CA Nouméa, ch. civ., 4 septembre 2025, n° 22/00158
NOUMÉA
Arrêt
Autre
N° de minute : 2025/205
COUR D'APPEL DE NOUMÉA
Arrêt du 04 septembre 2025
Chambre Civile
N° RG 22/00158 - N° Portalis DBWF-V-B7G-TCR
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Mai 2022 par le Tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° :19/2797)
Saisine de la cour : 09 Juin 2022
APPELANT
SOCIETE MUTUELLE D'ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS (SMABTP),
Siège social : [Adresse 1]
Représenté par Me Véronique LE THERY de la SELARL CABINET D'AFFAIRES CALEDONIEN, avocat au barreau de NOUMEA
INTIMÉS
S.A.R.L. HB CONCEPT, prise en la personne de son représentant légal en exercice,
Siège social : [Adresse 3]
Représentée par Me Cécile MORESCO de la SELARL AGUILA-MORESCO, avocat au barreau de NOUMEA
S.C.I. [Adresse 11], prise en la personne de son représentant légal en exercice,
demeurant [Adresse 3]
Représentée par Me Cécile MORESCO de la SELARL SELARL AGUILA-MORESCO, avocat au barreau de NOUMEA
S.A.R.L. CONSTRUCTIONS TRANSFORMATIONS RENOVATIONS (CTB), prise en la personne de son représentant légal en exercice,
Siège social : [Adresse 4]
04/09/2025 : Copie revêtue de la formule exécutoire - Me LE THERY ;
Expéditions - Me MORESCO ; Me REUTER ; Me FAUCHE ;
- Copie CA ; Copie TPI
Compagnie d'assurance ALLIANZ, prise en la personne de son représentant légal en exercice,
Siège social : [Adresse 6]
Représentée par Me Philippe REUTER de la SELARL D'AVOCATS REUTER-DE RAISSAC-PATET, avocat au barreau de NOUMEA
S.A.R.L. [Localité 8] TERRASSEMENT, prise en la personne de son représentant légal en exercice,
Siège social : [Adresse 5]
Représentée par Me Philippe REUTER de la SELARL D'AVOCATS REUTER-DE RAISSAC-PATET, avocat au barreau de NOUMEA
Compagnie d'assurance GAN OUTRE MER, prise en la personne de son représentant légal en exercice,
Siège social : [Adresse 2]
Représentée par Me Marie-laure FAUCHE de la SELARL LFC AVOCATS, avocat au barreau de NOUMEA
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 21 Octobre 2024, en audience publique, devant la cour composée de :
M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,
Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller,
Mme Zouaouïa MAGHERBI, Conseiller,
qui en ont délibéré, sur le rapport de Mme Marie-Claude XIVECAS.
Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO
Greffier lors de la mise à disposition : M. Petelo GOGO
ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour le 16/01/2025 date à laquelle le délibéré a été prorogé au 24/02/2025 puis au 24/03/2025 puis au 05/05/2025 puis au 05/06/2025, puis au 12/06/2025, puis au 26/06/2025, puis au 17/07/2025 puis au 18/08/2025 puis au 04/09/2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
- signé par Mme Marie-Claude Xivecas en remplacement de M. Philippe ALLARD, président, empêché et par M. Petelo GOGO, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
***************************************
PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE
La SCI [Adresse 11] cogérée par Monsieur [D] et Madame [X] acquérait le 13 juillet 2012, un immeuble situé [Adresse 11] dans le quartier de la Montagne Coupée à [Localité 8] comprenant un terrain d'un peu plus de 6 ares et une maison d'habitation en maçonnerie élevée sur deux niveaux, lesdits biens accessibles par la [Adresse 9] se situant à 4 mètres en contrebas de la propriété de Monsieur [B] dont l'accès s'effectue par la [Adresse 10].
La société HB CONCEPT constituée entre M. [D] et Mme [X] entreprenait la réhabilitation de cette construction afin de la transformer en un bâtiment à usage de bureaux destinés à la location.
Une police d'assurance responsabilité civile promoteur était souscrite par la société HB CONCEPT auprès de SMABTP. Dans le cadre de la réhabilitation, la société HB CONCEPT contractait avec deux entreprises, la société [Localité 8] TERRASSEMENT ainsi que la Société CTR.
Les travaux débutaient en juillet 2012 pour une durée de deux mois et demi.
En janvier 2013, les fortes précipitations accompagnant la dépression FREDA avait pour conséquence l'affaissement du terrain entraînant la rupture du muret. La société CTR reconstruisait ledit muret en réalisant au préalable un enrochement d'assise.
Les fortes pluies du mois d'avril 2013 entraînaient de nouveau l'affaissement du terrain et la rupture du muret. En mai 2013 la société HB CONCEPT décidait de procéder à une étude géotechnique du terrain par la société GEOTECH.
Le 02 juillet 2013, un troisième affaissement se produisait entraînant des dégâts sur l''ouvrage appartenant au voisin M. [B].
Le 05 juillet 2013, la société HB CONCEPT déclarait le sinistre auprès de son assureur la SMABTP.
Le 28 octobre 2013, la SMABTP assignait la société HB CONCEPT, Monsieur [B], la Mairie de [Localité 8], la société [Localité 8] TERRASSEMENT et son assureur la compagnie ALLIANZ, la société CTR et son assureur la compagnie GAN concluante aux fins d'expertise judiciaire, laquelle était confiée par ordonnance du 13 novembre 2013 à M. [H].
L'expert judiciaire déposait son rapport le 28 septembre 2014.
La SCI du [Adresse 11] intervenait par voie de requête délivrée le 17 janvier 2018 et a, par la suite repris pour son compte les demandes initialement formulées par la société HB CONCEPT.
La société SCI du [Adresse 11] et la société HB CONCEPT demandaient notamment au tribunal de se prononcer sur les responsabilités et de :
- dire et juger que les sociétés CTR et [Localité 8] TERRASSEMENT sont exclusivement responsables des désordres constatés par l'expert et ont donc engagé leur responsabilité contractuelle à l'égard de la société HB CONCEPT et délictuelle à l'égard de la société SCI du [Adresse 11],
- En conséquence, condamner in solidum la société CTR, sous la garantie de la compagnie d'assurances GAN OUTRE-MER IARD, et la société [Localité 8] TERRASSEMENT, sous la garantie de la compagnie d'assurances ALLIANZ, à payer à la société HB CONCEPT la somme de 1 634 446 XPF au titre de la franchise contractuelle et du coûtde l'exécution et du suivi des travaux de reprise des désordres,
- condamner in solidum la société CTR sous la garantie de la compagnie d'assurances GAN OUTRE-MER IARD, et la société [Localité 8] TERRASSEMENT, sous la garantie de la compagnie d'assurances ALLIANZ, à payer à la société SCI du [Adresse 11] la somme de 12 210 000 XPF au titre de son préjudice financier,
- condamner in solidum les sociétés CTR et [Localité 8] TERRASSEMENT à verser aux requérantes la somme de 600 000 XPF au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens.
La SMABT sollicitait pour sa part de dire que les sociétés [Localité 8] TERRASSEMENT et CTR sont entièrement responsables de l'effondrement du mur de soutènement situé entre la propriété de la SCI DU [Adresse 11] et de Monsieur [B] et de l'affaissement concomitant du terrain de Monsieur [B], dire recevable la demande de la SMABTP en remboursement des frais exposés par elle pour la remise en état du mur outre les frais d'expertise judiciaire et en conséquence :
CONDAMNER solidairement les sociétés [Localité 8] TERRASSEMENT et CTR à payer à la SMABTP la somme de 13.509.756 frs et ce sous la garantie de leurs assureurs respectifs.
A titre subsidiaire :
Si le Tribunal devait retenir un part de responsabilité cle HB CONCEPT, DIRE que cette part de responsabilité de saurai être de plus de 10%. CONDAMNER solidairement les sociétés [Localité 8] TERRASSEMENT et CTR à payer à la SMABTP la somme de 12.158.781 frs sous la garantie de leurs assureurs respectifs.
En tout état de cause :
CONDAMNER solidairement les sociétés [Localité 8] TERRASSEMENT et CTR sous la garantie de leurs assureurs respectifs, ALLIANZ et GAN à payer à la SMABTP la somme de 500.000 frs au visa de l'article 700 du code de procédure civile. CONDAMNER les mêmes aux entiers dépens y compris les frais d'expertise judiciaire avancés par la SMABTP
La société CTR et son assureur, la compagnie GAN outre mer concluaient au débouté des sociétés HB CONCEPT, SCI du [Adresse 11] et SMABTP de leurs entières prétentions et à leur condamnation solidaire à leur payer à la compagnie GAN la somme de 450.000 F.CFP par application de l'article 700 du code de procédure civile
La société [Localité 8] TERRASSEMENT et la compagnie ALLÍANZ sollicitaient du tribunal de débouter la SMABTP, la société HB CONCEPT et la SCI DU [Adresse 11] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions et de condamner solidairement la société HB CONCEPT et la SCI du [Adresse 11] à payer à la société [Localité 8] TERRASSEMENT et la Compagnie d'Assurances ALLIANZ la somme de 350.000 XPF sur le fondement des dispositions de l'article 700 du ncpc ainsi qu'aux entiers.
Par jugement du 23/05/2022, le tribunal de première instance de Nouméa a :
Déclaré irrecevable, l'exception d'incompétence soulevée in limine litis par la société CTR,
Débouté la société HB CONCEPT, la SCI du [Adresse 11] et la SMABTPde leurs entières demandes,
Condamné solidairement la société HB CONCEPT et la SCI du [Adresse 11] à payer à la société [Localité 8] TERRASSEMENT et à la compagnie d'assurance ALLIANZ la somme de 350 000 XPF au titre de l'article 700 du code de procédure civile applicable en Nouvelle-Calédonie,
Condamné la SARL HB CONCEPT à verser à la SARL CTR la somme de 5 50 000 XPF au titre de l'article 700 du code de procédure civile applicable en Nouvelle-Calédonie,
Condamné solidairement la société HB CONCEPT, la SCI du [Adresse 11] ainsi que la SMABTP à payer à la compagnie d'assurances GAN OUTRE-MER la somme de 450 000 XPF au titre de l'article 700 du code de procédure civile applicable en Nouvelle-Calédonie,
Condamné solidairement la société HB CONCEPT et la SCI du [Adresse 11] aux dépens.
Pour se déterminer ainsi, le 1er juge a estimé que la société HB CONCEPT en sa qualité de promoteur était un professionnel de la construction et à ce titre était entièrement responsable pour n'avoir pas commandé préalablement à la réalisation des travaux litigieux, une étude de sols qui aurait été de nature à appréhender les risques d'effondrement et de glissements du terrain de sorte qu'elle doit supporter seule les conséquences de l'entier dommage
PROCÉDURE D'APPEL
Par requête du 18/01/2024, la SMABTP a interjeté appel de la décision rendue et demande à la Cour dans son mémoire ampliatif et ses dernières écritures (récapitulatives N°2)de réformer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :
- Juger que la Sarl [Localité 8] Terrassement et CTR sont entièrement responsables de l'effondrement du mur de soutènement et de l'affaissement concomitant du terrain de M. [B] ;
- juger recevable sa demande en remboursement des frais exposés pour la remise en état du mur outre les frais d'expertise ;
En conséquence,
- Condamner solidairement la Sarl [Localité 8] Terrassement et CTR à lui payer la somme de 13 509 756 Fcfp sous la garantie de leur assureur respectif ;
- A titre subsidiaire, si la cour devait retenir un part de responsabilité de la société HB CONCEPT, dire que cette part de responsabilité ne saurait être de plus de 10%. Et condamner solidairement les sociétés [Localité 8] TERRASSEMENT et CTR à payer à la SMABTP la somme de 12.158.781 frs sous la garantie de leurs assureurs respectifs.
En tout état de cause, condamner solidairement les sociétés [Localité 8] TERRASSEMENT et CTR sous la garantie de leurs assureurs respectifs ALLIANZ et le GAN à payer à la SMABTP la somme de 500.000 frs au visa de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens y compris les frais d'expertise judiciaire avancés par la SMABTP.
Dans ses écritures responsives, la compagnie ALLIANZ demande à la cour :
* A titre liminaire, de déclarer irrecevable la SMABTP sur le fondement de la subrogation conventionnelle et la débouter de toutes ses demandes
* A titre principal, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions ; A titre subsidiaire, si la cour retient une autre responsabilité que celle de la Sarl HB CONCEPT, dire que la Sarl [Localité 8] Terrassement n'a commis aucune faute et débouter la SMABTP de ses demandes de ce chef . En tout état de cause, condamner la SMABTP à lui payer une somme de 400 000 FCFP au titre des frais irrépétibles en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance.
Par conclusions en réplique, la compagnie LE GAN Outre Mer conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et à la condamnation de la SMABTP à lui payer la somme de 400 000 Fcfp sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Elle s'associe aux conclusions d'Allianz sur l'irrecevabilité de la subrogation et s'en rapporte à la hiérarchisation des causes telles que retenues par l'expert
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de la SMABTP
L'assureur peut choisir entre la subrogation légale ou la subrogation conventionnelle. En l'espèce, il ressort du protocole d'accord signé entre, la victime M. [B], la société HB CONCEPTet la SMABTP que l'assureur a indemnisé la victime pour le compte de son assuré à hauteur de la somme de 13 509 756 Fcpf conformément aux garanties > visées dans le contrat.
L'article 23 des conditions générales du contrat d'assurance passé entre la SMABTP et son assurée la Sarl HB CONCEPT renvoyant expressément aux dispositions de l'article L 121-12 du code des assurances stipule en effet que : conformément à l'articleL121, la SMABTP est subrogée à concurrence de l'indemnité payée par elle dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers responsables du dommage. >>
Dès lors, en justifiant de son paiement pour le compte de son assurée intervenu en application de la garantie due au titre du contrat d'assurance, la SMABTP agit en qualité de subrogée dans les droits de la Sarl HB CONCEPT en vertu de la subrogation légale. Elle est par conséquent recevable à agir en cette qualité contre les parties qu'elle estime être responsables du sinistre.
Sur les responsabilités
Dans le cadre de son projet de réhabilitation et modification de la destination de la construction existante, la SCI a chargé la Sarl HB CONCEPT d'aménager les extérieurs de la parcelle. La Sarl HB CONCEPT a confié à la société [Localité 8] Terrassement, les travaux de terrassement avec dessouchage et abattage de deux 2 lychees implantés sur le terrain et reprofilage du talus. La Sarl CTR s'est vue confier l'enlèvement d'un muret situé en bas de pente à l'arrière du bâtiment et sa reconstruction ainsi que des travaux de VRD.
L'expert relève que les études géotechniques commandées après l'affaissement du terrain ont montré que les essais réalisés mettaient en évidence une couche superficielle, d'environ 2m d'épaisseur, constituée de remblais hétérogènes puis un sol argileux jusqu'à 8 à 9 m de profondeur. Il concluait que les sols étaient superficiellement peu compacts et de portance faible à moyenne jusqu'à 8,50 m de profondeur environ. Il estimait que les travaux de terrassements réalisés ont conduit à la création de vides qui, remblayés sans compactage lors du reprofilage ont crée des poches de faiblesse dans ce terrain remanié.
L'expert judiciaire dans son rapport retient les responsabilités suivantes dans la cause des désordres
1/ l'entreprise [Localité 8] TERRASSEMENT qui a effectué les travaux sans se préoccuper de la configuration des lieux,
2/ l'entreprise CTR qui a exécuté un ouvrage sans se préoccuper des contraintes réelles d'exécution,
3/ HB CONCEPT qui n'a pas préalablement aux travaux, analysé ou fait analyser les particularités du site,
4/ M. [B] qui par méconnaissance n'a pas ou mal collecté les eaux de ruissellement sur son terrain ;
5/ HB CONCEPT qui n'a pas effectué de demande de permis de construire se privant par conséquent des descriptions des services administratifs alors que celui-ci était obligatoire à tout le moins s'agissant du changement de destination des locaux.
Comme analysé par le 1er juge, les désordres proviennent de la réalisation de travaux de terrassement et de construction d'un muret qui ont déstabilisés les sols en place parce qu'ils ont été réalisés sans tenir compte de la qualité du terrain. La connaissance des caractéristiques géo-mécaniques médiocres des sols aurait permis d'anticiper l'affaissement éventuel du terrain en permettant une bonne gestion des eaux de ruissellement et en confortant le talus. Il en résulte que l'analyse préalable des sols aurait permis d'appréhender les spécificités du terrain et d'exécuter les travaux préalables qui s'imposaient.
En effet, l'expert n'a pas stigmatisé en soi la mauvaise réalisation des travaux mais leur exécution sans précaution.
Répondant à un dire de la société CRT, l'expert considérait ainsi que le mur séparatif édifié au droit d'un changement de niveaux des terres constituait bien un mur de soutènement et qu'il était à l'origine, par sa construction en vis à vis des terres en amont, de la modification du cheminement originel d'écoulement des eaux, qu'il a engendré leur accumulation et contribué par saturation des terres à diminuer les caractéristiques géo mécaniques des sols en place. En page 10 de son rapport, il précisait en réponse à un autre dire que la configuration des deux arbres enlevés supposait un volume de souche conséquent ; les vides créés après dessouchage n'ont pu être que profilés avec les déblais du site, non compactés, affaiblissant par voie de conséquence la partie basse du talus et son rôle de butée ; les travaux effectués par [Localité 8] Terrassement ont contribué à la déstabilisation des sols en place.
C'est donc bien l'absence d'études préalables des sols qui est la cause première des désordres et il convient de rechercher la responsabilité des intervenants sur la base de l'obligation de conseil.
Il est de principe que l'entrepreneur particulièrement qualifié dans son domaine est redevable envers le maître de l'ouvrage d'une obligation de conseil sur tous les aspects de la construction et notamment sur les risques du sol. En leur qualité de professionnels de la construction, la société [Localité 8] TERRASSEMENT et la CTR, professionnels du BTP se devaient avant d'exécuter les travaux de se renseigner sur l'état des sols. En ne le faisant pas, elles ont commis une faute engageant leur responsabilité envers le maître de l'ouvrage.
Aux termes de l'article 1832 du code civil, applicable en Nouvelle Calédonie, le contrat de promotion immobilière est un mandat d'intérêt commun par lequel une personne dite " promoteur immobilier " s'oblige envers le maître d'un ouvrage à faire procéder, pour un prix convenu, au moyen de contrats de louage d'ouvrage, à la réalisation d'un programme de construction d'un ou de plusieurs édifices ainsi qu'à procéder elle-même ou à faire procéder, moyennant une rémunération convenue, à tout ou partie des opérations juridiques, administratives et financières concourant au même objet. Ce promoteur est garant de l'exécution des obligations mises à la charge des personnes avec lesquelles il a traité au nom du maître de l'ouvrage. Il est notamment tenu des obligations résultant des articles 1792, 1792-1, 1792-2 et 1792-3 du présent code. Si le promoteur s'engage à exécuter lui-même partie des opérations du programme, il est tenu, quant à ces opérations, des obligations d'un locateur d'ouvrage
La Sarl HB CONCEPT dit être intervenue en qualité de promoteur, chargée pour le compte de la SCI [Adresse 7] de réhabiliter une construction existante Le contrat passé entre la Sarl HB CONCEPT et le maître de l'ouvrage n''est pas produit au dossier et il n'est pas contesté que les gérants de la SCI sont également gérants de la Sarl HB CONCEPT. Si les articles du code de la construction et de l'habitation relatifs au contrat de promotion ne sont pas applicables en Nouvelle Calédonie, il n'en reste pas moins que la définition du contrat telle que contenue dans le code civil est transposable. En vertu du mandat d'intérêt commun la liant à la SCI [Adresse 7], la Sarl HB CONCEPT se devait de procéder à la réalisation du programme de construction procédant elle-même aux opérations juridiques, administratifs et financières. A ce titre, elle aurait dû s'assurer, avant travaux, de la qualité des sols et à défaut, solliciter une étude de sols.
La société HB CONCEPT soutenait, ce que repris par la SMABTP, qu'elle était profane en la matière et qu'elle n'avait pas les compétences utiles pour savoir si une étude de sols était nécessaire, se reposant sur les deux sociétés avec qui elle avait traité et qui étaient redevables à son encontre d'une obligation de conseil.
L'extrait Kbis de la société HB CONCEPT mentionne au titre de l'objet social, entre autres activités, la réalisation de toutes constructions individuelles ou collectives. Cette société a été créé en 2006 de sorte qu'elle n'était pas profane en la matière et connaissait nécessairement la médiocrité de certains sols et la précaution à prendre en recourant à une étude de sol avant de procéder à l'arrachage de sols et avant de réaliser des travaux de terrassement sur un terrain pentu.
Elle est intervenue en qualité de promoteur et non en qualité de maître de l'ouvrage délégué de sorte que la qualité de professionnel de la construction doit lui être reconnue. A ce titre, elle a engagé sa responsabilité envers le maître de l'ouvrage faute de s'assurer que les constructions envisagées étaient compatibles avec la nature du terrain.
Par ailleurs, chacune des entreprises se devait de réaliser les travaux dans les règles de l'art et à ce titre la société [Localité 8] Terrassement et la société CTR devaient s'assurer de la faisabilité des travaux et de leur conséquences et l'absence de réalisation par la Sarl HB CONCEPT de l'étude de sols ne les exonérait pas envers la SCI de leurs obligations de vérifier que les ouvrages envisagés étaient compatibles avec la nature du terrain. Les responsabilités de la Sarl [Localité 8] Terrassement, de la société CTR et de la Sarl HB CONCEPT sont retenues.
Dans les rapports entre les constructeurs et le promoteur, eu égard aux fautes respectives commises, la responsabilité des entreprises de constructions qui sont spécialisées dans leur domaine respectif sera retenue à raison de 40% chacune et celle de la Sarl HB CONCEPT à hauteur de 20 %. Le jugement sera réformé de ce chef
La SMABTP a réglé pour le compte de son assuré la somme de13 509 756 Fcfp au titre des travaux d'urgence, des travaux de reprise ainsi que le coût des bureaux d'étude selon factures produites. Elle est bien fondée à se retourner contre la Sarl [Localité 8] Terrassement et la Sarl CRT sous la garantie de leur assureur respectif à hauteur de 40 % chacune les recours se partageant chacune pour la part dont elle est tenue.
sur l'article 700
Il est équitable d'allouer à la SMABTP qui a dû se défendre en justice la somme de 500 000 FCFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. La société [Localité 8] Terrassement et la société CTR seront condamnées in solidum, sous la garantie de Allianz et de la compagnie LE GAN Outre Mer à lui payer cette somme.
Sur les dépens de l'appel
Les sociétés [Localité 8] Terrassement et CTR succombant au principal supporteront in solidum les dépens de la procédure, sous la garantie de leur assureurs respectifs
Les frais d'expertise seront répartis proportionnellement au coefficient de responsabilité retenue.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme la décision et statuant à nouveau :
Déclare recevable l'action subrogatoire de la SMABTP,
Dit que les sociétés [Localité 8] Terrassement, CTR et HB CONCEPT ont commis des fautes vis à vis du maître de l'ouvrage qui engagent leur responsabilité;
Dit que dans leurs rapports entre elles, la part de responsabilité sera supportée par la Sarl [Localité 8] Terrassement et CTR à hauteur de 40 % chacune et la part de Sarl HB CONCEPT à hauteur de 20 % ;
Dit que la SMABTP intervient en qualité de subrogée dans les droits de son assurée la Sarl HB CONCEPT ;
Constate qu'elle a réglé la somme de 13 509 756 Fcfp en réparation des désordres ;
Condamne la Sarl [Localité 8] Terrassement sous la garantie de la compagnie ALLIANZà payer à la SMABTP la somme de 5 403 902 Fcfp ;
Condamne la Sarl CTR sous la garantie de son assureur, la compagnie LE GAN Outre Mer à payer à la SMABTP la somme de 5 403 902 Fcfp ;
Condamne in solidum la Sarl [Localité 8] Terrassement et la Sarl CTR sous la garantie de leur assureur respectif à payer à la SMABTP la somme de 500 000 Fcfp sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit que les frais d'expertise seront réparties entre les sociétés [Localité 8] Terrassement et CTR et la SMABTP, cette dernière en qualité de subrogée dans les droits de la Sarl HB CONCEPT à proportion de leur part de responsabilité ;
Condamne in solidum la Sarl [Localité 8] Terrassement et la Sarl CTR sous la garantie de leur assureur respectif aux dépens de l'instance.
Le greffier, Le président.
COUR D'APPEL DE NOUMÉA
Arrêt du 04 septembre 2025
Chambre Civile
N° RG 22/00158 - N° Portalis DBWF-V-B7G-TCR
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Mai 2022 par le Tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° :19/2797)
Saisine de la cour : 09 Juin 2022
APPELANT
SOCIETE MUTUELLE D'ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS (SMABTP),
Siège social : [Adresse 1]
Représenté par Me Véronique LE THERY de la SELARL CABINET D'AFFAIRES CALEDONIEN, avocat au barreau de NOUMEA
INTIMÉS
S.A.R.L. HB CONCEPT, prise en la personne de son représentant légal en exercice,
Siège social : [Adresse 3]
Représentée par Me Cécile MORESCO de la SELARL AGUILA-MORESCO, avocat au barreau de NOUMEA
S.C.I. [Adresse 11], prise en la personne de son représentant légal en exercice,
demeurant [Adresse 3]
Représentée par Me Cécile MORESCO de la SELARL SELARL AGUILA-MORESCO, avocat au barreau de NOUMEA
S.A.R.L. CONSTRUCTIONS TRANSFORMATIONS RENOVATIONS (CTB), prise en la personne de son représentant légal en exercice,
Siège social : [Adresse 4]
04/09/2025 : Copie revêtue de la formule exécutoire - Me LE THERY ;
Expéditions - Me MORESCO ; Me REUTER ; Me FAUCHE ;
- Copie CA ; Copie TPI
Compagnie d'assurance ALLIANZ, prise en la personne de son représentant légal en exercice,
Siège social : [Adresse 6]
Représentée par Me Philippe REUTER de la SELARL D'AVOCATS REUTER-DE RAISSAC-PATET, avocat au barreau de NOUMEA
S.A.R.L. [Localité 8] TERRASSEMENT, prise en la personne de son représentant légal en exercice,
Siège social : [Adresse 5]
Représentée par Me Philippe REUTER de la SELARL D'AVOCATS REUTER-DE RAISSAC-PATET, avocat au barreau de NOUMEA
Compagnie d'assurance GAN OUTRE MER, prise en la personne de son représentant légal en exercice,
Siège social : [Adresse 2]
Représentée par Me Marie-laure FAUCHE de la SELARL LFC AVOCATS, avocat au barreau de NOUMEA
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 21 Octobre 2024, en audience publique, devant la cour composée de :
M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,
Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller,
Mme Zouaouïa MAGHERBI, Conseiller,
qui en ont délibéré, sur le rapport de Mme Marie-Claude XIVECAS.
Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO
Greffier lors de la mise à disposition : M. Petelo GOGO
ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour le 16/01/2025 date à laquelle le délibéré a été prorogé au 24/02/2025 puis au 24/03/2025 puis au 05/05/2025 puis au 05/06/2025, puis au 12/06/2025, puis au 26/06/2025, puis au 17/07/2025 puis au 18/08/2025 puis au 04/09/2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
- signé par Mme Marie-Claude Xivecas en remplacement de M. Philippe ALLARD, président, empêché et par M. Petelo GOGO, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
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PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE
La SCI [Adresse 11] cogérée par Monsieur [D] et Madame [X] acquérait le 13 juillet 2012, un immeuble situé [Adresse 11] dans le quartier de la Montagne Coupée à [Localité 8] comprenant un terrain d'un peu plus de 6 ares et une maison d'habitation en maçonnerie élevée sur deux niveaux, lesdits biens accessibles par la [Adresse 9] se situant à 4 mètres en contrebas de la propriété de Monsieur [B] dont l'accès s'effectue par la [Adresse 10].
La société HB CONCEPT constituée entre M. [D] et Mme [X] entreprenait la réhabilitation de cette construction afin de la transformer en un bâtiment à usage de bureaux destinés à la location.
Une police d'assurance responsabilité civile promoteur était souscrite par la société HB CONCEPT auprès de SMABTP. Dans le cadre de la réhabilitation, la société HB CONCEPT contractait avec deux entreprises, la société [Localité 8] TERRASSEMENT ainsi que la Société CTR.
Les travaux débutaient en juillet 2012 pour une durée de deux mois et demi.
En janvier 2013, les fortes précipitations accompagnant la dépression FREDA avait pour conséquence l'affaissement du terrain entraînant la rupture du muret. La société CTR reconstruisait ledit muret en réalisant au préalable un enrochement d'assise.
Les fortes pluies du mois d'avril 2013 entraînaient de nouveau l'affaissement du terrain et la rupture du muret. En mai 2013 la société HB CONCEPT décidait de procéder à une étude géotechnique du terrain par la société GEOTECH.
Le 02 juillet 2013, un troisième affaissement se produisait entraînant des dégâts sur l''ouvrage appartenant au voisin M. [B].
Le 05 juillet 2013, la société HB CONCEPT déclarait le sinistre auprès de son assureur la SMABTP.
Le 28 octobre 2013, la SMABTP assignait la société HB CONCEPT, Monsieur [B], la Mairie de [Localité 8], la société [Localité 8] TERRASSEMENT et son assureur la compagnie ALLIANZ, la société CTR et son assureur la compagnie GAN concluante aux fins d'expertise judiciaire, laquelle était confiée par ordonnance du 13 novembre 2013 à M. [H].
L'expert judiciaire déposait son rapport le 28 septembre 2014.
La SCI du [Adresse 11] intervenait par voie de requête délivrée le 17 janvier 2018 et a, par la suite repris pour son compte les demandes initialement formulées par la société HB CONCEPT.
La société SCI du [Adresse 11] et la société HB CONCEPT demandaient notamment au tribunal de se prononcer sur les responsabilités et de :
- dire et juger que les sociétés CTR et [Localité 8] TERRASSEMENT sont exclusivement responsables des désordres constatés par l'expert et ont donc engagé leur responsabilité contractuelle à l'égard de la société HB CONCEPT et délictuelle à l'égard de la société SCI du [Adresse 11],
- En conséquence, condamner in solidum la société CTR, sous la garantie de la compagnie d'assurances GAN OUTRE-MER IARD, et la société [Localité 8] TERRASSEMENT, sous la garantie de la compagnie d'assurances ALLIANZ, à payer à la société HB CONCEPT la somme de 1 634 446 XPF au titre de la franchise contractuelle et du coûtde l'exécution et du suivi des travaux de reprise des désordres,
- condamner in solidum la société CTR sous la garantie de la compagnie d'assurances GAN OUTRE-MER IARD, et la société [Localité 8] TERRASSEMENT, sous la garantie de la compagnie d'assurances ALLIANZ, à payer à la société SCI du [Adresse 11] la somme de 12 210 000 XPF au titre de son préjudice financier,
- condamner in solidum les sociétés CTR et [Localité 8] TERRASSEMENT à verser aux requérantes la somme de 600 000 XPF au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens.
La SMABT sollicitait pour sa part de dire que les sociétés [Localité 8] TERRASSEMENT et CTR sont entièrement responsables de l'effondrement du mur de soutènement situé entre la propriété de la SCI DU [Adresse 11] et de Monsieur [B] et de l'affaissement concomitant du terrain de Monsieur [B], dire recevable la demande de la SMABTP en remboursement des frais exposés par elle pour la remise en état du mur outre les frais d'expertise judiciaire et en conséquence :
CONDAMNER solidairement les sociétés [Localité 8] TERRASSEMENT et CTR à payer à la SMABTP la somme de 13.509.756 frs et ce sous la garantie de leurs assureurs respectifs.
A titre subsidiaire :
Si le Tribunal devait retenir un part de responsabilité cle HB CONCEPT, DIRE que cette part de responsabilité de saurai être de plus de 10%. CONDAMNER solidairement les sociétés [Localité 8] TERRASSEMENT et CTR à payer à la SMABTP la somme de 12.158.781 frs sous la garantie de leurs assureurs respectifs.
En tout état de cause :
CONDAMNER solidairement les sociétés [Localité 8] TERRASSEMENT et CTR sous la garantie de leurs assureurs respectifs, ALLIANZ et GAN à payer à la SMABTP la somme de 500.000 frs au visa de l'article 700 du code de procédure civile. CONDAMNER les mêmes aux entiers dépens y compris les frais d'expertise judiciaire avancés par la SMABTP
La société CTR et son assureur, la compagnie GAN outre mer concluaient au débouté des sociétés HB CONCEPT, SCI du [Adresse 11] et SMABTP de leurs entières prétentions et à leur condamnation solidaire à leur payer à la compagnie GAN la somme de 450.000 F.CFP par application de l'article 700 du code de procédure civile
La société [Localité 8] TERRASSEMENT et la compagnie ALLÍANZ sollicitaient du tribunal de débouter la SMABTP, la société HB CONCEPT et la SCI DU [Adresse 11] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions et de condamner solidairement la société HB CONCEPT et la SCI du [Adresse 11] à payer à la société [Localité 8] TERRASSEMENT et la Compagnie d'Assurances ALLIANZ la somme de 350.000 XPF sur le fondement des dispositions de l'article 700 du ncpc ainsi qu'aux entiers.
Par jugement du 23/05/2022, le tribunal de première instance de Nouméa a :
Déclaré irrecevable, l'exception d'incompétence soulevée in limine litis par la société CTR,
Débouté la société HB CONCEPT, la SCI du [Adresse 11] et la SMABTPde leurs entières demandes,
Condamné solidairement la société HB CONCEPT et la SCI du [Adresse 11] à payer à la société [Localité 8] TERRASSEMENT et à la compagnie d'assurance ALLIANZ la somme de 350 000 XPF au titre de l'article 700 du code de procédure civile applicable en Nouvelle-Calédonie,
Condamné la SARL HB CONCEPT à verser à la SARL CTR la somme de 5 50 000 XPF au titre de l'article 700 du code de procédure civile applicable en Nouvelle-Calédonie,
Condamné solidairement la société HB CONCEPT, la SCI du [Adresse 11] ainsi que la SMABTP à payer à la compagnie d'assurances GAN OUTRE-MER la somme de 450 000 XPF au titre de l'article 700 du code de procédure civile applicable en Nouvelle-Calédonie,
Condamné solidairement la société HB CONCEPT et la SCI du [Adresse 11] aux dépens.
Pour se déterminer ainsi, le 1er juge a estimé que la société HB CONCEPT en sa qualité de promoteur était un professionnel de la construction et à ce titre était entièrement responsable pour n'avoir pas commandé préalablement à la réalisation des travaux litigieux, une étude de sols qui aurait été de nature à appréhender les risques d'effondrement et de glissements du terrain de sorte qu'elle doit supporter seule les conséquences de l'entier dommage
PROCÉDURE D'APPEL
Par requête du 18/01/2024, la SMABTP a interjeté appel de la décision rendue et demande à la Cour dans son mémoire ampliatif et ses dernières écritures (récapitulatives N°2)de réformer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :
- Juger que la Sarl [Localité 8] Terrassement et CTR sont entièrement responsables de l'effondrement du mur de soutènement et de l'affaissement concomitant du terrain de M. [B] ;
- juger recevable sa demande en remboursement des frais exposés pour la remise en état du mur outre les frais d'expertise ;
En conséquence,
- Condamner solidairement la Sarl [Localité 8] Terrassement et CTR à lui payer la somme de 13 509 756 Fcfp sous la garantie de leur assureur respectif ;
- A titre subsidiaire, si la cour devait retenir un part de responsabilité de la société HB CONCEPT, dire que cette part de responsabilité ne saurait être de plus de 10%. Et condamner solidairement les sociétés [Localité 8] TERRASSEMENT et CTR à payer à la SMABTP la somme de 12.158.781 frs sous la garantie de leurs assureurs respectifs.
En tout état de cause, condamner solidairement les sociétés [Localité 8] TERRASSEMENT et CTR sous la garantie de leurs assureurs respectifs ALLIANZ et le GAN à payer à la SMABTP la somme de 500.000 frs au visa de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens y compris les frais d'expertise judiciaire avancés par la SMABTP.
Dans ses écritures responsives, la compagnie ALLIANZ demande à la cour :
* A titre liminaire, de déclarer irrecevable la SMABTP sur le fondement de la subrogation conventionnelle et la débouter de toutes ses demandes
* A titre principal, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions ; A titre subsidiaire, si la cour retient une autre responsabilité que celle de la Sarl HB CONCEPT, dire que la Sarl [Localité 8] Terrassement n'a commis aucune faute et débouter la SMABTP de ses demandes de ce chef . En tout état de cause, condamner la SMABTP à lui payer une somme de 400 000 FCFP au titre des frais irrépétibles en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance.
Par conclusions en réplique, la compagnie LE GAN Outre Mer conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et à la condamnation de la SMABTP à lui payer la somme de 400 000 Fcfp sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Elle s'associe aux conclusions d'Allianz sur l'irrecevabilité de la subrogation et s'en rapporte à la hiérarchisation des causes telles que retenues par l'expert
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de la SMABTP
L'assureur peut choisir entre la subrogation légale ou la subrogation conventionnelle. En l'espèce, il ressort du protocole d'accord signé entre, la victime M. [B], la société HB CONCEPTet la SMABTP que l'assureur a indemnisé la victime pour le compte de son assuré à hauteur de la somme de 13 509 756 Fcpf conformément aux garanties > visées dans le contrat.
L'article 23 des conditions générales du contrat d'assurance passé entre la SMABTP et son assurée la Sarl HB CONCEPT renvoyant expressément aux dispositions de l'article L 121-12 du code des assurances stipule en effet que : conformément à l'articleL121, la SMABTP est subrogée à concurrence de l'indemnité payée par elle dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers responsables du dommage. >>
Dès lors, en justifiant de son paiement pour le compte de son assurée intervenu en application de la garantie due au titre du contrat d'assurance, la SMABTP agit en qualité de subrogée dans les droits de la Sarl HB CONCEPT en vertu de la subrogation légale. Elle est par conséquent recevable à agir en cette qualité contre les parties qu'elle estime être responsables du sinistre.
Sur les responsabilités
Dans le cadre de son projet de réhabilitation et modification de la destination de la construction existante, la SCI a chargé la Sarl HB CONCEPT d'aménager les extérieurs de la parcelle. La Sarl HB CONCEPT a confié à la société [Localité 8] Terrassement, les travaux de terrassement avec dessouchage et abattage de deux 2 lychees implantés sur le terrain et reprofilage du talus. La Sarl CTR s'est vue confier l'enlèvement d'un muret situé en bas de pente à l'arrière du bâtiment et sa reconstruction ainsi que des travaux de VRD.
L'expert relève que les études géotechniques commandées après l'affaissement du terrain ont montré que les essais réalisés mettaient en évidence une couche superficielle, d'environ 2m d'épaisseur, constituée de remblais hétérogènes puis un sol argileux jusqu'à 8 à 9 m de profondeur. Il concluait que les sols étaient superficiellement peu compacts et de portance faible à moyenne jusqu'à 8,50 m de profondeur environ. Il estimait que les travaux de terrassements réalisés ont conduit à la création de vides qui, remblayés sans compactage lors du reprofilage ont crée des poches de faiblesse dans ce terrain remanié.
L'expert judiciaire dans son rapport retient les responsabilités suivantes dans la cause des désordres
1/ l'entreprise [Localité 8] TERRASSEMENT qui a effectué les travaux sans se préoccuper de la configuration des lieux,
2/ l'entreprise CTR qui a exécuté un ouvrage sans se préoccuper des contraintes réelles d'exécution,
3/ HB CONCEPT qui n'a pas préalablement aux travaux, analysé ou fait analyser les particularités du site,
4/ M. [B] qui par méconnaissance n'a pas ou mal collecté les eaux de ruissellement sur son terrain ;
5/ HB CONCEPT qui n'a pas effectué de demande de permis de construire se privant par conséquent des descriptions des services administratifs alors que celui-ci était obligatoire à tout le moins s'agissant du changement de destination des locaux.
Comme analysé par le 1er juge, les désordres proviennent de la réalisation de travaux de terrassement et de construction d'un muret qui ont déstabilisés les sols en place parce qu'ils ont été réalisés sans tenir compte de la qualité du terrain. La connaissance des caractéristiques géo-mécaniques médiocres des sols aurait permis d'anticiper l'affaissement éventuel du terrain en permettant une bonne gestion des eaux de ruissellement et en confortant le talus. Il en résulte que l'analyse préalable des sols aurait permis d'appréhender les spécificités du terrain et d'exécuter les travaux préalables qui s'imposaient.
En effet, l'expert n'a pas stigmatisé en soi la mauvaise réalisation des travaux mais leur exécution sans précaution.
Répondant à un dire de la société CRT, l'expert considérait ainsi que le mur séparatif édifié au droit d'un changement de niveaux des terres constituait bien un mur de soutènement et qu'il était à l'origine, par sa construction en vis à vis des terres en amont, de la modification du cheminement originel d'écoulement des eaux, qu'il a engendré leur accumulation et contribué par saturation des terres à diminuer les caractéristiques géo mécaniques des sols en place. En page 10 de son rapport, il précisait en réponse à un autre dire que la configuration des deux arbres enlevés supposait un volume de souche conséquent ; les vides créés après dessouchage n'ont pu être que profilés avec les déblais du site, non compactés, affaiblissant par voie de conséquence la partie basse du talus et son rôle de butée ; les travaux effectués par [Localité 8] Terrassement ont contribué à la déstabilisation des sols en place.
C'est donc bien l'absence d'études préalables des sols qui est la cause première des désordres et il convient de rechercher la responsabilité des intervenants sur la base de l'obligation de conseil.
Il est de principe que l'entrepreneur particulièrement qualifié dans son domaine est redevable envers le maître de l'ouvrage d'une obligation de conseil sur tous les aspects de la construction et notamment sur les risques du sol. En leur qualité de professionnels de la construction, la société [Localité 8] TERRASSEMENT et la CTR, professionnels du BTP se devaient avant d'exécuter les travaux de se renseigner sur l'état des sols. En ne le faisant pas, elles ont commis une faute engageant leur responsabilité envers le maître de l'ouvrage.
Aux termes de l'article 1832 du code civil, applicable en Nouvelle Calédonie, le contrat de promotion immobilière est un mandat d'intérêt commun par lequel une personne dite " promoteur immobilier " s'oblige envers le maître d'un ouvrage à faire procéder, pour un prix convenu, au moyen de contrats de louage d'ouvrage, à la réalisation d'un programme de construction d'un ou de plusieurs édifices ainsi qu'à procéder elle-même ou à faire procéder, moyennant une rémunération convenue, à tout ou partie des opérations juridiques, administratives et financières concourant au même objet. Ce promoteur est garant de l'exécution des obligations mises à la charge des personnes avec lesquelles il a traité au nom du maître de l'ouvrage. Il est notamment tenu des obligations résultant des articles 1792, 1792-1, 1792-2 et 1792-3 du présent code. Si le promoteur s'engage à exécuter lui-même partie des opérations du programme, il est tenu, quant à ces opérations, des obligations d'un locateur d'ouvrage
La Sarl HB CONCEPT dit être intervenue en qualité de promoteur, chargée pour le compte de la SCI [Adresse 7] de réhabiliter une construction existante Le contrat passé entre la Sarl HB CONCEPT et le maître de l'ouvrage n''est pas produit au dossier et il n'est pas contesté que les gérants de la SCI sont également gérants de la Sarl HB CONCEPT. Si les articles du code de la construction et de l'habitation relatifs au contrat de promotion ne sont pas applicables en Nouvelle Calédonie, il n'en reste pas moins que la définition du contrat telle que contenue dans le code civil est transposable. En vertu du mandat d'intérêt commun la liant à la SCI [Adresse 7], la Sarl HB CONCEPT se devait de procéder à la réalisation du programme de construction procédant elle-même aux opérations juridiques, administratifs et financières. A ce titre, elle aurait dû s'assurer, avant travaux, de la qualité des sols et à défaut, solliciter une étude de sols.
La société HB CONCEPT soutenait, ce que repris par la SMABTP, qu'elle était profane en la matière et qu'elle n'avait pas les compétences utiles pour savoir si une étude de sols était nécessaire, se reposant sur les deux sociétés avec qui elle avait traité et qui étaient redevables à son encontre d'une obligation de conseil.
L'extrait Kbis de la société HB CONCEPT mentionne au titre de l'objet social, entre autres activités, la réalisation de toutes constructions individuelles ou collectives. Cette société a été créé en 2006 de sorte qu'elle n'était pas profane en la matière et connaissait nécessairement la médiocrité de certains sols et la précaution à prendre en recourant à une étude de sol avant de procéder à l'arrachage de sols et avant de réaliser des travaux de terrassement sur un terrain pentu.
Elle est intervenue en qualité de promoteur et non en qualité de maître de l'ouvrage délégué de sorte que la qualité de professionnel de la construction doit lui être reconnue. A ce titre, elle a engagé sa responsabilité envers le maître de l'ouvrage faute de s'assurer que les constructions envisagées étaient compatibles avec la nature du terrain.
Par ailleurs, chacune des entreprises se devait de réaliser les travaux dans les règles de l'art et à ce titre la société [Localité 8] Terrassement et la société CTR devaient s'assurer de la faisabilité des travaux et de leur conséquences et l'absence de réalisation par la Sarl HB CONCEPT de l'étude de sols ne les exonérait pas envers la SCI de leurs obligations de vérifier que les ouvrages envisagés étaient compatibles avec la nature du terrain. Les responsabilités de la Sarl [Localité 8] Terrassement, de la société CTR et de la Sarl HB CONCEPT sont retenues.
Dans les rapports entre les constructeurs et le promoteur, eu égard aux fautes respectives commises, la responsabilité des entreprises de constructions qui sont spécialisées dans leur domaine respectif sera retenue à raison de 40% chacune et celle de la Sarl HB CONCEPT à hauteur de 20 %. Le jugement sera réformé de ce chef
La SMABTP a réglé pour le compte de son assuré la somme de13 509 756 Fcfp au titre des travaux d'urgence, des travaux de reprise ainsi que le coût des bureaux d'étude selon factures produites. Elle est bien fondée à se retourner contre la Sarl [Localité 8] Terrassement et la Sarl CRT sous la garantie de leur assureur respectif à hauteur de 40 % chacune les recours se partageant chacune pour la part dont elle est tenue.
sur l'article 700
Il est équitable d'allouer à la SMABTP qui a dû se défendre en justice la somme de 500 000 FCFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. La société [Localité 8] Terrassement et la société CTR seront condamnées in solidum, sous la garantie de Allianz et de la compagnie LE GAN Outre Mer à lui payer cette somme.
Sur les dépens de l'appel
Les sociétés [Localité 8] Terrassement et CTR succombant au principal supporteront in solidum les dépens de la procédure, sous la garantie de leur assureurs respectifs
Les frais d'expertise seront répartis proportionnellement au coefficient de responsabilité retenue.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme la décision et statuant à nouveau :
Déclare recevable l'action subrogatoire de la SMABTP,
Dit que les sociétés [Localité 8] Terrassement, CTR et HB CONCEPT ont commis des fautes vis à vis du maître de l'ouvrage qui engagent leur responsabilité;
Dit que dans leurs rapports entre elles, la part de responsabilité sera supportée par la Sarl [Localité 8] Terrassement et CTR à hauteur de 40 % chacune et la part de Sarl HB CONCEPT à hauteur de 20 % ;
Dit que la SMABTP intervient en qualité de subrogée dans les droits de son assurée la Sarl HB CONCEPT ;
Constate qu'elle a réglé la somme de 13 509 756 Fcfp en réparation des désordres ;
Condamne la Sarl [Localité 8] Terrassement sous la garantie de la compagnie ALLIANZà payer à la SMABTP la somme de 5 403 902 Fcfp ;
Condamne la Sarl CTR sous la garantie de son assureur, la compagnie LE GAN Outre Mer à payer à la SMABTP la somme de 5 403 902 Fcfp ;
Condamne in solidum la Sarl [Localité 8] Terrassement et la Sarl CTR sous la garantie de leur assureur respectif à payer à la SMABTP la somme de 500 000 Fcfp sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit que les frais d'expertise seront réparties entre les sociétés [Localité 8] Terrassement et CTR et la SMABTP, cette dernière en qualité de subrogée dans les droits de la Sarl HB CONCEPT à proportion de leur part de responsabilité ;
Condamne in solidum la Sarl [Localité 8] Terrassement et la Sarl CTR sous la garantie de leur assureur respectif aux dépens de l'instance.
Le greffier, Le président.