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Décisions

CA Paris, Pôle 4 - ch. 13, 9 septembre 2025, n° 21/17393

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 21/17393

9 septembre 2025

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 13

ARRET DU 09 SEPTEMBRE 2025

(n° , 21 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/17393 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CENW5

Décision déférée à la Cour: Jugement du 13 Septembre 2021-TJ de [Localité 10]- RG n°21/02890 et RG n°21/05043

APPELANTS

Monsieur [H] [O]

[Adresse 5]

[Localité 7]

Autre qualité : intimé dans les RG N° 21/18203 et 21/19303

S.C.P. NICOLAS BOULLEZ AVOCAT ASSOCIÉ AUPRÈS DU CONSEIL D' ETAT ET DE LA COUR DE CASSATION, représentée par M. [H] [O]

[Adresse 3]

[Localité 7]

Autre qualité : intimée dans les RG N° 21/18203 et 21/19303

Représentés par Maître Julien GUIRAMAND de la SELARL SAMARCANDE, avocat au barreau de PARIS, toque : G0727

INTIMÉES

Madame [M] [L] épouse [O]

[Adresse 2]

[Localité 7]

Autre qualité : appelante dans les RG N°21/18203 et 21/19303

Représentée par Maître Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753, avocat postulant,

et par Maître Florence COBESSI, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

S.C.I. NCAB représentée par Me [T] [R] en qualité de liquidateur

[Adresse 3]

[Localité 7]

Défaillante

INTERVENANTE FORCÉE

S.C.P. BTSG prise en la personne de Me [T] [R], mandataire judiciaire, en qualité de liquidateur de la S.C.I. NCAB

[Adresse 1]

[Localité 8]

Défaillante

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Mai 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre, et Madame Estelle MOREAU, Conseillère, chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre

Madame Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de Chambre

Madame Estelle MOREAU, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Michelle NOMO

ARRET :

- réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 9 septembre 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre et par Michelle NOMO, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

M. [H] [O] et Mme [M] [L] se sont mariés le [Date mariage 6] 2010 sous le régime de la séparation des biens et ont deux enfants.

Ils louaient un appartement situé [Adresse 3] à [Localité 12], à usage mixte, d'habitation et professionnel, M. [O], avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation exerçant à cette adresse en sa qualité d'associé unique de la société civile professionnelle [H] [O].

Le 25 septembre 2018, M. [O] et Mme [L] ont constitué la société civile immobilière NCAB, dont ils sont chacun associés à 50% et co-gérants.

Par acte notarié du 26 novembre 2018, la Sci NCAB et la Scp [H] [O] ont acquis l'appartement dont M. [O] et Mme [L] étaient locataires, composé de huit pièces principales, escaliers principal et de service comme suit :

- la Sci NCAB a acquis la nue-propriété de la partie à usage professionnel et la pleine propriété de la partie à usage d'habitation,

- la Scp [H] [O] a acquis l'usufruit temporaire de la partie à usage professionnel.

Les 9 et 13 octobre 2020, M. [O] et Mme [L] ont respectivement été autorisés à assigner à jour fixe leur conjoint aux fins de tentative de conciliation devant le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Paris et d'engagement d'une procédure de divorce sur le fondement de l'article 251 du code civil.

Par ordonnance de non-conciliation du 25 novembre 2020, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Paris a dit n'y avoir lieu à attribution du domicile conjugal à l'un et/ou à l'autre des époux au motif qu''en l'absence de convention d'occupation des époux avec les sociétés possédant le domicile conjugal et en l'absence d'accord des époux sur la jouissance dudit domicile conjugal, et sur le caractère gratuit ou onéreux de celui-ci par l'un et/ou l'autre des époux, les mesures de crise sont à rechercher par les parties en exécution du droit des sociétés, devant le juge compétent, et il n'y a pas lieu, pour le juge conciliateur, d'attribuer la jouissance du domicile conjugal à l'un d'eux.'

Par acte du 8 décembre 2020, Mme [L] a sollicité auprès du juge aux affaires familiales une ordonnance de protection et produit à l'occasion de cette procédure une convention de prêt à usage conclue le 7 décembre 2020 entre elle-même et la Sci NCAB. Par ordonnance du 11 décembre 2020, le juge aux affaires familiales a débouté Mme [L] de cette demande.

Par courrier du 29 janvier 2021, M. [O] a convoqué Mme [L] à une assemblée générale de la Sci NCAB fixée le 17 février 2021 afin de voter sur un projet de bail à titre onéreux entre ladite Sci et lui-même.

M. [O], la Sci NCAB et la Scp [O], contestant la validité du prêt à usage au bénéfice de Mme [L] et les travaux réalisés par cette dernière, ont, sur autorisation délivrée le jour même, assigné à jour fixe Mme [L] par acte du 4 février 2021 aux fins de voir ordonner la nullité du prêt à usage, la remise en état des lieux et condamner Mme [L] au paiement de dommages et intérêts au titre du préjudice financier et moral de M. [O] et du préjudice financier de la Sci NCAB, sollicitant subsidiairement la désignation d'un administrateur provisoire pour gérer la Sci NCAB.

Par arrêt du 16 février 2021, la cour d'appel de Paris a confirmé l'ordonnance du 11 décembre 2020.

Lors de l'assemblée générale du 17 février 2021, Mme [L] a voté contre le projet de bail proposé et la résolution a été rejetée.

Par acte du 7 avril 2021, M. [O], la Sci NCAB et la Scp [H] [O] ont assigné à jour fixe Mme [L] devant le tribunal judiciaire de Paris, aux fins de voir juger que cette dernière s'est rendue coupable d'un abus d'égalité, et désigner un mandataire ad hoc avec pour mission de voter en lieu et place de Mme [L] sur la même résolution que celle soumise à l'assemblée générale du 17 février 2021, établir un projet de bail et réunir les éléments pour fixer le montant du loyer.

Par jugement du 13 septembre 2021, rendu à la suite de l'assignation du 4 février 2021 (RG 21-02890), le tribunal judiciaire de Paris :

- s'est déclaré compétent,

- a débouté Mme [L] de sa demande de sursis à statuer,

- a débouté Mme [L] de sa demande de rejet des pièces n°19 à 24 communiquées par les demandeurs,

- a déclaré recevable la demande aux fins de nullité de la convention de prêt à usage datée du 7 décembre 2020 entre Mme [L] et la Sci NCAB,

- a déclaré que la convention de prêt à usage datée du 7 décembre 2020 entre Mme [L] et la Sci NCAB est nulle,

- a condamné Mme [L] à remettre les lieux en l'état en enlevant les cloisons, portes palières et obstacles ayant séparé la partie habitation et la partie professionnelle de l'appartement situé [Adresse 3] à [Localité 12] dans un délai de quinze jours à compter de la signification de sa décision, puis sous astreinte de 300 euros par jour de retard pendant deux mois,

- a condamné Mme [L] à payer à la Sci NCAB la somme de 800 euros par mois au titre de l'occupation des lieux appartenant à la Sci NCAB, à compter du 28 décembre 2020 jusqu'à la libération effective des lieux,

- a débouté M. [O] de ses demandes au titre du préjudice financier et du préjudice moral allégués,

- a débouté M. [O] de sa demande aux fins de révocation de Mme [L] de ses fonctions de co-gérante de la Sci NCAB,

- a désigné la Scp [N], prise en la personne de Mme [U], en qualité d'administrateur provisoire de la Sci NCAB pour une durée de six mois renouvelable avec pour mission de :

- procéder à tous actes de gestion et d'administration utiles au fonctionnement de la société,

- prendre toutes les mesures nécessaires à la préservation de l'actif de la Sci passant par le respect de l'autorisation de changement d'usage dont bénéficie M. [O] à titre personnel,

- rechercher une solution à la crise sociale et tenter à cette fin de réaliser une conciliation entre les parties concernées,

- a autorisé l'administrateur provisoire à se faire assister de toute personne compétente de son choix,

- a dit qu'en cas d'empêchement, il serait pourvu à son remplacement par ordonnance rendue sur simple requête,

- a débouté Mme [L] de ses demandes reconventionnelles et de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- a débouté les parties de toutes leurs autres demandes,

- a condamné Mme [L] à payer à M. [O], à la Sci NCAB et à la Scp [H] [O] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- a condamné Mme [L] aux entiers dépens,

- a dit que sa décision était exécutoire de plein droit.

Par jugement du même jour, rendu à la suite de l'assignation du 7 avril 2021 (RG 21/05043), le tribunal judiciaire de Paris :

- s'est déclaré compétent,

- a dit n'y avoir lieu à sursis à statuer,

- a dit que Mme [L] n'a pas commis d'abus d'égalité en votant contre le projet de bail entre M. [O] et la Sci NCAB lors de l'assemblée générale du 17 février 2021,

- a débouté M. [O], la Sci NCAB et la Scp [H] [O] de leur demande de désignation d'un mandataire ad hoc,

- a débouté Mme [L] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- a débouté les parties de toutes les autres demandes,

- a condamné in solidum M. [O], la Sci NCAB, et la Scp [H] [O] à payer à Mme [L] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- a condamné in solidum M. [O], la Sci NCAB et la Scp [H] [O] aux entiers dépens,

- a dit que sa décision était exécutoire de plein droit.

Par déclaration du 5 octobre 2021, M. [O] et la Scp [H] [O] ont interjeté appel du jugement rendu à la suite de l'assignation du 7 avril 2021. La procédure a été enregistrée sous le numéro RG 21/17393.

Par déclaration du 18 octobre 2021, Mme [L] a interjeté appel du jugement rendu à la suite de l'assignation du 4 février 2021. La procédure a été enregistrée sous le numéro RG 21/18203.

Par ordonnance du 16 novembre 2021, la jonction des procédures inscrites au rôle sous les numéros 21/17393 et 21/18203 a été ordonnée sous le numéro le plus ancien.

Par acte du 1er mars 2022 M. [O] a de nouveau assigné Mme [L] à jour fixe, tant en son nom personnel qu'en sa qualité de gérante de la Scp [H] [O], aux fins de prolonger la mission de la société civile professionnelle [N], prise en la personne de Mme [G] [U], et de solliciter l'extension de la mission aux fins notamment de voir ordonner la convocation des associés de la Sci NCAB à une assemblée générale extraordinaire d'associés dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir.

Par jugement du 14 mars 2022, le tribunal judiciaire de Paris a notamment :

- ordonné pour une durée de douze mois à compter du 13 mars 2022 renouvelable sur simple requête à la diligence de la partie la plus diligente et/ou de l'administrateur provisoire, la prorogation de la mission de la Scp [N], prise en la personne de Mme [U], en sa qualité d'administrateur provisoire de la Sci NCAB,

- ordonné l'extension de la mission de la Scp [N], prise en la personne de Mme [U], aux fins de convoquer les associés de la Sci NCAB à une assemblée générale extraordinaire d'associés dans un délai de deux mois à compter de la signification du présent jugement avec pour ordre de jour de :

- voir statuer sur la vente du bien immobilier,

- à défaut d'accord ferme et définitif sur la mise en vente de l'actif immobilier, voir statuer sur les autres alternatives que pourraient proposer les parties et en cas d'impossibilité des associés à se mettre d'accord sur la vente du bien immobilier ou sur une autre solution, statuer sur la dissolution de la société avec toutes les conséquences de droit,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

Le 18 janvier 2023, Mme [L], en qualité de co-gérante de la Sci NCAB, a déposé au greffe du tribunal judiciaire de Paris une déclaration de cessation des paiements avec demande d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire.

Par jugement du 2 mars 2023, le tribunal judiciaire de Paris a notamment prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire de la Sci NCAB, fixé la date de cessation des paiements au 25 janvier 2023 et désigné la Scp BTSG, prise en la personne de M. [T] [R], mandataire judiciaire, en qualité de liquidateur. Cette décision a été confirmée par arrêt de la cour d'appel de Paris du 6 juillet 2023, contre lequel Mme [L] a formé un pourvoi en cassation, laquelle affaire est pendante devant la Cour de cassation.

Par jugement réputé contradictoire du 13 mars 2023, le tribunal judiciaire de Paris a constaté la fin de la mission de la Scp [N], prise en la personne de Mme [U].

Par ordonnance du 19 juin 2024, le magistrat en charge de la mise en état a :

- constaté l'interruption de l'instance à compter du 2 mars 2023,

- dit que les parties devraient justifier de leurs diligences en vue de reprendre l'instance avant le 10 septembre 2023 et qu'à défaut l'affaire serait radiée,

- renvoyé l'affaire à la mise en état du 17 septembre 2024.

Dans leurs dernières conclusions, notifiées et déposées le 19 avril 2022 puis le 4 mai 2022, M. [H] [O] et la Scp [H] [O] avocat associé auprès du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation (la Scp [H] [O]) demandent à la cour de :

au titre du jugement rendu par le tribunal judiciaire le 13 septembre 2021, RG 21/02890,

- confirmer le jugement, en ce qu'il :

- s'est déclaré compétent,

- a débouté Mme [L] de sa demande de sursis à statuer,

- a déclaré recevable la demande aux fins de nullité de la convention de prêt à usage daté du 7 décembre 2020 entre Mme [L] et la Sci NCAB,

- a déclaré que la convention de prêt à usage datée du 7 décembre 2020 entre Mme [L] et la Sci NCAB est nulle,

- a condamné Mme [L] à remettre les lieux en l'état en enlevant les cloisons, portes palières et obstacles ayant séparé la partie habitation et la partie professionnelle de l'appartement, sous astreinte,

- a jugé qu'en concluant un prêt à usage en dehors de l'objet social et à son unique profit, Mme [L] a en sa qualité de co-gérante commis une faute de gestion,

- a désigné un administrateur provisoire,

- a débouté Mme [L] de ses demandes reconventionnelles et de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- a condamné Mme [L] à payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

- infirmer partiellement le jugement en ce qu'il a :

- débouté M. [O] de ses demandes au titre de son préjudice financier et de son préjudice moral,

- limité le montant de l'occupation à la charge de Mme [L] à la somme de 800 euros par mois,

statuant à nouveau,

- condamner Mme [L] à réparer leur préjudice financier évalué à ce stade à 25 000 euros et à réparer le préjudice moral de M. [O] qui ne peut être inférieur à 10 000 euros,

- condamner Mme [L] à réparer le préjudice financier de la Sci NCAB à hauteur de 4 000 euros par mois à compter du 28 décembre 2020 jusqu'à la remise en état,

au titre du jugement rendu par le tribunal judiciaire le 13 septembre 2021, RG n°21/05043,

- infirmer le jugement en ce qu'il a dit que Mme [L] n'a pas commis d'abus d'égalité en votant contre le projet de bail entre M. [O] et la Sci NCAB lors de l'assemblée générale du 17 février 2021 et les a déboutés de leur demande de désignation d'un mandataire ad hoc, et en ce qu'il les a condamnés à payer la somme de 3 000 euros à Mme [L] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

et statuant à nouveau,

- juger qu'en refusant de voter en faveur d'un bail entre la Sci NCAB et M. [O], opération essentielle pour la Sci NCAB, Mme [L] s'est rendue coupable d'un abus d'égalité,

- désigner par conséquent tel mandataire ad hoc qu'il lui plaira dont la mission consistera à :

- voter aux lieu et place de Mme [L] dans le respect de l'intérêt social de la Sci NCAB sur la même résolution que celle soumise à l'assemblée générale extraordinaire du 17 février 2021, en actualisant les dates du projet de bail,

- autant que de besoin, établir un projet de bail et réunir les éléments pour fixer le montant du loyer,

en tout état de cause,

- rejeter les demandes de Mme [L],

- condamner Mme [L] au paiement de la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 14 mars 2025, Mme [M] [L] épouse [O] demande à la cour de :

au titre du jugement rendu le 13 septembre 2021, RG n°21/02890,

- la dire bien fondée et recevable en son appel et en ses demandes, fins et conclusions,

y faisant droit,

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- débouté M. [O] de ses demandes au titre du préjudice financier et du préjudice moral allégués,

- débouté M. [O] de sa demande tendant à ce qu'elle soit révoquée de ses fonctions de co-gérante de la Sci NCAB,

- infirmer le jugement en ce qu'il :

- a déclaré recevable la demandes aux fins de nullité de la convention de prêt à usage datée du 7 décembre 2020 entre elle et la Sci NCAB,

- a déclaré que la convention de prêt à usage datée du 7 décembre 2020 entre elle et la Sci NCAB est nulle et a donc rejeté ses demandes ainsi libellées :

'- Juger la convention de prêt à usage du 7 décembre 2020 entre la SCI NCAB et Madame [W] valide

- Juger mal fondées les demandes de Monsieur [O], la SCI NCAB et la SCP Nicolas Boullez Avocat Associé auprès du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation au titre de la convention de prêt à usage du 7 décembre 2020, à titre principal et subsidiaire et les débouter de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions',

- l'a condamnée à remettre les lieux en l'état en enlevant les cloisons, portes palières et obstacles ayant séparé la partie habitation et la partie professionnelle de l'appartement situé [Adresse 3] à [Localité 12] dans un délai de quinze jours à compter de la signification de sa décision, puis sous astreinte de 300 euros par jour de retard pendant deux mois,

- l'a déboutée de ses demandes ainsi libellées :

'Sur les travaux de cloisonnements

- Juger mal fondées les demandes de Monsieur [O], la SCI NCAB et la SCP Nicolas Boullez Avocat Associé auprès du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation au titre des travaux d'édification des cloisons, verrouillage / condamnation de portes, changement / pose de serrures / verrous, y inclus concernant la cave et le box, et les débouter de l'intégralité de leurs demandes à ce titre',

- l'a condamnée à payer à la Sci NCAB la somme de 800 euros par mois au titre de l'occupation des lieux appartenant à la Sci NCAB, à compter du 28 décembre 2020 jusqu'à libération effective des lieux,

- a désigné la Scp [N], prise en la personne de Mme [U], en qualité d'administrateur provisoire de la Sci NCAB pour une durée de six mois renouvelables avec pour mission de :

- procéder à tous les actes de gestion et d'administration utiles au fonctionnement de la société,

- prendre toutes les mesures nécessaires à la préservation de l'actif de la Sci passant par le respect de l'autorisation de changement d'usage dont bénéficie M. [O] à titre personnel,

- rechercher une solution à la crise sociale et tenter à cette fin de réaliser une conciliation entre les parties concernées,

- a autorisé l'administrateur provisoire à se faire assister de toute personne compétente de son choix,

- a dit qu'en cas d'empêchement, il serait pourvu à son remplacement par ordonnance rendue sur simple requête,

- l'a déboutée de ses demandes reconventionnelles, qui étaient ainsi libellées :

'Sur l'occupation sans droit ni titre de l'appartement, de la cave et du box par la SCP [H] [O] et par Monsieur [O]

- Juger que la SCP Nicolas Boullez Avocat Associé auprès du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation occupe sans droit ni titre la cave (lot n°32 bâtiment 1) et la partie à usage d'habitation de l'appartement,

- Juger que Monsieur [O] occupe, en violation du Commodat, la cave (lot n°32 bâtiment 1) et la partie à usage d'habitation de l'appartement,

- Donner injonction à la SCP Nicolas Boullez Avocat Associé auprès du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation et à Monsieur [O] de retirer tout bien meuble de toute nature leur appartenant, en particulier et de manière non exhaustive les cartons de vêtements et de revues juridiques ainsi que les climatiseurs, actuellement entreposés dans la cave (lot n°32 bâtiment 1) et la partie à usage d'habitation de l'appartement dans un délai de quinze jours à compter de la signification du jugement à intervenir et, passé ce délai, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

- Passé ce délai, faire interdiction à la SCP Nicolas Boullez Avocat Associé auprès du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation et à Monsieur [O] d'entreposer tout bien de toute nature dans la cave (lot n°32 bâtiment 1), le box (lot n°195) et la partie à usage d'habitation de l'appartement sous astreinte de 1.000 euros par manquement constaté',

- l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- l'a condamnée à payer à M. [O], à la Sci NCAB et à la Scp [O] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'a déboutée de sa demande ainsi libellée :

'Condamner solidairement Monsieur [O] et la SCP Nicolas Boullez Avocat Associé auprès du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation à payer à Madame [W] la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance',

- l'a condamnée aux entiers dépens,

- a dit que sa décision était exécutoire de plein droit,

- n'a pas fait droit à sa demande 'd'écarter l'exécution provisoire ; et subsidiairement, d'ordonner la constitution d'une garantie bancaire suffisante auprès d'un établissement notoirement solvable',

et statuant à nouveau,

sur la convention de prêt à usage,

- juger la convention de prêt à usage du 7 décembre 2020 entre elle et la Sci NCAB valide,

en conséquence,

- juger n'y avoir lieu à la condamner au paiement à la Sci NCAB d'une indemnité mensuelle au titre de l'occupation des lieux appartenant à la Sci NCAB, à effet au 28 décembre 2020,

- condamner la Sci NCAB à procéder au remboursement des indemnités mensuelles qu'elle a indûment versées au titre de l'occupation des lieux lui appartenant à compter du 28 décembre 2020, soit la somme à parfaire de 40 800 euros,

en conséquence,

- fixer ses créances correspondant aux indemnités mensuelles indûment versées au titre de l'occupation des lieux appartenant à la Sci NCAB au passif de la liquidation judiciaire de ladite société, à la somme à parfaire de 40 800 euros,

- juger que des cloisons et portes palières d'origine existent dans l'appartement situé [Adresse 4] à [Localité 12] afin de séparer les espaces et notamment la partie habitation et la partie professionnelle ce, depuis leur entrée dans les lieux, et ces cloisons et portes palières conformes en leurs emplacements à l'autorisation de changement d'usage dont bénéficie M. [O] à titre personnel,

sur les travaux de cloisonnements qu'elle a réalisés,

- juger n'y avoir lieu à la condamner à remettre les lieux en l'état en enlevant cloisons, portes palières et obstables ayant prétendûment séparé la partie habitation et la partie professionnelle de l'appartement situé [Adresse 3] à [Localité 12],

- condamner in solidum la Scp [H] [O] et M. [O] à restituer les sommes qu'elle a versées par suite de l'obligation judiciaire consistant à 'remettre les lieux en l'état en enlevant les cloisons, portes palières et obstacles ayant séparé la partie habitation et la partie professionnelle de l'appartement situé [Adresse 3] à Paris 16ème arrondissement' mise à sa charge par jugement du tribunal judiciaire de Paris du 13 septembre 2021, dont appel, avec intérêts de droit à la date des règlements,

sur sa responsabilité,

- juger qu'elle n'a commis aucune faute de gestion en sa qualité de co-gérante de la Sci NCAB,

sur la nomination d'un administrateur provisoire de la Sci NCAB,

- juger n'y avoir lieu à désigner un administrateur provisoire de la Sci NCAB,

- subsidiairement, si par impossible la cour ordonnait la désignation d'un administrateur provisoire :

- ordonnner la désignation d'un administrateur provisoire pour une première période de six mois avec pour mission d'administrer la société à titre purement conservatoire, conformément aux statuts et aux dispositions légales et réglementaires en vigueur, sans empiéter sur les droits et prérogatives des associés prévus par les textes et les statuts, en particulier s'agissant d'actes ou d'opérations nécessitant statutairement leur accord préalable,

- autoriser l'administrateur provisoire à se faire assister de toute personne compétente de son choix,

- dire qu'en cas d'empêchement, il sera pourvu à son remplacement par ordonnance rendue sur simple requête,

- autoriser l'administrateur provisoire à requérir de La Poste le déroutement du courrier et de tous envois postaux adressés au siège social, et à demander qu'ils soient transmis à l'adresse de son étude, pendant la durée de sa mission,

- rechercher une solution à la crise sociale et tenter à cette fin de réaliser une conciliation entre les parties concernées,

- subsidiairement encore, si la cour désignait un administrateur provisoire, lui confier la mission prévue ci-desssus, sans que celle-ci ne puisse empiéter sur les droits des associés prévus par les textes et les statuts, en particulier s'agissant des opérations nécessitant leur autorisation préalable,

en tout état de cause,

sur l'occupation sans droit ni titre de l'appartement, de la cave et du box par la Scp [H] [O] et M. [O],

- juger que la Scp [H] [O] occupe sans droit ni titre la cave (lot n°32 bâtiment 1) et la partie à usage d'habitation de l'appartement situé [Adresse 3] à Paris 16ème,

- juger que M. [O] occupe, en violation du commodat, la cave (lot n°32 bâtiment 1) et la partie à usage d'habitation de l'appartement situé [Adresse 3] à [Localité 11],

en conséquence,

- donner injonction à la Scp [H] [O] et à M. [O] de retirer tout bien meuble de toute nature leur appartenant, en particulier et de manière non exhaustive les cartons de vêtements, d'archives professionnellles et de revues juridiques, actuellement entreposés dans la cave (lot n°32 bâtiment 1) et la partie à usage d'habitation de l'appartement dans un délai de quinze jours à compter de la signification du jugement à intervenir et, passé ce délai, sous astreinte de 500 euros par jour de retard,

- passé ce délai, faire interdiction à la Scp [H] [O] et à M. [H] [O] d'entreposer tout bien de toute nature dans la cave (lot n°32 bâtiment 1), le box (lot n°195) et la partie à usage d'habitation de l'appartement sous astreinte de 1 000 euros par manquement constaté,

sur la procédure abusive,

- juger que M. [O] et la Scp [H] [O] ont engagé la présente procédure de manière abusive,

- les condamner solidairement à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi,

- débouter M. [O], la Scp [H] [O] et la Sci NCAB de leurs demandes plus amples ou contraires aux siennes,

- constater que la Sci NCAB est défaillante et n'est pas représentée par son admnistrateur provisoire et que toute demande faite en son nom est irrecevable,

sur les frais irrépétibles et les dépens,

- condamner in solidum M. [O] et la Scp [H] [O] à lui payer en application de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 8 000 euros au titre de la première instance et la somme de 8 000 euros au titre de l'instance d'appel,

- condamner in solidum M. [O] et la Scp [H] [O] aux entiers dépens de première instance et d'appel,

au titre du jugement rendu le 13 septembre 2021, RG n°21/05043,

- la dire bien fondée et recevable en son appel et en ses demandes, fins et conclusions,

y faisant droit,

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- dit qu'elle n'a pas commis d'abus d'égalité en votant contre le projet de bail entre M. [O] et la Sci NCAB lors de l'assemblée générale du 17 février 2021,

- débouté M. [O], la Sci NCAB et la Scp [H] [O] de leur demande de désignation d'un mandataire ad hoc,

en tout état de cause,

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- condamné M. [O], la Sci NCAB et la Scp [H] [O] aux entiers dépens,

- infirmer le jugement en ce qu'il :

- l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- a limité à 3 000 euros la condamnation prononcée in solidum à l'encontre de M. [O], de la Sci NCAB et de la Scp [H] [O] au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance,

- a dit que sa décision était exécutoire de plein droit,

et statuant à nouveau,

- juger qu'elle n'a pas commis d'abus d'égalite en votant contre le projet de bail entre M. [O] et la Sci NCAB lors de l'assemblée générale du 17 février 2021,

- juger n'y avoir lieu à procéder à la désignation d'un mandataire ad hoc,

- juger que M. [O] et la Scp [H] [O] ont engagé la présente procédure de manière abusive,

- les condamner solidairement à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi,

- débouter M. [O], la Scp [H] [O] et la Sci NCAB de leurs demandes plus amples ou contraires aux siennes,

- constater que la Sci NCAB est défaillante et n'est pas représentée par son administrateur provisoire et que toute demande faite en son nom est irrecevable,

- condamner in solidum M. [O], la Sci NCAB et la Scp [H] [O] à lui payer la somme de 8 000 euros au titre de la première instance outre 8 000 euros au titre de l'instance d'appel en applications des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum M. [O], la Sci NCAB et la Scp [H] [O] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La Sci NCAB, représentée par son liquidateur, la Scp BTSG prise en la personne de M. [R], mandataire judiciaire, n'a pas constituée avocat, et ce nonobstant les diligences suivantes :

- la déclaration d'appel de M. [O] et de la Scp [H] [O] et leurs premières conclusions ont été signifiées à la Sci NCAB le 10 janvier 2022, l'acte ayant été remis à Mme [L], co-gérante de la société, au siège social de cette dernière,

- la déclaration d'appel de M. [O] et de la Scp [H] [O] et leurs premières conclusions ont été signifiées à la société [N] en qualité d'admnistrateur provisoire de la Sci NCAB, le 13 janvier 2022, l'acte ayant été remis à personne habilitée,

- les secondes conclusions de M. [O] et de la Scp [H] [O] ont été signifiées à la société [N] et au siège social de cette dernière le 26 avril 2022 et le 17 mai 2022, l'acte ayant été chaque fois remis à personne habilitée,

- l'assignation devant la cour avec notification de conclusions de Mme [L] a été signifiée à la Scp [N] en qualité d'administrateur provisoire de la Sci NCAB le 31 janvier 2022 puis le 11 janvier 2022, en raison de la production de nouvelles conclusions, au siège social de cette dernière, l'acte ayant chaque fois été remis à Mme [I] [P], hôtesse d'accueil ainsi déclarée rencontrée dans les lieux,

- une assignation en intervention forcée a été délivrée le 20 juin 2024 à la requête de Mme [L] à la Scp BTSG, au siège social de cette dernière, l'acte ayant été remis à Mme [C] [F], employée ainsi déclarée rencontrée dans les lieux,

- les conclusions de Mme [L] en date du 14 mars 2025 ont été signifiées le 17 mars 2025 à la société BTSG, en sa qualité de liquidateur de la Sci NCAB, en son siège social, l'acte ayant été remis à Mme [K] [Y], employée ainsi déclarée rencontrée dans les lieux.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 18 mars 2025.

SUR CE,

Sur le prêt à usage :

- Sur la recevabilité de la demande de nullité du prêt à usage :

Le tribunal a jugé recevable la demande de nullité du commodat formée par M. [O] à défaut de prétentions et moyens nouveaux en ce que les demandes résultant de la requête et de l'assignation à jour fixe sont identiques aux dernières conclusions des demandeurs et que le moyen tiré de l'article 1849 du code civil est développé par M. [O] en réponse aux moyens de Mme [L] soutenant l'applicabilité de cet article aux demandes de nullité et d'opposabilité formées par M. [O] sur le fondement des articles 1156 et 1157 du code civil, qu'en outre ce moyen figurait déjà dans sa requête aux fins d'assigner à jour fixe.

Mme [L] sollicite l'infirmation du jugement sur ce point dans le dispositif de ses écritures, sans toutefois développer de moyens au soutien de ses prétentions.

M. [O] et la Scp [H] [O] ne formulent aucune observation à ce titre.

A défaut de moyen de nature à remettre en cause la pertinence de la décision, celle-ci doit être confirmée sur ce point.

- Sur le bien fondé de la demande de nullité du prêt à usage et l'opposabilité de celui-ci :

Le tribunal a jugé que le prêt à usage que Mme [L] s'est consenti à elle-même est nul, en ce que :

- il ressort des statuts de la Sci NCAB, en particulier de ses articles 2 et 16.2, que le prêt à usage n'est pas autorisé,

- si les associés avaient convenu d'une occupation à titre gratuit du bien, non prévue par les statuts, et décidé unanimement de dépasser l'objet social, cette commune intention des parties, dans un contexte de vie familiale commune, n'autorise pas l'un des associés, dès lors que cette vie commune a pris fin, à consentir seul un nouveau prêt à usage en violation de l'objet social de la société,

- aux termes de l'article 16.2 des statuts de la Sci NCAB, relatif aux pouvoirs des gérants, ces derniers ne peuvent sans l'autorisation préalable de l'assemblée générale accomplir d'actes dépassant l'objet social de la société, en sorte qu'en concluant seule un contrat de prêt à usage, Mme [L], qui ne peut se prévaloir de la qualité de tiers au sens de l'article 1849 alinéa 3 du code civil, a outrepassé ses pouvoirs de gérante associée.

Mme [L] soutient que :

- le prêt à usage conclu le 7 décembre 2020 est valable, en ce que :

- le commodat, qui est essentiellement gratuit, ne peut être assimilé à un contrat de location et est conforme à l'objet social de la Sci constituée pour mettre les biens immobiliers gratuitement à la disposition de la famille,

- le commodat qui existait oralement depuis la constitution de la Sci NCAB, à son profit, celui de son mari et de leurs enfants, même en l'absence d'autorisation par l'asemblée générale de la Sci, a été formalisé par écrit et complété au profit d'elle-même et de ses enfants consécutivement à la décision du juge aux affaires familiales fixant leur résidence dans le bien immobilier,

- l'article 2 des statuts de la Sci, de par la généralité de la formule 'gestion de tous biens immobiliers', et en ce qu'il vise 'la mise en location', autorise le gérant à consentir toute forme d'occupation des biens concernés, y compris à titre gratuit, aucune disposition des statuts n'interdisant au gérant de contracter un prêt à usage, et n'exclut donc pas la possibilité pour le gérant d'engager la Sci dans une convention de prêt à usage à titre gratuit au profit de l'un des associés,

- la conclusion d'un contrat de prêt à usage est un acte d'administration et sa régularisation par l'un des gérants de la Sci est conforme à l'objet social,

- un prêt à usage n'étant pas assimilable à un bail d'habitation, sa conclusion ne nécessitait pas l'accord de l'assemblée générale des associés, l'article 16.2 des statuts de la Sci ne visant que le contrat de bail portant sur les biens immobiliers et non pas les conventions de prêt à usage,

- à supposer même que ce prêt à usage soit assimilé à un bail, il ne pourrait être frappé de nullité ou être inopposable à la Sci NCAB, puisque les clauses limitatives de pouvoirs sont inopposables aux tiers en application de l'article 1849 alinéa 3 du code civil, même si ces tiers en ont connaissance, cet article s'appliquant également aux conventions conclues entre la société et un de ses gérants,

- elle n'a reçu aucune opposition de M. [O] lui interdisant de signer ce commodat avant sa signature conformément aux statuts et à l'article 1848 du code civil,

- la tardivité de l'autorisation de changement d'usage de l'appartement, aux fins d'usage mixte, délivrée le 23 février 2018, ne saurait fonder une opposition implicite qui aurait prétendument dû être prise en compte alors que cette autorisation administrative n'était pas nécessaire en application de l'article L.631-7-3 du code de la construction et de l'habitation et a toujours été respectée, qu'elle est à l'initiative de cette demande d'autorisation et que M. [O] est libre d'en solliciter une nouvelle pour l'adapter à la surface également habitable qu'occupe la Scp ou solliciter un changement d'usage de la partie professionnelle sans être contraint d'avoir sa résidence principale dans les lieux, l'appartement étant bien occupé de part et d'autre par chacun des époux, l'article 1er de la loi ALUR du 24 mars 2014 précisant que la condition tenant à la résidence principale est remplie si le conjoint a sa résidence principale dans les locaux concernés par le changement d'usage, ce qui est le cas en l'espèce,

- le commodat est opposable à la Sci NCAB, en ce que :

- la Sci est étrangère à l'autorisation de changement d'usage dont M. [O] bénéficie,

- contrairement à ce qu'affirme M. [O], le commodat n'a pas été conclu au détriment de la Sci NCAB puisqu'il ne l'appauvrit pas, le fait qu'il soit conclu sans contrepartie financière alors que la société doit rembourser son emprunt étant inopérant dans la mesure où les biens n'étaient pas davantage loués avant la signature du commodat qu'ils ne le sont depuis lors.

M. [O] et la Scp [H] [O] concluent à la confirmation du jugement sur ce point, en faisant valoir :

- à titre principal, la nullité du commodat sur le fondement des articles 1849 et 1844-10 du code civil en ce que la signature d'un tel acte n'est pas autorisée par les statuts, dépasse l'objet social de la Sci, l'occupation précédente du bien à titre gratuit procédant d'un accord unanime des associés, et n'a pas été autorisée par l'assemblée des associés conformément à l'article 16.2 des statuts, Mme [L] n'ayant pas sollicité l'accord de M. [O] en sa qualité d'associé et ne pouvant faire valoir que l'acte a été conclu au profit d'un tiers au sens de l'article 1848 alinéa 3 du code civil,

- à titre subsidiaire, à considérer que le commodat entre dans l'objet social de la société, la nullité de cet acte conformément à l'article 1849 alinéa 2 en raison du non respect de l'opposition évidente du co-gérant, qu'il a par ailleurs exprimée lors de la procédure devant le juge aux affaires familiales, ainsi que la violation de l'article 16.2 des statuts exigeant l'autorisation de l'assemblée des associés pour conclure un bail portant sur les biens immobiliers de la société,

- à titre plus subsidiaire, l'inopposabilité à la Sci [O] et à M. [O] du prêt à usage en application des articles 1848 et 1849 alinéa 2 du code civil, en ce que l'acte est contraire à l'intérêt social, étant contraire aux statuts, conclu sans contrepartie financière et mettant en péril l'actif social puisqu'il remet en cause l'autorisation administrative de changement d'usage et donc l'occupation à titre professionnel, et qu'il a été conclu dans le seul intérêt personnel de Mme [O], laquelle doit être nécessairement considérée comme un tiers ayant eu connaissance de l'opposition.

L'article 1844-10 du code civil prévoit notamment que la nullité des actes ou délibérations des organes de la société ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative du présent titre, à l'exception du dernier alinéa de l'article 1833, ou de l'une des causes de nullité du contrat en général.

Selon l'article 1848 du code civil, 'Dans les rapports entre associés, le gérant peut accomplir tous les actes de gestion que demande l'intérêt de la société.

S'il y a plusieurs gérants, ils exercent séparément ces pouvoirs, sauf le droit qui appartient à chacun de s'opposer à une opération avant qu'elle ne soit conclue.

Le tout, à défaut de dispositions particulières des statuts sur le mode d'administration'.

L'article 1849 du code civil énonce que 'Dans les rapports avec les tiers, le gérant engage la société par les actes entrant dans l'objet social.

En cas de pluralité de gérants, ceux-ci détiennent séparément les pouvoirs prévus à l'alinéa précédent. L'opposition formée par un gérant aux actes d'un autre gérant est sans effet à l'égard des tiers, à moins qu'il ne soit établi qu'ils en ont eu connaissance.

Les clauses statutaires limitant les pouvoirs des gérants sont inopposables aux tiers'.

L'article 2 des statuts stipule que la Sci NCAB a pour objet :

- l'acquisition, la propriété, la jouissance, l'administration, la gestion de tous les biens immobiliers bâtis ou non bâtis, dont la société pourrait devenir propriétaire, locataire ou usufruitière par bail, échange, apport ou donation ou sous quelque forme que ce soit,

- l'obtention de tous emprunts nécessaires à la réalisation de ces objets et la constitution de toutes garanties et sûretés y afférantes (...),

- la construction, la rénovation, la réhabilitation et la mise en location de tous biens immobiliers bâtis ou non bâtis, dont la société pourrait devenir propriétaire, locataire ou usufruitière par bail, échange, apport ou donation ou sous quelque autre forme que ce soit,

- éventuellement, l'aliénation du ou des immeubles devenus inutiles à la société,

- la prise de tous intérêts et de toutes participations dans toutes sociétés,

- et plus généralement, toutes opérations financières, mobilières et immobilières de caractère purement civil se rattachant directement ou indirectement à l'objet sus-indiqué, ou à tous objets connexes, sous réserve que ces opérations ne modifient pas le caractère civil de la société.

S'il n'est pas discuté que la Sci a été constituée pour mettre les biens immobiliers gratuitement à la disposition de la famille, l'article 2 des statuts qui prévoit en son alinéa 1 l'administration et la gestion de tous les biens immobiliers bâtis ou non bâtis, limite leur exploitation à la 'mise en location de tous biens immobiliers bâtis ou non bâtis, dont la société pourrait devenir propriétaire, locataire ou usufruitière par bail, échange, apport ou donation ou sous quelque autre forme que ce soit' à l'exclusion de toute autre mode d'occupation des biens, alors que le contrat de prêt à usage gratuit a une nature et un régime juridique distincts du contrat de location immobilière.

Le commodat n'entre donc pas dans l'objet social de la Sci.

Bien qu'un commodat verbal ait existé dès la constitution de la société et sans décision d'assemblée générale extraordinaire modifiant directement ou indirectement les statuts conformément à l'article 18 de ceux-ci, en permettant la jouissance à titre gratuit, par les époux et leur famille, du bien immobilier de la Sci, cette dérogation aux statuts résultait du consentement unanime des associés à parts égales partageant alors la vie commune et familiale.

Le commodat du 7 décembre 2020 conclu par Mme [L], en sa qualité de co-gérante de la Sci, au bénéfice d'elle-même à titre personnel, lui conférant l'usage à titre gratuit de l'appartement, la cave et le box, n'est pas la régularisation du commodat verbal au bénéfice des époux et a été conclu dans le contexte de leur séparation, sans l'accord exprès de M. [O], ni décision de l'assemblée générale.

Mme [L] fait vainement valoir que la conclusion de ce prêt à usage gratuit à son bénéfice est un acte d'administration qu'elle pouvait effectuer seule en sa qualité de gérante, alors qu'il est contraire à l'objet social de la Sci et que l'article 16.2 des statuts prévoit que 'le gérant jouit des pouvoirs les plus étendus pour agir au nom de la société et faire ou autoriser tous les actes et opérations entrant dans l'objet social', tout en excluant la faculté pour le gérant de procéder aux modifications des statuts.

La conclusion du commodat au seul bénéfice d'un associé, non conforme aux statuts, ne constitue pas un acte de gestion que commande l'intérêt de la société au sens de l'article 1848 du code civil. Il ne saurait être fait grief à M. [O] de ne pas s'être opposé à ce commodat avant sa conclusion, alors qu'il en a découvert l'existence à l'occasion de sa production en justice par Mme [L] au soutien de sa demande d'ordonnance de protection introduite par acte du 8 décembre 2020.

Cet acte n'entrant pas dans l'objet social, Mme [L], qui n'a pas la qualité de tiers par rapport à la société, n'est pas davantage fondée à se prévaloir des dispositions de l'article 1849 du code civil énonçant que 'Dans les rapports avec les tiers, le gérant engage la société par les actes entrant dans l'objet social'.

Cet acte est donc nul, ainsi que l'a pertinemment retenu le tribunal.

Le jugement est donc confirmé de ce chef.

Sur la demande de remise en état des lieux au titre de la réalisation de travaux de cloisonnement du bien immobilier :

Le tribunal a jugé que :

- en effectuant de sa propre autorité des travaux de fermeture entre les parties habitation et professionnelle de l'appartement, Mme [L] a expulsé de fait M. [O] de la partie privative de l'appartement qu'il occupait jusqu'alors en vertu d'une convention implicite que le juge aux affaires familiales n'a pas remise en cause,

- ainsi, en l'absence d'une décision judiciaire autorisant l'expulsion du demandeur, Mme [L] a commis une voie de fait et doit être condamnée à remettre les lieux en l'état.

Mme [L] soutient que :

- les travaux qu'elle a réalisés étaient licites, en ce que :

- ils consistent, dans un contexte d'extrême tension entre les époux, en l'installation le 28 décembre 2020 d'une cloison en placoplâtre comportant une isolation phonique devant une double porte palière séparant les parties privatives et professionnelles de l'appartement, afin de faire respecter la limitation d'occupation professionnelle fixée par l'acte de vente dudit bien et l'autorisation d'exercice professionnel accordée à la Scp [H] [O], et d'insonoriser les lieux pour préserver le bien-être des enfants communs âgés à l'époque de cinq mois et quatre ans et demi du fait notamment de nuisances sonores liées à l'activité professionnelle de M. [O],

- en application du commodat, elle était autorisée par la Sci NCAB à réaliser les travaux d'aménagements nécessaires à la jouissance du bien prêté, à savoir la partie à usage d'habitation de l'appartement,

- elle n'a pas modifié les lieux ni leur destination, dès lors que les doubles portes palières séparant le logement familial du cabinet d'avocat de M. [O] étaient déjà en place et que l'accès entre la partie professionnelle et la partie habitation était déjà fermé,

- elle n'a aucunement procédé à l'expulsion de fait de son époux, lequel a quitté de son propre chef le domicile familial en octobre 2020 afin de s'installer dans la partie professionnelle de l'appartement, puis a pris à bail un nouvel appartement ainsi qu'elle en justifie,

- M. [O] ayant commis des dégradations avec l'aide d'un artisan sur les portes derrière lesquelles elle avait fait apposer les cloisons en placoplâtre précitées, il ne serait pas équitable que les réparations à intervenir sur ces portes soient mises à sa charge,

- elle a depuis le jugement rendu le 13 septembre 2021 fait procéder à la dépose des panneaux en placoplâtre et en justifie.

M. [O] et la Scp [H] [O] répliquent que la réalisation de travaux de cloisonnement dans l'appartement, modifiant la consistance du lot unique, sans l'accord de la Sci et de la Scp, ni autorisation de la copropriété, est illicite, et font leurs les motifs des premiers juges, en soulignant que la voie de fait a également été retenue par arrêt de la cour du 16 février 2021 et la dangerosité du cloisonnement de l'appartement pour ses occupants personnels et professionnels ainsi que l'impossibilité pour M. [O] d'accéder aux différents compteurs et à la box internet.

L'obstruction et les travaux de cloisonnement des doubles portes palières existant et séparant les parties à usage d'habitation et à usage professionnel du bien immobilier, constitutif d'un seul lot de copropriété, ont été réalisés à la seule initiative de Mme [L], sans l'accord de M. [O], associé et co-gérant de la Sci, laquelle a acquis la pleine propriété de la partie à usage d'habitation selon acte notarié du 26 novembre 2018.

Ces travaux ne sauraient être justifiés par la conclusion d'un commodat au seul bénéfice de Mme [L], qui est nul.

Ce faisant, ils portent atteinte au droit de propriété de M. [O], en sa qualité d'associé de la Sci et au droit d'usage de la partie privative du lot, non remis en cause dans l'ordonnance de non-conciliation du juge aux affaires familiales ayant considéré qu'il n'avait pas à statuer sur l'attribution du domicile familial dont la jouissance relevait du droit des sociétés. Il importe peu qu'au moment de la réalisation des travaux litigieux, M. [O] aurait depuis le 27 octobre 2020 quitté la partie à usage d'habitation pour s'installer dans la partie à usage professionnel et qu'il réside désormais dans un appartement à usage d'habitation qu'il a pris à bail.

Cette atteinte n'est justifiée ni par les vives tensions existant entre les époux au titre desquelles Mme [L] invoque une préalable tentative d'expulsion de sa personne et de leurs enfants du logement par M. [O] sans former de demande à ce titre, ni par la nécessité de faire respecter les limitations à usage professionnel et personnel pour le bien-être de tous, alors que chacune de ces parties étaient indépendantes avec entrées distinctes et séparées par deux portes à double battant, l'une séparant la galerie d'entrée du cabinet de M. [O] du couloir de l'habitation, l'autre située entre la salle de réunion du cabinet et la cuisine du logement familial.

La voie de fait a donc été pertinnement retenue par le tribunal.

En revanche, celui-ci a ordonné la remise en état des lieux en enlevant les cloisons, portes palières et obstacles séparant la partie habitation et la partie professionnelle, alors que les portes palières existaient déjà, les travaux litigieux consistant en leur cloisonnement et leur obstruction.

Mme [L] justifie, selon constat de commissaire de justice du 3 décembre 2024, de la dépose des cloisons ainsi que du retrait de tout obstacle à la circulation entre les parties privative et professionnelle du bien qui sont de nouveau délimitées par les seules portes palières.

Il convient donc d'infirmer la décision de ce chef, en limitant la remise en l'état à l'enlèvement des cloisons et obstacles, hormis les portes palières existantes, séparant la partie habitation et la partie professionnelle.

Il n'y a pas lieu d'ordonner le remboursement des frais engagés par Mme [L] au titre de la remise en état des lieux intervenue depuis le jugement et rendue nécessaire par la voie de fait dont elle est responsable.

Sur la responsabilité de Mme [L] en sa qualité de co-gérante de la Sci NCAB :

- Sur la recevabilité des demandes formées pour la Sci NCAB :

Mme [L] soulève l'irrecevabilité des demandes formées par M. [O] et la Scp [H] [O] pour la Sci NCAB, placée en liquidation judiciaire et non représentée à l'instance.

M. [H] [O] et la Scp [H] [O] ne répliquent pas sur cette fin de non-recevoir.

Selon l'article 122 du code de procédure civile, 'Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut du droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée'.

M. [H] [O] et la Scp [H] [O], qui sollicitent la condamnation de Mme [L] à réparer le préjudice financier de la Sci NCAB à hauteur de 4 000 euros par mois à compter du 28 décembre 2020 jusqu'à la remise en état du bien immobilier sur le fondement de l'article 1850 du code civil, n'ont pas qualité à agir en réparation du préjudice causé à la Sci placée en liquidation judiciaire, représentée par son liquidateur, la Scp BTSG prise en la personne de M. [R], mandataire judiciaire, laquelle n'a pas constitué avocat.

Cette demande indemnitaire est donc irrecevable.

- Sur le bien fondé de l'action :

Sur la faute :

Le tribunal a jugé que :

- Mme [L] n'établit pas le contexte de violence dont elle fait état pour justifier de la conclusion du commodat, le juge aux affaires familiales lui ayant refusé le bénéfice d'une ordonnance de protection, décision confirmée en appel,

- en concluant un prêt à usage en dehors de l'objet social et à son unique profit, Mme [L] a en sa qualité de co-gérante commis une faute de gestion.

Mme [L] fait valoir que l'engagement de la responsabilité du gérant, en particulier à l'égard des tiers, est subordonné à l'existence d'une faute séparable de ses fonctions de gérant, dont la preuve n'est pas rapportée par la conclusion régulière du commodat, n'ayant commis aucun abus ou détournement de pouvoir en sa qualité de gérante et, à supposer le contraire, ayant agi en toute bonne foi, en situation d'urgence et de faiblesse alors qu'elle était en charge d'un d'enfant en bas âge et d'un bébé de cinq mois hospitalisé.

M. [O] et la Scp [H] [O] répliquent qu'en concluant le commodat et en réalisant les travaux de cloisonnement, Mme [L] a agi en violation tant de l'objet social que des clauses statutaires de la société et de l'intérêt social, et engage dès lors sa responsabilité en qualité de gérante de la Sci NCAB sur le fondement de l'article 1850 du code civil.

Selon l'article 1850 du code civil, 'Chaque gérant est responsable individuellement envers la société et envers les tiers, soit des infractions aux lois et règlements, soit de la violation des statuts, soit des fautes commises dans sa gestion (...)'.

La conclusion par Mme [L] d'un commodat en sa qualité de gérante de la Sci, à son seul bénéfice à titre personnel dans le contexte d'une procédure de divorce, alors que cet acte n'entre pas dans l'objet social et n'a pas été autorisé par l'assemblée des associés ni consenti par son époux co-associé, de même que la réalisation de travaux de cloisonnement de portes palières limitant l'accès aux différentes pièces de l'appartement dont est propriétaire la Sci, aux fins de s'assurer de la jouissance paisible des lieux objet du commodat, constituent une faute séparable de ses fonctions de gérante lui étant imputable personnellement, peu important les circonstances personnelles alléguées l'ayant conduit à agir de la sorte.

Sur le lien de causalité et le préjudice subi par M. [O] et la Scp [H] [O] :

Le tribunal a jugé que :

- si la conclusion du prêt à usage a privé M. [O] de l'accès à la partie privative de l'appartement, compte tenu du contexte très conflictuel de la séparation, il aurait nécessairement été contraint soit de quitter le domicile et de louer un appartement, soit de louer la partie privative de l'appartement, donc de payer un loyer, de sorte qu'il ne justifie pas d'un préjudice personnel,

- M. [O] ne démontre pas le préjudice moral allégué.

M. [O] et la Scp [H] [O] invoquent :

- un préjudice matériel de M. [O] consistant au coût de la location meublée qu'il a dû assumer en sus du remboursement du prêt immobilier de la Sci ainsi qu'un préjudice moral du fait d'avoir été expulsé de la partie à usage d'habitation et contraint de dormir temporairement dans une pièce de la partie à usage professionnel de l'appartement, puis de devoir louer des logements meublés provisoires,

- un préjudice de la Scp [H] [O] au titre de la privation de jouissance des lieux puisque l'autorisation par laquelle elle a acquis moyennant un prêt l'usufruit temporaire est en péril, que trois secrétaires ne peuvent plus se rendre dans la cuisine située de l'autre côté de la cloison et qu'elle n'a plus accès à la cave pour consulter et stocker ses dossiers.

Mme [L] réplique que :

- M. [O] ne démontre aucun préjudice personnel et distinct de celui prétendu de la Sci non représentée à la procédure et seule propriétaire de la partie à usage d'habitation, la cave et le box objet du commodat,

- M. [O] ne subit aucun préjudice financier au titre de la signature du commodat, qui serait constitué par la prise en charge d'un loyer et de frais d'équipements en literie, ni aucun préjudice moral du fait d'avoir été expulsé de la partie privative de l'appartement puisque celle-ci a toujours constitué le domicile familial qu'il a quitté de son propre chef pour s'installer dans la partie à usage professionnel qu'il peut occuper à titre gratuit s'il le souhaite,

- la Scp [H] [O] ne forme aucune demande indemnitaire propre et n'a subi aucun préjudice au titre du commodat dont l'objet est la pleine propriété de la Sci et alors que l'autorisation d'exercer accordée à M. [O] n'est pas en péril.

M. [O] qui fait valoir un défaut de jouissance de la partie privative de l'appartement en raison de la conclusion du commodat, ne justifie ni d'un préjudice personnel et distinct de celui de la Sci propriétaire de l'appartement, de la cave et du box objet de ce contrat nul, ni d'un lien de causalité entre la faute de Mme [L] et les préjudices financier et moral allégués, alors qu'il est établi par les pièces de la procédure, notamment le constat du 11 avril 2021, qu'il a quitté le domicile familial et s'est installé dans la partie professionnelle de l'appartement dès le 27 octobre 2020, soit avant la conclusion du commodat et la réalisation des travaux de cloisonnement.

Outre que la Scp [H] [O] ne forme aucune demande distincte de celle de M. [O], aucun préjudice financier n'est caractérisé alors qu'elle n'a aucun droit de propriété ni d'usage sur la partie à usage d'habitation de l'appartement, la cave et le box, et qu'il n'est ni allégué ni démontré une atteinte à l'usage de la partie professionnelle dont elle a acquis l'usufruit temporaire.

Sur l'injonction à M. [O] et à la Scp [H] [O] de retirer tout bien meuble de la cave, du box et de la partie à usage d'habitation de l'appartement :

Le tribunal a débouté Mme [L] de ses demandes à ce titre, en ce que la convention de prêt à usage est nulle.

Mme [L] soutient que la Scp [H] [O] entrepose des cartons dans la cave, le box et la partie privative de l'appartement sans droit ni titre car sans autorisation de la Sci et en violation du droit de propriété de celle-ci, mais également au mépris de son propre droit de jouissance en vertu du commodat conclu avec la Sci.

M. [O] et la Scp [H] [O] font leurs les motifs des premiers juges.

Mme [L] qui ne peut agir qu'à titre personnel n'est pas fondée à se prévaloir de l'atteinte aux droits conférés par le commodat qui est nul.

Le jugement est donc confirmé de ce chef.

Sur la désignation d'un administrateur provisoire :

Le tribunal a jugé qu'il était dans l'intérêt de la Sci NCAB de désigner un administrateur provisoire compte tenu du contexte conflictuel entre les époux, co-gérants et associés à 50%, aucune décision ne pouvant être prise et aucune majorité n'étant susceptible de se dégager, plus particulièrement sur le sort de l'occupation de la partie privative de l'appartement dont la Sci est propriétaire, de sorte qu'un fonctionnement régulier de la société devient impossible.

Mme [L] considère cette désignation injustifiée, en ce qu'il n'est démontré ni l'impossibilité d'un fonctionnement normal de la société, ni l'existence d'un péril imminent, M. [O] ne pouvant prétendre conditionner la survie de la Sci au fait d'avoir la pleine et exclusive jouissance du bien immobilier, et la Sci faisant l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire avec désignation d'un liquidateur judiciaire.

M. [O] et la Scp [H] [O] font valoir le bien fondé de la décision de ce chef en ce que :

- la conclusion du commodat et la réalisation de travaux de cloisonnement par Mme [L], dans son seul intérêt et au détriment de l'intérêt de son associé, rendent impossible le fonctionnement normal de la société,

- cette situation est constitutive d'un péril imminent, puisqu'elle génère des risques pour la sécurité, n'étant conforme ni aux déclarations d'assurances ni aux règles de copropriété, et qu'elle ne permet pas le respect des conditions de l'autorisation personnelle de changement d'usage des lieux consentie à M. [O] pour l'exercice de sa profession.

Le tribunal a pertinemment désigné un administrateur provisoire de la société NCAB compte tenu de la situation de blocage de celle-ci en l'état du conflit exacerbé entre les associés à parts égales et co-gérants, rendant impossible tant la gestion de la société que toute prise de décision des associés.

La désignation d'un administrateur provisoire de la société NCAB n'est pas devenue sans objet depuis le jugement du 2 mars 2023 ayant ordonné l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de ladite société et désigné un liquidateur judiciaire dès lors que Mme [L] a formé un pourvoi contre l'arrêt confirmatif du 6 juillet 2023, laquelle affaire est pendante devant la Cour de cassation.

La mission de l'administrateur provisoire a été pertinemment définie par les premiers juges, sans qu'il y ait lieu d'y apporter de modifications en précisant surabondamment le nécessaire respect des statuts de la société, des lois et règlements en vigueur qui s'impose en toutes circonstances.

Sur l'abus d'égalité :

Le tribunal n'a retenu aucun abus d'égalité commis par Mme [L] lors de l'assemblée générale du 17 février 2021, en votant contre le projet de bail entre M. [O] et la Sci portant sur la partie habitation de l'appartement, la box et la cave, en ce que :

- en application de l'article L.631-7-2 du code de la construction et de l'habitation, une autorisation de changement d'usage d'une partie du local d'habitation pour l'exercice de sa profession d'avocat a été consentie à M. [O] à la condition qu'il exerce dans sa résidence principale, laquelle est définie par l'article 1er de la loi ALUR du 24 mars 2014 comme'le logement occupé au moins huit mois par an, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure, soit par le preneur ou son conjoint, soit par une personne à charge au sens du code de la construction et de l'habitation',

- ainsi, au cas même où M. [O] ne résidait plus dans l'appartement, l'occupation de la partie privative par Mme [L] et leurs enfants ne remet pas en cause l'autorisation de changement d'usage qu'il a obtenue le 29 mars 2018 et l'exercice par la Scp [H] [O] de son activité d'avocat,

- en tout état de cause, la Scp [H] [O] conserve l'usufruit de la partie professsionnelle de l'appartement, lequel n'est pas remis en cause, et donc l'intérêt d'un financement en commun de l'appartement avec la Sci NCAB persiste,

- M. [O] et la Scp [H] [O] ne démontrent pas que la conclusion d'un bail entre M. [O] et la Sci NCAB serait plus essentielle pour celle-ci qu'un bail conclu entre elle et Mme [L],

- le refus opposé par Mme [L] n'apparaît pas contraire à l'intérêt général de la Sci NCAB puisqu'il n'est pas démontré qu'il interdirait la réalisation d'une opération essentielle pour la Sci NCAB.

M. [O] et la Scp [H] [O] soutiennent que :

- l'opposition de Mme [L] au vote de la résolution est contraire à l'intérêt de la Sci en ce qu'elle interdit la réalisation d'une opération essentielle pour elle, puisque :

- le fait que M. [O] habite l'appartement est une condition de l'autorisation de changement d'usage,

- la conclusion d'un bail au profit de M. [O] est nécessaire en l'état de la séparation des époux associés de la Sci et d'une ordonnance de non conciliation les autorisant à résider séparément, pour que soit respectée et maintenue l'autorisation de changement d'usage,

- les premiers juges retiennent à tort une définition de la résidence principale énoncée par la loi du 6 juillet 1989 sur les baux d'habitation, et modifiée par la loi ALUR, en ce que ni l'article L.631-7-2 du code de la construction et de l'habitation ni le Règlement municipal de la ville de [Localité 10], qui fondent l'autorisation de changement d'usage, ne font référence à cette définition, et que l'autorisation obtenue par M. [O] mentionne que la décision de changement d'usage est rendue en considération de ce que 'l'installation sollicitée est envisagée dans une partie du local d'habitation utilisée par le pétitionnaire comme sa résidence principale',

- les conditions du projet de bail sont conformes à l'intérêt social de la Sci NCAB, en ce que le loyer a été fixé en faisant application du loyer de référence majoré,

- l'attitude de Mme [L] tend à favoriser exclusivement ses propres intérêts au détriment de ceux de la Sci NCAB et de M. [O] puisqu'elle entend occuper seule et à titre gratuit la partie à usage d'habitation de l'appartement.

Mme [L] réplique que :

- son vote rejetant la proposition de M. [O] lors de l'assemblée générale du 17 février 2021 n'était pas contraire à l'intérêt social et n'a pas empêché la société d'effectuer une opération essentielle pour elle, en ce que :

- le commodat conclu entre elle et la Sci NCAB, qui est valide, fait obstacle à ce qu'elle puisse voter une telle résolution,

- la Sci NCAB n'avait pas un intérêt essentiel à la conclusion du contrat de bail proposé par M. [O], ayant été constituée dans l'unique but d'acquérir et de mettre gratuitement à disposition de la famille le bien immobilier et aucune nécessité financière justifiant la conclusion de ce bail, l'ordonnance de non-conciliation du 25 novembre 2020 mettant à la charge de M. [O] le remboursement de l'emprunt de la Sci et le prix proposé par M. [O] se situant en-dessous des prix du marché,

- l'absence de bail n'empêche pas le maintien du respect de la convention de jouissance mixte, M. [O] ne justifiant pas que l'autorisation d'exercer soit subordonnée à la condition que la moitié des locaux concernés constitue sa résidence principale et cet élément étant sans aucune incidence sur la Sci,

- son vote est conforme à la préservation des intérêts de la Sci NCAB, en ce que :

- tant que n'est pas rendu le jugement de divorce fixant la garde des enfants et l'attribution du logement familial et plus globalement statuant sur les intérêts des époux, il n'est pas envisageable de signer un contrat de bail engageant la Sci sur une période aussi longue et qui aurait pour effet de l'expulser elle et les enfants du logement familial,

- conclure le bail proposé par M. [O], d'autant plus à des conditions financières dégradées, aurait notamment eu pour conséquence de grever le bien d'une charge rendant sa liquidité beaucoup moins aisée.

L'abus d'égalité est le fait pour un associé à parts égales d'empêcher, par son vote négatif, une opération essentielle pour la société, dans l'unique dessein de favoriser ses propres intérêts au détriment de l'autre associé.

La conclusion d'un bail de cinq ans au bénéfice de M. [O], dans la partie d'habitation du lot n°4, cave et box à effet au 1er mai 2021 et moyennant un loyer de 4 865,48 euros, n'était pas une opération essentielle pour la Sci, qui n'avait pas de nécessité financière particulière, dès lors que celle-ci n'a depuis sa constitution perçu aucun loyer au titre de la jouissance de la partie du lot à usage d'habitation, de la cave et du box à usage annexe d'habitation et que le remboursement de l'emprunt immobilier de la Sci était mis à la charge de M. [O] selon décision du juge aux affaires familiales du 25 novembre 2020.

La prétendue remise en cause de l'autorisation accordée à M. [O] est sans incidence sur la Sci et n'est pas de nature à conditionner sa survie, alors qu'elle est nu-propriétaire de la partie à usage professionnel du bien, sur laquelle la Scp dispose de l'usufruit temporaire.

Elle n'est de surcroît pas justifiée compte tenu de ce que la notion de résidence principale est définie par l'article 1 de la loi dite ALUR du 24 mars 2014 à laquelle se sont pertinemment référé les premiers juges. En outre, ainsi que le fait valoir Mme [L], M. [O] disposait de la faculté de former une demande de changement d'usage à titre personnel d'un local d'habitation conformément à l'article 4 du Règlement municipal de la ville de [Localité 10], afin de pouvoir exercer sa profession sous forme de société civile professionnelle dans la partie à usage professionnel et ce, sans obligation de résider sur place. Il continue d'ailleurs à exercer dans ces locaux bien qu'il ne réside plus dans la partie à usage d'habitation.

Le refus de voter en faveur de cette résolution n'est donc pas constitutif d'un abus d'égalité, en confirmation du jugement.

Sur la désignation d'un mandataire ad hoc :

Aucun abus d'égalité n'étant caractérisé, le tribunal a pertinemment débouté M. [O] et la Scp [H] [O] de leur demande de désignation d'un mandataire ad hoc de la société.

Sur les demandes de dommages et intérêts pour procédures abusives :

Le tribunal a dans chacune de ses décisions débouté Mme [L] de sa demande indemnitaire à défaut de justifier d'un abus de procédure.

Mme [L] fait valoir l'intention de nuire manifeste de M. [O] qui a multiplié les actes de procédure à son encontre,

- en engageant, le 4 février 2021, une première procédure à jour fixe alors qu'un accord aurait pû être trouvé entre eux dans le cadre des opérations de liquidation en cours avec le concours du notaire désigné par le juge conciliateur ou dans le cadre d'une médiation,

- en parallèle et alors que le commodat était en cours, en convoquant une assemblée générale des associés de la Sci NCAB pour voter une résolution autorisant la société à signer un bail à son bénéfice exclusif, les enfants et elle n'ayant que deux mois pour quitter les lieux et se reloger,

- en usant de menaces pour qu'elle ne soit pas renouvelée dans ses fonctions de membre du conseil syndical de la résidence [9],

- en lui faisant notifier des commandements aux fins de saisie vente et de saisie attribution de compte le soir à plus de 20h pour obtenir le règlement de sommes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- en lui faisant délivrer un commandement de payer le 31 octobre 2022 alors qu'elle était hospitalisée depuis le 29 octobre 2022 pour une pneumonie.

M. [O] et la Scp [H] [O] font leurs sur ce point les motifs des premiers juges.

Les prétentions de M. [O] et la Scp [H] [O] étant partiellement fondées et ceux-ci ayant pu se méprendre sur l'étendue de leurs droits quant à l'abus d'égalité, l'abus de leur droit d'ester en justice devant le tribunal n'est pas démontré, le caractère conflictuel du divorce des époux [O] et les différentes procédures y afférentes étant à ce titre inopérants.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Outre la confirmation des dispositions des jugements, les parties conserveront à leur charge les dépens d'appel et frais de procédure par elles exposés.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans la limite de l'appel,

Confirme le jugement du 13 septembre 2021 (RG 21-02890) en ses dispositions sauf en ce qu'il

- a condamné Mme [M] [L] épouse [O] à remettre les lieux en l'état en enlevant les cloisons, portes palières et obstacles ayant séparé la partie habitation et la partie professionnelle de l'appartement situé [Adresse 3] à [Localité 12] dans un délai de quinze jours à compter de la signification de sa décision, puis sous astreinte de 300 euros par jour de retard pendant deux mois,

- a condamné Mme [M] [L] épouse [O] à payer à la Sci NCAB la somme de 800 euros par mois au titre de l'occupation des lieux appartenant à la Sci NCAB, à compter du 28 décembre 2020 jusqu'à la libération effective des lieux,

statuant de nouveau,

Dit irrecevable la demande, formée par M. [H] [O] et la Scp Nicolas Boullez avocat associé auprès du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation, de condamnation de Mme [L] à réparer le préjudice financier de la Sci NCAB,

Condamne Mme [M] [L] épouse [O] à remettre les lieux en l'état en enlevant les cloisons et obstacles ayant séparé la partie habitation et la partie professionnelle de l'appartement situé [Adresse 3] à [Localité 12] dans un délai de quinze jours à compter de la signification de la décision, puis sous astreinte de 300 euros par jour de retard pendant deux mois,

y ajoutant,

Déboute Mme [M] [L] épouse [O] de sa demande de condamnation de la Scp Nicolas Boullez avocat associé auprès du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation et de M. [H] [O] au paiement des sommes versées en exécution de l'obligation de remise en état des lieux ordonnée par le tribunal,

Confirme le jugement du 13 septembre 2021 (RG 21-05043) en toutes ses dispositions,

Dit que les parties conserveront la charge des dépens et frais de procédure par elles exposés.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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