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Décisions

CA Besançon, 1re ch., 3 septembre 2025, n° 25/00043

BESANÇON

Arrêt

Autre

CA Besançon n° 25/00043

3 septembre 2025

MW/[Localité 6]

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° de rôle : N° RG 25/00043 - N° Portalis DBVG-V-B7J-E3I7

COUR D'APPEL DE BESANÇON

1ère chambre civile et commerciale

ARRÊT DU 03 SEPTEMBRE 2025

Décision déférée à la Cour : ordonnance du 18 novembre 2024 - RG N°2024JC333 - JUGE COMMISSAIRE DE LONS-LE-SAUNIER

Code affaire : 4DC - Appel sur une décision du juge commissaire relative à l'admission des créances

COMPOSITION DE LA COUR :

M. Michel WACHTER, Président de chambre.

Greffier : Mme Fabienne ARNOUX, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.

DEBATS :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 juin 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés devant M. Michel WACHTER, président, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour à M. Cédric SAUNIER et Bénédicte MANTEAUX, conseillers.

L'affaire oppose :

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

SA BNP PARIBAS prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés pour ce audit siège

Sise [Adresse 1]

Immatriculée au RCS de [Localité 9] sous le numéro 662 042 449

Représentée par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT - PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant

Représentée par Me Bertrand CHAMBREUIL, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

ET :

INTIMÉES

SELARL [B] ASSOCIES prise en la personne de son gérant en exercice pris en la personne de Maître [H] [B], ès qualités de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la SAS JURAVO et désormais commissaire à l'exécution du plan

Sise [Adresse 4]

Immatriculée au RCS de [Localité 5] sous le numéro 949 295 968

Défaillante, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 22 janvier 2025

SELARL AJ PARTENAIRES prise en la personne de son gérant en exercicereprésentée par Me [J] [N] et [O] [S], pris en leur qualité d'administrateur judiciaire à la procédure collective de la SAS JURAVO (le jugement indiquant par erreur une SELARL [I] [R] et [Y] [C])

Sise [Adresse 3]

Immatriculée au RCS de [Localité 8] sous le numéro 479 375 743

Défaillante, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 22 janvier 2025

JURAVO prise en la personne de ses représentants légaux

Sise [Adresse 2]

Immatriculée au RCS de [Localité 7] ler Saunier sous le numéro 485 370 316

Représentée par Me Boris LASSAUGE de la SELARL SENTINELLE AVOCATS, avocat au barreau de JURA, avocat postulant

Représentée par Me Olivier AUTIER de l'EURL OA LAW, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

ARRÊT :

- DEFAUT

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Michel WACHTER, président de chambre et par Mme Fabienne ARNOUX, greffier lors du prononcé.

*************

Par jugement du 6 janvier 2023, le tribunal de commerce de Lons le Saunier a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SAS Juravo, et a désigné la SELARL AJ Partenaires, prise en la personne de Maître [J] [N] et de Maître [O] [S] en qualité d'administrateur judiciaire, ainsi que la SELARL [B] Associés, prise en la personne de Maître [H] [B], en qualité de mandataire judiciaire.

Par lettre recommandée du 27 février 2023, la SA BNP Paribas a notamment déclaré entre les mains du mandataire judiciaire une créance à titre chirographaire d'un montant total de 550 000 euros résultant de deux billets à ordre de montants et échéances respectifs 350 000 euros au 23 janvier 2023 et 200 000 euros au 22 février 2023.

Le mandataire judiciaire a contesté cette créance à hauteur de la somme de 96 316,29 euros.

La société BNP Paribas a sollicité l'admission de sa créance pour le montant de 550 000 euros, indiquant qu'il s'agissait de sa créance à la date de l'ouverture de la procédure.

La société Juravo s'y est opposée, faisant valoir que le solde positif de son compte courant ne lui avait pas été restitué par la banque, et qu'il ne pouvait avoir été compensé antérieurement à l'ouverture de la procédure avec la créance déclarée, qui n'était pas encore échue, ni postérieurement, faute de connexité et d'aval du juge-commissaire.

Par ordonnance du 18 novembre 2024, le juge-commissaire du tribunal de commerce de Lons le Saunier a :

- constaté l'existence d'une contestation sérieuse qui excède l'office juridictionnel du juge commissaire ;

Et, conséquence,

- renvoyé les parties à mieux se pourvoir devant la juridiction du fond compétente ;

- rappelé que la saisine de la juridiction compétente doit être effectuée dans un délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de la présente ordonnance, à peine de forclusion à moins d'appel dans les cas où cette voie de recours est ouverte, conformément aux dispositions de l'article R. 624-5 du code de commerce ;

- dit qu'il sera tiré toutes conséquences utiles du défaut de saisine de la juridiction du fond compétente ;

- sursis à statuer dans l'attente du prononcé d'une décision définitive et ayant autorité de la chose jugée réglant le litige opposant les parties ;

- passé les frais de la présente procédure en frais privilégiés de la procédure collective.

Pour statuer ainsi, le premier juge a retenu :

- que le fait que la société BNP ait conservé le solde positif du compte courant de la société Juravo sans indiquer quand elle avait compensé les sommes apportait une difficulté puisque, soit la compensation avait eu lieu avant l'ouverture de la procédure collective, auquel cas elle était illégale comme n'ayant pu intervenir entre des sommes respectivement échues et à échoir, soit elle avait eu lieu après cette ouverture, ce qui supposait essentiellement une connexité entre les créances ;

- que la banque ne voulait pas indiquer quand elle avait procédé à la compensation, et qu'il était impossible au juge d'aller plus avant alors qu'il ne disposait pas du pouvoir d'obliger la banque à lui communiquer cette date ;

- que traiter le sort de la créance de la société BNP sans prendre en compte celui du solde positif du compte courant n'était pas possible.

La société BNP Paribas a relevé appel de cette décision le 10 janvier 2025.

Par conclusions récapitulatives et en réplique transmises le 5 mai 2025, l'appelante demande à la cour :

Vu les articles L. 622-25 et L. 624-2 du code de commerce,

- de recevoir la SA BNP Paribas en son appel ;

- de déclarer mal fondée la société Juravo dans son appel incident ainsi que dans sa contestation dépourvue de tout caractère sérieux ;

- de débouter la société Juravo de l'intégralité de ses demandes fins et conclusions ;

- d'infirmer l'ordonnance déférée en ses dispositions suivantes :

* constatons l'existence d'une contestation sérieuse qui excède l'office juridictionnel du juge-commissaire ;

En conséquence,

* renvoyons les parties à mieux se pourvoir devant la juridiction du fond compétente ;

* disons qu'il appartiendra à la BNP Paribas de saisir la juridiction compétente ;

* rappelons que la saisine de la juridiction compétente doit être effectuée dans un

délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de la présente ordonnance, à peine de forclusion à moins d'appel dans les cas où cette voie de recours est ouverte, conformément aux dispositions de l'article R 624-5 du code de commerce ;

* sursoyons à statuer dans l'attente du prononcé d'une décision définitive et ayant

autorité de la chose jugée réglant le litige opposant les parties ;

Et statuant à nouveau,

- de prononcer l'admission de la créance déclarée par BNP Paribas au titre du billet à ordre du 23 octobre 2022 d'un montant de 350 000 euros à échéance au 23 janvier 2023 et du billet à ordre du 22 novembre 2022 d'un montant 200 000 euros à échéance au 22 février 2023, soit pour la somme totale de 550 000 euros à titre chirographaire à échoir.

Par conclusions notifiées le 1er avril 2025, la société Juravo demande à la cour :

Vu le code civil et en particulier ses articles 1347 et suivants, 1347-1 et 1348-2,

Vu le code de commerce et en particulier ses articles L. 622,7, L. 622-25, L. 622-28, L.624-2,

L. 624-9, L. 626-9 et suivants, L. 631-1, L. 654-8, R. 621-4, R. 624-5, R. 624-13, R. 631-7 et

R. 641-1,

Vu le code de procédure civile et en particulier ses articles 9, 696, 699 et 700,

A titre principal :

Si la cour considère qu'il existe une contestation sérieuse n'excédant pas son office juridictionnel et qu'aucune compensation n'est possible.

- d'infirmer l'ordonnance déférée en ses dispositions suivantes :

* constatons l'existence d'une contestation sérieuse qui excède l'office juridictionnel du Juge-Commissaire ;

En conséquence,

* renvoyons les parties à mieux se pourvoir devant la juridiction du fond compétente ;

* disons qu'il appartiendra à la BNP Paribas de saisir la juridiction compétente ;

* rappelons que la saisine de la juridiction compétente doit être effectuée dans un délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de la présente ordonnance, à peine de forclusion à moins d'appel dans les cas où cette voie de recours est ouverte, conformément aux dispositions de l'article R 624-5 du code de commerce ;

* sursoyons à statuer dans l'attente du prononcé d'une décision définitive et ayant autorité de la chose jugée réglant le litige opposant les parties ;

* passons les frais de la présente ordonnance en frais privilégiés de la procédure collective ;

* ordonnons au greffier de ce siège, de notifier la présente décision par lettre recommandée avec accusé de réception à toutes les parties en cause ;

* passons les frais de la présente procédure en frais privilégiés de la procédure collective ;

Et statuant à nouveau,

- de dire et juger, s'agissant de la nature des créances déclarées par la sociéte BNP Paribas à la date du jugement d'ouverture :

- que les créances déclarées par la société BNP Paribas doivent s'analyser comme des créances antérieures n'ouvrant pas droit à intérêt et ayant la nature suivante :

' créance d'un montant 350 000 euros à échoir (échéance au 23 janvier 2023) au titre d'un premier contrat de crédit court-terme ;

' créance d'un montant 200 000 euros à échoir (échéance au 22 février 2023) au titre d'un second contrat de crédit court-terme ;

- de dire et juger, s'agissant du quantum déclaré par la sociéte BNP Paribas à la date du jugement d'ouverture :

- que :

' en premier lieu : dans le courriel adressé le 23 février 2023 à 17 h13 par la société BNP Paribas à l'administrateur judiciaire, la banque annonce opérer la compensation dans la déclaration de créance : « Dans notre déclaration des créances qui est en cours de préparation, nous allons nous prévaloir des dispositions de l'article L622-7 du code de commerce et opérer la compensation à due concurrence entre les deux billets à ordre impayés et le solde du compte n° 30004 02482 00010216952 ouvert sur les livres de l'agence Franche Comté entreprises créditeur à la date du jugement d'ouverture de 96 316,29 euros » ;

' en deuxième lieu : dans sa déclaration de créance la société BNP Paribas ne précise pas à quelle date a été « opérée la compensation » ;

' en troisième lieu : lors de l'audience qui s'est tenue devant M. le juge commissaire, la société BNP Paribas a refusé d'indiquer à quelle date elle avait opéré ladite compensation ;

- que, compte tenu de l'attitude de la société BNP Paribas, il est impossible de savoir avec certitude si une compensation est intervenue à la date du jugement d'ouverture ou postérieurement et donc quel est le montant des créances existantes à la date du jugement d'ouverture ;

- de dire et juger, s'agissant de la date de compensation :

- que :

' le 11 janvier 2023 - 10h02, l'administrateur judiciaire a sollicité de la société BNP Paribas qu'elle procède au virement du solde disponible sur le compte « redressement judiciaire » ;

' malgré plusieurs relances (16 janvier 2023 - 16h43, 20 janvier 2023 - 09h14, 26 janvier 2023 - 14h07 - 23 février 2023 - 17h10), la société BNP Paribas n'a pas procédé au virement demandé, se comportant comme si elle était propriétaire des fonds, opérant ainsi une compensation de fait entre ses créances et le solde du compte courant ;

' ces agissements caractérisent, soit une rétention abusive des fonds du débiteur en procédure, soit une compensation de fait ;

- que si une compensation d'office est intervenue à la date d'ouverture, elle devra nécessairement être déclarée abusive puisque les créances n'étaient pas échues à cette date, mais aussi contraire au principe de l'obligation de déclaration préalable des créances en matière de compensation en redressement judiciaire, sans compter que la société BNP Paribas aurait dû spontanément minorer sa déclaration de créance à due concurrence des sommes compensées, ce qu'elle n'a pas fait ;

- que si une compensation d'office est intervenue après la date d'ouverture, elle devra là encore être déclarée abusive puisque la société BNP Paribas s'est octroyée l'usage des fonds et a opéré la compensation à un moment où ses créances n'étaient pas échues, mais aussi avant de déclarer ses créances, le tout sans obtenir l'autorisation de M. le juge commissaire, sans compter qu'elle n'a pas minoré spontanément sa déclaration de créance à due concurrence des sommes compensées ;

- que dans l'hypothèse d'une absence de compensation, les agissements de la société BNP Paribas caractériseraient une rétention abusive et fautive des fonds appartenant au débiteur, voir un paiement illicite d'une dette antérieure ;

qu'en effet, l'article L 622-7 du code de commerce interdit non seulement le paiement d'une créance antérieure à l'exception de la compensation de créances connexes, mais de surcroit toute rétention abusive contrevient aux dispositions de l'article L 631-1 du même code qui prévoit notamment : « La procédure de redressement judiciaire est destinée à permettre la poursuite de l'activité de l'entreprise » ;

- de dire et juger, s'agissant de la connexité alléguée :

- qu'en l'absence de clause contractuelle dite de « confusion » - dont la société BNP Paribas ne justifie pas malgré la demande qui lui avait été formulée par l'administrateur judiciaire - la compensation pour connexité est impossible ;

- qu'en effet, un compte courant bancaire et des billets à ordres pris comme instruments financiers de prêts courts-termes n'ont, ni la même nature, ni la même fonction, ni le même régime juridique ;

- que malgré ce, contrairement à ce qu'elle soutient de façon mensongère, la société BNP Paribas n'a jamais entendu se prévaloir « le cas échéant » d'une compensation, mais l'a opérée et continue de considérer qu'il serait actuellement légitime de ne pas restituer les fonds

appréhendés par elle ;

- que la non-restitution du solde du compte courant :

' matérialise une compensation, laquelle a été opérée de fait par la société BNP Paribas depuis l'ouverture de redressement judiciaire (6 janvier 2023) et à tout le moins depuis la date de la demande de virement dudit solde sur le compte « redressement judiciaire » telle que formulée par son administrateur judiciaire et restée sans (sic) ;

' fausse le montant de la créance réellement due à la banque en vue de permettre son désintéressement dans le cadre du plan sans qu'il soit tenu compte des sommes retenues par elle, de sorte qu'il n'est pas possible sans débat au fond d'admettre la créance déclarée à hauteur de 550 000 euros ;

' constitue un acte de disposition infondé et préjudiciable sur son patrimoine, voire la matérialisation d'un paiement irrégulier et potentiellement illicite d'une créance antérieure (fait susceptible de caractériser une infraction et le prononcé des condamnations prévues à l'article L. 654-8 du code de commerce) ;

- de dire et juger, s'agissant du quantum compensé ou retenu :

- que le solde du compte courant retenu de manière illicite ou ayant donné lieu à une compensation d'office est de 98 939,01 euros, étant précisé que la somme de 2 622,72 euros (correspondant aux opérations débitées sans mention de date de valeur) aurait dû être déclarée au passif ; déclaration qui n'a pas été faite et qui rend de facto cette créance inopposable à la procédure ;

- que le compte bancaire supposé être « clôturé » a continué de fonctionner sans que la société

Juravo ne soit informée des sommes créditées, ce qui constitue un fait de nature à fausser le montant de la créance due à la société BNP Paribas dans le cadre du plan ;

- qu'en outre, bien que les documents communiqués au mois de juillet 2024 par la société BNP

Paribas ne donnent qu'une vision parcellaire des mouvements du compte bancaire de la

société Juravo déclaré clôturé, il est incontestable que la société BNP Paribas retient illégalement ou a compensé en sus du reste, une somme représentant à minima 663,91 euros ;

- de dire et juger, s'agissant de la compétence juridictionnelle et de l'évidence :

- que dans la mesure où la demande de compensation figure dans la déclaration de créance de la société BNP Paribas, il doit être considéré que cette mention emporte saisine du juge sur ce point dans le cadre de la procédure de constestations de créance subséquente, ainsi que de la cour d'appel en raison de l'effet dévolutif de l'appel ;

qu'en effet, il n'est pas possible de dissocier une partie de la déclaration afin d'écarter des débats un point au motif qu'il est considéré comme problématique par la société BNP Paribas ;

- qu'il est évident et incontestable que la société BNP Paribas a compensé à tort diverses

sommes ;

- que cette évidence résulte notamment :

' de la jurisprudence constante interdisant la compensation des prêts bancaires avec le solde d'un compte courant bancaire, faute de connexité ;

' des écrits de la société BNP Paribas, laquelle a expressément reconnu qu'aucune compensation n'était possible puisqu'elle a écrit à l'administrateur de la société Juravo le 26 janvier 2023 - 15h34 : « Je transmets la demande de transfert de la somme de 85 131,37 euros à notre service comptable » ;

' des pièces produites au débats par la société Juravo et émanant de la société BNP Paribas elle-même, en ce qui concerne les montants compensés/retenus (solde bancaire de 96 316,29 euros, ainsi que les sommes de 2 622,72 euros et de 663,91 euros) ;

En conséquence,

- de dire et ordonner que la société BNP Paribas n'est pas fondée à bénéficier d'une compensation légale, judiciaire ou conventionnelle et qu'elle ne peut, sauf à procéder au paiement prohibé d'une créance antérieure, retenir la somme de 99 602,92 euros, laquelle est ventilée comme suit :

* 96 316,29 euros au titre du solde bancaire arrêté par la société BNP Paribas à la date du jugement d'ouverture ;

* 2 622,72 euros au titre des opérations figurant au débit - sans mention de date de valeur - du solde bancaire arrêté par la société BNP Paribas à la date du jugement d'ouverture ; somme qui aurait dû être déclarée au passif et qui constitue une créance inopposable à la procédure ;

* 663,91 euros au titre de la somme versée postérieurement à l'ouverture de la procédure sur un compte déclaré clôturé par la société BNP Paribas et non restitué par elle ;

- de dire et ordonner, qu'il y a lieu d'admettre les créances de la société BNP Paribas à hauteur des 550 000 euros déclarés (350 000 euros et 200 000 euros) ce, à titre chirographaire et à échoir le tout sans intérêt, compte tenu du premier alinéa de l'article L 622-28 du code de commerce, s'agissant de prêts court-termes de 94 jours et donc conclus pour une durée inférieure à 1 an ;

A titre subsidiaire :

Si la cour considère qu'il existe une contestation sérieuse n'excédant pas son office juridictionnel et que par extraordinaire une compensation serait possible,

- d'infirmer l'ordonnance déférée en ses dispositions suivantes :

* constatons l'existence d'une contestation sérieuse qui excède l'office juridictionnel du Juge-Commissaire ;

En conséquence,

* renvoyons les parties à mieux se pourvoir devant la juridiction du fond compétente ;

* disons qu'il appartiendra à la BNP Paribas de saisir la juridiction compétente ;

* rappelons que la saisine de la juridiction compétente doit être effectuée dans un délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de la présente ordonnance, à peine de forclusion à moins d'appel dans les cas où cette voie de recours est ouverte, conformément aux dispositions de l'article R 624-5 du code de commerce ;

* sursoyons à statuer dans l'attente du prononcé d'une décision définitive et ayant autorité de la chose jugée réglant le litige opposant les parties ;

* passons les frais de la présente ordonnance en frais privilégiés de la procédure collective ;

* ordonnons au greffier de ce siège, de notifier la présente décision par lettre recommandée avec accusé de réception à toutes les parties en cause ;

* passons les frais de la présente procédure en frais privilégiés de la procédure collective ;

Et statuant à nouveau,

- de dire et juger, s'agissant de la nature des créances déclarées par la sociéte BNP Paribas à la date du jugement d'ouverture :

- que les créances déclarées par la société BNP Paribas doivent s'analyser comme des créances antérieures n'ouvrant pas droit à intérêt et ayant la nature suivante :

' créance d'un montant 350 000 euros à échoir (échéance au 23 janvier 2023) au titre d'un premier contrat de crédit court-terme ;

' créance d'un montant 200 000 euros à échoir (échéance au 22 février 2023) au titre d'un second contrat de crédit court-terme ;

- de statuer ce que de droit, s'agissant de la compensation demandée et opérée de fait par la société BNP Paribas :

- de dire et juger si la somme de 96 316,29 euros, qui correspond au solde bancaire arrêté par la

société BNP Paribas à la date du jugement d'ouverture :

' peut être compensée,

' ou si le paiement par compensation se heurte principe de l'interdiction de paiement d'une créance antérieure de sorte que cette somme ne peut pas être conservée par la banque ;

- de dire et juger si la somme de 2 622,72 euros, qui correspond aux opérations figurant au débit

- sans mention de date de valeur - du solde bancaire arrêté par la société BNP Paribas à la date du jugement d'ouverture :

' peut être compensée,

' ou si le paiement par compensation se heurte principe de l'interdiction de paiement d'une créance antérieure de sorte que cette somme ne peut pas être conservée par la banque ;

' ou encore si tout ou partie de cette somme ne peut pas être compensée dans la mesure elle correspond à des créances non déclarées au passif et donc inopposables à la procédure, de sorte que tout ou partie de cette somme ne peut pas être conservée par la banque ;

- de dire et juger si la somme de 663,91 euros, qui correspond à une somme versée par des clients

de la société Juravo postérieurement à l'ouverture de la procédure sur un compte déclaré clôturé par la société BNP Paribas et non restitué par elle :

' peut être compensée,

' ou si le paiement par compensation se heurte principe de l'interdiction de paiement d'une créance antérieure, de sorte que cette somme ne peut pas être conservée par la banque ;

- de dire et ordonner :

- qu'il y a lieu d'admettre les créances de la société BNP Paribas à hauteur d'une somme correspondant aux 550 000 euros déclarés (350 000 euros et 200 000 euros) minorés du/des montant(s) correspondant à la/aux somme (s) dont la compensation légale, judiciaire ou conventionnelle n'aura pas été jugée contraire au principe de l'interdiction de paiement d'une créance antérieure et/ou non déclarée au passif, le tout à titre chirographaire et à échoir, sans intérêt compte tenu du premier alinéa de l'article L 622-28 du code de commerce, s'agissant de prêts court-termes de 94 jours et donc conclus pour une durée inférieure à 1 an ;

A titre infiniment subsidiaire :

Si la cour considère qu'il existe une contestation sérieuse excédant son office juridictionnel,

- de confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions qui sont les suivantes :

* constatons l'existence d'une contestation sérieuse qui excède l'office juridictionnel du Juge-Commissaire ;

En conséquence,

* renvoyons les parties à mieux se pourvoir devant la juridiction du fond compétente ;

* disons qu'il appartiendra à la BNP Paribas de saisir la juridiction compétente ;

* rappelonsque la saisine de la juridiction compétente doit être effectuée dans un délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de la présente ordonnance, à peine de forclusion à moins d'appel dans les cas où cette voie de recours est ouverte, conformément aux dispositions de l'article R 624-5 du code de commerce ;

* sursoyons à statuer dans l'attente du prononcé d'une décision définitive et ayant autorité de la chose jugée réglant le litige opposant les parties ;

* passons les frais de la présente ordonnance en frais privilégiés de la procédure collective ;

* ordonnons au greffier de ce siège, de notifier la présente décision par lettre recommandée avec accusé de réception à toutes les parties en cause ;

* passons les frais de la présente procédure en frais privilégiés de la procédure collective ;

En tout état de cause :

- de dire et ordonner :

- que compte tenu de la situation économique de la société Juravo, qui est actuellement en plan de redressement, il serait particulièrement inéquitable de laisser à sa charge les frais et dépens ;

- que la société BNP Paribas doit porter et payer à la société Juravo une somme de 10 000 euros hors taxes, soit 12 000 euros au titre des frais exposés par elle en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que supporter les entiers dépens, comprenant la totalité des frais d'exécution de la décision à intervenir dont les frais d'huissier, en application de l'article 696 du code de procédure civile ;

- de statuer ce que de droit sur les dépens qui seront recouvrés par Maître Boris Lassauge, avocat, ce conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La société BNP Paribas a fait signifier sa déclaration d'appel à la SELARL AJ Partenaires, ès qualités, par acte du 22 janvier 2025 remis à étude, et à la SELARL [B] Associés, ès qualités, par acte du 22 janvier 2025 remis à personne morale.

Les parties ont par la suite fait signifier leurs conclusions à l'administrateur judiciaire et au mandataire judiciaire.

Ceux-ci n'ont pas constitué avocat.

Il sera statué par défaut.

La clôture de la procédure a été prononcée le 14 mai 2025.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.

Sur ce, la cour,

A titre liminaire, il sera rappelé que la cour n'a pas à repondre aux demandes de 'dire et juger' figurant au dispositif des écritures des parties, qui ne constituent pas des demandes, mais des moyens.

L'article L. 622-25 du code de commerce dispose que la déclaration porte le montant de la créance due au jour du jugement d'ouverture avec indication des sommes à échoir et de la date de leurs échéances. Elle précise la nature et l'assiette de la sûreté dont la créance est éventuellement assortie et, le cas échéant, si la sûreté réelle conventionnelle a été constituée sur les biens du débiteur en garantie de la dette d'un tiers.

Lorsqu'il s'agit de créances en monnaie étrangère, la conversion en euros a lieu selon le cours du change à la date du jugement d'ouverture.

Sauf si elle résulte d'un titre exécutoire, la créance déclarée est certifiée sincère par le créancier. Le visa du commissaire aux comptes ou, à défaut, de l'expert-comptable sur la déclaration de créance peut être demandé par le juge-commissaire. Le refus de visa est motivé.

L'aticle L. 624-2 du même code énonce qu'au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire, si la demande d'admission est recevable, décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l'absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission.

Il est de droit constant que la créance à admettre est celle existant au jour de l'ouverture de la procédure collective, indépendamment des événements ayant pu l'affecter postérieurement, et notamment des compensations postérieures.

En l'espèce, la société BNP Paribas a déclaré, au titre des deux billets à ordre, une créance totale de 550 000 euros, en ajoutant la mention suivante : 'étant précisé que la banque entend se prévaloir des dispositions de l'article L. 622-7 du code de commerce et opérer la compensation à due concurrence avec le solde du compte n°30004 02482 00010216952 ouvert sur les livres de l'agence Franche'Comté entreprises créditeur à la date du jugement d'ouverture de 96 316,29 euros.'

Saisi dans le cadre de la vérification d'une créance, le rôle du juge-commissaire se limite à déterminer l'existence, le montant et la nature de la créance déclarée, de sorte qu'il ne lui appartient pas de se prononcer sur la possibilité ou l'opportunité d'une compensation dont cette créance pourrait être affectée, ni d'opérer lui-même une telle compensation. Cette possibilité n'appartient pas plus à la cour d'appel qui, dans le cadre d'un recours contre la décision du juge-commissaire statuant sur l'admission d'une créance, ne dispose pas de plus de pouvoirs que ce dernier.

Ainsi, la contestation résultant de l'invocation par la société Juravo d'une compensation intervenue postérieurement au jugement d'ouverture est dépourvue de caractère sérieux, qui n'est pas de nature à remettre en cause le montant de la créance à la date d'ouverture de la procédure collective.

Par ailleurs, la contestation soulevée par la société Juravo au titre de l'intervention antérieure au jugement d'ouverture d'une compensation entre la créance déclarée et le solde créditeur du compte bancaire ne peut pas plus être considérée comme sérieuse, alors que la compensation alléguée se heurte au principe d'impossibilité d'une compensation entre une créance à échoir et une créance échue, et qu'elle est au demeurant contredite tant par le montant de la créance déclarée, qui correspond à l'addition des montants des deux billets à ordre, sans aucune déduction au titre d'une quelconque compensation, que par la mention expresse selon laquelle le déclarant entend se prévaloir des dispositions de l'article L. 622-7 du code de commerce, relatives à la compensation d'une créance déclarée avec une créance antérieure connexe. Cette mention, qui se borne à faire état de l'intention de la banque de bénéficier des dispositions de cette compensation, n'en saisit pas le juge commissaire, et n'a en elle-même pas d'effet sur le montant de la créance déclarée.

C'est ainsi à tort que le premier juge a retenu l'existence d'une contestation sérieuse, et renvoyé la banque à saisir le juge du fond pour qu'il soit statué à ce sujet.

La société Juravo sollicite qu'il soit considéré que les deux billets à ordre litigieux s'analysent en des contrats de crédit à court terme, dont la durée inférieure à un an n'ouvre pas droit à intérêts en application de l'article L. 622-28 du code de commerce.

La banque ne fait valoir aucun moyen à cet égard.

Il résulte des pièces 5.1 et 6.1 versées aux débats par la société Juravo que la société BNP Paribas qualifie elle-même les effets concernés comme étant des 'billets financiers' remis au titre d'un 'crédit de trésorerie'. Dès lors, en vertu de l'article L. 622-28 alinéa premier, selon lequel le jugement d'ouverture arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations, à moins qu'il ne s'agisse des intérêts résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ou de contrats assortis d'un paiement différé d'un an ou plus, la somme de 550 000 euros n'est pas productive d'intérêts. Toutefois, force est de constater à l'examen de la déclaration de créance que la banque ne déclare aucune somme au titre des intérêts, et ne sollicite pas que le montant déclaré soit assorti de quelques intérêts que ce soit.

Il y a lieu en définitive d'infirmer l'ordonnance déférée, et d'admettre la créance déclarée par la société BNP Paribas au titre des deux billets à ordre des 23 octobre 2022 et 22 novembre 2022 pour la somme totale de 550 000 euros à titre chirographaire à échoir.

Les dépens de première instance et d'appel seront passés en frais privilégiés de procédure collective.

La demande formée par la société sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

Par ces motifs

Statuant par défaut, après débats en audience publique,

Infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 18 novembre 2024 par le juge commissaire du tribunal de commerce de Lons le Saunier dans le cadre du redressement judiciaire ouvert à l'égard de la SAS Juravo ;

Statuant à nouveau, et ajoutant :

Admet la créance déclarée par la SA BNP Paribas au titre des billets à ordre des 23 octobre 2022 et 22 novembre 2022 pour la somme totale de 550 000 euros à titre chirographaire à échoir ;

Passe les dépens de première instance et d'appel en frais privilégiés de procédure collective ;

Rejette la demande formée par la SAS Juravo sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été signé par Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré et , greffier.

Le greffier, Le président,

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