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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 8, 9 septembre 2025, n° 23/15803

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 23/15803

9 septembre 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRÊT DU 9 SEPTEMBRE 2025

(n° / 2025, 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/15803 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIJDV

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 15 septembre 2023 -Tribunal de commerce d'EVRY - RG n° 2023M01542

APPELANTE

S.A.R.L. SOCIÉTÉ NICO-COACHING-[Localité 8], socuété à responsabilité limitée à associé unique, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés d'EVRY sous le numéro 853 009 322,

Dont le siège social est situé [Adresse 1],

[Adresse 7]

[Localité 5]

Représentée et assistée de Me Jean-Yves DEMAY de l'AARPI CHATAIN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R137,

INTIMÉES

S.A.S. DE LAGE LANDEN LEASING, société par actions simplifiée à associé unique, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NANTERRE sous le numéro 393 439 575,

Dont le siège social est situé [Adresse 2]

[Adresse 9]

[Localité 6]

Représentée par Me Maryline LUGOSI de la SELARL Selarl MOREAU GUILLOU VERNADE SIMON LUGOSI, avocate au barreau de PARIS, toque : P0073,

S.E.L.A.R.L. MJC2A, en qualité de mandataire judiciaire de la société NICO-COACHING-[Localité 8],

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés d'EVRY sous le numéro 501 184 774,

Dont le siège social est situé [Adresse 3]

[Localité 4]

Non constituée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 mars 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Constance LACHEZE, conseillère, chargée du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente,

Madame Constance LACHEZE, conseillère

Monsieur François VARICHON, conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre, et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

La société à responsabilité limitée Nico-Coaching-[Localité 8] créée en 2019, exploite une salle de sport.

La société par actions simplifiée De Lage Landen Leasing (ci-après « DLL ») est une société d'opérations de locations financières.

Le 14 novembre 2019, les deux sociétés ont conclu un contrat de crédit-bail portant sur la mise à disposition de machines de sport de la marque Technogym moyennant le paiement de 48 mensualités de 3 294,01 euros HT chacune.

Après une mise en demeure de payer demeurée infructueuse, la société DLL a notifié le 17 août 2022, à la société Nico-Coaching-[Localité 8] la résiliation du contrat de crédit-bail en lui demandant la restitution du matériel entre les mains de la société Technogym et le paiement de la somme totale de 137 732,20 euros.

Par jugement du 26 septembre 2022, le tribunal de commerce d'Evry a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Nico-Coaching-[Localité 8], fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 26 mars 2021 et nommé la SELARL MJC2A prise en la personne de Me [N] en qualité de mandataire judiciaire.

Par courrier du 11 octobre 2022 reçu le 14 octobre suivant, la société DLL a déclaré sa créance au passif de la société Nico-Coaching-[Localité 8] à hauteur d'une somme de 137 732,20 euros en application de l'article L. 622-24 du code de commerce.

Par un second courrier du 11 octobre 2022, la société DLL a demandé au mandataire judiciaire la restitution du matériel objet du contrat de location dans les conditions de l'article L. 624-10 du code de commerce, ce à quoi la SELARL MJC2A ès qualités ne s'est pas opposée sous réserve de l'accord du débiteur.

Le 10 novembre 2022, la société Nico-Coaching-[Localité 8] a contesté la demande de restitution puis par acte du 4 avril 2023, elle a assigné la société DLL en contestation de la résiliation du contrat de crédit-bail devant le tribunal de commerce de Paris. Par ordonnance du 4 juillet 2023, le juge-commissaire du tribunal de commerce d'Evry a sursis à statuer sur la requête en restitution formée par la société De Lage Landen Leasing le 1er décembre 2022 jusqu'à l'issue de la procédure pendante devant le tribunal de commerce de Paris.

Parallèlement, le débiteur a contesté la créance déclarée par LRAR du 28 février 2023. Par lettre du 13 mars suivant reçue le 17 mars, la société DLL a maintenu sa déclaration de créance.

Par ordonnance du 12 septembre 2023 dont appel, le juge-commissaire du tribunal de commerce d'Evry a admis la créance de la société De Lage Landen Leasing pour une somme de 137 732,20 euros à titre chirographaire et dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective. Pour statuer ainsi, le juge-commissaire a constaté que la résiliation du contrat de leasing, bien que contestée par le débiteur, avait pour conséquence le paiement des loyers dus et à échoir.

Par déclaration du 25 septembre 2023, la société Nico-Coaching-[Localité 8] a relevé appel de cette ordonnance intimant la société De Lage Landen Leasing d'une part et la SELARL MJC2A prise en la personne de Me [N] ès qualités.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 25 octobre 2023, la société Nico-Coaching-[Localité 8] demande à la cour :

- de la déclarer recevable et bien fondée en son appel ;

- d'infirmer l'ordonnance prononcée par le juge commissaire près du tribunal de commerce d'Evry le 12 septembre 2023 en toutes ses dispositions ;

- statuant à nouveau, de juger que la résiliation du contrat de contrat de bail fait l'objet d'une contestation sérieuse soulevée par la société Nico-Coaching-[Localité 8] et qu'une procédure est pendante devant le tribunal de commerce de Paris ;

- d'ordonner le sursis à statuer jusqu'à l'issue de la procédure pendante devant le tribunal de commerce de Paris ;

- en tout de cause, de condamner la société De Lage Landen Leasing à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de la condamner (sic) au paiement des entiers dépens dont distraction au profit de Maître Jean-Yves Demay Pajot.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 24 novembre 2023, la société De Lage Landen Leasing demande à la cour :

- de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée ;

- de condamner la société Nico-Coaching-[Localité 8] à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 11 mars 2025.

A la demande de la cour, le conseil de la société Nico-Coaching-[Localité 8] a communiqué le jugement du 22 mars 2024 arrêtant son plan de redressement et un protocole d'accord par lequel elle a acquis le matériel de fitness objet du contrat de crédit-bail.

SUR CE,

La société Nico-Coaching-[Localité 8] soutient dans ses écritures qu'il n'y a pas lieu d'admettre la créance de la société DLL pour un montant de 137 732,20 euros à titre chirographaire, que le juge-commissaire aurait dû surseoir à statuer dans l'attente de la décision du tribunal de commerce de Paris car il existe une contestation sérieuse portant sur la résiliation du crédit-bail à la date du 17 août 2022, que la décision du tribunal de commerce Paris aura une incidence sur le contentieux de la restitution du matériel et sur celui de l'admission de la créance et qu'il existe un risque de contradiction des décisions contrairement à ce qu'a retenu le tribunal.

La société DLL soutient que la résiliation du contrat de crédit-bail résulte des termes du contrat car la société Nico-Coaching-[Localité 8] avait cessé de régler les loyers dus depuis le 10 octobre 2021, que sa déclaration de créance du 11 octobre 2022 a été produite sur la base du bordereau de résiliation annexé au courrier de résiliation adressé à la société Nico-coaching-[Localité 8] le 17 août 2022 et que dans ces conditions, sa créance doit être admise à la procédure à hauteur de la somme de 137 732,20 euros détaillée comme suit :

Total des loyers impayés au jour de la résiliation d'un montant de 23 758,80 euros ;

Indemnité légale de recouvrement d'un montant de 240 euros ;

Intégralité des loyers à échoir au jour de la résiliation d'un montant de 102 114,31 euros ;

Valeur résiduelle due au titre du contrat de crédit-bail d'un montant de 1 407,66 euros ;

Clause pénale égale à 10% de la totalité des loyers restant à échoir d'un montant de 10 211,43 euros.

Aux termes de l'article L. 624-2 du code de commerce dans sa version en vigueur au moment de l'ouverture du redressement judiciaire, au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire, si la demande d'admission est recevable, décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l'absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission.

Faute de texte contraire, le juge-commissaire peut en outre prononcer une décision de sursis à statuer en application de l'article 378 du code de procédure civile s'il ne peut statuer par voie d'admission, de rejet, d'incompétence ou de constat qu'une instance est en cours.

En l'espèce, il n'est pas discuté que la créance de la société DLL a été régulièrement déclarée à la procédure collective et qu'elle a fait l'objet d'une contestation elle aussi régulière devant le juge-commissaire du tribunal de commerce d'Evry.

Le protocole d'accord produit en cours de délibéré n'étant pas signé des parties, il ne saurait être pris en compte pour apprécier l'existence, le montant ou la nature de la créance de la société DLL, étant observé que les conditions de sa mise en 'uvre ne sont pas démontrées.

Il est constant par ailleurs que la résiliation du contrat de crédit-bail fait l'objet d'une instance pendante devant le tribunal de commerce de Paris et qui a pour objet de déterminer si la résiliation du contrat est régulière ou non et si le contrat demeure en vigueur.

Cette instance n'ayant pas pour objet la fixation de la créance de la société DLL au vu de l'assignation délivrée le 4 avril 2023, elle ne revêt pas la qualification d'instance en cours au sens de l'article L. 624-2 du code de commerce.

La question se pose donc de savoir si ce litige, dont l'issue aura des conséquences directes sur l'action en revendication exercée devant le juge-commissaire, aura également une incidence indirecte sur le montant de la créance de la société DLL dont l'admission est demandée dans le cadre de la présente procédure de vérification.

A cet égard, quelle que soit l'issue de ce litige, la société Nico-Coaching-[Localité 8], dont il est constant qu'elle n'a pas restitué le matériel de fitness nécessaire à l'exercice de son activité, est débitrice de sommes correspondant aux loyers impayés. En effet, ces sommes représentent les sommes dues au titre du contrat de crédit-bail sur la durée de celui-ci, étant précisé que par avenants des 4 juillet 2020 et 22 juin 2021, la durée irrévocable de 48 mois a été portée à 53 mois à compter du 10 novembre 2020 et le montant des mensualités a été réaménagé.

L'indemnité de recouvrement et la clause pénale prévues au contrat sont susceptibles d'être dues en cas de résiliation pour inexécution.

De même, l'issue du contrat n'est pas connue de la cour en raison de la possibilité de rachat du matériel en fin de contrat moyennant le versement d'une valeur résiduelle fixée à la somme de 1 407,66 euros HT.

Dès lors, le montant de la créance de la société DLL demeure conditionné par l'issue du litige en contestation de la résiliation du contrat, actuellement pendant devant le tribunal de commerce de Paris enregistré sous le numéro de répertoire général : 2023033566.

Le juge-commissaire ne pouvant en pareille hypothèse décider d'une admission provisionnelle ou conditionnelle, et dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il apparaît nécessaire d'ordonner le sursis à statuer dans cette attente.

L'ordonnance entreprise sera donc infirmée en ce sens.

Les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective dont distraction aux avocats de la cause qui peuvent prétendre au droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Aucune considération d'équité ne justifie de faire droit aux demandes relatives à l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme l'ordonnance du 12 septembre 2023 en ce qu'elle a admis la créance de la société De Lage Landen Leasing pour une somme de 137 732,20 euros à titre chirographaire ;

La confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau du chef infirmé,

Prononce le sursis à statuer dans l'attente de l'issue du litige actuellement pendant devant le tribunal de commerce de Paris enregistré sous le numéro de répertoire général : 2023033566 ;

Ordonne la radiation du rôle de l'affaire inscrite au répertoire général sous le numéro 23/15803 ;

Dit qu'à l'expiration du sursis, l'instance sera rétablie à l'initiative des parties sur justification de la survenance de l'évènement ayant justifié le sursis ;

Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective ;

Accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre le droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Liselotte FENOUIL

Greffière

Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT

Présidente

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