CA Amiens, ch. économique, 9 septembre 2025, n° 24/03546
AMIENS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Office public de l'habitat - OPAC de l'Oise
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Grevin
Vice-président :
Mme Mathieu
Conseiller :
Mme Dubaele
Avocats :
Me Marlot, Me Baclet, SCP Jallu Baclet Associes
DECISION
Par acte notarié en date du 13 février 2019 l'Office public de l'habitat (OPAC) de l'Oise a donné à bail à la SARL [Adresse 6] un local commercial sis [Adresse 1] à [Localité 7] pour l'exploitation de son activité de service aux personnes moyennant un loyer annuel d'un montant de 4704 euros hors taxes et une provision mensuelle pour charges de 9,68 euros.
Par acte en date du 14 novembre 2023 l'OPAC de l'Oise a fait délivrer à la société A la maison d'[V] un commandement de payer la somme de 3523,39 euros au titre des loyers et charges impayés visant la clause résolutoire insérée au bail.
Par acte de commissaire de justice en date du 20 mars 2024 l'OPAC de l'Oise a fait assigner la SARL [Adresse 6] devant le président du tribunal judiciaire de Senlis statuant en référé afin de voir constater l'acquisition de la clause résolutoire, ordonner l'expulsion de la société et la voir condamner au paiement de la somme de 2632,16 euros au titre des loyers et charges restant dus au 14 décembre 2023 avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et au paiement d'une indemnité d'occupation égale à trois fois le montant du loyer et des charges à compter du 15 décembre 2023 jusqu'à libération totale des lieux et remise des clefs.
Par ordonnance de référé en date du 2 juillet 2024 la résiliation du bail commercial par l'effet de la clause résolutoire a été constatée, la demande de délai de paiement présentée par la SARL A la maison d'[V] a été rejetée, et son expulsion ordonnée.
La SARL [Adresse 6] a été condamnée à payer à l'OPAC de l'Oise la somme de 1023,10 euros à titre de provision à valoir sur les sommes dues à titre d'indemnité d'occupation du 16 décembre 2023 au 2 juillet 2024 le surplus des demandes de provision formées par l'OPAC de l'Oise étant rejeté.
Enfin la SARL A la maison d'[V] a été condamnée à payer la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des entiers dépens.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 24 juillet 2024 la SARL [Adresse 6] a interjeté appel de cette décision sauf en ce qu'elle a rejeté les demandes complémentaires de provision de l'OPAC de l'Oise.
Aux termes de ses dernières conclusions remises le 26 février 2025 la SARL A la maison d'[V] demande à la cour d'infirmer la décision entreprise excepté sur les demandes complémentaires de provision de l'OPAC de l'Oise et statuant à nouveau de constater l'extinction de la dette locative, de rejeter la demande d'acquisition de la clause résolutoire et à titre subsidiaire d'ordonner la suspension de la réalisation et des effets de cette clause et de l'autoriser à apurer son éventuelle dette en 24 mensualités égales, les sommes reportées portant intérêts au taux légal non majoré à compter de la signification de la décision à intervenir.
Elle demande enfin la condamation de l'OPAC de l'Oise au paiement d'une somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des entiers dépens d'appel.
Aux termes de ses conclusions remises le 29 octobre 2024 l'OPAC de l'Oise demande à la cour de confirmer l'ordonnance entreprise sauf en ce qu'elle a limité la condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle jusqu'à sa seule date et statuant à nouveau sur ce chef de condamner la SARL [Adresse 6] en deniers et quittances au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer et des charges qui auraient été dus à défaut de résiliation à compter du 15 décembre 2024 et jusqu'à la libération effective des lieux et la remise des clefs.
Elle demande en outre la condamnation de l'appelante au paiement à hauteur d'appel d'une somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des entiers dépens d'appel dont distraction au profit de maître Baclet conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 3 avril 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
La SARL A la maison d'[V] indique avoir subi une importante baisse de son chiffre d'affaires durant la crise sanitaire et avoir dû ensuite quitter un réseau de franchise conduisant à de nombreuses dépenses d'investissement coûteuses mais qu'elle est parvenue à régler son arriéré de loyer en mai 2024 et que lors de l'audience de référé elle ne devait plus aucune somme.
Elle rappelle qu'en application de l'article L 145-41 du code de commerce les juges peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets d'une clause résolutoire lorsque la résiliation n'est pas constatée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée.
Elle précise que ses difficultés ont bien commencé trois ans avant le commandement de payer et qu'elles concordent avec la période de la crise sanitaire.
Elle soutient qu'elle justifie de sa bonne foi et qu'elle est à jour de ses obligations alors même que le bailleur pourtant informé de risques d'incendie en raison de l'absence ou de l'inadaptation des dispositifs de protection contre les surintensités et de l'inadéquation des matériels ou des canalisations électriques n'a pas mis aux normes le local.
L'OPAC de l'Oise fait valoir que la SARL [Adresse 6] n'a aucunement régularisé son arriéré locatif dans le mois de la délivrance du commandement de payer et qu'elle a attendu la délivrance de l'assignation en référé pour effectuer des règlements.
Il soutient qu'ainsi les conditions d'acquisition de la clause résolutoire étaient réunies à la date du 14 décembre 2013.
Il fait valoir que dans ces conditions la résiliation de plein droit ne peut être écartée que s'il est constaté que l'ensemble des sommes dues en vertu du commandement ont été acquittées et que la situation de la preneuse justifie l'octroi à titre rétroactif de délais.
S'agissant de la demande de délais formée par la SARL A la maison d'[V] et de suspension de la clause résolutoire, L'OPAC de l'Oise fait observer que celle-ci doit être rejetée au motif que les incidents de paiement ont débuté en 2022 et se sont poursuivis en 2023 alors même que le chiffre d'affaires n'a fait qu'augmenter depuis 2019 et que les factures d'investissements imprévus liées à la résiliation du contrat de franchise ont été émises pour la plupart d'entre elles à une période postérieure à la signification du commandement de payer et représentent un montant équivalent aux sommes réglées auparavant au franchiseur.
Il conteste avoir été informé de non-conformités aux normes de sécurité et fait valoir qu'au demeurant le rapport cité ne fait état que de trois non-conformités mineures à la charge du preneur, le bailleur n'étant tenu que des grosses réparations.
Il considère que la SARL [Adresse 5][V] ne peut justifier d'une situation de débitrice de bonne foi et ce d'autant qu'au 29 octobre 2024 elle n'avait pas acquitté le loyer du mois de septembre exigible à terme échu le 1er octobre 2024 et n'avait réglé le loyer de juin 2024 qu'en septembre 2024.
Il convient de relever que lors de la délivrance du commandement de payer la SARL A la maison d'[V] était redevable d'un arriéré locatif d'un montant de 3372,84 euros qu'elle n'a pu apurer dans le mois de ce commandement et qu'elle n'a pas été en mesure de régler les loyers courants.
Elle était ainsi encore redevable au 26 mars 2024 de la somme 4580,23 euros.
A la suite de la délivrance de l'assignation en référé la SARL [Adresse 6] a procédé en avril 2024 à des versements représentant la totalité du solde de l'arriéré locatif visé par le commandement puis a apuré l'ensemble de l'arriéré locatif au mois de mai 2024.
Toutefois les décomptes du bailleur indiquent que postérieurement des retards de paiement sont apparus régularisés avec un ou deux mois de retard.
Si la SARL A la maison d'[V] justifie avoir rencontré deux années difficiles après la crise sanitaire, son activité a progressé ultérieurement et elle ne justifie pas des lourdes charges invoquées à la suite de la rupture de son contrat de franchise à l'exception des frais d'avocat et de frais modestes d'applicatifs. Elle ne justifie pas en outre que ces derniers et les frais de formation soient en lien avec la rupture du contrat de franchise.
Il échet de relever qu'elle n'a régularisé sa situation que poussée par la délivrance d'un commandement puis d'une assignation.
Il est indéniable qu'elle éprouve de grandes difficultés à régler de manière régulière son loyer et qu'elle s'octroie de manière habituelle des délais de paiement, ainsi les loyers de juin et juillet et août 2024 n'ont été acquittés qu'en août et septembre 2024.
Enfin si elle invoque des difficultés liées à la sécurité notamment de l'installation électrique elle ne justifie d'aucune mise en demeure adressée à son bailleur et ne produit au demeurant qu'un rapport datant de 2022 préconisant des travaux mineurs, le remplacement des interrupteurs au tableau général et d'enfermer une douille dans un appareil d'éclairage.
Il convient au regard de ces éléments de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a constaté l'acquisition de la clause résolutoire à compter du 15 décembre 2023, rejeté la demande de délais de paiement de la société [Adresse 5][V] et ordonné son expulsion à défaut de libération des lieux.
Il convient par ailleurs de confirmer le jugement entrepris sur la fixation d'une indemnité d'occupation provisionnelle égale au montant du loyer dû en l'absence de résiliation du bail soit après déduction des règlements opérés par la locataire une somme de 1023,10 euros au 2 juillet 2024 mais de l'infirmer en ce qu'il a limité la condamnation provisionnelle à ce montant et de dire qu'une indemnité d'occupation provisionnelle d'un montant égal au loyer dû en l'absence de résiliation du bail est due jusqu'à la libération des lieux.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Il convient de confirmer la décision entreprise sur ces chefs et y ajoutant de condamner à hauteur d'appel la société A la maison d'[V] aux entiers dépens d'appel et au paiement d'une somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement par décision contradictoire et mise à disposition au greffe,
Confirme la décision entreprise excepté en ce qu'elle a limité la condamnation provisionnelle au paiement d'une indemnité d'occupation à la date du 2 juillet 2024 ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit qu'une indemnité d'occupation provisionnelle d'un montant égal au loyer dû en l'absence de résiliation du bail est due jusqu'à la libération des lieux ;
Condamne la SARL [Adresse 6] aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de maître Baclet conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
La condamne à payer à l'OPAC de l'Oise la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.