CA Caen, 1re ch. civ., 9 septembre 2025, n° 25/00831
CAEN
Arrêt
Autre
AFFAIRE : N° RG 25/00831 - N° Portalis DBVC-V-B7J-HTSB
Code Aff. :
ARRÊT N°
ORIGINE : Ordonnance sur requête du Juge de l'exécution de [Localité 1] en date du 13 Mars 2025
RG n° 25/172
COUR D'APPEL DE CAEN
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 09 SEPTEMBRE 2025
REQUÉRANTE :
Société HELSINGIN HITSAUS HH OY,
société de droit finlandais, immatriculée au RCS sous le n° 2615381-4
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 4]
[Localité 3] (FINLANDE)
non comparante représentée par Me Aurélie IFFRIG, avocat au barreau de CAEN, et par Me Natalia ICHIM, avocat au barreau de STRASBOURG
MINISTÈRE PUBLIC :
La procédure ayant été communiquée au ministère public pris en la personne de Monsieur le Procureur Général représenté par M. Vaillant avocat général qui a émis un avis écrit le 30 avril 2025
A l'audience du 12 juin 2025 prise en chambre du conseil, où l'affaire a été mise en délibéré au 09 Septembre 2025, devant Madame GAUCI SCOTTE désigné comme juge rapporteur par ordonnance du 24 avril 2025 assistée de Mme COLLET, greffière
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme BARTHE-NARI, Président de chambre,
Mme DELAUBIER, Conseillère,
Mme GAUCI SCOTTE, Conseillère,
GREFFIER : Mme COLLET
ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, la partie en ayant été préalablement avisée dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile le 09 Septembre 2025 et signé par Mme BARTHE-NARI, président, et Mme FLEURY, greffière
FAITS ET PROCEDURE
La SARL Europêche est propriétaire du chalutier [Localité 5] II.
La construction de ce chalutier a été confiée à la société Manche Industrie Marine (MIM), société spécialisée dans la construction et la réparation navale, dont le site de production se trouve à [Localité 2].
Le 6 février 2023, la société MIM a conclu un contrat de sous-traitance avec la société de droit finlandais Helsingin Hitsaus Hh Oy, pour lui confier des travaux de tôlerie et de soudage. Le prix de l'intervention a été évalué à plus d'un million d'euros.
A défaut de paiement de ses factures, la société Helsingin Hitsaus Hh Oy a fait assigner en référé la société MIM devant le tribunal de commerce de Dieppe afin d'obtenir sa condamnation provisionnelle à la somme de 695 660 euros, la procédure étant toujours en cours.
Par ordonnance du 25 mars 2024, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Dieppe a autorisé la saisie sur les comptes bancaires de la société MIM pour un montant de 689 275 euros.
Par jugement du 18 octobre 2024, la société MIM a fait l'objet d'un jugement d'ouverture de liquidation judiciaire.
La société Helsingin Hitsaus Hh Oy a fait assigner la SARL Europêche en recouvrement des sommes dues devant le tribunal de commerce de Caen en sa qualité de maître d'ouvrage, sur le fondement de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975. La procédure est pendante devant le tribunal de commerce de Caen.
Par requête reçue au greffe du tribunal judiciaire le 11 mars 2025, la société de droit finlandais Helsingin Hitsaus Hh Oy, immatriculée au registre du commerce sous le numéro 2615381-4, dont le siège social est situé [Adresse 4], à Helsinki 00131 en Finlande, a saisi le juge de l'exécution aux fins de l'autoriser à pratiquer une saisie conservatoire du navire Saint Paul II appartenant à la société Europêche.
Par ordonnance du 13 mars 2025, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Caen a refusé d'autoriser la mesure de saisie conservatoire au motif d'une part, qu'il n'était pas justifié par la société requérante de la transmission à la société Europêche de la mise en demeure adressée à la société Manche Industrie Marine (MIM) et, d'autre part, que la créance invoquée sur le fondement délictuel n'entrant pas dans la liste des créances maritimes énumérées par la convention de Bruxelles elle ne pouvait donner lieu à saisie conservatoire.
Par déclaration du 25 mars 2025, la société Helsingin Hitsaus Hh Oy a formé appel de cette ordonnance.
Par ordonnance du 4 avril 2025 à laquelle il est renvoyé pour un exposé complet des prétentions en première instance, le juge de l'exécution près le tribunal judiciaire de Caen a :
rejeté la demande de rétractation de la société Helsingin Hitsaus Hh Oy du 25 mars 2025 de l'ordonnance du juge de l'exécution du 13 mars 2025 rejetant la demande de saisie conservatoire du navire [Localité 5] II appartenant à la société Europêche,
dit que la déclaration d'appel ainsi que les pièces et une copie de la présente décision seront transmis par le greffe à la cour d'appel de Caen.
Par dernières conclusions en date du 11 juin 2025, la société Helsingin Hitsaus HH Oy sollicite de la cour qu'elle rétracte l'ordonnance du 13 mars 2025, et qu'elle constate, dise et juge que la société Helsingin Hitsaus HH Oy est titulaire d'une créance maritime à l'encontre de la société Europêche, en conséquence qu'elle autorise la saisie conservatoire sur le navire [Localité 5] II jusqu'à ce que l'intégralité de sa créance d'un montant de 208 298,91 euros soit réglée.
Par avis du 30 avril 2025 le Parquet général a requis la confirmation de la décision attaquée.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de saisie conservatoire :
La société Helsingin Hitsaus Hh Oy expose que la construction du navire [Localité 5] II a été confiée par la SARL Europêche à la société Manche Industrie Marine (ci-après MIM), laquelle a elle-même confié les travaux de tôlerie et soudage à la requérante par contrat de sous-traitance.
La société Helsingin Hitsaus Hh Oy précise qu'elle est intervenue pour la société MIM en sous-traitance pour trois chantiers, dont celui de la SARL Europêche, et que les factures qu'elle a émises pour ses interventions sont restées impayées à hauteur de 689 275 euros par la société MIM.
Sur ce montant, 208 298,91 euros correspondent aux impayés imputables au chantier de construction du chalutier [Localité 5] II de la SARL Europêche.
Compte tenu de l'absence de paiement de la société MIM, de la dégradation de la situation financière de cette dernière, placée en liquidation judiciaire, et de l'impossibilité de recouvrer les fonds, la société Helsingin Hitsaus Hh Oy entend obtenir paiement directement du maître d'ouvrage, soit la SARL Europêche, sur le fondement de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 régissant la sous-traitance.
Parallèlement à son action directe en paiement, la société Helsingin Hitsaus Hh Oy sollicite que soit autorisée une saisie conservatoire du chalutier [Localité 5] II pour garantir le paiement de sa créance.
La société Helsingin Hitsaus Hh Oy soutient que sa demande entre incontestablement dans le champ d'application des dispositions de la convention de Bruxelles du 10 mai 1952, permettant la mise en 'uvre d'une saisie conservatoire de navire pour les créances maritimes.
La société Helsingin Hitsaus Hh Oy souligne que parmi les créances maritimes admises par la convention de Bruxelles du 1952 se trouvent les créances ayant pour cause la construction, les réparations, l'équipement d'un navire ou les frais de cale.
Elle rappelle que la créance qu'elle invoque résulte d'un contrat de sous-traitance pour des travaux de construction, réalisés sur le site du constructeur à [Localité 2].
La société Helsingin Hitsaus Hh Oy fait également valoir que la convention admet que soit pratiquée une saisie conservatoire sur le fondement d'une simple allégation de créance maritime.
Au fondement de son action contre la SARL Europêche, la société Helsingin Hitsaus Hh Oy précise invoquer les dispositions de l'article 14-1 de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975, et le manquement du maître d'ouvrage à son obligation d'exiger de l'entrepreneur principal la constitution d'une caution pour le sous-traitant.
Enfin, la société Helsingin Hitsaus Hh Oy précise qu'elle a assigné en paiement la SARL Europêche à titre principal sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle du maître d'ouvrage. Elle affirme dès lors que la mise en demeure préalable prévue par l'article 12 de la loi de 1975 n'est pas exigée.
Pour rejeter la demande de saisie conservatoire de la société Helsingin Hitsaus Hh Oy, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Caen a, dans son ordonnance du 13 mars 2025, retenu que cette dernière ne justifiait pas de la transmission à la SARL Europêche de la mise en demeure adressée à la société MIM, conformément aux exigences de l'article 12 de la loi du 31 décembre 1975 régissant les conditions de l'action directe du sous-traitant à l'encontre du maître d'ouvrage.
Il a par ailleurs considéré que le fondement subsidiaire de la responsabilité délictuelle allégué par la société Helsingin Hitsaus Hh Oy contre la SARL Europêche n'entrait pas dans le champ d'application de la convention de Bruxelles du 10 mai 1952.
Aux termes de son ordonnance du 4 avril 2025, le juge de l'exécution de [Localité 1] a reconnu l'applicabilité de la convention de Bruxelles du 10 mai 1952 et la qualification de créance maritime, en référence à ce texte, de la créance alléguée par la société Helsingin Hitsaus Hh Oy.
Cependant, le juge a considéré que les éléments communiqués par la société Helsingin Hitsaus Hh Oy ne permettaient pas de déterminer le montant de la créance dont elle se prévalait, après avoir relevé que la somme réclamée par la requérante avait varié à l'occasion des différents actes délivrés par celle-ci, entre l'assignation devant le tribunal de commerce remise à la SARL Europêche (225 406,06 euros réclamés) et les précédentes requêtes présentées par la société Helsingin Hitsaus Hh Oy ayant été rejetées (689 275 euros réclamés). Au regard de l'incertitude subsistant quant au montant de la créance alléguée, le juge de l'exécution a estimé qu'il n'était pas possible de mettre en 'uvre une saisie conservatoire.
Selon l'article 1er de la Convention internationale de Bruxelles du 10 mai 1952 pour l'unification de certaines règles sur la saisie conservatoire des navires de mer, la notion de "créance maritime" signifie allégation d'un droit ou d'une créance ayant notamment pour causes la construction, les réparations, l'équipement d'un navire ou les frais de cale.
L'article 8 de cette convention prévoit que les dispositions de la Convention sont applicables dans tout État contractant à tout navire battant pavillon d'un État contractant.
Un navire battant pavillon d'un État non contractant peut être saisi dans l'un des États contractants, en vertu d'une des créances énumérées à l'article 1, ou de toute autre créance permettant la saisie d'après la loi de cet État.
Il n'est pas contesté que les dispositions de cette convention sont en l'espèce applicables, au regard de l'élément d'extranéité que constitue la relation contractuelle liant la société Manche Industrie Marine, société de droit français, à la société Helsingin Hitsaus Hh Oy, société de droit finlandais, étant par ailleurs rappelé que ces deux pays sont signataires de la convention.
En outre, la créance alléguée par la société Helsingin Hitsaus Hh Oy, qui résulte de travaux de construction d'un navire, doit indéniablement être qualifiée de créance maritime, sans qu'il soit nécessaire pour cela de rechercher son fondement juridique.
La jurisprudence a précisé que la simple allégation par le saisissant de l'existence, à son profit, de l'une des créances maritimes visées à l'article 1er de ce traité suffit à fonder son droit de saisir le navire auquel cette créance se rapporte, sans que le juge ait à apprécier son caractère certain ou sérieux, ou même sa vraisemblable, ni qu'il ait à rechercher si les conditions de recevabilité de son action sont remplies.
Néanmoins, pour que la saisie conservatoire puisse être autorisée, encore faut-il que soit démontré le lien entre la créance alléguée et le navire dont la saisie est demandée.
Il est constant que la société Helsingin Hitsaus Hh Oy a conclu avec la société MIM un contrat de sous-traitance portant sur la réalisation de travaux de tôlerie et soudage pour plusieurs chantiers de construction navale.
Les factures communiquées, ainsi que les courriers de mise en demeure adressés par la société Helsingin Hitsaus Hh Oy à la société MIM pour obtenir paiement de ses factures impayées, de même que les décisions de justice produites, par lesquelles la société Helsingin Hitsaus Hh Oy a tenté d'obtenir le recouvrement de sa créance envers la société MIM, font la preuve de l'existence de la créance maritime alléguée par la requérante.
En revanche, parmi les pièces versées aux débats par la société Helsingin Hitsaus Hh Oy à l'appui de sa demande de saisie conservatoire, aucune ne permet de faire la preuve d'un lien entre les travaux de construction qu'elle a réalisés et le chalutier [Localité 5] II, propriété de la SARL Europêche, dont elle poursuit la saisie conservatoire.
En effet, aucune des pièces du contrat de sous-traitance ne permet d'identifier les navires sur la construction desquels la société Helsingin Hitsaus Hh Oy est intervenue.
La circonstance que la société MIM soit effectivement identifiée comme le constructeur du navire ne suffit pas à démontrer que la société Helsingin Hitsaus Hh Oy ait participé à sa construction.
Les factures émises par la société Helsingin Hitsaus Hh Oy ne permettent pas plus d'individualiser les chantiers sur lesquels elle a été mandatée.
Il n'est fourni aucun document émanant de la société MIM qui permettrait de préciser que la société Helsingin Hitsaus Hh Oy a participé à la construction du chalutier [Localité 5] II.
En outre, la société Helsingin Hitsaus Hh Oy ne justifie d'aucun échange avec la SARL Europêche qui confirmerait son intervention sur le navire propriété de cette société, ni même sa participation à la construction d'un autre navire pour la SARL Europêche qui lui permettrait de revendiquer la saisie conservatoire du chalutier [Localité 5] II.
Les seules affirmations de la société Helsingin Hitsaus Hh Oy ne peuvent suffire à faire cette preuve.
Aussi, à défaut pour la société Helsingin Hitsaus Hh Oy de démontrer que la créance maritime alléguée se rapporte au navire dont la saisie est sollicitée, la demande de saisie conservatoire doit être rejetée.
L'ordonnance du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Caen en date du 4 avril 2025 sera donc confirmée, par substitution de motifs.
Sur dépens :
La société Helsingin Hitsaus Hh Oy qui succombe en ses demandes est condamnée aux dépens de la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant dans les limites de sa saisine, en matière gracieuse,
Confirme l'ordonnance prononcée le 4 avril 2025 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Caen,
Condamne la société Helsingin Hitsaus Hh Oy aux entiers dépens de la procédure d'appel.
LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE
E. FLEURY Hélène BARTHE-NARI
Code Aff. :
ARRÊT N°
ORIGINE : Ordonnance sur requête du Juge de l'exécution de [Localité 1] en date du 13 Mars 2025
RG n° 25/172
COUR D'APPEL DE CAEN
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 09 SEPTEMBRE 2025
REQUÉRANTE :
Société HELSINGIN HITSAUS HH OY,
société de droit finlandais, immatriculée au RCS sous le n° 2615381-4
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 4]
[Localité 3] (FINLANDE)
non comparante représentée par Me Aurélie IFFRIG, avocat au barreau de CAEN, et par Me Natalia ICHIM, avocat au barreau de STRASBOURG
MINISTÈRE PUBLIC :
La procédure ayant été communiquée au ministère public pris en la personne de Monsieur le Procureur Général représenté par M. Vaillant avocat général qui a émis un avis écrit le 30 avril 2025
A l'audience du 12 juin 2025 prise en chambre du conseil, où l'affaire a été mise en délibéré au 09 Septembre 2025, devant Madame GAUCI SCOTTE désigné comme juge rapporteur par ordonnance du 24 avril 2025 assistée de Mme COLLET, greffière
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme BARTHE-NARI, Président de chambre,
Mme DELAUBIER, Conseillère,
Mme GAUCI SCOTTE, Conseillère,
GREFFIER : Mme COLLET
ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, la partie en ayant été préalablement avisée dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile le 09 Septembre 2025 et signé par Mme BARTHE-NARI, président, et Mme FLEURY, greffière
FAITS ET PROCEDURE
La SARL Europêche est propriétaire du chalutier [Localité 5] II.
La construction de ce chalutier a été confiée à la société Manche Industrie Marine (MIM), société spécialisée dans la construction et la réparation navale, dont le site de production se trouve à [Localité 2].
Le 6 février 2023, la société MIM a conclu un contrat de sous-traitance avec la société de droit finlandais Helsingin Hitsaus Hh Oy, pour lui confier des travaux de tôlerie et de soudage. Le prix de l'intervention a été évalué à plus d'un million d'euros.
A défaut de paiement de ses factures, la société Helsingin Hitsaus Hh Oy a fait assigner en référé la société MIM devant le tribunal de commerce de Dieppe afin d'obtenir sa condamnation provisionnelle à la somme de 695 660 euros, la procédure étant toujours en cours.
Par ordonnance du 25 mars 2024, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Dieppe a autorisé la saisie sur les comptes bancaires de la société MIM pour un montant de 689 275 euros.
Par jugement du 18 octobre 2024, la société MIM a fait l'objet d'un jugement d'ouverture de liquidation judiciaire.
La société Helsingin Hitsaus Hh Oy a fait assigner la SARL Europêche en recouvrement des sommes dues devant le tribunal de commerce de Caen en sa qualité de maître d'ouvrage, sur le fondement de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975. La procédure est pendante devant le tribunal de commerce de Caen.
Par requête reçue au greffe du tribunal judiciaire le 11 mars 2025, la société de droit finlandais Helsingin Hitsaus Hh Oy, immatriculée au registre du commerce sous le numéro 2615381-4, dont le siège social est situé [Adresse 4], à Helsinki 00131 en Finlande, a saisi le juge de l'exécution aux fins de l'autoriser à pratiquer une saisie conservatoire du navire Saint Paul II appartenant à la société Europêche.
Par ordonnance du 13 mars 2025, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Caen a refusé d'autoriser la mesure de saisie conservatoire au motif d'une part, qu'il n'était pas justifié par la société requérante de la transmission à la société Europêche de la mise en demeure adressée à la société Manche Industrie Marine (MIM) et, d'autre part, que la créance invoquée sur le fondement délictuel n'entrant pas dans la liste des créances maritimes énumérées par la convention de Bruxelles elle ne pouvait donner lieu à saisie conservatoire.
Par déclaration du 25 mars 2025, la société Helsingin Hitsaus Hh Oy a formé appel de cette ordonnance.
Par ordonnance du 4 avril 2025 à laquelle il est renvoyé pour un exposé complet des prétentions en première instance, le juge de l'exécution près le tribunal judiciaire de Caen a :
rejeté la demande de rétractation de la société Helsingin Hitsaus Hh Oy du 25 mars 2025 de l'ordonnance du juge de l'exécution du 13 mars 2025 rejetant la demande de saisie conservatoire du navire [Localité 5] II appartenant à la société Europêche,
dit que la déclaration d'appel ainsi que les pièces et une copie de la présente décision seront transmis par le greffe à la cour d'appel de Caen.
Par dernières conclusions en date du 11 juin 2025, la société Helsingin Hitsaus HH Oy sollicite de la cour qu'elle rétracte l'ordonnance du 13 mars 2025, et qu'elle constate, dise et juge que la société Helsingin Hitsaus HH Oy est titulaire d'une créance maritime à l'encontre de la société Europêche, en conséquence qu'elle autorise la saisie conservatoire sur le navire [Localité 5] II jusqu'à ce que l'intégralité de sa créance d'un montant de 208 298,91 euros soit réglée.
Par avis du 30 avril 2025 le Parquet général a requis la confirmation de la décision attaquée.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de saisie conservatoire :
La société Helsingin Hitsaus Hh Oy expose que la construction du navire [Localité 5] II a été confiée par la SARL Europêche à la société Manche Industrie Marine (ci-après MIM), laquelle a elle-même confié les travaux de tôlerie et soudage à la requérante par contrat de sous-traitance.
La société Helsingin Hitsaus Hh Oy précise qu'elle est intervenue pour la société MIM en sous-traitance pour trois chantiers, dont celui de la SARL Europêche, et que les factures qu'elle a émises pour ses interventions sont restées impayées à hauteur de 689 275 euros par la société MIM.
Sur ce montant, 208 298,91 euros correspondent aux impayés imputables au chantier de construction du chalutier [Localité 5] II de la SARL Europêche.
Compte tenu de l'absence de paiement de la société MIM, de la dégradation de la situation financière de cette dernière, placée en liquidation judiciaire, et de l'impossibilité de recouvrer les fonds, la société Helsingin Hitsaus Hh Oy entend obtenir paiement directement du maître d'ouvrage, soit la SARL Europêche, sur le fondement de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 régissant la sous-traitance.
Parallèlement à son action directe en paiement, la société Helsingin Hitsaus Hh Oy sollicite que soit autorisée une saisie conservatoire du chalutier [Localité 5] II pour garantir le paiement de sa créance.
La société Helsingin Hitsaus Hh Oy soutient que sa demande entre incontestablement dans le champ d'application des dispositions de la convention de Bruxelles du 10 mai 1952, permettant la mise en 'uvre d'une saisie conservatoire de navire pour les créances maritimes.
La société Helsingin Hitsaus Hh Oy souligne que parmi les créances maritimes admises par la convention de Bruxelles du 1952 se trouvent les créances ayant pour cause la construction, les réparations, l'équipement d'un navire ou les frais de cale.
Elle rappelle que la créance qu'elle invoque résulte d'un contrat de sous-traitance pour des travaux de construction, réalisés sur le site du constructeur à [Localité 2].
La société Helsingin Hitsaus Hh Oy fait également valoir que la convention admet que soit pratiquée une saisie conservatoire sur le fondement d'une simple allégation de créance maritime.
Au fondement de son action contre la SARL Europêche, la société Helsingin Hitsaus Hh Oy précise invoquer les dispositions de l'article 14-1 de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975, et le manquement du maître d'ouvrage à son obligation d'exiger de l'entrepreneur principal la constitution d'une caution pour le sous-traitant.
Enfin, la société Helsingin Hitsaus Hh Oy précise qu'elle a assigné en paiement la SARL Europêche à titre principal sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle du maître d'ouvrage. Elle affirme dès lors que la mise en demeure préalable prévue par l'article 12 de la loi de 1975 n'est pas exigée.
Pour rejeter la demande de saisie conservatoire de la société Helsingin Hitsaus Hh Oy, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Caen a, dans son ordonnance du 13 mars 2025, retenu que cette dernière ne justifiait pas de la transmission à la SARL Europêche de la mise en demeure adressée à la société MIM, conformément aux exigences de l'article 12 de la loi du 31 décembre 1975 régissant les conditions de l'action directe du sous-traitant à l'encontre du maître d'ouvrage.
Il a par ailleurs considéré que le fondement subsidiaire de la responsabilité délictuelle allégué par la société Helsingin Hitsaus Hh Oy contre la SARL Europêche n'entrait pas dans le champ d'application de la convention de Bruxelles du 10 mai 1952.
Aux termes de son ordonnance du 4 avril 2025, le juge de l'exécution de [Localité 1] a reconnu l'applicabilité de la convention de Bruxelles du 10 mai 1952 et la qualification de créance maritime, en référence à ce texte, de la créance alléguée par la société Helsingin Hitsaus Hh Oy.
Cependant, le juge a considéré que les éléments communiqués par la société Helsingin Hitsaus Hh Oy ne permettaient pas de déterminer le montant de la créance dont elle se prévalait, après avoir relevé que la somme réclamée par la requérante avait varié à l'occasion des différents actes délivrés par celle-ci, entre l'assignation devant le tribunal de commerce remise à la SARL Europêche (225 406,06 euros réclamés) et les précédentes requêtes présentées par la société Helsingin Hitsaus Hh Oy ayant été rejetées (689 275 euros réclamés). Au regard de l'incertitude subsistant quant au montant de la créance alléguée, le juge de l'exécution a estimé qu'il n'était pas possible de mettre en 'uvre une saisie conservatoire.
Selon l'article 1er de la Convention internationale de Bruxelles du 10 mai 1952 pour l'unification de certaines règles sur la saisie conservatoire des navires de mer, la notion de "créance maritime" signifie allégation d'un droit ou d'une créance ayant notamment pour causes la construction, les réparations, l'équipement d'un navire ou les frais de cale.
L'article 8 de cette convention prévoit que les dispositions de la Convention sont applicables dans tout État contractant à tout navire battant pavillon d'un État contractant.
Un navire battant pavillon d'un État non contractant peut être saisi dans l'un des États contractants, en vertu d'une des créances énumérées à l'article 1, ou de toute autre créance permettant la saisie d'après la loi de cet État.
Il n'est pas contesté que les dispositions de cette convention sont en l'espèce applicables, au regard de l'élément d'extranéité que constitue la relation contractuelle liant la société Manche Industrie Marine, société de droit français, à la société Helsingin Hitsaus Hh Oy, société de droit finlandais, étant par ailleurs rappelé que ces deux pays sont signataires de la convention.
En outre, la créance alléguée par la société Helsingin Hitsaus Hh Oy, qui résulte de travaux de construction d'un navire, doit indéniablement être qualifiée de créance maritime, sans qu'il soit nécessaire pour cela de rechercher son fondement juridique.
La jurisprudence a précisé que la simple allégation par le saisissant de l'existence, à son profit, de l'une des créances maritimes visées à l'article 1er de ce traité suffit à fonder son droit de saisir le navire auquel cette créance se rapporte, sans que le juge ait à apprécier son caractère certain ou sérieux, ou même sa vraisemblable, ni qu'il ait à rechercher si les conditions de recevabilité de son action sont remplies.
Néanmoins, pour que la saisie conservatoire puisse être autorisée, encore faut-il que soit démontré le lien entre la créance alléguée et le navire dont la saisie est demandée.
Il est constant que la société Helsingin Hitsaus Hh Oy a conclu avec la société MIM un contrat de sous-traitance portant sur la réalisation de travaux de tôlerie et soudage pour plusieurs chantiers de construction navale.
Les factures communiquées, ainsi que les courriers de mise en demeure adressés par la société Helsingin Hitsaus Hh Oy à la société MIM pour obtenir paiement de ses factures impayées, de même que les décisions de justice produites, par lesquelles la société Helsingin Hitsaus Hh Oy a tenté d'obtenir le recouvrement de sa créance envers la société MIM, font la preuve de l'existence de la créance maritime alléguée par la requérante.
En revanche, parmi les pièces versées aux débats par la société Helsingin Hitsaus Hh Oy à l'appui de sa demande de saisie conservatoire, aucune ne permet de faire la preuve d'un lien entre les travaux de construction qu'elle a réalisés et le chalutier [Localité 5] II, propriété de la SARL Europêche, dont elle poursuit la saisie conservatoire.
En effet, aucune des pièces du contrat de sous-traitance ne permet d'identifier les navires sur la construction desquels la société Helsingin Hitsaus Hh Oy est intervenue.
La circonstance que la société MIM soit effectivement identifiée comme le constructeur du navire ne suffit pas à démontrer que la société Helsingin Hitsaus Hh Oy ait participé à sa construction.
Les factures émises par la société Helsingin Hitsaus Hh Oy ne permettent pas plus d'individualiser les chantiers sur lesquels elle a été mandatée.
Il n'est fourni aucun document émanant de la société MIM qui permettrait de préciser que la société Helsingin Hitsaus Hh Oy a participé à la construction du chalutier [Localité 5] II.
En outre, la société Helsingin Hitsaus Hh Oy ne justifie d'aucun échange avec la SARL Europêche qui confirmerait son intervention sur le navire propriété de cette société, ni même sa participation à la construction d'un autre navire pour la SARL Europêche qui lui permettrait de revendiquer la saisie conservatoire du chalutier [Localité 5] II.
Les seules affirmations de la société Helsingin Hitsaus Hh Oy ne peuvent suffire à faire cette preuve.
Aussi, à défaut pour la société Helsingin Hitsaus Hh Oy de démontrer que la créance maritime alléguée se rapporte au navire dont la saisie est sollicitée, la demande de saisie conservatoire doit être rejetée.
L'ordonnance du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Caen en date du 4 avril 2025 sera donc confirmée, par substitution de motifs.
Sur dépens :
La société Helsingin Hitsaus Hh Oy qui succombe en ses demandes est condamnée aux dépens de la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant dans les limites de sa saisine, en matière gracieuse,
Confirme l'ordonnance prononcée le 4 avril 2025 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Caen,
Condamne la société Helsingin Hitsaus Hh Oy aux entiers dépens de la procédure d'appel.
LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE
E. FLEURY Hélène BARTHE-NARI