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Décisions

CA Aix-en-Provence, retention administrative, 6 septembre 2025, n° 25/01768

AIX-EN-PROVENCE

Ordonnance

Autre

CA Aix-en-Provence n° 25/01768

6 septembre 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative

ORDONNANCE

DU 06 SEPTEMBRE 2025

N° RG 25/01768 - N° Portalis DBVB-V-B7J-BPE4W

Copie conforme

délivrée le 06 Septembre 2025 par courriel à :

- l'avocat

- le préfet

- le CRA

- le JLD/TJ

- le retenu

- le MP

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention de [Localité 6] en date du 05 Septembre 2025 à 10H45.

APPELANT

Monsieur [T] [P]

né le 11 Décembre 1999 à [Localité 5]

de nationalité Tunisienne

comparant en visio conférence en application de l'article L743-7 du CESEDA.

Assisté de Maître Alexandre AUBRUN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, commis d'office.

et de Monsieur [X] [I], interprète en arabe, inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

INTIMÉE

PRÉFECTURE DES BOUCHES DU RHÔNE

Avisé, non représenté

MINISTÈRE PUBLIC

Avisé, non représenté

******

DÉBATS

L'affaire a été débattue en audience publique le 06 Septembre 2025 devant Madame Fabienne ALLARD, Conseillère à la cour d'appel déléguée par le premier président par ordonnance, assistée de Madame Corinne AUGUSTE, Greffier,

ORDONNANCE

Réputée contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 06 Septembre 2025 à 16h20,

Signée par Madame Fabienne ALLARD, Conseillère et Madame Corinne AUGUSTE, Greffier,

PROCÉDURE ET MOYENS

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;

Vu l'arrêté portant obligation de quitter le territoire national pris le 27 mars 2024 par la PRÉFECTURE DE LA SEINE MARITIME , notifié le même jour à 17H15;

Vu la décision de placement en rétention prise le 02 septembre 2025 par la PRÉFECTURE DES BOUCHES DU RHÔNE notifiée le même jour à 16H40;

Vu l'ordonnance du 05 Septembre 2025 rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention décidant le maintien de Monsieur [T] [P] dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;

Vu l'appel interjeté le 05 Septembre 2025 à 12H36 par Monsieur [T] [P] ;

Monsieur [T] [P] a comparu et a été entendu en ses explications ; il déclare qu'il souhaite quitter le territoire français pour rejoindre sa compagne en Allemagne, celle-ci étant enceinte et qu'il a toujours respecté les termes de son assignation à résidence.

Son avocat a été régulièrement entendu, reprend les termes de la déclaration d'appel et demande l'infirmation de l'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire ainsi que la mainlevée du placement en rétention, ou subsidiairement une assignation à résidence.

Le représentant de la préfecture n'a pas comparu à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La recevabilité de l'appel contre l'ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention n'est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d'irrégularité.

Pour autant , aux termes de l'article R743-11 alinéa 1 du CESEDA, à peine d'irrecevabilité la déclaration d'appel est motivée.

En l'occurrence l'appelant demande à la cour d'infirmer la décision du premier juge et, en liminaire de la partie discussion, précise que 's'ajoutent aux moyens développés dans la présente déclaration d'appel, tous éventuels autres moyens déjà développés dans les conclusions de première instance qui ont pu être déposés ou plaidés devant le JLD, et auxquels la présente déclaration se réfère nécessairement'.

Toutefois la juridiction du second degré étant saisie par une déclaration d'appel motivée et la procédure suivie étant orale les moyens soulevés devant le premier juge et non repris dans la déclaration d'appel ou devant le premier président dans le délai d'appel ne peuvent qu'être déclarés irrecevables.

1/ Sur le moyen tiré de l'irrecevabilité de la requête en prolongation

1.1 Sur la délégation de signature

L'article R 741-1 du CESEDA dispose que l'autorité compétente pour ordonner le placement en rétention administrative d'un étranger est le préfet de département et, à [Localité 8], le Préfet de police.

Il en résulte que le signataire d'un arrêté préfectoral, s'il n'est le préfet en personne, doit avoir agi en vertu d'une délégation de signature.

En l'espèce, il résulte du recueil des actes administratifs spécial que Mme [C] [H], signataire de la décision contestée est chef de bureau à la Préfecture des Bouches du Rhône. Comme tel, elle bénéficie d'une délégation de signature à cette fin selon arrêté n° 13-2025-02-06-00002 pris le 5 février 2025 par le Préfet des Bouches du Rhône et régulièrement publié.

Il s'ensuit que le moyen tiré de l'absence de délégation de signature manque en fait.

1.2 Sur les pièces justificatives

L'article R.743-2 du CESEDA prévoit que lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2 précité. Le juge doit être en mesure de tirer toutes conséquences d'une absence de pièce qui ferait obstacle à son contrôle.

La loi ne précise pas le contenu de ces pièces justificatives, qui doivent être comprises comme celles nécessaires à l'appréciation par le juge des éléments de fait et de droit dont l'examen lui permet d'exercer pleinement ses pouvoirs.

En l'espèce, l'administration produit les pièces utiles à établir les diligences qu'elle a accomplies à ce jour.

M. [P] n'explicite pas quelle pièce nécessaire à l'appréciation par le juge des éléments de fait et de droit lui permettant pleinement ses pouvoirs manque à la procédure.

En conséquence, ce grief ne peut être retenu.

1.3 Sur le registre actualisé

Selon l'article R.743-2 du CESEDA, outre les pièces justificatives utiles, la requête est accompagnée d'une copie du registre prévu à l'article L.744-2.

Ce texte dispose qu'il est tenu, dans tous les lieux de rétention, un registre mentionnant l'état civil des personnes retenues, ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien en rétention. Le registre mentionne également l'état civil des enfants mineurs accompagnant ces personnes ainsi que les conditions de leur accueil. L'autorité administrative tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d'information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation.

Selon les dispositions de l'article L. 743-9 du CESEDA le magistrat du siège du tribunal judiciaire, saisi aux fins de prolongation de la rétention, rappelle à l'étranger les droits qui lui sont reconnus et s'assure, d'après les mentions figurant au registre prévu à l'article L. 744-2 émargé par l'intéressé, que celui-ci a été, dans les meilleurs délais suivant la notification de la décision de placement en rétention, pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir à compter de son arrivée au lieu de rétention. Le juge tient compte des circonstances particulières liées notamment au placement en rétention simultané d'un nombre important d'étrangers pour l'appréciation des délais relatifs à la notification de la décision, à l'information des droits et à leur prise d'effet.

Il résulte de la combinaison de ces textes que le registre doit être mis à jour et que la non-production d'une copie actualisée, permettant un contrôle de l'effectivité de l'exercice des droits reconnus à l'étranger au cours de la mesure de rétention, constitue une fin de non-recevoir. Celle-ci doit être accueillie sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief dès lors que le juge ne peut s'assurer que l'étranger a été en mesure d'exercer les droits qui lui sont reconnus par les articles L. 744-4 et suivants du CESEDA.

Le paragraphe IV de l'annexe de l'arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention et d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé «logiciel de gestion individualisée des centres de rétention administrative» (LOGICRA) prévoit notamment que sont enregistrées dans les traitements au titre des données à caractère personnel concernant la fin de la rétention et l'éloignement les informations suivantes :

1° Demande de laissez-passer consulaire, consulat saisi, date de la demande d'identification ou de présentation consulaire, type de présentation, motif de non-présentation, date de I'entretien, moyen de transport utilisé, résultat de I'entretien, délivrance du laissez-passer consulaire, date de délivrance, date et fin de validité du laissez-passer consulaire;

2° Réservation du moyen de transport national et international: date prévisionnelle de départ, moyen de transport utilisé, pays de destination, demande de routing, escorte;

3° Fin de la rétention: date et motif de la fin de rétention.

En l'espèce l'appelant soulève le défaut d'actualisation du registre de rétention au motif que le registre ne mentionne pas qu'il est en possession d'un passeport, même périmé, ni les diligences consulaires.

Les diligences consulaires effectuées par l'administration ne constituent nullement des droits au sens des articles L. 744-4 et suivants du CESEDA, dont le défaut de mention dans le registre de rétention rendrait irrecevable la requête en prolongation de la mesure de rétention, s'agissant au surplus d'une question de fond en application de l'article L741-3 du même code.

S'agissant du passeport, l'absence de mention de celui dans le registre ne consacre aucune atteinte aux droits de M. [P], étant observé d'une part qu'étant périmé, il ne peut asseoir une décision d'assignation à résidence, d'autre part que l'autorité administrative, qui ne conteste pas l'existence de ce passeport, en fait mention dans les pièces justificatives, notamment au soutien de ses diligences en vue d'obtenir un laisser passer consulaire.

En conséquence il y a lieu de rejeter la fin de non recevoir soulevée par M. [P].

2/ Sur le fond

2.1 Sur l'insuffisance de motivation

L'article L741-6 du CESEDA dispose que la décision de placement en rétention est prise par l'autorité administrative, après l'interpellation de l'étranger ou, le cas échéant, lors de sa retenue aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour, à l'expiration de sa garde à vue, ou à l'issue de sa période d'incarcération en cas de détention. Elle est écrite et motivée. Elle prend effet à compter de sa notification.

Il résulte de cette disposition que le contrôle du juge à ce stade doit porter sur l'existence de la motivation et non pas sur sa pertinence, la décision de placement en rétention devant être écrite et motivée en fait et en droit.

En l'espèce, M. [P] considère que la requête en prolongation est insuffisamment motivée en ce qu'elle ne se réfère pas expressément à sa situation familiale et à la mesure d'assignation à résidence dont il a bénéficié en 2024 et qu'il a pleinement respectée, après sa sortie de l'établissement pénitentiaire.

Il sera toutefois observé que dans sa requête le préfet vise les dispositions légales servant de fondement à sa décision, à savoir les articles L612-3, L741-1, L741-6 et L744-4 du CESEDA mais aussi l'arrêté portant obligation de quitter le territoire.

Il développe ensuite plusieurs éléments de fait au soutien de sa décision, tels que l'incarcération de Monsieur [P] pour des faits de violence avec arme, sa présence sur le territoire français plus de quinze mois après la décision l'obligeant à quitter le territoire français, qui comporte une interdiction de retour pendant trois ans, tous éléments laissant craindre, selon lui, nonobstant ses dénégations, une volonté de se maintenir illégalement sur le territoire. Il ajoute que l'intéressé ne justifie d'aucun titre d'identité en cours de validité.

Ces éléments suffisent à considérer que l'arrêté de placement en rétention est suffisamment motivé.

Le moyen soulevé sera donc rejeté.

1.2 Sur l'erreur d'appréciation

L'article R742-1 du CESEDA dispose que le juge des libertés et de la détention est saisi aux fins de prolongation de la rétention par simple requête de l'autorité administrative, dans les conditions prévues au chapitre III, avant l'expiration, selon le cas, de la période de quarante-huit heures mentionnée à l'article L. 742-1 ou de la période de prolongation ordonnée en application des articles L. 742-4, L. 742-5, L. 742-6 ou L. 742-7. La requête est adressée par tout moyen au greffe du tribunal compétent conformément aux dispositions de l'article R. 743-1.

Aux termes des dispositions de l'article L742-1 du CESEDA, 'Le maintien en rétention au-delà de quarante-huit heures à compter de la notification de la décision de placement initiale peut être autorisé, dans les conditions prévues au présent titre, par le juge des libertés et de la détention saisie à cette fin par l'autorité administrative.'

Selon les dispositions de l'article L741-3 du CESEDA, 'Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.'

Aux termes des dispositions de l'article L743-9 du CESEDA, 'Le juge des libertés et de la détention, saisi aux fins de prolongation de la rétention, rappelle à l'étranger les droits qui lui sont reconnus et s'assure, d'après les mentions figurant au registre prévu à l'article L. 744-2 émargé par l'intéressé, que celui-ci a été, dans les meilleurs délais suivant la notification de la décision de placement en rétention, pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir à compter de son arrivée au lieu de rétention.

Le juge tient compte des circonstances particulières liées notamment au placement en rétention simultané d'un nombre important d'étrangers pour l'appréciation des délais relatifs à la notification de la décision, à l'information des droits et à leur prise d'effet.'

L'article L743-13 du CESEDA rappelle que le juge des libertés et de la détention peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives. L'assignation à résidence ne peut être ordonnée par le juge qu'après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la décision d'éloignement en instance d'exécution.

Lorsque l'étranger s'est préalablement soustrait à l'exécution d'une décision mentionnée à l'article L. 700-1, à l'exception de son 4°, l'assignation à résidence fait l'objet d'une motivation spéciale.

En l'espèce, il ressort des pièces de la procédure que la requête aux fins de prolongation de la rétention du préfet est régulière et que la mesure d'éloignement n'a pu être mise à exécution dans le délai de 48 heures s'étant écoulé depuis la décision de placement en rétention.

Il résulte également des pièces produites par la Préfecture que celle-ci a adressé une demande de laisser au consulat de Tunisie le 2 septembre 2025. Il en résulte qu'elle justifie d'une saisine rapide des autorités tunisiennes afin d'organiser le retour de l'intéressé.

Il convient de rappeler que la réalisation d'actes sans véritable effectivité, tels que des relances auprès des consulats n'est pas requis dès lors que l'administration ne dispose d'aucun pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires.

M. [P] ne dispose pas d'un titre d'indentité en cours de validité puisque la validité de son passeport est expirée. Il a été condamné à une peine de deux ans d'emprisonnement, dont neuf mois avec sursis pour violences aggravées et, en dépit d'une mesure d'assignation à résidence lors de sa levée d'écrou, en mars 2024, n'a toujours pas quitté le territoire, alors qu'il explique lui même que sa compagne, qui vit en Allemagne, est enceinte de lui.

S'il prétend ne pas avoir compris qu'il devait quitter le territoire français, ses dénégations sont contredites par la notification qui lui a été faite le 27 mars 2024 de la décision lui enjoignant de quitter la France.

Ces éléments, ajoutés au fait qu'il ne dispose pas d'un document d'identité en cours de validité, permettent de douter de sa volonté de se conformer à l'obligation de quitter le territoire français et font obstacle à une éventuelle assignation à résidence.

En conséquence, la décision dont appel sera confirmée en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par décision réputée contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,

Déclarons l'appel recevable ;

Confirmons en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 5 septembre 2025 par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention du tribunal judiciaire de Marseille ;

Les parties sont avisées qu'elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d'Etat ou de la Cour de cassation.

Le greffier Le président

Reçu et pris connaissance le :

Monsieur [T] [P]

Assisté d'un interprète

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-11, Rétentions Administratives

[Adresse 7]

Téléphone : [XXXXXXXX02] - [XXXXXXXX03] - [XXXXXXXX01]

Courriel : [Courriel 4]

Aix-en-Provence, le 06 Septembre 2025

À

- PREFECTURE DES BOUCHES DU RHONE

- Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de [Localité 6]

- Monsieur le procureur général

- Monsieur le greffier du Magistrat du siège du tribunal judiciaire chargé du contrôle des mesures privatives et restrictives de libertés de MARSEILLE

- Maître Alexandre AUBRUN

NOTIFICATION D'UNE ORDONNANCE

J'ai l'honneur de vous notifier l'ordonnance ci-jointe rendue le 06 Septembre 2025, suite à l'appel interjeté par :

Monsieur [T] [P]

né le 11 Décembre 1999 à [Localité 5]

de nationalité Tunisienne

Je vous remercie de m'accuser réception du présent envoi.

Le greffier,

VOIE DE RECOURS

Nous prions Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de bien vouloir indiquer au retenu qu'il peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation.

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