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Cass. crim., 10 septembre 2025, n° 24-83.882

COUR DE CASSATION

Autre

Cassation

Cass. crim. n° 24-83.882

9 septembre 2025

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. A la suite de deux meurtres commis courant 2017 en [Localité 1] sur fond d'infractions à la législation sur les stupéfiants, les enquêteurs ont obtenu des renseignements relatifs à un trafic se déroulant dans un quartier de cette ville, et au rôle tenu par M. [Y] [O].

3. Le 9 juin 2017, une information a été ouverte du chef d'association de malfaiteurs. Plusieurs réquisitoires supplétifs ont étendu la saisine du juge d'instruction aux faits de trafic de stupéfiants, blanchiment et non-justification de ressources.

4. A l'issue de l'instruction, le juge d'instruction a rendu le 7 novembre 2022 une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel de vingt-deux personnes mises en examen, notamment, des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs.

5. M. [Y] [O] a, pour sa part, été renvoyé devant le tribunal correctionnel des chefs d'association de malfaiteurs et blanchiment, M. [X] [O], du chef de non-justification de ressources, et M. [S] [F] pour infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs.

6. Par jugement du tribunal correctionnel d'Avignon du 21 septembre 2023,
M. [X] [O] a été déclaré coupable de non-justification de ressources par une personne en relation habituelle avec l'auteur de crimes ou délits de trafic de stupéfiants et condamné à un an d'emprisonnement avec sursis et une confiscation. M. [Y] [O] a été relaxé du chef d'association de malfaiteurs, déclaré coupable de blanchiment du produit du délit de trafic de stupéfiants et condamné à sept ans d'emprisonnement avec mandat d'arrêt, 80 000 euros d'amende et une confiscation. M. [F] a été relaxé du chef d'association de malfaiteurs, déclaré coupable du délit d'infractions à la législation sur les stupéfiants et condamné à trois ans d'emprisonnement et une confiscation.

7. MM. [F], [X] et [Y] [O], puis le ministère public ont relevé appel du jugement.

Déchéance du pourvoi formé par M. [F]

8. M. [F] n'a pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par son avocat, un mémoire exposant ses moyens de cassation. Il y a lieu, en conséquence, de le déclarer déchu de son pourvoi par application de l'article 590-1 du code de procédure pénale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches, et le deuxième moyen, pris en sa première branche

9. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Mais sur le premier moyen, pris en ses deuxième et quatrième branches
Enoncé du moyen

10. Le moyen, critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [X] [O] coupable des faits objet de la prévention, alors :

« 2°/ qu'en outre, le délit de non-justification de ressources suppose que l'infraction d'origine ait procuré à son auteur un profit direct ou indirect ; qu'en déclarant le prévenu coupable de non-justification de ressources, pour avoir été en relation habituelle avec son frère, lequel a été déclaré coupable de blanchiment de trafic de stupéfiants, lorsque le délit de blanchiment ne procure aucun profit même indirect à son auteur, mais permet seulement de réintégrer dans le circuit légal le produit d'une infraction, la cour d'appel a méconnu les mêmes articles ;

4°/ qu'enfin, à supposer que la cour d'appel ait considéré que l'infraction originaire était le trafic de stupéfiants commis les prévenus définitivement condamnés aux termes du jugement, en se bornant à retenir que le prévenu « évoluait dans le quartier [Adresse 2] au contact des autres protagonistes du dossier » (arrêt, p. 57, § 7), sans jamais caractériser que le prévenu entretenait une relation habituelle avec ces personnes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 321-6 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 321-6, alinéa 1, du code pénal et 593 du code de procédure pénale :

11. Le premier de ces textes réprime le fait de ne pouvoir justifier de ressources correspondant à son train de vie ou de ne pouvoir justifier de l'origine d'un bien détenu, tout en étant en relations habituelles avec une ou plusieurs personnes qui, soit se livrent à la commission de crimes ou de délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement et procurant à celles-ci un profit direct ou indirect, soit sont les victimes d'une de ces infractions.

12. Selon le second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

13. Pour déclarer M. [X] [O] coupable du délit de non-justification de ressources entre le 1er janvier et le 6 juillet 2018, comme étant en relations habituelles avec des personnes se livrant au trafic de stupéfiants, dont son frère M. [Y] [O] condamné pour des faits commis entre le 6 juillet 2018 et le 11 février 2019, et d'autres prévenus condamnés pour des faits commis courant 2017 au 11 février 2019, l'arrêt attaqué énonce que les faits de trafic de stupéfiants qui ont valu à la plupart des prévenus d'être définitivement condamnés en première instance ont été commis courant 2017 jusqu'au 11 février 2019, à une période où M. [X] [O] évoluait dans le quartier [Adresse 2] au contact des autres protagonistes du dossier et que les relations habituelles avec les autres personnes impliquées dans le trafic résultent d'une conversation tenue entre son frère et une de ces personnes dans laquelle il est cité.

14. En se déterminant ainsi, sans caractériser l'existence de relations habituelles de M. [X] [O] avec des personnes mises en cause dans les faits de trafic de stupéfiants, et alors que son frère M. [Y] [O] n'a été condamné que pour des faits postérieurs au 6 juillet 2018, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.

15. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

Et sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche

16. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [Y] [O] à la peine de huit ans d'emprisonnement sans sursis, alors :

« 2°/ que, d'autre part, le juge qui prononce, en matière correctionnelle, une peine d'emprisonnement sans sursis doit établir que la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine indispensable et que toute autre sanction est manifestement inadéquate ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur le caractère indispensable d'une telle peine et le caractère manifestement inadéquat de toute autre sanction, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 132-19 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 132-19 du code pénal et 593 du code de procédure pénale :

17. Il résulte du premier de ces textes que le juge qui prononce, en matière correctionnelle, une peine d'emprisonnement sans sursis doit motiver ce choix en faisant apparaître qu'il a tenu compte des faits de l'espèce, de la personnalité de leur auteur, ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale. Il lui appartient d'établir, au regard de ces éléments, que la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine indispensable et que toute autre sanction est manifestement inadéquate.

18. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

19. Pour condamner M. [Y] [O] à la peine de huit ans d'emprisonnement, l'arrêt attaqué, après avoir rappelé que sa situation actuelle est inconnue dans la mesure où il n'a produit aucune pièce, relève qu'il est le bénéficiaire principal du vaste trafic de stupéfiants qui lui permet de vivre au Maroc.

20. Les juges ajoutent qu'il n'a pas compris le sens de sa précédente condamnation.

21. Ils concluent que la peine doit être exemplaire, au regard du comportement du prévenu, et des ravages occasionnés par la drogue en termes de santé publique et d'assassinat.

22. En se déterminant ainsi, sans mieux s'expliquer sur le caractère manifestement inadéquat de toute autre sanction, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.

23. La cassation est par conséquent également encourue de ce chef.

Et sur le troisième moyen

24. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [Y] [O] à la peine de confiscation des scellés, alors « qu'il incombe au juge qui décide de confisquer un bien, après s'être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, de préciser la nature et l'origine de ce bien ainsi que le fondement de la mesure ; qu'en se prononçant sans indiquer la nature et l'origine des biens placés sous scellés, ni identifier le fondement de leur confiscation, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de contrôler la légalité de sa décision, en méconnaissance des articles 131-21 et 593 du Code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 131-21 du code pénal et 593 du code de procédure pénale :

25. Selon le premier de ces textes, la peine complémentaire de confiscation est encourue dans les cas prévus par la loi ou le règlement. Elle porte sur les biens qui ont servi à commettre l'infraction ou qui étaient destinés à la commettre, et sur ceux qui sont l'objet ou le produit, direct ou indirect, de l'infraction et ne peuvent être restitués. Si la loi qui réprime le crime ou le délit le prévoit, la confiscation peut porter sur tout ou partie des biens appartenant au condamné. Il incombe au juge qui décide de confisquer un bien, après s'être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, de préciser la nature et l'origine de ce bien ainsi que le fondement de la mesure.

26. Selon le second, tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

27. L'arrêt attaqué se borne, sans énoncer les motifs de cette peine complémentaire, à confirmer la mesure de confiscation des scellés ordonnée par le jugement, lui-même dépourvu de motivation sur ce point.

28. En prononçant ainsi, sans indiquer la nature et l'origine des objets placés sous scellés dont elle a ordonné la confiscation, ni le fondement de cette peine, dont elle n'a pas davantage précisé la nécessité, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ni mis la Cour de cassation en mesure d'en contrôler la légalité.

29. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

Portée et conséquences de la cassation

30. La cassation sera limitée à la déclaration de culpabilité de M. [X] [O] du chef de non-justification de ressources entre le 1er janvier 2018 et le 6 juillet 2018, ainsi qu'aux peines prononcées à son encontre et à l'encontre de M. [Y] [O].

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Sur le pourvoi formé par M. [F] :

CONSTATE la déchéance du pourvoi ;

Sur les pourvois formés par MM. [X] et [Y] [O] :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Nîmes, en date du 30 avril 2024, mais en ses seules dispositions relatives à la déclaration de culpabilité de M. [X] [O] du chef de non-justification de ressources entre le 1er janvier 2018 et le 6 juillet 2018, ainsi qu'aux peines prononcées à son encontre et à l'encontre de M. [Y] [O], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Montpellier, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Nîmes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

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