaux, elles n'ont pas été déclarées par la société CNE de sorte que les désordres qui sont la conséquence de ces activités ne peuvent pas être couverts par la police souscrite.
En outre, elle avance que les prestations réalisées par la société CNE pour M. [Y] révèlent l'existence d'un contrat de construction de maison individuelle de sorte qu'elle est bien fondée à refuser l'application de la police.
Elle précise que si les travaux ont été réalisés sur un ouvrage existant, ils ont toutefois revêtu une ampleur conséquente et ont été incorporés à l'ouvrage existant de sorte qu'ils sont techniquement indivisibles de l'ouvrage initial et constituent un nouvel ouvrage doté de ses caractéristiques propres.
Enfin, l'appelante fait valoir que les désordres apparents ne sont pas apparus postérieurement à la réception et que M. [Y] ayant accepté l'ouvrage en l'état, la réception sans réserve a purgé l'ouvrage de ses vices.
En réponse, M. [Y] soutient que le bénéfice de la garantie doit être apprécié au regard de l'activité réelle de l'assuré et de l'objet des travaux à l'origine des désordres, sans considération de la nature ou de la qualification du contrat.
Il précise que la société CNE n'est pas un constructeur de maisons individuelles et n'a pas agi en tant que telle auprès de lui de sorte qu'elle n'avait pas à déclarer cette activité pour être garantie sur ce chantier.
Il ajoute que l'application des dispositions des articles L.231-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation suppose l'édification d'un ouvrage entier et non la réalisation d'une extension ou d'un agrandissement d'une construction préexistante de sorte que l'opération ne relève pas de du régime du contrat de construction de maison individuelle.
Il observe que l'exclusion de garantie en figure pas dans l'attestation d'assurance mais dans les conditions particulières de son contrat et qu'en tout état de cause, elle est inopposable à l'assuré en application des articles L.113-2 2°, L.112-3 alinéa 4, L.112-4 et L.113-1 du code des assurances.
Enfin, il sollicite l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a écarté la garantie de la société Generali IARD pour les désordres concernant les menuiseries bois, PVC ou métalliques tant intérieures qu'extérieures en faisant valoir que l'attestation d'assurance vise tous les travaux en cause, notamment de fondations, d'étanchéité, de menuiseries, d'isolation et de charpente de sorte qu'il n'y a pas lieu de s'interroger sur le caractère nécessaire ou indispensable de ces travaux, la garantie étant nécessairement due.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article L.241-1 du code des assurances, toute personne physique ou morale, dont la responsabilité peut être engagée sur le fondement de la responsabilité établie par les articles 1792 et suivants du code civil, doit être couverte par une assurance.
A l'ouverture de tout chantier, elle doit justifier qu'elle a souscrit un contrat d'assurance la couvrant pour cette responsabilité. Tout candidat à l'obtention d'un marché public doit être en mesure de justifier qu'il a souscrit un contrat d'assurance le couvrant pour cette responsabilité.
Tout contrat d'assurance souscrit en vertu du présent article est, nonobstant toute stipulation contraire, réputé comporter une clause assurant le maintien de la garantie pour la durée de la responsabilité décennale pesant sur la personne assujettie à l'obligation d'assurance.
L'article L. 113-1 du même code dispose que les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police. Toutefois, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré.
S'il incombe à l'assuré, qui réclame à l'assureur l'exécution de son obligation de garantie en raison d'un sinistre, de prouver que celui-ci est survenu dans des circonstances de fait conformes aux prévisions de la police, il appartient en revanche à l'assureur de démontrer l'existence des causes d'exclusion dont il se prévaut (1re Civ., 25 octobre 1994, pourvoi n° 92-14.654 ; 2e Civ., 25 octobre 2012, pourvoi n° 11-25.490).
Au cas d'espèce, M. [Y] produit aux débats une attestation d'assurance établie le 12 avril 2016 concernant la police souscrite par la société CNE auprès de la société Generali IARD couvrant les conséquences de la responsabilité civile et décennale pouvant lui incomber du fait des activités de :
- maçonnerie et béton armé,
- travaux accessoires ou complémentaires de : terrassement, drainage et canalisations enterrées, complément d'étanchéité des murs enterrés, pose de matériaux contribuant à l'isolation intérieure, la pose de renforts bois ou métal nécessités par l'ouverture de baies et la reprise en sous-'uvre,
- démolition et VRD,
- pose d'huisseries,
- pose d'éléments simples de charpente, ne comportant ni entaille ni assemblage et scellés directement à la maçonnerie, et à l'exclusion de toute charpente préfabriquée dans l'industrie,
- plâtrerie,
- carrelage, faïence et revêtement en matériaux durs à base minérale,
- calfeutrement de joints,
- et les travaux suivants liés à la fumisterie : conduits de fumée et de ventilation à usage domestique et individuel, ravalement et réfection des souches hors combles, construction de cheminées à usage domestique et individuel, revêtements en carreaux et panneaux de faïence.
En outre, le tribunal a justement relevé qu'il résulte du devis établi par la société CNE ainsi que du rapport d'expertise judiciaire que celle-ci s'est engagée à assurer la création d'une surélévation, d'un escalier avec trémie, d'une charpente, d'une toiture, de gouttières et descentes d'eaux pluviales, ainsi que la fourniture et la pose de baies vitrées, vélux, fenêtres et portes.
En premier lieu, la société Generali IARD soutient que le contrat conclu entre M. [Y] et la société CNE s'analyse en un contrat de construction immobilière, s'agissant de travaux sur existants totalement incorporés dans l'ouvrage neuf.
Aux termes des dispositions de l'article L.231-1 du code de la construction et de l'habitation, toute personne qui se charge de la construction d'un immeuble à usage d'habitation ou d'un immeuble à usage professionnel et d'habitation ne comportant pas plus de deux logements destinés au même maître de l'ouvrage d'après un plan qu'elle a proposé ou fait proposer doit conclure avec le maître de l'ouvrage un contrat soumis aux dispositions de l'article L.231-2.
Il résulte des dispositions de l'article L.232-1 du même code que le contrat de louage d'ouvrage n'entrant pas dans le champ d'application de l'article L.231-1 et ayant au moins pour objet l'exécution de travaux de gros 'uvre, de mise hors d'eau et hors d'air d'un immeuble à usage d'habitation ou d'un immeuble à usage professionnel et d'habitation, ne comportant pas plus de deux logements destinés au même maître de l'ouvrage, doit être rédigé par écrit, ces conditions étant cumulatives.
Un contrat portant sur la rénovation ou la réhabilitation d'un immeuble existant ne constitue pas un contrat de construction de maison individuelle au sens de l'article L. 231-1 du code de la construction et de l'habitation ( 3ème Civ., 20 mars 2013, pourvoi n°11.27-567, Bull. civ. 2013, III, n°36).
En l'absence de tout nouvel élément probant produit aux débats par l'appelante, c'est par des motifs pertinents, que la cour adopte, que le tribunal a retenu que le contrat conclu entre M. [Y] et la société CNE ne pouvait être qualifié de contrat de construction de maison individuelle en relevant qu'alors qu'il résulte des éléments du dossier, s'agissant notamment de la déclaration de travaux, du devis établi par la société CNE et du rapport d'expertise judiciaire, que celle-ci s'était engagée à réaliser des travaux de surélévation et d'extension dans le prolongement d'une maison préexistante, l'objet des travaux ne permettait pas de créer un immeuble à usage d'habitation tel que défini par les articles L.231-1 et L.232-1 du code de la construction et de l'habitation indépendant de la maison préexistante et que le gros 'uvre, la mise hors d'eau et la mise hors d'air, énumérés par l'article L.232-1, étaient préexistants aux travaux réalisés par la société CNE, la maison d'habitation préexistante étant déjà totalement bâtie et achevée avant l'exécution des travaux litigieux.
En outre, si la société Generali IARD fait valoir que l'activité de maçonnerie couverte par la police d'assurance comprend certaines activités complémentaires ou accessoires mais ne vise pas les activités de couverture, de menuiserie intérieure et extérieure ni celle d'étanchéité relevant d'une activité d'entreprise tous corps d'état expressément exclue de la couverture assurantielle, il ne résulte pas des éléments du dossier et notamment de la déclaration de travaux et du devis établi par la société CNE que celle-ci ait réalisé des travaux d'électricité, de plomberie ou de chauffage relevant d'une entreprise tous corps d'état, l'expert judiciaire ayant aussi précisé que " l'entreprise CNE ne devait dans son marché que le clos et le couvert, donc ni l'électricité ni le chauffage ", ainsi que l'a justement relevé le tribunal.
De plus, alors que la déclaration d'assurance produite aux débats vise expressément des travaux accessoires ou complémentaires à l'activité de maçonnerie déclarée par la société CNE s'agissant de travaux de terrassement, de drainage et de canalisations enterrées, de complément d'étanchéité des murs enterrés, de pose de matériaux contribuant à l'isolation intérieure, de démolition et VRD, de pose d'huisseries, de pose d'éléments simples de charpente ne comportant ni entaille, ni assemblage, et scellés directement à la maçonnerie, et à l'exclusion de toute charpente préfabriquée dans l'industrie, de plâtrerie, de carrelage, faïence et revêtement en matériaux durs à base minérale, de calfeutrement de joints ainsi que les travaux liés à la fumisterie, c'est à juste titre que le tribunal a retenu que l'ensemble des activités réalisées par la société CNE relevant de l'étanchéité et de la pose de la charpente constituent des accessoires ou des compléments à la réalisation de l'activité de maçonnerie consistant en la surélévation et l'extension de la maison de M. [Y], ces dernières étant donc couvertes par la garantie, mais qu'il convient d'exclure les travaux de menuiseries extérieures consistant en la fourniture et la pose de volets, fenêtres et velux et de menuiseries intérieures et de couverture, ces activités ne pouvant s'analyser en des travaux de pose d'huisseries visée par la déclaration d'assurance et étant dès lors exclues de la garantie.
Enfin, si la société Generali IARD soutient que les désordres étaient visibles à la réception et n'ont pas fait l'objet de réserves de sorte que la garantie décennale de l'assureur n'est pas mobilisable, il résulte des développements précédents que les désordres évoqués figurant sur les photographies produites aux débats sont la conséquence des l'inachèvement des travaux et non des malfaçons et non-conformités imputés à la société CNE, non décelables par un profane ni dans son principe ni dans ses conséquences, s'agissant, notamment, de l'absence de liaisonnement des élévations récentes avec les existantes, la ségrégation du béton au droit des poutres, l'absence de fondations apparentes au niveau des poteaux, l'absence de joint de dilatation entre les constructions neuves et anciennes, un appui insuffisant au niveau des poutres, la présence de polystyrène sous dalle pour calage, une épaisseur de la paillasse trop fine pour permettre une présence d'acier, une poutre transversale de faible section sans poteau intermédiaire, l'absence de fixation conforme des menuiseries extérieures, l'absence de joint de dilatation entre la nouvelle structure et l'existant, l'absence de relevé d'étanchéité, des poteaux en parpaing courant, la mauvaise qualité des bétons et leur mise en 'uvre, le mauvais dimensionnement du maillage des solives du plancher ou bien encore les non-conformités concernant les fondations existantes et les nouvelles fondations.
Il en résulte que la garantie décennale est mobilisable au titre de l'ensemble des désordres à l'exception de ceux relatifs aux travaux de fourniture et pose de volets, fenêtres et velux, de menuiseries intérieures et de couverture.
En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris de ces chefs.
Sur la réparation des préjudices
Moyens des parties
La société Generali IARD soutient que la solution de reprise proposée par la société DB ingenierie conduit à des travaux réparatoires correspondant à quatre fois le prix de la prestation initiale réalisée par la société CNE et qu'il serait moins onéreux de démolir intégralement la construction et de la reconstruire.
Elle ajoute que cette solution aboutirait à un enrichissement injustifié de M. [Y], la construction réparée étant de meilleure facture que la construction initialement envisagée et le maître de l'ouvrage bénéficiant de garanties et de prestations qu'il n'aurait pas financées initialement.
En tout état de cause, l'appelante demande à la cour de ne pas mettre à sa charge les frais suivants :
- 4 890 euros au titre de l'étude G2 pro
- 37 555,67 euros au titre des honoraires de la société BET ingenierie
- 12 518,56 euros au titre des études d'exécution structure.
Enfin, à titre subsidiaire, elle sollicite le bénéfice des limites contractuelles prévues par la police d'assurance qui prévoit l'application d'une franchise de 10% des dommages s'agissant de la mise en 'uvre de la garantie décennale.
En réponse, M. [Y] soutient que l'expert judiciaire s'est expliqué sur la solution retenue dont le coût est justifié tant par l'ampleur et la multiplicité des désordres que par les risques de tassement du bâtiment, jugé inhabitable et impropre à sa destination.
Il précise que les travaux préconisés par l'expert ne sont destinés qu'à permettre la mise en conformité de l'ouvrage et à le rendre habitable.
En outre, il observe que la franchise n'est pas opposable au tiers lésé s'agissant de la garantie obligatoire de responsabilité décennale.
Réponse de la cour
Il est établi que les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit (2e Civ., 23 janvier 2003, pourvoi n° 01-00.200, Bull n° 20 ; 2e Civ., 29 mars 2006, pourvoi n° 04-15.776 ; 3e Civ., 8 juillet 2009, pourvoi n° 08-10.869).
De même, tenu d'évaluer le préjudice à la date à laquelle il statue, le juge doit prendre en compte, lorsqu'elles sont invoquées, les circonstances postérieures à sa manifestation (3e Civ., 27 juin 2024, pourvoi n° 22-21.272, publié au Bulletin ; 3e Civ., 27 juin 2024, pourvoi n° 22-24.502, publié au Bulletin).
Au cas d'espèce, l'expert judiciaire précise que les non-conformités constatées, relatives aux fondations existantes et nouvelles ainsi que les modifications de structure sur la partie existante, sur l'agrandissement et sur la surélévation, obligent à démolir la majeure partie des nouvelles structures pour, d'une part, reprendre les fondations anciennes et nouvelles et, d'autre part, refaire de façon satisfaisante et conforme les structures.
Il ajoute que le bâtiment surélevé n'est pas conforme aux règles de l'art et normes applicables pour ce qui concerne les fondations et qu'il existe un risque de tassement du bâtiment, qui ne peut être utilisé en l'état à l'instar de la terrasse extérieure au niveau 1 où les fondations ne sont pas conformes ne serait-ce que par une profondeur insuffisante, de 25 à 45 cms au lieu du minimum requis de 60 cms.
En outre, il relève que si les travaux d'électricité n'étaient pas dus par la société CNE, les réseaux actuels posés par une autre entreprise devront être déposés pour permettre les travaux de reprise et que pour les travaux de couverture, elle ne présente pas de défaut mais que la charpente doit être refaite en totalité car sous-dimensionnées, ce qui impose de déposer les tuiles et de les reposer ainsi que la récupération des deux vélux.
Si la société Generali critique le rapport d'expertise judiciaire en ce qu'il a retenu les devis produits par M. [Y] et se fonde sur une étude réalisée par la société BET ingénierie, mandatée par le maître de l'ouvrage, comprenant un dossier de consultation d'entreprises avec cahier des clauses techniques particulières des plans de démolition et des plans de reconstruction, force est de constater que l'expert indique qu'il était possible à la société CNE de proposer de nouveaux devis et que l'étude réalisée par la société BET ingénierie n'a pas été contestée par les parties en cours d'expertise.
De plus, alors qu'il résulte des conclusions du rapport d'expertise que la société CNE n'a pas communiqué à l'expert d'éléments concernant l'exécution des travaux et notamment, les plans d'exécution, les plans de ferraillages et de coffrages, les notes de calcul, le rapport d'étude de sol et le plan des fondations, il y a lieu de retenir la somme de 37 555,67 euros au titre des honoraires d'étude générale du BET DB ingenierie et celle de 12 518,56 euros HT au titre des honoraires spécifiques de structure suivant devis produits aux débats et retenus par l'expert judiciaire.
En l'absence de tout nouvel élément de preuve produit par la société Generali IARD devant la cour, c'est par des motifs pertinents, que la cour adopte, que le tribunal a écarté les devis de la société Luxembourg d'un montant de 18 171 euros au titre de travaux de couverture ainsi que les devis de la société Dequirot pour des montants de 20 724 euros HT et 3 788 euros HT au titre de travaux de menuiseries intérieures et extérieures, s'agissant de postes de travaux non compris dans la déclaration d'assurance et sans lien avec la mauvaise exécution des travaux reprochée à la société CNE.
Ainsi, en l'absence de preuve d'un enrichissement injustifié de [Y], c'est à juste titre que le tribunal a retenu la somme de 424 676,54 euros HT au titre de l'indemnisation du préjudice matériel subi par M. [Y] directement causé par la mauvaise exécution des travaux réalisés par la société CNE et non par l'inachèvement des travaux.
La décision entreprise sera donc confirmée de ce chef.
Sur les préjudices immatériels
Moyens des parties
M. [Y] critique le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté sa demande au titre de l'indemnisation de ses préjudices immatériels.
Il expose qu'il appartient à la société Generali IARD de démontrer que l'immeuble litigieux constitue une résidence secondaire, ce qui n'est pas le cas en l'espèce et explique qu'il a acquis cet immeuble le 15 octobre 2015, celui-ci étant situé à 800 mètres de son ancienne maison.
Il ajoute que n'ayant pu emménager à [Localité 6] en raison des désordres présentés par l'immeuble, il a fait l'acquisition d'une autre maison en octobre 2018 dans laquelle il réside avec sa famille de sorte qu'il a été privé de la possibilité d'occuper la maison de [Localité 6], rendue impropre à sa destination en raison des désordres imputables à la société CNE.
Enfin, il avance que sa demande au titre du remboursement des taxes d'habitation et taxes foncières est justifiée par le fait qu'il a été privé de son bien et n'a pu en disposer autrement tout en devant supporter une double imposition.
En réponse, la société Generali IARD soutient que M. [Y] dispose déjà d'un logement principal dans lequel il réside avec sa famille de sorte qu'il ne s'agit que d'une perte de chance d'occuper le logement de [Localité 6] dans le délai prévu.
Elle avance que la demande de M. [Y] au titre des frais de garde-meubles doit être rejetée puisqu'il n'y a jamais eu aucun meuble dans la maison de [Localité 6] et que la taxe foncière est due par le propriétaire, que le logement soit occupé ou non.
Réponse de la cour
La réparation du préjudice de jouissance des maîtres de l'ouvrage implique la preuve de l'existence d'un lien de causalité direct avec la faute commise par l'auteur du dommage (3ème Civ, 7 novembre 2024, pourvoi n°22-14.088, diffusé au Bulletin).
Au cas d'espèce, il résulte des développements précédents et de l'analyse du rapport d'expertise judiciaire que les désordres trouvent leur origine dans la mauvaise exécution des travaux réalisés par la société CNE rendant l'immeuble impropre à sa destination.
Ainsi, la faute commise par la société CNE est directement à l'origine du préjudice de subi par M. [Y] qui a été privé de la jouissance de l'immeuble, le fait qu'il s'agisse d'un immeuble destiné à l'habitation ou à la location étant indifférent.
En outre, au titre de l'indemnisation du préjudice de jouissance subi par M. [Y], l'expert judiciaire a retenu une valeur locative de 2 000 euros et fixé la durée d'immobilisation au titre de la réalisation des travaux de reprise à 30 mois et les frais de garde-meubles durant cette période à 1 684,80 euros, fixant le montant total de l'indemnisation à 71 848,80 euros.
De plus, M. [Y] justifie s'être acquitté du paiement de la taxe foncière et de la taxe d'habitation au titre de l'immeuble litigieux à hauteur de 2619 euros au titre de la taxe foncière pour les années 2019 et 2020 et 1891 euros au titre de la taxe foncière pour la même période, ce préjudice étant chiffré par l'expert à la somme de 6 342 euros pour les années 2016 à 2018.
Ainsi, le préjudice immatériel subi par M. [Y] sera fixé à la somme de 82 700 euros que la société Generali IARD sera condamnée à lui payer (soit 71 848,80€ + 10 852€), le jugement entrepris étant infirmé de ce chef.
Sur les frais du procès
Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement sur la condamnation aux dépens et sur celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
En cause d'appel, la société Generali IARD, partie succombante, sera condamnée aux dépens et à payer à M. [Y] la somme de 3 000 euros, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
Le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile sera accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il a :
- débouté M. [Y] de ses demandes au titre de la réparation de son préjudice immatériel,
L'infirme sur ce point et statuant à nouveau,
Condamne la société Generali IARD à verser à M. [Y] la somme de 82 700 euros en réparation de son préjudice immatériel,
Y ajoutant,
Condamne la société Generali IARD aux dépens d'appel ;
Admet les avocats qui en ont fait la demande et peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Generali IARD et la condamne à payer à M. [Y] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel .
La greffière, La conseillère faisant fonction de présidente pour le président empêché,
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 5
ARRET DU 03 SEPTEMBRE 2025
(n° /2025, 14 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/02651 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFFWM
Décision déférée à la Cour : jugement du 18 janvier 2022 - tribunal judiciaire de MELUN - RG n° 20/03571
APPELANTE
S.A. GENERALI IARD prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Vincent RIBAUT de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010
Ayant pour avocat plaidant Me Kérène RUDERMANN, avocat au barreau de PARIS, substituée à l'audience par Me Aristide CAPRA, avocat au barreau de PARIS
INTIME
Monsieur [L] [Y]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représenté à l'audience par Me Michel BOHBOT, avocat au barreau de PARIS, toque : C0052
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 mars 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Viviane SZLAMOVICZ conseillère faisant fonction de présidente pour le président empêché et de Mme Emmanuelle BOUTIE, conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Viviane SZLAMOVICZ, conseillère faisant fonction de présidente pour le président empêché
Mme Emmanuelle BOUTIE, Conseiller
M. Fabrice MORILLO, Conseiller
Greffière, lors des débats : Mme Tiffany CASCIOLI
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, délibéré initialement prévu le 25 juin 2025 et prorogé jusqu'au 03 septembre 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Viviane SZLAMOVICZ, conseillère faisant fonction de présidente pour le président empêché et par Tiffany CASCIOLI, greffière, présente lors de la mise à disposition.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
M. [Y] est propriétaire d'une maison à usage d'habitation sise [Adresse 1] sur la commune de [Localité 7].
Le 3 février 2016, il a mandaté la société CNE, assurée auprès de la société Generali IARD, aux fins de réaliser des travaux de surélévation et d'extension de l'habitation.
Arguant d'un retard de chantier, M. [Y] a mis fin à l'intervention de cette entreprise, qui a été payée à hauteur de 117 170,75 euros selon facture en date du 6 avril 2017, après signature d'un procès-verbal de réception du même jour sans réserve.
M. [Y] a également mandaté le BET DB ingenierie afin d'achever la réalisation des travaux de surélévation. Ce dernier a constaté des désordres et malfaçons dans son rapport de visite réalisé le 23 octobre 2017.
Par ordonnance du 16 janvier 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a désigné M. [S] en qualité d'expert. Celui-ci a déposé son rapport le 6 novembre 2019.
Par acte d'huissier en date du 18 août 2020, M. [Y] a assigné la société Generali IARD devant le tribunal judiciaire de Melun aux fins d'indemnisation de ses préjudices.
Par jugement du 18 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Melun a statué en ces termes :
Condamne la société Generali IARD à verser à M. [Y] les sommes suivantes :
- 509 611,85 euros TTC au titre de la réparation de ses préjudices matériels, valeur novembre 2019, avec actualisation en fonction de la variation de l'indice INSEE du coût de la construction jusqu'au jour du complet paiement,
- 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute M. [Y] de ses demandes au titre de la réparation de son préjudice immatériel ;
Ordonne la capitalisation des intérêts dans le cadre de l'anatocisme ;
Condamne la société Generali IARD aux entiers frais et dépens, en ce compris les honoraires d'étude engagés pendant l'expertise, les frais d'expertise, et les dépens résultant de la procédure de référé ;
Déboute les parties de leurs prétentions plus amples ou contraires ;
Dit n'y avoir à écarter l'exécution provisoire de droit.
Par déclaration en date du 1er février 2022, la société Generali IARD interjeté appel du jugement, intimant devant la cour :
- M. [Y]
Par ordonnance du 10 mai 2022, le conseiller en charge de la mise en état, a ordonné la jonction des procédures inscrites au rôle sous les numéros 22/02651 et 22/02653 et dit qu'elle se poursuivront sous le numéro 22/02651.
EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 10 octobre 2022 la société Generali IARD demande à la cour de :
Annuler ou, à tout le moins, infirmer le jugement du 18 janvier 2022 en ce qu'il a :
Condamné la société Generali IARD à verser à M. [Y] les sommes suivantes :
- 509 611,85 euros TTC au titre de la réparation de ses préjudices matériels valeur novembre 2019, avec actualisation en fonction de la variation de l'indice INSEE du coût de la construction jusqu'au jour du complet paiement,
- 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamné la société Generali IARD aux entiers frais et dépens, en ce compris les honoraires d'étude engagés pendant l'expertise, les frais d'expertise, et les dépens résultant de la procédure de référé ;
Puis, statuant de nouveau :
A titre principal,
Rejeter toute demande condamnation contre la société Generali IARD dès lors que la société CNE a réalisé une activité de constructeur de maison individuelle expressément exclue de la couverture assurantielle,
Rejeter toute demande de condamnation contre la société Generali IARD à raison des désordres résultant des activités de fondations profondes, charpente industrielle, couverture, étanchéité et menuiseries, qui n'ont pas été déclarées à la police ;
Rejeter toute demande de condamnation contre la société Generali IARD à raison des désordres visibles à la réception dès lors que celle-ci est intervenue sans la moindre réserve émise par M. [Y],
A titre subsidiaire,
Ramener le quantum des réclamations à de plus justes proportions,
Prendre acte des limites contractuelles prévues à la police pour fixer le montant final de la condamnation qui pourrait être prononcée à l'encontre de la société Generali IARD
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 16 novembre 2022 M. [Y] demande à la cour de :
Confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a déclaré les désordres entièrement imputables aux travaux réalisés par l'entreprise CNE et déclaré la société Generali IARD tenue à garantir la responsabilité de l'entreprise CNE au regard de la nature desdits travaux.
Confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté les moyens de non-garantie tiré du prétendu statut d'entreprise générale tous corps d'état de l'entreprise CNE et de la prétendue activité de construction de maisons individuelles ;
Débouter la société Generali IARD de l'intégralité de ses demandes.
Recevoir M. [Y] en son appel incident.
Infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a limité à la somme de 509 611,85 euros TTC l'indemnité allouée au titre de la réparation de ses préjudices matériels.
L'infirmer également en ce qu'il a débouté M. [Y] de ses demandes au titre de la réparation des préjudices immatériels. Statuant à nouveau de ces chefs,
Condamner la société Generali IARD à payer à M. [Y], au titre des dommages matériels, la somme de 564 653,44 euros, valeur novembre 2019, avec actualisation en fonction de la variation de l'indice INSEE du coût de la construction jusqu'au jour du complet paiement et capitalisation annuelle conformément aux dispositions de l'article 1343 2 du code civil.
Fixer les dommages immatériels à la somme de 141 002 euros et condamner la société Generali IARD à payer à M. [Y] à ce titre la somme de 85 000 euros avec intérêts légaux à compter de l'assignation et capitalisation annuelle conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.
Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Generali IARD aux entiers dépens, comprenant les frais d'expertise et les dépens du référé ainsi qu'à payer à M. [Y] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Y ajoutant, condamner la société Generali IARD à payer à M. [Y] une indemnité supplémentaire de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel.
Condamner la société Generali IARD aux entiers dépens d'appel qui pourront être recouvrés par Me Bohbot conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 18 février 2025 et l'affaire a été appelée à l'audience du 25 mars, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.
MOTIVATION
Sur le rapport d'expertise judiciaire
Moyens des parties
La société Generali IARD soutient que le rapport d'expertise comporte des lacunes matérielles dans la mesure où l'expert ne s'est pas réellement emparé de sa mission, se contentant d'entériner essentiellement les constats réalisés par le cabinet DB Ingenierie et sans apporter de réponse justifiée aux observations formulées par la société Generali IARD dans ses différents dires.
Elle précise que le tribunal a entaché son analyse d'une erreur de droit en ce que la contestation du déroulement des opérations d'expertise devant le juge chargé du contrôle pendant la conduite des opérations n'est pas une condition de recevabilité de la contestation au fond de la teneur du rapport d'expertise ainsi que d'une erreur de motivation en se contentant de constater que l'expert judiciaire a répondu à chaque chef de mission par une motivation type " stéréotypée ".
En réponse, M. [Y] fait valoir que le tribunal n'a pas entaché son jugement d'une erreur d'appréciation ni de raisonnement et qu'il a motiver sa décision sans dénaturer les éléments objectifs du débat.
Il ajoute que le fait que l'expert ait analysé la liste des désordres établies par le cabinet DB ingenierie en y apposant ses observations, n'entache pas la qualité du travail de l'expert qui a procédé à des constatations personnelles sur les désordres ainsi listés et a fourni un avis propre et objectif sur chacun d'eux.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 238 du code de procédure civile, le technicien doit donner son avis sur les points pour l'examen desquels il a été commis.
Il ne peut répondre à d'autres questions, sauf accord écrit des parties.
Il ne doit jamais porter d'appréciations d'ordre juridique.
Au cas d'espèce, la société Generali IARD critique le rapport déposé par l'expert judiciaire le 6 novembre 2019 en faisant valoir que celui-ci présente des carences, l'expert n'ayant notamment pas apporté de réponse justifiée aux observations formulées dans ses dires.
Toutefois, il résulte du chapitre III du rapport, intitulé " Réponses aux dires récapitulatifs" que l'expert a répondu au dernier dire n°5 de la société Generali IARD, en reprenant chaque point soulevé par son conseil et en précisant, s'agissant de la question de la réception de l'ouvrage, évoquée par l'appelante à plusieurs reprises, que cette question soulève des points de droit auquel il ne lui appartient pas de répondre.
En outre, si la société CNE fait état de ce que l'expert judiciaire a entériné les constats réalisés par la société DB ingenierie, mandatée par M. [Y], force est de constater qu'il résulte des éléments du rapport que l'expert a procédé à des constatations personnelles et objectives concernant chaque désordre, conformément au cadre de sa mission, et que l'expert précise qu'aucune étude de sol ne lui a été transmise par la société CNE, assurée par la société Generali IARD, ni aucune pièce concernant l'exécution des travaux, plans d'exécution, plans de ferraillages et de coffrages, notes de calcul, rapport d'étude de sol et plan des fondations, ces pièces ayant aussi été sollicitées à plusieurs reprises par le magistrat en charge du contrôle des expertises.
Ainsi, en l'absence de tout élément de preuve permettant de contester utilement les conclusions de l'expert et les termes de son rapport, c'est à juste titre que le tribunal a retenu que l'expert a répondu à l'ensemble des missions confiées par le tribunal de grande instance de Paris en se prononçant sur l'origine, les causes, l'étendue, l'imputabilité et les conséquences des désordres et qu'il a répondu aux dires récapitulatifs communiqués par les parties à l'exception des points de droit sur lesquels il ne lui appartient pas de se prononcer en application des dispositions de l'article 238 du code de procédure civile susvisé.
En tout état de cause, la cour relève que l'appelante ne formule pas de demande d'annulation du jugement à ce titre ni de demande de nouvelle expertise.
Sur la responsabilité décennale de la société CNE
Moyens des parties
La société Generali IARD soutient que le jugement entrepris est entaché d'un défaut de motivation en ce qu'il ne s'est pas prononcé sur la gravité des désordres et ne s'est pas livré à une appréciation minutieuse de ces derniers, se contentant de procéder à une analyse globale.
En outre, elle avance que le tribunal a commis une erreur de droit en retenant que les conditions de mise en 'uvre de la responsabilité décennale de la société CNE étaient réunies alors qu'il avait préalablement relevé que certaines malfaçons étaient apparentes.
Enfin, elle ajoute que le tribunal a dénaturé les faits de l'espèce en considérant d'une part, que les défauts visibles concernaient principalement les inachèvements et, d'autre part, que les conséquences apparentes des malfaçons n'étaient pas décelables par un profane.
En réponse, M. [Y] fait valoir que les travaux ont été réceptionnés sans réserve mais qu'ils n'ont pas été intégralement achevés de sorte qu'il était impossible pour lui, étant kinésithérapeute et incompétent en matière de construction, de se convaincre de la matérialité et de l'étendue exacte des désordres.
S'agissant des désordres visibles, il précise qu'il lui était impossible de mesurer leur gravité ni de savoir si les défauts d'exécution étaient ou non de nature à rendre l'immeuble impropre à sa destination.
Il observe que le tribunal a minutieusement analysé les désordres et fait la distinction entre ceux résultant de l'inachèvement des travaux, potentiellement visibles, et les autres consistant en des malfaçons et des non-conformités de sorte qu'il a distingué la notion matérielle de défaut visible de la notion juridique de vice apparent.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.
Il est établi que les travaux sur existants sont, en raison de leur conception, de leur ampleur et de l'utilisation de technique de construction pour leur réalisation, assimilés à des travaux de construction d'un ouvrage, telle la rénovation de l'ensemble d'un immeuble (3e Civ., 30 mars 1994, pourvoi n° 92-11.996, Bulletin 1994 III N° 70).
Il incombe au maître de l'ouvrage ou à l'acquéreur de l'ouvrage qui agit sur le fondement de l'article 1792 du code civil de rapporter la preuve que les conditions d'application de ce texte sont réunies (3e Civ., 7 juillet 2004, pourvoi n° 03-14.166, Bull., 2004, III, n° 142) et, notamment, du caractère caché du désordre, au jour de la réception, pour un maître de l'ouvrage profane (3e Civ., 2 mars 2022, pourvoi n° 21-10.753, publié au Bulletin).
Au cas d'espèce, la qualité de constructeur de la société CNE, en charge des travaux de surélévation et d'extension de l'immeuble, n'est pas contestée à l'instar de la signature du procès-verbal de réception sans réserve intervenue le 6 avril 2017.
Si la société Generali IARD critique la motivation du tribunal notamment en ce qu'il n'aurait pas suffisamment analysé les désordres affectant l'ouvrage, il résulte des motifs du jugement que le tribunal a analysé les désordres constatés par l'expert judiciaire avec précision et minutie en distinguant notamment les désordres résultant de l'inachèvement des travaux, potentiellement visibles et ceux consistant en des malfaçons et des non-conformités.
En outre, la cour relève que la société Generali IARD procède par affirmations sans produire d'éléments de nature à remettre en cause les constatations de l'expert ni ses conclusions reprises par le tribunal.
Ainsi, il résulte des conclusions du rapport d'expertise que l'origine des désordres est due à une réalisation non conforme des éléments structurels de la maison, qu'il n'a été communiqué aucun élément aussi bien graphique qu'écrit concernant la réalisation de la partie en agrandissement et de la partie en surélévation et que les sondages et investigations ont démontré une exécution non conforme aux règles de l'art.
En outre, l'expert précise que ces non-conformités concernent, d'une part, les fondations existantes qui étaient suffisantes pour la maison existante mais qui ne le sont plus du fait du rehaussement et donc des charges complémentaires qui sont appliquées sur les fondations, d'autre part, les nouvelles fondations sur la zone en agrandissement, dont même la profondeur n'est pas conforme aux règles de l'art et enfin, les modifications de structure sur la partie existantes, sur l'agrandissement et sur la surélévation.
Il ajoute que ces non-conformités obligent à démolir la majeure partie des nouvelles structures, pour d'une part, reprendre les fondations anciennes et nouvelles et, d'autre part, refaire les structures de façon satisfaisante et conforme et observe aussi qu'en l'absence d'autres intervenants que l'entreprise CNE sur le chantier, l'imputabilité complète des désordres et non-conformités lui revient.
Il conclut aussi qu'alors qu'aucune étude de sol ne lui a été communiquée par l'entreprise CNE, il apparaît que le bâtiment actuel surélevé n'est pas conforme aux règles de l'art et normes applicables en ce qui concerne les fondations de sorte qu'il existe un risque de tassement du bâtiment, qui ne peut être utilisé en l'état et qu'il en est de même pour la terrasse extérieure au niveau 1, où il a constaté lors des sondages réalisés le 25 avril 2018 que les fondations n'étaient conformes, ne serait-ce qu'en raison d'une profondeur suffisante, celle-ci étant de 25 à 45 cms au lieu du minimum requis de 60 cms.
De plus, le tribunal a relevé avec pertinence que si la société Generali fait valoir que les différents désordres constatés trouvent leur origine dans l'inachèvement du chantier du fait de M. [Y], qui a mis fin au contrat le liant à la société CNR, l'expert précise expressément, en réponse aux dires de la société Generali IARD, que les travaux faisant l'objet du devis de l'entreprise étaient presque terminés à l'exception de plusieurs prestations qui ont été retirées de son décompte et que les réclamations concernent principalement une mauvaise exécution des travaux, 38 désordres étant constatés à ce titre, à la différence des désordres imputés à l'inachèvement des travaux, seuls 10 désordres étant relevés à ce titre.
Par ailleurs, en l'absence de tout nouvel élément de preuve produit aux débats par la société Generali IARD, le tribunal a justement a retenu que si certains défauts dans la réalisation de l'ouvrage étaient apparents au regard des photos versées par les parties aux débats, ceux-ci concernent principalement les désordres résultant de l'inachèvement des travaux visés par l'expert judiciaire, et non des malfaçons et non-conformités imputés à la société CNE, non décelables par un profane ni dans son principe ni dans ses conséquences, s'agissant, notamment, de l'absence de liaisonnement des élévations récentes avec les existantes, la ségrégation du béton au droit des poutres, l'absence de fondations apparentes au niveau des poteaux, l'absence de joint de dilatation entre les constructions neuves et anciennes, un appui insuffisant au niveau des poutres, la présence de polystyrène sous dalle pour calage, une épaisseur de la paillasse trop fine pour permettre une présence d'acier, une poutre transversale de faible section sans poteau intermédiaire, l'absence de fixation conforme des menuiseries extérieures, l'absence de joint de dilatation entre la nouvelle structure et l'existant, l'absence de relevé d'étanchéité, des poteaux en parpaing courant, la mauvaise qualité des bétons et leur mise en 'uvre, le mauvais dimensionnement du maillage des solives du plancher ou bien encore les non-conformités concernant les fondations existantes et les nouvelles fondations.
Ainsi, il résulte de ces éléments que le tribunal a réalisé une analyse des désordres constatés par l'expert en opérant une distinction entre ceux relevant de l'inachèvement des travaux et ceux consistant en des malfaçons et non-conformités.
Alors que l'impropriété de l'ouvrage à sa destination n'est pas contestée en l'espèce, il y a lieu de rejeter la demande d'annulation du jugement entrepris formulée par la société Generali IARD et de le confirmer en ce qu'il a retenu que les conditions de la mise en 'uvre de la responsabilité décennale de la société CNE étaient réunies en l'espèce.
Sur la garantie de la société Generali IARD
Moyens des parties
La société Generali IARD soutient que malgré l'amplitude des activités accessoires et complémentaires, l'activité de maçonnerie déclarée par la société CNE, n'équivaut pas à une activité tous corps d'état.
Elle expose que si l'activité de maçonnerie comprend certaines activités complémentaires ou accessoires, elle ne vise pas les activités de couverture, de menuiserie intérieure et extérieure ni celle d'étanchéité.
Elle relève qu'alors que ces activités ont représenté près de 75% du marché total des travaux, elles n'ont pas été déclarées par la société CNE de sorte que les désordres qui sont la conséquence de ces activités ne peuvent pas être couverts par la police souscrite.
En outre, elle avance que les prestations réalisées par la société CNE pour M. [Y] révèlent l'existence d'un contrat de construction de maison individuelle de sorte qu'elle est bien fondée à refuser l'application de la police.
Elle précise que si les travaux ont été réalisés sur un ouvrage existant, ils ont toutefois revêtu une ampleur conséquente et ont été incorporés à l'ouvrage existant de sorte qu'ils sont techniquement indivisibles de l'ouvrage initial et constituent un nouvel ouvrage doté de ses caractéristiques propres.
Enfin, l'appelante fait valoir que les désordres apparents ne sont pas apparus postérieurement à la réception et que M. [Y] ayant accepté l'ouvrage en l'état, la réception sans réserve a purgé l'ouvrage de ses vices.
En réponse, M. [Y] soutient que le bénéfice de la garantie doit être apprécié au regard de l'activité réelle de l'assuré et de l'objet des travaux à l'origine des désordres, sans considération de la nature ou de la qualification du contrat.
Il précise que la société CNE n'est pas un constructeur de maisons individuelles et n'a pas agi en tant que telle auprès de lui de sorte qu'elle n'avait pas à déclarer cette activité pour être garantie sur ce chantier.
Il ajoute que l'application des dispositions des articles L.231-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation suppose l'édification d'un ouvrage entier et non la réalisation d'une extension ou d'un agrandissement d'une construction préexistante de sorte que l'opération ne relève pas de du régime du contrat de construction de maison individuelle.
Il observe que l'exclusion de garantie en figure pas dans l'attestation d'assurance mais dans les conditions particulières de son contrat et qu'en tout état de cause, elle est inopposable à l'assuré en application des articles L.113-2 2°, L.112-3 alinéa 4, L.112-4 et L.113-1 du code des assurances.
Enfin, il sollicite l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a écarté la garantie de la société Generali IARD pour les désordres concernant les menuiseries bois, PVC ou métalliques tant intérieures qu'extérieures en faisant valoir que l'attestation d'assurance vise tous les travaux en cause, notamment de fondations, d'étanchéité, de menuiseries, d'isolation et de charpente de sorte qu'il n'y a pas lieu de s'interroger sur le caractère nécessaire ou indispensable de ces travaux, la garantie étant nécessairement due.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article L.241-1 du code des assurances, toute personne physique ou morale, dont la responsabilité peut être engagée sur le fondement de la responsabilité établie par les articles 1792 et suivants du code civil, doit être couverte par une assurance.
A l'ouverture de tout chantier, elle doit justifier qu'elle a souscrit un contrat d'assurance la couvrant pour cette responsabilité. Tout candidat à l'obtention d'un marché public doit être en mesure de justifier qu'il a souscrit un contrat d'assurance le couvrant pour cette responsabilité.
Tout contrat d'assurance souscrit en vertu du présent article est, nonobstant toute stipulation contraire, réputé comporter une clause assurant le maintien de la garantie pour la durée de la responsabilité décennale pesant sur la personne assujettie à l'obligation d'assurance.
L'article L. 113-1 du même code dispose que les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police. Toutefois, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré.
S'il incombe à l'assuré, qui réclame à l'assureur l'exécution de son obligation de garantie en raison d'un sinistre, de prouver que celui-ci est survenu dans des circonstances de fait conformes aux prévisions de la police, il appartient en revanche à l'assureur de démontrer l'existence des causes d'exclusion dont il se prévaut (1re Civ., 25 octobre 1994, pourvoi n° 92-14.654 ; 2e Civ., 25 octobre 2012, pourvoi n° 11-25.490).
Au cas d'espèce, M. [Y] produit aux débats une attestation d'assurance établie le 12 avril 2016 concernant la police souscrite par la société CNE auprès de la société Generali IARD couvrant les conséquences de la responsabilité civile et décennale pouvant lui incomber du fait des activités de :
- maçonnerie et béton armé,
- travaux accessoires ou complémentaires de : terrassement, drainage et canalisations enterrées, complément d'étanchéité des murs enterrés, pose de matériaux contribuant à l'isolation intérieure, la pose de renforts bois ou métal nécessités par l'ouverture de baies et la reprise en sous-'uvre,
- démolition et VRD,
- pose d'huisseries,
- pose d'éléments simples de charpente, ne comportant ni entaille ni assemblage et scellés directement à la maçonnerie, et à l'exclusion de toute charpente préfabriquée dans l'industrie,
- plâtrerie,
- carrelage, faïence et revêtement en matériaux durs à base minérale,
- calfeutrement de joints,
- et les travaux suivants liés à la fumisterie : conduits de fumée et de ventilation à usage domestique et individuel, ravalement et réfection des souches hors combles, construction de cheminées à usage domestique et individuel, revêtements en carreaux et panneaux de faïence.
En outre, le tribunal a justement relevé qu'il résulte du devis établi par la société CNE ainsi que du rapport d'expertise judiciaire que celle-ci s'est engagée à assurer la création d'une surélévation, d'un escalier avec trémie, d'une charpente, d'une toiture, de gouttières et descentes d'eaux pluviales, ainsi que la fourniture et la pose de baies vitrées, vélux, fenêtres et portes.
En premier lieu, la société Generali IARD soutient que le contrat conclu entre M. [Y] et la société CNE s'analyse en un contrat de construction immobilière, s'agissant de travaux sur existants totalement incorporés dans l'ouvrage neuf.
Aux termes des dispositions de l'article L.231-1 du code de la construction et de l'habitation, toute personne qui se charge de la construction d'un immeuble à usage d'habitation ou d'un immeuble à usage professionnel et d'habitation ne comportant pas plus de deux logements destinés au même maître de l'ouvrage d'après un plan qu'elle a proposé ou fait proposer doit conclure avec le maître de l'ouvrage un contrat soumis aux dispositions de l'article L.231-2.
Il résulte des dispositions de l'article L.232-1 du même code que le contrat de louage d'ouvrage n'entrant pas dans le champ d'application de l'article L.231-1 et ayant au moins pour objet l'exécution de travaux de gros 'uvre, de mise hors d'eau et hors d'air d'un immeuble à usage d'habitation ou d'un immeuble à usage professionnel et d'habitation, ne comportant pas plus de deux logements destinés au même maître de l'ouvrage, doit être rédigé par écrit, ces conditions étant cumulatives.
Un contrat portant sur la rénovation ou la réhabilitation d'un immeuble existant ne constitue pas un contrat de construction de maison individuelle au sens de l'article L. 231-1 du code de la construction et de l'habitation ( 3ème Civ., 20 mars 2013, pourvoi n°11.27-567, Bull. civ. 2013, III, n°36).
En l'absence de tout nouvel élément probant produit aux débats par l'appelante, c'est par des motifs pertinents, que la cour adopte, que le tribunal a retenu que le contrat conclu entre M. [Y] et la société CNE ne pouvait être qualifié de contrat de construction de maison individuelle en relevant qu'alors qu'il résulte des éléments du dossier, s'agissant notamment de la déclaration de travaux, du devis établi par la société CNE et du rapport d'expertise judiciaire, que celle-ci s'était engagée à réaliser des travaux de surélévation et d'extension dans le prolongement d'une maison préexistante, l'objet des travaux ne permettait pas de créer un immeuble à usage d'habitation tel que défini par les articles L.231-1 et L.232-1 du code de la construction et de l'habitation indépendant de la maison préexistante et que le gros 'uvre, la mise hors d'eau et la mise hors d'air, énumérés par l'article L.232-1, étaient préexistants aux travaux réalisés par la société CNE, la maison d'habitation préexistante étant déjà totalement bâtie et achevée avant l'exécution des travaux litigieux.
En outre, si la société Generali IARD fait valoir que l'activité de maçonnerie couverte par la police d'assurance comprend certaines activités complémentaires ou accessoires mais ne vise pas les activités de couverture, de menuiserie intérieure et extérieure ni celle d'étanchéité relevant d'une activité d'entreprise tous corps d'état expressément exclue de la couverture assurantielle, il ne résulte pas des éléments du dossier et notamment de la déclaration de travaux et du devis établi par la société CNE que celle-ci ait réalisé des travaux d'électricité, de plomberie ou de chauffage relevant d'une entreprise tous corps d'état, l'expert judiciaire ayant aussi précisé que " l'entreprise CNE ne devait dans son marché que le clos et le couvert, donc ni l'électricité ni le chauffage ", ainsi que l'a justement relevé le tribunal.
De plus, alors que la déclaration d'assurance produite aux débats vise expressément des travaux accessoires ou complémentaires à l'activité de maçonnerie déclarée par la société CNE s'agissant de travaux de terrassement, de drainage et de canalisations enterrées, de complément d'étanchéité des murs enterrés, de pose de matériaux contribuant à l'isolation intérieure, de démolition et VRD, de pose d'huisseries, de pose d'éléments simples de charpente ne comportant ni entaille, ni assemblage, et scellés directement à la maçonnerie, et à l'exclusion de toute charpente préfabriquée dans l'industrie, de plâtrerie, de carrelage, faïence et revêtement en matériaux durs à base minérale, de calfeutrement de joints ainsi que les travaux liés à la fumisterie, c'est à juste titre que le tribunal a retenu que l'ensemble des activités réalisées par la société CNE relevant de l'étanchéité et de la pose de la charpente constituent des accessoires ou des compléments à la réalisation de l'activité de maçonnerie consistant en la surélévation et l'extension de la maison de M. [Y], ces dernières étant donc couvertes par la garantie, mais qu'il convient d'exclure les travaux de menuiseries extérieures consistant en la fourniture et la pose de volets, fenêtres et velux et de menuiseries intérieures et de couverture, ces activités ne pouvant s'analyser en des travaux de pose d'huisseries visée par la déclaration d'assurance et étant dès lors exclues de la garantie.
Enfin, si la société Generali IARD soutient que les désordres étaient visibles à la réception et n'ont pas fait l'objet de réserves de sorte que la garantie décennale de l'assureur n'est pas mobilisable, il résulte des développements précédents que les désordres évoqués figurant sur les photographies produites aux débats sont la conséquence des l'inachèvement des travaux et non des malfaçons et non-conformités imputés à la société CNE, non décelables par un profane ni dans son principe ni dans ses conséquences, s'agissant, notamment, de l'absence de liaisonnement des élévations récentes avec les existantes, la ségrégation du béton au droit des poutres, l'absence de fondations apparentes au niveau des poteaux, l'absence de joint de dilatation entre les constructions neuves et anciennes, un appui insuffisant au niveau des poutres, la présence de polystyrène sous dalle pour calage, une épaisseur de la paillasse trop fine pour permettre une présence d'acier, une poutre transversale de faible section sans poteau intermédiaire, l'absence de fixation conforme des menuiseries extérieures, l'absence de joint de dilatation entre la nouvelle structure et l'existant, l'absence de relevé d'étanchéité, des poteaux en parpaing courant, la mauvaise qualité des bétons et leur mise en 'uvre, le mauvais dimensionnement du maillage des solives du plancher ou bien encore les non-conformités concernant les fondations existantes et les nouvelles fondations.
Il en résulte que la garantie décennale est mobilisable au titre de l'ensemble des désordres à l'exception de ceux relatifs aux travaux de fourniture et pose de volets, fenêtres et velux, de menuiseries intérieures et de couverture.
En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris de ces chefs.
Sur la réparation des préjudices
Moyens des parties
La société Generali IARD soutient que la solution de reprise proposée par la société DB ingenierie conduit à des travaux réparatoires correspondant à quatre fois le prix de la prestation initiale réalisée par la société CNE et qu'il serait moins onéreux de démolir intégralement la construction et de la reconstruire.
Elle ajoute que cette solution aboutirait à un enrichissement injustifié de M. [Y], la construction réparée étant de meilleure facture que la construction initialement envisagée et le maître de l'ouvrage bénéficiant de garanties et de prestations qu'il n'aurait pas financées initialement.
En tout état de cause, l'appelante demande à la cour de ne pas mettre à sa charge les frais suivants :
- 4 890 euros au titre de l'étude G2 pro
- 37 555,67 euros au titre des honoraires de la société BET ingenierie
- 12 518,56 euros au titre des études d'exécution structure.
Enfin, à titre subsidiaire, elle sollicite le bénéfice des limites contractuelles prévues par la police d'assurance qui prévoit l'application d'une franchise de 10% des dommages s'agissant de la mise en 'uvre de la garantie décennale.
En réponse, M. [Y] soutient que l'expert judiciaire s'est expliqué sur la solution retenue dont le coût est justifié tant par l'ampleur et la multiplicité des désordres que par les risques de tassement du bâtiment, jugé inhabitable et impropre à sa destination.
Il précise que les travaux préconisés par l'expert ne sont destinés qu'à permettre la mise en conformité de l'ouvrage et à le rendre habitable.
En outre, il observe que la franchise n'est pas opposable au tiers lésé s'agissant de la garantie obligatoire de responsabilité décennale.
Réponse de la cour
Il est établi que les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit (2e Civ., 23 janvier 2003, pourvoi n° 01-00.200, Bull n° 20 ; 2e Civ., 29 mars 2006, pourvoi n° 04-15.776 ; 3e Civ., 8 juillet 2009, pourvoi n° 08-10.869).
De même, tenu d'évaluer le préjudice à la date à laquelle il statue, le juge doit prendre en compte, lorsqu'elles sont invoquées, les circonstances postérieures à sa manifestation (3e Civ., 27 juin 2024, pourvoi n° 22-21.272, publié au Bulletin ; 3e Civ., 27 juin 2024, pourvoi n° 22-24.502, publié au Bulletin).
Au cas d'espèce, l'expert judiciaire précise que les non-conformités constatées, relatives aux fondations existantes et nouvelles ainsi que les modifications de structure sur la partie existante, sur l'agrandissement et sur la surélévation, obligent à démolir la majeure partie des nouvelles structures pour, d'une part, reprendre les fondations anciennes et nouvelles et, d'autre part, refaire de façon satisfaisante et conforme les structures.
Il ajoute que le bâtiment surélevé n'est pas conforme aux règles de l'art et normes applicables pour ce qui concerne les fondations et qu'il existe un risque de tassement du bâtiment, qui ne peut être utilisé en l'état à l'instar de la terrasse extérieure au niveau 1 où les fondations ne sont pas conformes ne serait-ce que par une profondeur insuffisante, de 25 à 45 cms au lieu du minimum requis de 60 cms.
En outre, il relève que si les travaux d'électricité n'étaient pas dus par la société CNE, les réseaux actuels posés par une autre entreprise devront être déposés pour permettre les travaux de reprise et que pour les travaux de couverture, elle ne présente pas de défaut mais que la charpente doit être refaite en totalité car sous-dimensionnées, ce qui impose de déposer les tuiles et de les reposer ainsi que la récupération des deux vélux.
Si la société Generali critique le rapport d'expertise judiciaire en ce qu'il a retenu les devis produits par M. [Y] et se fonde sur une étude réalisée par la société BET ingénierie, mandatée par le maître de l'ouvrage, comprenant un dossier de consultation d'entreprises avec cahier des clauses techniques particulières des plans de démolition et des plans de reconstruction, force est de constater que l'expert indique qu'il était possible à la société CNE de proposer de nouveaux devis et que l'étude réalisée par la société BET ingénierie n'a pas été contestée par les parties en cours d'expertise.
De plus, alors qu'il résulte des conclusions du rapport d'expertise que la société CNE n'a pas communiqué à l'expert d'éléments concernant l'exécution des travaux et notamment, les plans d'exécution, les plans de ferraillages et de coffrages, les notes de calcul, le rapport d'étude de sol et le plan des fondations, il y a lieu de retenir la somme de 37 555,67 euros au titre des honoraires d'étude générale du BET DB ingenierie et celle de 12 518,56 euros HT au titre des honoraires spécifiques de structure suivant devis produits aux débats et retenus par l'expert judiciaire.
En l'absence de tout nouvel élément de preuve produit par la société Generali IARD devant la cour, c'est par des motifs pertinents, que la cour adopte, que le tribunal a écarté les devis de la société Luxembourg d'un montant de 18 171 euros au titre de travaux de couverture ainsi que les devis de la société Dequirot pour des montants de 20 724 euros HT et 3 788 euros HT au titre de travaux de menuiseries intérieures et extérieures, s'agissant de postes de travaux non compris dans la déclaration d'assurance et sans lien avec la mauvaise exécution des travaux reprochée à la société CNE.
Ainsi, en l'absence de preuve d'un enrichissement injustifié de [Y], c'est à juste titre que le tribunal a retenu la somme de 424 676,54 euros HT au titre de l'indemnisation du préjudice matériel subi par M. [Y] directement causé par la mauvaise exécution des travaux réalisés par la société CNE et non par l'inachèvement des travaux.
La décision entreprise sera donc confirmée de ce chef.
Sur les préjudices immatériels
Moyens des parties
M. [Y] critique le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté sa demande au titre de l'indemnisation de ses préjudices immatériels.
Il expose qu'il appartient à la société Generali IARD de démontrer que l'immeuble litigieux constitue une résidence secondaire, ce qui n'est pas le cas en l'espèce et explique qu'il a acquis cet immeuble le 15 octobre 2015, celui-ci étant situé à 800 mètres de son ancienne maison.
Il ajoute que n'ayant pu emménager à [Localité 6] en raison des désordres présentés par l'immeuble, il a fait l'acquisition d'une autre maison en octobre 2018 dans laquelle il réside avec sa famille de sorte qu'il a été privé de la possibilité d'occuper la maison de [Localité 6], rendue impropre à sa destination en raison des désordres imputables à la société CNE.
Enfin, il avance que sa demande au titre du remboursement des taxes d'habitation et taxes foncières est justifiée par le fait qu'il a été privé de son bien et n'a pu en disposer autrement tout en devant supporter une double imposition.
En réponse, la société Generali IARD soutient que M. [Y] dispose déjà d'un logement principal dans lequel il réside avec sa famille de sorte qu'il ne s'agit que d'une perte de chance d'occuper le logement de [Localité 6] dans le délai prévu.
Elle avance que la demande de M. [Y] au titre des frais de garde-meubles doit être rejetée puisqu'il n'y a jamais eu aucun meuble dans la maison de [Localité 6] et que la taxe foncière est due par le propriétaire, que le logement soit occupé ou non.
Réponse de la cour
La réparation du préjudice de jouissance des maîtres de l'ouvrage implique la preuve de l'existence d'un lien de causalité direct avec la faute commise par l'auteur du dommage (3ème Civ, 7 novembre 2024, pourvoi n°22-14.088, diffusé au Bulletin).
Au cas d'espèce, il résulte des développements précédents et de l'analyse du rapport d'expertise judiciaire que les désordres trouvent leur origine dans la mauvaise exécution des travaux réalisés par la société CNE rendant l'immeuble impropre à sa destination.
Ainsi, la faute commise par la société CNE est directement à l'origine du préjudice de subi par M. [Y] qui a été privé de la jouissance de l'immeuble, le fait qu'il s'agisse d'un immeuble destiné à l'habitation ou à la location étant indifférent.
En outre, au titre de l'indemnisation du préjudice de jouissance subi par M. [Y], l'expert judiciaire a retenu une valeur locative de 2 000 euros et fixé la durée d'immobilisation au titre de la réalisation des travaux de reprise à 30 mois et les frais de garde-meubles durant cette période à 1 684,80 euros, fixant le montant total de l'indemnisation à 71 848,80 euros.
De plus, M. [Y] justifie s'être acquitté du paiement de la taxe foncière et de la taxe d'habitation au titre de l'immeuble litigieux à hauteur de 2619 euros au titre de la taxe foncière pour les années 2019 et 2020 et 1891 euros au titre de la taxe foncière pour la même période, ce préjudice étant chiffré par l'expert à la somme de 6 342 euros pour les années 2016 à 2018.
Ainsi, le préjudice immatériel subi par M. [Y] sera fixé à la somme de 82 700 euros que la société Generali IARD sera condamnée à lui payer (soit 71 848,80€ + 10 852€), le jugement entrepris étant infirmé de ce chef.
Sur les frais du procès
Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement sur la condamnation aux dépens et sur celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
En cause d'appel, la société Generali IARD, partie succombante, sera condamnée aux dépens et à payer à M. [Y] la somme de 3 000 euros, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
Le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile sera accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il a :
- débouté M. [Y] de ses demandes au titre de la réparation de son préjudice immatériel,
L'infirme sur ce point et statuant à nouveau,
Condamne la société Generali IARD à verser à M. [Y] la somme de 82 700 euros en réparation de son préjudice immatériel,
Y ajoutant,
Condamne la société Generali IARD aux dépens d'appel ;
Admet les avocats qui en ont fait la demande et peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Generali IARD et la condamne à payer à M. [Y] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel .
La greffière, La conseillère faisant fonction de présidente pour le président empêché,