CA Pau, 2e ch - sect. 1, 9 septembre 2025, n° 23/01539
PAU
Arrêt
Autre
JP/PM
Numéro 25/2474
COUR D'APPEL DE PAU
2ème CH - Section 1
ARRET DU 9 SEPTEMBRE 2025
Dossier : N° RG 23/01539 - N° Portalis DBVV-V-B7H-IRKQ
Nature affaire :
Demande en exécution ou en dommages-intérêts pour mauvaise exécution d'un autre contrat
Affaire :
S.A.R.L. SEE DES ETABLISSEMENTS [I] [E]
C/
[I] [W]
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 9 septembre 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 20 Mai 2025, devant :
Jeanne PELLEFIGUES, magistrat chargé du rapport,
assisté de Mme SAYOUS, Greffier présent à l'appel des causes,
Jeanne PELLEFIGUES, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Philippe DARRACQ et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente
Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller
Madame Joëlle GUIROY, Conseillère
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
S.A.R.L. SEE DES ETABLISSEMENTS [I] [E] Agissant poursuites et diligence de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Vincent LIGNEY de la SELARL DUALE-LIGNEY-BOURDALLE, avocat au barreau de TARBES
Assistée de Me Benoît DUCOS-ADER, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIME :
Monsieur [I] [W]
né le 23 Février 1959 à [Localité 6] (65)
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représenté par Me Sophie CREPIN de la SELARL SELARL LX PAU-TOULOUSE, avocat au barreau de PAU
Assisté de Me Clément PHALIPPOU, avocat au barreau de PARIS
sur appel de la décision
en date du 09 MAI 2023
rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE DAX
Par jugement contradictoire du 9 mai 2023, le tribunal de commerce de Dax a :
Débouté la société d'exploitation [I] [E] de sa demande an titre de l'exception d'Estoppel.
Débouté la société d'exploitation [I] [E] de sa demande de prescription à compter du 31 décembre 2013
Prononcé la résolution judiciaire de la convention de fortage liant les parties
Condamné la société d'exploitation [I] [E] à payer à Monsieur [I] [W] la somme de 517'330,30 € au titre de la restitution en valeur de l'intégralité du sable à compter de la signification du présent jugement
Ordonné à la société d'exploitation [I] [E] de cesser l'occupation de la parcelle B998 sous astreinte de 1000 € par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la signification du jugement à intervenir pour une période de 60 jours à l'issue de laquelle il pourra être à nouveau fait droit
Débouté Monsieur [I] [W] de sa demande de réservation de liquidation de l'astreinte
Débouté Monsieur [I] [W] de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice de la perte des pins
Condamné la société d'exploitation [I] [E] à payer à Monsieur [I] [W] la somme de 6500 € en compensation du surplus de la taxe foncière
Débouté Monsieur [I] [W] de sa demande de la somme de 50'000 € au titre de la perte de chance de percevoir un revenu locatif pour la parcelle cadastrée sous le numéro [Cadastre 3]
Condamné la société d'exploitation [I] [E] à payer à Monsieur [I] [W] la somme de 30'000 € à titre de dommages et intérêts et débouté du surplus de la demande
Débouté la société d'exploitation [I] [E] de ses demandes reconventionnelles
Condamné la société d'exploitation [I] [E] aux entiers dépens de l'instance dont les frais du présent jugement liquidés à la somme de 69,59 € TTC et frais nécessaire à l'exécution des présentes instances
Condamné la société d'exploitation [I] [E] à payer la somme de 10'000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile déboutant Monsieur [I] [W] pour le surplus.
Dit les parties mal fondées pour leurs demandes autres plus amples ou contraires, les en déboute.
Par déclaration du 1er juin 2023 la Société d'Exploitation des établissements [I] [E] a interjeté appel de la décision.
La Société d'exploitation des Etablissements [I] [E] conclut à :
' REFORMER le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Dax le 9 mai 2023 en ce qu'il a :
- Débouté la société d'exploitation [I] [E] de sa demande au titre de
l'exception d'Estoppel,
- Débouté la société d'exploitation [I] [E] de sa demande de prescription à compter du 31 décembre 2013,
- Prononcé la résolution judiciaire de la convention de fortage liant les parties,
- Condamné la société d'exploitation [I] [E] à payer à Monsieur [I] [F]
[W] la somme de 517.330,30 € au titre de la restitution en valeur de l'intégralité
du sable à compter de la signification du présent jugement,
- Ordonné à la société d'exploitation [I] [E] de cesser l'occupation de la
parcelle [Cadastre 3] sous astreinte de 1.000 € par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un
mois à compter de la signification du jugement à intervenir et pour une période de 60 jours à l'issue de laquelle il pourra être à nouveau fait droit,
- Condamné la société d'exploitation [I] [E] à payer à Monsieur [I] [F]
[W] la somme de 6.500 € en compensation du surplus de la taxe foncière,
- Condamné la société d'exploitation [I] [E] à payer à Monsieur [I] [F]
[W] la somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts,
- Débouté la société d'exploitation [I] [E] de ses demandes reconventionnelles,
- Condamné la société d'exploitation [I] [E] aux entiers dépens de l'instance dont les frais du présent jugement liquidés à la somme de 69.59 € TTC et frais
nécessaires à l'exécution des présentes,
- Condamné la société d'exploitation [I] [E] à payer la somme de 10.000 €
au titre de l'article 700 du CPC,
- Dit les parties mal fondées pour leurs demandes autres plus amples ou contraires, les
en déboute.
Y FAISANT DROIT, ET STATUANT A NOUVEAU :
A TITRE PRINCIPAL :
Vu l'article 2224 du code civil, ensemble l'article 122 du code de procédure civile et la jurisprudence en matière de prescription,
' DECLARER prescrite l'action de Monsieur [W],
' REJETER en conséquence l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
A TITRE SUBSIDIAIRE :
Vu les articles 1103, 1224 et 1226 du code civil,
Vu les articles 1189 et 1190 du même code,
Vu l'article 12 du Code de procédure civile,
' REJETER la demande de résolution du contrat aux torts exclusifs de la société [E],
' REJETER la demande de condamnation sous astreinte à quitter les lieux,
' FIXER le montant des sommes dues par la société [E] à 118.064 euros pour 233.000 mètres cube de sable,
A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE :
' DESIGNER tel expert qu'il plaira, aux fins de déterminer le prix du sable et le montant des sommes dues par la société [E],
' DIRE que les frais d'une telle expertise seront mis à la charge de Monsieur [W], à l'origine de la demande en paiement,
' ACCORDER les plus larges délais à la société [E] pour libérer la parcelle,
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
Vu les articles 1231 et 1231-3 du code civil,
Vu le principe de non-cumul des responsabilités délictuelles et contractuelles,
' REJETER le surplus des demandes, fins et prétentions de Monsieur [W], en ce compris les demandes formées à titre incident dans le cadre du présent appel,
' CONFIRMER la décision pour le surplus,
' CONDAMNER Monsieur [W] à payer à la société [E] la somme de 10.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
' LE CONDAMNER aux entiers dépens de première instance et d'appel.
[I] [W] conclut à':
Vu les articles 1134, 1147 et 1184 anciens du Code civil,
Vu les articles 1103, 1104, 1217, 1224 et suivants, 1231-1 et 1352, 2224 nouveaux du Code civil,
Vu l'article 915-2 alinéa 3 du Code de procédure civile,
Vu l'ensemble des pièces versées aux débats,
Il est demandé à la Cour d'appel de Pau de :
- DECLARER mal fondé l'appel formé par la SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS [I] [E] à l'encontre du jugement du Tribunal de commerce de Dax du 9 mai 2023 et, en conséquence, débouter l'appelante de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
Sur l'absence d'estoppel :
- CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Dax le 9 mai 2023 en ce qu'il a débouté la SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS [I] [E] de sa demande au titre de l'estoppel ;
Sur l'absence de prescription :
- CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Dax le 9 mai 2023 en ce qu'il a débouté la SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS [I] [E] de sa demande au titre de la prescription ;
Sur la résolution judiciaire de la convention de fortage :
- CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Dax le 9 mai 2023 en ce qu'il a prononcé la résolution judiciaire de la convention de fortage ;
- JUGER, en tout état de cause, que la durée de 15 ans prévue par le contrat de fortage a expiré depuis le 30 janvier 2023.
Sur les restitutions en valeur ou en nature :
- INFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Dax en ce qu'il a condamné la SEE [I] [E] à payer à Monsieur [I] [W] la somme de 517.330,30 € au titre de la restitution en valeur de l'intégralité du sable à compter de la signification du jugement ;
Et, statuant à nouveau,
- CONDAMNER la SEE [I] [E] à restituer en valeur l'intégralité du sable, pour un montant de 2,50 € par tonne, soit un paiement à Monsieur [I] [W] d'un montant total de 873.843,75 euros ;
Ou, alternativement,
- ORDONNER à la SEE [I] [E] de restituer en nature à Monsieur [I] [W] 233.025 m 3 de sable de qualité équivalente à celui extrait de la Parcelle (c'est-à-dire 349.537,5 tonnes) sur la parcelle [Cadastre 3] à [Localité 4] ;
Sur la cessation de l'occupation de la parcelle :
- CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Dax le 9 mai 2023 en ce qu'il a ordonné à la SEE [I] [E] de cesser l'occupation de la parcelle B998 sous astreint de de 1.000 € par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la signification du jugement à intervenir et pour une période de 60 jours à l'issue de laquelle il pourra être à nouveau fait droit ;
- REJETER la demande de la SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS [I] [E] de bénéficier de délais pour libérer la parcelle B998 ;
Sur l'indemnisation au titre du surplus de taxe foncière :
- CONFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Dax du 9 mai 2023 en ce qu'il a condamné la SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS [I] [E] à payer à Monsieur [I] [W] la somme de 6.500 € en compensation du surplus de la taxe foncière pour les années 2018 à 2022 ;
- CONDAMNER la SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS [I] [E] à payer à Monsieur [I] [W] la somme additionnelle de 2.590 € en compensation du surplus de la taxe foncière pour les années 2023, 2024 et 2025 ;
Sur l'indemnisation au titre de l'occupation de la parcelle malgré la résolution du contrat et malgré son expiration :
- CONDAMNER la SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS [I] [E] à payer à Monsieur [I] [W] une indemnité d'occupation d'un montant de 3.000 euros par mois à compter du 30 janvier 2023, soit un total à parfaire de 78.000 euros ;
Sur la perte de chance de percevoir un revenu locatif :
- INFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Dax en ce qu'il a débouté Monsieur [I] [W] de sa demande au titre de la perte de chance de percevoir un revenu locatif ;
Et, statuant à nouveau,
- CONDAMNER la SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS [I] [E] à payer à Monsieur [I] [W] la somme à parfaire de 90.000 euros au titre de la perte de chance, depuis la mise en demeure du 8 juillet 2021, de percevoir un revenu locatif pour la parcelle cadastrée sous le numéro B998, augmentée des intérêts légaux ;
Sur la résistance abusive :
- CONFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Dax du 9 mai 2023 en ce qu'il a condamné la SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS [I] [E] à payer à Monsieur [I] [W] la somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts ;
- INFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Dax en ce qu'il a débouté Monsieur [I] [W] du surplus de sa demande et, statuant à nouveau, CONDAMNER la SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS [I] [E] à payer à Monsieur [I] [W] la somme additionnelle de 70.000 € ;
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
- CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Dax du 9 mai 2023 en ce qu'il a condamné la SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS [I] [E] à payer à Monsieur [I] [W] la somme de 10.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance ;
- CONDAMNER la SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS [I] [E] à payer à Monsieur [I] [W] la somme additionnelle de 40.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- CONDAMNER la SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS [I] [E] aux entiers dépens d'appel.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 avril 2025.
SUR CE
[I] [W] est un exploitant agricole propriétaire d'une parcelle. de 30037 m² située à [Localité 4] cadastrée sous le numéro B998. La société d'exploitation [I] [E] en activité depuis 35 ans spécialisée dans l'exploitation de gravières et sablières est propriétaire d'un certain nombre de terrains. Cette société souhaitant exploiter une parcelle contiguë au terrain de [I] [W] afin d'extraire du sable a conclu avec ce dernier un contrat les 1er juillet 1983 et 1er juillet 1996, chacun pour une durée de 10 ans ; les relations contractuelles se faisaient directement entre [I] [W] et [I] [E] puis à compter de 1989 par l'intermédiaire de la société d'exploitation [I] [E]. [I] [W] et la société d'exploitation [I] [E] ont conclu un troisième contrat entré en vigueur en 2008 s'intitulant : « convention de fortage » en vertu duquel [I] [W] a consenti à la société [E] le droit d'extraire et de disposer du sable se trouvant sur la parcelle cadastrée [Cadastre 3] pour une durée de 15 ans.
En vertu du contrat de 2008, les parties ont convenu que le montant de la redevance due à [I] [W] en cas d'extraction ferait l'objet d'un acte séparé.
Fin février 2019, un courrier de la direction générale des finances publiques a informé [I] [W] qu'elle envisageait de rectifier le montant de la taxe foncière au motif que la parcelle était exploitée depuis au moins 2017.
Selon [I] [W] la société [E] n'a pas communiqué les autorisations administratives nécessaires pour l'exploitation de la parcelle et n'aurait pas déclaré son intention de débuter les extractions. [I] [W] a demandé à la société de cesser les extractions, de remettre la parcelle dans son état initial et de quitter les lieux. Par courrier du 6 juillet 2020 la société [E] a proposé le règlement des extractions. Et par courrier du 17 juillet 2020 la société a informé [I] [W] qu'un virement d'une somme de 122'325 € avait été effectué. [I] [W] a rejeté ce paiement au motif qu'aucun accord sur le prix de la tonne à date n'a été conclu entre les parties.
C'est dans ce contexte que [I] [F] [W] a fait assigner par acte d' huissier du 14 octobre 2021, la société d'exploitation [I] [E] devant le tribunal de commerce de Dax pour juger notamment que la société a gravement manqué à ses obligations contractuelles et ainsi prononcer la résolution de la convention de fortage de 2008 sur le fondement des articles 1184 ancien et 1224 nouveau du Code civil et se prononcer sur les restitutions en nature en m3 de sable de qualité équivalente à celui extrait de la parcelle c'est-à-dire 349'537,5 t. Il a sollicité également la remise en état de la parcelle après libération de celle-ci sous astreinte.
Le tribunal de commerce de DAX a statué par la décision dont appel en prononçant notamment la résolution judiciaire du contrat.
Il sera constaté qu'en cause d'appel l'exception d'estoppel n'est plus soutenue.
- Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription :
A titre principal la SEE [I] [E] se fondant sur les dispositions de l'article 2224 du Code civil, soulève la prescription de l'action engagée par Monsieur [W] dans la mesure où ce dernier avait connaissance de l'exploitation de la parcelle par son cocontractant depuis plus de cinq ans à la date de l'acte introductif d'instance.
La prescription était nécessairement acquise lorsque Monsieur [W] a entendu remettre en cause les accords passés entre les parties et assigner la société pour des faits remontant à plus de 40 ans.
Elle considère apporter quatre éléments-clés pour soutenir sa démonstration et en l'occurrence la participation de Monsieur [W] à la demande d'autorisation préfectorale de défricher le terrain et exploiter la carrière, la publication des autorités administratives les rendant opposables aux tiers, le dépôt de permis de construire en 1996 concernant des bureaux que la société [E] a souhaité installer sur la carrière, l'attestation de témoin confirmant la parfaite connaissance par Monsieur [W] de la situation.
[I] [W] conclut au rejet de la fin de non recevoir tirée de la prescription affirmant n'avoir découvert les extractions menées sauvagement par la SEE [E] que le 27 février 2019 à la réception du courrier de la Direction Générale des Finances Publiques l'avisant de la rectification du montant de la taxe foncière 2018 au motif que la parcelle était exploitée.
Il n'avait aucune raison de se douter de cette exploitation d'autant plus que la SEE [E] ne lui avait jamais communiqué l'autorisation administrative nécessaire pour l'exploitation de la parcelle, ne lui avait jamais déclaré son intention de débuter les extractions et n'avait pas pris attache avec lui pour parvenir à un accord sur le montant de la redevance.
Il serait d'ailleurs incompréhensible qu'il ait laissé extraire depuis plusieurs années plus de 233'000 m³ de sable de sa parcelle sans demander la moindre redevance.
L'article 2224 du Code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Le point de départ du délai de prescription doit s'apprécier par rapport à la connaissance du demandeur à l'action des faits lui permettant de l'exercer.
En l'espèce, [I] [W] sollicite la résolution judiciaire de la convention de fortage conclue entre les parties, entrée en vigueur en 2008.
Il résulte des termes mêmes de cette convention, s'agissant des obligations mises à la charge de la SEE [I] [E], que celle-ci devra porter à la connaissance de Monsieur [I] [W], sur simple demande de sa part, la date ou les dates auxquelles elle aura déposé la ou les demandes d'autorisations administratives ou autres nécessaires à l'exploitation des parcelles concédées et surtout :
« la SEE [I] [E] devra notifier à Monsieur [W] par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, la date d'obtention desdites autorisations et notamment de celle qui rendra définitive pour elle la faculté d'exploiter lesdites parcelles ' »
La SEE [I] [E] ne démontre pas avoir notifié à [I] [W] la date à laquelle elle a obtenu l'autorisation définitive d'exploiter.
Elle ne peut se fonder sur des suppositions quant à la connaissance par [I] [W] de l'exploitation de la carrière alors que, suivant jurisprudence de la Cour de cassation, la prescription quinquennale ne court pas lorsque la créance dépend d'éléments qui ne sont pas connus du créancier et doivent résulter de déclarations que le débiteur est tenu de lui faire.
Le point de départ de la prescription se situe par conséquent au 27 février 2019, date à laquelle la direction générale des finances publiques a notifié à [I] [W] la rectification pour l'année 2018 de la taxe foncière sur les biens situés commune de [Localité 4], faute de déclaration de cette carrière exploitée par les établissements [E].
La fin de non recevoir tirée de la prescription sera écartée puisque l'action engagée en justice par l'assignation du 14 octobre 2021 l'a été dans le délai légal de cinq ans comptabilisé à partir du 27 février 2019.
Cette action est donc recevable comme non prescrite.
- Sur la résolution judiciaire du contrat :
La SEE [E] rappelle les relations amicales que [I] [E], fondateur de la société, entretenait avec [I] [W] depuis le plus jeune âge de celui-ci.
Il a souhaité exploiter la parcelle B998 de son voisin par l'intermédiaire de la Société d'Exploitation des établissements [I] [E].
Une convention d'extraction de matériaux a été signée le 1er juillet 1983 accompagnée d'un avenant du même jour fixant le montant de la redevance à hauteur d'un franc par tonne, étant prévu que [I] [E] ferait son affaire des demandes d'autorisation d'exploiter la préfecture.
C'est ainsi que [I] [W] a accepté en sa qualité de propriétaire de la parcelle de l'aider afin de formuler officiellement la demande d'autorisation auprès de l'autorité préfectorale pour défricher la parcelle concernée et l'exploiter.
Par correspondance du 12 août 1985, intitulée « autorisation de défricher et ouverture de carrière », la préfecture des Landes notifiait à [I] [W] la décision préfectorale l'autorisant officiellement à défricher sa parcelle.
Par arrêté préfectoral du 2 juin 1987, l'autorisation d'exploiter la carrière de sable à ciel ouvert était rendue pour une durée de 10 ans à compter de sa notification.
À compter du 2 juin 1987 date de l'arrêté préfectoral , [I] [E] et par la suite sa société n'ont jamais cessé d'exploiter la carrière et le sable extrait au vu et au su de [I] [W] qui avait participé à l'établissement du dossier de demande d'autorisation administrative.
[I] [E] déclare depuis chaque année à la direction régionale de l'industrie et de la recherche la production annuelle de la carrière et la teneur de son exploitation.
Les parties ont par la suite reconduit leur contrat sans interruption par la signature de conventions en 1996 et 2005 pour les besoins de l'administration.
L'exploitation de la parcelle a donc été effectuée en continu à compter de 1997 et jusqu'en 2012 tel que le démontre l'historique des photographies IGN versées aux débats par les appelants.
Il est précisé que en dehors de cette parcelle, Monsieur [W] est également propriétaire d'autres terres sur la commune de [Localité 7] qui ont fait l'objet également d'une convention de fortage avec la société [E] qui perdure depuis plusieurs années notamment en vertu d'une convention d'extraction de matériaux signée le 8 décembre 2017 entre les parties. Cette convention bien que ne concernant pas directement le litige est néanmoins importante concernant la question du prix du contrat objet de la présente action puisque la société a toujours procédé à des règlements relativement importants concernant l'exploitation de ces terres ce qui n'est pas contesté par la partie adverse qui a d'ailleurs reconduit le contrat en 2017.
Les conventions sur la parcelle B998 objet de l'instance prévoyaient que le montant de la redevance serait déterminé ultérieurement mais Monsieur [W] et Monsieur [E] en leur temps avaient décidé de ne pas faire application de ces dispositions, les règlements effectués au titre du second contrat étant compris dans ceux du premier.
Ce fonctionnement informel s'inscrivait dans le cadre des relations amicales entretenues entre les parties mais correspondait également aux usages et pratiques en matière de fortage et d'exploitation de carrière et ce fonctionnement s'est poursuivi pendant des années.
Après le décès de Monsieur [E] en octobre 2017, sa fille a travaillé en étroite collaboration avec Monsieur [W] jusqu'à son départ de l'entreprise le 15 avril 2019 et à la cession de ses parts à ses frères en janvier 2021.
À compter de 2020 les relations entre les deux fils de Monsieur [E] et Monsieur [W] ont commencé à se détériorer.
Monsieur [W] a décidé de revenir sur les accords conclus avec Monsieur [I] [E] au titre de la contrepartie financière de l'exploitation de la parcelle pourtant respectés depuis des années en prétextant avoir découvert l'exploitation de la carrière par cette dernière en février 2019 lors de la réception d'une correspondance de la direction générale des finances publiques, reprochant à la société [E] de ne pas avoir déclaré son intention de débuter l'exploitation des extractions de sable.
Un règlement de la somme de 122'325 € correspondant au paiement des sommes dues au titre des extractions intervenues depuis les derniers règlements conformément à la valeur du sable à l'époque était alors effectuée par la société [E] dès le 17 juillet 2020 et refusé par Monsieur [W].
La SEE [I] [E] conclut au rejet de la demande de résolution du contrat à ses torts arguant de sa bonne foi et alors que l'inexécution contractuelle doit être suffisamment grave pour justifier une telle résolution pourtant prononcée par le tribunal de commerce ; elle souligne que les obligations essentielles du contrat ont été exécutées. Elle fait valoir le respect de son obligation de règlement de la redevance sur demande de Monsieur [W] qui continue de percevoir des redevances pour l'exploitation de la carrière de [Localité 7] qui ne l'est pourtant plus depuis des années. Elle a en effet principalement été exploitée entre 1985 et 2007 et depuis cette date n'a pas bougé. Monsieur [W] ne produit pas de demande de règlement de redevances antérieures à 2020, Aucun manquement à l'obligation de règlement ne peut lui être reproché.
[I] [W] sollicite la confirmation du jugement rendu en ce qu'il a prononcé la résolution judiciaire du contrat de fortage en dénonçant les graves manquements contractuels de la SEE [E] dans le cadre du troisième contrat de fortage, à savoir :
- ne pas avoir notifié par lettre recommandée avec accusé de réception l' autorisation administrative d'exploitation de la parcelle [Cadastre 3] ;
- ne pas avoir fait de déclaration préalable auprès de Monsieur [W] avant toute exploitation de la parcelle [Cadastre 3],
- avoir extrait de la parcelle plus de 233'000 m³ de sable en l'absence d'accord sur le prix à la tonne
- plus généralement, avoir manqué à son obligation de bonne foi dans l'exécution du contrat.
Il dénonce la confusion grossière que tente d'entretenir la partie adverse sur les conventions conclues entre les parties et les démarches administratives réalisées en 1985 faites dans le cadre du contrat de fortage conclu le 1er juillet 1983 lequel n'a donné lieu à aucune extraction de sable ni aucune redevance.
Ainsi avoir le droit, d'un point de vue administratif et réglementaire, d'exploiter une carrière de sable et procéder à des extractions de sable au mépris des stipulations contractuelles, à l'insu du propriétaire de la carrière, sont deux choses très différentes.
Il rappelle la définition du contrat de fortage par lequel le propriétaire d'une carrière concède à un exploitant le droit d'en extraire les matériaux en contrepartie d'une redevance. Ce contrat s'analyse en un contrat de vente de meubles par anticipation.
Le prix est un élément constitutif de la vente. En effet l'article 1591 du Code civil dispose que : « le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties. »
Il est constant que le prix faute d'être déterminé doit être au moins déterminable.
À l'évidence l'absence de prix convenu entre les parties empêchait toute vente.
Il reproche à la SEE [E] d'avoir manqué à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat et de n'avoir jamais payé la moindre redevance. Elle a d'ailleurs elle-même admis en première instance que les redevances versées dans le cadre du contrat de fortage de la carrière de [Localité 7] ne concernaient que cette carrière. En outre dans son courriel du 5 juin 2020 la SEE [E] a expressément reconnu qu'elle avait extrait 233'000 m³ de la parcelle sans que Monsieur [W] ne perçoive quoi que ce soit.
***
L'article 1184 du Code civil en vigueur jusqu'au 1er octobre 2016, applicable en l'espèce en raison de la date à laquelle la convention de fortage est entrée en vigueur soit 2008 dispose que :
« la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des parties ne satisfera point à son engagement.
Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages-intérêts. »
Il ressort de la jurisprudence que l'inexécution est suffisamment grave pour justifier la résolution du contrat notamment dans les cas suivants : lorsque le manquement porte sur une obligation essentielle du contrat, lorsque le préjudice subi par le créancier est substantiel, lorsque le débiteur est, soit de mauvaise foi, soit adopte une conduite déloyale.
Il résulte de la convention de fortage de 2008 , qu'en contrepartie des droits d'extraction qui lui sont concédés, la SEE [I] [E] s'oblige à payer à Monsieur [W] [I] [F], une redevance proportionnelle aux matières extraites qui feront l'objet d'un avenant au présent contrat. « La redevance ou l'indemnité sera due dès la prise d'effet de la présente convention. »
À cet effet il était prévu que la SEE [I] [E] notifie à [I] [W], la date d'obtention des autorisations administratives nécessaires et notamment de celle qui rendra définitive pour elle la faculté d'exploiter lesdites parcelles.
En définitive, la SEE [I] [E], comme le montre un mail du 5 juin 2020, versé aux débats, reconnaît avoir exploité les matériaux extraits de la parcelle [Cadastre 3] en approuvant la méthodologie retenue pour aboutir à une quantité de 233'000 'm3.
Elle admet que Monsieur [I] [W] n'a perçu aucune somme depuis le début de l'exploitation de sa parcelle.
La quantité de sable extraite entre 2005 et 2020 a été évaluée par un géomètre expert à partir d'un plan topographique comme représentant un volume de 233'025 m³ suivant calcul de cubature réalisé à partir des relevés de 2005 et 2020.
Ce volume n'est pas contesté par la SEE [I] [E].
En ayant manqué à son obligation d'information en ce qui concerne l'autorisation d'exploitation de la carrière en vertu de la convention de fortage de 2008 et en ne payant pas le prix du sable extrait, la SEE [I] [E] a gravement manqué à ses obligations contractuelles. Ces manquements justifient la résolution judiciaire du contrat à ses torts.
- Sur les conséquences de la résolution du contrat':
La SEE [E], dans l'éventualité du rejet de la prescription et d'une condamnation à paiement, sollicite la réduction de la demande en paiement et si sa méthode de calcul n'était pas retenue, la désignation d'un expert judiciaire ayant pour mission de déterminer le prix du sable.
Soutenant que l'exploitation a été continue de 1997 à 2012 elle considère que le prix fixé entre les parties dans le cadre de l'avenant de 1983 a vocation à s'appliquer. Elle propose donc un prix évalué à 118'064 € pour 233'000 m³ de sable.
Subsidiairement elle propose la désignation d'un expert judiciaire pour déterminer la valeur du sable extrait depuis l'origine de son exploitation.
La SEE [E] conteste la demande de paiement d'indemnités d'occupation en considérant qu'il s'agit d'une demande nouvelle qui n'a été formulée qu'au terme d'un troisième jeu d'écriture devant la cour d'appel notifié en juin 2023 qui doit être déclaré irrecevable en application de l'article 564 du code de procédure civile.
En tout état de cause elle sollicite le rejet des demandes de dommages intérêts.
[I] [W] ,s'agissant des conséquences de la résolution judiciaire du contrat et des restitutions sollicite une restitution en valeur ou en nature et en cas de restitution en valeur, l'infirmation du jugement déféré en demandant la condamnation de la SEE [E] à lui payer la somme de 873'843,75 € au lieu de 517'330,30 €.
Il s'appuie sur les dispositions de l'article 1229 du Code civil précisant que la résolution met fin au contrat et que les restitutions ont lieu dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1359 du même code. Ainsi conformément à l'article 1352 du Code civil, « la restitution d'une chose autre que d'une somme d'argent à lieu en nature ou, lorsque cela est impossible, en valeur, estimée au jour de la restitution. »
Il reproche au tribunal de commerce de s'être référé au prix convenu entre les parties dans l'avenant à la convention du 1er juillet 1983, y avoir appliqué l'indice de prix de production de l'industrie française pour le marché sable et granulats non prévu par l'avenant à la convention du 1er juillet 1983. Néanmoins le prix convenu prévu dans l'avenant à la convention de 1983 ne saurait en aucun cas servir de référence pour la détermination de la valeur actuelle du sable restitué car ladite convention a pris fin en 1993 au terme de la durée contractuellement prévue. Lorsque les parties ont entendu conclure une troisième convention de fortage, elles ont pris soin de ne se référer ni au prix de 1983 ni plus généralement au contrat de 1983 ou même au contrat de 1996. L'absence d'accord ultérieur prévu au contrat ne saurait être pallié par l'avenant de 1983 qui n'est plus opposable aux parties depuis 1993 soit depuis plus de 30 ans.
Il sollicite l'octroi de dommages et intérêts, la compensation du surplus de la taxe foncière en confirmation du jugement lui octroyant la somme de 6500 € au titre du surplus de la taxe foncière de 2018 à 2022 ainsi que la somme de 2590 € au titre du surplus de taxe foncière pour les années 2023, 2024 et 2025.
Il sollicite une indemnité d'occupation en raison de cette occupation illicite qu'il évalue forfaitairement à la somme de 3000 € par mois depuis le 30 janvier 2023 soit un total à parfaire de 78'000 €. Il demande également la compensation de la perte de chance de percevoir un revenu locatif de la parcelle à hauteur de 90'000 € hors-taxes à parfaire.
Il ajoute en effet que conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, la résolution de la vente emporte l'anéantissement rétroactif du contrat et remise des choses dans leur état antérieur.
Si le contrat n'avait pas existé, Monsieur [W] aurait pu à la fois conserver le sable loué, la parcelle et percevoir des loyers à ce titre. Il sollicite donc la somme de 90'000 € au titre de la perte de chance depuis la mise en demeure du 8 juillet 2021, de percevoir un revenu locatif pour la parcelle cadastrée sous le numéro B998 (augmentée des intérêts légaux).
Il sollicite la somme de 30'000 € de dommages-intérêts en confirmation du jugement déféré à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive en application des dispositions de l'article 1240 du Code civil qui dispose que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Il réclame à ce titre la somme additionnelle de 70'000 €.
***
Sous l'égide des dispositions légales applicables avant l'ordonnance du 10 février 2016, les restitutions résultant d'une résolution contractuelle sont considérées comme un effet direct et nécessaire de l'anéantissement du contrat, la remise des choses dans le même état qu'avant la vente étant une conséquence légale de la résolution.
La résolution du contrat conduit à un anéantissement rétroactif du contrat. Cela implique pour les parties de revenir au statu quo ante, comme si le contrat n'avait jamais existé. Ce principe est directement issu d'une transposition de la règle énoncée pour la clause résolutoire à l'ancien article 1183 du Code civil. Cette disposition prévoyait que « la condition résolutoire est celle qui, lorsqu'elle s'accomplit, opère la révocation de l'obligation, et qui remet les choses au même état que si l'obligation n'avait pas existé. »
S'agissant d'un contrat de vente, dans un arrêt du 22 juin 2005, la Cour de cassation a par exemple affirmé que : « la résolution de la vente emporte anéantissement rétroactif du contrat et remise des choses dans leur état antérieur. »
Il en résulte alors l'obligation pour les parties de se restituer en nature, ou par équivalent, les prestations exécutées, l'objectif étant de revenir au statu quo ante.
La SEE [E] ne conteste pas la quantité de sable extrait mais le prix correspondant à sa valeur. Elle n'est pas d'accord sur le prix demandé par [I] [W] ni sur le prix évalué par le tribunal de commerce et sollicite une expertise pour déterminer le prix.
Elle ne présente cependant aucun argument de nature à contester la demande de restitution en nature des quantités de sable prélevé alors que la résolution judiciaire du contrat a été prononcée en raison de ses manquements et à ses torts et que [I] [W] a le choix entre une restitution en nature ou en valeur.
La SEE [E], en sa qualité de société spécialisée dans l'exploitation de gravières et sablières, est en mesure d'accéder à cette demande de restitution en nature et ne prétend ni ne démontre être dans l'incapacité de le faire.
[I] [W] verse aux débats en pièce 13 le calcul fait par un géomètre expert immobilier près la cour d'appel comptabilisant durant la période 2005 à 2020 la quantité qui a été prélevée et qui n'est pas contestée par la partie adverse qui a validé lors de l'échange de mails précité entre les parties la méthode d'évaluation de l'expert géomètre.
La SEE [E] sera donc condamnée à restituer à [I] [W] la quantité de sable prélevé soit 233'025 m³ c'est-à-dire 349'537,5 t sur la parcelle [Cadastre 3] à [Localité 4].
La Société d'Exploitation des établissements [I] [E] devra justifier de ce que la qualité du sable restitué correspond au sable prélevé dans la carrière concernée.
Elle sera également condamnée à procéder à une remise en état des lieux suivant les modalités qui étaient prévues, lors de la demande d'autorisation d'exploitation présentée auprès de la préfecture des Landes en août 2006 et versée en pièce numéro 14 par la société [E]. En effet à cette occasion par courrier du 6 octobre 2006 le directeur régional de l'environnement avait précisé que la remise en état consistait en un : « talutage des fronts d'exploitation, le nivellement du carreau à des cotes voisines de 10mNGF et un reboisement du site en forêt de production. »
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné la SEE [E] à payer à [I] [W] la somme de 6500 € en compensation du surplus de la taxe foncière pour les années 2018 à 2022 et la SEE [E] condamnée à payer la somme additionnelle de 2590 € en compensation du surplus de la taxe foncière pour les années 2023, 2024 et 2025.
Elle ne conteste pas cette demande dont il est justifié par [I] [W] par le redressement fiscal dont il a fait l'objet et la taxe à laquelle il est soumis du fait de l'exploitation du terrain par la SEE [E] qui occupe toujours le terrain à ce jour malgré la condamnation sous astreinte à libérer les lieux.
[I] [W] sollicite une indemnisation par le paiement d'une indemnité d'occupation d'un montant de 3000 € par mois à compter du 30 janvier 2023 soit un total à parfaire de 78'000 €.
Cette demande est recevable même si elle a été formulée pour la première fois en cause d'appel puisqu'elle se rattache par un lien suffisant aux prétentions initiales s'agissant d'obtenir des dommages-intérêts de la part de la SEE [E].
[I] [W] prétend que la convention de 2008 a cessé dès le 30 janvier 2023 en raison d'une durée de 15 ans précisée par la convention.
Cependant la convention que les parties datent de 2008, n'est pas datée et précise que le droit d'extraction est concédé pour une durée de 15 ans à compter de la date d'autorisation du projet.
Il résulte des documents versés par la SEE [E] que la copie de cette convention de fortage pour la nouvelle demande d'autorisation de carrière de [H] a été transmise dès le 7 février 2005 par [U] [E] au cabinet chargé d'obtenir une nouvelle demande d'autorisation de carrière.
Étant donné que la notification de l'autorisation administrative d'exploiter n'a pas été transmise à [I] [W] par la SEE [E], aucun délai ne peut être comptabilisé et ce d'autant plus que la convention de fortage a été annulée avec effet rétroactif.
[I] [W] ne saurait obtenir à la fois la restitution du sable permettant de revenir à la situation antérieure au contrat et le paiement d'une indemnité d'occupation ce qui reviendrait à une double indemnisation. Ce chef de demande sera donc rejeté.
S'agissant de sa demande tenant à la perte de chance de percevoir un revenu locatif de la parcelle, il a chiffre la somme de 90'000 € depuis la mise en demeure du 8 juillet 2021 de percevoir un revenu locatif pour cette parcelle.
Selon la Cour de cassation, constitue une perte de chance réparable, la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable.
Il résulte des pièces communiquées aux débats qu'une autorisation d'exploitation de carrière de sable à ciel ouvert sur la commune de [Localité 4] au lieu-dit «[Localité 5] », propriété de [I] [W] a été accordée à [I] [E] pour une durée de 10 ans à compter de la notification de l'arrêté du 2 juin 1987.
Une convention d'extraction de matériaux a été passée entre les mêmes parties le 1er juillet 1996 pour une durée de 10 ans à partir du 1er juillet 1996.
Les effets de cette convention ont donc cessé à compter du 1er juillet 2006.
Consécutivement et comme cela a été précisé, les parties ont envisagé une demande d'autorisation de carrière dès le 7 février 2005 en vue de l'exécution de la convention de fortage dont les parties situent l'entrée en vigueur en 2008.
L'intention de [I] [W] était donc de poursuivre l'extraction de sable et il ne peut prétendre obtenir à la fois la remise en état de son terrain avec restitution de l'intégralité du sable extrait et l'indemnisation de la perte de chance de percevoir un revenu locatif depuis la mise en demeure du 8 juillet 2021 estimant en effet que si son cocontractant s'était rapproché de lui avant de débuter les extractions, il ne se serait pas mis d'accord avec lui sur le prix et il aurait loué le terrain, ce qu'il n'a pu se faire.
Il ne démontre pas avoir sérieusement envisagé une telle option et que celle-ci avait des chances raisonnables de se concrétiser, de simples conjectures ne pouvant suffire à apporter une telle démonstration susceptible d'ouvrir indemnisation pour perte de chance.
Son préjudice indemnisable du fait de la résolution judiciaire du contrat consiste en une restitution en nature ou en valeur du sable prélevé, à une remise en état des lieux ou à la compensation du préjudice directement lié au défaut d'exécution du contrat et à l'allocation de dommages et intérêts en compensation des inconvénients directement générés par la résolution du contrat ; son indemnisation ne peut aboutir à le faire bénéficier d'un gain supplémentaire et à une double indemnisation de son préjudice. Ce chef de demande sera donc rejeté.
- Sur la résistance abusive :
[I] [W] sollicite la somme de 30'000 € de dommages-intérêts en confirmation du jugement déféré à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive en application des dispositions de l'article 1240 du Code civil qui dispose que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Il réclame à ce titre la somme additionnelle de 70'000 €.
La SEE [E] conteste ce chef de demande en se prévalant des dispositions de l'article 1231 du Code civil suivant lequel a moins que l'inexécution soit définitive les dommages-intérêts ne sont dus que si le débiteur a préalablement été mis en demeure de s'exécuter dans un délai raisonnable. L'article 1231-3 du même code prévoit que le débiteur n'est tenu que des dommages-intérêts qui ont été prévus ou qui pouvaient être prévus lors de la conclusion du contrat, sauf lorsque l'inexécution est due à une faute lourde ou dolosive. Le droit français interdit par ailleurs le cumul de responsabilité contractuelle et délictuelle. Elle relève également que dès que [I] [W] a sollicité le paiement elle s'est immédiatement exécutée et que celui-ci a refusé le règlement proposé.
L'article 1147 ancien du Code civil précise que le débiteur est condamné s'il y a lieu au paiement de dommages-intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y a aucune mauvaise foi de sa part.
En l'espèce la SEE [E] ne conteste pas ne pas avoir libéré le terrain et s'être maintenue sur place malgré la décision de justice exécutoire le condamnant sous astreinte à le faire.
L' exploitation de la carrière a eu lieu durant plusieurs années sans paiement de redevance à l'insu du propriétaire du terrain.
Outre la condamnation à restitution en nature, des dommages-intérêts sont donc dus et la somme de 30'000 € sera allouée à titre de dommages-intérêts en considération de l'ancienneté du litige et de la gravité des manquements du débiteur.
[I] [W] ne justifie pas de la consistance de son préjudice pour lui ouvrir droit à des dommages intérêts additionnels de 70'000 €. Ce chef de demande sera donc rejeté.
- Sur l' astreinte':
La SEE [E] fait valoir pour contester la condamnation sous astreinte, l'impossibilité d'exécuter la décision en quelques semaines. Dès le mois de mai 2023 elle a pris des mesures pour parvenir à une restitution ultérieure de la parcelle qui ne se limite pas à la parcelle de Monsieur [W].
[I] [W] sollicite la confirmation du jugement ce qu'il a ordonné à la SEE [E] de cesser l'occupation de la parcelle sous astreinte de 1000 € par jour de retard. Il constate qu'à ce jour ces dispositions n'ont pas été exécutées et la parcelle non restituée. Il fait remarquer que le troisième contrat de fortage effectif à compter de 2008 prévoyait une durée de 15 ans laquelle a aujourd'hui expiré, puisque le contrat en tout état de cause a pris fin le 30 janvier 2023. En vue de la fin du contrat la SEE [E] aurait dû nécessairement initier la procédure de cessation d'activité ICPE alors que rien n'a été fait.
Il résulte des documents versés à cet effet par la société [E] en particulier des pièces numéro 7, et 34, que la cessation définitive des travaux d'exploitation doit faire l'objet d'une déclaration d'abandon de travaux adressée au moins quatre mois avant la fin de la remise en état des lieux aux services compétents de la préfecture.
Une procédure administrative doit être mise en place et la libération de cette parcelle de l'emprise de la carrière ne peut en effet se faire de façon immédiate.
Compte tenu des différentes étapes administratives à respecter comme indiqué à la société [E] dans les documents qu'elle communique, il sera accordé à la société [E] un délai de huit mois à compter de la signification du présent arrêt, pour restituer le sable, libérer les lieux et les remettre en état suivant les modalités prescrites dans la décision .
L'astreinte sera de 1000 € par jour de retard à compter du délai de huit mois suivant la signification du présent arrêt.
La somme de 20'000 € sera allouée à [O] [W] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile correspondant aux frais irrépétibles engagés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort
Constate que l'exception d'estoppel elle n'a pas été soutenue en appel
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription
Le confirme en ce qu'il a prononcé la résolution judiciaire de la convention de fortage de 2008 conclue entre la Société d'exploitation des établissements [I] [E] et [O] [W]
Le confirme sur la condamnation de la Société d'Exploitation des établissements [I] [E] à payer à Monsieur [O] [W] la somme de 30'000 € à titre de dommages-intérêts
L'infirmant sur le surplus :
Condamne la Société d'Exploitation des établissements [I] [E] à restituer en nature à [I] [W] 233 025 m³ de sable c'est-à-dire 349'537,5 t sur la parcelle B998 à [Localité 4] de qualité équivalente à celui qui a été prélevé.
Condamne la Société d'Exploitation des établissements [I] [E] à procéder à une remise en état des lieux suivant les modalités suivantes : talutage des fronts d'exploitation, nivellement du carreau à des cotes voisines de 10mNGF et reboisement du site en forêt de production.
Condamne la Société d'Exploitation des établissements [I] [E] à payer à [I] [W] la somme de 6500 € en compensation du surplus de la taxe foncière pour les années 2018 à 2022 et la somme additionnelle de 2590 € en compensation du surplus de la taxe foncière pour les années 2023, 2024 et 2025.
Ordonne à la Société d'Exploitation des établissements [I] [E] de libérer la parcelle B998 appartenant à [I] [W] de toute installation et de toute occupation et à procéder à la restitution en nature et à la remise en état des lieux suivant les modalités prescrites au présent dispositif, dans un délai de huit mois à compter de la signification du présent arrêt sous astreinte de 1000 € par jour de retard .
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Condamne la Société d'Exploitation des établissements [I] [E] à payer à [I] [W] la somme de 20'000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel.
Dit la Société d'Exploitation des établissements [I] [E] tenue aux entiers dépens
Le présent arrêt a été signé par Madame PELLEFIGUES, Présidente, et par Madame Catherine SAYOUS, greffier suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Numéro 25/2474
COUR D'APPEL DE PAU
2ème CH - Section 1
ARRET DU 9 SEPTEMBRE 2025
Dossier : N° RG 23/01539 - N° Portalis DBVV-V-B7H-IRKQ
Nature affaire :
Demande en exécution ou en dommages-intérêts pour mauvaise exécution d'un autre contrat
Affaire :
S.A.R.L. SEE DES ETABLISSEMENTS [I] [E]
C/
[I] [W]
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 9 septembre 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 20 Mai 2025, devant :
Jeanne PELLEFIGUES, magistrat chargé du rapport,
assisté de Mme SAYOUS, Greffier présent à l'appel des causes,
Jeanne PELLEFIGUES, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Philippe DARRACQ et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente
Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller
Madame Joëlle GUIROY, Conseillère
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
S.A.R.L. SEE DES ETABLISSEMENTS [I] [E] Agissant poursuites et diligence de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Vincent LIGNEY de la SELARL DUALE-LIGNEY-BOURDALLE, avocat au barreau de TARBES
Assistée de Me Benoît DUCOS-ADER, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIME :
Monsieur [I] [W]
né le 23 Février 1959 à [Localité 6] (65)
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représenté par Me Sophie CREPIN de la SELARL SELARL LX PAU-TOULOUSE, avocat au barreau de PAU
Assisté de Me Clément PHALIPPOU, avocat au barreau de PARIS
sur appel de la décision
en date du 09 MAI 2023
rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE DAX
Par jugement contradictoire du 9 mai 2023, le tribunal de commerce de Dax a :
Débouté la société d'exploitation [I] [E] de sa demande an titre de l'exception d'Estoppel.
Débouté la société d'exploitation [I] [E] de sa demande de prescription à compter du 31 décembre 2013
Prononcé la résolution judiciaire de la convention de fortage liant les parties
Condamné la société d'exploitation [I] [E] à payer à Monsieur [I] [W] la somme de 517'330,30 € au titre de la restitution en valeur de l'intégralité du sable à compter de la signification du présent jugement
Ordonné à la société d'exploitation [I] [E] de cesser l'occupation de la parcelle B998 sous astreinte de 1000 € par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la signification du jugement à intervenir pour une période de 60 jours à l'issue de laquelle il pourra être à nouveau fait droit
Débouté Monsieur [I] [W] de sa demande de réservation de liquidation de l'astreinte
Débouté Monsieur [I] [W] de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice de la perte des pins
Condamné la société d'exploitation [I] [E] à payer à Monsieur [I] [W] la somme de 6500 € en compensation du surplus de la taxe foncière
Débouté Monsieur [I] [W] de sa demande de la somme de 50'000 € au titre de la perte de chance de percevoir un revenu locatif pour la parcelle cadastrée sous le numéro [Cadastre 3]
Condamné la société d'exploitation [I] [E] à payer à Monsieur [I] [W] la somme de 30'000 € à titre de dommages et intérêts et débouté du surplus de la demande
Débouté la société d'exploitation [I] [E] de ses demandes reconventionnelles
Condamné la société d'exploitation [I] [E] aux entiers dépens de l'instance dont les frais du présent jugement liquidés à la somme de 69,59 € TTC et frais nécessaire à l'exécution des présentes instances
Condamné la société d'exploitation [I] [E] à payer la somme de 10'000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile déboutant Monsieur [I] [W] pour le surplus.
Dit les parties mal fondées pour leurs demandes autres plus amples ou contraires, les en déboute.
Par déclaration du 1er juin 2023 la Société d'Exploitation des établissements [I] [E] a interjeté appel de la décision.
La Société d'exploitation des Etablissements [I] [E] conclut à :
' REFORMER le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Dax le 9 mai 2023 en ce qu'il a :
- Débouté la société d'exploitation [I] [E] de sa demande au titre de
l'exception d'Estoppel,
- Débouté la société d'exploitation [I] [E] de sa demande de prescription à compter du 31 décembre 2013,
- Prononcé la résolution judiciaire de la convention de fortage liant les parties,
- Condamné la société d'exploitation [I] [E] à payer à Monsieur [I] [F]
[W] la somme de 517.330,30 € au titre de la restitution en valeur de l'intégralité
du sable à compter de la signification du présent jugement,
- Ordonné à la société d'exploitation [I] [E] de cesser l'occupation de la
parcelle [Cadastre 3] sous astreinte de 1.000 € par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un
mois à compter de la signification du jugement à intervenir et pour une période de 60 jours à l'issue de laquelle il pourra être à nouveau fait droit,
- Condamné la société d'exploitation [I] [E] à payer à Monsieur [I] [F]
[W] la somme de 6.500 € en compensation du surplus de la taxe foncière,
- Condamné la société d'exploitation [I] [E] à payer à Monsieur [I] [F]
[W] la somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts,
- Débouté la société d'exploitation [I] [E] de ses demandes reconventionnelles,
- Condamné la société d'exploitation [I] [E] aux entiers dépens de l'instance dont les frais du présent jugement liquidés à la somme de 69.59 € TTC et frais
nécessaires à l'exécution des présentes,
- Condamné la société d'exploitation [I] [E] à payer la somme de 10.000 €
au titre de l'article 700 du CPC,
- Dit les parties mal fondées pour leurs demandes autres plus amples ou contraires, les
en déboute.
Y FAISANT DROIT, ET STATUANT A NOUVEAU :
A TITRE PRINCIPAL :
Vu l'article 2224 du code civil, ensemble l'article 122 du code de procédure civile et la jurisprudence en matière de prescription,
' DECLARER prescrite l'action de Monsieur [W],
' REJETER en conséquence l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
A TITRE SUBSIDIAIRE :
Vu les articles 1103, 1224 et 1226 du code civil,
Vu les articles 1189 et 1190 du même code,
Vu l'article 12 du Code de procédure civile,
' REJETER la demande de résolution du contrat aux torts exclusifs de la société [E],
' REJETER la demande de condamnation sous astreinte à quitter les lieux,
' FIXER le montant des sommes dues par la société [E] à 118.064 euros pour 233.000 mètres cube de sable,
A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE :
' DESIGNER tel expert qu'il plaira, aux fins de déterminer le prix du sable et le montant des sommes dues par la société [E],
' DIRE que les frais d'une telle expertise seront mis à la charge de Monsieur [W], à l'origine de la demande en paiement,
' ACCORDER les plus larges délais à la société [E] pour libérer la parcelle,
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
Vu les articles 1231 et 1231-3 du code civil,
Vu le principe de non-cumul des responsabilités délictuelles et contractuelles,
' REJETER le surplus des demandes, fins et prétentions de Monsieur [W], en ce compris les demandes formées à titre incident dans le cadre du présent appel,
' CONFIRMER la décision pour le surplus,
' CONDAMNER Monsieur [W] à payer à la société [E] la somme de 10.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
' LE CONDAMNER aux entiers dépens de première instance et d'appel.
[I] [W] conclut à':
Vu les articles 1134, 1147 et 1184 anciens du Code civil,
Vu les articles 1103, 1104, 1217, 1224 et suivants, 1231-1 et 1352, 2224 nouveaux du Code civil,
Vu l'article 915-2 alinéa 3 du Code de procédure civile,
Vu l'ensemble des pièces versées aux débats,
Il est demandé à la Cour d'appel de Pau de :
- DECLARER mal fondé l'appel formé par la SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS [I] [E] à l'encontre du jugement du Tribunal de commerce de Dax du 9 mai 2023 et, en conséquence, débouter l'appelante de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
Sur l'absence d'estoppel :
- CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Dax le 9 mai 2023 en ce qu'il a débouté la SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS [I] [E] de sa demande au titre de l'estoppel ;
Sur l'absence de prescription :
- CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Dax le 9 mai 2023 en ce qu'il a débouté la SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS [I] [E] de sa demande au titre de la prescription ;
Sur la résolution judiciaire de la convention de fortage :
- CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Dax le 9 mai 2023 en ce qu'il a prononcé la résolution judiciaire de la convention de fortage ;
- JUGER, en tout état de cause, que la durée de 15 ans prévue par le contrat de fortage a expiré depuis le 30 janvier 2023.
Sur les restitutions en valeur ou en nature :
- INFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Dax en ce qu'il a condamné la SEE [I] [E] à payer à Monsieur [I] [W] la somme de 517.330,30 € au titre de la restitution en valeur de l'intégralité du sable à compter de la signification du jugement ;
Et, statuant à nouveau,
- CONDAMNER la SEE [I] [E] à restituer en valeur l'intégralité du sable, pour un montant de 2,50 € par tonne, soit un paiement à Monsieur [I] [W] d'un montant total de 873.843,75 euros ;
Ou, alternativement,
- ORDONNER à la SEE [I] [E] de restituer en nature à Monsieur [I] [W] 233.025 m 3 de sable de qualité équivalente à celui extrait de la Parcelle (c'est-à-dire 349.537,5 tonnes) sur la parcelle [Cadastre 3] à [Localité 4] ;
Sur la cessation de l'occupation de la parcelle :
- CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Dax le 9 mai 2023 en ce qu'il a ordonné à la SEE [I] [E] de cesser l'occupation de la parcelle B998 sous astreint de de 1.000 € par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la signification du jugement à intervenir et pour une période de 60 jours à l'issue de laquelle il pourra être à nouveau fait droit ;
- REJETER la demande de la SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS [I] [E] de bénéficier de délais pour libérer la parcelle B998 ;
Sur l'indemnisation au titre du surplus de taxe foncière :
- CONFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Dax du 9 mai 2023 en ce qu'il a condamné la SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS [I] [E] à payer à Monsieur [I] [W] la somme de 6.500 € en compensation du surplus de la taxe foncière pour les années 2018 à 2022 ;
- CONDAMNER la SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS [I] [E] à payer à Monsieur [I] [W] la somme additionnelle de 2.590 € en compensation du surplus de la taxe foncière pour les années 2023, 2024 et 2025 ;
Sur l'indemnisation au titre de l'occupation de la parcelle malgré la résolution du contrat et malgré son expiration :
- CONDAMNER la SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS [I] [E] à payer à Monsieur [I] [W] une indemnité d'occupation d'un montant de 3.000 euros par mois à compter du 30 janvier 2023, soit un total à parfaire de 78.000 euros ;
Sur la perte de chance de percevoir un revenu locatif :
- INFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Dax en ce qu'il a débouté Monsieur [I] [W] de sa demande au titre de la perte de chance de percevoir un revenu locatif ;
Et, statuant à nouveau,
- CONDAMNER la SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS [I] [E] à payer à Monsieur [I] [W] la somme à parfaire de 90.000 euros au titre de la perte de chance, depuis la mise en demeure du 8 juillet 2021, de percevoir un revenu locatif pour la parcelle cadastrée sous le numéro B998, augmentée des intérêts légaux ;
Sur la résistance abusive :
- CONFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Dax du 9 mai 2023 en ce qu'il a condamné la SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS [I] [E] à payer à Monsieur [I] [W] la somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts ;
- INFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Dax en ce qu'il a débouté Monsieur [I] [W] du surplus de sa demande et, statuant à nouveau, CONDAMNER la SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS [I] [E] à payer à Monsieur [I] [W] la somme additionnelle de 70.000 € ;
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
- CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Dax du 9 mai 2023 en ce qu'il a condamné la SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS [I] [E] à payer à Monsieur [I] [W] la somme de 10.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance ;
- CONDAMNER la SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS [I] [E] à payer à Monsieur [I] [W] la somme additionnelle de 40.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- CONDAMNER la SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS [I] [E] aux entiers dépens d'appel.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 avril 2025.
SUR CE
[I] [W] est un exploitant agricole propriétaire d'une parcelle. de 30037 m² située à [Localité 4] cadastrée sous le numéro B998. La société d'exploitation [I] [E] en activité depuis 35 ans spécialisée dans l'exploitation de gravières et sablières est propriétaire d'un certain nombre de terrains. Cette société souhaitant exploiter une parcelle contiguë au terrain de [I] [W] afin d'extraire du sable a conclu avec ce dernier un contrat les 1er juillet 1983 et 1er juillet 1996, chacun pour une durée de 10 ans ; les relations contractuelles se faisaient directement entre [I] [W] et [I] [E] puis à compter de 1989 par l'intermédiaire de la société d'exploitation [I] [E]. [I] [W] et la société d'exploitation [I] [E] ont conclu un troisième contrat entré en vigueur en 2008 s'intitulant : « convention de fortage » en vertu duquel [I] [W] a consenti à la société [E] le droit d'extraire et de disposer du sable se trouvant sur la parcelle cadastrée [Cadastre 3] pour une durée de 15 ans.
En vertu du contrat de 2008, les parties ont convenu que le montant de la redevance due à [I] [W] en cas d'extraction ferait l'objet d'un acte séparé.
Fin février 2019, un courrier de la direction générale des finances publiques a informé [I] [W] qu'elle envisageait de rectifier le montant de la taxe foncière au motif que la parcelle était exploitée depuis au moins 2017.
Selon [I] [W] la société [E] n'a pas communiqué les autorisations administratives nécessaires pour l'exploitation de la parcelle et n'aurait pas déclaré son intention de débuter les extractions. [I] [W] a demandé à la société de cesser les extractions, de remettre la parcelle dans son état initial et de quitter les lieux. Par courrier du 6 juillet 2020 la société [E] a proposé le règlement des extractions. Et par courrier du 17 juillet 2020 la société a informé [I] [W] qu'un virement d'une somme de 122'325 € avait été effectué. [I] [W] a rejeté ce paiement au motif qu'aucun accord sur le prix de la tonne à date n'a été conclu entre les parties.
C'est dans ce contexte que [I] [F] [W] a fait assigner par acte d' huissier du 14 octobre 2021, la société d'exploitation [I] [E] devant le tribunal de commerce de Dax pour juger notamment que la société a gravement manqué à ses obligations contractuelles et ainsi prononcer la résolution de la convention de fortage de 2008 sur le fondement des articles 1184 ancien et 1224 nouveau du Code civil et se prononcer sur les restitutions en nature en m3 de sable de qualité équivalente à celui extrait de la parcelle c'est-à-dire 349'537,5 t. Il a sollicité également la remise en état de la parcelle après libération de celle-ci sous astreinte.
Le tribunal de commerce de DAX a statué par la décision dont appel en prononçant notamment la résolution judiciaire du contrat.
Il sera constaté qu'en cause d'appel l'exception d'estoppel n'est plus soutenue.
- Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription :
A titre principal la SEE [I] [E] se fondant sur les dispositions de l'article 2224 du Code civil, soulève la prescription de l'action engagée par Monsieur [W] dans la mesure où ce dernier avait connaissance de l'exploitation de la parcelle par son cocontractant depuis plus de cinq ans à la date de l'acte introductif d'instance.
La prescription était nécessairement acquise lorsque Monsieur [W] a entendu remettre en cause les accords passés entre les parties et assigner la société pour des faits remontant à plus de 40 ans.
Elle considère apporter quatre éléments-clés pour soutenir sa démonstration et en l'occurrence la participation de Monsieur [W] à la demande d'autorisation préfectorale de défricher le terrain et exploiter la carrière, la publication des autorités administratives les rendant opposables aux tiers, le dépôt de permis de construire en 1996 concernant des bureaux que la société [E] a souhaité installer sur la carrière, l'attestation de témoin confirmant la parfaite connaissance par Monsieur [W] de la situation.
[I] [W] conclut au rejet de la fin de non recevoir tirée de la prescription affirmant n'avoir découvert les extractions menées sauvagement par la SEE [E] que le 27 février 2019 à la réception du courrier de la Direction Générale des Finances Publiques l'avisant de la rectification du montant de la taxe foncière 2018 au motif que la parcelle était exploitée.
Il n'avait aucune raison de se douter de cette exploitation d'autant plus que la SEE [E] ne lui avait jamais communiqué l'autorisation administrative nécessaire pour l'exploitation de la parcelle, ne lui avait jamais déclaré son intention de débuter les extractions et n'avait pas pris attache avec lui pour parvenir à un accord sur le montant de la redevance.
Il serait d'ailleurs incompréhensible qu'il ait laissé extraire depuis plusieurs années plus de 233'000 m³ de sable de sa parcelle sans demander la moindre redevance.
L'article 2224 du Code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Le point de départ du délai de prescription doit s'apprécier par rapport à la connaissance du demandeur à l'action des faits lui permettant de l'exercer.
En l'espèce, [I] [W] sollicite la résolution judiciaire de la convention de fortage conclue entre les parties, entrée en vigueur en 2008.
Il résulte des termes mêmes de cette convention, s'agissant des obligations mises à la charge de la SEE [I] [E], que celle-ci devra porter à la connaissance de Monsieur [I] [W], sur simple demande de sa part, la date ou les dates auxquelles elle aura déposé la ou les demandes d'autorisations administratives ou autres nécessaires à l'exploitation des parcelles concédées et surtout :
« la SEE [I] [E] devra notifier à Monsieur [W] par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, la date d'obtention desdites autorisations et notamment de celle qui rendra définitive pour elle la faculté d'exploiter lesdites parcelles ' »
La SEE [I] [E] ne démontre pas avoir notifié à [I] [W] la date à laquelle elle a obtenu l'autorisation définitive d'exploiter.
Elle ne peut se fonder sur des suppositions quant à la connaissance par [I] [W] de l'exploitation de la carrière alors que, suivant jurisprudence de la Cour de cassation, la prescription quinquennale ne court pas lorsque la créance dépend d'éléments qui ne sont pas connus du créancier et doivent résulter de déclarations que le débiteur est tenu de lui faire.
Le point de départ de la prescription se situe par conséquent au 27 février 2019, date à laquelle la direction générale des finances publiques a notifié à [I] [W] la rectification pour l'année 2018 de la taxe foncière sur les biens situés commune de [Localité 4], faute de déclaration de cette carrière exploitée par les établissements [E].
La fin de non recevoir tirée de la prescription sera écartée puisque l'action engagée en justice par l'assignation du 14 octobre 2021 l'a été dans le délai légal de cinq ans comptabilisé à partir du 27 février 2019.
Cette action est donc recevable comme non prescrite.
- Sur la résolution judiciaire du contrat :
La SEE [E] rappelle les relations amicales que [I] [E], fondateur de la société, entretenait avec [I] [W] depuis le plus jeune âge de celui-ci.
Il a souhaité exploiter la parcelle B998 de son voisin par l'intermédiaire de la Société d'Exploitation des établissements [I] [E].
Une convention d'extraction de matériaux a été signée le 1er juillet 1983 accompagnée d'un avenant du même jour fixant le montant de la redevance à hauteur d'un franc par tonne, étant prévu que [I] [E] ferait son affaire des demandes d'autorisation d'exploiter la préfecture.
C'est ainsi que [I] [W] a accepté en sa qualité de propriétaire de la parcelle de l'aider afin de formuler officiellement la demande d'autorisation auprès de l'autorité préfectorale pour défricher la parcelle concernée et l'exploiter.
Par correspondance du 12 août 1985, intitulée « autorisation de défricher et ouverture de carrière », la préfecture des Landes notifiait à [I] [W] la décision préfectorale l'autorisant officiellement à défricher sa parcelle.
Par arrêté préfectoral du 2 juin 1987, l'autorisation d'exploiter la carrière de sable à ciel ouvert était rendue pour une durée de 10 ans à compter de sa notification.
À compter du 2 juin 1987 date de l'arrêté préfectoral , [I] [E] et par la suite sa société n'ont jamais cessé d'exploiter la carrière et le sable extrait au vu et au su de [I] [W] qui avait participé à l'établissement du dossier de demande d'autorisation administrative.
[I] [E] déclare depuis chaque année à la direction régionale de l'industrie et de la recherche la production annuelle de la carrière et la teneur de son exploitation.
Les parties ont par la suite reconduit leur contrat sans interruption par la signature de conventions en 1996 et 2005 pour les besoins de l'administration.
L'exploitation de la parcelle a donc été effectuée en continu à compter de 1997 et jusqu'en 2012 tel que le démontre l'historique des photographies IGN versées aux débats par les appelants.
Il est précisé que en dehors de cette parcelle, Monsieur [W] est également propriétaire d'autres terres sur la commune de [Localité 7] qui ont fait l'objet également d'une convention de fortage avec la société [E] qui perdure depuis plusieurs années notamment en vertu d'une convention d'extraction de matériaux signée le 8 décembre 2017 entre les parties. Cette convention bien que ne concernant pas directement le litige est néanmoins importante concernant la question du prix du contrat objet de la présente action puisque la société a toujours procédé à des règlements relativement importants concernant l'exploitation de ces terres ce qui n'est pas contesté par la partie adverse qui a d'ailleurs reconduit le contrat en 2017.
Les conventions sur la parcelle B998 objet de l'instance prévoyaient que le montant de la redevance serait déterminé ultérieurement mais Monsieur [W] et Monsieur [E] en leur temps avaient décidé de ne pas faire application de ces dispositions, les règlements effectués au titre du second contrat étant compris dans ceux du premier.
Ce fonctionnement informel s'inscrivait dans le cadre des relations amicales entretenues entre les parties mais correspondait également aux usages et pratiques en matière de fortage et d'exploitation de carrière et ce fonctionnement s'est poursuivi pendant des années.
Après le décès de Monsieur [E] en octobre 2017, sa fille a travaillé en étroite collaboration avec Monsieur [W] jusqu'à son départ de l'entreprise le 15 avril 2019 et à la cession de ses parts à ses frères en janvier 2021.
À compter de 2020 les relations entre les deux fils de Monsieur [E] et Monsieur [W] ont commencé à se détériorer.
Monsieur [W] a décidé de revenir sur les accords conclus avec Monsieur [I] [E] au titre de la contrepartie financière de l'exploitation de la parcelle pourtant respectés depuis des années en prétextant avoir découvert l'exploitation de la carrière par cette dernière en février 2019 lors de la réception d'une correspondance de la direction générale des finances publiques, reprochant à la société [E] de ne pas avoir déclaré son intention de débuter l'exploitation des extractions de sable.
Un règlement de la somme de 122'325 € correspondant au paiement des sommes dues au titre des extractions intervenues depuis les derniers règlements conformément à la valeur du sable à l'époque était alors effectuée par la société [E] dès le 17 juillet 2020 et refusé par Monsieur [W].
La SEE [I] [E] conclut au rejet de la demande de résolution du contrat à ses torts arguant de sa bonne foi et alors que l'inexécution contractuelle doit être suffisamment grave pour justifier une telle résolution pourtant prononcée par le tribunal de commerce ; elle souligne que les obligations essentielles du contrat ont été exécutées. Elle fait valoir le respect de son obligation de règlement de la redevance sur demande de Monsieur [W] qui continue de percevoir des redevances pour l'exploitation de la carrière de [Localité 7] qui ne l'est pourtant plus depuis des années. Elle a en effet principalement été exploitée entre 1985 et 2007 et depuis cette date n'a pas bougé. Monsieur [W] ne produit pas de demande de règlement de redevances antérieures à 2020, Aucun manquement à l'obligation de règlement ne peut lui être reproché.
[I] [W] sollicite la confirmation du jugement rendu en ce qu'il a prononcé la résolution judiciaire du contrat de fortage en dénonçant les graves manquements contractuels de la SEE [E] dans le cadre du troisième contrat de fortage, à savoir :
- ne pas avoir notifié par lettre recommandée avec accusé de réception l' autorisation administrative d'exploitation de la parcelle [Cadastre 3] ;
- ne pas avoir fait de déclaration préalable auprès de Monsieur [W] avant toute exploitation de la parcelle [Cadastre 3],
- avoir extrait de la parcelle plus de 233'000 m³ de sable en l'absence d'accord sur le prix à la tonne
- plus généralement, avoir manqué à son obligation de bonne foi dans l'exécution du contrat.
Il dénonce la confusion grossière que tente d'entretenir la partie adverse sur les conventions conclues entre les parties et les démarches administratives réalisées en 1985 faites dans le cadre du contrat de fortage conclu le 1er juillet 1983 lequel n'a donné lieu à aucune extraction de sable ni aucune redevance.
Ainsi avoir le droit, d'un point de vue administratif et réglementaire, d'exploiter une carrière de sable et procéder à des extractions de sable au mépris des stipulations contractuelles, à l'insu du propriétaire de la carrière, sont deux choses très différentes.
Il rappelle la définition du contrat de fortage par lequel le propriétaire d'une carrière concède à un exploitant le droit d'en extraire les matériaux en contrepartie d'une redevance. Ce contrat s'analyse en un contrat de vente de meubles par anticipation.
Le prix est un élément constitutif de la vente. En effet l'article 1591 du Code civil dispose que : « le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties. »
Il est constant que le prix faute d'être déterminé doit être au moins déterminable.
À l'évidence l'absence de prix convenu entre les parties empêchait toute vente.
Il reproche à la SEE [E] d'avoir manqué à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat et de n'avoir jamais payé la moindre redevance. Elle a d'ailleurs elle-même admis en première instance que les redevances versées dans le cadre du contrat de fortage de la carrière de [Localité 7] ne concernaient que cette carrière. En outre dans son courriel du 5 juin 2020 la SEE [E] a expressément reconnu qu'elle avait extrait 233'000 m³ de la parcelle sans que Monsieur [W] ne perçoive quoi que ce soit.
***
L'article 1184 du Code civil en vigueur jusqu'au 1er octobre 2016, applicable en l'espèce en raison de la date à laquelle la convention de fortage est entrée en vigueur soit 2008 dispose que :
« la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des parties ne satisfera point à son engagement.
Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages-intérêts. »
Il ressort de la jurisprudence que l'inexécution est suffisamment grave pour justifier la résolution du contrat notamment dans les cas suivants : lorsque le manquement porte sur une obligation essentielle du contrat, lorsque le préjudice subi par le créancier est substantiel, lorsque le débiteur est, soit de mauvaise foi, soit adopte une conduite déloyale.
Il résulte de la convention de fortage de 2008 , qu'en contrepartie des droits d'extraction qui lui sont concédés, la SEE [I] [E] s'oblige à payer à Monsieur [W] [I] [F], une redevance proportionnelle aux matières extraites qui feront l'objet d'un avenant au présent contrat. « La redevance ou l'indemnité sera due dès la prise d'effet de la présente convention. »
À cet effet il était prévu que la SEE [I] [E] notifie à [I] [W], la date d'obtention des autorisations administratives nécessaires et notamment de celle qui rendra définitive pour elle la faculté d'exploiter lesdites parcelles.
En définitive, la SEE [I] [E], comme le montre un mail du 5 juin 2020, versé aux débats, reconnaît avoir exploité les matériaux extraits de la parcelle [Cadastre 3] en approuvant la méthodologie retenue pour aboutir à une quantité de 233'000 'm3.
Elle admet que Monsieur [I] [W] n'a perçu aucune somme depuis le début de l'exploitation de sa parcelle.
La quantité de sable extraite entre 2005 et 2020 a été évaluée par un géomètre expert à partir d'un plan topographique comme représentant un volume de 233'025 m³ suivant calcul de cubature réalisé à partir des relevés de 2005 et 2020.
Ce volume n'est pas contesté par la SEE [I] [E].
En ayant manqué à son obligation d'information en ce qui concerne l'autorisation d'exploitation de la carrière en vertu de la convention de fortage de 2008 et en ne payant pas le prix du sable extrait, la SEE [I] [E] a gravement manqué à ses obligations contractuelles. Ces manquements justifient la résolution judiciaire du contrat à ses torts.
- Sur les conséquences de la résolution du contrat':
La SEE [E], dans l'éventualité du rejet de la prescription et d'une condamnation à paiement, sollicite la réduction de la demande en paiement et si sa méthode de calcul n'était pas retenue, la désignation d'un expert judiciaire ayant pour mission de déterminer le prix du sable.
Soutenant que l'exploitation a été continue de 1997 à 2012 elle considère que le prix fixé entre les parties dans le cadre de l'avenant de 1983 a vocation à s'appliquer. Elle propose donc un prix évalué à 118'064 € pour 233'000 m³ de sable.
Subsidiairement elle propose la désignation d'un expert judiciaire pour déterminer la valeur du sable extrait depuis l'origine de son exploitation.
La SEE [E] conteste la demande de paiement d'indemnités d'occupation en considérant qu'il s'agit d'une demande nouvelle qui n'a été formulée qu'au terme d'un troisième jeu d'écriture devant la cour d'appel notifié en juin 2023 qui doit être déclaré irrecevable en application de l'article 564 du code de procédure civile.
En tout état de cause elle sollicite le rejet des demandes de dommages intérêts.
[I] [W] ,s'agissant des conséquences de la résolution judiciaire du contrat et des restitutions sollicite une restitution en valeur ou en nature et en cas de restitution en valeur, l'infirmation du jugement déféré en demandant la condamnation de la SEE [E] à lui payer la somme de 873'843,75 € au lieu de 517'330,30 €.
Il s'appuie sur les dispositions de l'article 1229 du Code civil précisant que la résolution met fin au contrat et que les restitutions ont lieu dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1359 du même code. Ainsi conformément à l'article 1352 du Code civil, « la restitution d'une chose autre que d'une somme d'argent à lieu en nature ou, lorsque cela est impossible, en valeur, estimée au jour de la restitution. »
Il reproche au tribunal de commerce de s'être référé au prix convenu entre les parties dans l'avenant à la convention du 1er juillet 1983, y avoir appliqué l'indice de prix de production de l'industrie française pour le marché sable et granulats non prévu par l'avenant à la convention du 1er juillet 1983. Néanmoins le prix convenu prévu dans l'avenant à la convention de 1983 ne saurait en aucun cas servir de référence pour la détermination de la valeur actuelle du sable restitué car ladite convention a pris fin en 1993 au terme de la durée contractuellement prévue. Lorsque les parties ont entendu conclure une troisième convention de fortage, elles ont pris soin de ne se référer ni au prix de 1983 ni plus généralement au contrat de 1983 ou même au contrat de 1996. L'absence d'accord ultérieur prévu au contrat ne saurait être pallié par l'avenant de 1983 qui n'est plus opposable aux parties depuis 1993 soit depuis plus de 30 ans.
Il sollicite l'octroi de dommages et intérêts, la compensation du surplus de la taxe foncière en confirmation du jugement lui octroyant la somme de 6500 € au titre du surplus de la taxe foncière de 2018 à 2022 ainsi que la somme de 2590 € au titre du surplus de taxe foncière pour les années 2023, 2024 et 2025.
Il sollicite une indemnité d'occupation en raison de cette occupation illicite qu'il évalue forfaitairement à la somme de 3000 € par mois depuis le 30 janvier 2023 soit un total à parfaire de 78'000 €. Il demande également la compensation de la perte de chance de percevoir un revenu locatif de la parcelle à hauteur de 90'000 € hors-taxes à parfaire.
Il ajoute en effet que conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, la résolution de la vente emporte l'anéantissement rétroactif du contrat et remise des choses dans leur état antérieur.
Si le contrat n'avait pas existé, Monsieur [W] aurait pu à la fois conserver le sable loué, la parcelle et percevoir des loyers à ce titre. Il sollicite donc la somme de 90'000 € au titre de la perte de chance depuis la mise en demeure du 8 juillet 2021, de percevoir un revenu locatif pour la parcelle cadastrée sous le numéro B998 (augmentée des intérêts légaux).
Il sollicite la somme de 30'000 € de dommages-intérêts en confirmation du jugement déféré à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive en application des dispositions de l'article 1240 du Code civil qui dispose que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Il réclame à ce titre la somme additionnelle de 70'000 €.
***
Sous l'égide des dispositions légales applicables avant l'ordonnance du 10 février 2016, les restitutions résultant d'une résolution contractuelle sont considérées comme un effet direct et nécessaire de l'anéantissement du contrat, la remise des choses dans le même état qu'avant la vente étant une conséquence légale de la résolution.
La résolution du contrat conduit à un anéantissement rétroactif du contrat. Cela implique pour les parties de revenir au statu quo ante, comme si le contrat n'avait jamais existé. Ce principe est directement issu d'une transposition de la règle énoncée pour la clause résolutoire à l'ancien article 1183 du Code civil. Cette disposition prévoyait que « la condition résolutoire est celle qui, lorsqu'elle s'accomplit, opère la révocation de l'obligation, et qui remet les choses au même état que si l'obligation n'avait pas existé. »
S'agissant d'un contrat de vente, dans un arrêt du 22 juin 2005, la Cour de cassation a par exemple affirmé que : « la résolution de la vente emporte anéantissement rétroactif du contrat et remise des choses dans leur état antérieur. »
Il en résulte alors l'obligation pour les parties de se restituer en nature, ou par équivalent, les prestations exécutées, l'objectif étant de revenir au statu quo ante.
La SEE [E] ne conteste pas la quantité de sable extrait mais le prix correspondant à sa valeur. Elle n'est pas d'accord sur le prix demandé par [I] [W] ni sur le prix évalué par le tribunal de commerce et sollicite une expertise pour déterminer le prix.
Elle ne présente cependant aucun argument de nature à contester la demande de restitution en nature des quantités de sable prélevé alors que la résolution judiciaire du contrat a été prononcée en raison de ses manquements et à ses torts et que [I] [W] a le choix entre une restitution en nature ou en valeur.
La SEE [E], en sa qualité de société spécialisée dans l'exploitation de gravières et sablières, est en mesure d'accéder à cette demande de restitution en nature et ne prétend ni ne démontre être dans l'incapacité de le faire.
[I] [W] verse aux débats en pièce 13 le calcul fait par un géomètre expert immobilier près la cour d'appel comptabilisant durant la période 2005 à 2020 la quantité qui a été prélevée et qui n'est pas contestée par la partie adverse qui a validé lors de l'échange de mails précité entre les parties la méthode d'évaluation de l'expert géomètre.
La SEE [E] sera donc condamnée à restituer à [I] [W] la quantité de sable prélevé soit 233'025 m³ c'est-à-dire 349'537,5 t sur la parcelle [Cadastre 3] à [Localité 4].
La Société d'Exploitation des établissements [I] [E] devra justifier de ce que la qualité du sable restitué correspond au sable prélevé dans la carrière concernée.
Elle sera également condamnée à procéder à une remise en état des lieux suivant les modalités qui étaient prévues, lors de la demande d'autorisation d'exploitation présentée auprès de la préfecture des Landes en août 2006 et versée en pièce numéro 14 par la société [E]. En effet à cette occasion par courrier du 6 octobre 2006 le directeur régional de l'environnement avait précisé que la remise en état consistait en un : « talutage des fronts d'exploitation, le nivellement du carreau à des cotes voisines de 10mNGF et un reboisement du site en forêt de production. »
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné la SEE [E] à payer à [I] [W] la somme de 6500 € en compensation du surplus de la taxe foncière pour les années 2018 à 2022 et la SEE [E] condamnée à payer la somme additionnelle de 2590 € en compensation du surplus de la taxe foncière pour les années 2023, 2024 et 2025.
Elle ne conteste pas cette demande dont il est justifié par [I] [W] par le redressement fiscal dont il a fait l'objet et la taxe à laquelle il est soumis du fait de l'exploitation du terrain par la SEE [E] qui occupe toujours le terrain à ce jour malgré la condamnation sous astreinte à libérer les lieux.
[I] [W] sollicite une indemnisation par le paiement d'une indemnité d'occupation d'un montant de 3000 € par mois à compter du 30 janvier 2023 soit un total à parfaire de 78'000 €.
Cette demande est recevable même si elle a été formulée pour la première fois en cause d'appel puisqu'elle se rattache par un lien suffisant aux prétentions initiales s'agissant d'obtenir des dommages-intérêts de la part de la SEE [E].
[I] [W] prétend que la convention de 2008 a cessé dès le 30 janvier 2023 en raison d'une durée de 15 ans précisée par la convention.
Cependant la convention que les parties datent de 2008, n'est pas datée et précise que le droit d'extraction est concédé pour une durée de 15 ans à compter de la date d'autorisation du projet.
Il résulte des documents versés par la SEE [E] que la copie de cette convention de fortage pour la nouvelle demande d'autorisation de carrière de [H] a été transmise dès le 7 février 2005 par [U] [E] au cabinet chargé d'obtenir une nouvelle demande d'autorisation de carrière.
Étant donné que la notification de l'autorisation administrative d'exploiter n'a pas été transmise à [I] [W] par la SEE [E], aucun délai ne peut être comptabilisé et ce d'autant plus que la convention de fortage a été annulée avec effet rétroactif.
[I] [W] ne saurait obtenir à la fois la restitution du sable permettant de revenir à la situation antérieure au contrat et le paiement d'une indemnité d'occupation ce qui reviendrait à une double indemnisation. Ce chef de demande sera donc rejeté.
S'agissant de sa demande tenant à la perte de chance de percevoir un revenu locatif de la parcelle, il a chiffre la somme de 90'000 € depuis la mise en demeure du 8 juillet 2021 de percevoir un revenu locatif pour cette parcelle.
Selon la Cour de cassation, constitue une perte de chance réparable, la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable.
Il résulte des pièces communiquées aux débats qu'une autorisation d'exploitation de carrière de sable à ciel ouvert sur la commune de [Localité 4] au lieu-dit «[Localité 5] », propriété de [I] [W] a été accordée à [I] [E] pour une durée de 10 ans à compter de la notification de l'arrêté du 2 juin 1987.
Une convention d'extraction de matériaux a été passée entre les mêmes parties le 1er juillet 1996 pour une durée de 10 ans à partir du 1er juillet 1996.
Les effets de cette convention ont donc cessé à compter du 1er juillet 2006.
Consécutivement et comme cela a été précisé, les parties ont envisagé une demande d'autorisation de carrière dès le 7 février 2005 en vue de l'exécution de la convention de fortage dont les parties situent l'entrée en vigueur en 2008.
L'intention de [I] [W] était donc de poursuivre l'extraction de sable et il ne peut prétendre obtenir à la fois la remise en état de son terrain avec restitution de l'intégralité du sable extrait et l'indemnisation de la perte de chance de percevoir un revenu locatif depuis la mise en demeure du 8 juillet 2021 estimant en effet que si son cocontractant s'était rapproché de lui avant de débuter les extractions, il ne se serait pas mis d'accord avec lui sur le prix et il aurait loué le terrain, ce qu'il n'a pu se faire.
Il ne démontre pas avoir sérieusement envisagé une telle option et que celle-ci avait des chances raisonnables de se concrétiser, de simples conjectures ne pouvant suffire à apporter une telle démonstration susceptible d'ouvrir indemnisation pour perte de chance.
Son préjudice indemnisable du fait de la résolution judiciaire du contrat consiste en une restitution en nature ou en valeur du sable prélevé, à une remise en état des lieux ou à la compensation du préjudice directement lié au défaut d'exécution du contrat et à l'allocation de dommages et intérêts en compensation des inconvénients directement générés par la résolution du contrat ; son indemnisation ne peut aboutir à le faire bénéficier d'un gain supplémentaire et à une double indemnisation de son préjudice. Ce chef de demande sera donc rejeté.
- Sur la résistance abusive :
[I] [W] sollicite la somme de 30'000 € de dommages-intérêts en confirmation du jugement déféré à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive en application des dispositions de l'article 1240 du Code civil qui dispose que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Il réclame à ce titre la somme additionnelle de 70'000 €.
La SEE [E] conteste ce chef de demande en se prévalant des dispositions de l'article 1231 du Code civil suivant lequel a moins que l'inexécution soit définitive les dommages-intérêts ne sont dus que si le débiteur a préalablement été mis en demeure de s'exécuter dans un délai raisonnable. L'article 1231-3 du même code prévoit que le débiteur n'est tenu que des dommages-intérêts qui ont été prévus ou qui pouvaient être prévus lors de la conclusion du contrat, sauf lorsque l'inexécution est due à une faute lourde ou dolosive. Le droit français interdit par ailleurs le cumul de responsabilité contractuelle et délictuelle. Elle relève également que dès que [I] [W] a sollicité le paiement elle s'est immédiatement exécutée et que celui-ci a refusé le règlement proposé.
L'article 1147 ancien du Code civil précise que le débiteur est condamné s'il y a lieu au paiement de dommages-intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y a aucune mauvaise foi de sa part.
En l'espèce la SEE [E] ne conteste pas ne pas avoir libéré le terrain et s'être maintenue sur place malgré la décision de justice exécutoire le condamnant sous astreinte à le faire.
L' exploitation de la carrière a eu lieu durant plusieurs années sans paiement de redevance à l'insu du propriétaire du terrain.
Outre la condamnation à restitution en nature, des dommages-intérêts sont donc dus et la somme de 30'000 € sera allouée à titre de dommages-intérêts en considération de l'ancienneté du litige et de la gravité des manquements du débiteur.
[I] [W] ne justifie pas de la consistance de son préjudice pour lui ouvrir droit à des dommages intérêts additionnels de 70'000 €. Ce chef de demande sera donc rejeté.
- Sur l' astreinte':
La SEE [E] fait valoir pour contester la condamnation sous astreinte, l'impossibilité d'exécuter la décision en quelques semaines. Dès le mois de mai 2023 elle a pris des mesures pour parvenir à une restitution ultérieure de la parcelle qui ne se limite pas à la parcelle de Monsieur [W].
[I] [W] sollicite la confirmation du jugement ce qu'il a ordonné à la SEE [E] de cesser l'occupation de la parcelle sous astreinte de 1000 € par jour de retard. Il constate qu'à ce jour ces dispositions n'ont pas été exécutées et la parcelle non restituée. Il fait remarquer que le troisième contrat de fortage effectif à compter de 2008 prévoyait une durée de 15 ans laquelle a aujourd'hui expiré, puisque le contrat en tout état de cause a pris fin le 30 janvier 2023. En vue de la fin du contrat la SEE [E] aurait dû nécessairement initier la procédure de cessation d'activité ICPE alors que rien n'a été fait.
Il résulte des documents versés à cet effet par la société [E] en particulier des pièces numéro 7, et 34, que la cessation définitive des travaux d'exploitation doit faire l'objet d'une déclaration d'abandon de travaux adressée au moins quatre mois avant la fin de la remise en état des lieux aux services compétents de la préfecture.
Une procédure administrative doit être mise en place et la libération de cette parcelle de l'emprise de la carrière ne peut en effet se faire de façon immédiate.
Compte tenu des différentes étapes administratives à respecter comme indiqué à la société [E] dans les documents qu'elle communique, il sera accordé à la société [E] un délai de huit mois à compter de la signification du présent arrêt, pour restituer le sable, libérer les lieux et les remettre en état suivant les modalités prescrites dans la décision .
L'astreinte sera de 1000 € par jour de retard à compter du délai de huit mois suivant la signification du présent arrêt.
La somme de 20'000 € sera allouée à [O] [W] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile correspondant aux frais irrépétibles engagés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort
Constate que l'exception d'estoppel elle n'a pas été soutenue en appel
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription
Le confirme en ce qu'il a prononcé la résolution judiciaire de la convention de fortage de 2008 conclue entre la Société d'exploitation des établissements [I] [E] et [O] [W]
Le confirme sur la condamnation de la Société d'Exploitation des établissements [I] [E] à payer à Monsieur [O] [W] la somme de 30'000 € à titre de dommages-intérêts
L'infirmant sur le surplus :
Condamne la Société d'Exploitation des établissements [I] [E] à restituer en nature à [I] [W] 233 025 m³ de sable c'est-à-dire 349'537,5 t sur la parcelle B998 à [Localité 4] de qualité équivalente à celui qui a été prélevé.
Condamne la Société d'Exploitation des établissements [I] [E] à procéder à une remise en état des lieux suivant les modalités suivantes : talutage des fronts d'exploitation, nivellement du carreau à des cotes voisines de 10mNGF et reboisement du site en forêt de production.
Condamne la Société d'Exploitation des établissements [I] [E] à payer à [I] [W] la somme de 6500 € en compensation du surplus de la taxe foncière pour les années 2018 à 2022 et la somme additionnelle de 2590 € en compensation du surplus de la taxe foncière pour les années 2023, 2024 et 2025.
Ordonne à la Société d'Exploitation des établissements [I] [E] de libérer la parcelle B998 appartenant à [I] [W] de toute installation et de toute occupation et à procéder à la restitution en nature et à la remise en état des lieux suivant les modalités prescrites au présent dispositif, dans un délai de huit mois à compter de la signification du présent arrêt sous astreinte de 1000 € par jour de retard .
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Condamne la Société d'Exploitation des établissements [I] [E] à payer à [I] [W] la somme de 20'000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel.
Dit la Société d'Exploitation des établissements [I] [E] tenue aux entiers dépens
Le présent arrêt a été signé par Madame PELLEFIGUES, Présidente, et par Madame Catherine SAYOUS, greffier suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,