CA Pau, 2e ch - sect. 1, 9 septembre 2025, n° 24/00174
PAU
Arrêt
Autre
JP/PM
Numéro 25/2475
COUR D'APPEL DE PAU
2ème CH - Section 1
ARRET DU 9 SEPTEMBRE 2025
Dossier : N° RG 24/00174 - N° Portalis DBVV-V-B7I-IXMT
Nature affaire :
Demande en paiement des loyers et charges et/ou tendant à la résiliation du bail et/ou à l'expulsion
Affaire :
S.A.S. SMAS TOURISME
C/
[Z] [O]
[S] [B] épouse [O]
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 9 septembre 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 20 Mai 2025, devant :
Jeanne PELLEFIGUES, magistrat chargé du rapport,
assisté de Mme SAYOUS, Greffier présent à l'appel des causes,
Jeanne PELLEFIGUES, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Philippe DARRACQ et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente
Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller
Madame Joëlle GUIROY, Conseillère
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
S.A.S. SMAS TOURISME Prise en la personne de son représentant légal et domiciliée audit siège
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me David BONNEMASON CARRERE de la SELARL ACBC, avocat au barreau de PAU
Assistée de Me Christian BEER, avocat au barreau de PARIS
INTIMES :
Monsieur [Z] [O]
né le 16 Juin 1970 à [Localité 8]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Madame [S] [B] épouse [O]
née le 05 Juillet 1969 à [Localité 10] (33)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentés par Me Marion COUSIN-CERES, avocat au barreau de MONT-DE-MARSAN
Assistés de Me Nicolas ALBRESPY, avocat au barreau de BORDEAUX
sur appel de la décision
en date du 29 NOVEMBRE 2023
rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE [Localité 9]
Par jugement contradictoire du 29 novembre 2023, le tribunal judiciaire de MONT DE MARSAN a :
DEBOUTE Monsieur [Z] [O] et Madame [S] [B] épouse [O] de leur demande de résiliation judiciaire du bail commercial conclu le 18 mars 2013 avec la SAS SMAS TOURISME ;
DEBOUTE Monsieur [Z] [O] et Madame [S] [B] épouse [O] de
leur demande subséquente de paiement de la quote-part de la TVA du prix d'acquisition de l'appartement à restituer aux services fiscaux ;
CONDAMNE la SAS SMAS TOURISME à payer à Monsieur [Z] [O] et Madame [S] [B] épouse [O] la somme de 2474,65 euros au titre du solde des loyers correspondant à l'année 2020 ;
DIT n'y avoir lieu à statuer sur les demandes reconventionnelles formulées à titre subsidiaire par la SAS SMAS TOURISME aux fins de paiement de l'indemnité d'éviction et d'occupation ;
CONDAMNE la SAS SMAS TOURISME à verser à Monsieur [Z] [O] et Madame [S] [B] épouse [O] à verser à la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE la SAS SMAS TOURISME de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SAS SMAS TOURISME aux entiers dépens ;
REJETE les prétentions plus amples ou contraires ;
RAPPELE que l'exécution provisoire est de droit en application de l'article 514 du code de procédure civile ;
Par déclaration du 15 janvier 2024, la SAS SMAS TOURISME a interjeté appel de la décision.
La SAS SMAS TOURISME conclut à':
Vu les articles 1104, 1108, 1131, 1195, 1218, 1219, 1220, 1223, 1231, 1722 du Code civil,
442-6, I, 2° du Code de commerce, L132-1 du Code de la consommation, 514 et 700 du
Code de procédure civile, les jurisprudences produites et les pièces communiquées, il est
demandé à la Cour, statuant sur l'appel formé par la société Smas Tourisme, à l'encontre du
jugement du 29 novembre 2023 par le Tribunal judiciaire de Mont de Marsan et le déclarant
recevable et bien fondé ; y faisant droit, infirmer la décision entreprise en ce qu'elle :
- Condamne la SAS Smas Tourisme à payer à M. [Z] [O] et Mme [S] [B] épouse [O] la somme de 2474,65 € au titre du solde des loyers correspondant à l'année 2020 ;
- dit n'y avoir lieu à staturer sur les demandes reconventionnelles formulées à titre subsidiaire par la SAS Smas Tourisme aux fins de paiement de l'indemnité d'éviction et d'occupation ;
- condamne la SAS Smas Tourisme à verser à Monsieur [Z] [O] et Madame [S] [B] épouse [O] la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau,
- juger qu'aucun loyer n'est dû par la société Smas Tourisme pendant les périodes d'entraves administratives ;
- déclarer nul et de nul effet le commandement de payer visant la clause résolutoire délivré
le 4 août 2021 par les Intimés à la société Smas Tourisme ;
- ordonner le remboursement par les Intimés de la somme de 4.545,37 euros versés ;
- débouter les Intimés de toutes leurs demandes ;
- condamner les Intimés à payer la somme de 5.000 euros, en application de l'article 700
du Code de procédure civile et aux entiers dépens.
[Z] [O] et [S] [B] épouse [O] concluent à :
Vu les articles 1224 et suivant du code civil
Vu l'article 199 sexvicies du code général des impôts
Vu l'article 260 D du code général des impôts
Vu l'article 700 du code de procédure civile
Il est demandé à la Cour d'appel de BORDEAUX de bien vouloir :
Au titre de l'appel incident :
- INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de MONT DE MARSAN en date du 29 novembre 2023 en ce qu'il a :
o Débouté M. et Mme [O] de leur demande de résiliation judiciaire du bail commercial conclu avec l'appelante ;
o Débouté M. et Mme [O] de leur demande subséquente de paiement de la quote-part de la TVA du prix d'acquisition de l'appartement à restituer aux services fiscaux.
Et en conséquence :
- PRONONCER la résiliation du bail en date du 18 mars 2013 entre M. et Mme [O] et la SMAS TOURISME ;
- DIRE que cette résiliation ne donnera pas lieu à indemnité au bénéfice de la SMAS TOURISME ;
- CONDAMNER la SMAS TOURISME à payer à M. et Mme [O] la quote-part de la TVA du prix d'acquisition de l'appartement à restituer aux services fiscaux dont le montant sera à parfaire en fonction de la date de l'arrêt à intervenir ;
En tout état de cause :
- CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de MONT DE MARSAN en date du 29 novembre 2023 en ce qu'il a :
o Condamné la SAS SMAS TOURISME à verser 2 474.65€ au titre du solde des loyers correspondant à l'année 2020 ;
o Condamné l'appelante à verser la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
o Débouté la SMAS TOURISME de ses demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
o Condamné la SAS SMAS TOURISME aux entiers dépens.
- CONDAMNER la SMAS TOURISME au paiement de 5 000 € au titre de l'article 700
du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 avril 2025.
SUR CE
Selon acte notarié du 4 octobre 2012, Monsieur [Z] [O] et Madame [S] [B] épouse [O] ont acquis en l'état de futur achèvement auprès de la société civile LES BALCONS DE L'OCEAN, un appartement et un parking composant les lots n°218 et 15 dans un ensemble immobilier sis [Adresse 6] à [Adresse 5] (40) à destination de résidence de Tourisme, classé par Atout France.
Cette acquisition s'inscrivait dans le cadre d'un investissement LMNP(loueur meublé non professionnel) avec les avantages fiscaux de la loi CENSI-BOUVARD permettant au investisseur particulier de bénéficier d'une exonération de la TVA payée sur le prix d'acquisition du bien immobilier, ainsi que d'une réduction d'impôts, sous la condition de louer leur bien en qualité de loueur non professionnel pendant une durée de 9 ans dans les 12 mois.
Afin de respecter ces conditions, Monsieur [Z] [O] et Madame [S] [B] épouse [O] ont donné à bail commercial l'appartement susvisé à la SAS SMAS TOURISME, filiale du groupe [K], à laquelle la société civile LES BALCONS DE L'OCEAN, promoteur, a confié la gestion de la résidence.
Ce bail, conclu le 18 mars 2013, prévoyait que l'appartement serait exclusivement destiné à l'exercice, par la SAS SMAS TOURISME, de son activité d'exploitation de résidence de tourisme consistant en la sous-location meublée de logements pour des séjours de courte durée.
Cette location commerciale était consentie moyennant un loyer forfaitaire global annuel de 9 953 € HT, majoré de la TVA au taux en vigueur à la signature du bail, payable à termes échus semestriellement aux 30 avril et 30 octobre de chaque année, révisable au 31 octobre 2016 puis tous les trois ans en fonction de la moyenne des 3 années de l'indice des loyers commerciaux publiée par l'INSEE et plafonné à 1,50 % par an.
Selon courriers en date des 27 et 31 mars 2020, le groupe [K] a informé l'ensemble des propriétaires des appartements dont le groupe assure la gérance, de l'impossibilité de traiter le paiement des échéances à compter du 30 mars 2020 suite aux mesures gouvernementales prises pour lutter contre la propagation du virus du COVID à l'origine de l'arrêt total de l'activité touristique et d'une réduction de ses effectifs. Il s'engageait cependant à régler les sommes dues au 13 mars 2020 au plus tard « dans un délai de quinze jours suivant la levée des mesures de restrictions ayant amené le confinement ».
Le 15 juin 2020, les époux [O] ont reçu un nouveau courrier du groupe [K] informant les propriétaires qu'en raison de difficultés financières engendrées par un arrêt total de l'activité de tourisme sur une période de 3 mois, il était contraint de revoir les conditions financières des baux commerciaux.
Aux termes de ce courrier, il était proposé :
Une suspension du paiement des loyers pour la période comprise entre le 14 mars et le 2 juin 2020.
Une reprise du paiement intégral des loyers dus à compter du 3 juin 2020 avec un report des échéances au 30 juillet 2020
Un ajustement des loyers correspondant à la période du 3 juin au 1er novembre 2020, en fonction de l'évolution du chiffre d'affaires du groupe par rapport à celui réalisé au cours de la même période l'année précédente avec une application du loyer révisé à compter du 1er décembre 2020 jusqu'au 13 mars 2021.
La prévision d'une clause de « retour à meilleure fortune » aux termes de laquelle le groupe [K] s'engage à reverser, aux termes de l'année 2021, « 30 % du chiffre d'affaires additionnel réalisé sur la saison 2020/2021 par rapport à celui des saisons 2018/2019. »
Dans le prolongement de ces correspondances, la SAS SMAS TOURISME a procédé :
le 27 mai 2020, au paiement de la somme de 4 093,86 euros au titre de l'échéance du 30 avril 2020 correspondant aux loyers échus au 13 mars 2020.
le 30 octobre 2020, au paiement de la somme de 4 613,23 euros au titre de la deuxième échéance correspondant aux loyers dus à compter du 3 juin 2020.
Elle a en outre retenu une partie du loyer correspondant à la période de confinement du 14 mars 2020 au 2 juin 2020.
Le 17 mars 2021, le groupe [K] formulait de nouvelles propositions de règlements des loyers pour faire face aux conséquences de la crise comportant deux options à savoir :
- Option 1 : Annulation de deux mois et demi de loyer sur 2020 puis un ajustement du loyer 2021 à la variation du chiffre d'affaires 2021 par rapport à celui de 2019 avec bonification hypothétique en 2022 en cas de chiffre d'affaires additionnel par rapport au chiffre d'affaires 2019, le tout avec modification des échéances de paiement ;
- Option 2 : Annulation de quatre mois de loyers sur 2020 et paiement de 75 % du loyer du semestre 1 de 2021, puis paiement normal du semestre 2.
L'échéance du 30 avril 2021 n'ayant pas été payée, Monsieur [Z] [O] et Madame [S] [B] épouse [O] ont, par courrier recommandé avec avis de réception en date du 25 mai 2021, mis la SAS SMAS TOURISME en demeure de régler la somme correspondant au solde des loyers dus au titre de l'année 2020 ainsi qu'aux loyers dus au 30 avril 2021 avant le 8 juin 2021, précisant qu'à défaut une procédure judiciaire en résiliation du bail serait entamée.
Selon courrier en date du 17 juin 2021, la SAS SMAS TOURISME a rappelé avoir toujours réglé les loyers sans aucun retard, mais subir depuis mi-mars 2020 les effets d'une crise sanitaire imprévisible ayant conduit les autorités à interdire aux résidences touristiques de recevoir du public la libérant de ce fait tant en vertu du bail que du droit commun du paiement des loyers afférents aux périodes de confinement et l'autorisant à solliciter une modification des modalités financières pendant la période de crise.
Le 4 août 2020, les époux [O] ont fait délivrer à la SAS SMAS TOURISME un commandement de payer.
Selon courrier du même jour, la SAS SMAS TOURISME a maintenu sa position concernant l'inexigibilité des loyers afférents à la période de confinement et a contesté pour le surplus les causes de ce commandement, au motif qu'un paiement partiel avait été réalisé le même jour et qu'il ne tenait pas compte des périodes d'occupation du bien par les propriétaires. Elle réitérait en outre ses propositions de règlement amiable selon les modalités préconisées par le groupe [K].
Par acte d'huissier en date du 10 août 2021 Monsieur [Z] [O] et Madame [S] [B] épouse [O] ont fait assigner la SAS SMAS TOURISME devant le Tribunal Judiciaire de Mont-de-Marsan aux fins notamment d'obtenir la résiliation du bail commercial du 18 mars 2013 liant les parties sans indemnité pour la SMAS TOURISME.
Le tribunal judiciaire de Mont-de-Marsan a rendu la décision dont appel notamment en déboutant les consorts [O] de leur demande de résiliation judiciaire du bail commercial et en condamnant la SAS SMAS TOURISME à payer le solde des loyers correspondant à l'année 2020.
- Sur l'exigibilité de la totalité des loyers durant la période de confinement du 14 mars 2020 au 2 juin 2020 :
La SAS SMAS TOURISME expose que dès la fin de l'année 2019, la crise sanitaire née de la COVID, a eu des conséquences d'une ampleur inédite pour tous les acteurs touristiques et donc pour elle-même. Pour lutter contre la propagation du Covid 19, le gouvernement français a été contraint d'adopter des mesures sanitaires ayant consisté à un confinement total de la population du 15 mars au 11 mai 2020 avec la fermeture des résidences de tourisme jusqu'au 2 juin 2020 puis des restrictions de déplacement, la mise en place d'un couvre-feu et enfin le troisième confinement du 3 avril 2021 au 3 mai 2021 assorti de la fermeture des frontières et de l'interdiction absolue d'entrée de toute clientèle étrangère.
Ces mesures sanitaires prises par le gouvernement ont constitué une entrave administrative à la bonne exécution des baux commerciaux en imposant la fermeture des résidences de vacances dès le 14 mars 2020 et ce pour une durée indéterminée.
L'article 5.4 du bail prévoit : « de convention expresse entre les parties, le preneur pourra remettre en question le loyer numéraire en cas de force majeure interrompant l'activité touristique (') ou d'événements amenant un dysfonctionnement de l'activité du preneur. »
Il est donc contractuellement prévu entre les parties que des entraves administratives des événements exceptionnels empêchant la libre circulation des personnes ou des biens ou amenant un dysfonctionnement de l'activité libèrent la société SMAS TOURISME de son obligation de règlement des loyers durant toute la période du trouble de jouissance.
Conformément à l'article 5.4 du bail liant les parties elle a donc informé ses bailleurs au mois de juin 2020 de son obligation de suspendre les loyers pour garantir par la limitation des pertes financières subies par le groupe [K], le respect des engagements pris envers eux quant aux valorisations et pérennité de leurs investissements.
Elle soutient que les époux [O] ont librement souscrit à l'application de cette clause qui manifeste la volonté des parties de tenir compte du contexte économique de l'exécution du bail qui est un élément d'un ensemble complexe qui consiste à acheter un bien immobilier pour obtenir le remboursement de la TVA (20 % du prix), des avantages fiscaux conséquents, sa gestion par un professionnel, et la jouissance du bien acquis pendant quatre semaines par an.
Cette clause auquel les intimés ont souscrit concerne deux hypothèses applicables en l'espèce, une entrave administrative ou autre au libre accès ou la circulation des personnes ou des biens ainsi que des événements amenant un dysfonctionnement de l'activité du preneur qui permet au preneur de remettre en question le loyer.
Les mesures législatives prises du fait de la cause COVID 19 constituent bien une entrave administrative rendant impossible l'exécution du contrat conclu entre les parties à l'instance puisqu'elles ont conduit à une fermeture des résidences de tourisme, une interdiction de la circulation des personnes et la fermeture des commerces non indispensables à la vie de la nation comme l'a jugé la cour d'appel de Versailles dans un arrêt du 6 mai 2021 en indiquant que ces circonstances sont de nature à constituer un cas de force majeure au sens de l'article 1218.
Elle cite également une abondante jurisprudence de juridictions de première instance ayant considéré que l'absence de paiement de l'intégralité des loyers ne saurait s'analyser en un manquement fautif compte tenu des stipulations contractuelles des baux et du cas de force majeure constitué par la crise sanitaire liée à la COVD 19.
Les époux [O] soutiennent que cette clause est abusive comme l'a jugé le tribunal. Ils ne peuvent être considérés comme ayant souscrit un investissement locatif en tant que professionnels de l'immobilier et invoquent un déséquilibre de la relation contractuelle nouée avec la SMAS TOURISME à leur détriment en tant que consommateurs. Il en résulte qu'ils ne peuvent être privés du bénéfice des dispositions du code de la consommation s'agissant pour eux d'une opération d'investissement à titre purement personnel et patrimonial qui ne poursuit aucun but commercial.
Ils se prévalent de trois arrêts rendus le 30 juin 2022 par la Cour de cassation affirmant que la force majeure n'autorise pas en toute hypothèse le preneur à s'exonérer du paiement des loyers.
S'agissant de la révision pour imprévision cette possibilité introduite par la réforme de 2016 n'est pas applicable au bail dont il est question conclu en 2013 soit avant l'entrée en vigueur de la loi.
***
L'ancien article 1134 du Code civil applicable au bail conclu entre les parties le 18 mars 2013 soit avant la réforme des contrats de 2016, dispose que : « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. »
Le bail commercial conclu entre les parties le 18 mars 2013 dispose que le bail est consenti et accepté moyennant un loyer forfaitaire global annuel fixé à 9953 € HT.
Au titre des stipulations particulières, il est indiqué que le preneur pourra remettre en question le loyer « en cas de force majeure interrompant l'activité touristique (tels que tremblements de terre, pollutions de toute nature, catastrophes naturelles, entrave administrative ou autre au libre accès ou à la circulation des personnes ou des biens') ou d'événements amenant un dysfonctionnement de l'activité du preneur, notamment une quelconque modification de la destination ou l'accès des parties communes ou encore leur mauvais entretien ou fonctionnement. »
La clause contractuellement prévue ne peut être qualifiée de clause abusive dès lors qu'elle a librement été conclue entre les parties dans le cadre d'un bail commercial. Les époux [O] ne démontrent pas en quoi les dispositions du code de la consommation leur seraient applicables, alors que celui-ci définit le consommateur comme : « toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale ».
Le bail conclu en l'espèce s'intitule bail commercial et correspond à une opération commerciale puisque le bailleur a acquis un logement dans une résidence de tourisme aux fins d'une activité d'exploitation par la sous location meublée de ce logement pour des séjours en général de courte durée.
S'agissant de l'applicabilité de la clause et de l'existence d'un cas de force majeure constitué par les mesures administratives prises pour endiguer la crise sanitaire liée à la COVID 19, la troisième chambre civile de Cour de cassation a jugé dans trois arrêts rendus le 30 juin 2022, à propos des loyers commerciaux dits COVID que la mesure générale et temporaire d'interdiction de recevoir du public n'entraîne pas la perte de la chose louée et n'est pas constitutive d'une inexécution, par le bailleur, de son obligation de délivrance. Un locataire n'est pas fondé à s'en prévaloir au titre de la force majeure pour échapper au paiement de ses loyers. En outre, l'obligation de payer les loyers n'est pas sérieusement contestable. Les locataires doivent donc régler les loyers commerciaux dus pendant les périodes de fermeture administrative liées à la crise sanitaire.
La Cour de cassation confirme que la force majeure ne peut être invoquée par les locataires contraints de fermer par les mesures de restrictions sanitaires. En effet d'une part la force majeure ne s'applique pas à l'obligation de payer une somme d'argent. D'autre part, la partie à un contrat qui, du fait d'un événement de force majeure n'a pas pu profiter de la prestation qu'il a payée ne peut pas obtenir l'anéantissement du contrat en invoquant cet événement.
La Cour de cassation a approuvé la cour d'appel d'avoir retenu que le locataire créancier de l'obligation de délivrance de la chose louée n'était pas fondé à invoquer à son profit la force majeure. (N°21-20.190)
S'agissant de l'obligation de paiement du loyer elle n'est pas sérieusement contestable, les preneurs ne pouvant invoquer ni l'exception d'inexécution ni la perte de la chose. (N°21-20.127).
La Cour de cassation n'a pas statué sur le moyen tiré de l'imprévision néanmoins l'article 1195 du Code civil applicable uniquement à compter de la réforme des contrats de 2016, prévoit qu'une partie peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant si un changement de circonstances imprévisibles lors de la conclusion du contrat rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie ; cependant les parties concernées continuent à exécuter leurs obligations durant la renégociation. En l'espèce ces dispositions ne sont pas applicables puisque le bail a été conclu en 2013 et par ailleurs le preneur a mis l'autre partie devant le fait accompli en s'abstenant de payer l'intégralité des loyers dus sans attendre de renégociation.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SMAS TOURISME à leur payer à la somme de 2474,65 € au titre du solde des loyers correspondant à l'année 2020.
La SMAS TOURISME sera déboutée de sa demande de remboursement de la somme de 4545,37 € versée durant les périodes qu'elle qualifie d'entrave administrative ainsi que ses demandes d'annuler le commandement de payer.
- Sur la résiliation judiciaire du bail :
Les époux [O] sollicitent la résiliation du bail sans indemnité au bénéfice de la SMAS TOURISME dont il sollicitent la condamnation à leur payer la quote-part de la TVA du prix d'acquisition de l'appartement à restituer aux services fiscaux et dont le montant sera à parfaire en fonction de la date de l'arrêt à intervenir.
Ils considèrent que rien ne justifie juridiquement la retenue de loyers unilatéralement imposée aux propriétaires. Ils insistent sur l'opacité des conditions dans lesquelles ces retenues de loyers ont été décidées en dehors de toute concertation avec les propriétaires.
Il en résulte que cette méconnaissance évidente par la SMAS TOURISME de ses obligations locatives justifie la résiliation judiciaire sans indemnité du bail commercial du 18 mars 2013 qui la lie à Monsieur et Madame [O].
Ils invoquent la rupture d'équilibre du contrat de bail et au-delà la rupture du lien de confiance les liant au groupe [K] et de facto à la SMAS TOURISME.
Compte tenu des conséquences fiscales découlant de cette résiliation ils s'estiment fondés à solliciter que celles-ci soient assumées par la SMAS TOURISME.
La SMAS TOURISME considérant qu'aucun loyer n'est dû conclut au débouté de cette demande.
Il est établi qu'en ne procédant pas au paiement des loyers dans leur intégralité pour l'année 2020 et en ne respectant pas les échéances prévues au contrat pour l'année 2021, la société SMAS TOURISME a manqué à ses obligations contractuelles.
Cependant la résiliation judiciaire du contrat est soumise à l'appréciation du juge et s'apprécie en fonction de la gravité des manquements et des circonstances.
Le premier juge a souligné à juste titre que la société SMAS TOURISME a depuis le début du contrat réglé l'intégralité des loyers dans les délais convenus à l'exception des années 2020-2021 et que ces manquements s'inscrivent dans un contexte inédit de crise sanitaire durant laquelle des restrictions de déplacement ont été appliquées dès le 17 mars 2020 avec fermeture des résidences de tourisme au niveau local dans les [Localité 7] du 3 au 15 avril suivant arrêté préfectoral et au niveau national du 21 mai 2020 au 1er juin 2020 et du 30 octobre 2020 au 13 décembre 2020.
Les retards de paiement constatés pour l'année 2020 sont caractérisés mais en décembre 2021 la société SMAS TOURISME avait réglé plus de 75 % du montant annuel.
Le montant des impayés relativement réduit, s'élevant à la somme de 2474,65 € doit donc être pris en considération pour rejeter la demande de résiliation judiciaire du contrat sans indemnité d'éviction et avec remboursement de la quote-part de la TVA sollicitée par les époux [O].
Le jugement déféré sera donc confirmé en toutes ses dispositions .
La somme de 3000 € sera allouée à [Z] [O] et [S] [B] épouse [O] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
LA Cour, aprés en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Déboute la SAS SMAS TOURISME de l'ensemble de ses chefs de contestation,
Déboute les époux [O] de leurs demandes incidentes.
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.
Y ajoutant condamne la SAS SMAS TOURISME à payer aux époux [O] la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Dit la SAS SMAS TOURISME tenue aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Madame PELLEFIGUES, Présidente, et par Madame Catherine SAYOUS, greffier suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Numéro 25/2475
COUR D'APPEL DE PAU
2ème CH - Section 1
ARRET DU 9 SEPTEMBRE 2025
Dossier : N° RG 24/00174 - N° Portalis DBVV-V-B7I-IXMT
Nature affaire :
Demande en paiement des loyers et charges et/ou tendant à la résiliation du bail et/ou à l'expulsion
Affaire :
S.A.S. SMAS TOURISME
C/
[Z] [O]
[S] [B] épouse [O]
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 9 septembre 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
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APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 20 Mai 2025, devant :
Jeanne PELLEFIGUES, magistrat chargé du rapport,
assisté de Mme SAYOUS, Greffier présent à l'appel des causes,
Jeanne PELLEFIGUES, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Philippe DARRACQ et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente
Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller
Madame Joëlle GUIROY, Conseillère
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
S.A.S. SMAS TOURISME Prise en la personne de son représentant légal et domiciliée audit siège
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me David BONNEMASON CARRERE de la SELARL ACBC, avocat au barreau de PAU
Assistée de Me Christian BEER, avocat au barreau de PARIS
INTIMES :
Monsieur [Z] [O]
né le 16 Juin 1970 à [Localité 8]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Madame [S] [B] épouse [O]
née le 05 Juillet 1969 à [Localité 10] (33)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentés par Me Marion COUSIN-CERES, avocat au barreau de MONT-DE-MARSAN
Assistés de Me Nicolas ALBRESPY, avocat au barreau de BORDEAUX
sur appel de la décision
en date du 29 NOVEMBRE 2023
rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE [Localité 9]
Par jugement contradictoire du 29 novembre 2023, le tribunal judiciaire de MONT DE MARSAN a :
DEBOUTE Monsieur [Z] [O] et Madame [S] [B] épouse [O] de leur demande de résiliation judiciaire du bail commercial conclu le 18 mars 2013 avec la SAS SMAS TOURISME ;
DEBOUTE Monsieur [Z] [O] et Madame [S] [B] épouse [O] de
leur demande subséquente de paiement de la quote-part de la TVA du prix d'acquisition de l'appartement à restituer aux services fiscaux ;
CONDAMNE la SAS SMAS TOURISME à payer à Monsieur [Z] [O] et Madame [S] [B] épouse [O] la somme de 2474,65 euros au titre du solde des loyers correspondant à l'année 2020 ;
DIT n'y avoir lieu à statuer sur les demandes reconventionnelles formulées à titre subsidiaire par la SAS SMAS TOURISME aux fins de paiement de l'indemnité d'éviction et d'occupation ;
CONDAMNE la SAS SMAS TOURISME à verser à Monsieur [Z] [O] et Madame [S] [B] épouse [O] à verser à la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE la SAS SMAS TOURISME de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SAS SMAS TOURISME aux entiers dépens ;
REJETE les prétentions plus amples ou contraires ;
RAPPELE que l'exécution provisoire est de droit en application de l'article 514 du code de procédure civile ;
Par déclaration du 15 janvier 2024, la SAS SMAS TOURISME a interjeté appel de la décision.
La SAS SMAS TOURISME conclut à':
Vu les articles 1104, 1108, 1131, 1195, 1218, 1219, 1220, 1223, 1231, 1722 du Code civil,
442-6, I, 2° du Code de commerce, L132-1 du Code de la consommation, 514 et 700 du
Code de procédure civile, les jurisprudences produites et les pièces communiquées, il est
demandé à la Cour, statuant sur l'appel formé par la société Smas Tourisme, à l'encontre du
jugement du 29 novembre 2023 par le Tribunal judiciaire de Mont de Marsan et le déclarant
recevable et bien fondé ; y faisant droit, infirmer la décision entreprise en ce qu'elle :
- Condamne la SAS Smas Tourisme à payer à M. [Z] [O] et Mme [S] [B] épouse [O] la somme de 2474,65 € au titre du solde des loyers correspondant à l'année 2020 ;
- dit n'y avoir lieu à staturer sur les demandes reconventionnelles formulées à titre subsidiaire par la SAS Smas Tourisme aux fins de paiement de l'indemnité d'éviction et d'occupation ;
- condamne la SAS Smas Tourisme à verser à Monsieur [Z] [O] et Madame [S] [B] épouse [O] la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau,
- juger qu'aucun loyer n'est dû par la société Smas Tourisme pendant les périodes d'entraves administratives ;
- déclarer nul et de nul effet le commandement de payer visant la clause résolutoire délivré
le 4 août 2021 par les Intimés à la société Smas Tourisme ;
- ordonner le remboursement par les Intimés de la somme de 4.545,37 euros versés ;
- débouter les Intimés de toutes leurs demandes ;
- condamner les Intimés à payer la somme de 5.000 euros, en application de l'article 700
du Code de procédure civile et aux entiers dépens.
[Z] [O] et [S] [B] épouse [O] concluent à :
Vu les articles 1224 et suivant du code civil
Vu l'article 199 sexvicies du code général des impôts
Vu l'article 260 D du code général des impôts
Vu l'article 700 du code de procédure civile
Il est demandé à la Cour d'appel de BORDEAUX de bien vouloir :
Au titre de l'appel incident :
- INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de MONT DE MARSAN en date du 29 novembre 2023 en ce qu'il a :
o Débouté M. et Mme [O] de leur demande de résiliation judiciaire du bail commercial conclu avec l'appelante ;
o Débouté M. et Mme [O] de leur demande subséquente de paiement de la quote-part de la TVA du prix d'acquisition de l'appartement à restituer aux services fiscaux.
Et en conséquence :
- PRONONCER la résiliation du bail en date du 18 mars 2013 entre M. et Mme [O] et la SMAS TOURISME ;
- DIRE que cette résiliation ne donnera pas lieu à indemnité au bénéfice de la SMAS TOURISME ;
- CONDAMNER la SMAS TOURISME à payer à M. et Mme [O] la quote-part de la TVA du prix d'acquisition de l'appartement à restituer aux services fiscaux dont le montant sera à parfaire en fonction de la date de l'arrêt à intervenir ;
En tout état de cause :
- CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de MONT DE MARSAN en date du 29 novembre 2023 en ce qu'il a :
o Condamné la SAS SMAS TOURISME à verser 2 474.65€ au titre du solde des loyers correspondant à l'année 2020 ;
o Condamné l'appelante à verser la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
o Débouté la SMAS TOURISME de ses demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
o Condamné la SAS SMAS TOURISME aux entiers dépens.
- CONDAMNER la SMAS TOURISME au paiement de 5 000 € au titre de l'article 700
du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 avril 2025.
SUR CE
Selon acte notarié du 4 octobre 2012, Monsieur [Z] [O] et Madame [S] [B] épouse [O] ont acquis en l'état de futur achèvement auprès de la société civile LES BALCONS DE L'OCEAN, un appartement et un parking composant les lots n°218 et 15 dans un ensemble immobilier sis [Adresse 6] à [Adresse 5] (40) à destination de résidence de Tourisme, classé par Atout France.
Cette acquisition s'inscrivait dans le cadre d'un investissement LMNP(loueur meublé non professionnel) avec les avantages fiscaux de la loi CENSI-BOUVARD permettant au investisseur particulier de bénéficier d'une exonération de la TVA payée sur le prix d'acquisition du bien immobilier, ainsi que d'une réduction d'impôts, sous la condition de louer leur bien en qualité de loueur non professionnel pendant une durée de 9 ans dans les 12 mois.
Afin de respecter ces conditions, Monsieur [Z] [O] et Madame [S] [B] épouse [O] ont donné à bail commercial l'appartement susvisé à la SAS SMAS TOURISME, filiale du groupe [K], à laquelle la société civile LES BALCONS DE L'OCEAN, promoteur, a confié la gestion de la résidence.
Ce bail, conclu le 18 mars 2013, prévoyait que l'appartement serait exclusivement destiné à l'exercice, par la SAS SMAS TOURISME, de son activité d'exploitation de résidence de tourisme consistant en la sous-location meublée de logements pour des séjours de courte durée.
Cette location commerciale était consentie moyennant un loyer forfaitaire global annuel de 9 953 € HT, majoré de la TVA au taux en vigueur à la signature du bail, payable à termes échus semestriellement aux 30 avril et 30 octobre de chaque année, révisable au 31 octobre 2016 puis tous les trois ans en fonction de la moyenne des 3 années de l'indice des loyers commerciaux publiée par l'INSEE et plafonné à 1,50 % par an.
Selon courriers en date des 27 et 31 mars 2020, le groupe [K] a informé l'ensemble des propriétaires des appartements dont le groupe assure la gérance, de l'impossibilité de traiter le paiement des échéances à compter du 30 mars 2020 suite aux mesures gouvernementales prises pour lutter contre la propagation du virus du COVID à l'origine de l'arrêt total de l'activité touristique et d'une réduction de ses effectifs. Il s'engageait cependant à régler les sommes dues au 13 mars 2020 au plus tard « dans un délai de quinze jours suivant la levée des mesures de restrictions ayant amené le confinement ».
Le 15 juin 2020, les époux [O] ont reçu un nouveau courrier du groupe [K] informant les propriétaires qu'en raison de difficultés financières engendrées par un arrêt total de l'activité de tourisme sur une période de 3 mois, il était contraint de revoir les conditions financières des baux commerciaux.
Aux termes de ce courrier, il était proposé :
Une suspension du paiement des loyers pour la période comprise entre le 14 mars et le 2 juin 2020.
Une reprise du paiement intégral des loyers dus à compter du 3 juin 2020 avec un report des échéances au 30 juillet 2020
Un ajustement des loyers correspondant à la période du 3 juin au 1er novembre 2020, en fonction de l'évolution du chiffre d'affaires du groupe par rapport à celui réalisé au cours de la même période l'année précédente avec une application du loyer révisé à compter du 1er décembre 2020 jusqu'au 13 mars 2021.
La prévision d'une clause de « retour à meilleure fortune » aux termes de laquelle le groupe [K] s'engage à reverser, aux termes de l'année 2021, « 30 % du chiffre d'affaires additionnel réalisé sur la saison 2020/2021 par rapport à celui des saisons 2018/2019. »
Dans le prolongement de ces correspondances, la SAS SMAS TOURISME a procédé :
le 27 mai 2020, au paiement de la somme de 4 093,86 euros au titre de l'échéance du 30 avril 2020 correspondant aux loyers échus au 13 mars 2020.
le 30 octobre 2020, au paiement de la somme de 4 613,23 euros au titre de la deuxième échéance correspondant aux loyers dus à compter du 3 juin 2020.
Elle a en outre retenu une partie du loyer correspondant à la période de confinement du 14 mars 2020 au 2 juin 2020.
Le 17 mars 2021, le groupe [K] formulait de nouvelles propositions de règlements des loyers pour faire face aux conséquences de la crise comportant deux options à savoir :
- Option 1 : Annulation de deux mois et demi de loyer sur 2020 puis un ajustement du loyer 2021 à la variation du chiffre d'affaires 2021 par rapport à celui de 2019 avec bonification hypothétique en 2022 en cas de chiffre d'affaires additionnel par rapport au chiffre d'affaires 2019, le tout avec modification des échéances de paiement ;
- Option 2 : Annulation de quatre mois de loyers sur 2020 et paiement de 75 % du loyer du semestre 1 de 2021, puis paiement normal du semestre 2.
L'échéance du 30 avril 2021 n'ayant pas été payée, Monsieur [Z] [O] et Madame [S] [B] épouse [O] ont, par courrier recommandé avec avis de réception en date du 25 mai 2021, mis la SAS SMAS TOURISME en demeure de régler la somme correspondant au solde des loyers dus au titre de l'année 2020 ainsi qu'aux loyers dus au 30 avril 2021 avant le 8 juin 2021, précisant qu'à défaut une procédure judiciaire en résiliation du bail serait entamée.
Selon courrier en date du 17 juin 2021, la SAS SMAS TOURISME a rappelé avoir toujours réglé les loyers sans aucun retard, mais subir depuis mi-mars 2020 les effets d'une crise sanitaire imprévisible ayant conduit les autorités à interdire aux résidences touristiques de recevoir du public la libérant de ce fait tant en vertu du bail que du droit commun du paiement des loyers afférents aux périodes de confinement et l'autorisant à solliciter une modification des modalités financières pendant la période de crise.
Le 4 août 2020, les époux [O] ont fait délivrer à la SAS SMAS TOURISME un commandement de payer.
Selon courrier du même jour, la SAS SMAS TOURISME a maintenu sa position concernant l'inexigibilité des loyers afférents à la période de confinement et a contesté pour le surplus les causes de ce commandement, au motif qu'un paiement partiel avait été réalisé le même jour et qu'il ne tenait pas compte des périodes d'occupation du bien par les propriétaires. Elle réitérait en outre ses propositions de règlement amiable selon les modalités préconisées par le groupe [K].
Par acte d'huissier en date du 10 août 2021 Monsieur [Z] [O] et Madame [S] [B] épouse [O] ont fait assigner la SAS SMAS TOURISME devant le Tribunal Judiciaire de Mont-de-Marsan aux fins notamment d'obtenir la résiliation du bail commercial du 18 mars 2013 liant les parties sans indemnité pour la SMAS TOURISME.
Le tribunal judiciaire de Mont-de-Marsan a rendu la décision dont appel notamment en déboutant les consorts [O] de leur demande de résiliation judiciaire du bail commercial et en condamnant la SAS SMAS TOURISME à payer le solde des loyers correspondant à l'année 2020.
- Sur l'exigibilité de la totalité des loyers durant la période de confinement du 14 mars 2020 au 2 juin 2020 :
La SAS SMAS TOURISME expose que dès la fin de l'année 2019, la crise sanitaire née de la COVID, a eu des conséquences d'une ampleur inédite pour tous les acteurs touristiques et donc pour elle-même. Pour lutter contre la propagation du Covid 19, le gouvernement français a été contraint d'adopter des mesures sanitaires ayant consisté à un confinement total de la population du 15 mars au 11 mai 2020 avec la fermeture des résidences de tourisme jusqu'au 2 juin 2020 puis des restrictions de déplacement, la mise en place d'un couvre-feu et enfin le troisième confinement du 3 avril 2021 au 3 mai 2021 assorti de la fermeture des frontières et de l'interdiction absolue d'entrée de toute clientèle étrangère.
Ces mesures sanitaires prises par le gouvernement ont constitué une entrave administrative à la bonne exécution des baux commerciaux en imposant la fermeture des résidences de vacances dès le 14 mars 2020 et ce pour une durée indéterminée.
L'article 5.4 du bail prévoit : « de convention expresse entre les parties, le preneur pourra remettre en question le loyer numéraire en cas de force majeure interrompant l'activité touristique (') ou d'événements amenant un dysfonctionnement de l'activité du preneur. »
Il est donc contractuellement prévu entre les parties que des entraves administratives des événements exceptionnels empêchant la libre circulation des personnes ou des biens ou amenant un dysfonctionnement de l'activité libèrent la société SMAS TOURISME de son obligation de règlement des loyers durant toute la période du trouble de jouissance.
Conformément à l'article 5.4 du bail liant les parties elle a donc informé ses bailleurs au mois de juin 2020 de son obligation de suspendre les loyers pour garantir par la limitation des pertes financières subies par le groupe [K], le respect des engagements pris envers eux quant aux valorisations et pérennité de leurs investissements.
Elle soutient que les époux [O] ont librement souscrit à l'application de cette clause qui manifeste la volonté des parties de tenir compte du contexte économique de l'exécution du bail qui est un élément d'un ensemble complexe qui consiste à acheter un bien immobilier pour obtenir le remboursement de la TVA (20 % du prix), des avantages fiscaux conséquents, sa gestion par un professionnel, et la jouissance du bien acquis pendant quatre semaines par an.
Cette clause auquel les intimés ont souscrit concerne deux hypothèses applicables en l'espèce, une entrave administrative ou autre au libre accès ou la circulation des personnes ou des biens ainsi que des événements amenant un dysfonctionnement de l'activité du preneur qui permet au preneur de remettre en question le loyer.
Les mesures législatives prises du fait de la cause COVID 19 constituent bien une entrave administrative rendant impossible l'exécution du contrat conclu entre les parties à l'instance puisqu'elles ont conduit à une fermeture des résidences de tourisme, une interdiction de la circulation des personnes et la fermeture des commerces non indispensables à la vie de la nation comme l'a jugé la cour d'appel de Versailles dans un arrêt du 6 mai 2021 en indiquant que ces circonstances sont de nature à constituer un cas de force majeure au sens de l'article 1218.
Elle cite également une abondante jurisprudence de juridictions de première instance ayant considéré que l'absence de paiement de l'intégralité des loyers ne saurait s'analyser en un manquement fautif compte tenu des stipulations contractuelles des baux et du cas de force majeure constitué par la crise sanitaire liée à la COVD 19.
Les époux [O] soutiennent que cette clause est abusive comme l'a jugé le tribunal. Ils ne peuvent être considérés comme ayant souscrit un investissement locatif en tant que professionnels de l'immobilier et invoquent un déséquilibre de la relation contractuelle nouée avec la SMAS TOURISME à leur détriment en tant que consommateurs. Il en résulte qu'ils ne peuvent être privés du bénéfice des dispositions du code de la consommation s'agissant pour eux d'une opération d'investissement à titre purement personnel et patrimonial qui ne poursuit aucun but commercial.
Ils se prévalent de trois arrêts rendus le 30 juin 2022 par la Cour de cassation affirmant que la force majeure n'autorise pas en toute hypothèse le preneur à s'exonérer du paiement des loyers.
S'agissant de la révision pour imprévision cette possibilité introduite par la réforme de 2016 n'est pas applicable au bail dont il est question conclu en 2013 soit avant l'entrée en vigueur de la loi.
***
L'ancien article 1134 du Code civil applicable au bail conclu entre les parties le 18 mars 2013 soit avant la réforme des contrats de 2016, dispose que : « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. »
Le bail commercial conclu entre les parties le 18 mars 2013 dispose que le bail est consenti et accepté moyennant un loyer forfaitaire global annuel fixé à 9953 € HT.
Au titre des stipulations particulières, il est indiqué que le preneur pourra remettre en question le loyer « en cas de force majeure interrompant l'activité touristique (tels que tremblements de terre, pollutions de toute nature, catastrophes naturelles, entrave administrative ou autre au libre accès ou à la circulation des personnes ou des biens') ou d'événements amenant un dysfonctionnement de l'activité du preneur, notamment une quelconque modification de la destination ou l'accès des parties communes ou encore leur mauvais entretien ou fonctionnement. »
La clause contractuellement prévue ne peut être qualifiée de clause abusive dès lors qu'elle a librement été conclue entre les parties dans le cadre d'un bail commercial. Les époux [O] ne démontrent pas en quoi les dispositions du code de la consommation leur seraient applicables, alors que celui-ci définit le consommateur comme : « toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale ».
Le bail conclu en l'espèce s'intitule bail commercial et correspond à une opération commerciale puisque le bailleur a acquis un logement dans une résidence de tourisme aux fins d'une activité d'exploitation par la sous location meublée de ce logement pour des séjours en général de courte durée.
S'agissant de l'applicabilité de la clause et de l'existence d'un cas de force majeure constitué par les mesures administratives prises pour endiguer la crise sanitaire liée à la COVID 19, la troisième chambre civile de Cour de cassation a jugé dans trois arrêts rendus le 30 juin 2022, à propos des loyers commerciaux dits COVID que la mesure générale et temporaire d'interdiction de recevoir du public n'entraîne pas la perte de la chose louée et n'est pas constitutive d'une inexécution, par le bailleur, de son obligation de délivrance. Un locataire n'est pas fondé à s'en prévaloir au titre de la force majeure pour échapper au paiement de ses loyers. En outre, l'obligation de payer les loyers n'est pas sérieusement contestable. Les locataires doivent donc régler les loyers commerciaux dus pendant les périodes de fermeture administrative liées à la crise sanitaire.
La Cour de cassation confirme que la force majeure ne peut être invoquée par les locataires contraints de fermer par les mesures de restrictions sanitaires. En effet d'une part la force majeure ne s'applique pas à l'obligation de payer une somme d'argent. D'autre part, la partie à un contrat qui, du fait d'un événement de force majeure n'a pas pu profiter de la prestation qu'il a payée ne peut pas obtenir l'anéantissement du contrat en invoquant cet événement.
La Cour de cassation a approuvé la cour d'appel d'avoir retenu que le locataire créancier de l'obligation de délivrance de la chose louée n'était pas fondé à invoquer à son profit la force majeure. (N°21-20.190)
S'agissant de l'obligation de paiement du loyer elle n'est pas sérieusement contestable, les preneurs ne pouvant invoquer ni l'exception d'inexécution ni la perte de la chose. (N°21-20.127).
La Cour de cassation n'a pas statué sur le moyen tiré de l'imprévision néanmoins l'article 1195 du Code civil applicable uniquement à compter de la réforme des contrats de 2016, prévoit qu'une partie peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant si un changement de circonstances imprévisibles lors de la conclusion du contrat rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie ; cependant les parties concernées continuent à exécuter leurs obligations durant la renégociation. En l'espèce ces dispositions ne sont pas applicables puisque le bail a été conclu en 2013 et par ailleurs le preneur a mis l'autre partie devant le fait accompli en s'abstenant de payer l'intégralité des loyers dus sans attendre de renégociation.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SMAS TOURISME à leur payer à la somme de 2474,65 € au titre du solde des loyers correspondant à l'année 2020.
La SMAS TOURISME sera déboutée de sa demande de remboursement de la somme de 4545,37 € versée durant les périodes qu'elle qualifie d'entrave administrative ainsi que ses demandes d'annuler le commandement de payer.
- Sur la résiliation judiciaire du bail :
Les époux [O] sollicitent la résiliation du bail sans indemnité au bénéfice de la SMAS TOURISME dont il sollicitent la condamnation à leur payer la quote-part de la TVA du prix d'acquisition de l'appartement à restituer aux services fiscaux et dont le montant sera à parfaire en fonction de la date de l'arrêt à intervenir.
Ils considèrent que rien ne justifie juridiquement la retenue de loyers unilatéralement imposée aux propriétaires. Ils insistent sur l'opacité des conditions dans lesquelles ces retenues de loyers ont été décidées en dehors de toute concertation avec les propriétaires.
Il en résulte que cette méconnaissance évidente par la SMAS TOURISME de ses obligations locatives justifie la résiliation judiciaire sans indemnité du bail commercial du 18 mars 2013 qui la lie à Monsieur et Madame [O].
Ils invoquent la rupture d'équilibre du contrat de bail et au-delà la rupture du lien de confiance les liant au groupe [K] et de facto à la SMAS TOURISME.
Compte tenu des conséquences fiscales découlant de cette résiliation ils s'estiment fondés à solliciter que celles-ci soient assumées par la SMAS TOURISME.
La SMAS TOURISME considérant qu'aucun loyer n'est dû conclut au débouté de cette demande.
Il est établi qu'en ne procédant pas au paiement des loyers dans leur intégralité pour l'année 2020 et en ne respectant pas les échéances prévues au contrat pour l'année 2021, la société SMAS TOURISME a manqué à ses obligations contractuelles.
Cependant la résiliation judiciaire du contrat est soumise à l'appréciation du juge et s'apprécie en fonction de la gravité des manquements et des circonstances.
Le premier juge a souligné à juste titre que la société SMAS TOURISME a depuis le début du contrat réglé l'intégralité des loyers dans les délais convenus à l'exception des années 2020-2021 et que ces manquements s'inscrivent dans un contexte inédit de crise sanitaire durant laquelle des restrictions de déplacement ont été appliquées dès le 17 mars 2020 avec fermeture des résidences de tourisme au niveau local dans les [Localité 7] du 3 au 15 avril suivant arrêté préfectoral et au niveau national du 21 mai 2020 au 1er juin 2020 et du 30 octobre 2020 au 13 décembre 2020.
Les retards de paiement constatés pour l'année 2020 sont caractérisés mais en décembre 2021 la société SMAS TOURISME avait réglé plus de 75 % du montant annuel.
Le montant des impayés relativement réduit, s'élevant à la somme de 2474,65 € doit donc être pris en considération pour rejeter la demande de résiliation judiciaire du contrat sans indemnité d'éviction et avec remboursement de la quote-part de la TVA sollicitée par les époux [O].
Le jugement déféré sera donc confirmé en toutes ses dispositions .
La somme de 3000 € sera allouée à [Z] [O] et [S] [B] épouse [O] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
LA Cour, aprés en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Déboute la SAS SMAS TOURISME de l'ensemble de ses chefs de contestation,
Déboute les époux [O] de leurs demandes incidentes.
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.
Y ajoutant condamne la SAS SMAS TOURISME à payer aux époux [O] la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Dit la SAS SMAS TOURISME tenue aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Madame PELLEFIGUES, Présidente, et par Madame Catherine SAYOUS, greffier suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,