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Décisions

CA Nîmes, 5e ch. soc. ph, 8 septembre 2025, n° 24/00654

NÎMES

Arrêt

Autre

CA Nîmes n° 24/00654

8 septembre 2025

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 24/00654 - N° Portalis DBVH-V-B7I-JDIM

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AVIGNON

25 janvier 2024

RG:21/00448

[L]

C/

S.A.S. HYTECK ([Adresse 5])

Grosse délivrée le 08 SEPTEMBRE 2025 à :

- Me BREUILLOT

- Me OUALID

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 08 SEPTEMBRE 2025

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AVIGNON en date du 25 Janvier 2024, N°21/00448

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président,

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère,

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier à la 5ème chambre sociale, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l'audience publique du 07 Mai 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 08 Septembre 2025.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

Madame [M] [L]

née le 15 Novembre 1958 à [Localité 7]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Anne-france BREUILLOT de la SELARL BREUILLOT & AVOCATS, avocat au barreau de CARPENTRAS

INTIMÉE :

S.A.S. HYTECK ([Adresse 5])

[Adresse 2]

[Adresse 8]

[Localité 3]/France

Représentée par Me Raphaël OUALID de la SELARL YDES, avocat au barreau d'AVIGNON

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 08 Septembre 2025, par mise à disposition au greffe de la cour.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

Mme [M] [L] a été engagée à compter du 6 décembre 2007 par la SAS Hyteck, exploitant sous l'enseigne [Adresse 5], pour exercer les fonctions d'opératrice de conditionnement, niveau I, échelon I, coefficient 175 de la convention collective « Chimie : industries chimiques ».

Le 20 juin 2019, Mme [L] a été élue membre suppléant du comité social et économique. Son mandat a été renouvelé à l'occasion des élections du 6 juillet 2023.

À compter du 3 novembre 2021, elle a été désignée déléguée syndicale de la Confédération générale du travail (CGT) et représentante syndicale de la CGT au CSE.

Reprochant à son employeur de ne pas avoir mis en place un accord de participation au motif que le seuil de 50 salariés avait été atteint notamment en 2016, Mme [M] [L] a saisi le conseil de prud'hommes d'Avignon en paiement de diverses sommes lequel, par jugement contradictoire du 25 janvier 2024 :

- Constate que la société HYTECK a manqué à son obligation de faire mais seulement à partir de l'exercice 2020 ;

- Condamne la société HYTECK à payer à Mme [L] :

- 5.691,73 € bruts à titre de rappel de participation de l'année 2020 majoré des intérêts inhérents de l'article D 3324-25 du code du travail ;

- 2.500 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

- 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêt au taux légal à compter du 27 décembre 2021 et que les sommes à caractère indemnitaire porteront intérêt au taux légal à compter du prononcé du présent jugement.

Ordonne la capitalisation des intérêts.

Ordonne la délivrance à Mme [L] des bulletins de salaire rectifiés sous astreinte de 10 € par jour de retard à compter du 30 e jour suivant la notification du présent jugement, le conseil se réserve le pouvoir de liquider l'astreinte sur demande chiffrée de Mme [L].

Ordonne l'exécution provisoire de droit.

Déboute Mme [L] du surplus de ses demandes.

Déboute la société HYTECK de l'intégralité de ses demandes.

Mets les éventuels dépens de l'instance à la charge de la société HYTECK.

Par acte du 23 février 2024 Mme [M] [L] a régulièrement interjeté appel de cette décision, l'affaire a été enregistrée sous le numéro RG 24 00654.

Par acte du 26 février 2024 la SAS Hyteck a également interjeté appel de cette décision, l'affaire a été enregistrée sous le numéro RG 24 00681.

Aux termes de ses dernières conclusions (RG 24 00654) en date du 06 mai 2024, Mme [M] [L] demande à la cour de :

Vu les articles L 3321-1 et suivants du code du travail ;

Infirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes d'[Localité 6] le 25 janvier 2024 en ce qu'il a constaté que la société HYTECK n'avait manqué à son obligation de faire relative à la mise en 'uvre d'un accord de participation à compter de l'exercice 2020 seulement ;

Infirmer le jugement rendu en ce qu'il a débouté Madame [L] de sa demande de faire constater que la société SAS HYTECK avait manqué à son obligation légale de proposer un accord de participation aux salariés à compter du 1er janvier 2018 et de verser la réserve spéciale de participation au profit de ses salariés pour les années 2018 et 2019 ;

L'infirmer en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de voir condamner la SAS HYTECK exploitant sous l'enseigne [Adresse 5] de lui payer, à titre de rappel de participation les sommes suivantes :

' 5 100,29 € au titre de l'année 2018 majorée des intérêts au taux de l'article D 3324-25 à compter du 1 er juin 2019 ;

' 5 094,81 € au titre de l'année 2019 majorée des intérêts au taux de l'article D 3324-25 à compter du 1 er juin 2020

L'infirmer en ce qu'il l'a déboutée de sa demande tendant à voir condamner la SAS HYTECK à lui payer la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, entrave et discrimination syndicale ;

Constater que la société SAS HYTECH a manqué à son obligation légale de proposer un accord de participation aux salariés à compter du 1 er janvier 2018 et de verser la réserve spéciale de participation au profit de ses salariés ;

Confirmer le jugement rendu en ce qu'il a condamné la société HYTECK exploitant sous l'enseigne [Adresse 5] à payer à Madame [L], à titre de rappel de participation la somme de 59691,73 € au titre de l'année 2020 majorée des intérêts au taux de l'article D 3324-25 à compter du 1 er juin 2021;

Condamner la société HYTECK exploitant sous l'enseigne [Adresse 5] à payer à Madame [M] [L], à titre de rappel de participation, les sommes de :

' 5 100,29 € au titre de l'année 2018 majorée des intérêts au taux de l'article D 3324-25 à compter du 1 er juin 2019 ;

' 5 094,81 € au titre de l'année 2019 majorée des intérêts au taux de l'article D 3324-25 à compter du 1 er juin 2020

En tout état de cause, condamner la SAS HYTECH à payer à Madame [M] [L] une somme de 15000 € à titre de dommages et intérêts résultant du préjudice moral et humain, de l'entrave et de la discrimination syndicale dont la salariée a été victime ;

Dire que ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la requête qui pourront être capitalisés annuellement ;

La condamner au paiement d'une somme de 4 500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Condamner la société HYTECK à remettre à Madame [M] [L] des bulletins de salaire rectifiés sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de 15 jours après la notification de la décision à intervenir ;

La condamner aux dépens ;

Au termes de ses conclusions d'intimée ( RG 24 00681) Mme [M] [L] demande à la cour de :

Vu les articles L 3321-1 et suivants du code du travail ;

Débouter la société HYTECK de toutes ses demandes en cause d'appel ;

Confirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes d'[Localité 6] le 25 janvier 2024 en ce qu'il a constaté que la société HYTECK avait manqué à son obligation relative à la mise en 'uvre d'un accord de participation au titre de l'année 2020.

Le confirmer en ce qu'il a condamné la société HYTECK exploitant sous l'enseigne [Adresse 5] à payer à Madame [M] [L], à titre de rappel de participation, la somme de 5 691,73 € au titre de l'année 2020 majorée des intérêts au taux de l'article D 3324-25 à compter du 1 er juin 2021;

Infirmer le jugement rendu en ce qu'il a débouté Madame [M] [L] de sa demande de faire constater que la société SAS HYTECK avait manqué à son obligation légale de proposer un accord de participation aux salariés à compter du 1er janvier 2018 et de verser la réserve spéciale de participation au profit de ses salariés pour les années 2018 et 2019 ;

L'infirmer en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de voir condamner la SAS HYTECK exploitant sous l'enseigne [Adresse 5] de lui payer, à titre de rappel de participation les sommes suivantes :

' 5 100,29 € au titre de l'année 2018 majorée des intérêts au taux de l'article D 3324-25 à compter du 1 er juin 2019 ;

' 5 094,81 € au titre de l'année 2019 majorée des intérêts au taux de l'article D 3324-25 à compter du 1 er juin 2020

L'infirmer en ce qu'il l'a déboutée de sa demande tendant à voir condamner la SAS HYTECK à lui payer la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, entrave et discrimination syndicale ;

Constater que la société SAS HYTECH a manqué à son obligation légale de proposer un accord de participation aux salariés à compter du 1 er janvier 2018 et de verser la réserve spéciale de participation au profit de ses salariés ;

Condamner la société HYTECK exploitant sous l'enseigne [Adresse 5] à payer à Madame [M] [L], à titre de rappel de participation, les sommes de :

' 5 100,29 € au titre de l'année 2018 majorée des intérêts au taux de l'article D 3324-25 à compter du 1 er juin 2019 ;

' 5 094,81 € au titre de l'année 2019 majorée des intérêts au taux de l'article D 3324-25 à compter du 1 er juin 2020

En tout état de cause, condamner la SAS HYTECH à payer à Madame [M] [L] une somme de 15000 € à titre de dommages et intérêts résultant du préjudice moral et humain, de l'entrave et de la discrimination syndicale dont la salariée a été victime ;

Dire que ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la requête qui pourront être capitalisés annuellement ;

La condamner au paiement d'une somme de 4 500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Condamner la société HYTECK à remettre à Madame [M] [L] des bulletins de salaire rectifiés sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de 15 jours après la notification de la décision à intervenir ;

La condamner aux dépens ;

Elle soutient que :

- la SAS Hyteck a refusé de mettre en place un dispositif de participation et d'engager des pourparlers en vue d'un accord en 2018 alors qu'en raison de la réunion des critères prévus par la loi, un tel dispositif devait être mis en place pour les années 2018,2019 et 2020, l'article L.3322-3 n'envisageait le report de l'obligation de proposer un accord de participation que lorsque le seuil des cinquante salariés était franchi postérieurement à l'accord d'intéressement ce qui n'est pas le cas en l'espèce, le bilan de l'année 2017 mentionne un effectif moyen de 52 salariés au cours de l'année 2017, cet effectif ne comptant pas les intérimaires, nombreux au sein de l'entreprise.

- sa demande n'est pas prescrite pour ne pas avoir disposé plus avant des éléments lui permettant de faire valoir ses droits, la SAS Hyteck se refusant à publier ses comptes et bilans sociaux, par application des dispositions de l'article L 1471-1 du code du travail, la prescription biennale ne court que « du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit » faisant observer que les bilans des années 2018 et 2019 n'ont été déposés au greffe du tribunal de commerce que le 22 février 2021 et que ce dépôt n'a été publié au BODACC que le 10 mars 2021, selon un jurisprudence constante, la prescription « ne s'applique pas lorsque la créance, même périodique, dépend d'éléments qui ne sont pas connus du salarié », avant la publication des résultats de 2018 et 2019, elle n'avait aucun moyen de connaître les résultats de l'entreprise ni de savoir si une réserve spéciale de participation aurait dû être constituée par son employeur, le fait de savoir que l'entreprise comptait plus de 50 salariés lors de la signature de l'accord d'intéressement du 25 juin 2018 ou à l'occasion des élections professionnelles en mars 2018 ne lui permettait pas de savoir que l'entreprise avait dépassé le seuil de 50 salariés pendant 12 mois consécutifs ou non au cours des trois derniers exercices avant le 1er janvier 2018 dès lors que les documents sociaux n'étaient pas publiés notamment en 2016, en application des dispositions de l'article D. 3323-13 du code du travail, l'employeur aurait dû présenter, dans les six mois qui ont suivi la clôture des exercices 2018 et 2019, soit pour le premier le 30 juin 2019, pour le second le 30 juin 2020, un rapport au comité social et économique, les salariés auraient dû bénéficier d'une information individuelle en application de l'article D. 3323-16 du code du travail, enfin, le versement au titre de la participation 2019 ne pouvait intervenir avant le mois d'avril 2020, date d'établissement du bilan de l'exercice 2019, et sa créance à ce titre était inexistante avant cette date,

- la clause de sauvegarde prévue à l'accord d'intéressement ne concerne que la prime d'intéressement et non la réserve spéciale de participation, c'est la prime d'intéressement qui doit être minorée en fonction de la participation versée, et non l'inverse, d'autre part, c'est uniquement la prime individuelle d'intéressement qui peut être réduite ou supprimée le cas échéant en fonction du montant de la participation versée au salarié individuellement,

- elle a calculé le montant des sommes lui revenant à partir des éléments qu'elle a pu consulter,

- les sommes qui sont dues au titre de la participation lui ont manqué dans sa vie quotidienne, pour la vie de sa famille et l'entretien de son fils mineur, le montant de la participation représentait environ le quart de son salaire annuel, et le fait qu'elle en ait été privée a nécessairement eu des conséquences au regard de sa situation modeste, elle a subi un préjudice spécifique et un trouble dans ses conditions d'existence résultant de ce non-paiement,

- elle n'a pas reçu les informations qui lui étaient dues en sa qualité de représentante du personnel et même de simple salariée, son employeur ne l'a jamais informée normalement, a manqué à ses obligations, et a entravé l'exercice de son mandat en ne fournissant pas la Base de données économiques et sociales, et en refusant de communiquer les modalités de calcul de l'intéressement,

- elle a été victime de discrimination syndicale au motif que SAS Hyteck n'a pas engagé préalablement de négociation avec elle afin de négocier l'accord de participation obligatoire depuis 2018 ou même le renouvellement de l'accord d'intéressement.

En l'état de ses dernières écritures en date du 30 juillet 2024 (RG 24 00654) la SAS Hyteck demande à la cour de :

Infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes d'AVIGNON du 25 janvier 2024 en ce qu'il a :

- Constaté que la société HYTECK a manqué à son obligation de faire mais seulement à partir

de l'exercice 2020 ;

- Condamné la société HYTECK à payer à Mme [M] [L]:

o 5.691,73 € bruts à titre de rappel de participation de l'année 2020 majoré des intérêts inhérents de l'article D 3324-25 du code du travail ;

o 2.500 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

o 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêt au taux légal à compter du 27 décembre 2021 et que les sommes à caractère indemnitaire porteront intérêt au taux légal à compter du présent jugement.

- Ordonné la capitalisation des intérêts.

- Ordonné la délivrance à Mme [M] [L] des bulletins de paie rectifiés sous astreinte.

- Débouté la société HYTECK de l'intégralité de ses demandes.

- Mis les éventuels dépens de l'instance à la charge de la société HYTECK.

Et statuant à nouveau :

- Recevoir la société HYTECK en ses demandes, fins et conclusions ;

A titre principal :

- Juger qu'en concluant un accord d'intéressement triennal en 2018, la société HYTECK a valablement reporté l'obligation de mettre en place la participation à l'expiration de cet accord,

En conséquence :

- Débouter Madame [M] [L] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la société HYTECK ;

À titre subsidiaire :

- Juger que l'action de Mme [M] [L] est prescrite et ses demandes de rappel de primes de participation irrecevables ;

À titre infiniment subsidiaire :

- Juger valable la clause de sauvegarde prévue par l'accord d'intéressement du 25 juin 2018 ;

En conséquence :

- Débouter Madame [M] [L] de ses demandes de rappel de prime de participation et limiter les condamnations aux sommes suivantes :

o 4.056,59 € au titre de l'exercice 2018,

o 3.945,57 € au titre de l'exercice 2019

o 4.147 € au titre de l'exercice 2020.

À titre encore plus infiniment subsidiaire :

- Juger qu'en application de la clause de sauvegarde, le montant de la prime d'intéressement pour les exercices 2018, 2019 et 2020 doit être minoré du montant de la prime de participation ;

En conséquence :

- Juger que Madame [M] [L] n'avait droit à aucune prime d'intéressement au titre des exercices 2018, 2019 et 2020 ;

- Condamner Madame [M] [L] à rembourser à la société HYTECK les sommes suivantes indument perçues à titre de prime d'intéressement :

o 1.469,92 € bruts pour l'exercice 2018,

o 1.722,18 € bruts pour l'exercice 2019,

o 2.419,74 € bruts pour l'exercice 2020.

- Ordonner la compensation entre les sommes dues par la société HYTECK à Madame [M] [L] et les sommes dues par Madame [M] [L] à la société HYTECK.

En tout état de cause :

- Débouter Madame [M] [L] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et humain et lié à l'entrave à l'exercice de son mandat ;

- Débouter Madame [M] [L] de ses plus amples demandes ;

- Condamner Madame [M] [L] au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner Madame [M] [L] aux éventuels et entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions transmises par RPVA le 29 octobre 2024 ( RG n°24 00681), la SAS Hyteck demande à la cour de :

Infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes d'AVIGNON du 25 janvier 2024 en ce qu'il a':

- Constaté que la société HYTECK a manqué à son obligation de faire mais seulement à partir

de l'exercice 2020';

- Condamné la société HYTECK à payer à Mme [M] [L]:

o 5.691,73 € bruts à titre de rappel de participation de l'année 2020 majoré des intérêts inhérents de l'article D 3324-25 du code du travail';

o 2.500 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral';

o 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêt au taux légal à compter du 27 décembre 2021 et que les sommes à caractère indemnitaire porteront intérêt au taux légal à compter du présent jugement.

- Ordonné la capitalisation des intérêts.

- Ordonné la délivrance à Mme [M] [L] des bulletins de paie rectifiés sous astreinte.

- Débouté la société HYTECK de l'intégralité de ses demandes.

- Mis les éventuels dépens de l'instance à la charge de la société HYTECK.

Et statuant à nouveau ' :

- Recevoir la société HYTECK en ses demandes, fins et conclusions ;

A titre principal :

- Juger qu'en concluant un accord d'intéressement triennal en 2018, la société HYTECK a valablement reporté l'obligation de mettre en place la participation à l'expiration de cet accord,

En conséquence :

- Débouter Madame [M] [L] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la société HYTECK ;

À titre subsidiaire :

- Juger que l'action de Mme [M] [L] est prescrite et ses demandes de rappel de primes de participation irrecevables ;

À titre infiniment subsidiaire :

- Juger valable la clause de sauvegarde prévue par l'accord d'intéressement du 25 juin 2018';

En conséquence':

- Débouter Madame [M] [L] de ses demandes de rappel de prime de participation et limiter la condamnation aux sommes suivantes':

o 4.056,59'€ au titre de l'exercice'2018,

o 3.945,57'€ au titre de l'exercice'2019

o 4.157 € au titre de l'exercice'2020.

À titre encore plus infiniment subsidiaire ' :

- Juger qu'en application de la clause de sauvegarde, le montant de la prime d'intéressement pour les exercices 2018, 2019 et 2020'doit être minoré du montant de la prime de participation';

En conséquence':

- Juger que Madame [M] [L] n'avait droit à aucune prime d'intéressement au titre des exercices 2018, 2019 et 2020 ;

- Condamner Madame [M] [L] à rembourser à la société HYTECK les sommes suivantes indument perçues à titre de prime d'intéressement':

o 1.469,92 € bruts pour l'exercice 2018,

o 1.722,18 € bruts pour l'exercice 2019,

o 2.419,74 € bruts pour l'exercice 2020.

- Ordonner la compensation entre les sommes dues par la société HYTECK à Madame [M] [L] et les sommes dues par Madame [M] [L] à la société HYTECK.

En tout état de cause ' :

- Débouter Madame [M] [L] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et humain et lié à l'entrave à l'exercice de son mandat ;

- Débouter Madame [M] [L] de ses plus amples demandes';

- Condamner Madame [M] [L] au paiement de la somme de 3.000'€ au titre de l'article'700 du Code de procédure civile';

- Condamner Madame [M] [L] aux éventuels et entiers dépens.

Elle fait valoir que :

- elle n'était pas tenue de mettre en place un accord de participation en application de l'article L.3322-3 du code du travail dès lors qu'un accord d'intéressement avait été conclu au sein de l'entreprise plus favorable qu'un accord de participation, en 2018, la conclusion d'un accord d'intéressement a été privilégiée à celle d'un accord de participation tant par la direction de la société que par ses salariés, ce choix commun a été fait, notamment, car l'intéressement permettait une plus grande liberté dans la formule de calcul et de prendre en compte des critères qualitatifs tels que la sécurité des salariés et la prévention des accidents du travail, ce qui a été fait en l'espèce, il était également susceptible d'être plus favorable aux salariés si les performances de l'entreprise étaient bonnes, indépendamment de l'évolution de son chiffre d'affaires, c'est dans ces conditions qu'un accord d'intéressement, ratifié aux 2/3 des salariés et portant sur les exercices 2018, 2019 et 2020, a été conclu le 25 juin 2018.

- l'objectif était d'intéresser les salariés aux résultats de l'entreprise et du Groupe allant au-delà de ce qu'aurait permis un accord de participation, cet accord d'intéressement a eu pour effet, en application de l'article L.3322-3 sus visé, de reporter l'obligation de mettre en place la participation au sein de la SAS Hyteck à 2021, la conclusion d'un pacte d'intéressement est plus favorable que la conclusion d'un accord de participation du fait de la conclusion en 2018 d'un accord d'intéressement couvrant les années 2018, 2019 et 2020, l'obligation de mettre en place un régime de participation a été reportée à l'expiration de cet accord, soit à 2021,

- la Cour de cassation a jugé que la demande en paiement d'une somme au titre de la participation aux résultats de l'entreprise, laquelle n'a pas une nature salariale, relève de l'exécution du contrat et est soumise à la prescription biennale de l'article L. 1471-1 du code du travail, elle soulève la prescription des demandes de Mme [M] [L] pour les années antérieures au 22 décembre 2019, le conseil de prud'hommes ayant été saisi le 22 décembre 2021,

- Mme [M] [L] avait connaissance des effectifs de la société alors qu'elle était depuis le 20 juin 2019 élue suppléante au CSE et qu'elle a exercé jusqu'au 3 novembre 2021, les mandats de déléguée syndicale et représentante syndicale et qu'elle disposait d'une information privilégiée à ce sujet, - les obligations issues des articles D. 3323-13 et D. 3323-16 du code du travail ne s'appliquent que dans l'hypothèse où la participation a été mise en place,

- la clause de sauvegarde incluse dans l'accord d'intéressement prévoit que la réserve de participation doit être diminuée du montant de l'intéressement,

- les calculs de Mme [M] [L] sont erronés pour ne pas prendre en compte cette clause de sauvegarde,

- Mme [M] [L] ne justifie d'aucun préjudice à l'appui de sa demande de dommages et intérêts.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

Par ordonnance en date du 17 février 2025 , le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 7 avril 2025. L'affaire a été fixée au à l'audience du 7 mai 2025.

MOTIFS

Il apparaît dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice de prononcer la jonction des affaires enregistrée sous les numéros RG 24 00654 et 24 00681.

Sur l'obligation de mettre en place un régime de participation pour les exercices 2018, 2019 et 2020

L'article L.3322-1 dans sa version applicable du 5 décembre 2008 au 1er janvier 2019 disposait :

La participation a pour objet de garantir collectivement aux salariés le droit de participer aux résultats de l'entreprise.

Elle prend la forme d'une participation financière à effet différé, calculée en fonction du bénéfice net de l'entreprise, constituant la réserve spéciale de participation.

Elle est obligatoire dans les entreprises mentionnées au présent chapitre.

Elle concourt à la mise en 'uvre de la gestion participative dans l'entreprise.

Depuis le 1er janvier 2019, ce texte prévoit :

La participation a pour objet de garantir collectivement aux salariés le droit de participer aux résultats de l'entreprise.

Elle prend la forme d'une participation financière à effet différé, calculée en fonction du bénéfice net de l'entreprise, constituant la réserve spéciale de participation.

Elle est obligatoire dans les entreprises mentionnées au présent chapitre. L'obligation s'applique à compter du premier exercice ouvert postérieurement à la période des cinq années civiles consécutives mentionnées au premier alinéa du II de l'article L. 130-1 du code de la sécurité sociale.

Elle concourt à la mise en 'uvre de la gestion participative dans l'entreprise.

L'article L.3322-2 dans sa version applicable du 8 août 2015 au 1er janvier 2019 disposait :

Les entreprises employant habituellement au moins cinquante salariés pendant douze mois, consécutifs ou non, au cours des trois derniers exercices, garantissent le droit de leurs salariés à participer aux résultats de l'entreprise au titre du troisième exercice. Il en va de même pour les entreprises constituant une unité économique et sociale d'au moins cinquante salariés reconnue dans les conditions prévues à l'article L. 2322-4.

La base, les modalités de calcul, ainsi que les modalités d'affectation et de gestion de la participation sont fixées par accord dans les conditions prévues par le présent titre.

Le salarié d'un groupement d'employeurs peut bénéficier du dispositif de participation mis en place dans chacune des entreprises adhérentes du groupement auprès de laquelle il est mis à disposition dans des conditions fixées par décret.

Depuis le 1er janvier 2019 ce texte prévoit :

Les entreprises employant au moins cinquante salariés garantissent le droit de leurs salariés à participer aux résultats de l'entreprise. Il en va de même pour les entreprises constituant une unité économique et sociale mentionnée à l'article L. 2313-8 et composée d'au moins cinquante salariés.

La base, les modalités de calcul, ainsi que les modalités d'affectation et de gestion de la participation sont fixées par accord dans les conditions prévues par le présent titre.

Le salarié d'un groupement d'employeurs peut bénéficier du dispositif de participation mis en place dans chacune des entreprises adhérentes du groupement auprès de laquelle il est mis à disposition dans des conditions fixées par décret.

L'article L.3322-3 abrogé à compter du 1er décembre 2023 précisait :

Lorsqu'une entreprise ayant conclu un accord d'intéressement vient à employer au moins cinquante salariés, les obligations prévues à la présente section ne s'appliquent qu'au troisième exercice clos après le franchissement du seuil d'assujettissement à la participation, si l'accord est appliqué sans discontinuité pendant cette période.

A cette date, un accord de participation peut être conclu dans les conditions de l'article L. 3324-2 sur une base de calcul et de répartition reprenant celle de l'accord d'intéressement ayant expiré.

En l'espèce, le 25 juin 2018 a été conclu et ratifié un accord d'intéressement pour une durée de trois ans portant sur les exercices 2018, 2019 et 2020.

Un nouvel accord d'intéressement a été conclu le 2 mars 2021 pour une durée de trois ans et portant sur les exercices 2021, 2022 et 2023.

Le 23 juin 2022 a été conclu un accord groupe de participation pour une durée indéterminée et s'appliquant à compter de l'exercice 2021. Cet accord a été adopté l'unanimité de représentants des CES des sociétés du Groupe.

Mme [M] [L] reproche à la SAS Hyteck de ne pas avoir prévu la conclusion d'un accord de participation alors que depuis 2015 les effectifs avaient franchi le seuil des 50 salariés et qu'un accord de participation aurait dû être proposé pour les années 2018,2019 et 2020.

La SAS Hyteck expose qu'en 2018, la conclusion d'un accord d'intéressement a été privilégiée à celle d'un accord de participation tant par la direction de la société que par ses salariés, que ce choix commun a été fait, notamment, car l'intéressement permettait une plus grande liberté dans la formule de calcul et de prendre en compte des critères qualitatifs tels que la sécurité des salariés et la prévention des accidents du travail, ce qui a été fait en l'espèce, qu'il était également susceptible d'être plus favorable aux salariés si les performances de l'entreprise étaient bonnes, indépendamment de l'évolution de son chiffre d'affaires, que c'est dans ces conditions qu'un accord d'intéressement, ratifié aux 2/3 des salariés et portant sur les exercices 2018, 2019 et 2020, a été conclu le 25 juin 2018.

Elle rappelle que l'objectif était d'intéresser les salariés aux résultats de l'entreprise et du Groupe allant au-delà de ce qu'aurait permis un accord de participation.

Elle en déduit que cet accord d'intéressement a eu pour effet, en application de l'article L.3322-3 sus visé, de reporter l'obligation de mettre en place la participation au sein de la SAS Hyteck a 2021.

Elle ajoute que la conclusion d'un pacte d'intéressement est plus favorable que la conclusion d'un accord de participation en ce que :

- les primes d'intéressement sont exclues de l'assiette des cotisations de sécurité sociale pour les salariés (C. trav. art. L 3312-4) alors que la participation payée en application du régime d'autorité est soumise à cotisations de sécurité sociale (Guide de l'épargne Salariale).

- les primes d'intéressement ne sont pas soumises à l'impôt sur le revenu si elles sont investies dans le cadre d'un plan d'épargne salariale alors que la participation payée en application du régime d'autorité est soumise à l'impôt sur le revenu si les salariés optent pour le versement immédiat de leurs droits (Guide de l'épargne Salariale).

Elle considère que du fait de la conclusion en 2018 d'un accord d'intéressement couvrant les années 2018, 2019 et 2020, l'obligation de mettre en place un régime de participation a été reportée à l'expiration de cet accord, soit à 2021.

Or l'article L.3322-3 n'envisageait le report de l'obligation de proposer un accord de participation que lorsque le seuil des cinquante salariés était franchi postérieurement à l'accord d'intéressement ce qui n'est pas le cas en l'espèce, la SAS Hyteck ne démentant pas les propos de Mme [M] [L] qui soutient que le seuil des 50 salariés avait été franchi depuis 2015. Le bilan de l'année 2017 mentionne un effectif moyen de 52 salariés au cours de l'année 2017, cet effectif ne comptant pas les intérimaires, nombreux au sein de l'entreprise. Il n'est pas soutenu qu'un accord d'intéressement a été conclu antérieurement.

Ainsi en 2018, la SAS Hyteck employait habituellement au moins cinquante salariés pendant douze mois, consécutifs ou non, au cours des trois derniers exercices en sorte qu'elle était assujettie aux dispositions des articles L.3322-1 et suivants.

Sur la prescription des demandes antérieures à l'année 2020

La SAS Hyteck se fondant sur un arrêt du13 avril 2023 de la Cour de cassation qui a jugé que la demande en paiement d'une somme au titre de la participation aux résultats de l'entreprise, laquelle n'a pas une nature salariale, relève de l'exécution du contrat et est soumise à la prescription biennale de l'article L. 1471-1 du code du travail, soulève la prescription des demandes de Mme [M] [L] pour les années antérieures au 22 décembre 2019, le conseil de prud'hommes ayant été saisi le 22 décembre 2021.

Pour s'opposer à cette fin de non recevoir, Mme [M] [L] rétorque que par application des dispositions de l'article L 1471-1 du code du travail, la prescription biennale ne court que « du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit » faisant observer que les bilans des années 2018 et 2019 n'ont été déposés au greffe du tribunal de commerce que le 22 février 2021 et que ce dépôt n'a été publié au BODACC que le 10 mars 2021. Elle précise que, selon un jurisprudence constante, la prescription « ne s'applique pas lorsque la créance, même périodique, dépend d'éléments qui ne sont pas connus du salarié »

Elle ajoute qu'avant la publication des résultats de 2018 et 2019, elle n'avait aucun moyen de connaître les résultats de l'entreprise ni de savoir si une réserve spéciale de participation aurait

dû être constituée par son employeur.

La SAS Hyteck réplique que Mme [M] [L] avait connaissance des effectifs de la société alors qu'elle était depuis le 20 juin 2019 élue suppléante au CSE, qu'elle exerce depuis l 3 novembre 2021, les mandats de déléguée syndicale et représentante syndicale et qu'elle disposait d'une information privilégiée à ce sujet.

Elle relève que Mme [M] [L] verse aux débats

- le bordereau de dépôt de l'accord d'intéressement du 25 juin 2018 qui fait état d'un effectif de 57 salariés,

- les comptes annuels 2017 déposés le 23 novembre 2018 qui font état d'un effectif de 52 salariés,

- l'accord préélectoral de l'élection du CSE du 16 mai 2019 signé par l'Union Locale CGT qui fait état d'un effectif de 78 salariés,

- le procès-verbal de résultat des élections du 20 juin 2019, auxquelles Mme [M] [L] a candidaté, duquel il ressort un effectif supérieur à 50 salariés,

- la communication rédigée de Mme [W] en sa qualité de déléguée syndicale CGT du 3 décembre 2019 qui fait mention des pouvoirs du CSE dans « les entreprises de plus de 50 salariés »,

- la communication rédigée de Mme [W] en sa qualité de déléguée syndicale CGT, non datée mais manifestement établie dans le cadre des élections du CSE de mai 2019, qui fait mention des dispositions applicables dans « les entreprises de plus de 50 salariés ».

Elle note également la production par Mme [M] [L] de la liasse de l'affichage obligatoire établie le 31 août 2018 et la liste électorale aux élections du CSE du 20 juin 2019 affichée le 23 mai 2019 faisant état d'un effectif supérieur à 50 salariés.

Elle en conclut que Mme [M] [L] savait :

- au plus tard, le 25 juin 2018 que les effectifs de SAS Hyteck étaient supérieurs à 50 salariés ;

- que le 20 juin 2019, les effectifs étaient toujours supérieurs à 50 ;

- que l'effectif de la société est demeuré supérieur à 50 salariés durant toute cette période ;

- que c'est donc à la date du 20 juin 2019, au plus tard, que Mme [M] [L] a su avec certitude que la société avait franchi le seuil de 50 salariés sur 12 mois consécutifs, situation ouvrant théoriquement droit à la mise en place de la participation ;

- Mme [M] [L] pouvait donc, au plus tard, régulièrement introduire une action le 20 juin 2021 or, elle a saisi le conseil de prud'hommes le 22 décembre 2021 ;

- son action était donc prescrite à la date de la saisine du conseil de prud'hommes et les demandes de rappels de primes de participation au titre des exercices 2018, 2019 et 2020 sont donc irrecevables.

Mme [M] [L] répond que le fait de savoir que l'entreprise comptait plus de 50 salariés lors de la signature de l'accord d'intéressement du 25 juin 2018 ou à l'occasion des élections professionnelles en mars 2018 ne lui permettait pas de savoir que l'entreprise avait dépassé le seuil de 50 salariés pendant 12 mois consécutifs ou non au cours des trois derniers exercices avant le 1er janvier 2018 dès lors que le documents sociaux n'étaient pas publiés notamment en 2016.

Elle ajoute qu'en application des dispositions de l'article D. 3323-13 du code du travail, l'employeur aurait dû présenter, dans les six mois qui ont suivi la clôture des exercices 2018 et 2019, soit pour le premier le 30 juin 2019, pour le second le 30 juin 2020, un rapport au comité social et économique, que les salariés auraient dû bénéficier d'une information individuelle en application de l'article D. 3323-16 du code du travail, qu'enfin, le versement au titre de la participation 2019 ne pouvait intervenir avant le mois d'avril 2020, date d'établissement du bilan de l'exercice 2019, et sa créance à ce titre était inexistante avant cette date.

La SAS Hyteck rappelle que les obligations issues des articles D. 3323-13 et D. 3323-16 du code du travail ne s'appliquent que dans l'hypothèse où la participation a été mise en place ce qui est exact.

S'il est tout aussi exact que si Mme [M] [L] connaissait l'état des effectifs de la société depuis au moins le 25 juin 2018 rien ne permet d'établir qu'elle savait que l'entreprise avait dépassé le seuil de 50 salariés pendant 12 mois consécutifs ou non au cours des trois derniers exercices avant le 1er janvier 2018 alors que la SAS Hyteck admet qu'elle n'a pu publier dans les temps la base de données économique, sociale et environnementale (BDESE) prétextant le temps nécessaire à préparer la vente de la Société, la crise sanitaire et l'absence de responsable des ressources humaines ont retardé la mise en place de celle-ci. D'ailleurs à une demande de communication des éléments sociaux depuis 2016 faite par la représentante de la section syndicale CGT, la SAS Hyteck écrivait le 30 juillet 2021 : « Comme rappelé à plusieurs reprises, l'année 2020, entre la crise sanitaire et la vacance constatée sur le poste de responsable des ressources humaines, n'a pas permis de dédier le temps nécessaire à la mise en place de cette base de données ».

Aussi comme le soutient justement Mme [M] [L], la SAS Hyteck ne peut prétendre qu'elle avait connaissance des données économiques et sociales de l'entreprise, et notamment des bilans et des effectifs, au 22 décembre 2019, alors que ces documents n'avaient toujours pas été remis aux représentants du personnel au mois de juillet 2021.

Il convient donc d'écarter la fin de non-recevoir.

Sur les demandes

L'article L.3323-5 du code du travail prévoyait :

«Lorsque, dans un délai d'un an suivant la clôture de l'exercice au titre duquel sont nés les droits des salariés, un accord de participation n'a pas été conclu, cette situation est constatée par l'inspecteur du travail et les dispositions du 2° de l'article L. 3323-2 sont applicables.

Les sommes ainsi attribuées aux salariés sont versées à des comptes courants qui, sous réserve des cas prévus par décret en application de l'article L. 3324-10, sont bloqués pour huit ans, sauf si le salarié demande le versement de tout ou partie des sommes correspondantes dans des conditions fixées par décret. La demande peut être présentée à l'occasion de chaque versement effectué au titre de la répartition de la réserve spéciale de participation. Les sommes précitées, versées à des comptes courants, portent intérêt à un taux fixé par arrêté du ministre chargé du budget et de l'économie.

La provision pour investissement prévue à l'article L. 3325-3 ne peut être constituée».

Mme [M] [L] rappelle justement que l'absence de constat par l'inspecteur du travail du défaut de conclusion d'un contrat de participation dans le délai d'un an suivant la clôture de l'exercice au titre duquel sont nés les droits des salariés d'une entreprise employant au moins cinquante personnes ne prive pas ces salariés du droit de demander au juge de faire application du régime légal de participation prévu par l'article L. 442-12 ( devenu L.3323-5) du code du travail lorsque les conditions de sa mise en oeuvre sont réunies.

Mme [M] [L] demande la condamnation de la SAS Hyteck à lui payer les sommes qui lui sont dues au titre du régime d'autorité qui aurait dû être mis en place au titre de la participation 2018 (payable entre avril et juin 2019), de la participation 2019 (payable entre avril et juin 2020) et de la participation 2020 (payable entre avril et juin 2021).

Selon l'article L.3324-1 du code du travail :

«La réserve spéciale de participation des salariés est constituée comme suit :

1° Les sommes affectées à cette réserve spéciale sont, après clôture des comptes de l'exercice, calculées sur le bénéfice réalisé en France métropolitaine et en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte, à [Localité 9], à [Localité 10] et à [Localité 11], tel qu'il est retenu pour être imposé à l'impôt sur le revenu ou aux taux de l'impôt sur les sociétés prévus au deuxième alinéa et au b du I de l'article 219 du code général des impôts et majoré des bénéfices exonérés en application des dispositions des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A, 44 undecies et 208 C du code général des impôts. Ce bénéfice est diminué de l'impôt correspondant qui, pour les entreprises soumises à l'impôt sur le revenu, est déterminé dans les conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat ;

2° Une déduction représentant la rémunération au taux de 5 % des capitaux propres de l'entreprise est opérée sur le bénéfice net ainsi défini ;

3° Le bénéfice net est augmenté du montant de la provision pour investissement prévue à l'article L. 3325-3. Si cette provision est rapportée au bénéfice imposable d'un exercice déterminé, son montant est exclu, pour le calcul de la réserve de participation, du bénéfice net à retenir au titre de l'exercice au cours duquel ce rapport a été opéré ;

4° La réserve spéciale de participation des salariés est égale à la moitié du chiffre obtenu en appliquant au résultat des opérations effectuées conformément aux dispositions des 1° et 2° le rapport des salaires à la valeur ajoutée de l'entreprise.»

1°) Sur la clause de sauvegarde stipulée aux termes de l'accord d'intéressement:

La SAS Hyteck indique que l'article 3.2. de l'accord d'intéressement applicable pour les exercices 2018, 2019 et 2020 prévoit une clause de sauvegarde, reconnue licite par la Cour de cassation, permettant de déduire valablement du montant de l'enveloppe globale d'intéressement le montant de la réserve spéciale de participation éventuellement dû.

Cette clause est ainsi rédigée :

' Afin d'éviter la suspension du présent accord si des obligations légales nouvelles s'imposaient à la société, les signataires prévoient que la prime d'intéressement telle définie serait minorée, le cas échéant, du montant des charges suivantes :

(i) Montant de la participation des salariés éventuellement due au titre de l'exercice pour lequel l'intéressement est calculé, si l'entreprise venait à être soumise obligatoirement pour quelque raison que ce soit à ce régime de participation,

(ii) Montant des charges à payer sur l'intéressement ( cotisations sociales patronales et prise en compte de toutes les incidences sur l'impôt sur les sociétés, si le régime fiscal venait à être modifié)'.

Comme le souligne justement Mme [M] [L], d'une part c'est la prime d'intéressement qui doit être minorée en fonction de la participation versée, et non l'inverse, d'autre part, c'est uniquement la prime individuelle d'intéressement qui peut être réduite ou supprimée le cas échéant en fonction du montant de la participation versée au salarié individuellement.

Les arguments retenus par la SAS Hyteck qui conclut qu' ' en prévoyant aux termes de leur accord d'intéressement une clause de sauvegarde, les parties ont entendu exclure tout cumul entre la participation et l'intéressement. Dès lors, la clause de sauvegarde doit s'interpréter comme prévoyant que c'est le montant de la réserve spéciale de participation qui, si la participation devait être mise en place, devrait être minoré du montant de la prime globale d'intéressement' ne peuvent être retenus, une telle interprétation allant à l'encontre même du texte et la circonstance que cette clause figure à l'article 3 de l'accord qui définit la formule de calcul de la prime globale d'intéressement n'est d'aucun emport sur les termes mêmes de ladite clause.

De même, le fait que la clause de sauvegarde vise « le montant de la participation des salariés »ne renvoie pas nécessairement à la réserve spéciale de participation.

2°) Sur le calcul de la réserve légale de participation :

Mme [M] [L] indique que, au vu des pièces communiquées, elle a été en mesure de préciser ses calculs de la réserve légale de participation .

a) Année 2018 :

- le bénéfice net de la société (B) s'est élevé à 12 981 634 euros,

- les capitaux propres (C), qui incluent :

- le capital appelé ;

- les primes liées au capital ;

- les réserves ;

- le report à nouveau ;

- les provisions réglementées ;

- les provisions pour risque et charge

mais excluent le résultat de l'exercice et les subventions d'investissement,

se sont élevés à 25 521 584 - 12 981 634 = 12 539 950 euros .

- les salaires (S), qui ne peuvent être correctement évalués sur la seule base du compte de résultat,

doivent comprendre les salaires bruts versés, auxquels il faut ajouter les indemnités journalières perçues versées en remplacement du salaire dont elle ne connaît pas le montant. Elle propose de reprendre le montant des « salaires et traitements » figurant dans le compte de résultat pour 2 630 778 euros.

- la valeur ajoutée (VA) comprend les charges de personnel, majorée des impôts et taxes, des charges financières, des dotations de l'exercice aux amortissements, des dotations de l'exercice aux provisions, à l'exclusion des dotations figurant dans les charges exceptionnelles, et le résultat courant avant impôt. En 2018, la valeur ajoutée s'est élevée à 666 920 + 2 630 778 + 977 002 + 668 884 +437 404 + 42 883 + 18 464 504 = 23.890.351 euros.

Mme [M] [L] reprend la formule de calcul de la participation :

RSP = ¿ (B-5%C) X S / VA

pour obtenir au titre de l'année 2018 une somme de : ¿ *(12 981 634 ' (5%*12 539 950) * (2 630 778 € / 23890351) = 680 239 euros.

Ce montant n'est pas utilement contesté par la SAS Hyteck.

b) Année 2019

- le bénéfice net de la société (B) s'est élevé à 14 340 549 euros,

- les capitaux propres (C) se sont élevés à 14 407 627 euros,

- les salaires (S), correspondent à la ligne « salaires et traitements » du compte de résultat, soit 3.186.420 euros,

- la valeur ajoutée (VA) comprend les charges de personnel, majorée des impôts et taxes, des charges financières, des dotations de l'exercice aux amortissements, des dotations de l'exercice aux provisions, à l'exclusion des dotations figurant dans les charges exceptionnelles, et le résultat courant avant impôt, en 2019, la valeur ajoutée s'est élevée à 26 385 873 euros,

Mme [M] [L] reprend la formule de calcul de la participation :

RSP = ¿ (B-5%C) X S / VA

pour obtenir au titre de l'année 2019 une somme de 822 402 euros.

Ce montant n'est pas utilement contesté par la SAS Hyteck.

c) Année 2020

- le bénéfice net de la société (B) s'est élevé à 21 080 811 euros,

- les capitaux propres (C) ne sont pas connus puisque la SAS Hyteck n'a pas communiqué son bilan de l'année 2020 mais uniquement son compte de résultat, elle considère qu'ils se situent au même niveau que l'année précédente, soit à un montant d'environ 15 000 000 euros,

- les salaires (S), correspondent à la ligne « salaires et traitements » du compte de résultat, soit 3 714 338 euros

- la valeur ajoutée (VA) comprend les charges de personnel, majorée des impôts et taxes, des charges financières, des dotations de l'exercice aux amortissements, des dotations de l'exercice aux provisions, à l'exclusion des dotations figurant dans les charges exceptionnelles, et le résultat courant avant impôt, en 2020, la valeur ajoutée s'est élevée à 35 255 565 euros;

Mme [M] [L] reprend la formule de calcul de la participation :

RSP = ¿ (B-5%C) X S / VA

pour obtenir au titre de l'année 2020 une somme de 1 070 973 euros.

Ce montant n'est pas utilement contesté par la SAS Hyteck.

3) Sur le calcul détaillé des sommes dues à la salariée en proportion de son salaire

Comme l'indique justement Mme [M] [L], dès lors que la réserve spéciale de participation ne peut être affectée par le montant des sommes versées aux salariés au titre de l'intéressement, le calcul effectué par la SAS Hyteck apparaît erroné.

Il convient dès lors de se reporter au calcul proposé par Mme [M] [L] qui est le suivant :

2018

2019

2020

RSP

Réserve spéciale de participation

680.239 euros

822 402 euros

1 070 973 euros

MS

masse salariale

2 630 778 euros

3 186 420 euros

3 714 338 euros

S

salaire brut de Mme [M] [L]

19 725 euros

19 740 euros

19 740 euros

PP

prime de participation au prorata du salaire

5.100,29 euros

5 094,81 euros

5.691,73 euros

La SAS Hyteck fait observer que s'il devait être retenu que la clause de sauvegarde implique que le montant de la prime individuelle d'intéressement doit être minoré du montant individuel de la prime individuelle de participation, il en, découle qu'aucune somme n'est due à Mme [M] [L] au titre de l'intéressement pour les exercices 2018, 2019 et 2020 dès lors que cette dernière a perçu à titre de prime d'intéressement :

- 1.469,92 euros bruts pour l'exercice 2018,

- 1.722,18 euros bruts pour l'exercice 2019,

- 2.419,74 euros bruts pour l'exercice 2020.

soit au total la somme de 5611,84 euros bruts.

Effectivement, en application de la clause de sauvegarde, la prime d'intéressement doit être diminuée du montant de la prime de participation, Mme [M] [L] ne peut cumuler les deux primes en sorte que cette dernière est en droit de prétendre au paiement des sommes suivantes :

- 2018 : 5.100,29 - 1.469,92 = 3 630,37 euros bruts ;

- 2019 : 5 094,81 - 1.722,18 = 3 372,63 euros bruts ;

- 2020 : 5 982,46 - 2.419,74 = 3.562,72 euros bruts.

Mme [M] [L] ne peut sérieusement opposer à la SAS Hyteck la règle « Nemo auditur propriam turpitudinem allegans » alors qu'aucune déloyauté ne peut être reprochée à la SAS Hyteck qui rappelle que l'accord d'intéressement conclu, déposé au ministère du travail et approuvé par referendum, ne saurait être qualifié d'acte immoral et qu'elle n'entend pas se prévaloir des effets de l'annulation de l'accord, au contraire, elle sollicite de la cour d'appel qu'elle fasse produire à cet accord ses pleins effets.

Sur la condamnation à des intérêts au taux légal

Mme [M] [L] demande la condamnation de la SAS Hyteck au paiement des intérêts au taux légal en application des articles D 3324-21-1 et D 3324-25 du code du travail précisant que cet intérêt est égal à « 1,33 fois le taux mentionné à l'article 14 de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération ».

L'article D.3324-25 disposait 'Lorsque les parties ont choisi d'utiliser la réserve spéciale de participation dans les conditions prévues au 1° de l'article L. 3323-2, les entreprises réalisent les versements correspondants avant le premier jour du sixième mois suivant la clôture de l'exercice au titre duquel la participation est attribuée.

Passé ce délai, les entreprises complètent les versements prévus au premier alinéa par un intérêt de retard égal à 1,33 fois le taux mentionné à l'article 14 de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération. [taux moyen de rendement des obligations des sociétés privées, majorée de deux points]

Les intérêts sont versés en même temps que le principal et employés dans les mêmes conditions'.

La société SAS Hyteck précise qu'elle clôture son exercice le 31 décembre et que les intérêts de retard ne commencent à courir qu'à compter du 1er juin de l'année suivante.

Elle considère que les condamnations devaient être assorties des intérêts suivants :

- Pour les sommes dues au titre de l'exercice 2018 :

0,82 % du 1 er juin 2019 au 30 juin 2019

0,16 % du 1 er juillet 2019 au 31 décembre 2019

0,26 % du 1 er janvier 2020 au 30 juin 2020

- 0,03 % du 1 er juillet 2020 au 31 décembre 2020

0,27 % du 1 er janvier 2021 au 30 juin 2021

0,36 % du 1 er juillet 2021 au 31 décembre 2021

1,76 % du 1 er janvier 2022 au 30 juin 2022

3,34 % du 1 er juillet 2022 au 31 décembre 2022

4,17 % du 1 er janvier 2023 au 30 juin 2023

4,48 % du 1 er juillet 2023 au 31 décembre 2023

- Pour les sommes dues au titre de l'exercice 2019 :

0,26 % du 1 er juin 2020 au 30 juin 2020

- 0,03 % du 1 er juillet 2020 au 31 décembre 2020

0,27 % du 1 er janvier 2021 au 30 juin 2021

0,36 % du 1 er juillet 2021 au 31 décembre 2021

1,76 % du 1 er janvier 2022 au 30 juin 2022

3,34 % du 1 er juillet 2022 au 31 décembre 2022

4,17 % du 1 er janvier 2023 au 30 juin 2023

4,48 % du 1 er juillet 2023 au 31 décembre 2023

- Pour les sommes dues au titre de l'exercice 2020 :

0,27 % du 1 er juin 2021 au 30 juin 2021

0,36 % du 1 er juillet 2021 au 31 décembre 2021

1,76 % du 1 er janvier 2022 au 30 juin 2022

3,34 % du 1 er juillet 2022 au 31 décembre 2022

4,17 % du 1 er janvier 2023 au 30 juin 2023

4,48 % du 1 er juillet 2023 au 31 décembre 2023

Mme [M] [L] soutient qu'à ces intérêts spécifiques applicables par l'effet de la loi, dont elle ne conteste pas le taux, doivent s'ajouter les intérêts moratoires au taux légal que tout créancier est en droit de réclamer lorsqu'il est contraint de saisir la justice du fait du manquement du débiteur à ses obligations, en application de l'article L 1231-6 du code civil, lesquels courent dès la mise en demeure ou, à défaut, de la demande en justice, que le taux d'intérêt légal des créanciers particuliers à l'encontre d'une entreprise s'élève à 3,12 % au second trimestre 2021. Elle demande d'ordonner la capitalisation de ces intérêts.

La SAS Hyteck réplique que les intérêts prévus à l'article D. 3324-25 du code du travail et ceux prévus à l'article 1231-6 du code civil ne peuvent se cumuler, une même somme ne peut se voir deux fois assortir d'intérêts.

Il est vrai que le texte spécial concernant les intérêts à appliquer a vocation à se substituer au texte d'application générale tiré du code civil.

Sur la condamnation à des dommages et intérêts

Mme [M] [L] expose que les sommes qui sont dues au titre de la participation lui ont manqué dans sa vie quotidienne, pour la vie de sa famille et l'entretien de son fils mineur, que le montant de la participation représentait environ le quart de son salaire annuel, et le fait qu'elle en ait été privée a nécessairement eu des conséquences au regard de sa situation modeste.

Elle s'estime fondée à invoquer un préjudice spécifique et un trouble dans ses conditions d'existence résultant de ce non-paiement.

L'article 1231-6 du code civil dispose dans son alinéa 3 que le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire.

Il n'est justifié ni de la mauvaise foi de la SAS Hyteck ni d'un préjudice spécifique.

Il est rappelé que l'accord d'intéressement a été conclu a une large majorité en sorte qu'aucune mauvaise foi ne peut être reprochée à la SAS Hyteck.

Mme [M] [L] prétend par ailleurs qu'elle n'a pas reçu les informations qui lui étaient dues en sa qualité de représentante du personnel et même de simple salariée, que son employeur ne l'a jamais informée normalement, a manqué à ses obligations, et a entravé l'exercice de son mandat en ne fournissant pas la Base de données économiques et sociales, et en refusant de communiquer les modalités de calcul de l'intéressement.

Or comme le rappelle justement la SAS Hyteck, seul le comité social et économique peut se prévaloir d'un préjudice en la matière et aucune entrave n'est caractérisée au seul motif que l'employeur n'a pas mis en 'uvre le régime légal de participation lorsqu'il a franchi le seuil de 50 salariés, aucune atteinte aux droits propres du représentant du personnel n'étant établie.

De même, la SAS Hyteck rappelle que les informations prévues aux articles D. 3323-13, D. 3323-16 D. 3324-37 du code du travail ne sont requises que si une participation est mise en place, ce qui n'était pas le cas au moment des faits.

Mme [M] [L] se plaint également de discrimination syndicale au motif que SAS Hyteck n'a pas engagé préalablement de négociation avec elle afin de négocier l'accord de participation obligatoire depuis 2018 ou même le renouvellement de l'accord d'intéressement. Or le défaut d'engager des négociations avec les représentants des salariés ne saurait s'assimiler à une discrimination au sens de l'article L. 1132-1 du code du travail, Mme [M] [L] ne présentant aucune mesure prise à son encontre personnellement en raison de son activité syndicale. La SAS Hyteck rappelle également que le renouvellement de l'accord d'intéressement a été adopté à l'unanimité au sein du comité social et économique alors que Mme [M] [L] n'était pas à cette époque membre élu titulaire du comité social et économique.

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner la SAS Hyteck à payer à Mme [M] [L] la somme de 1.500,00 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort

Ordonne la jonction des affaires enregistrée sous les numéros RG 24 00654 et 24 00681 pour se poursuivre sous le seul n° 24 00654,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il :

- déboute Mme [M] [L] de sa demande tendant à voir condamner la SAS Hyteck à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, entrave et discrimination syndicale,

- Condamne la société HYTECK à payer à Mme [J] épouse [V] 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute la société HYTECK de l'intégralité de ses demandes.

Mets les éventuels dépens de l'instance à la charge de la société HYTECK.

Réforme pour le surplus et statuant à nouveau,

Rejette la fin de non recevoir tirée de la prescription,

Condamne la SAS Hyteck à payer à Mme [M] [L] les sommes suivantes au titre de la participation :

- 3 630,37 euros bruts pour l'année 2018

- 3 372,63 euros bruts pour l'année 2019

- 3 562,72 euros bruts pour l'année 2020

Juge que ces sommes produiront intérêt comme suit :

- Pour les sommes dues au titre de l'exercice 2018 :

0,82 % du 1 er juin 2019 au 30 juin 2019

0,16 % du 1 er juillet 2019 au 31 décembre 2019

0,26 % du 1 er janvier 2020 au 30 juin 2020

- 0,03 % du 1 er juillet 2020 au 31 décembre 2020

0,27 % du 1 er janvier 2021 au 30 juin 2021

0,36 % du 1 er juillet 2021 au 31 décembre 2021

1,76 % du 1 er janvier 2022 au 30 juin 2022

3,34 % du 1 er juillet 2022 au 31 décembre 2022

4,17 % du 1 er janvier 2023 au 30 juin 2023

4,48 % du 1 er juillet 2023 au 31 décembre 2023

- Pour les sommes dues au titre de l'exercice 2019 :

0,26 % du 1 er juin 2020 au 30 juin 2020

- 0,03 % du 1 er juillet 2020 au 31 décembre 2020

0,27 % du 1 er janvier 2021 au 30 juin 2021

0,36 % du 1 er juillet 2021 au 31 décembre 2021

1,76 % du 1 er janvier 2022 au 30 juin 2022

3,34 % du 1 er juillet 2022 au 31 décembre 2022

4,17 % du 1 er janvier 2023 au 30 juin 2023

4,48 % du 1 er juillet 2023 au 31 décembre 2023

- Pour les sommes dues au titre de l'exercice 2020 :

0,27 % du 1 er juin 2021 au 30 juin 2021

0,36 % du 1 er juillet 2021 au 31 décembre 2021

1,76 % du 1 er janvier 2022 au 30 juin 2022

3,34 % du 1 er juillet 2022 au 31 décembre 2022

4,17 % du 1 er janvier 2023 au 30 juin 2023

4,48 % du 1 er juillet 2023 au 31 décembre 2023

Condamne la SAS Hyteck à remettre à Mme [M] [L] des bulletins de salaire conformes à la présente décision,

Ordonne la capitalisation des intérêts, laquelle prend effet à la date à laquelle les intérêts sont dus pour la première fois pour une année entière, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

Déboute pour le surplus,

Condamne la SAS Hyteck à payer à Mme [M] [L] la somme de 1.500,00 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS Hyteck aux dépens d'appel.

Arrêt signé par le président et par le greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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