CA Aix-en-Provence, retention administrative, 16 août 2025, n° 25/01627
AIX-EN-PROVENCE
Ordonnance
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative
ORDONNANCE
DU 16 AOUT 2025
N° RG 25/01627 - N° Portalis DBVB-V-B7J-BPDSK
Copie conforme
délivrée le 16 Août 2025 par courriel à :
- l'avocat
- le préfet
- le CRA
- le JLD/TJ
- le retenu
- le MP
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention de [Localité 9] en date du 15 Août 2025 à 12h22.
APPELANT
Monsieur [R] [P]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro du 16/08/2025 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 4])
né le 08 Avril 1990 à [Localité 7] ALGERIE, de nationalité Algérienne
non comparant, empêché pour raison médicale urgente
Assisté puis représenté par Maître Maeva LAURENS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, commis d'office.
Monsieur [G] [B], interprète en langue arabe et inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel d'Aix-en-Provence.
INTIMÉ
PREFET DU VAR, demeurant [Adresse 5]
Avisé, non représenté
MINISTÈRE PUBLIC
Avisé, non représenté
******
DÉBATS
L'affaire a été débattue en audience publique le 16 Août 2025 devant Mme Claire OUGIER, Présidente de chambre à la cour d'appel déléguée par le premier président par ordonnance, assistée de Madame Maria FREDON, greffière
ORDONNANCE
Par décision réputée contradictoire,
Prononcée par mise à disposition au greffe le 16 Août 2025 à 17h30,
Signée par Mme Claire OUGIER, Présidente de chambre et Madame Maria FREDON, greffière,
PROCÉDURE ET MOYENS
Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;
Vu l'arrêté portant obligation de quitter le territoire national assortie d'une interdiction de retour pendant 02 ans pris le 04 octobre 2023 par le PREFET DE [Localité 8], notifié le même jour à 18h45;
Vu la décision de placement en rétention prise le 28 mai 2025 par le PREFET DU VAR notifiée le même jour à 02 juin 2025 à 09h45;
Vu l'ordonnance du 15 Août 2025 rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention décidant le maintien de Monsieur [R] [P] dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;
Vu l'appel interjeté le 16 Août 2025 à 11h05 par Monsieur [R] [P] ;
Monsieur [R] [P] a comparu, sous escorte, et a pu s'entretenir avec son avocate avant l'audience, mais il a du être évacué par les pompiers vers le centre hospitalier à la suite de vomissements avant de pouvoir se présenter devant la cour à l'audience. Il a accepté d'être représenté par son avocate à l'audience.
Son avocate a été régulièrement entendue. Elle fait valoir que le registre n'est pas actualisé puisque n'y figure pas la dernière décision rendue par la cour d'appel sur la troisième prolongation. Cette irrégularité constitue une fin de non recevoir qui affecte la régularité de la procédure sans qu'il soit nécessaire de démontrer l'existence d'un grief. Elle demande donc l'infirmation de l'ordonnance.
Le représentant de la préfecture n'a pas comparu à l'audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La recevabilité de l'appel contre l'ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention n'est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d'irrégularité.
L'article R.742-1 du CESEDA dispose que le magistrat du siège du tribunal judiciaire est saisi aux fins de prolongation de la rétention par simple requête de l'autorité administrative, dans les conditions prévues au chapitre III, avant l'expiration, selon le cas, de la période de quatre jours mentionnée à l'article L.742-1 ou de la période de prolongation ordonnée en application des articles L.742-4, L.742-5, L.742-6 ou L.742-7.
A cette fin et à peine d'irrecevabilité, selon l'article R.743-2 du même code, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention, à savoir le préfet de département ou de police à [Localité 11] en application de l'article R.741-1. Dans ce cas la requête est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L.744-2.
Ce dernier énonce qu'il est tenu, dans tous les lieux de rétention, un registre mentionnant l'état civil des personnes retenues, ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien en rétention. Le registre mentionne également l'état civil des enfants mineurs accompagnant ces personnes ainsi que les conditions de leur accueil. L'autorité administrative tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d'information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation.
Selon les dispositions de l'article L. 743-9 du CESEDA le magistrat du siège du tribunal judiciaire, saisi aux fins de prolongation de la rétention, rappelle à l'étranger les droits qui lui sont reconnus et s'assure, d'après les mentions figurant au registre prévu à l'article L. 744-2 émargé par l'intéressé, que celui-ci a été, dans les meilleurs délais suivant la notification de la décision de placement en rétention, pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir à compter de son arrivée au lieu de rétention. Le juge tient compte des circonstances particulières liées notamment au placement en rétention simultané d'un nombre important d'étrangers pour l'appréciation des délais relatifs à la notification de la décision, à l'information des droits et à leur prise d'effet.
Il résulte de la combinaison de ces textes que le registre doit être mis à jour et que la non-production d'une copie actualisée, permettant un contrôle de l'effectivité de l'exercice des droits reconnus à l'étranger au cours de la mesure de rétention, constitue une fin de non-recevoir. Celle-ci doit être accueillie sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief dès lors que le juge ne peut s'assurer que l'étranger a été en mesure d'exercer les droits qui lui sont reconnus par les articles L. 744-4 et suivants du CESEDA.
Le paragraphe IV de l'annexe de l'arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention et d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé «logiciel de gestion individualisée des centres de rétention administrative» (LOGICRA) prévoit notamment que sont enregistrées dans les traitements au titre des données à caractère personnel concernant la fin de la rétention et l'éloignement les informations suivantes :
1° Demande de laissez-passer consulaire, consulat saisi, date de la demande d'identification ou de présentation consulaire, type de présentation, motif de non-présentation, date de I'entretien, moyen de transport utilisé, résultat de I'entretien, délivrance du laissez-passer consulaire, date de délivrance, date et fin de validité du laissez-passer consulaire;
2° Réservation du moyen de transport national et international: date prévisionnelle de départ, moyen de transport utilisé, pays de destination, demande de routing, escorte;
3° Fin de la rétention: date et motif de la fin de rétention.
En l'espèce l'appelant soulevait dans sa déclaration d'appel le défaut d'actualisation du registre de rétention dans la mesure où les diligences consulaires n'y sont pas mentionnées.
Toutefois les diligences consulaires effectuées par l'administration ne constituent nullement des droits au sens des articles L. 744-4 et suivants du CESEDA, dont le défaut de mention dans le registre de rétention rendrait irrecevable la requête en prolongation de la mesure de rétention, s'agissant au surplus d'une question de fond en application de l'article L741-3 du même code.
Pour le surplus l'intéressé ne précise pas quelles sont les pièces utiles qui seraient manquantes.
L'avocate de M. [P] soutient également que ne figure pas non plus au registre la mention de la décision rendue par la cour sur la demande de troisième prolongation du Préfet et que ce défaut d'actualisation constitue une irrecevabilité de cette requête.
A cet égard, il convient d'observer simplement que si la copie du registre jointe à la requête en quatrième prolongation du préfet ne mentionne effectivement, outre les décisions du juge de la libertés et de la détention et de la cour d'appel respectivement rendues pour autoriser les 1ère et 2ème prolongation de la rétention de M. [P], que celle rendue par le juge des libertés et de la détention le 31 juillet 2025 pour la 3ème prolongation, rien ne permet de retenir que M. [P] ait seulement relevé appel de cette dernière décision, de sorte qu'elle ne pouvait être mentionnée sur le registre.
En conséquence il y aura lieu de rejeter les fins de non recevoir soulevées.
L'article L742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version en vigueur dispose que, « à titre exceptionnel, le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours :
1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;
2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :
a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 5° de l'article L. 631-3 ;
b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
Le juge peut également être saisi en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public.
L'étranger est maintenu en rétention jusqu'à ce que le juge ait statué.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d'une durée maximale de quinze jours.
Si l'une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l'avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas quatre-vingt-dix jours.'
Ces dispositions doivent s'articuler avec celles de l'article L.741-3 du même code, selon lesquelles il appartient au juge judiciaire d'apprécier la nécessité du maintien en rétention et de mettre fin à la rétention administrative lorsque les circonstances de droit ou de fait le justifient, un étranger ne pouvant être placé ou maintenu en rétention « que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet ».
En l'espèce, M. [P] ne disposait lors de son placement en rétention d'aucun document de voyage ni d'identité.
Il a fait l'objet d'un arrêté lui faisant obligation de quitter le territoire national avec interdiction de retour pendant deux ans qui lui a été dûment notifié le 4 octobre 2023.
Il n'a pas à ce jour remis à un service de police ou à une unité de gendarmerie l'original de son passeport, de telle sorte qu'une assignation à résidence ne peut être ordonnée par le juge, par application des dispositions de l'article L.743-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Il ne justifie de plus d'aucune adresse ni domicile stables en France, ne démontre aucune activité professionnelle et ne dispose d'aucun revenu ni possibilité de financement pour assurer son retour dans son pays.
Bien au contraire, il ressort des éléments produits qu'il fait habituellement oeuvre de délinquance sur le territoire français puisqu'il a été signalisé à de multiples reprises par les services de l'ordre, sous des identités diverses et pour de multiples délits.
Il a encore récemment, le 18 novembre 2024, été condamné par le tribunal correctionnel de Draguignan pour des violences aggravées et c'est ainsi à raison que le Préfet retient que sa présence sur le territoire national est une menace pour l'ordre public.
M. [P] est l'objet d'une mesure d'éloignement en vigueur, telle que précitée, et qui fait obstacle à sa présence sur le sol français.
La délivrance d'un laissez-passer ou tout autre document de voyage suppose que la nationalité et donc l'identité de l'intéressé ait été formellement établie. En l'état d'une personne dépourvue de pièces d'identité et de droit au séjour, les recherches propres à identifier l'origine et la nationalité de celle-ci sont incontournables et retardent d'autant la délivrance du titre de voyage.
Force est de constater que malgré les multiples diligences démontrées par l'administration et les multiples relances effectuées -dont encore une le 13 août 2025, la mesure d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé.
Le Préfet n'ayant aucun pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires étrangères, il ne peut lui être reproché le temps pris par celles-ci pour leur réponse.
C'est vainement qu'il est argué des relations diplomatiques avec l'Algérie pour soutenir qu'il n'existe aucune perspective d'éloignement alors que ces relations sont extrêment évolutives et que les démarches accomplies peuvent utilement permettre la délivrance d'un document de voyage dans les jours à venir.
Il s'en déduit qu'il y a lieu de dire et juger que l'administration n'a pas failli à ses obligations et qu'il est établi au regard de la dernière relance du 12 août 2025 que la délivrance des documents de voyage doit intervenir à bref délai.
Les circonstances et conditions exigées par l'article L.742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont donc satisfaites.
Il n'est pas justifié de ce que M. [P] souffrirait de problèmes de santé qui feraient obstacle à la mesure de rétention dont il est l'objet, et/ou qui ne pourraient être utilement pris en charge par le médecin du centre de rétention ni d'ailleurs par les services médicaux du pays dont il est ressortissant.
Aucun élément ne justifiant une mainlevée de la rétention, la requête en prolongation de la rétention administrative étant fondée en droit, et cette prolongation demeurant justifiée et nécessaire aux fins qu'il puisse être procédé effectivement à son éloignement, c'est à bon droit que le premier juge y a fait droit et son ordonnance doit être confirmée.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par décision réputée contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,
Confirmons l'ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention en date du 15 Août 2025.
Les parties sont avisées qu'elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d'Etat ou de la Cour de cassation.
Le greffier Le président
Reçu et pris connaissance le :
Monsieur [R] [P]
Assisté d'un interprète
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-11, Rétentions Administratives
[Adresse 10]
Téléphone : [XXXXXXXX02] - [XXXXXXXX03] - [XXXXXXXX01]
Courriel : [Courriel 6]
Aix-en-Provence, le 16 Août 2025
À
- PREFET DU VAR
- Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de [Localité 9]
- Monsieur le procureur général
- Monsieur le greffier du Magistrat du siège du tribunal judiciaire chargé du contrôle des mesures privatives et restrictives de libertés de MARSEILLE
- Maître Maeva LAURENS
NOTIFICATION D'UNE ORDONNANCE
J'ai l'honneur de vous notifier l'ordonnance ci-jointe rendue le 16 Août 2025, suite à l'appel interjeté par :
Monsieur [R] [P]
né le 08 Avril 1990 à [Localité 7] (ALGERIE), de nationalité Algérienne
Je vous remercie de m'accuser réception du présent envoi.
Le greffier,
VOIE DE RECOURS
Nous prions Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de bien vouloir indiquer au retenu qu'il peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation.
CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative
ORDONNANCE
DU 16 AOUT 2025
N° RG 25/01627 - N° Portalis DBVB-V-B7J-BPDSK
Copie conforme
délivrée le 16 Août 2025 par courriel à :
- l'avocat
- le préfet
- le CRA
- le JLD/TJ
- le retenu
- le MP
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention de [Localité 9] en date du 15 Août 2025 à 12h22.
APPELANT
Monsieur [R] [P]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro du 16/08/2025 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 4])
né le 08 Avril 1990 à [Localité 7] ALGERIE, de nationalité Algérienne
non comparant, empêché pour raison médicale urgente
Assisté puis représenté par Maître Maeva LAURENS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, commis d'office.
Monsieur [G] [B], interprète en langue arabe et inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel d'Aix-en-Provence.
INTIMÉ
PREFET DU VAR, demeurant [Adresse 5]
Avisé, non représenté
MINISTÈRE PUBLIC
Avisé, non représenté
******
DÉBATS
L'affaire a été débattue en audience publique le 16 Août 2025 devant Mme Claire OUGIER, Présidente de chambre à la cour d'appel déléguée par le premier président par ordonnance, assistée de Madame Maria FREDON, greffière
ORDONNANCE
Par décision réputée contradictoire,
Prononcée par mise à disposition au greffe le 16 Août 2025 à 17h30,
Signée par Mme Claire OUGIER, Présidente de chambre et Madame Maria FREDON, greffière,
PROCÉDURE ET MOYENS
Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;
Vu l'arrêté portant obligation de quitter le territoire national assortie d'une interdiction de retour pendant 02 ans pris le 04 octobre 2023 par le PREFET DE [Localité 8], notifié le même jour à 18h45;
Vu la décision de placement en rétention prise le 28 mai 2025 par le PREFET DU VAR notifiée le même jour à 02 juin 2025 à 09h45;
Vu l'ordonnance du 15 Août 2025 rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention décidant le maintien de Monsieur [R] [P] dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;
Vu l'appel interjeté le 16 Août 2025 à 11h05 par Monsieur [R] [P] ;
Monsieur [R] [P] a comparu, sous escorte, et a pu s'entretenir avec son avocate avant l'audience, mais il a du être évacué par les pompiers vers le centre hospitalier à la suite de vomissements avant de pouvoir se présenter devant la cour à l'audience. Il a accepté d'être représenté par son avocate à l'audience.
Son avocate a été régulièrement entendue. Elle fait valoir que le registre n'est pas actualisé puisque n'y figure pas la dernière décision rendue par la cour d'appel sur la troisième prolongation. Cette irrégularité constitue une fin de non recevoir qui affecte la régularité de la procédure sans qu'il soit nécessaire de démontrer l'existence d'un grief. Elle demande donc l'infirmation de l'ordonnance.
Le représentant de la préfecture n'a pas comparu à l'audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La recevabilité de l'appel contre l'ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention n'est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d'irrégularité.
L'article R.742-1 du CESEDA dispose que le magistrat du siège du tribunal judiciaire est saisi aux fins de prolongation de la rétention par simple requête de l'autorité administrative, dans les conditions prévues au chapitre III, avant l'expiration, selon le cas, de la période de quatre jours mentionnée à l'article L.742-1 ou de la période de prolongation ordonnée en application des articles L.742-4, L.742-5, L.742-6 ou L.742-7.
A cette fin et à peine d'irrecevabilité, selon l'article R.743-2 du même code, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention, à savoir le préfet de département ou de police à [Localité 11] en application de l'article R.741-1. Dans ce cas la requête est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L.744-2.
Ce dernier énonce qu'il est tenu, dans tous les lieux de rétention, un registre mentionnant l'état civil des personnes retenues, ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien en rétention. Le registre mentionne également l'état civil des enfants mineurs accompagnant ces personnes ainsi que les conditions de leur accueil. L'autorité administrative tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d'information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation.
Selon les dispositions de l'article L. 743-9 du CESEDA le magistrat du siège du tribunal judiciaire, saisi aux fins de prolongation de la rétention, rappelle à l'étranger les droits qui lui sont reconnus et s'assure, d'après les mentions figurant au registre prévu à l'article L. 744-2 émargé par l'intéressé, que celui-ci a été, dans les meilleurs délais suivant la notification de la décision de placement en rétention, pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir à compter de son arrivée au lieu de rétention. Le juge tient compte des circonstances particulières liées notamment au placement en rétention simultané d'un nombre important d'étrangers pour l'appréciation des délais relatifs à la notification de la décision, à l'information des droits et à leur prise d'effet.
Il résulte de la combinaison de ces textes que le registre doit être mis à jour et que la non-production d'une copie actualisée, permettant un contrôle de l'effectivité de l'exercice des droits reconnus à l'étranger au cours de la mesure de rétention, constitue une fin de non-recevoir. Celle-ci doit être accueillie sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief dès lors que le juge ne peut s'assurer que l'étranger a été en mesure d'exercer les droits qui lui sont reconnus par les articles L. 744-4 et suivants du CESEDA.
Le paragraphe IV de l'annexe de l'arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention et d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé «logiciel de gestion individualisée des centres de rétention administrative» (LOGICRA) prévoit notamment que sont enregistrées dans les traitements au titre des données à caractère personnel concernant la fin de la rétention et l'éloignement les informations suivantes :
1° Demande de laissez-passer consulaire, consulat saisi, date de la demande d'identification ou de présentation consulaire, type de présentation, motif de non-présentation, date de I'entretien, moyen de transport utilisé, résultat de I'entretien, délivrance du laissez-passer consulaire, date de délivrance, date et fin de validité du laissez-passer consulaire;
2° Réservation du moyen de transport national et international: date prévisionnelle de départ, moyen de transport utilisé, pays de destination, demande de routing, escorte;
3° Fin de la rétention: date et motif de la fin de rétention.
En l'espèce l'appelant soulevait dans sa déclaration d'appel le défaut d'actualisation du registre de rétention dans la mesure où les diligences consulaires n'y sont pas mentionnées.
Toutefois les diligences consulaires effectuées par l'administration ne constituent nullement des droits au sens des articles L. 744-4 et suivants du CESEDA, dont le défaut de mention dans le registre de rétention rendrait irrecevable la requête en prolongation de la mesure de rétention, s'agissant au surplus d'une question de fond en application de l'article L741-3 du même code.
Pour le surplus l'intéressé ne précise pas quelles sont les pièces utiles qui seraient manquantes.
L'avocate de M. [P] soutient également que ne figure pas non plus au registre la mention de la décision rendue par la cour sur la demande de troisième prolongation du Préfet et que ce défaut d'actualisation constitue une irrecevabilité de cette requête.
A cet égard, il convient d'observer simplement que si la copie du registre jointe à la requête en quatrième prolongation du préfet ne mentionne effectivement, outre les décisions du juge de la libertés et de la détention et de la cour d'appel respectivement rendues pour autoriser les 1ère et 2ème prolongation de la rétention de M. [P], que celle rendue par le juge des libertés et de la détention le 31 juillet 2025 pour la 3ème prolongation, rien ne permet de retenir que M. [P] ait seulement relevé appel de cette dernière décision, de sorte qu'elle ne pouvait être mentionnée sur le registre.
En conséquence il y aura lieu de rejeter les fins de non recevoir soulevées.
L'article L742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version en vigueur dispose que, « à titre exceptionnel, le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours :
1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;
2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :
a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 5° de l'article L. 631-3 ;
b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
Le juge peut également être saisi en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public.
L'étranger est maintenu en rétention jusqu'à ce que le juge ait statué.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d'une durée maximale de quinze jours.
Si l'une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l'avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas quatre-vingt-dix jours.'
Ces dispositions doivent s'articuler avec celles de l'article L.741-3 du même code, selon lesquelles il appartient au juge judiciaire d'apprécier la nécessité du maintien en rétention et de mettre fin à la rétention administrative lorsque les circonstances de droit ou de fait le justifient, un étranger ne pouvant être placé ou maintenu en rétention « que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet ».
En l'espèce, M. [P] ne disposait lors de son placement en rétention d'aucun document de voyage ni d'identité.
Il a fait l'objet d'un arrêté lui faisant obligation de quitter le territoire national avec interdiction de retour pendant deux ans qui lui a été dûment notifié le 4 octobre 2023.
Il n'a pas à ce jour remis à un service de police ou à une unité de gendarmerie l'original de son passeport, de telle sorte qu'une assignation à résidence ne peut être ordonnée par le juge, par application des dispositions de l'article L.743-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Il ne justifie de plus d'aucune adresse ni domicile stables en France, ne démontre aucune activité professionnelle et ne dispose d'aucun revenu ni possibilité de financement pour assurer son retour dans son pays.
Bien au contraire, il ressort des éléments produits qu'il fait habituellement oeuvre de délinquance sur le territoire français puisqu'il a été signalisé à de multiples reprises par les services de l'ordre, sous des identités diverses et pour de multiples délits.
Il a encore récemment, le 18 novembre 2024, été condamné par le tribunal correctionnel de Draguignan pour des violences aggravées et c'est ainsi à raison que le Préfet retient que sa présence sur le territoire national est une menace pour l'ordre public.
M. [P] est l'objet d'une mesure d'éloignement en vigueur, telle que précitée, et qui fait obstacle à sa présence sur le sol français.
La délivrance d'un laissez-passer ou tout autre document de voyage suppose que la nationalité et donc l'identité de l'intéressé ait été formellement établie. En l'état d'une personne dépourvue de pièces d'identité et de droit au séjour, les recherches propres à identifier l'origine et la nationalité de celle-ci sont incontournables et retardent d'autant la délivrance du titre de voyage.
Force est de constater que malgré les multiples diligences démontrées par l'administration et les multiples relances effectuées -dont encore une le 13 août 2025, la mesure d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé.
Le Préfet n'ayant aucun pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires étrangères, il ne peut lui être reproché le temps pris par celles-ci pour leur réponse.
C'est vainement qu'il est argué des relations diplomatiques avec l'Algérie pour soutenir qu'il n'existe aucune perspective d'éloignement alors que ces relations sont extrêment évolutives et que les démarches accomplies peuvent utilement permettre la délivrance d'un document de voyage dans les jours à venir.
Il s'en déduit qu'il y a lieu de dire et juger que l'administration n'a pas failli à ses obligations et qu'il est établi au regard de la dernière relance du 12 août 2025 que la délivrance des documents de voyage doit intervenir à bref délai.
Les circonstances et conditions exigées par l'article L.742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont donc satisfaites.
Il n'est pas justifié de ce que M. [P] souffrirait de problèmes de santé qui feraient obstacle à la mesure de rétention dont il est l'objet, et/ou qui ne pourraient être utilement pris en charge par le médecin du centre de rétention ni d'ailleurs par les services médicaux du pays dont il est ressortissant.
Aucun élément ne justifiant une mainlevée de la rétention, la requête en prolongation de la rétention administrative étant fondée en droit, et cette prolongation demeurant justifiée et nécessaire aux fins qu'il puisse être procédé effectivement à son éloignement, c'est à bon droit que le premier juge y a fait droit et son ordonnance doit être confirmée.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par décision réputée contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,
Confirmons l'ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention en date du 15 Août 2025.
Les parties sont avisées qu'elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d'Etat ou de la Cour de cassation.
Le greffier Le président
Reçu et pris connaissance le :
Monsieur [R] [P]
Assisté d'un interprète
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-11, Rétentions Administratives
[Adresse 10]
Téléphone : [XXXXXXXX02] - [XXXXXXXX03] - [XXXXXXXX01]
Courriel : [Courriel 6]
Aix-en-Provence, le 16 Août 2025
À
- PREFET DU VAR
- Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de [Localité 9]
- Monsieur le procureur général
- Monsieur le greffier du Magistrat du siège du tribunal judiciaire chargé du contrôle des mesures privatives et restrictives de libertés de MARSEILLE
- Maître Maeva LAURENS
NOTIFICATION D'UNE ORDONNANCE
J'ai l'honneur de vous notifier l'ordonnance ci-jointe rendue le 16 Août 2025, suite à l'appel interjeté par :
Monsieur [R] [P]
né le 08 Avril 1990 à [Localité 7] (ALGERIE), de nationalité Algérienne
Je vous remercie de m'accuser réception du présent envoi.
Le greffier,
VOIE DE RECOURS
Nous prions Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de bien vouloir indiquer au retenu qu'il peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation.