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Décisions

CA Montpellier, ch. com., 9 septembre 2025, n° 25/00485

MONTPELLIER

Arrêt

Autre

CA Montpellier n° 25/00485

9 septembre 2025

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 09 SEPTEMBRE 2025

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 25/00485 - N° Portalis DBVK-V-B7J-QQ5A

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 06 JANVIER 2025

TRIBUNAL DE COMMERCE DE BEZIERS

N° RG 2024006377

APPELANTE :

S.A.S. SOGEPROM SUD REALISATIONS Prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Marie GALLE substituant Me Clément BERMOND de la SCP VERBATEAM MONTPELLIER, avocats au barreau de MONTPELLIER

INTIMES :

Maître Maître [T] [D], Mandataire judiciaire, pris en sa qualité de Mandataire Liquidateur de la SAS A&F CONSTRUCTION, Société par actions simplifiée au capital de 7 526 626,00 euros, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de [Localité 6] sous le numéro [Numéro identifiant 5], dont le siège social est sis [Adresse 2], dont la liquidation judiciaire a été prononcée selon jugement du Tribunal de Commerce de BEZIERS du 15 septembre 2021.

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représenté par Me David BERTRAND, avocat au barreau de BEZIERS

S.A.S. A&F CONSTRUCTION prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 2]

[Localité 6]

Signification - procès-verbal de recherches infructeuses le 27 février 2025

Ordonnance de clôture du 27 Mai 2025

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 906-5 et 914-5 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Juin 2025,en audience publique, devant M. Thibault GRAFFIN, Conseiller chargé du rapport et M. Fabrice VETU, Conseiller, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Danielle DEMONT, Présidente de chambre

M. Thibault GRAFFIN, Conseiller

M. Fabrice VETU, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Elodie CATOIRE

ARRET :

- de défaut ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Danielle DEMONT, Présidente de chambre, et par Mme Elodie CATOIRE, Greffière.

FAITS et PROCEDURE

Le 17 février 2020, la S.A.S. Sogeprom Sud Réalisations (la société Sogeprom) a conclu un marché de travaux avec la S.A.S. A&F Construction portant sur la réalisation d'un programme immobilier sis à [Localité 7] pour un montant forfaitaire de 5 840 000 euros HT.

Par jugement du 15 septembre 2021, le tribunal de commerce de Béziers a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société A&F Construction et désigné Me [T] [D], en qualité de liquidateur judiciaire.

Le 23 septembre 2021, la société Sogeprom a déclaré sa créance auprès de Me [D], ès qualités, pour un montant de 1 253 002,52 euros TTC.

Le 13 avril 2022, Me [D], ès qualités, a contesté la créance déclarée par la société Sogeprom.

Saisi par la société Sogeprom, le juge commissaire, par ordonnance du 8 septembre 2022, s'est déclaré incompétent pour statuer sur l'existence de la créance et invité la société Sogeprom à saisir la juridiction compétente dans le délai d'un mois.

Par exploit d'huissier du 3 octobre 2022, la société Sogeprom Sud Réalisations a fait assigner Me [D], en qualité de liquidateur de la société A&F Construction, devant le tribunal judiciaire de Béziers, aux fins d'admission de sa créance et de fixation au passif de la société A&F Construction.

Le 23 mai 2023, le tribunal judiciaire de Béziers s'est déclaré incompétent et a renvoyé l'affaire devant le tribunal de commerce de Béziers.

Par jugement contradictoire du 6 janvier 2025, le tribunal de commerce de Béziers a :

constaté que par jugement en date du 6 janvier 2024, le tribunal de commerce de Béziers a ordonné la jonction des affaires portant les numéros 2024 006377 et 2024 006560, connexes et tendant aux mêmes fins, afin qu'il puisse être statué à leur égard par un seul et même jugement ;

constaté que la société Sogeprom Sud Réalisations n'a pas saisi dans le mois la juridiction compétente et qu'elle est désormais forclose pour y procéder ;

débouté la société Sogeprom Sud Réalisations de l'ensemble de ses demandes ;

rappelé que l'exécution provisoire est de droit conformément aux dispositions de l'article 514 du code de procédure civile ;

condamné la société Sogeprom Sud Réalisations à payer M. [D], en qualité de liquidateur de la société A&F Construction la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la société Sogeprom Sud Réalisations aux entiers dépens ;

rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires tenus pour injustes ou mal fondées.

Par déclaration du 22 janvier 2025, la société Sogeprom Sud Réalisations a relevé appel de ce jugement.

Par conclusions du 7 mai 2025, la société Sogeprom Sud Réalisations demande à la cour, au visa des articles 81, 82, 2241 du code de procédure civile, R. 624-5 du code de commerce, 1193 et suivants, 1231-1 et suivants, 1792 et suivants du code civil, de :

infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

statuant à nouveau,

rejeter la fin de non-recevoir soulevée par M. [D], ès qualités,

déclarer recevable son action ;

admettre et fixer au passif de la société A&F Construction sa créance à hauteur de 1 221 282,60 euros ;

adresser et fixer au passif de la société A&F Construction, sa créance à hauteur de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance ;

ordonner que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

Par conclusions du 14 mars 2025, M. [D], ès qualités, demande à la cour, au visa des articles L. 210-1, L.721-3, R. 624-5 du code de commerce, de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, de débouter la société Sogeprom Sud Réalisations de l'ensemble de ses demandes, et de condamner la société Sogeprom Sud Réalisations à lui payer la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

Régulièrement citée selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile, la société A&F Construction n'a pas constitué avocat.

Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est datée du 27 mai 2025.

MOTIFS :

Sur la forclusion de la déclaration de créance

Aux termes de l'article R. 624-5 du code de commerce, « lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate l'existence d'une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur où le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré à cette fin, à peine de forclusion à moins d'appel dans les cas où cette voie de recours est ouverte »

Par ordonnance du 8 septembre 2022, le juge commissaire du tribunal de commerce de Béziers a notamment constaté l'existence d'une contestation sérieuse et invité la société Sogeprom à saisir la juridiction compétente dans le mois suivant la notification de ladite ordonnance.

Le 3 octobre 2022, soit dans le délai d'un mois énoncé à l'article R. 624-5 précité, la société Sogeprom a saisi le tribunal judiciaire de Béziers qui, par jugement du 25 mai 2023, s'est déclaré incompétent et renvoyé l'affaire devant le tribunal de commerce de Béziers.

Or, selon les dispositions de l'article 2241 du code civil, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. Il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente.

La société Sogeprom ayant saisi le tribunal judiciaire de Béziers, quoiqu'incompétent, dans le délai d'un mois, sa demande n'est pas forclose, aucune des dispositions précitées du code de commerce et du code de procédure civile n' instituant un régime de droit spécial prévalant sur un régime de droit général.

Le jugement sera en conséquence réformé sur ce point.

Sur le bien-fondé de la déclaration de créance

Sur le remboursement de l'avance consentie d'un montant de 300 000 euros TTC

Cette avance de démarrage de 300 000 euros TTC consentie par la société Sogeprom à la société A&F Construction est stipulée à l'article 3 du marché de travaux du 17 février 2020.

Par la suite, les deux parties ont signé (les 22 février et 3 juin 2021) deux avenants au marché de travaux prévoyant les modalités du remboursement de cette avance.

Ces différents actes signés par la société A&F Construction démontrent la réalité de l'avance faite par la société Sogeprom et le principe de son remboursement, sans que la société A&F Construction rapporte la preuve d'un remboursement, ce qu'elle n'allègue pas au demeurant, et sans qu'il soit nécessaire de démontrer la nécessité dudit remboursement contrairement à ce qu'elle affirme.

En conséquence, le montant de cette somme sera retenu.

Sur les pénalités de retard applicables au marché de travaux pour un montant de 265 200 euros HT

La société Sogeprom sollicite des pénalités de retard prévues par le CCAP, dans la mesure où la société A&F Construction n'a pas respecté le planning contractuel.

Elle justifie du bien-fondé et du calcul de ces pénalités de retard qui représentent 5 % du marché global.

En premier lieu, contrairement à ce que soutient le liquidateur, la société Sogeprom a bien déclaré cette créance à la procédure collective de la société A&F Construction dans les délais (soit le 23 septembre 2021), de sorte que la demande de la société Sogeprom n'est pasforclose.

En second lieu, si ces pénalités revêtent effectivement le caractère de clause pénale, elles ne sont pas manifestement excessives en ce qu'elles ne représentent que 5 % du marché global.

En conséquence, la somme de 265 200 HT sera également retenue.

Sur les pénalités de retard liées au marché global d'exécution pour un montant de 265 887 euros HT

Ces pénalités sont prévues au marché de travaux (article 3.3.2.5) et sont destinées à réparer les préjudices du maître d'ouvrage liés au retard d'exécution imputable à l'entreprise.

Sur le constat non discuté du nombre de jours de retard cumulé de 725 jours, et du nombre de lots contenus dans la résidence édifiée, la société Sogeprom est en droit, conformément aux dispositions de l'article L.622-24 du code de commerce selon lesquelles « la déclaration des créances doit être faite alors même qu'elles ne sont pas établies par un titre, et celles dont le montant n'est pas encore définitivement fixé sont déclarées sur la base d'une évaluation », d'évaluer à titre provisoire ses créances.

La somme de 265 887 euros HT sera en conséquence également retenue.

Sur la somme de 78 254,54 euros sollicitée au titre d'écarts de facturation

Il résulte des productions que par jugement du 29 juillet 2021, le tribunal de commerce de Béziers a arrêté le plan de cession totale de la société A&F Construction au profit d'une autre société, prévoyant la poursuite des travaux inachevés par la société A&F Construction.

Une expertise judiciaire a été ordonnée afin de déterminer l'état d'avancement des travaux de tous les chantiers en cours repris et non repris, et d'établir les comptes entre les parties.

Or, il résulte du rapport judiciaire produit un trop payé de la part de la société Sogeprom s'agissant des travaux effectués par la société A&F Construction, et ce pour un montant de 78 254,54 euros.

Ainsi, contrairement à ce que soutient le liquidateur, la somme de 78 250,54 euros est bien fondée elle-aussi dans son principe et dans son montant, de sorte qu'elle sera également retenue.

Sur les travaux de reprise des désordres imputables à la société A&F Construction pour un montant de 300 000 euros HT

À l'appui de sa demande portant sur une somme de 300 000 euros, qui lui serait due au titre de travaux de reprises de désordres imputables à la société A&F Construction, la société Sogeprom produit un compte rendu de chantier en date du 23 mars 2021, faisant état de divers désordres, ainsi qu'un procès-verbal de constat d'huissier en date du 29 juillet 2021 comportant des photographies sur l'état des travaux réalisés par la société A&F Construction, et un document en date du 3 août 2021 comportant l'ensemble des réserves concernant également toutes les autres entreprises intervenantes sur le chantier.

Cependant, la société Sogeprom ne verse ni de la liste précise des désordres qui seraient imputables à la société A&F Construction, ni d'aucun chiffrage précis de reprises pouvant correspondre à ces désordres, de sorte qu'elle ne justifie ni du bien-fondé ni du quantum de sa demande de ce chef, même sous la forme d'une évaluation.

Sa demande sera en conséquence rejetée.

Sur les frais de justice d'un montant de 11 941,11 euros TTC

Dans sa déclaration de créance faite le 23 septembre 2021, la société Sogeprom a déclaré à titre provisoire et forfaitaire une somme de 20 000 euros correspondant à des frais d'avocat pour la procédure globale de déclaration de sa créance.

Elle produit désormais les factures d'honoraires d'avocat correspondantes pour le montant total de 11 941,11 euros, qui sera dès lors admis.

En définitive, la société A&F Construction est redevable envers la société Sogeprom de la somme de 921 282,65 euros (300 000 + 265 200 + 265 887 + 78 254,54 + 11 941,11).

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt de défaut,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Rejette la fin de non-recevoir soulevée,

Dit que la S.A.S. A&F Construction est redevable envers la S.A.S. Sogeprom Sud Réalisations de la somme de 921 282,65 euros au titre du marché de travaux du 17 février 2020,

La renvoie à saisir le juge-commissaire pour fixation au passif de la S.A.S. Sogeprom Sud Réalisations,

Dit que les dépens de première instance et d'appel seront employés en frais de procédure collective,

Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente

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