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Décisions

CA Paris, Pôle 1 - ch. 8, 5 septembre 2025, n° 25/01546

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 25/01546

5 septembre 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 8

ARRÊT DU 5 SEPTEMBRE 2025

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 25/01546 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CKWAS

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 5 Décembre 2024 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Paris - RG n° 24/55784

APPELANTES

L'UNION DES SOCIETES D'EDUCATION PHYSIQUE ET DE PREPARATION MILITAIRE (USEPPM), association agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 10]

[Localité 11]

S.A.S.U. CENTRE D'ETUDES ET D'ACTION SOCIALE ET CULTURELLE LA SOURDIERE (CEASC), agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 10]

[Localité 11]

Représentées par Me Noémie OHANA de l'AARPI KOSMA, avocat au barreau de PARIS, toque : G0517

INTIMÉE

S.A. LA CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 13], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 11]

Représentée par Me Isabelle SIMONNEAU de la SELEURL IS AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D0578

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 Juin 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :

Florence LAGEMI, Président de chambre chargée du rapport

Marie-Catherine GAFFINEL, Conseiller

Patrick BIROLLEAU, Magistrat Honoraire

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Caroline GAUTIER

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Florence LAGEMI, Président de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

L'association Union des sociétés d'éducation physique et de préparation militaire (ci-après USEPPM) et la société par actions simplifiées Centre d'études et d'action sociale et culturelle « la Sourdière » (ci-après CEASC), cette dernière ayant pour président l'USEPPM, ont ouvert, dans les livres de la société Caisse de crédit mutuel de [Localité 13], (ci-après le Crédit mutuel) deux comptes courants chacune.

M. [Z] a été président de l'USEPPM de 2016 à 2023. Lors de l'assemblée générale du 25 janvier 2023, Mmes [B] et [I] et MM. [M], [U] et [K] ont été élus membres du conseil d'administration de cette association. Le 30 janvier 2023, M. [M] et M. [K] ont été respectivement élus en qualité de président et de secrétaire général. Ce nouveau bureau a convoqué une assemblée générale le 19 avril 2023 dont le procès-verbal a été adressé au préfet de région pour faire enregistrer les modifications intervenues. MM. [M] et [K] ont agi de même auprès du Crédit mutuel afin d'obtenir l'accès aux comptes de l'association.

Par jugement du 25 mars 2024, le tribunal judiciaire de Paris a, notamment, constaté que M. [Z] est le président légitime de l'USEPPM et annulé l'assignation délivrée par cette dernière représentée par M. [M].

A la suite de ce jugement, MM. [Z] et [R] ' ce dernier avait été élu en qualité de président de l'association lors de l'assemblée générale du 31 juillet 2023 ' se sont présentés au Crédit mutuel et demandé une mise à jour des documents juridiques permettant le fonctionnement des comptes. La mise à jour a été effectuée le 7 mai 2024 et il a été noté que le premier avait la qualité de trésorier et le second celle de président de l'association. Par lettre recommandée du 24 avril 2024, le Crédit Mutuel a dénoncé sa relation avec l'USEPPM, les comptes étant clôturés le 1er juillet suivant.

Parallèlement à ces faits, une assemblée générale de l'association a été tenue le 29 avril 2024 à l'issue de laquelle a été dressé un procès-verbal ayant pour objet la révocation de la gouvernance de celle-ci et la désignation de Mme [F] en qualité de présidente, qui a obtenu du Crédit mutuel l'accès aux comptes tant de l'USEPPM que du CEASC dont elle assure la présidence, la banque révoquant, dans le même temps, l'accès audits compte de M. [R].

C'est dans ces conditions, que par acte du 20 août 2024, l'association USEPPM, représentée par M. [R], et la société CEASC représentée par la première, ont assigné à heure indiquée, en vertu d'une ordonnance les y ayant autorisées, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, le Crédit mutuel afin, notamment, qu'il lui soit enjoint, sous astreinte, d'interdire et de refuser tous accès et opérations de retrait ou mouvements financiers sur leurs comptes à toute personne autre que M. [R] ou mandatée par lui se présentant indûment comme président de l'USEPPM et, par voie de conséquence, comme représentant de la présidente du CEASC et qu'il soit condamné au paiement de provisions à valoir sur les dommages et intérêts en réparation des préjudices subis.

Par ordonnance du 5 décembre 2024, le premier juge a :

déclaré nulle l'assignation délivrée le 20 août 2024 au nom de l'association USEPPM et de la société CEASC à l'encontre de la société Caisse de Crédit mutuel [Localité 13] ;

condamné in solidum l'association USEPPM et la société CEASC à payer à la société Caisse Crédit mutuel [Localité 13] une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par déclaration du 9 janvier 2025, l'association USEPPM et la société CEASC ont relevé appel de cette ordonnance en critiquant l'ensemble de ses chefs de dispositif.

Par jugement du 17 février 2025, le tribunal judiciaire de Paris a, notamment, annulé l'assemblée générale tenue le 29 avril 2024.

Dans leurs uniques conclusions remises et notifiées le 2 avril 2025, l'association USEPPM et la société CEASC demandent à la cour de :

infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions dont elles ont relevé appel ;

Statuant à nouveau,

les déclarer recevables et bien fondées en leurs demandes ;

débouter la société Caisse de crédit mutuel [Localité 13] de l'ensemble de ses prétentions ;

lui enjoindre de débloquer les comptes de la société CEASC (ou en ouvrir de nouveaux s'ils ont été définitivement clôturés) et rétablir les comptes de l'association USEPPM (ou en ouvrir de nouveaux s'ils ont été définitivement clôturés) :

' [XXXXXXXXXX07] (USEPPM)

' [XXXXXXXXXX06] (USEPPM)

' [XXXXXXXXXX08] (SAS CEASC)

' [XXXXXXXXXX09] (SAS CEASC)

ce sous astreinte de 3.000 euros par infraction constatée à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

lui enjoindre d'interdire et refuser tous accès et opérations de retrait ou mouvements financiers sur les comptes susvisés à toute personne autre que M. [R], président de l'USEPPM, elle-même présidente de la société CEASC, ou mandatée par lui, en particulier interdire et refuser tous accès et opérations de retrait ou mouvements financiers sur les comptes précités à :

MM. [T] [M] et [D] [S], condamnés par jugement du « 24 mars 2025 »,

Mme [O] [F], M. [H] [F], Mme [J] [V], Mme [N] [C], M. [L] [P], Mme [E] [B], Mme [Y] [W], Mme [X] [W], M. [A] [W], condamnés par jugement du 17 février 2025,

et ce sous astreinte de 3.000 euros par infraction constatée à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

ordonner à la banque Crédit mutuel d'avoir à communiquer à M. [R], président de I'USEPPM, elle-même présidente de la société CEASC :

toutes les demandes aux fins d'accès à un ou plusieurs comptes bancaires détenus par elles dans les livres du Crédit mutuel, de procuration et/ou de clôture, qui ont été adressées à cette banque par tous moyens de communication par M. [D] [S] dit "[K]", M. [T] [M], Mme [O] [F], M. [H] [F], Mme [J] [V], Mme [N] [C], M. [L] [P], Mme [E] [B], Mme [Y] [W], Mme [X] [W], M. [A] [W] entre le 1er janvier 2023 et jusqu'au prononcé de l'arrêt à intervenir ;

l'intégralité des relevés des comptes précités depuis le mois de janvier 2023 jusqu'au prononcé de l'arrêt à intervenir,

les justificatifs de suspension ou de clôture des comptes précités, du solde desdits comptes au jour de leur suspension ou clôture, du remboursement des sommes se trouvant sur lesdits comptes à leur suspension ou clôture, et de l'identité du ou des personnes morales bénéficiaires du chaque remboursement ainsi que de l'identité de la ou des personnes physiques s'étant présentées comme représentantes de ladite ou desdites personnes morales,

et ce sous astreinte de 1.500 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

condamner le Crédit mutuel à leur payer, à chacune, la somme provisionnelle de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour les préjudices subis « respectivement matériels évalués à 5.000 euros et moraux évalués à 5.000 euros » ;

condamner le Crédit mutuel à leur payer, à chacune, la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel et aux dépens.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 7 mai 2025, la société Caisse de crédit mutuel [Localité 13] demande à la cour de :

A titre principal et in limine litis,

confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions dont il a été relevé appel ;

en conséquence, juger nulle l'assignation délivrée par l'association USEPPM et la société CEASC en date du 20 août 2024, M. [R] ne détenant pas les pouvoirs en qualité de président pour introduire une telle action ;

les débouter de toutes leurs demandes ;

les condamner in solidum à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

A titre subsidiaire,

rejeter la pièce adverse n° 26 dénommée « Extrait des conclusions adverses » à défaut d'être produite dans son intégralité ;

ordonner le sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt de la cour à intervenir ayant force de chose jugée à l'encontre du jugement du 17 février 2025 ;

débouter les appelantes de toutes leurs demandes ;

les condamner in solidum à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

A titre très subsidiaire,

débouter les appelantes de toutes leurs demandes ;

les condamner in solidum à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

La clôture de la procédure a été prononcée le 4 juin 2025.

Pour un exposé plus détaillé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à la décision déférée ainsi qu'aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

A l'issue de l'audience, les appelantes ont été autorisées à produire un extrait Kbis récent de la société CEASC, qu'elles ont communiqué contradictoirement, le 12 juin 2025, par voie électronique.

SUR CE, LA COUR

Sur la régularité de l'acte introductif d'instance

Il résulte des dispositions combinées des articles 117, 119 et 121 du code de procédure civile, que constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte, le défaut de capacité d'ester en justice, le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale, soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice et le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice ; que les exceptions de nullité fondées sur l'inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d'un grief ; que dans les cas où elle est susceptible d'être couverte, la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.

Au cas présent, la société intimée soutient que l'assignation délivrée le 20 août 2024 par l'association USEPPM représentée par M. [R] et la société CEASC représentée par l'association, est affectée d'une irrégularité de fond dans la mesure où M. [R] n'avait pas, à la date de la délivrance de l'acte, qualité pour représenter celle-ci, seule Mme [F], en sa qualité de président de l'USEPPM suivant procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire du 29 avril 2024 ayant cette qualité ainsi qu'il résulte de l'attestation délivrée le 3 juin 2024 par la préfecture de Paris, qui annule toutes celles délivrés antérieurement. Elle ajoute que M. [R] ne justifie pas avoir obtenu une attestation de la préfecture précisant expressément sa qualité de président de l'association et indique qu'à ce jour, M. [R] ne détient pas les pouvoirs pour la représenter puisqu'un appel a été interjeté à l'encontre du jugement du tribunal judiciaire de Paris du 17 février 2025 et qu'il n'y a pas eu de publication rendant ce jugement opposable aux tiers.

Selon l'article 9 des statuts de l'USEPPM, celle-ci est représentée en justice et dans tous les actes de la vie civile par son président.

Il est constant qu'à la suite de l'assemblée générale extraordinaire tenue le 29 avril 2024, Mme [F] a été désignée en qualité de président de l'association et que cette désignation a été portée à la connaissance des tiers ainsi qu'il résulte de l'attestation de la préfecture de Paris du 3 juin 2024, laquelle précise que « toute attestation délivrée antérieurement a cessé de produire effet ».

Il ressort par ailleurs de l'extrait Kbis de la société CEASC du 21 août 2024, qu'à cette date, sa direction était assurée par son président, l'association USEPPM, elle-même représentée par Mme [F].

Il en résulte qu'à la date de la délivrance de l'assignation devant le premier juge, le 20 août 2024, M. [R] n'avait pas le pouvoir de représenter l'USEPPM et que, par suite, la société CEASC n'était pas davantage régulièrement représentée.

Mais, par jugement du 17 février 2025, non irrévocable à ce jour, mais exécutoire par provision, l'assemblée générale du 29 avril 2024 a été annulée, l'action engagée le 12 juin 2024 par l'USEPPM, représentée par son président, M. [R], ayant été déclarée recevable.

Il ressort de la lecture de ce jugement et des pièces produites que M. [R] a été désigné en qualité de président de l'association le 31 juillet 2023 ; que le procès-verbal le désignant a été adressé le 18 avril 2024 aux services de la préfecture de police de [Localité 12] et d'Ile de France qui en a délivré récépissé le 24 avril 2024, rendant ainsi cette décision opposable aux tiers ; que le 31 juillet 2024, les membres du conseil d'administration de l'association ont réélu M. [R] en qualité de président ; que cette décision a été envoyée à la préfecture de [Localité 12] et d'Ile de France le 3 septembre 2024 qui en a délivré récépissé le 6 septembre 2024 ; que lors de l'assemblée générale extraordinaire de la société CEASC en date du 3 septembre 2024, il a été mis fin aux fonctions de représentant légal de la personne morale dirigeante, Mme [F], et M. [R] a été nommé en remplacement de celle-ci ; que l'extrait Kbis de cette société mentionne, au 2 juin 2025, qu'elle a pour président l'USEPPM représentée par M. [R].

Au regard de l'évolution du litige depuis le jugement du 25 février 2025 et des éléments qui précèdent, il apparaît qu'à la date à laquelle la cour statue, l'irrégularité ayant initialement affecté l'acte introductif d'instance a disparu.

Il convient donc, infirmant l'ordonnance entreprise, de rejeter l'exception de nullité soulevée par le Crédit mutuel.

Sur la demande de sursis à statuer

Le Crédit mutuel demande qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt de la cour devant intervenir à la suite de l'appel interjeté à l'encontre du jugement du 17 février 2025. Il explique que bien que tiers, il a subi les conflits de gouvernance au sein de l'association, que l'annulation de l'assemblée générale du 29 avril 2024 a été motivée par un défaut de conformité aux articles 3 et 4 des statuts et qu'il est donc de bonne justice de prononcer un sursis à statuer.

Cependant, aucune circonstance ne justifie qu'il soit sursis à statuer dans la présente instance dès lors qu'au regard des motifs qui précèdent, à l'égard des tiers, M. [R] est, à ce jour, officiellement le président de l'USEPPM.

Sur la demande tendant à ce que soit écartée des débats la pièce n° 26 des appelantes

La société intimée demande, dans le dispositif de ses dernières conclusions, que la pièce n° 26 des appelantes, intitulée dans le bordereau de communication de pièces, « extraits des conclusions adverses des auteurs de la prise de contrôle (procédure à jour fixe 2024) », soit écartée des débats dès lors qu'elle n'a pas été produite dans son intégralité.

Il est exact que cette pièce, qui correspond aux conclusions déposées par les défendeurs, devant le tribunal judiciaire de Paris, dans l'instance initiée par l'USEPPM aux fins, notamment, d'annulation des résolutions prises lors de l'assemblée générale du 29 avril 2024, ayant donné lieu au jugement du 17 février 2025, n'a pas été produite dans son intégralité. Toutefois, cette pièce, bien qu'incomplète et dont la pertinence reste limitée, a été régulièrement communiquée de sorte qu'il n'y a pas lieu de l'écarter des débats.

Sur les mesures relatives aux comptes bancaires des appelantes

Selon l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

L'article 835, alinéa 1, du même code dispose que le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite désigne toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit. Le caractère illicite de l'acte peut résulter de sa contrariété à la loi, aux stipulations d'un contrat ou aux usages.

Le dommage imminent s'entend de celui qui n'est pas encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation dénoncée perdure.

Au cas présent, les appelantes, se fondant sur ces textes, soutiennent que tant l'urgence que l'existence d'un dommage imminent et d'un trouble manifestement illicite leur permettent de solliciter des mesures d'injonction à l'encontre du Crédit mutuel afin qu'il interdise aux auteurs des ingérences dénoncées tout accès à leurs comptes, les restitue et les réserve à M. [R], seul représentant légitime de l'USEPPM.

Elles considèrent que l'urgence résulte de la perte d'accès actuelle aux comptes, que le trouble manifestement illicite a pour origine l'ingérence des auteurs de la prise de contrôle de leurs comptes bancaires en raison du « laisser-faire » de la banque en dépit des alertes répétées qui lui avaient été faites et de l'information qu'elle avait eue par le premier jugement du 25 mars 2024, alors qu'elle est tenue d'un devoir général de vigilance portant sur la régularité apparente du fonctionnement des comptes. Elles soutiennent encore que cette ingérence a été permise par la banque qui a divulgué des échanges et informations, décidé de clôturer les comptes de l'USEPPM et de bloquer unilatéralement les comptes de la société CEASC et que le dommage imminent est caractérisé par cette ingérence, le risque de mouvements financiers pouvant être entrepris à leur insu et à leur préjudice, et l'atteinte à leur droit de propriété.

Mais, il est relevé que dès le 24 avril 2024, le Crédit mutuel a décidé de clôturer les comptes de l'USEPPM en dénonçant la convention concernant les deux comptes ouverts dans ses livres à l'expiration d'un délai d'un délai de 60 jours, clôture intervenue le 1er juillet 2024, la cour observant qu'à cette date, l'un des comptes avait un solde créditeur de 3,10 euros et l'autre avait un solde de 0 et qu'une décision identique a été prise, le 6 février 2025, pour les comptes de la société CEASC, la clôture étant intervenue le 11 avril 2025.

Il n'est pas démontré ni même allégué que la rupture des relations contractuelles entre la banque et les appelantes et, par suite la fermeture de leurs comptes, se seraient effectuées en violation des dispositions de l'article L.313-12 du code monétaire et financier, qui dispose que « tout concours à durée indéterminée, autre qu'occasionnel, qu'un établissement de crédit ou une société de financement consent à une entreprise, ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite et à l'expiration d'un délai de préavis fixé lors de l'octroi du concours. Ce délai ne peut, sous peine de nullité de la rupture du concours, être inférieur à soixante jours. Dans le respect des dispositions légales applicables, l'établissement de crédit ou la société de financement fournit, sur demande de l'entreprise concernée, les raisons de cette réduction ou interruption, qui ne peuvent être demandées par un tiers, ni lui être communiquées. L'établissement de crédit ou la société de financement ne peut être tenu pour responsable des préjudices financiers éventuellement subis par d'autres créanciers du fait du maintien de son engagement durant ce délai.

L'établissement de crédit ou la société de financement n'est pas tenu de respecter un délai de préavis, que l'ouverture de crédit soit à durée indéterminée ou déterminée, en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou au cas où la situation de ce dernier s'avérerait irrémédiablement compromise.

Le non-respect de ces dispositions peut entraîner la responsabilité pécuniaire de l'établissement de crédit ou de la société de financement. »

Aucune situation d'urgence ne commande donc d'ordonner à la banque de débloquer les comptes de l'association USEPPM et de la société CEASC ou de procéder à leur réouverture. Ces comptes étant clôturés, la demande tendant à enjoindre au Crédit mutuel d'interdire ou refuser tous accès ou opérations de retrait ou mouvements financiers sur ceux-ci à toute autre personne que M. [R] est sans objet.

Si les modifications successives de gouvernance intervenues au sein de l'association sont susceptibles d'être à l'origine de difficultés, notamment, s'agissant de la gestion des comptes bancaires tant de celle-ci que de la société CEASC, aucun trouble manifestement illicite ou dommage imminent ne peut toutefois être imputé au Crédit mutuel. En effet, il apparaît que cette banque a aussi subi le conflit de gouvernance existant au sein de l'USEPPM et il n'apparaît pas qu'elle aurait facilité l'ingérence dénoncée ou qu'elle aurait manqué à son devoir de vigilance.

A cet égard, il est relevé que la banque a tenu compte des changements successifs de présidence de l'USEPPM dès lors qu'ils étaient officialisés par les récépissés de la préfecture de [Localité 12] et par l'extrait Kbis de la société CEASC. Il est ainsi observé qu'avant 2023, M. [Z] était président de l'USEPPM ; que début 2023, M. [M] a été désigné président de cette association tandis que M. [S] avait la qualité de président de la société CEASC ainsi que l'établissait son extrait Kbis au 9 mai 2023, tandis que ce document démontrait qu'au 19 novembre 2023, cette société avait pour président l'USEPPM représentée par M. [M] ; qu'à la suite du jugement du 25 mars 2024, une mise à jour des documents juridiques a été effectuée par la banque, le 7 mai 2024, conformément à ce jugement et au procès-verbal du 31 juillet 2023 actant de l'élection de M. [R] en qualité de président de l'USEPPM ; qu'elle a dû procéder à une nouvelle mise à jour à la suite de la réception du récépissé de la préfecture de Paris du 3 juin 2024 et de l'extrait Kbis de la société CEASC, documents faisant état de la qualité de président de l'association de Mme [F], puis, en juillet 2024, elle a pris acte du nouveau changement de présidence, l'extrait Kbis de la société CEASC du 21 juillet 2024 démontrant qu'elle avait pour président l'USEPPM représentée par M. [R] alors que les extraits Kbis de cette société en date des 6 et 21 août et 24 septembre 2024 faisaient état de Mme [F] comme présidente de l'USEPPM (pièces n° 2, 3, 5, 6, 7, 9, 10, 15).

La société intimée a dû prendre en considération ces changements de présidence auxquels elle est totalement étrangère, pour le fonctionnement des comptes jusqu'à ce qu'elle décide de la rupture de la relation commerciale avec l'association en avril 2024, puis du blocage des comptes de la société CEASC à la suite de l'introduction de la présente procédure et enfin, en février 2025, de la cession de toute relation avec celle-ci, sans qu'aucune faute évidente ne puisse lui être reprochée à l'origine d'un trouble manifestement illicite ou d'un dommage imminent pour les appelantes.

Dans ces conditions, les mesures d'injonction sollicitées quant au déblocage, l'ouverture ou le rétablissement des comptes bancaires et, par suite, à l'interdiction d'en laisser l'accès à toute autre personne que M. [R] ne sont pas justifiées. Il n'y a donc pas lieu à référé de ces chefs.

Sur les demandes de provisions

Selon l'article 835, alinéa 2, du code de procédure civile, dans les cas où l'existence d'une obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut être accordé une provision au créancier, ou ordonné l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Les appelantes sollicitent, à titre provisionnel, la réparation des préjudices causés en considérant que l'intimée a manqué à son devoir de vigilance et de bonne foi dans l'exécution des contrats en ne tenant pas compte de leurs alertes répétées liées aux prises de contrôle dont elles ont fait l'objet, « en accédant à l'immixtion des auteurs de ces prises de contrôle et en les privant de l'accès et de la gestion de leurs comptes ».

Mais, au regard des motifs qui précèdent, il n'est pas démontré, avec l'évidence requise en référé, que la banque aurait commis une quelconque faute et, notamment, un manquement à son devoir de vigilance à l'origine d'un préjudice pour les appelantes, dès lors que la perte des accès aux comptes par ces dernières résulte non pas d'un comportement fautif de l'intimée mais des changements de présidence survenue, extérieurs à celle-ci et sur lesquels elle ne pouvait intervenir. Dans ces conditions, les demandes de provisions de l'association USEPPM et de la société CEASC se heurtant à une contestation sérieuse, il n'y a pas lieu à référé de ce chef.

Sur la demande de communication de documents

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.

Il entre dans les pouvoirs du juge des référés d'ordonner, sur le fondement de ce texte, une communication de pièces, sous réserve pour le demandeur de justifier d'un motif légitime.

Il est rappelé que :

le jugement du 25 mars 2024 a considéré que les décisions prises à l'occasion de l'assemblée générale du 25 janvier 2023 dont les membres avaient été convoqués par M. [S], n'étaient pas régulières de sorte que la révocation de M. [Z] est réputée n'avoir jamais existé et que l'assignation délivrée par l'USEPPM représentée par M. [M] était nulle ;

le jugement du 17 février 2025, exécutoire par provision, a annulé l'assemblée générale du 29 avril 2024 au cours de laquelle Mme [F] avait été élue présidente de l'USEPPM ;

les appelantes justifient être, à ce jour, régulièrement représentées par M. [R] en qualité de président de cette association, elle-même présidente de la société CEASC.

Ainsi, il est constant que depuis janvier 2023 d'autres personnes que M. [R] ou M. [Z] ont eu accès aux comptes bancaires de l'USEPPM et de la CEASC de sorte que ces dernières justifient d'un motif légitime à obtenir la communication des documents sollicités, susceptibles de contenir la preuve d'éventuels abus ou détournements et d'améliorer leur situation probatoire dans le cadre d'un futur procès, qui n'apparaît pas, en l'état, manifestement voué à l'échec.

Il sera donc ordonné au Crédit mutuel de communiquer aux appelantes, dans un délai de trois mois à compter de la signification du présent arrêt :

toutes les demandes aux fins d'accès aux comptes bancaires des appelantes, précisés dans le dispositif, ouverts dans les livres de cette banque ainsi que les demandes de procuration et/ou de clôture, qui ont été adressées à celle-ci par tous moyens de communication par M. [D] [S] dit « [K] », M. [T] [M], Mme [O] [F], M. [H] [F], Mme [J] [V], Mme [N] [C], M. [L] [P], Mme [E] [B], Mme [Y] [W], Mme [X] [W], M. [A] [W] depuis le 1er janvier 2023 et jusqu'aux dates de fermeture des comptes de l'USEPPM et du CEASC ;

l'intégralité des relevés des comptes depuis le mois de janvier 2023 jusqu'aux dates de fermeture des comptes ;

les justificatifs de suspension ou de clôture des comptes précités, du solde desdits comptes au jour de leur suspension ou clôture, du remboursement des sommes se trouvant sur lesdits comptes à leur suspension ou clôture, et de l'identité du ou des personnes morales bénéficiaires de chaque remboursement ainsi que de l'identité de la ou des personnes physiques s'étant présentées comme représentantes de ladite ou desdites personnes morales.

Afin d'assurer l'effectivité de cette communication, il y aura lieu de l'assortir d'une astreinte ainsi qu'il sera précisé au dispositif.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

L'issue du litige en appel impose de laisser supporter aux appelantes les dépens exposés en première instance et en appel. En effet, celles-ci succombent en la plupart de leurs prétentions et il est admis que la partie défenderesse à une mesure ordonnée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ne peut être considérée comme une partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile puisque les mesures d'instruction sollicitées avant tout procès le sont au seul bénéfice de celui qui les sollicite, en vue d'un éventuel procès au fond, et sont donc en principe à la charge de ce dernier.

Aucune considération d'équité ne commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de l'une ou l'autre des parties.

PAR CES MOTIFS

Infirme l'ordonnance entreprise sauf en ses dispositions relatives aux dépens de première instance ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Dit n'y avoir lieu à annulation de l'assignation délivrée le 20 août 2024 par l'association Union des sociétés d'éducation physique et de préparation militaire et la société Centre d'études et d'action sociale et culturelle « La Sourdière » ;

Dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer ;

Dit n'y avoir lieu d'écarter des débats la pièce n° 26 communiquée par les appelantes ;

Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes d'injonction formées par l'association Union des sociétés d'éducation physique et de préparation militaire et la société Centre d'études et d'action sociale et culturelle "La Sourdière" portant sur le déblocage, l'ouverture ou le rétablissement des comptes bancaires précédemment ouverts dans les livres de la société Caisse de Crédit mutuel [Localité 13] ainsi que sur l'interdiction et le refus de tous accès et opérations de retrait ou mouvements financiers sur les comptes à toute autre personne que M. [R] ;

Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de provisions formées par l'association Union des sociétés d'éducation physique et de préparation militaire et la société Centre d'études et d'action sociale et culturelle « La Sourdière » ;

Ordonne à la société Caisse de Crédit mutuel [Localité 13] de communiquer à M. [R], président de l'association Union des sociétés d'éducation physique et de préparation militaire, elle-même présidente de la société Centre d'études et d'action sociale et culturelle « La Sourdière », dans un délai de trois mois à compter de la signification du présent arrêt :

toutes les demandes aux fins d'accès aux comptes bancaires n° [XXXXXXXXXX01] et [XXXXXXXXXX02] de l'association Union des sociétés d'éducation physique et de préparation militaire et n° [XXXXXXXXXX03] et [XXXXXXXXXX04] de la société Centre d'études et d'action sociale et culturelle « La Sourdière », ouverts dans les livres de cette banque ainsi que les demandes de procuration et/ou de clôture, qui ont été adressées à celle-ci par tous moyens de communication par M. [D] [S] dit « [K] », M. [T] [M], Mme [O] [F], M. [H] [F], Mme [J] [V], Mme [N] [C], M. [L] [P], Mme [E] [B], Mme [Y] [W], Mme [X] [W], M. [A] [W] depuis le 1er janvier 2023 et jusqu'à la date effective de fermeture des comptes de l'association Union des sociétés d'éducation physique et de préparation militaire et de la société Centre d'études et d'action sociale et culturelle « La Sourdière » ;

l'intégralité des relevés desdits comptes depuis le mois de janvier 2023 jusqu'à leur date de fermeture effective ;

les justificatifs de suspension ou de clôture des comptes précités, du solde desdits comptes au jour de leur suspension ou clôture, du remboursement des sommes se trouvant sur lesdits comptes à leur suspension ou clôture, et de l'identité du ou des personnes morales bénéficiaires de chaque remboursement ainsi que de l'identité de la ou des personnes physiques s'étant présentées comme représentantes de ladite ou desdites personnes morales ;

Dit qu'à défaut de communication de ces pièces dans le délai précité, la société Caisse de Crédit mutuel [Localité 13] sera tenue de payer à l'association Union des sociétés d'éducation physique et de préparation militaire une astreinte de 200 euros par jour de retard, pendant une période de trois mois à l'issue de laquelle il pourra être statué sur une nouvelle astreinte ;

Condamne in solidum l'association Union des sociétés d'éducation physique et de préparation militaire et la société Centre d'études et d'action sociale et culturelle « La Sourdière » aux dépens d'appel ;

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile tant au titre des frais irrépétibles de première instance que d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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