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Décisions

CA Limoges, ch. civ., 4 septembre 2025, n° 23/00824

LIMOGES

Arrêt

Autre

CA Limoges n° 23/00824

4 septembre 2025

ARRET N° .

N° RG 23/00824 - N° Portalis DBV6-V-B7H-BIQHK

AFFAIRE :

M. [K] [B]

C/

M. [X] [U], Mme [L] [N]

GS / TT

Autres demandes relatives à la vente

Grosse délivrée aux avocats

COUR D'APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE CIVILE

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ARRET DU 04 SEPTEMBRE 2025

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Le QUATRE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ la chambre civile a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :

ENTRE :

Monsieur [K] [B]

né le 04 Juillet 1981 à [Localité 3],

demeurant [Adresse 9]

représenté par Me Philippe CHABAUD, avocat au barreau de LIMOGES

APPELANT d'une décision rendue le 21 SEPTEMBRE 2023 par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE [Localité 4]

ET :

Monsieur [X] [U]

né le 11 Octobre 1983 à [Localité 5],

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Frédéric LONGEAGNE, avocat au barreau de LIMOGES

Madame [L] [N]

née le 30 Janvier 1992 à [Localité 2] (64),

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Frédéric LONGEAGNE, avocat au barreau de LIMOGES

INTIMES

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Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l'affaire a été fixée à l'audience du 12 Juin 2025. L'ordonnance de clôture a été rendue le 07 mai 2025.

La Cour étant composée de Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, de Monsieur Gérard SOURY et de Madame Stéphanie GASNIER, Conseillers, assistés de Madame Line MALLEVERGNE, Greffier. A cette audience, Monsieur Gérard SOURY, Conseiller, a été entendu en son rapport, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.

Puis Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 04 Septembre 2025 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

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LA COUR

FAITS et PROCÉDURE

Par acte notarié du 14 octobre 2019, M. [K] [B] a vendu à M. [X] [U] et à Mme [L] [N] une maison située [Adresse 6], à [Localité 7] (87) pour un prix de 180 000 euros.

Se plaignant d'infiltrations, les acquéreurs ont saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Limoges, qui le 24 mars 2021 a ordonné une expertise confiée à M. [A] [E], lequel a déposé son rapport le 23 novembre 2021.

Le 18 mai 2022, les acquéreurs ont assigné leur vendeur devant le tribunal judiciaire de Limoges pour obtenir, sur le fondement des articles 1792 et 1641 du code civil, la restitution d'une partie du prix de vente, ainsi que l'indemnisation de leurs préjudices matériel et de jouissance.

Par jugement du 21 septembre 2023, le tribunal judiciaire a condamné le vendeur à payer aux acquéreurs:

81 411,81 euros TTC, indexés, en restitution d'une partie du prix de vente,

5 000 euros en réparation du préjudice de jouissance.

Le vendeur a relevé appel de ce jugement.

Le 29 octobre 2024, le conseiller de la mise en état a sollicité les explications des parties sur l'applicabilité des dispositions de l'article 1792-1 du code civil.

MOYENS et PRÉTENTIONS

M. [B], vendeur, conclut au rejet des demandes des acquéreurs en soutenant que ces derniers, qui ont visité l'immeuble en compagnie de professionnels du bâtiment, avaient conscience de problèmes d'étanchéité puisqu'ils avaient prévu de faire réaliser des travaux de cet ordre, et qu'ils en ont pris prétexte pour négocier le prix de vente à la baisse. Il ajoute que l'acte notarié d'acquisition du 14 octobre 2019 comporte une clause d'exclusion de la garantie des vices cachés dont il a vocation à bénéficier dès lors que lui-même n'avait pas connaissance des infiltrations. Enfin, il fait valoir que les acquéreurs ne peuvent tout à la fois être indemnisés du coût des travaux de reprise et obtenir la restitution d'une partie du prix de vente.

M. [U] et Mme [N], acquéreurs appelants incidents, demandent que l'indemnisation des travaux de reprise soit portée au montant de 89 588,26 euros, indexés, incluant la reprise des menuiseries extérieures et du parquet flottant stratifié. Ils sollicitent 40 800 en réparation de leur préjudice de jouissance, ainsi qu'une somme de 100 000 euros en restitution d'une partie du prix de vente en faisant état d'un préjudice administratif tenant au fait que l'extension de l'immeuble vendu a été réalisée sans autorisation administrative.

MOTIFS

Sur l'obligation à garantie de M. [B], vendeur de l'immeuble.

Il sera préalablement rappelé que les consorts [R], acquéreurs de l'immeuble, recherchent la garantie de M. [B] pour lui réclamer tout à la fois :

l'indemnisation des travaux de reprise sur le fondement de la garantie décennale due par les constructeurs (article 1792 et suivants du code civil),

la restitution d'une partie du prix de vente sur le fondement de l'action estimatoire prévue par l'article 1644 du code civil dans le cadre de la garantie des vices cachés,

la réparation d'un préjudice de jouissance.

Le litige concerne exclusivement l'extension immobilière construite dans le courant de l'année 2014 par M. [B], aidé de son père maçon, sans permis de construire préalable, alors que cet ouvrage nécessitait pourtant cette formalité (rapport d'expertise judiciaire de M. [E] p. 7, 8 et 21).

L'expert judiciaire a constaté les infiltrations et les fissurations infiltrantes affectant l'ouvrage dont la couverture présente une pente trop faible, ainsi que des malfaçons dans l'assemblage de ses éléments, l'empêchant de remplir son office d'étanchéité (rapport p. 13 à 17). Il indique que l'ouvrage est 'hors norme', relevant du 'bricolage' (rapport p. 18), réalisé sans respect des règles de l'art dans la conception comme dans l'exécution (rapport p. 21).

L'expert précise que les malfaçons, qui n'étaient pas décelables pour un non- professionnel, rendent l'extension impropre à sa destination, sans toutefois porter atteinte à sa solidité (rapport p. 22).

Il ne saurait être fait reproche aux consorts [R] d'avoir maladroitement tenté de remédier ou d'atténuer les infiltrations par des colmatages au moyen de mastic ou joints en silicone, ces opérations n'ayant pas eu pour effet d'aggraver les désordres qui procèdent de malfaçons commises lors des opérations de construction.

L'expert judiciaire se prononce clairement pour une démolition de l'ouvrage suivie de sa reconstruction qui lui apparaît la seule solution de reprise envisageable (rapport p. 22 et 28).

Cependant, cette solution ne peut être retenue en l'espèce car sa mise en oeuvre est empêchée par des raisons administratives.

En effet, les consorts [R] ont saisi le Maire de [Localité 8] de la question de la réalisation de ces travaux de démolition-reconstruction, et celui-ci leur a délivré un certificat d'urbanisme en date du 31 janvier 2022 dont l'article 1er certifie que de tel travaux ne peuvent être exécutés sur l'immeuble en cause, faute d'être nécessaires à une exploitation agricole.

Il s'ensuit que la question de l'indemnisation des travaux de reprise est devenue sans objet compte tenu du refus de la municipalité de les autoriser.

Les consorts [R] sollicitent la restitution d'une partie du prix de vente sur le fondement de l'action estimatoire prévue par l'article 1644 du code civil dans le cadre de la garantie des vices cachés.

Il résulte du rapport de l'expert judiciaire que les désordres constatés, qui rendent l'ouvrage impropre à sa destination, constituent des défauts cachés, puisque non décelables par un non-professionnel de la construction, qui préexistaient à la vente puisqu'ils sont la conséquence de malfaçons commises lors des opérations de construction de l'ouvrage. Les consorts [R] ont pris conscience de ces désordres dès novembre 2019 et ils ont saisi le juge des référés aux fins d'expertise le 8 février 2020.

M. [B], constructeur de l'extension, qui, dans un courrier du 9 novembre 2020 adressé aux acquéreurs, revendique expressément sa qualité de professionnel du bâtiment depuis plus de 21 ans, est présumé avoir eu connaissance des vices affectant le bien vendu et il ne peut se prévaloir de la clause d'exclusion de garantie insérée en p. 9 de l'acte notarié de vente du 14 octobre 2019. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu que M. [B] était tenu à garantie.

Sur l'action estimatoire des consorts [R].

Les consorts [R] ont acquis le bien immobilier au prix de 180 000 euros, la maison d'habitation représentant un prix de 174 600 euros, le surplus de 5 400 euros correspondant à des meubles.

L'extension sujette aux infiltrations correspond à un espace de vie représentant une surface habitable de 35,5 m².

Pour s'opposer à la restitution d'une partie du prix de vente, M. [B] soutient que les désordres affectant l'extension ont été pris en compte dans la négociation du prix de vente de l'immeuble.

Il est indéniable qu'une négociation est bien intervenue entre les parties, puisque M. [B] réclamait initialement un prix de 200 000 euros et que l'immeuble a finalement été vendu 180 000 euros.

Cependant, il s'avère que cette baisse de prix n'a pas été motivée par les désordres dont M. [B] soutient expressément dans ses écritures d'appel (p. 5 et 6) qu'il n'avait pas connaissance. On ne voit, dès lors, pas comment des désordres ignorés du vendeur auraient pu entrer dans la négociation qui s'est tenue entre les parties. Le jugement sera confirmé sur ce point.

L'expert judiciaire indique en p. 24 de son rapport: 'L'existence légale de l'extension serait remise en cause', cet ouvrage ayant été réalisé sans permis de construire. Il n'est cependant pas justifié d'une demande administrative de démolition.

En l'état du refus opposé par la mairie à des travaux de démolition-reconstruction de l'extension, les acquéreurs se trouvent de fait contraints de conserver cet ouvrage dont ils ne pourront pas profiter sereinement, en conformité avec sa destination d'espace de vie, compte tenu des infiltrations d'eau dont il est affecté. Ils pourront seulement tenter de recourir à des solutions de fortune pour tenter d'atténuer ces infiltrations dont l'expert judiciaire a d'ores et déjà constaté les conséquences dommageables sur les tapisseries et les boiseries.

En outre, cette situation générera inévitablement une moins-value à la revente.

Il est évident que les consorts [R] n'auraient pas offert le prix de 174 600 euros pour une maison d'habitation dont l'extension de 35,5 m² à usage d'espace de vie s'avère être impropre à cette destination. Les premiers juges ont fait une juste appréciation de la dépréciation du bien immobilier consécutive à cette situation en fixant à 81 411,81 euros, indexés, le montant de la partie du prix de vente que M. [B] devra restituer aux acquéreurs.

Sur le préjudice de jouissance.

Le préjudice de jouissance subi par les consorts [R] a été pris en compte dans l'évaluation de la partie du prix de vente que M. [B] est condamné à leur restituer. Il n'y a pas lieu de leur allouer des dommages-intérêts complémentaires de ce chef.

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PAR CES MOTIFS

La Cour d' appel statuant publiquement, par décision Contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

CONFIRME le jugement rendu le 21 septembre 2023 par le tribunal judiciaire de Limoges, sauf en sa disposition condamnant M. [K] [B] à payer à M. [X] [U] et à Mme [L] [N] une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance ;

Statuant à nouveau de ce chef,

REJETTE la demande de M. [X] [U] et de Mme [L] [N] en paiement de dommages-intérêts pour trouble de jouissance ;

CONDAMNE M. [K] [B] à payer à M. [X] [U] et à Mme [L] [N] une somme globale de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [K] [B] aux entiers dépens.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

Line MALLEVERGNE. Corinne BALIAN.

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