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Cass. crim., 16 septembre 2025, n° 24-81.249

COUR DE CASSATION

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Rejet

Cass. crim. n° 24-81.249

15 septembre 2025

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Le 26 février 2019, le procureur de la République a ouvert une enquête préliminaire à l'encontre de la société [4], compagnie aérienne de droit espagnol, du chef de dépassement de la durée légale du temps de travail du personnel navigant.

3. Les 23 juin et 9 août 2021, la société [4] et M. [W] [N], son directeur des ressources humaines, ont été cités devant le tribunal de police des chefs précités.

4. Par jugement du 7 juin 2022, le tribunal de police a déclaré les prévenus coupables des chefs de la prévention, et a prononcé sur les peines et les intérêts civils.

5. La société [4] et M. [N] ont interjeté appel. Le ministère public a interjeté appel incident.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen proposé pour M. [N]

6. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen proposé pour la société [4] et les premier et deuxième moyens proposés pour M. [N]

Enoncé des moyens

7. Le moyen proposé pour la société [4] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable l'exception d'illégalité des articles R. 427-1, D. 422-4-1 et D. 422-5 du code de l'aviation civile, a constaté que les articles D. 422-4-1 et D. 422-5 du Code de l'aviation civile, fondements des poursuites par renvoi textuel de l'article R. 427-1 du code de l'aviation civile, ne sont pas entachés d'illégalité, a rejeté en conséquence l'exception préjudicielle soulevée d'office tirée de l'illégalité invoquée des textes fondement de la poursuite et a confirmé le jugement sur la culpabilité et sur la peine la concernant, alors :

« 1°/ qu'est illégal et ne peut servir de base à la déclaration de culpabilité l'acte règlementaire dont l'adoption a été réalisée en violation de la procédure prévue par la loi pour l'application de laquelle il a été pris ; qu'il résulte de l'article R. 427-1 du Code de l'aviation civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-1551 du 18 novembre 2016, qu'est puni de l'amende prévue pour les contraventions de cinquième classe tout employeur qui, en ce qui concerne le personnel navigant, aura contrevenu aux dispositions des articles L. 3121-18 et L. 3121-27 du Code du travail et des décrets mentionnés aux articles L. 3121-67 et L. 3121-68 du même code ; qu'aux termes de l'article L. 3121-67 du Code du travail, la répartition et l'aménagement des horaires de travail et les périodes de repos de certaines professions, dont le personnel navigant, sont déterminés par décret en Conseil d'Etat ; qu'en l'espèce, pour écarter l'illégalité des articles D. 422-4-1 et D. 422-5 du Code de l'aviation civile, la cour d'appel a retenu que ces dispositions ont été adoptées en conseil des ministres, conformément aux conditions de forme édictées par l'article L. 212-2, en vigueur à l'époque de leur adoption, auquel renvoyait l'article R. 427-1 du code de l'aviation civile dans sa version en vigueur du 1er mars 1994 au 1er janvier 2017, que ces dispositions n'ont pas été abrogées et constituaient le droit positif en ce qui concerne les temps de vol maximums et les temps d'arrêt minimums lors de la commission des faits reprochés à M. [N] et à la société [4], que le fait que l'article R. 427-1 du Code de l'aviation civile ne vise plus depuis 2016 les décrets mentionnés à l'article L. 212-2 du Code du travail mais les décrets mentionnés notamment à l'article L. 3121-67 du même code n'était pas de nature à rendre illégales les dispositions litigieuses ; qu'en statuant ainsi, quand il ressortait de ses propres constatations que, à compter de l'entrée en vigueur du décret n° 2016-1551 du 18 novembre 2016, la répartition et l'aménagement des horaires de travail et les périodes de repos du personnel navigant devaient être déterminés par décret en Conseil d'Etat, en sorte que les dispositions litigieuses étaient entachées d'illégalité et ne pouvaient servir de base à la déclaration de culpabilité prononcée, la cour d'appel a violé l'article R. 427-1 du Code de l'aviation civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-1551 du 18 novembre 2016, ensemble l'article L. 3121-67 du Code du travail ;

2°/ en toute hypothèse, qu'à la date des faits incriminés l'article R. 427-1 du Code de l'aviation civile ne pouvait sanctionner que la méconnaissance d'obligations imposées par un décret en Conseil d'Etat ; qu'en jugeant cependant que l'article R. 427-1 du Code de l'aviation civile autorisait à sanctionner la violation des articles D. 422-4-1 et D. 422-5 du même code cependant que ces dispositions, qui n'avaient pas été adoptées par décret en Conseil d'Etat, n'entraient pas dans son champ d'application, la cour d'appel a méconnu ensemble l'article L. 3121-67 du Code du travail, et les articles D. 422-4-1, D. 422-5 et R. 427-1 du Code de l'aviation civile ;

3°/ que nul ne peut être puni pour une contravention dont les éléments ne sont pas définis de manière précise par le règlement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a estimé que les motifs visés par la première branche permettaient de rejeter le moyen de la société [4] tiré de la méconnaissance du principe de la légalité des délits et des peines et du principe de l'interprétation stricte de la loi pénale en retenant comme textes applicables aux faits les dispositions combinées des articles R. 427-1, D. 422-4-1 et D. 422-5 du Code de l'aviation civile, le détour par les articles L. 6525-1 et L. 6525-3 du Code des transports étant très accessoire dans les motifs décisoires du jugement de première instance ; qu'en statuant ainsi, quand il ressortait pourtant de ses propres constatations que l'article R. 427-1 du Code de l'aviation civile renvoyait aux décrets mentionnés aux articles L. 3121-67 et L. 3121-68 du Code du travail, lesquels se bornaient à énoncer que la répartition et l'aménagement des horaires de travail et les périodes de repos du personnel devaient être déterminés par décret en Conseil d'Etat, en sorte que la multiplication des renvois à des codes différents rendait la connaissance de l'infraction totalement inaccessible, la cour d'appel a violé les articles L. 111-3 du Code pénal, ensemble les articles 7 et 8 de la Déclaration européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 49 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. »

8. Le premier moyen proposé pour M. [N] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a constaté que les articles D. 422-4-1 et D. 422-5 du code de l'aviation civile, fondements des poursuites par renvoi textuel de l'article R. 427-1 du code de l'aviation civile, ne sont pas entachés d'illégalité, a rejeté en conséquence l'exception préjudicielle soulevée d'office tirée de l'illégalité invoquée des textes fondement de la poursuite et, en conséquence, a confirmé le jugement sur la culpabilité de M. [N] et l'a condamné au paiement de cent soixante-cinq amendes d'un montant unitaire de 400 euros dont 350 euros assortis d'un sursis, ainsi qu'aux intérêts civils, alors « qu'est illégal et ne peut fonder une condamnation l'acte administratif dont la procédure d'adoption prévue par la loi a été méconnue ; tel est le cas notamment du décret qui, bien que devant être pris en Conseil d'Etat, n'a pas été soumis à la consultation de la juridiction administrative ; il résulte de l'article R. 427-1 du code de l'aviation civile, dans sa rédaction issue du décret n°2016-1551 du 18 novembre 2016, que constitue une contravention de la cinquième classe le fait pour tout employeur de contrevenir aux dispositions de l'article L. 3121-67 du code du travail applicables au personnel navigant ; selon ce dernier article, la répartition et l'aménagement des horaires de travail, et les périodes de repos, sont déterminées par décrets en Conseil d'Etat ; cependant, les articles D. 422-4-1 et D. 422-5 du code de l'aviation civile, qui fixent respectivement la durée maximale du temps de vol et temps d'arrêt minimal entre différentes périodes de vol, sont issus d'un décret simple non pris en Conseil d'Etat ; pour néanmoins rejeter le moyen relevé d'office tiré de l'illégalité de ces dispositions réglementaires, l'arrêt retient qu'au jour de leur entrée en vigueur, l'article L. 212-2 du code du travail, auquel renvoyait l'article R. 427-1 du code de l'aviation civile dans sa rédaction antérieure applicable du 1er mars 1994 au 1er janvier 2017, ne prescrivait la détermination des modalités de travail contestées que par décrets en conseil des ministres, de sorte que la nouvelle exigence d'une consultation du Conseil d'Etat « ne peut avoir pour objet, ni pour effet, de rendre illégaux les articles D. 422-4-1 et D. 422-5 du code de l'aviation civile, qui ont été régulièrement pris en leur temps, qui n'ont pas été abrogés et qui constituaient dont le droit positif applicable en matière de temps de vol et de temps d'arrêt au moment des faits » (p. 14, §3) ; en statuant de la sorte, quand il résultait de ses propres constatations qu'à compter du 1er janvier 2017, date d'entrée en vigueur de la nouvelle rédaction de l'article R. 427-1 du code de l'aviation civile seule applicable aux faits, la répartition et l'aménagement des horaires de travail et les périodes de repos du personnel navigant devaient être déterminées par décret en Conseil d'Etat, de sorte que les dispositions discutées étaient devenues illégales et ne pouvaient ainsi fonder une condamnation, la cour d'appel a violé l'article R. 427-1 du code de l'aviation civile, ensemble l'article L. 3121-67 du code du travail .»

9. Le deuxième moyen proposé pour M. [N] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré coupable des infractions reprochées à la réglementation sur le temps de vol et d'arrêt du personnel navigant et, en conséquence, l'a condamné au paiement de 165 amendes d'un montant unitaire de 400 euros dont 350 euros assortis d'un sursis, ainsi qu'aux intérêts civils, alors « qu'en vertu du principe de légalité criminelle, nul ne peut être puni pour une contravention dont les éléments ne sont pas définis par le règlement ; en l'espèce, si l'article R. 427-1 du code de l'aviation civile, qui fonde les poursuites contre M. [N], renvoie aux articles L. 3121-18 et L. 3121-27 du code du travail pour définir le comportement infractionnel qu'il sanctionne d'une contravention de la cinquième classe, aucune de ces deux dispositions ne décrit le manquement reproché à M. [N] et ayant consisté à dépasser les seuils imposés en matière de temps de vol et d'arrêt du personnel navigant ; de la même manière, l'article L. 3121-67 du code du travail, auquel renvoie également l'article R. 427-1 du code de l'aviation civile, ne se réfère lui-même expressément à aucun décret fixant ces seuils ; il ne renvoie pas non plus aux articles D. 422-4-1 et D. 422-5 du code de l'aviation civile visés à la prévention, qui n'ont dès lors aucune valeur pénale ; en retenant toutefois la culpabilité de M. [N] sur le fondement de ces dispositions combinées, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision et a violé les principes de légalité criminelle et d'interprétation stricte de la loi pénale, garantis par les articles 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, 7 de la Convention européenne des droits de l'Homme, et 111-3 et 111-4 du code pénal. »
Réponse de la Cour

10. Les moyens sont réunis.

11. Le Conseil d'Etat juge, de manière constante, que la légalité d'un acte administratif doit être appréciée à la date où il a été pris (CE, 22 juillet 1949, n° 85735 et 86680, publié au Recueil Lebon).

12. Se prononçant en application de l'article 111-5 du code pénal, la Cour de cassation juge dans le même sens (Crim., 26 mars 1996, pourvoi n° 95-81.890, Bull. crim. 1996, n° 133).

13. Pour rejeter l'exception d'illégalité des articles D. 422-4-1 et D. 422-5 du code de l'aviation civile, l'arrêt attaqué énonce que, dans sa version en vigueur du 1er mars 1994 au 1er janvier 2017, l'article R. 427-1 du code de l'aviation civile renvoie aux dispositions de l'article L. 212-1 du code du travail et des décrets mentionnés à l'article L. 212-2 du même code dans sa version applicable entre le 21 décembre 1993 et le 1er mai 2008.

14. Le juge expose qu'ont été adoptés, sur le fondement de ce dernier texte, les articles D. 422-4-1 et D. 422-5 du code de l'aviation civile, sur lesquels, par renvois, reposent les poursuites, respectivement créés par les décrets n° 2000-1030 du 18 octobre 2000 et n° 97-999 du 29 octobre 1997, adoptés en conseil des ministres, conformément aux conditions de forme édictées par l'article L. 212-2 en vigueur à l'époque de leur adoption.

15. Il observe que l'article D. 422-4-1 susvisé dispose ainsi, notamment, que la durée maximale du temps de vol effectué ne peut dépasser quatre-vingt dix heures par mois tandis que l'article D. 422-5 dispose notamment que la durée d'une période de vol ne peut excéder dix heures dans une amplitude de quatorze heures.

16. Il précise que ces dispositions n'étaient pas été abrogées et constituaient le droit positif en ce qui concerne les temps de vol maximums et les temps d'arrêt minimums lors de la commission des faits reprochés à M. [N] et à la société [4].

17. Il retient que si la rédaction de l'article R. 427-1 du code de l'aviation civile, fondement principal des poursuites, a, par la suite, été modifiée par le décret n° 2016-1551 du 18 novembre 2016,qui renvoie désormais non plus aux décrets mentionnés à l'article L. 212-2 du code du travail, mais aux décrets mentionnés notamment à l'article L. 3121-67 du même code, le fait que ce dernier texte dispose que la répartition et l'aménagement des horaires de travail (1°) et les périodes de repos (4°) de certaines professions, dont le personnel naviguant, devront être pris par des décrets en Conseil d'Etat, ne peut avoir pour objet ni pour effet de rendre illégaux les articles D. 422-4-1 et D. 422-5 précités, lesquels ont été régulièrement pris en leur temps, n'ont pas été abrogés et constituaient le droit positif applicable en matière de temps de vol et de temps d'arrêt au moment des faits.

19. En statuant ainsi, la cour d'appel a fait une exacte application des textes visés au moyen.

20. En effet, les dispositions critiquées, légalement prises par l'autorité compétente, revêtent un caractère de permanence qui les fait survivre aux dispositions législatives dont elles procèdent tant qu'elles n'ont pas été rapportées ou tant qu'elles ne sont pas devenues inconciliables avec les règles fixées par la législation postérieure.

21. Tel est le cas s'agissant de l'article L. 3121-67 du code du travail, dont les dispositions qui succèdent à celles de l'article L. 212-2 précité se bornent à prévoir une procédure différente d'adoption des mesures réglementaires d'application, en prescrivant, en l'espèce, l'adoption de décrets en Conseil d'Etat, sans modifier le cadre légal applicable réglementant le temps de travail des personnels navigants.

22. Il en résulte que le troisième grief du moyen proposé pour la société [4] et le deuxième moyen proposé pour M. [N] sont inopérants dès lors que l'article R. 427-1 du code de l'aviation civile incriminant pénalement le dépassement de la durée légale du temps de travail du personnel navigant, et les renvois successifs qu'il opère, ne méconnaissent pas le principe de légalité des délits et des peines.

23. Les moyens ne peuvent, dès lors, qu'être écartés.

Sur le second moyen proposé pour la société [4]

Enoncé du moyen

24. Le moyen l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable l'exception d'illégalité des articles R. 427-1, D. 422-4-1 et D. 422-5 du code de l'aviation civile, a constaté que les articles D. 422-4-1 et D. 422-5 du code de l'aviation civile, fondements des poursuites par renvoi textuel de l'article R. 427-1 du code de l'aviation civile, ne sont pas entachés d'illégalité, a rejeté l'exception d'incompatibilité du droit national avec le droit communautaire, et a confirmé le jugement sur la culpabilité et sur la peine la concernant, alors :

« 1°/ que le juge national chargé d'appliquer, dans le cadre de sa compétence, les dispositions du droit de l'Union a l'obligation d'assurer le plein effet de celles-ci en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire de la législation nationale ; qu'il résulte de l'article 288 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne que le règlement est obligatoire dans tous ses éléments et qu'il est directement applicable dans tous les États membres ; qu'aux termes de l'article 8 du règlement (UE) n° 965/2012 du 5 octobre 2012 déterminant les exigences techniques et les procédures administratives applicables aux opérations aériennes, dans sa version modifiée par le règlement (UE) n° 83-2014 du 29 janvier 2014, le total des temps de vol pour les étapes assignées à un membre d'équipage en service ne dépasse pas 100 heures par période de 28 jours consécutifs ; qu'en application de l'article D. 422-4-1 du Code de l'aviation civile, la durée maximale du temps de vol effectué ne peut dépasser 90 heures par mois ; qu'en écartant toutefois le moyen de la société [4] tiré de l'incompatibilité de l'article D. 422-4-1 au règlement européen précité, motifs pris que la norme interne étant plus favorable, elle devait primer les règles européennes, la cour d'appel a violé l'article 8 du règlement (UE) n° 965/2012 du 5 octobre 2012, dans sa version applicable en la cause, ensemble le principe de primauté du droit de l'Union et l'article 288 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

2°/ que le juge national chargé d'appliquer, dans le cadre de sa compétence, les dispositions du droit de l'Union a l'obligation d'assurer le plein effet de celles-ci en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire de la législation nationale ; qu'il résulte de l'article 288 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne que le règlement est obligatoire dans tous ses éléments et qu'il est directement applicable dans tous les États membres ; qu'aux termes de l'article 8 du règlement (UE) n° 965/2012 du 5 octobre 2012 déterminant les exigences techniques et les procédures administratives applicables aux opérations aériennes, dans sa version modifiée par le règlement (UE) n° 83-2014 du 29 janvier 2014, le temps de repos s'apprécie par référence à la « période de service » précédente, quand il s'apprécie par référence à la « période de vol » précédente en application de l'article D. 422-5 du Code de l'aviation ; qu'en écartant toutefois le moyen de la société [4] tiré de l'incompatibilité de l'article D. 422-5 au règlement européen précité, motifs pris que la norme interne étant plus favorable, elle devait primer les règles européennes, la cour d'appel a violé l'article 8 du règlement (UE) n° 965/2012 du 5 octobre 2012, dans sa version applicable en la cause, ensemble le principe de primauté du droit de l'Union et l'article 288 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. »

Réponse de la Cour

25. Le règlement (UE) n° 83/2014 de la Commission du 29 janvier 2014 modifiant le règlement (UE) n° 965/2012 déterminant les exigences techniques et les procédures administratives applicables aux opérations aériennes conformément au règlement (CE) n° 216/2008 du Parlement européen et du Conseil énonce, en son considérant 4, que, d'une part, ledit règlement est sans préjudice des limitations et des normes minimales déjà fixées par la directive n° 2000/79/CE du Conseil, et notamment des dispositions sur le temps de travail et les jours libres de tout service, qu'il convient de respecter à tout moment pour le personnel mobile dans l'aviation civile, d'autre part, ses dispositions et les autres dispositions approuvées en vertu de celui-ci ne sont pas destinées à justifier une réduction quelconque des niveaux existants de protection pour ce personnel mobile, enfin, il ne fait pas obstacle à des dispositions plus protectrices en matière de conditions de travail et de santé et de sécurité au travail prévues par la législation sociale nationale ou les conventions collectives de travail, et est sans préjudice de telles dispositions.

26. Pour rejeter l'exception de non-conformité des articles D. 422-4-1 et D. 422-5 du code de l'aviation civile avec le droit de l'Union européenne, l'arrêt attaqué, après s'être référé au principe de primauté du droit communautaire sur le droit national, aux articles 4 et 5, § 3, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et 100 du Traité sur l'Union européenne, et avoir rappelé l'argumentation de la société [4], énonce que ledit règlement crée une protection minimale du personnel de l'aviation civile, notamment par les « Flight Time Limitations » (FTL) qui sont des règles techniques encadrant la sécurité aérienne.

27. Se fondant sur les dispositions du considérant 4 du règlement (UE) n° 83/2014 de la Commission du 29 janvier 2014, le juge retient que la législation nationale relative aux conditions et temps de travail, plus favorable, doit trouver à s'appliquer, en vertu du principe de subsidiarité.

28. Il expose que si la société [4] conteste le caractère social des dispositions internes, soutenant que ces règles, qui ne renvoient pas au code du travail, ont pour objet d'encadrer la sécurité du personnel navigant, il apparaît cependant que tant le décret n° 97-999 du 29 octobre 1997, créant l'article D. 422-5 du code de l'aviation civile, que celui n° 2000-1030 du 18 octobre 2000, créant l'article D. 422-4-1 du même code, ont été pris au visa du code du travail et après consultation des organisations patronales et de salariés, de sorte que ces dispositions ont bien un caractère social.

29. Il ajoute que le caractère plus favorable des normes sociales internes par rapport aux normes sécuritaires communautaires résulte très clairement de la comparaison de la durée maximale de vol, les normes sociales nationales la fixant à quatre-vingt dix heures par mois selon l'article D. 422-4-1 précité tandis que le droit communautaire la fixe à cent heures de vol par période de vingt-huit jours consécutifs, selon les dispositions du FTL.

30. Relevant que, d'une part, la réglementation sociale nationale de l'article D. 422-4-1 du code de l'aviation civile est plus favorable aux salariés que les règles européennes, d'autre part, le règlement (UE) n° 83/2014 précité prévoit dans ce cas que la réglementation la plus favorable doit s'appliquer, il en déduit que l'incompatibilité des dispositions internes, plus protectrices, avec celles d'origine communautaire, doit se résoudre par la primauté des normes internes qui étaient bien applicables à la date des faits.

31. En se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui a exactement retenu que les dispositions de l'article 8 du règlement (UE) n° 965/2012 du 5 octobre 2012, déterminant les exigences techniques et les procédures administratives applicables aux opérations aériennes, dans sa version modifiée par le règlement (UE) n° 83-2014 du 29 janvier 2014, interprétées à la lumière du considérant 4 de ce règlement, n'étaient pas exclusives de l'application des dispositions plus favorables pour les droits des salariés des articles D. 422-4-1 et D. 422-5 du code de l'aviation civile, a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions européennes invoquées aux moyens.

32. Le moyen doit, dès lors, être écarté.

33. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

FIXE à 2 500 euros la somme globale que la société [4] et M. [W] [N] devront payer au [2] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

FIXE à 2 500 euros la somme globale que la société [4] et M. [W] [N] devront payer au [1] et du [3], en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

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