CA Paris, Pôle 5 - ch. 7, 16 septembre 2025, n° 25/06060
PARIS
Arrêt
Autre
Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 7
ARRÊT DU 16 SEPTEMBRE 2025
(n° 15, 24 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 25/06060 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CLDIG
Décision déférée à la Cour : Décision de l'Autorité des marchés financiers n° 225C0557 du 25 mars 2025
REQUÉRANTES :
COMMA S.A.S.
Prise en la personne de son président
Immatriculée au RCS de [Localité 22] sous le n° 890 062 219
Dont le siège social est au : [Adresse 5]
[Localité 8]
S2C S.A.S.
Prise en la personne de son président
Immatriculée au RCS de [Localité 22] sous le n° 890 064 249
Dont le siège social est au : [Adresse 5]
[Localité 8]
STEPHI S.A.S.
Prise en la personne de son président
Immatriculée au RCS de [Localité 21] sous le n° 839 235 199
Dont le siège social est au : [Adresse 11]
[Localité 15]
S.A.S. FA 29
Prise en la personne de son président
Immatriculée au RCS de [Localité 22] sous le n° 484 802 301
Dont le siège social est au [Adresse 6]
[Localité 8]
Élisant toutes domicile au cabinet TEYTAUD-SALEH
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représentées par Me François TEYTAUD de l'AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125
Assistées de Me Christophe PERCHET de l'AARPI AURES, avocat au barreau de PARIS
DÉFENDERESSES AU RECOURS :
SOCIÉTÉ [Adresse 18]
Prise en la personne de sa directrice générale [L] [X]
Immatriculée au RCS de [Localité 22] sous le n° 572 182 269
Dont le siège social est au [Adresse 3]
[Localité 8]
Élisant domicile au cabinet LX [Localité 22]-Versailles-Reims
[Adresse 14]
[Localité 7]
Représentée par Me Matthieu BOCCON-GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assistée de Me Étienne BOURSICAN de l'AARPI DE PARDIEU BROCAS MAFFEI, avocat au barreau de Paris, toque : R 45
SOCIÉTÉ MUTUELLE D'ASSURANCE DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS
Société d'assurances mutuelles
Prise en la personne de son directeur général
Immatriculée au RCS de [Localité 22] sous le n° 775 684 764
Dont le siège social est au [Adresse 12]
[Localité 9]
SOCIÉTÉ MUTUELLE D'ASSURANCE SUR LA VIE DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS
Société d'assurances mutuelles
Prise en la personne de son directeur général
Immatriculée au RCS de [Localité 22] sous le n° 775 684 772
Dont le siège social est au [Adresse 12]
[Localité 9]
IMPERIO ASSURANCES ET CAPITALISATION S.A.
Prise en la personne de son directeur général
Immatriculée au RCS de [Localité 21] sous le n° 351 392 543
Dont le siège social est au [Adresse 1]
[Localité 16]
SMA S.A.
Prise en la personne de son président du directoire
Immatriculée au RCS de [Localité 22] sous le n° 332 789 296
Dont le siège social est au [Adresse 12]
[Localité 9]
Élisant toutes domicile au cabinet LX [Localité 22]-Versailles-Reims
[Adresse 14]
[Localité 7]
Représentées par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assistées de Maîtres [G] [J] et [G] [B] de l'AARPI GIDE LOYRETTE NOUEL
EN PRÉSENCE DE :
L'AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
Prise en la personne de sa présidente
[Adresse 4]
[Localité 10]
Représentée par Mme [W] [N], dûment mandatée
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 05 juin 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
' Mme Agnès MAITREPIERRE, présidente de chambre, présidente,
' M. Gildas BARBIER, président de chambre,
' Mme Isabelle FENAYROU, présidente de chambre, chargée du rapport,
qui en ont délibéré.
GREFFIER, lors des débats : M. Valentin HALLOT
MINISTÈRE PUBLIC : auquel l'affaire a été communiquée et représenté lors des débats par Mme Jocelyne AMOUROUX, avocate générale.
ARRÊT PUBLIC :
' contradictoire,
' prononcé par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
' signé par Mme Agnès MAITREPIERRE, présidente de chambre et par M. Valentin HALLOT, greffier à qui la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
Vu la décision n° 225C0557 du collège de l'[17] des marchés financiers du 25 mars 2025 ayant octroyé à chacune des sociétés Société Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics et Société Mutuelle d'Assurance sur la Vie du Bâtiment et des Travaux Publics, une dérogation à l'obligation de déposer un projet d'offre publique visant les actions de la société [Adresse 23] ;
Vu la déclaration de recours contre cette décision, déposée au greffe de la cour d'appel de Paris le 7 avril 2025, par les sociétés COMMA, S2C, STEPHI et FA 29 ;
Vu l'exposé des moyens déposé au greffe le 17 avril 2025 ;
Vu les conclusions en réponse déposées au greffe le 13 mai 2025, par les sociétés Société Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics, Société Mutuelle d'Assurance sur la Vie du Bâtiment et des Travaux Publics, Imperio Assurances et Capitalisation et SMA ;
Vu les conclusions en réponse déposées au greffe le 13 mai 2025 par la société [Adresse 23] ;
Vu les observations déposées au greffe, le même jour, par l'Autorité des marchés financiers ;
Vu les conclusions en réplique, déposées au greffe le 23 mai 2025, par les sociétés COMMA, S2C, STEPHI et FA 29 ;
Vu l'avis du ministère public du 30 mai 2025, communiqué aux parties, à l'Autorité des marchés financiers ;
Après avoir entendu à l'audience publique du 5 juin 2025, les conseils respectifs des sociétés COMMA, S2C, STEPHI et FA 29, Société Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics, Société Mutuelle d'Assurance sur la Vie du Bâtiment et des Travaux Publics, Imperio Assurances et Capitalisation et de SMA, et [Adresse 23], le représentant de l'Autorité des marchés financiers, ainsi que le ministère public.
SOMMAIRE
FAITS ET PROCÉDURE
§ 1
I. LA GENÈSE DE L'AFFAIRE
§ 1
A. L'entrée de SMABTP au capital de STE et le reclassement intragroupe
§ 9
B. Le projet de fusion par absorption d'Affine par STE
§ 17
C. Le projet d'augmentation de capital de STE
§ 21
II. LA DÉCISION DE L'AMF DU 25 MARS 2025
§ 27
III. LE RECOURS ENTREPRIS
§ 30
MOTIVATION
§ 34
I. SUR LA RECEVABILITÉ DU RECOURS
§ 34
II. SUR LA DÉROGATION À L'OBLIGATION DE DÉPOSER UN PROJET D'OFFRE PUBLIQUE VISANT LES ACTIONS DE STE
§ 45
III.SUR LES DEMANDES DE CONDAMNATION POUR PROCÉDURE ABUSIVE ET AU PAIEMENT DE DOMMAGES-INTÉRÊTS
§ 143
IV. SUR LES FRAIS IRRÉPÉTIBLES
§ 154
PAR CES MOTIFS
§ 155
FAITS ET PROCÉDURE
I. LA GENÈSE DE L'AFFAIRE
1.La société [Adresse 23] (ci-après « STE »), fondée en 1889, est une société d'investissements immobiliers cotée (ci-après « SIIC »).
2.Les sociétés COMMA, S2C, STEPHI et FA 29 (ci-après « les requérantes ») sont actionnaires minoritaires de STE.
3.La société SOCIÉTÉ MUTUELLE D'ASSURANCE DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS (ci-après « SMABTP ») est une société d'assurance mutuelle, spécialisée dans l'assurance de responsabilités professionnelles pour la construction et l'immobilier et des dommages aux biens. Elle détient, postérieurement à l'augmentation de capital de STE de janvier 2025, 56,95 % du capital et des droits de vote de cette société.
4.La société SOCIÉTÉ MUTUELLE D'ASSURANCE SUR LA VIE DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS (ci-après « SMAVie BTP ») est une société d'assurance mutuelle dédiée à l'assurance aux personnes. Elle détient, postérieurement à l'augmentation de capital de STE, 35,31 % du capital et des droits de vote de cette société.
5.La société SMA SA (ci-après « SMA ») est détenue à 97,57 % par SMABTP. Elle détient, postérieurement à l'augmentation de capital de STE, 0,93 % du capital et des droits de vote de cette société.
6.La société Imperio Assurances et Capitalisation (ci-après « Imperio »), contrôlée à 100 % par SMAVie BTP, détient, postérieurement à l'augmentation de capital de STE, 0,62 % du capital et des droits de vote de cette société.
7.La société SGAM BTP (ci-après « SGAM BTP ») est une société de groupe d'assurance mutuelle, créée en 2006 sans capital social, en application de l'article L. 322-1-3 du code des assurances. SMABTP et SMAVie BTP en sont les principales affiliées. Depuis 2016, SGAM BTP dispose d'un statut de groupe prudentiel au sens de la directive 2009/168/CE du 25 novembre 2009 modifiée, dite « Solvabilité 2 ». La situation de SGAM BTP au 31 décembre 2024, soit avant l'augmentation de capital de janvier 2025, est présentée dans le schéma suivant.
Schéma n° 1 : Extrait de l'organigramme de SGAM BTP au 31 décembre 2024
Source : d'après la pièce groupe SMA n° 18
8.L'ensemble formé par les sociétés SMABTP, SMAVie BTP, SMA et Imperio, toutes actionnaires de la STE, est dénommé « groupe SMA », « groupe SMABTP », ou seulement « SMABTP ». Afin de permettre la lisibilité de l'arrêt, et à cette seule fin, cet ensemble sera dénommé par convention dans le présent arrêt « groupe SMA ».
A. L'entrée de SMABTP au capital de STE et le reclassement intragroupe
9.En 2014, SMABTP a acquis 89,88 % du capital et des droits de vote de STE à la suite d'une offre publique d'acquisition.
10.Cette acquisition a été suivie, en 2015, d'un reclassement au sein des entités du groupe SMA, au résultat duquel SMABTP conservait 53,95 % du capital et des droits de vote, et SMAVie BTP, SMA et Imperio détenaient respectivement 34,01 %, 0,63 % et 0,31 %.
11.À l'occasion de cette opération, SMAVie BTP, franchissant individuellement le seuil de 30 % du capital et des droits de vote de STE, a sollicité une dérogation à l'obligation de déposer un projet d'offre publique sur le fondement des articles 234-9, 6° et 234-9, 7° du règlement général de l'Autorité des marchés financiers (ci-après « RGAMF »).
12.Par une décision du 31 mars 2015, l'Autorité des marchés financiers (ci-après « l'AMF ») a octroyé à SMAVie BTP la dérogation sollicitée, au motif qu'il s'agissait d'un reclassement interne au sein du groupe SMA :
« Considérant que les sociétés SMABTP, SMAVie et leurs filiales sont toutes membres du groupe SMA, que par conséquent les cessions susvisées peuvent s'analyser comme un reclassement interne au sein d'un groupe, sans modification du contrôle ultime de la société [Adresse 24], que par motifs surabondants la société SMABTP (à titre individuel) détient avant et après le reclassement susvisé la majorité des droits de vote de la société [Adresse 24], l'Autorité des marchés financiers a octroyé la dérogation demandée sur les fondements réglementaires invoqués ».
13.Dans le cadre d'un exercice séquencé de bons de souscription d'achat (ci-après « BSA ») par SMABTP, SMAVie BTP, SMA et Imperio, SMABTP a franchi à la baisse le seuil de 50 % du capital et des droits de vote de STE, le 30 avril 2015.
14.SMABTP ayant ensuite franchi à la baisse le seuil de 30 % du capital et des droits de vote de STE et envisageant un nouveau franchissement, cette fois à la hausse, du seuil de 30 %, le groupe SMA a sollicité de l'AMF une dérogation à l'obligation de déposer une offre publique sur les actions STE, sur le fondement de l'article 234- 9, 6° du RGAMF, relatif à la détention de la majorité des droits de vote de la société par le demandeur, agissant seul ou de concert.
15.Par décision du 28 mai 2015, publiée le 29 mai 2015, l'AMF a accordé cette dérogation dans les termes suivants :
« [L]a société SMABTP après avoir franchi en baisse les seuils de 30 % du capital et des droits de vote de la société [Adresse 24] viendra à franchir individuellement en hausse les seuils de 30 % du capital et des droits de vote, se plaçant ainsi dans l'obligation de déposer un projet d'offre publique sur les actions TOUR EIFFEL, conformément à l'article 234-2 du règlement général.
Dans ce contexte, le groupe SMA sollicite de l'Autorité des marchés financiers l'octroi d'une dérogation à l'obligation de déposer un projet d'offre publique sur les actions [Adresse 24] sur le fondement de l'article 234-9, 6° du règlement général.
Considérant que la société SMABTP est membre du groupe SMA, lequel détient plus de 50 % des droits de vote de la société [Adresse 24] préalablement à la souscription susvisée, l'Autorité des marchés financiers a octroyé la dérogation demandée sur les fondements réglementaires invoqués ».
16.Au terme de ces opérations, le groupe SMA a déclaré, le 23 juin 2015, détenir 59,77 % du capital et des droits de vote de STE se décomposant de la manière suivante : une détention de 36,76 % par SMABTP, de 22,01 % par SMAVie BTP, de 0,66 % par SMA, de 0,33 % par Imperio et de 0,01 % par des administrateurs et assimilés.
B. Le projet de fusion par absorption d'Affine par STE
17.Par ailleurs, à l'occasion de la fusion-absorption par STE de la société Affine, une société foncière cotée contrôlée par Holdaffine (elle-même détenue indirectement par Madame [T] [M], actuellement présidente de S2C et Comma), l'AMF a publié, le 20 novembre 2017, une déclaration de franchissement de seuils et une déclaration d'intention du « concert composé des sociétés d'assurance mutuelle SMABTP et SMAVie BTP ».
18.Ce concert avait, en effet, déclaré avoir franchi en hausse, le 17 novembre 2017, les seuils de 5 %, 10 % et 15 % du capital et des droits de vote et 20 % du capital de la société Affine, SMABTP ayant franchi, à titre individuel, le seuil de 5 % du capital et des droits de vote et 10 % du capital de cette société, et SMAVie BTP, le seuil de 5 % du capital et des droits de vote.
19.Dans le cadre de cette opération de fusion-absorption, Holdaffine et le groupe SMA ont conjointement demandé à l'AMF de confirmer que la réalisation du projet de fusion ne donnerait pas lieu à la mise en 'uvre préalable d'une offre publique de retrait au sens de l'article 236-6 du RGAMF, tant par Affine que par STE.
20.Par une décision du 27 novembre 2018, l'AMF a considéré que la fusion envisagée n'impliquait pas de modification significative des droits et intérêts des actionnaires d'Affine comme de ceux de STE, de nature à justifier la mise en 'uvre d'une offre publique de retrait.
C. Le projet d'augmentation de capital de STE
21.Le 6 novembre 2024, STE a annoncé un projet d'augmentation de capital avec maintien du droit préférentiel de souscription, d'un montant cible de 600 millions d'euros et garanti à hauteur de 75 % par SMABTP.
22.Sollicitée par STE pour examiner les conséquences de la mise en 'uvre de ce projet au regard de l'article 236-6 du RGAMF, qui prévoit que l'AMF doit apprécier les conséquences de certaines opérations au regard des droits et intérêts des détenteurs de titres de capital ou de droits de vote d'une société et décider s'il y a lieu à mise en 'uvre d'une offre publique de retrait, l'AMF a considéré, par une décision du 11 décembre 2024, que la perte éventuelle du bénéfice du régime fiscal de SIIC n'entrait pas dans le champ d'application matériel de cet article, dès lors qu'elle n'impliquerait pas une modification significative des dispositions statutaires de la société, ne pourrait être considérée comme une réorientation de l'activité sociale, ni ne constituerait un autre des cas ou opérations visés à l'article précité.
23.STE a publié, le 18 décembre 2024, une mise à jour de son document d'enregistrement universel (ci-après le « DEU »), dans lequel il était mentionné que les sociétés SMABTP, SMAVie BTP, SMA et Imperio agissaient de concert.
24.La période de souscription de l'augmentation de capital s'est déroulée du 23 décembre 2024 au 10 janvier 2025 inclus, et le règlement-livraison est intervenu le 17 janvier 2025. À l'issue de cette période, le taux de souscription étant de 52,6 %, SMABTP a souscrit un nombre complémentaire d'actions nouvelles afin d'atteindre un niveau de souscription de 75 %. Les 25 % d'actions restantes ont été allouées au groupe SMA. Au résultat de cette opération, le groupe SMA détenait 93,81 % du capital et des droits de vote.
25.Lors de cette opération, la société SMAVie BTP a franchi individuellement en hausse les seuils de 30 % du capital et des droits de vote de STE, se plaçant dès lors dans l'obligation de déposer un projet d'offre publique visant les actions STE, conformément à l'article 234-2 du RGAMF.
26.En outre, la société SMABTP a accru sa participation individuelle en capital et en droits de vote, initialement comprise entre 30 % et 50 %, de plus de 1 % sur moins de 12 mois consécutifs, ce qui constituait le fait générateur d'une obligation de dépôt d'un projet d'offre publique visant les actions STE, en application de l'article 234-5 du RGAMF.
II. LA DÉCISION DE L'AMF DU 25 MARS 2025
27.Dans ce contexte, les sociétés SMAVie BTP et SMABTP ont sollicité chacune de l'AMF l'octroi d'une dérogation à l'obligation de déposer un projet d'offre publique sur les actions STE, sur le fondement de l'article 234-9, 6° du RGAMF, visant la détention de la majorité des droits de vote de la société par le demandeur ou par un tiers, agissant seul ou de concert.
28.Au soutien de leur demande de dérogation, elles ont fait valoir que les sociétés du groupe SMA agissaient de concert, au sens de l'article L. 233-10 du code de commerce, vis-à-vis de STE depuis le 14 avril 2015, date du « reclassement interne » réalisé au sein du groupe SMA, visé par l'AMF dans sa décision du 31 mars 2015.
29.Par sa décision n° 225C0557 du 25 mars 2025, publiée le 26 mars 2025 (ci-après « la décision attaquée »), l'AMF a accordé à ces deux sociétés les dérogations sollicitées, en « considérant que les sociétés SMAVie BTP et SMABTP sont membres d'un concert qui détenait, préalablement à l'augmentation de capital (et depuis 2015), la majorité des droits de vote de la société [Adresse 23] » (page 3, dernier alinéa).
III. LE RECOURS ENTREPRIS
30.Le 7 avril 2025, les sociétés COMMA, S2C, STEPHI et FA 29, en leur qualité d'actionnaires minoritaires de STE, ont saisi la Cour d'un recours en annulation contre cette décision, en ce qu'elle a considéré que les sociétés SMAVie BTP et SMABTP étaient membres d'un concert qui préexistait à l'augmentation de capital et détenait la majorité des droits de vote de STE, et qu'elle a accordé, par suite, les dérogations sollicitées.
31.Le groupe SMA et STE concluent chacune, à titre principal, à l'irrecevabilité du recours et, à titre subsidiaire, à son rejet.
32.L'AMF considère que le recours doit être rejeté.
33.Le ministère public invite la Cour à déclarer le recours recevable et à le rejeter.
MOTIVATION
I. SUR LA RECEVABILITÉ DU RECOURS
34.Le groupe SMA et STE rappellent que les articles R. 621-46 du code monétaire et financier et 648 du code de procédure civile prévoient que toute personne morale est tenue d'indiquer dans sa déclaration de recours, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, l'identité et le statut précis de l'organe la représentant légalement devant la Cour. Elles en déduisent que la simple mention « agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège » figurant dans la déclaration de recours du 7 avril 2025 et dans l'exposé des moyens du 17 avril 2025 ne satisfait pas aux prescriptions légales et ne permet pas de savoir si le recours a été formé par les personnes qualifiées par la loi pour ce faire. Elles concluent donc à l'irrecevabilité du recours.
35.Les requérantes demandent à la Cour d'écarter cette demande d'irrecevabilité, en faisant valoir que la mention de la forme des sociétés requérantes, dans la déclaration de recours, ainsi que l'extrait K-bis figurant dans les pièces, permettraient d'identifier précisément leurs responsables légaux dès l'origine. Les requérantes soutiennent, en outre, qu'en application de l'article 126 du code de procédure civile, l'irrecevabilité doit être écartée dès lors que la mention des organes sociaux a été régularisée dans leur mémoire en réplique du 23 mai 2025, avant que le juge statue.
36.Le ministère public est d'avis que la régularisation des formules génériques avant que la juridiction ne statue permet d'équilibrer les notions d'effet utile et de protection du recours effectif.
Sur ce, la Cour :
37.Il résulte de l'article R. 621-45, II, du code monétaire et financier que les recours contre les décisions de portée individuelle prises par l'AMF, autres que celles concernant les agréments ou les sanctions concernant certaines personnes, sont portés devant la Cour et sont formés, instruits et jugés conformément aux dispositions de l'article R. 621-46 de ce code, et ce par dérogation aux dispositions du titre VI du livre II du code de procédure civile.
38.Aux termes de l'article R. 621-46 du code monétaire et financier, « [l]e recours devant la cour d'appel de Paris [contre les décisions individuelles prises par l'AMF] est formé par une déclaration écrite déposée en quadruple exemplaire au greffe de la cour d'appel de Paris contre récépissé. À peine d'irrecevabilité prononcée d'office, elle comporte les mentions prescrites par l'article 648 du code de procédure civile et précise l'objet du recours. » (soulignement ajouté).
39.L'article 648 du code de procédure civile énonce, quant à lui, que :
« Tout acte d'huissier de justice indique, indépendamment des mentions prescrites par ailleurs :
(')
2. a) Si le requérant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ;
b) Si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement. (...) » (soulignement ajouté).
40.Il convient de rappeler également que l'article L. 227-6 du code de commerce, relatif à certaines dispositions particulières aux sociétés par actions simplifiées, énonce en son alinéa premier : « La société est représentée à l'égard des tiers par un président désigné dans les conditions prévues par les statuts. Le président est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de l'objet social. ».
41.En l'espèce, il est constant que la déclaration de recours des sociétés requérantes comporte, pour chacune des quatre sociétés, la mention suivante : « agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège », sans autre précision de son organe de représentation.
42.Néanmoins, l'indication de la forme de la société permet à elle seule de déterminer l'organe habilité à la représenter (voir, en ce sens, notamment, Com. 17 mars 2004, pourvoi n° 02-18.427, 31 mai 2005, pourvoi n° 04-12.944, et Civ. 1ère, 30 septembre 2008, pourvoi n° 06-20.298, Bull. n° 217).
43.Or, en l'espèce, la déclaration de recours comporte la mention « société par action simplifiée » aux côtés de celle selon laquelle elle agissait poursuites et diligences de ses représentants légaux.
44.Il s'ensuit que le recours entrepris doit être déclaré recevable.
II. SUR LA DÉROGATION À L'OBLIGATION DE DÉPOSER UN PROJET D'OFFRE PUBLIQUE VISANT LES ACTIONS DE STE
45.Pour décider comme elle a fait, dans la décision attaquée, l'AMF a d'abord rappelé que SMAVie BTP et SMABTP avaient notamment fait valoir que :
' les sociétés SMABTP et SMAVie BTP avaient le même directeur général et plus généralement une direction commune avec des administrateurs communs dans les deux entités ;
' le directeur des investissements du groupe SMA était en charge de la gestion des actifs des sociétés SMABTP et SMAVie BTP, ainsi que de leurs filiales ;
' le comité d'investissement était commun à ces deux sociétés d'assurance mutuelle ;
' les deux sociétés étaient les principaux affiliés de la SGAM BTP, une société de groupe d'assurance mutuelle, à savoir une forme sociale spécialement utilisée et créée pour formaliser l'existence de groupes au sein des sociétés d'assurance mutuelle, lequel se traduit comptablement par la publication de comptes combinés en application de l'article L. 345-2 du code des assurances ;
' les orientations stratégiques du groupe étaient arrêtées par le conseil d'administration de SGAM BTP ;
' SMAVie BTP et SMABTP agissaient toujours, notamment par leur vote, de manière convergente vis-à-vis de STE, de telle sorte que, déterminant en fait les décisions prises par les assemblées générales ordinaires de cette société, elles mettaient en 'uvre à cette occasion une politique commune, continue et réitérée vis-à-vis de STE ;
' le directeur général de SGAM BTP était le même que celui de SMABTP et SMAVie BTP ;
' SMA était contrôlée par SMABTP et Imperio par la société SMAVie BTP ;
' le régime fiscal SIIC dont bénéficiait STE supposait qu'aucun actionnaire ne détienne plus de 60 % du capital d'une société immobilière, seul ou de concert.
46.En réponse aux courriers d'actionnaires minoritaires, qui considéraient notamment que l'existence d'une action de concert des sociétés du groupe SMA, vis-à-vis de STE, constituait une information nouvelle, l'AMF a ensuite « relevé que les différentes entités du groupe SMA agissent de concert vis-à-vis de STE depuis l'opération de reclassement précitée ayant donné lieu, en 2015, à l'octroi de dérogations à l'obligation de déposer une offre publique sur les actions de STE » (décision attaquée, page 3, alinéas 2 et 3).
47.Elle en a déduit que « les sociétés SMAVie BTP et SMABTP sont membres d'un concert qui détenait, préalablement à l'augmentation de capital (et depuis 2015), la majorité des droits de vote de la société STE » et, sur ce fondement, a accordé les dérogations sollicitées (page 3, dernier alinéa).
48.Au regard de ces éléments, l'AMF a octroyé les dérogations à l'obligation de déposer une offre publique sur les actions de STE, sollicitées par SMABTP et SMAVie BTP, sur le fondement de l'article 234-9, 6° du RGAMF.
49.Les requérantes soutiennent, en premier lieu, que la mention explicite d'un concert entre SMABTP, SMAVie BTP, SMA et Imperio est apparue, pour la première fois, dans la note d'opération, visée par l'AMF le 17 décembre 2024 et dans la mise à jour du DEU publiée le 18 décembre 2024 par STE. Elles relèvent, en outre, qu'aucune déclaration de franchissement de seuil de concert n'a été réalisée par les sociétés depuis 2015, avant celle ayant donné lieu à la décision litigieuse.
50.Elles estiment que, si une communication financière de 2016 de STE a indiqué que « les actionnaires appartenant au groupe SMA sont présumés agir de concert », cette indication a été faite de manière très incertaine et ambiguë et n'a jamais été reprise ultérieurement dans la communication financière de STE et, qu'en tout état de cause, la documentation d'un émetteur n'est pas suffisante pour caractériser une action de concert.
51.Elles considèrent que la mention d'une action de concert entre SMABTP et SMAVie BTP dans les publications de STE du 18 décembre 2024 a constitué une situation nouvelle et que, partant, les requérantes à la dérogation ont franchi ensemble, à cette date, le seuil de 30 % du capital et des droits de vote de STE les exposant à l'obligation de déposer une offre publique sur le capital de cette société, sans que la demande de dérogation présentée ensuite, à titre individuel, en raison du franchissement ultérieur de certains seuils par chacune d'elles à l'occasion de leur souscription à l'augmentation de capital, ne puisse valoir régularisation de ce premier franchissement de seuil de concert.
52.En deuxième lieu, les requérantes soutiennent que l'appartenance des requérantes à un groupe de sociétés d'assurances mutuelles ne peut justifier l'octroi d'une décision de dérogation sur le fondement de l'article 234-9 6° du RGAMF, dès lors qu'elle ne permet pas l'invocation du bénéfice des présomptions de concert prévues par l'article L. 233-10, II du code de commerce, et particulièrement celles des 2°, 3° et 4° dudit article, toutes ces présomptions supposant l'existence d'un contrôle au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce, et ne satisfait pas non plus aux conditions du concert posées par l'article L. 233-10, I, du même code.
53.Selon elles, aucun des éléments mis en avant par les sociétés du groupe SMA ' ni la direction commune, ni les administrateurs communs, ni la qualité de groupe d'assurance ou encore l'établissement de comptes combinés ' n'est pertinent pour caractériser un groupe de sociétés ou un contrôle au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce.
54.Elles critiquent l'analyse des défenderesses, selon laquelle, au regard de l'arrêt rendu par la Cour de cassation dans l'affaire Hermès (Com., 28 mai 2013, n° 11-26.423 et 12-11.672, Bull. n° 552), l'existence d'un groupe implique nécessairement un concert, estimant que, dans cette espèce, c'était la circonstance que le groupe fût « familial » qui permettait de confondre les deux notions.
55.Elles considèrent qu'il ne ressort pas de la motivation des décisions de dérogation à l'obligation de déposer une offre publique de l'AMF de 2015, 2018 et 2024 que cette dernière ait procédé à un contrôle in concreto de l'existence du concert, au-delà du constat de l'appartenance des défenderesses à un même groupe d'assurance mutuelle.
56.S'agissant plus précisément de la décision du 31 mars 2015 prise sur le fondement de l'article 234-9, 7° du RGAMF, visant les hypothèses de reclassement de titres entre personnes appartenant à un même groupe, elles relèvent que l'AMF n'a pas fait mention d'un quelconque contrôle commun liant SMABTP et SMAVie BTP, pour caractériser leur appartenance à un même groupe ou conclure à l'existence d'un concert entre elles.
57.En troisième lieu, les requérantes estiment que la preuve d'une action de concert entre les sociétés du groupe SMA n'est pas rapportée.
58.Concernant le mode de preuve de l'action de concert, elles rappellent qu'au regard du caractère d'ordre public de la matière boursière, toute exception à l'application d'une règle, en l'espèce à l'obligation de déposer une offre publique dans certaines circonstances, est par définition d'interprétation stricte et qu'en droit privé, une partie qui souhaite prouver l'existence d'un acte juridique doit en rapporter la preuve par écrit.
59.Elles soutiennent que les modes de preuve admissibles pour établir un concert ne devraient pas être les mêmes pour les tiers cherchant à faire reconnaitre un concert dont l'existence est contestée par ses auteurs supposés, et pour les demandeurs à une dérogation qui cherchent à obtenir une décision écartant à leur avantage la règle de l'offre publique obligatoire. Elles considèrent qu'au cas particulier, correspondant à la seconde hypothèse, la technique du faisceau d'indices ne suffisait pas et que la production d'un écrit aurait dû être imposée.
60.En vertu notamment des principes de droit public de légalité, de légalité des preuves et d'égalité entre les citoyens, une fiction rétroactive d'action de concert ne saurait être admise par l'AMF au détriment des tiers auxquels elle est de nature à faire grief, sans production d'un écrit à leur opposer.
61.Concernant l'absence de pertinence des éléments retenus pour conclure au concert revendiqué par les requérantes à la dérogation, les requérantes soutiennent devant la Cour que les éléments mis en avant par ces dernières et repris dans la décision attaquée ont un caractère général et ne répondent pas aux conditions posées par l'article L. 233-10 du code de commerce. La décision attaquée ne mentionne aucun accord entre SMABTP et SMAVie BTP, se contente d'affirmer que les sociétés du groupe SMABTP auraient mis en 'uvre une politique commune et réitérée vis-à-vis de STE, sans l'étayer et, enfin, reprend l'allégation des sociétés selon laquelle elles auraient « toujours agi, notamment par leur vote, de manière convergente », sans faire référence à une quelconque concertation entre elles pour l'exercice de leurs droits de vote. Les éléments retenus ne permettraient donc pas de caractériser le concert entre SMABTP et SMAVie BTP.
62.Les requérantes considèrent que, lorsque l'AMF déduit l'existence d'un concert de l'agrégation des participations des défenderesses dans les déclarations de franchissement de seuil depuis 2015, elle inverse le raisonnement en prétendant établir l'existence d'un concert à partir des éléments qu'il est censé produire, et non de ceux qui le définissent.
63.S'agissant de la convention d'affiliation, elles estiment qu'elle est sans rapport avec une action de concert que les membres d'un groupe entendraient former à l'égard d'une société cotée. Les éléments définis par cette convention seraient, par leur généralité, impropres à caractériser la volonté des signataires de mettre en 'uvre une politique commune vis-à-vis d'elle. La solidarité financière conventionnelle serait, quant à elle, sans rapport avec la solidarité légale prévue entre des concertistes.
64.Elles font valoir, par ailleurs, que certains éléments de nature à prouver qu'aucun concert n'a existé depuis 2015 n'ont pas été retenus par l'AMF, en particulier l'absence de déclaration de franchissement de seuil de concert en mars 2015 et depuis 2015. Elles soulignent qu'en revanche, SMABTP et SMAVie BTP ont su déclarer qu'elles agissaient de concert à l'égard d'Affine et publier leurs intentions comme concertistes à l'égard de cette société, lorsqu'elles ont investi à son capital en 2017.
65.Elles concluent à l'absence de tout élément pertinent dans la décision attaquée justifiant que SMABTP et SMAVie BTP auraient agi de concert envers STE depuis 2015, que l'AMF n'a pu valablement accorder la dérogation sollicitée par les requérantes sur le fondement invoqué.
66.En réponse, le groupe SMA soutient, en premier lieu, que la référence au « groupe SMA », au sens de l'article 234-9, 7°, du RGAMF, faite par l'AMF dans sa décision du 31 mars 2015, établit l'existence d'un concert, l'action de concert apparaissant comme une condition nécessaire à la caractérisation d'un groupe selon l'article précité.
67.Selon lui, trois autres décisions démontreraient l'existence d'un concert entre SMABTP et SMAVie BTP depuis 2015. Dans sa décision du 29 mai 2015, l'AMF a accordé à la société SMA BTP une dérogation à l'obligation de déposer une offre publique sur les titres de STE sur le fondement de l'article 234-9, 6° du RGAMF ; aucune des entités du groupe ne détenant individuellement 50 % des droits de vote, l'AMF n'a pu que se fonder sur la détention de plus de 50 % par le groupe agissant de concert. Dans sa décision du 27 novembre 2018, l'AMF a évoqué l'existence d'un « concert composé des sociétés d'assurance mutuelle SMABTP et SMAVie BTP ». Dans sa décision du 11 décembre 2024, l'AMF a supposé l'existence d'une action de concert entre les entités du groupe SMA BTP en considérant une détention de concert pour examiner une éventuelle perte du régime SIIC de STE.
68.Le groupe SMA fait valoir que le contrôle conjoint d'une société suppose, au regard de l'article L. 233-3, III du code de commerce, que les membres de ce groupe agissent de concert. L'AMF ayant reconnu l'existence d'un contrôle du groupe SMA sur STE, elle a donc nécessairement reconnu l'existence d'une action de concert. Il ajoute, en outre, que STE a toujours communiqué sur son contrôle par le groupe SMABTP.
69.En deuxième lieu, le groupe SMA détaille l'organisation prévue par la convention d'affiliation signée par chacun des membres du groupe d'assurance mutuelle pour en conclure que l'accord que constitue cette convention et sa mise en 'uvre satisfont à la définition de l'article L. 233-10, sans qu'il soit besoin de se référer à l'une des présomptions posées au II de cet article.
70.En troisième et dernier lieu, le groupe SMA estime que, si la seule convention d'affiliation ne suffisait pas à démontrer l'action de concert existant entre les membres du groupe SMA et qu'il devait être recouru à un faisceau d'indices pour établir ce concert, ces derniers seraient en droit, contrairement à ce qu'arguent les requérantes, de se fonder sur un tel faisceau, de nature à mettre en exergue des mécanismes forts de solidarité, une unicité d'équipe et de direction, des comportements homogènes et l'exercice en commun du contrôle.
71.Quant à STE, elle soutient, en premier lieu, que l'existence d'une action de concert entre les entités du « Groupe Majoritaire » est connue par le marché depuis la décision de dérogation rendue par l'AMF le 31 mars 2015, qui a fait le constat de reclassements intragroupes sans incidence sur le contrôle de STE, et a accordé une dérogation au dépôt obligatoire d'un projet d'OPA à SMAVie BTP sur le fondement de l'article 234-9, 7° du RGAMF. Cette décision a confirmé au marché que SMABTP et SMAVie BTP appartenaient à un même groupe et qu'elles contrôlaient conjointement STE. Or, l'action de concert étant précisément l'un des éléments constitutifs du contrôle conjoint au sens de l'article L. 233-3, III du code de commerce, il ne serait pas possible de reconnaître que STE est contrôlée par plusieurs sociétés sans reconnaître que ces sociétés agissent de concert entre elles.
72.Elle souligne que le DEU 2023 de STE présente ce groupe comme l' « actionnaire majoritaire » de la société et que, de manière générale, toute la documentation de STE mentionne le groupe pris dans son ensemble, comme actionnaire majoritaire, et rassemble les participations des entités qui le composent.
73.STE rappelle que depuis la décision du 31 mars 2015, aucune entité du groupe SMA BTP n'a effectué de déclaration de franchissement de seuil sans agréger ses parts du capital et des droits de vote avec celles du reste du groupe, ou sans déclarer les intentions du groupe dans son ensemble.
74.Elle rappelle également que, le 29 mai 2015, l'AMF a accordé une nouvelle dérogation en se fondant sur la détention de la majorité des droits de vote de la société par l'entité SMABTP, agissant de concert avec les autres entités du « Groupe Majoritaire », décision contre laquelle aucun recours n'a été formé.
75.Par ailleurs, elle fait valoir que le risque de sortie de STE du régime fiscal des SIIC, mentionné notamment dans le document de référence 2015 et le DEU 2023 de STE, se fondait sur l'agrégation des participations des entités du groupe SMA BTP du fait d'une action de concert entre elles.
76.En deuxième lieu, STE indique que l'action de concert formée par le groupe SMA, loin de constituer une information nouvelle, était mentionnée explicitement dans des documents tels que le document de référence de STE de 2015, la note d'opération du 24 novembre 2016, et dans la décision de l'AMF du 27 novembre 2018.
77.En troisième lieu, STE assure qu'au moins une partie des requérantes étaient informées de l'existence d'une action de concert entre les entités du « Groupe Majoritaire » depuis l'opération de fusion entre les sociétés Affine et STE, dans laquelle l'un des dirigeants des requérantes était impliqué et qui avait donné lieu à une décision de non-lieu à dépôt d'une offre publique de retrait, sur la base d'un contrôle de STE par le « Groupe Majoritaire » dans son ensemble.
78.En quatrième et dernier lieu, STE considère que la preuve de l'action de concert découle de la réunion des trois éléments constitutifs d'une telle action, en vertu de l'article L. 233-10, I du code de commerce.
79.S'agissant de l'accord, il existe un écrit régissant les relations entre les sociétés SMABTP et SMAVie BTP, et par extension leurs filiales. Il s'agit du contrat d'affiliation auprès de SGAM BTP, signé par SMAVie BTP et par SMABTP, qui prévoit un véritable pouvoir de coordination et de contrôle de SGAM BTP sur ses affiliées et, notamment, sur la définition de leurs orientations stratégiques.
80.S'agissant de l'exercice des droits de vote, STE fait le constat que, de tout temps, les droits de vote des sociétés du Groupe majoritaire ont été exercés de manière convergente vis-à-vis de STE, tant en assemblée générale qu'en conseil d'administration.
81.S'agissant, enfin, de la mise en 'uvre d'une politique commune, la SMABTP a annoncé dès 2014 que, « pour permettre une mise en 'uvre efficiente de sa stratégie », elle envisageait de procéder à des reclassements intra-groupe de sa participation dans la société STE. Cette dernière en conclut que le groupe SMA met en 'uvre une stratégie commune depuis le reclassement de 2015, comme en témoigne, plus récemment, le soutien apporté à STE dans le cadre de la récente augmentation de capital ou encore à l'égard de sa feuille de route.
82.L'AMF fait valoir que dans l'hypothèse d'un groupe de personnes sans liens capitalistiques, un contrôle peut être caractérisé sur la société cotée en démontrant l'existence d'une action de concert entre deux ou plusieurs personnes déterminant en fait les décisions prises en assemblée générale (article L. 233-3 du code de commerce).
83.Selon elle, il ne fait aucun doute que SMABTP et SMAVie BTP agissent de concert au sens de l'article L. 233-10, I du code de commerce, au regard des liens et relations organiques entre SMABTP et SMAVie BTP, qui résultent de leur appartenance à un même groupe, dont les modalités de fonctionnement traduisent un accord de volontés visant à soumettre, notamment du fait de l'existence d'une direction commune, lesdites sociétés à la détermination d'une politique commune vis-à-vis de STE arrêtée par le conseil d'administration de SGAM BTP.
84.L'AMF ajoute que depuis 2015, elle a plusieurs fois retenu, dans ses décisions des 28 mai 2015, 27 novembre 2018 et 11 décembre 2024, que le groupe SMA était l'actionnaire de contrôle de STE compte tenu de l'existence d'une action de concert entre les sociétés dudit groupe.
85.Après avoir rappelé les termes de l'article L. 233-9 du code de commerce, imposant l'obligation d'agrégation des droits de vote dans certaines situations, elle souligne qu'en l'espèce, les déclarations de franchissement de seuils publiées le 20 avril 2015, le 5 mai 2015, puis le 23 juin 2015, présentaient la détention du groupe SMA en agrégeant les participations de SMABTP, SMAVie BTP, SMA et lmperio et qu'en l'absence de liens capitalistiques entre SMABTP et SMAVie BTP, cette agrégation résultait nécessairement d'une action de concert entre ces sociétés. Selon elle, la communication de STE et la manière dont elle appréhendait le calcul des seuils de participation afin de bénéficier du régime fiscal de SIIC témoignaient également de l'existence d'une action de concert entre les différentes sociétés du groupe SMA.
86.Enfin, à titre surabondant, l'AMF relève que STE a fait état, par le passé, d'une action de concert entre les sociétés du groupe SMA dans sa communication financière.
87.Le ministère public considère que c'est à juste titre que l'AMF a retenu l'existence d'une action de concert composée par SMABTP, SMAVie BTP, SMA et Imperio, après avoir relevé l'existence d'un accord de volontés au sein du groupe de sociétés d'assurance mutuelle, en lien avec l'exercice des droits de vote, et d'une politique commune vis-à-vis de STE.
Sur ce, la Cour :
88.À l'instar de l'article L. 433-3, I, premier alinéa, du code monétaire et financier, l'article 234-2, alinéa 1er du RGAMF prévoit que, lorsqu'une personne physique ou morale, agissant seule ou de concert au sens de l'article L. 233-10 du code de commerce, vient à détenir, directement ou indirectement, plus de 30 % des titres de capital ou des droits de vote d'une société, elle est tenue d'en informer immédiatement l'AMF et de déposer un projet d'offre publique visant la totalité du capital et des titres donnant accès au capital ou aux droits de vote.
89.Quant à l'article 234-5, alinéa 1er du RGAMF, il précise : « Les dispositions de l'article 234-2 s'appliquent aux personnes physiques ou morales, agissant seules ou de concert, qui détiennent directement ou indirectement un nombre compris entre 30 % et la moitié du nombre total des titres de capital ou des droits de vote d'une société et qui, en moins de douze mois consécutifs, augmentent cette détention, en capital ou en droits de vote, d'au moins 1 % du nombre total des titres de capital ou des droits de vote de la société ».
90.L'article L. 233-10 du code de commerce, auquel les articles L. 433-3, I du code monétaire et financier et 234-2, alinéa 1er du RGAMF renvoient explicitement, précise :
« I. Sont considérées comme agissant de concert les personnes qui ont conclu un accord en vue d'acquérir ou de céder des droits de vote ou en vue d'exercer les droits de vote pour mettre en 'uvre une politique commune vis-à-vis de la société ou pour obtenir le contrôle de cette société.
II. Un tel accord est présumé exister :
1° Entre une société, le président de son conseil d'administration et ses directeurs généraux ou les membres de son directoire ou ses gérants ;
2° Entre une société et les sociétés qu'elle contrôle au sens de l'article L. 233-3 ;
3° Entre des sociétés contrôlées par la même ou les mêmes personnes ;
4° Entre les associés d'une société par actions simplifiée à l'égard des sociétés que celle-ci contrôle ;
5° Entre le fiduciaire et le bénéficiaire d'un contrat de fiducie, si ce bénéficiaire est le constituant. ».
91.Si ces articles imposent, dans certaines circonstances, le dépôt d'une offre publique d'acquisition, la réglementation de l'AMF à laquelle renvoie le dernier alinéa du I de l'article L. 433-3 précité, institue, par ailleurs, des cas de dérogation à l'obligation d'initier une telle offre.
92.L'article 234-8 du RGAMF est ainsi rédigé :
« L'AMF peut accorder une dérogation à l'obligation de déposer un projet d'offre publique si la ou les personnes concernées justifient auprès d'elle remplir l'une des conditions énumérées à l'article 234-9. L'AMF se prononce après avoir examiné les circonstances dans lesquelles le ou les seuils ont été ou seront franchis, la répartition du capital et des droits de vote et les conditions dans lesquelles, le cas échéant, l'opération a fait ou fera l'objet d'une approbation par l'assemblée générale des actionnaires de la société visée ».
93.L'article 234-9 du RGAMF précise, quant à lui, que l'AMF peut accorder une dérogation notamment en cas de :
« 6° Détention de la majorité des droits de vote de la société par le demandeur ou par un tiers, agissant seul ou de concert ; ».
94.Il résulte de la combinaison des articles 234-8 et 234-9, 6° du RGAMF que l'AMF dispose de la faculté d'accorder une dérogation à l'obligation de déposer un projet d'offre publique à toute société, agissant seule ou de concert, détenant la majorité des droits de vote d'une société, préalablement à la réalisation de l'opération entraînant un franchissement de seuil de sa part et le déclenchement de l'obligation qui lui est attachée.
95.En effet, dans une telle hypothèse, le franchissement de seuil n'a pas pour conséquence un changement de contrôle qui porterait atteinte aux droits des actionnaires minoritaires. Le contrôle préexistant au franchissement de seuil et demeurant à l'issue de l'opération, cette dernière n'affecte pas leur situation. L'obligation de déposer un projet d'offre publique visant à protéger les actionnaires minoritaires, il est possible, dans ce cas, d'obtenir de l'AMF une dérogation à cette obligation, leur protection n'étant pas nécessaire.
96.En l'espèce, la décision attaquée indique qu'après avoir détenu respectivement 31,77 %, 19,70 %, 0,52 % et 0,34 % du capital et des droits de vote de STE, les sociétés SMABTP, SMAVie BTP, SMA et Imperio détenaient, en suite de l'augmentation de capital en cause, 56,95 %, 35,31 %, 0,93 % et 0,62 % du capital et des droits de vote de cette société.
97.Les requérantes contestant l'existence d'une action de concert au sein du groupe SMA, qui conduirait SMABTP et SMAVie BTP, qui en sont membres, à détenir, en vertu des règles d'assimilation prévues à l'article L. 233-9, I, du code de commerce, la majorité des droits de vote de STE, avant comme après l'augmentation de capital de celle-ci, c'est-à-dire sans changement de contrôle, il importe de déterminer si les sociétés du groupe SMA doivent être considérées comme agissant de concert, au sens de l'article L. 233-10 du code de commerce, avant comme après ladite augmentation de capital, et rentrent à ce titre dans les prévisions de la dérogation prévue à l'article 234-9, 6°, du RGAMF.
98.Il est constant que SMABTP et SMAVie BTP contrôlent respectivement SMA et Imperio au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce (SMABTP détient SMA à plus de 97 %, et SMAVie BTP détient Imperio à 100%). Or, l'article L. 233-10, II, 2°, du code de commerce instaure une présomption de concert entre une société et les sociétés qu'elle contrôle. Il y a donc lieu, en application dudit article, de retenir que SMABTP et SMAVie BTP sont, respectivement, présumées agir de concert, la première avec SMA et la seconde avec Imperio. L'action de concert doit être considérée comme établie à leur égard.
99.Concernant SMABTP et SMAVie BTP, il importe de rechercher si une action de concert peut être considérée comme caractérisée entre les deux sociétés mères.
100.Avant d'examiner si les conditions de l'action de concert sont réunies, conformément au I, de l'article L. 233-10 du code de commerce, il convient d'examiner si, comme le soutiennent les requérantes, une action de concert ne peut être présumée entre ces deux sociétés mères.
101.[Localité 19] est de constater que l'article L. 233-10, II, 3°, du code de commerce, posant une présomption de concert « entre des sociétés contrôlées par la ou les mêmes personnes » ne renvoie pas expressément à l'article L. 233-3 du même code, lequel a été conçu pour les sociétés par actions et vise à préciser les conditions dans lesquelles une personne ou un groupe peut être considéré comme contrôlant une société.
102.Ladite présomption n'est donc pas explicitement subordonnée à la caractérisation de la notion de contrôle au sens dudit article.
103.À supposer, à défaut de renvoi exprès, que l'article L. 233-10, II, 3°, du code de commerce, renvoie implicitement à l'article L. 233-3 du même code, il n'en demeure pas moins que les relations entre les membres d'une société de groupe d'assurance mutuelle, au sens de l'article L. 322-1-2, 1°, du code des assurances, sont définies, par l'article L. 356-1 du même code, comme étant celles d'une « entreprise mère » et d'une « entreprise filiale », la première contrôlant de manière exclusive la seconde en exerçant « effectivement, au moyen d'une coordination centralisée, une influence dominante sur les décisions, y compris financières, des autres entreprises faisant partie du groupe », ledit groupe formant « un ensemble d'entreprises fondé sur l'établissement de relations financières fortes et durables entre elles ».
104.Ces dispositions, issues de la transposition de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice (article 212 de la directive dite « Solvabilité II »), sont à rapprocher de celles de la directive 2004/109/CE (directive dite « Transparence »), qui définit « l'entreprise contrôlée », notamment, comme « toute entreprise (') sur laquelle une personne physique ou morale a le pouvoir d'exercer ou exerce effectivement une influence dominante ou un contrôle » (article 1, §1, sous f, iv).
105.Il s'ensuit que la situation de sociétés membres d'un groupe de sociétés d'assurance mutuelle est assimilable à celle de sociétés contrôlées par une même personne, visée par l'article L. 233-10, II, 3°, du code de commerce. La présomption d'action de concert prévue par cet article leur est donc applicable.
106.Dès lors, en l'espèce, la Cour considère qu'en application dudit article, SMABTP et SMAVie BTP, qui sont dépourvues de liens capitalistiques entre elles mais sont affiliées à SGAM BTP, sont présumées agir de concert.
107.En tout état de cause, à supposer même que cette présomption ne leur soit pas applicable, la Cour estime qu'en l'espèce, cette action de concert est caractérisée, au sens de l'article L. 233-10, I, du code de commerce.
108.À cet égard, il importe de rappeler qu'il résulte des dispositions de cet article que la qualification d'une action de concert est subordonnée à la réunion de trois conditions cumulatives :
' l'existence d'un accord ;
' un accord ayant pour objet l'acquisition, la cession ou l'exercice de droits de vote ;
' un accord ayant pour finalité, soit la mise en 'uvre d'une politique commune vis-à-vis de la société, soit l'obtention du contrôle de cette société.
109.Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, l'accord constitutif d'une action de concert n'est soumis à aucune condition de forme (Com. 22 novembre 2016, n°15-11.063). Force est de constater que ni la directive « transparence », ni l'article L 233-10 du code de commerce, ni la jurisprudence y afférente, n'exigent qu'un tel accord résulte d'un écrit. En l'absence d'accord écrit, l'existence d'une action de concert peut être démontrée par un faisceau d'indices graves, précis et concordants (Cass. com., 15 mai 2012, n° 11-11.633), présenté par les concertistes eux-mêmes ou par des tiers.
110.En l'espèce, il ressort des éléments versés au dossier de la Cour qu'en septembre 2006, les sociétés d'assurance mutuelle L'Auxiliaire, CAM BTP et SMABTP ont créé une société de groupe d'assurance mutuelle, la SGAM BTP, et qu'elles ont été rejointes par L'Auxiliaire-Vie et SMAVie BTP en mars 2010 (pièce groupe SMA n°19 : conventions d'affiliation du 22 septembre 2016).
111.Or, aux termes de l'article L. 322-1-2 du code des assurances, une société de groupe d'assurance mutuelle désigne une « entreprise mère », au sens de l'article L. 356-1 du même code, évoquant une entreprise contrôlant de manière exclusive une entreprise filiale. L'activité principale de ces sociétés de groupe d'assurance mutuelle consiste notamment « à nouer et à gérer des relations financières fortes et durables » avec des sociétés d'assurance mutuelle.
112.S'il est constant que SGAM BTP n'a pris aucune participation dans SMABTP et SMAVie BTP, il n'en demeure pas moins qu'en tant qu'entreprise mère, au sens des dispositions précitées, elle entretient nécessairement des relations financières fortes et durables avec ces dernières.
113.Ainsi, SMABTP et SMAVie BTP apparaissent comme les principales affiliées de SGAM BTP, dès lors qu'il n'est pas contesté qu'elles ont contribué respectivement à hauteur d'environ 69 % et 18 % à son fonds d'établissement et qu'elles s'acquittent d'une part importante de sa cotisation annuelle de fonctionnement, versée par ses affiliées en proportion de leur chiffre d'affaires du dernier exercice clos, soit, sur la base des chiffres d'affaires de l'exercice de 2015 :
« L'Auxiliaire 7,03 %
' CAM BTP 4,44 %
' SMABTP 66,60 %
' L'Auxiliaire-Vie 0,05 %
' SMAvie BTP 21,88 % »
(article 3.2 des conventions d'affiliation, pièce n°19 précitée).
114.Il s'ensuit que l'ensemble formé par SMA BTP, SMAVie BTP, SMA et Imperio est organisé autour de deux sociétés d'assurance mutuelle qui se partagent deux grands domaines d'expertise, d'une part, l'assurance des biens pour SMA BTP et, d'autre part, l'assurance des personnes pour SMAVie BTP.
115.Conformément à l'article L. 322-1-3, alinéa 1er du code des assurances, SGAM BTP a conclu, en 2006, 2010 et 2016, des conventions d'affiliation avec ses affiliées, rédigées dans les mêmes termes, qui inscrivent les relations entre SGAM BTP, SMABTP et SMAVie BTP dans la durée.
116.Elles précisent notamment :
' en leur article 1, qu'elles ont pour objet de définir et d'organiser entre SGAM BTP et ses affiliées, notamment, l'élaboration et la mise en 'uvre de la stratégie du « Groupe » ' entendu comme l'ensemble d'entreprises composé de SGAM BTP, des affiliées et des entreprises d'assurances qu'elles contrôlent ' la solidarité financière en son sein, les fonctions clés et la gestion de ses actifs ;
' en leur article 5, que le conseil d'administration de SGAM BTP arrête et met à jour annuellement les orientations stratégiques du groupe, chaque affiliée étant tenue d'inscrire dans ce cadre son propre plan de développement et son fonctionnement opérationnel ;
' en leur article 12, que les politiques des affiliées doivent être cohérentes avec les politiques écrites du « Groupe » approuvées par le conseil d'administration de SGAM BTP ;
' en leur article 10, que SGAM BTP établit des comptes combinés incluant les comptes des affiliées.
117.S'agissant des comptes combinés, il résulte de l'article 61, alinéa 3 du règlement n° 99-02 du Comité de la réglementation comptable du 29 avril 1999, que l'établissement de comptes combinés au sein du groupe SMA matérialise une proximité particulière entre les entités concernées : « Ce lien de combinaison résulte du fait que deux ou plusieurs entités ont, en vertu de relations suffisamment proches (affectio familiae) ou d'un accord entre elles, soit une direction commune, soit des services communs assez étendus pour engendrer un comportement social, commercial, technique ou financier commun. La simple poursuite d'objectifs communs, notamment moraux ou sociaux voire économiques, ne suffit pas à présumer ce lien ».
118.Il s'infère des stipulations des conventions d'affiliation une volonté commune des affiliées, au premier rang desquelles figurent SMABTP et SMAVie BTP, de confier à SGAM BTP une mission de coordination centralisée et de contrôle sur les décisions de ses affiliées et d'agir ensemble dans différents domaines, en particulier dans celui de l'acquisition et la gestion des actifs.
119.À cet égard, l'article 9.2.1 des statuts de SGAM BTP prévoit l'application d'une procédure d'autorisation préalable du conseil d'administration de SGAM BTP à certaines décisions des affiliées susceptibles d'avoir un impact sur leur profil de risque, notamment aux décisions concernant « l'acquisition ou la cession totale ou partielle d'actifs ». La violation des dispositions de cet article peut être sanctionnée par le conseil d'administration de SGAM BTP en vertu de l'article 10 de ses statuts.
120.En outre, il résulte de l'article 5.1 des conventions d'affiliation que les investissements et la gestion des actifs relèvent de la compétence du directeur du pôle investissements/gestions des actifs et assurance vie. Ce responsable est membre du Comité de direction générale, présenté comme une instance de concertation des directions générales respectives de SGAM BTP et de ses affiliées. Il supervise un Comité métier « investissements et gestion d'actifs », composé des responsables de ces domaines au sein de SMABTP et de SMAVie BTP. Le comité des investissements est commun à ces deux affiliées et coordonne la politique d'investissement et de gestion des actifs au niveau de SGAM BTP et des affiliées (article 9 des conventions d'affiliation).
121.Aux termes de la délégation de pouvoirs et de responsabilités confiée le 30 septembre 2021 au directeur des investissements de SGAM BTP par le directeur général de SMABTP et de SMAVie BTP « agissant pour le compte des sociétés du groupe SMA », le directeur des investissements du groupe gère les actifs mobiliers et immobiliers détenus directement et indirectement par les affiliées. Il est chargé de la politique de gestion du risque d'investissement approuvée par les conseils d'administration des mutuelles et d'effectuer toutes opérations concernant la gestion de ces titres financiers. À ce titre, il exerce les droits de vote associés aux titres financiers détenus (pièce 21 de groupe SMA).
122.Il s'ensuit que l'organisation et les mécanismes mis en place par les conventions d'affiliation et les statuts de SGAM BTP traduisent une coopération et une coordination permanente entre SMABTP et SMAVie BTP, visant notamment une gestion commune de leurs participations dans les sociétés qu'elles détiennent.
123.En outre, dès lors que SMABTP et de SMAVie BTP ont le même directeur général, lequel est, au surplus, également directeur général de SGAM BTP, et que le directeur des investissements est commun aux deux affiliées (pièces 1, 2, 19 et 21 de groupe SMA), la Cour considère que cette communauté de dirigeants, relevée à juste titre par l'AMF dans la décision attaquée, renforce la capacité du groupe SMA à assurer une cohésion entre ses membres et révèle une volonté de SMABTP et SMAVie BTP de mettre en 'uvre une action commune, notamment en matière d'investissements et de gestion des participations.
124.Il résulte de ce qui précède que l'accord passé entre SMABTP et SMAVie BTP à l'occasion de la signature des conventions d'affiliation portait notamment sur la gestion commune de leurs participations respectives et l'exercice de leurs droits de vote dans les sociétés dans lesquelles elles prenaient une participation, et avait pour finalité d'exercer la mise en 'uvre d'une politique commune durable vis-à-vis de ces sociétés, déterminée par des dirigeants et responsables communs au sein des instances précédemment décrites.
125.La Cour ajoute, corrélativement, que certaines décisions prises par SMABTP et SMAVie BTP vis-à-vis de STE illustrent l'application d'une politique commune à l'égard de cette société.
126.Il en va ainsi de la décision commune prise par SMABTP et SMAVie BTP de plafonner leur participation globale au sein de STE, afin de conserver à celle-ci le statut fiscal réservé aux SIIC.
127.L'article 208 C, I du code général des impôts prévoit, en effet, que les SIIC bénéficient d'une exonération d'impôt sur les sociétés assortie d'une obligation de distribution des résultats exonérés, à condition notamment que leur capital ou leurs droits de vote ne soient pas « détenus, directement ou indirectement, à hauteur de 60 % ou plus par une ou plusieurs personnes agissant de concert au sens de l'article L. 233-10 du code de commerce ».
128.Bien qu'en l'espèce, aucune société du groupe SMA ne dépassait ce seuil de 60 % à titre individuel, la détention de concert par SMABTP, SMAVie BTP, SMA et Imperio de 88,90 % du capital et des droits de vote de STE début 2015 faisait encourir à celle-ci le risque de perdre ce régime fiscal. L'intention du groupe SMA « de ne pas se retrouver en situation de détenir une participation en capital et en droits de vote supérieure à 60 % et ainsi conserver le statut SIIC de STE » ressort clairement de la décision de l'AMF du 29 mai 2015 (pièce AMF n°7).
129.Il y a lieu de constater qu'à l'issue de diverses opérations de cession de titres par les sociétés du groupe SMA, celui-ci ne détenait plus que 59,78 % du capital et des droits de vote de STE en juin 2015 et que, comme l'a retenu à juste titre l'AMF dans la décision attaquée, la détention du groupe est ensuite demeurée en deçà du seuil de 60 % jusqu'en janvier 2025.
130.Ainsi la cession de titres STE par le groupe SMA, intervenue en 2015 dans le cadre d'un projet d'ouverture de capital matérialise-t-elle l'accord existant entre SMABTP et SMAVie BTP pour mettre en 'uvre une politique commune à l'égard de STE.
131.La Cour relève encore que l'existence d'une stratégie déterminée conjointement par SMABTP et SMAVie BTP pour la réalisation de leurs objectifs communs vis-à-vis de STE est évoquée dans plusieurs documents versés au dossier :
' dans la déclaration de franchissement de seuil et déclaration d'intention par SMAVie BTP du 3 février 2025 (pièce COMMA n° 20) : « ['] la SMAVie BTP déclare pour les six mois à venir : ['] que cette opération, d'ores et déjà annoncée au marché le 6 novembre 2024, n'a pas pour effet de modifier la stratégie du groupe de concert SMABTP à l'égard de [Adresse 23] depuis son arrivée au capital et que le groupe de concert SMABTP confirme qu'il n'envisage (i) ni d'acquérir des actions [Adresse 23], (ii) ni de réaliser l'une des opérations visées à l'article 223-17 I, 6° du règlement général de l'AMF. » (souligné par la Cour) ;
' dans le document de référence de STE déposé auprès de l'AMF en avril 2016 (pièce AMF n°13 page 21) : « En effet, la Société, depuis sa prise de contrôle par le Groupe SMA, a modifié son plan stratégique en décidant de devenir une foncière dite 'd'accumulation' caractérisée par la détention d'actifs de qualité sur le long terme, qui n'ont pas vocation à être cédés à court ou moyen terme » (souligné par la Cour).
132.Il ressort également des pièces examinées par la Cour qu'outre l'adresse commune mentionnée en novembre 2017 dans des déclarations de franchissement de seuils et d'intention réalisées par SMABTP et SMAVie BTP à l'occasion du projet de fusion entre les sociétés STE et Affine (pièce requérantes n° 25 : « ['] SMABTP et SMAVie BTP (sises [Adresse 13]) ['] »), SMABTP et SMAVie BTP utilisent la même identité commerciale et le même logo de groupe.
133.La Cour observe, au surplus, que la communication financière de STE présente les sociétés SMABTP, SMAVie BTP, SMA et Imperio comme « l'actionnaire majoritaire » (pièce STE n° 33 : extrait du DEU 2023 de STE). De même, le groupe SMA est systématiquement désigné comme l'actionnaire majoritaire par les actionnaires minoritaires dans les articles de presse versés au dossier de la Cour. Selon ces derniers, ce groupe « contrôle toutes les instances de la Société et nomme tant ses administrateurs que ses dirigeants » (pièce STE n° 25 : Boursier.com, 6 janvier 2025 ; voir également Option Finance, 7 janvier 2025). L'augmentation de capital décidée par ce « groupe majoritaire » est qualifiée d'« abus de majorité » (pièce STE n° 25 et pièce groupe SMA n° 17 : News Tank Cities, 11 février 2025 ; CF News Immo, 31 janvier 2025 ; pièce STE n° 25 : Boursier.com, 6 janvier 2025).
134.Par ailleurs, il n'est pas contesté que SMABTP et SMAVie BTP ont toujours agi, à travers leurs votes, de manière convergente à l'égard de STE (en ce sens, pièce groupe SMA n° 24 relative aux formulaires de vote des sociétés du groupe SMABTP lors des assemblées générales de STE des 15 mai 2024 et 16 décembre 2024 ; pièce STE n° 19 relative aux résultats d'un scrutin à l'occasion de l'assemblée générale de STE du 16 décembre 2024).
135.L'exercice conjoint de leurs droits de vote a permis à SMABTP et SMAVie BTP, qui détenaient ensemble plus de la moitié du nombre total des titres de capital et des droits de vote de STE depuis 2015, comme en atteste le tableau ci-dessous réalisé à partir de plusieurs pièces versées au dossier, de faire prévaloir leurs positions et de déterminer conjointement les décisions prises par les assemblées générales ordinaires de cette société.
Tableau n° 1 : Détention du capital et des droits de vote du groupe SMA dans STE
% capital
~ % droits de vote
Date et source
SMABTP
SMAVie
SMA
[Adresse 20]
Total Groupe
31/12/2014 (1)
89,9 %
-
-
- 89,9 %
31/03/2015 (2)
20/04/2015 (3)
54,0 %
34,0 %
0,6 %
0,3 %
88,9 %
05/05/2015 (4)
29/05/2015 (5)
33,7 %
16,3 %
0,6 %
0,3 %
51,0 %
18/06/2015 (6)
31/12/2015 (7)
36,8 %
22,0 %
0,7 %
0,3 %
59,8 %
27/11/2018 (8)
36,2 %
21,7 %
0,7 %
0,3 %
58,9 %
31/12/2019 (9)
NC
NC
NC
NC
52,6 %
31/12/2020 (9)
31/12/2021 (9)
31/12/2022 (10)
31/12/2023 (11)
NC
NC
NC
NC
52,3 %
31/12/2024 (12)
31,8 %
19,7 %
0,5 %
0,3 %
52,3 %
15/01/2025 (13)
26/03/2025 (14)
57,0 %
35,3 %
0,9 %
0,6 %
93,8 %
Sources : (1) Pièce SMA n°12, (2) Pièces COMMA n° 24 et AMF n° 2, (3) Pièces SMA n° 13 et AMF n° 2 bis, (4) Pièce AMF n° 2 ter, (5) Pièces SMA n° 6 et AMF n° 3, (6) Pièces SMA n° 14 et AMF n° 9, (7) Pièce STE n° 37, (8) Pièces SMA n° 7, STE n° 12 et AMF n° 11, (9) Pièce COMMA n° 16, (10) Pièce COMMA n° 17, (11) Pièces COMMA n° 18, SMA n° 15 et STE,° 33, (12) Pièce STE n° 21, (13) Pièces COMMA n° 19 et STE n° 7, (14) Pièce SMA n° 10
136.Au regard des éléments de l'espèce, et en particulier des pièces relatives aux conventions d'affiliation, aux statuts de SGAM BTP et à l'exercice des droits de vote par SMABTP et SMAVie BTP, des déclarations de franchissement de seuils et d'intention de ces sociétés et de la décision de dérogation à l'obligation de déposer un projet d'offre publique visant les actions STE rendue par l'AMF le 29 mai 2015 sur le même fondement juridique que celui de la décision attaquée, c'est en vain que les requérantes se prévalent de la circonstance qu'aucune déclaration de franchissement de seuil spécifiant expressément un concert à l'égard de STE n'a été réalisée par les concertistes.
137.Il résulte des constatations et considérations qui précèdent que, dans le contexte de l'augmentation de capital en cause, SMABTP, SMAVie BTP et les sociétés qu'elles détiennent ont agi de concert en vertu d'un accord, au demeurant contraignant, conclu notamment en vue d'exercer des droits de vote pour mettre en 'uvre une politique commune vis-à-vis de la société STE.
138.À cet égard, il y a lieu de relever que la mention de l'existence d'une action de concert entre les entités du groupe SMA figurait dès 2016, dans la déclaration de référence 2015 de STE « [le groupe constitué des sociétés SMABTP, SMAVie BTP, Imperio et SMA] a déclaré avoir franchi de concert en baisse les seuils de 2/3 du capital et des droits de vote le 30 avril 2015 » (pièce AMF n°13, document de référence de STE déposé auprès de l'AMF le 15 avril 2016).
139.Ainsi, la Cour observe que les éléments qui sous-tendent la caractérisation de cette action de concert sont largement antérieurs au contexte dans lequel s'est inscrite l'augmentation de capital en cause, de sorte que c'est en vain que les requérantes soutiennent que la mention ajoutée le 18 décembre à la section 7.3.3 du DEU, énonçant que « les entités du groupe SMABTP qui détiennent des actions de la Société agissent de concert vis-à-vis de la Société au sens de l'article L. 233-10 du code de commerce », constituerait une information nouvelle.
140.Il résulte de l'ensemble de ces développements que l'AMF a retenu à juste titre, pour apprécier si les conditions exigées par l'article 234-9, 6° étaient remplies, que SMABTP et SMAVie BTP sont membres d'un concert qui détenait, préalablement à ladite augmentation de capital, la majorité des droits de vote de STE, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'examiner le surplus des moyens.
141.Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, c'est donc par des motifs pertinents, desquels il résulte que le contrôle de STE n'a pas été modifié par l'opération en cause, que l'AMF a octroyé à SMABTP et SMAVie BTP une dérogation à l'obligation de déposer un projet d'offre publique visant les actions STE, sur le fondement de l'article 234-9, 6°.
142.En conséquence, les moyens doivent être rejetés.
III.SUR LES DEMANDES DE CONDAMNATION POUR PROCÉDURE ABUSIVE ET AU PAIEMENT DE DOMMAGES-INTÉRÊTS
143.STE estime que le recours des requérantes constitue un abus du droit d'agir en justice, au regard :
' du caractère public de l'information relative à l'existence d'une action de concert ;
' de la mauvaise foi manifeste de certaines des requérantes, qui, à l'occasion de la fusion-absorption d'Affine par STE en 2018, avaient eu connaissance de ce que les entités du groupe SMA agissaient de concert ;
' de la stratégie de harcèlement menée à son encontre par les requérantes ' notamment au travers d'une campagne de presse de dénigrement ' dont le recours contre la décision attaquée constituerait une nouvelle étape.
144.Ces abus auraient causé un préjudice moral ainsi qu'un préjudice matériel à STE, au vu du temps et des ressources qu'elle a dû engager pour préparer sa défense, justifiant la condamnation des requérantes à payer à STE la somme de 1 euro et de 15 000 euros en réparation des préjudices moral et matériel.
145.Les requérantes analysent la présence de STE à la procédure comme une intervention volontaire accessoire, au sens de l'article 330 du code de procédure civile. Elles considèrent que STE n'est pas la bénéficiaire de la décision de dérogation objet du présent recours et ne saurait formuler aucune prétention personnelle relativement à l'objet de la procédure.
146.Elles soutiennent, par ailleurs, que la Cour n'a pas compétence pour se prononcer sur le comportement adopté par les requérantes à l'occasion de l'opération ayant donné lieu à la décision attaquée et qu'en tout état de cause, le présent recours ne relève d'aucune intention de nuire.
147.Elles font valoir, enfin, que le montant du préjudice allégué n'est pas justifié.
148.Le ministère public est d'avis que le recours des requérantes ne constitue pas un abus du droit d'ester.
Sur ce, la Cour :
149.Concernant, en premier lieu, la recevabilité de la demande de STE, force est de constater que cette société a fait l'objet de la décision attaquée, dès lors que celle-ci porte sur des demandes de dérogation à l'obligation de déposer un projet d'offre publique visant les actions STE, après que, le 6 novembre 2024, STE a annoncé un projet d'augmentation de capital avec maintien du droit préférentiel de souscription d'un montant cible de 600 millions d'euros.
150.Il s'ensuit que, dans le cadre du présent recours formé par le groupe SMA, STE a la qualité de partie défenderesse, ce qui exclut sa qualité d'intervenant volontaire accessoire dans la présente procédure.
151.Dès lors, la demande de STE est recevable.
152.Concernant, en second lieu, le bien-fondé de ladite demande, si les requérantes succombent dans le recours qu'elles ont formé contre la décision de l'AMF ayant octroyé à SMABTP et SMAVie BTP les dérogations sollicitées, il ne ressort pas du dossier qu'elles auraient agi avec mauvaise foi ou légèreté blâmable et qu'elles auraient ainsi abusé de leur droit d'agir en justice.
153.La demande doit donc être rejetée.
IV. SUR LES FRAIS IRRÉPÉTIBLES
154.Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
155.Il convient, en équité, de condamner solidairement COMMA, S2C, STEPHI et FA 29 aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement :
DÉCLARE recevable le recours formé par les sociétés COMMA, S2C, STEPHI et FA 29 contre la décision de l'Autorité des marchés financiers n° 225C0557 du 25 mars 2025,
Au fond, le REJETTE,
DÉBOUTE la société [Adresse 23] de sa demande tendant à la condamnation des sociétés COMMA, S2C, STEPHI et FA 29 au paiement de dommages et intérêts,
REJETTE les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE solidairement les sociétés COMMA, S2C, STEPHI et FA 29 aux dépens.
LE GREFFIER,
Valentin HALLOT
LA PRÉSIDENTE,
Agnès MAITREPIERRE