Cass. crim., 10 septembre 2025, n° 24-84.084
COUR DE CASSATION
Autre
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bonnal
Rapporteur :
M. Gillis
Avocat général :
Mme Chauvelot
Avocat :
SCP Célice, Texidor, Périer
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 10 février 2020, les agents des douanes ont procédé au contrôle du véhicule conduit par M. [G] [K]. La fouille du véhicule a amené la découverte d'une forte somme d'argent en espèces.
3. Par jugement du 22 février 2023, le tribunal correctionnel a condamné M. [K] pour blanchiment à trois ans d'emprisonnement et une confiscation.
4. L'intéressé et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur les deuxième et troisième moyens
5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité soulevée, alors :
« 1°/ que les Etats adhérents à la Convention européenne des droits de l'homme sont tenus de respecter les dispositions de cette Convention et les décisions de la Cour européenne des droits de l'homme, sans attendre d'être attaqués devant elle ni d'avoir modifié leur législation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne s'est pas prononcée sur le bien-fondé du moyen de l'exposant tiré de l'inconventionnalité de l'article 60 du code des douanes (dans sa rédaction en vigueur au moment des faits) au regard de l'article 2 du protocole additionnel n° 4 et de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme au motif inopérant que si le Conseil constitutionnel a déclaré l'article 60 du code des douanes contraire à la Constitution dans sa décision du 22 septembre 2022, il a reporté l'abrogation de ce texte au 1er septembre 2023 et précisé que les mesures prises avant la publication de sa décision ne pouvaient être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité et au motif erroné que « la Cour de cassation considère que dans l'hypothèse où une disposition législative a fait l'objet d'une déclaration d'inconstitutionnalité comportant un report d'application pour permettre au législateur de prendre les dispositions induites par la décision d'inconstitutionnalité, les nouvelles règles résultant de cette décision ‘ne peuvent s'appliquer immédiatement à [une mesure] conduite dans le respect des dispositions législatives en vigueur lors de sa mise en uvre, sans porter atteinte au principe de sécurité juridique et à la bonne administration de la justice' (Crim. 19 octobre 2010) » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des dispositions conventionnelles précitées et a méconnu l'article 55 de la Constitution ;
2°/ subsidiairement, qu'il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de la liberté de circulation et du droit au respect de la vie privée que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et proportionnée au but légitime poursuivi ; qu'ainsi, la norme fondant cette ingérence doit offrir des garanties adéquates contre le risque d'arbitraire, notamment définir, avec suffisamment de détails, de précision et de clarté, la catégorie de personnes auxquelles les restrictions sont applicables, les types de comportement et/ou d'autres facteurs susceptibles d'entraîner l'applicabilité d'une restriction, l'autorité habilitée à autoriser une telle ingérence ainsi que le contenu et les limites temporelles des obligations imposées dans ce cadre ; qu'en l'espèce, la fouille du véhicule de l'exposant a été réalisée sur le fondement de l'article 60 du code des douanes qui, dans sa rédaction alors en vigueur, ne prévoyait aucune garantie adéquate contre le risque arbitraire dès lors qu'il permettait, en toutes circonstances, à tout agent des douanes, de procéder à la fouille de toute marchandise, tout véhicule et toute personne se trouvant sur la voie publique, pour la recherche de toute infraction douanière, sur l'ensemble du territoire douanier, sans avoir à être autorisé ou requis par un magistrat, ni à recueillir l'assentiment de l'intéressé, et sans que soit nécessaire l'existence préalable de raisons plausibles de soupçonner la commission d'une infraction ; que, partant, à supposer que la cour d'appel ait jugé que ce texte n'était pas contraire à l'article 2 du protocole additionnel n° 4 et à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, alors elle a méconnu ces dispositions conventionnelles. »
Réponse de la Cour
7. La Cour de cassation juge que l'article 60 du code des douanes, dans sa version antérieure à la loi n° 2023-610 du 18 juillet 2023, applicable à l'espèce, ne saurait être regardé comme compatible avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme qu'à condition que les agents des douanes n'exercent le droit de visite prévu par cet article 60 que s'ils constatent l'existence de raisons plausibles de soupçonner la commission ou la tentative de commission d'une infraction douanière, ou s'ils opèrent dans des zones et lieux présentant des risques particuliers de commission d'infractions douanières. Ces zones et lieux sont le rayon douanier et les bureaux des douanes, tels que définis par l'article 44, dans sa rédaction antérieure à la loi du 18 juillet 2023 précitée, et l'article 47 du code des douanes, ainsi que ceux énumérés par le premier alinéa de l'article 67 quater du même code (Crim., 4 décembre 2024, pourvoi n° 24-80.381, publié au Bulletin ; Crim., 4 décembre 2024, pourvoi n° 24-82.224, publié au Bulletin).
8. La méconnaissance de ces conditions, susceptible d'avoir entraîné une atteinte au droit au respect de la vie privée, n'affecte qu'un intérêt privé. Aussi, le juge pénal ne peut prononcer la nullité, en application des dispositions de l'article 802 du code de procédure pénale, que si cette irrégularité elle-même a occasionné un préjudice au requérant, lequel ne peut résulter de la seule mise en cause de celui-ci par l'acte critiqué.
9. Par ailleurs, l'ingérence dans la vie privée qui résulte de la fouille d'un véhicule étant, par sa nature même, moindre que celle résultant d'une perquisition dans un domicile, il appartient au requérant d'établir qu'un tel acte lui a occasionné un grief.
10. En l'espèce, il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué et des pièces utiles de la procédure que le contrôle a été opéré en dehors du rayon douanier, des bureaux des douanes, et des zones ou lieux énumérés par le premier alinéa de l'article 67 quater du code des douanes, et alors qu'il n'existait pas de raisons plausibles de soupçonner la commission ou la tentative de commission d'une infraction douanière.
11. Cependant, M. [K] ne se prévaut d'aucun grief, autre que sa mise en cause par l'acte critiqué, résultant de cette irrégularité.
12. Dès lors, le moyen, qui conteste le rejet de la demande de nullité du contrôle douanier en raison de l'inconventionnalité de l'article 60 du code des douanes, ne peut être accueilli.
13. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;