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Décisions

CA Grenoble, ch. soc. - A, 9 septembre 2025, n° 23/00795

GRENOBLE

Arrêt

Autre

CA Grenoble n° 23/00795

9 septembre 2025

C4

N° RG 23/00795

N° Portalis DBVM-V-B7H-LW2O

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL ACQUIS DE DROIT

la SELARL BGLM

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 09 SEPTEMBRE 2025

Appel d'une décision (N° RG 21/00032)

rendue par le conseil de prud'hommes - formation paritaire de Gap

en date du 23 janvier 2023

suivant déclaration d'appel du 21 février 2023

APPELANTE :

Madame [X] [W]

[Adresse 4]

[Adresse 6]

[Localité 2]

représentée par Me Eïtan CARTA-LAG de la SELARL ACQUIS DE DROIT, avocat au barreau de Grenoble

INTIMEE :

SCOP [O] (BIOCOOP GRENIER) prise en la personne de son représentant légal en exercice sis au-dit siège

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Franck MILLIAS de la SELARL BGLM, avocat au barreau des Hautes-Alpes

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Jean-Pierre DELAVENAY, président,

Monsieur Frédéric BLANC, conseiller,

Madame Hélène BLONDEAU-PATISSIER, conseillère,

Assistés lors des débats de Mme Carole COLAS, greffière,

DÉBATS :

A l'audience publique du 21 mai 2025,

Madame Hélène BLONDEAU-PATISSIER, conseillère chargée du rapport,

Les avocats ont été entendus en leurs observations.

Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [X] [W], née le 4 mars 1960, a été embauchée le 7 juin 2016 par la société coopérative à forme anonyme [O], par contrat de travail à durée déterminée à temps partiel, en qualité d'employée polyvalente, niveau I, coefficient 100 selon la classification de la convention collective nationale du commerce de détail de fruits et légumes, épicerie et produits laitiers du 15 avril 1988 applicable.

La société [O] exploite plusieurs établissements sous l'enseigne Biocoop.

Par avenant en date du 7 novembre 2016, la salariée a évolué vers un poste de " vendeuse service arrière " niveau IA, à temps complet.

Le 18 mai 2018, la société [O] a affecté Mme [W] à un nouvel établissement ouvert dans des locaux sis à [Localité 5], distincts de ceux du magasin principal, ayant pour activité principale un service traiteur. Aucun avenant au contrat de travail n'a été régularisé.

Du 8 août 2020 au 5 octobre 2020, Mme [W] a été placée en arrêt de travail, suivi d'une reprise à temps partiel thérapeutique d'une durée d'un mois.

Le 3 décembre 2020, Mme [W] a été reçue en entretien par M. [M], président du directoire.

Le 31 décembre 2020, Mme [W] a pris l'initiative de fermer le service traiteur.

Par courrier recommandé en date du 25 janvier 2021, la société [O] a convoqué Mme [W] à un entretien préalable à une mesure de licenciement.

Le 28 janvier 2021, la société [O] a notifié à Mme [W] une mise à pied à titre conservatoire.

L'entretien préalable s'est tenu le 3 février 2021 en présence de la salariée assistée d'un représentant du personnel.

Par courrier recommandé en date du 8 février 2021, la société [O] a notifié à Mme [W] son licenciement pour faute grave.

Par requête en date du 17 mai 2021, Mme [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Gap aux fins de contester son licenciement et obtenir paiement de différentes créances salariales et indemnitaires.

La société [O] s'est opposée aux prétentions adverses.

Par jugement en date du 23 janvier 2023, le conseil de prud'hommes de Gap a :

Dit que le licenciement de Mme [X] [W] est valablement motivé par une cause réelle et sérieuse ;

Dit que le licenciement de Mme [X] [W] pour faute grave est justifié ;

Débouté Mme [X] [W] de ses demandes y afférentes ;

Dit que Mme [X] [W] relève de la classification AM2 de la convention collective avec l'intitulé de poste " responsable de secteur " à compter du 18 juin 2018 ;

Condamné la société [O] dite Biocoop à verser à Mme [X] [W] les sommes de :

- 6 784,02 euros à titre de rappel de salaires pour la période de juin 2018 à janvier 2021 et 678,40 euros au titre des congés payés,

- 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail ;

Condamné la société [O] dite Biocoop à verser à Mme [X] [W] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné la société [O] dite Biocoop aux entiers dépens de l'instance ;

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire autre que de droit, et Fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme brute de 1 926,21 euros ;

Débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires.

La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception non retournés au greffe.

Par déclaration en date du 21 février 2023, la société [O] a interjeté appel à l'encontre dudit jugement.

Mme [W] a formé appel incident.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique, la société [O] sollicite de la cour de :

" Confirmer le jugement prud'homa1 du 23 janvier 2023 en ce qu'il a :

- Dit le licenciement de Mme [X] [W] valablement motivé par une cause réelle et sérieuse de licenciement,

- Dit le licenciement de Mme [X] [W] pour faute grave justifié,

- Débouté Mme [X] [W] de ses demandes y afférentes,

Infirmer le jugement prud'homal du 23 janvier 2023 en ce qu'il a :

- Dit que Mme [X] [W] relevait de la classification AM2 de la convention collective avec l'intitulé de poste " responsable de secteur " à compter du 18 juin 2018,

- Condamné la société [O] à verser à Mme [X] [W] les sommes de :

* 6.784,02 euros à titre de rappel de salaires pour la période de juin 2018 à janvier 2021 outre 678,40 euros au titre des congé payés afférents,

* 3.000,00 euros de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

- Condamné la société [O] à verser à Mme [X] [W] la somme de 2.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné la société [O] aux entiers dépens de l'instance,

- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

En conséquence,

Statuer à nouveau,

Débouter Mme [X] [W] de l'intégralité de ses demandes fins et prétentions,

Condamner Mme [X] [W] à régler à la société [O] la somme de 5.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale de son contrat de travail,

Condamner Mme [X] [W] à régler à la société [O] pour les frais de justice de première instance la somme de 2.500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens,

En tout état de cause

Condamner Mme [X] [W] à payer à la société [O] pour les frais de justice d'appel la somme de 3.500,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens. "

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 20 novembre 2023, Mme [X] [W] sollicite de la cour de :

" Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Gap le 23 janvier 2023 en ce qu'il a:

- Dit que Mme [X] [W] relève de la classification AM2 de la convention collective avec l'intitulé de poste " responsable de secteur " à compter du 18 juin 2018 ;

- Condamné la société [O] à verser à Mme [X] [W] les sommes suivantes :

* 6.784,02 euros à titre de rappels de salaires pour la période de juin 2018 à janvier 2021 et 678,40 au titre des congés payés afférents ;

* 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail ;

* 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Gap le 23 janvier 2023 en ce qu'il a :

- Dit que le licenciement de Mme [X] [W] est valablement motivé par une cause réelle et sérieuse;

- Dit que le licenciement de Mme [X] [W] pour faute grave est justifié ;

- Débouté Mme [X] [W] de ses demandes y afférentes ;

- Débouté Mme [X] [W] de ses demandes plus amples ou contraires.

Et, statuant de nouveau :

Juger que le licenciement de Mme [X] [W] est nul ;

À titre subsidiaire,

Juger que le licenciement de Mme [X] [W] est sans cause réelle et sérieuse ;

Juger que Mme [X] [W] a réalisé des heures supplémentaires non rémunérées ;

Juger que Mme [X] [W] n'a jamais bénéficié, à tort, de contreparties obligatoires en repos ;

Juger que Mme [X] [W] a été placée dans une situation de travail dissimulé ;

En conséquence,

Condamner la société [O] à verser à Mme [W] les sommes suivantes :

- 4.497,57 euros brut (2 mois) au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 449,76 euros brut au titre des congés payés afférents ;

- 2.623,58 euros net au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

- 22.487,80 euros net (10 mois) à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

À titre subsidiaire,

- 13.492,68 euros net (6 mois) au titre des dommages et intérêts pour licenciement cans cause réelle et sérieuse ;

- 726,67 euros brut au titre du rappel de salaire pour la mise à pied conservatoire injustifiée du 29 janvier au 8 février 2021, outre 72,66 euros brut au titre des congés payés afférents ;

- 49.784,31 euros brut au titre du paiement des heures supplémentaires, outre 4.978,43 euros brut à titre de congés payés afférents ;

- 29.954,75 euros net à titre d'indemnité compensatrice des contreparties obligatoires en repos ;

- 13.492,68 euros net (6 mois) au titre de l'indemnité forfaitaire en raison du travail dissimulé ;

- 3.000 euros net au titre des dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire ;

En tout état de cause,

Condamner la société [O] à verser à Mme [X] [W], au titre de la procédure d'appel, la somme de 3.744 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Débouter la société [O] de l'ensemble de ses demandes ;

Condamner la société [O] aux entiers dépens. "

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient, au visa de l'article 455 du code de procédure civile, de se reporter aux conclusions des parties susvisées.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 15 avril 2025.

L'affaire, fixée pour être plaidée à l'audience du 21 mai 2025, a été mise en délibéré au 9 septembre 2025.

MOTIFS DE L'ARRÊT

1 - Sur la demande en rappel de salaire au titre du repositionnement

Il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail de démontrer qu'il assure effectivement, de façon habituelle, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique.

La classification, la qualification et le coefficient hiérarchique applicables à un salarié dépendent des fonctions que celui-ci exerce réellement, sans correspondre nécessairement aux mentions du contrat de travail.

En l'espèce, il est admis que Mme [W], embauchée par la société [O] à compter du 7 juin 2016 en qualité d'employée polyvalent, niveau I, coefficient 100 selon la classification de la convention collective applicable, a été élevée au niveau E7 tel que mentionné sur ses derniers bulletins de paie.

Il est acquis aux débats que le service traiteur ouvert en juin 2018 assurait la transformation de légumes abîmés et de produits en date limite de conservation en proposant à la clientèle des plats cuisinés, tartes, sandwiches et desserts, la vente des produits étant assurée en boucherie et en libre-service dans les magasins du réseau.

La salariée soutient qu'elle devait relever, à compter de son affectation au service traiteur le 18 juin 2018, du niveau AM2, correspondant à un emploi de responsable d'unité commerciale.

La société [O] conteste un tel positionnement en soutenant que la salariée a été affectée à la conception des recettes et à la réalisation des produits sous la direction de M. [M], décisionnaire de la gestion du service traiteur.

L'extrait de la convention collective applicable, produit par les deux parties, prévoit :

" 1/ La classification

La nouvelle classification repose sur 4 critères classants (connaissance/technicité, relations commerciales/professionnelles, responsabilité, initiative autonomie) ; [']

Niveau

Connaissance/ technicité

Relations commerciales/ professionnelles

Responsabilité

Initiative/ autonomie

'

E7

Connaissances spécialisées des gammes de produits et complètes des procédures, méthodes, outils, techniques, équipements de travail et de l'environnement de travail.

Mise en 'uvre d'un savoir-faire basé sur des connaissances techniques et une compréhension globale des situations des installations et/ou des systèmes de gestion.

Autre emploi que la vente : niveau Bac+2 et/ou expérience équivalente

Filière vente : informe, conseille et oriente le choix du client, serre et encaisse le client.

Toute filière : en relation avec des interlocuteurs de niveaux différents et échange d'informations fréquentes avec les autres services des contacts externes réguliers.

Prise de décision/ action dans le respect des directives, dont les effets se constatent au niveau d'une équipe ou d'une activité large. Possibilité de participer à la coordination et à l'adaptation du travail d'une équipe

Autonomie dans l'exécution du travail a réalisé à partir de directives.

Capacité d'organisation et de contrôle de conformité.

'

AM2

Maîtrise d'une ou plusieurs spécialité(s) professionnelle(s) (techniques, administratives, commerciales,') permettant l'étude, la mise en 'uvre et amélioration de moyens et procédés dans ces domaines.

Autre emploi que la vente : niveau bac+3 et/ou expérience équivalente.

Nécessite la mise en 'uvre et la coordination de travaux et de savoir adapter les actions en vue d'atteindre les objectifs

Coordination d'informations internes et externes à l'entreprise dans l'équipe de travail ou entre différents secteurs nécessitant le traitement d'informations d'ordre quantitatif et qualitatif.

Prise de décision et/ou actions pouvant avoir un impact économique à court terme sur une unité commerciale.

Possibilité de manager des employés et/ou des agents de maîtrise.

Travail réalisé à partir d'objectifs.

Nécessité d'être une force de proposition en termes d'adaptation, d'amélioration des procédures et méthodes en fonction du contexte, ces propositions étant soumises à validation.

Autonomie pour organiser le travail en fonction de l'activité (gestion du planning, priorisation des activités à gérer).

'

2/ la liste des emplois-repères

Niveau

Exemple d'emploi-repère des employés

'

E7

Vendeur référent confirmé, assistant administratif confirmé

'

Exemple d'emploi repère des agents de maîtrise

AM2

Responsable d'unité commerciale. De vente, responsable de secteur

D'une première part, il ressort des pièces produites que Mme [W] s'était particulièrement investie dans le projet de création du service traiteur.

En effet, ce service a été annoncé sur le site internet de la société dans les termes suivants : " Soutenue par la coopérative, Mme [W] a décidé de proposer un nouveau service au sein du Grenier un atelier traiteur. Depuis Juin 2018, c'est chose faite ! Après avoir été validée par la coop, [X] a pris les rênes d'un atelier sur [Localité 5] pour vous concocter de bons petits plats ! ".

Par un courriel en date du 15 juin 2018, M. [M] a annoncé aux salariés l'ouverture du service traiteur en précisant qu'il était considéré comme un magasin à part entière et en remerciant Mme [W] d'avoir porté le projet.

De même, par un courriel en date du 4 février 2020, il lui indiquait " Je mesure tout l'investissement que tu as mis et que tu mets toujours dans le projet ".

Et par un courriel en date du 18 décembre 2020, M. [M] a admis que la salariée travaillait en autonomie depuis le mois de juin 2018 en écrivant : " Tu as beaucoup donné pour cette activité et je t'ai fait confiance en te laissant l'autonomie et les moyens pour faire l'activité que tu souhaitais mais cela n'a pas été suffisant pour arriver à l'équilibre économique. Depuis le lancement de cette activité, nous n'avons pas un fait un seul mois à l'équilibre. Il faut donc s'améliorer et changer des choses pour justement ne pas avoir à arrêter l'activité. Je fais tout pour y arriver en commençant pas te demander de te concentrer uniquement sur la partie où tu as une valeur ajoutée ['] ".

D'une deuxième part, Mme [W] démontre qu'elle assurait, depuis son affectation au service traiteur, d'autres missions que celles relevant de la seule conception des recettes et de la réalisation des produits.

Ainsi, il ressort de messages envoyés par Mme [W] qu'elle assurait les livraisons dans les magasins et qu'elle y récupérait les déchets exploitables en vue de préparer de nouveaux plats.

Aussi, elle justifie, par la photocopie recto-verso d'une carte bancaire établie au nom de " Mme [X] [W] [O] ", qu'elle disposait de ce moyen de paiement en toute autonomie.

Et il ressort d'un échange de courriel du 29 novembre 2019 que la salariée était interpellée par M. [M] a posteriori, sur des achats de produits ne présentant pas de label bio, ce dont il se déduit qu'elle avait la charge de prévoir et effectuer les achats nécessaires à l'activité.

Encore, par un message en date du 13 octobre 2020, M. [M] demande à voir reporter un audit d'agrément pour la certification bio de l'activité restauration en indiquant à son correspondant " ma collègue [X] qui gère notre activité traiteur est en arrêt maladie suite à une fracture du pied et devrait revenir très prochainement. J'ai juste peur que le 28/10 soient un peu juste en termes de délais ' J'aimerais qu'elle soit là car c'est elle qui sera le mieux répondre à vos questions sur l'activité en tant que telle. " reconnaissant ainsi l'autonomie de la salariée quant aux choix des produits et aux achats nécessaires à la préparation des recettes.

D'une troisième part, la salariée démontre qu'elle consultait les chiffres de l'activité du service traiteur et qu'elle interrogeait M. [M] sur l'enregistrement des ventes. En revanche, il n'en ressort pas, contrairement à ce qu'elle prétend, qu'elle devait prendre des décisions en fonction de la rentabilité.

D'une quatrième part, il ressort des courriels versés aux débats que Mme [W] échangeait avec les clients pour solliciter des retours sur la qualité des prestations, établissait des factures et qu'elle était directement sollicitée pour des commandes.

Aussi, selon un courriel en date 3 février 2020 définissant un calendrier de travail, M. [M] admettait implicitement que la salariée effectuait du démarchage commercial puisqu'il écrivait " [X], pour se concentrer sur ces nouvelles pratiques, je te propose de mettre de côté le démarchage externe pour l'instant. Je préfère qu'on tourne bien sur le côté mag avant de voir pour la livraison externe ".

D'une cinquième part, il s'évince des échanges de courriels versés aux débats que la direction n'était pas présente sur le site du traiteur.

Et si la salariée ne justifie d'aucune prise de décision concernant l'emploi ou l'organisation du travail de sa collègue contrairement à ce qu'elle prétend, Mme [W] établit, par un message du 27 octobre 2020, avoir émis un avis sur l'emploi d'une salariée en se déclarant favorable à un temps partiel plutôt qu'un temps complet.

Surtout, elle justifie avoir transmis au service des ressources humaines des informations de suivi du temps de travail concernant sa collègue en produisant :

- un courriel en date du 21 octobre 2019 par lequel elle s'est vue demander de transmettre les événements du mois pour elle-même ainsi que pour sa collègue, concernant les absences et congés,

- un courriel en date du 15 décembre 2019 selon lequel elle communique le nombre d'heures supplémentaires effectuées par sa collègue,

- un courriel en date du 16 décembre 2019 selon lequel elle présente une demande de congés pour sa collègue et elle-même.

D'une sixième part, Mme [W] démontre, par un courriel en date du 3 décembre 2020, qu'elle s'était vu fixer des objectifs dans les termes suivants : " nécessité absolue de réaliser un mois de décembre exemplaire au niveau du chiffre pour réussir à s'approcher des objectifs fixés en début d'année (8000 € de CA par mois et 70 % de marge) ".

D'une septième part, si la société [O] soutient que la salariée prenait des initiatives qui ne relevaient pas de ses attributions nécessitant des recadrages réguliers, elle ne démontre pas lui avoir adressé de directives avant l'envoi :

- d'un courriel en date du 3 février 2020 définissant un planning " pour mettre en place le décollage du traiteur ", et des missions telles que " [X] sélectionne les recettes ['] prépare les recettes ", ou "[X] et [D] affinent les achats nécessaires aux recettes sélectionnées pour optimiser la marge.",

- d'un courriel en date du 27 juillet 2020 rappelant : " nous avions convenu : - que nous ferons des recettes classiques, - que les banques sont toujours fournies en quantité car les pertes n'étaient pas un problème ",

- d'un courriel en date du 3 décembre 2020 lui demandant de " se concentrer sur la cuisine (achats, traçabilité, plats, emballages) sans se préoccuper des magasins ",

- de deux courriels successifs en date du 18 décembre 2020 lui indiquant " je te demande de te concentrer juste sur ta cuisine et tes produits ", puis : " Je ne fais que te répéter ce que je t'ai déjà dit et je te renvoies à mes mails précédents où je te demande expressément de te concentrer sur la partie traiteur. Je souhaite que tu ne perdes pas ton temps à aller contrôler nos collègues. Tu n'en as ni les moyens ni les prérogatives. ['] Il faut donc s'améliorer et changer les choses pour justement ne pas avoir à arrêter l'activité. Je fais tout pour y arriver en commençant par te demander de te concentrer uniquement sur la partie où tu as une valeur ajoutée. ".

En tout état de cause, il s'évince de l'ensemble de ces éléments que la salariée démontre que :

- elle s'est investie dans le projet de création de ce service,

- l'employeur a reconnu son autonomie dans la gestion du service traiteur depuis le mois de juin 2018,

- elle avait la responsabilité des achats nécessaires au fonctionnement du service traiteur,

- elle assurait les livraisons, la réception de commandes ainsi que du démarchage,

- elle suivait les résultats comptables de l'activité,

- elle était chargée du suivi du temps de travail de sa collègue,

- elle s'était vue fixer des objectifs.

Il en résulte que la salariée démontre suffisamment qu'elle assurait ainsi, au sens de la convention collective applicable, la mise en 'uvre et la coordination de travaux nécessitant la maîtrise de compétences techniques, administratives et commerciales, la coordination d'informations internes et externes nécessitant le traitement d'informations d'ordre qualitatif et quantitatif, qu'elle prenait des décisions pouvant avoir un impact économique à court terme sur une unité commerciale, qu'elle se devait d'être une force de proposition en termes d'adaptation, d'amélioration des procédures et méthodes Travail réalisées à partir d'objectifs, et qu'elle était autonome pour organiser le travail en fonction de l'activité du service traiteur.

Par voie de conséquence, la salariée démontre suffisamment avoir exercé, à compter de son affectation au service traiteur en juin 2018, des fonctions excédant les missions d'un vendeur confirmé de niveau E7 mais relevant de la classification AM2.

Par voie de confirmation, il convient de dire que Mme [W] relève de la classification AM2 de la convention collective applicable depuis le 18 juin 2018.

Au titre de ce repositionnement, Mme [W] sollicite un rappel de salaire résultant de la différence de montant du taux horaire auquel elle a été rémunérée avec la classification de niveau E7 avec le montant qu'elle aurait dû percevoir depuis juin 2018 avec la classification de niveau AM2, dont l'employeur ne discute pas les modalités de calcul.

En conséquence, la société [O] est condamnée à lui verser la somme de 6 784,02 euros à titre de rappel de salaire sur la période de juin 2018 à janvier 2021, outre 678,40 euros au titre des congés payés afférents, par confirmation du jugement déféré, sauf à préciser qu'il s'agit de montants exprimés en brut.

2 - Sur les heures supplémentaires

Aux termes de l'article L 3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.

L'article L. 3121-27 du code du travail dispose que la durée légale de travail effective des salariés à temps complet est fixée à trente-cinq heures par semaine.

Selon l'article L. 3121-28 du même code, toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.

Aux termes combinés des articles L. 3121-29 et L. 3121-35 du code du travail, les heures supplémentaires se décomptent par semaine, celle-ci débutant le lundi à 0 heure et se terminant le dimanche à 24 heures.

Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire et en particulier, par les articles D 3171-8 et suivants du code du travail.

L'article L. 3171-4 du code du travail dispose qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles

Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Il appartient à la juridiction de vérifier si les heures supplémentaires revendiquées ont été rendues nécessaires par le travail confié au salarié, l'opposition à l'exécution de celle-ci de l'employeur se trouvant alors indifférente.

Le salarié peut revendiquer le paiement d'heures supplémentaires à raison de l'accord tacite de l'employeur. Cet accord tacite peut résulter de la connaissance par l'employeur de la réalisation d'heures supplémentaires par le biais de fiche de pointage et l'absence d'opposition de l'employeur à la réalisation de ces heures.

Aux termes de l'avenant signé le 7 novembre 2017, la durée du travail était portée à 35 heures hebdomadaires réparties " selon un horaire individualisé présenté sur un planning hebdomadaire préparé par le responsable de magasin en fonction de la saisonnalité et de la vie du magasin ".

En l'espèce, Mme [W] produit :

- un tableau récapitulatif des heures supplémentaires revendiquées sur la période courue entre avril 2018 et janvier 2021, représentant 2 389 heures supplémentaires non rémunérées,

- un tableau détaillant le calcul des heures majorées,

- une édition de l'agenda de la société sur la période d'avril et juin 2018,

- des fiches des relevés d'horaires hebdomadaires d'avril 2018 à janvier 2021,

- un échange de courriels du 15 décembre 2019 avec un client qui lui a répondu " il faut se reposer le dimanche ".

Ces éléments sont suffisamment précis pour engager le débat pour permettre à l'employeur, chargé de contrôler les horaires de travail de ses salariés, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

D'une première part, la cour constate que l'employeur ne produit aucun élément relatif au suivi du temps de travail de la salariée.

Il soutient qu'il était demandé à la salariée de déclarer elle-même mensuellement les heures supplémentaires qu'elle avait effectuées. A ce titre, il se prévaut de courriels échangés en octobre et décembre 2019, à savoir :

- un courriel d'octobre 2019 invitant la salariée à déclarer le nombre d'heures supplémentaires effectuées pour le mois,

- un courriel adressé le 16 décembre 2019 lui indiquant " Pour les heures sup [X], l'idéal est de me le dire dès qu'elles ont été effectuées et, encore mieux si on peut les anticiper, me les dire avant car je dois les valider en amont. ",

- un courriel par lequel la salariée précise le nombre d'heures supplémentaires effectuées par sa collègue en décembre 2019 (10 heures) et indique, pour ce qui la concerne " pour moi, tu le sais, comme d'hab, rien ne change !... tant que' ".

Cependant, la société [O] ne justifie d'aucun élément auto-déclaratif visé par le supérieur hiérarchique de Mme [W] et ne produit aucun autre élément concernant le reste de la période litigieuse.

Surtout, elle n'allègue ni ne justifie du contrôle de la durée du travail, ni d'aucun document de comptabilisation des heures de travail de la salariée alors que celle-ci était soumise à des horaires qui lui étaient propres.

D'une deuxième part, c'est par un moyen inopérant que l'employeur invoque la tardiveté de l'établissement et de la transmission des tableaux récapitulatifs dressés par la salariée.

D'une troisième part, la lecture de ces décomptes démontre, tel que le relève l'employeur, que ceux-ci reproduisent majoritairement des horaires de travail identiques fixés de 7h30 à 18h00.

Or, la salariée, qui admet avoir établi ces relevés " en se basant sur sa semaine type, tout en ajustant vis-à-vis de ses relevés d'heures, ses mails envoyés, de ses congés payés et arrêts de travail ", produit un courriel expédié un dimanche ainsi que plusieurs courriels expédiés après 18h30, sans que ces éléments ne permettent de retenir l'amplitude des horaires revendiqués.

Par ailleurs, si la salariée, dont le statut d'agent de maîtrise a été retenu, justifie avoir assumé une charge de travail importante, la cour relève que dans son courriel du 27 janvier 2021, la salariée affirmait avoir effectué depuis 2018 près de 200 heures non rémunérées, soit un volume très inférieur aux 2 389 heures supplémentaires revendiquées.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, la cour a la conviction qu'elle a bien accompli des heures supplémentaires, mais dans des proportions moindres que celles énoncées, à savoir :

- Sur la période d'avril à décembre 2018 : 40 heures

- Pour l'année 2019 : 100 heures

- Pour l'année 2020 : 47 heures

- Pour l'année 2021 : 13 heures

Compte tenu du nombre d'heures supplémentaires et de celles majorées de 25% pour les huit premières heures et de celles au-delà qui sont majorées à 50%, par voie d'infirmation, il y a lieu de condamner la société [O] à lui payer la somme de 3 726,55 euros brut au titre des heures supplémentaires effectuées entre le juin 2018 et janvier 2021, outre 372,65 euros brut au titre des congés payés afférents.

3 - Sur la demande au titre de la contrepartie obligatoire en repos

L'article L 3121-30 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 dispose en ses alinéas 1 et 2 que " Des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel. Les heures effectuées au-delà de ce contingent annuel d'heures supplémentaires sont celles accomplies au-delà de la durée légale. "

L'article L 3121-33 du code du travail prévoit qu'une convention ou un accord collectif définit le contingent annuel prévu à l'article L 3121-30.

En l'espèce, la convention collective applicable prévoyait un contingent annuel de 180 heures supplémentaires.

Il n'est pas discuté que la société [O] avait plus de 20 salariés, de sorte qu'en application de l'article L 3121-38 du code du travail, la contrepartie obligatoire sous forme de repos est fixée à 100% des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel.

Compte tenu des heures supplémentaires qui ont été retenues annuellement, Mme [W] n'a pas accompli d'heures de travail au-delà du contingent annuel fixé conventionnellement qui ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos.

Dès lors, elle déboutée de ce chef de prétention par confirmation du jugement.

4 - Sur le travail dissimulé

Aux termes de l'article L. 8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits relatifs au travail dissimulé prévus à l'article L.8221-5 du même code a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

L'article L. 8221-5 du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

La charge de la preuve du travail dissimulé repose sur le salarié, qui doit démontrer l'existence, d'une part, d'un élément matériel constitué par le défaut d'accomplissement d'une formalité obligatoire et, d'autre part, d'un élément intentionnel, constitué par la volonté de se soustraire à cette formalité.

En l'espèce, l'élément matériel du travail dissimulé ayant consisté à ne pas indiquer sur les bulletins de paie le nombre d'heures supplémentaires effectivement réalisées est établi.

Par ailleurs, Mme [W] produit des courriels par lesquels elle a indiqué à son employeur qu'elle réalisait des heures supplémentaires :

- le 10 octobre 2018 : " En plus tu sais que je fais beaucoup d'heures, on avait convenu que je ne te les réclamais pas, puisque tu allais changer mon statut et mon salaire ! " ;

- le 31 décembre 2020 " En fait, j'ai pour ma part beaucoup d'heures à récupérer je reviendrai vers toi à ce sujet, puis semaine dernière, [L] et moi avons cumulé 6H d'heures sup ! " ;

- Le 27 janvier 2021 : " [L] a encore des heures à récupérer sur l'année 2020, quant à moi c'est depuis 2019 ! ['] Lorsque je fais des heures sup et j'en ai fait, jamais personne ne vient me demander des explications ! ['] J'ai rappelé à [D] que depuis mai 2018 j'ai effectué près de 200h d'heures non payées, non rémunérées ! ".

Ces éléments, qui émanent uniquement de la salariée elle-même, ne suffisent certes pas à démontrer, tel qu'elle le soutient, que l'employeur l'aurait incitée à ne pas réclamer le paiement des heures supplémentaires en contrepartie de la promesse de lui permettre d'accéder au statut d'agent de maîtrise.

Au contraire, l'employeur démontre avoir sollicité de la salariée qu'elle précise ses horaires de travail, ses dates de congés et le nombre d'heures supplémentaires effectuées par des courriels en date du 21 octobre 2019, du 21 novembre 2019 et du 16 décembre 2019.

Cependant, il n'explicite nullement les réponses apportées aux courriels de la salariée faisant état d'heures supplémentaires non rémunérées.

Conjugué au fait que l'employeur a réceptionné un courriel l'avisant de ce qu'elle réalisait des livraisons un samedi et que les bulletins de salaire versés aux débats ne portent pas trace du paiement d'heures supplémentaires, il s'en déduit qu'il ne pouvait pas ignorer qu'il manquait de rémunérer des heures supplémentaires effectivement réalisées par Mme [W].

Mme [W] démontre ainsi suffisamment que l'employeur a omis en toute conscience de mentionner l'intégralité des heures supplémentaires effectuées sur les bulletins de paie de la salariée.

L'élément intentionnel du travail dissimulé est donc suffisamment établi.

Au regard des rappels de salaire précédemment retenus au titre du repositionnement et des heures supplémentaires, représentant sur les douze derniers mois un montant total de 5 942,26 euros brut, le salaire moyen de Mme [W] s'établit à la somme de 2 244,81 euros brut.

Par infirmation du jugement entrepris, la société [O] est condamnée à verser à Mme [W] la somme de 13 468,86 euros net à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

5 - Sur l'exécution déloyale du contrat

Il résulte de l'article L 1222-1 du code du travail que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. La bonne foi se présumant, la charge de la preuve de l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur incombe au salarié.

En l'espèce, Mme [W] reproche à la société [O] de :

- ne pas avoir appliqué la classification conventionnelle correspondant à son emploi,

- ne pas avoir rémunéré les heures supplémentaires effectuées,

- lui avoir fait subir une situation de travail dissimulé,

- avoir réduit ses missions ensuite de ses réclamations professionnelles.

Cependant, il ne résulte pas des échanges de courriels précédemment analysés que la société [O] aurait répondu à ses réclamations professionnelles en réduisant les missions qui lui étaient confiées. En effet, si l'employeur n'a pas adressé de directives à Mme [W] avant le courriel du 3 février 2020, la salariée ne justifie pas d'une concomitance avec ses revendications, lesquelles avaient déjà été exprimées dans son courriel du 10 octobre 2018 (" tu sais bien que je fais beaucoup d'heures, on avait convenu que je ne te les réclamais pas, puisque tu allais changer mon statut et salaire ! ").

Aussi, le fait d'avoir sciemment manqué de rémunérer les heures supplémentaires effectuées est d'ores et déjà réparé par l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

En revanche, il s'évince de ce qui précède que la société [O] n'a pas appliqué la classification conventionnelle correspondant aux fonctions réellement exercées.

Ce manquement de l'employeur a causé un préjudice moral certain à la salariée résultant d'un manque de reconnaissance du travail réalisé, en sus du préjudice financier d'ores et déjà réparé par les rappels de salaire.

Par confirmation du jugement entrepris, la société [O] est condamnée à réparer ce préjudice moral en lui versant une indemnité de 3 000 euros net à titre de dommages et intérêts.

6 - Sur la contestation du licenciement

6.1 - Sur la demande de nullité du licenciement au titre d'une atteinte à la liberté d'expression

Premièrement, l'article L.1121-1 du code du travail dispose que : " Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ".

Le droit à la liberté d'expression est une liberté fondamentale constitutionnellement garantie, qui a été consacré par les articles 10 et 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, l'article 5 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 10 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 et l'article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union du 7 décembre 2000.

Sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression, à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées (Soc., 2 mai 2001, pourvoi n° 98-45.532).

S'agissant du respect d'une liberté fondamentale, reconnue en tant que telle au niveau international et européen, le licenciement prononcé en raison de l'exercice par le salarié de sa liberté d'expression est, sauf en cas d'abus entaché de nullité.

Le caractère illicite du motif du licenciement prononcé, même en partie, en raison de l'exercice, par le salarié, de sa liberté d'expression, liberté fondamentale, entraîne à lui seul la nullité du licenciement (Soc., 29 juin 2022, pourvoi n°20-16.060).

L'abus est caractérisé lorsque les propos ou écrits utilisés par le salarié sont injurieux, diffamatoires ou excessifs, l'appréciation de l'abus prenant en compte le caractère public ou non des propos, la qualité et les fonctions du salarié, le contenu des propos, le contexte.

Deuxièmement, il se déduit des dispositions des articles L. 1152-2 et L. 1152-3 précitées que le salarié qui relate des faits de harcèlement ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce (Soc., 7 février 2012, pourvoi n°10.18-035, Soc., 10 juin 2015, pourvoi n°13.25-554).

La référence, dans les motifs de la lettre de licenciement, à la dénonciation de faits de harcèlement, entraîne, sauf mauvaise foi du dénonciateur, la nullité de la rupture, quels que soient les autres griefs énoncés dans cette lettre (Soc., 10 mars 2009, n°07-44.092, Soc., 25 septembre 2019, n° 17-27.094).

En l'espèce, il résulte de la lettre de licenciement en date du 8 février 2021, qui fixe les limites du litige en application de l'article L. 1232-6 du code du travail, que la société [O] reproche à Mme [W] cinq griefs, à savoir :

- d'avoir mandaté un membre de sa famille pour réaliser les entretiens du véhicule de la société,

- d'avoir outrepassé ses prérogatives en modifiant la date de prise de poste de sa collègue,

- de ne pas avoir tenu compte de la mise au point du 3 décembre 2020 lui demandant de cesser de prendre des initiatives " incongrues ",

- de s'être autorisée à fermer le point de vente du service traiteur d'initiative le 31 décembre 2020 en invoquant des heures supplémentaires à récupérer,

- d'avoir adressé deux courriels successifs à l'ensemble du personnel le 27 janvier 2021 dénigrant la direction ainsi que sa collègue.

S'agissant de ce dernier grief, la lettre de licenciement énonce :

" 5. Pour en terminer, des suites de la notification de la convocation à l'entretien préalable qui vous a été adressé, vous avez estimé devoir adresser, à l'ensemble du personnel de l'entreprise, deux e-mails le 27 janvier 2021 à 16h22 et 20h18, libellé " MENACE DE LICENCIEMENT AU TRAITEUR " dont la forme, comme le fond, sont radicalement inacceptables.

Sur la forme, il n'est pas admissible de constater que vous ayez pu porter votre situation individuelle, pour des faits précis à la connaissance de l'ensemble du personnel, le tout en ne présentant qu'une partie de la situation.

En opérant de la sorte, vous aviez parfaitement conscience de déstabiliser le reste des équipes travaillant au sein de l'entreprise : nous irons même plus loin, il s'agissait du but même de cet envoi par e-mail.

Il ne vous a jamais été contesté votre liberté d'expression, ce que vous reconnaissez vous-même : vos envois vont toutefois très au-delà des limites d'une telle liberté.

Sur le fond ensuite, les propos que vous estimez devoir tenir sont inacceptables.

Vous n'avez jamais été victime de la moindre discrimination relative à votre âge, pas plus que d'un non-respect du code du travail, pas plus que du moindre harcèlement moral, qui vient d'apparaître brutalement à réception d'une convocation à entretien préalable.

Il est aussi et surtout absolument inacceptable de lire les critiques personnelles que vous estimez devoir porter à l'encontre de certains de vos collègues de travail comme de la direction d'entreprise.

À quel titre pouvez-vous [vous] permettre de considérer que Mme [L] [Z] ne mériterait pas une prime '

Comment pouvez-vous vous permettre d'indiquer à l'ensemble du personnel d'une entreprise que son employeur ne respecterait pas la législation sociale motif qu'il ne paraît pas les heures supplémentaires, situation éminemment mensongère '

Ces e-mails ont donc uniquement vocation à opérer une présentation tronquée, mensongères et dénigrantes de la situation, dans le but de déstabiliser le fonctionnement de l'entreprise et ce, dans l'unique intérêt de servir vos intérêts personnels.

Ces envois sont à la négation de votre obligation la plus élémentaire à l'égard de votre employeur : la loyauté.

Une telle situation est incompatible avec le maintien de votre contrat de travail. "

La salariée soutient que ces motifs caractérisent une violation de sa liberté d'expression de nature à entraîner la nullité du licenciement et la société [O] invoque un exercice abusif de la liberté de la salariée en ce qu'elle a dénigré ses collègues et la direction en portant des accusations infondées à leur encontre.

En l'espèce, il n'est pas discuté que la salariée a envoyé à l'ensemble du personnel de la société, le 27 janvier 2021 à 16h22, depuis son adresse professionnelle " [Courriel 7] ", un premier courriel portant en objet " MENACE DE LICENCIEMENT AU TRAITEUR ", auquel était joint son courrier de convocation à un entretien préalable.

Il est également établi que M. [M] lui a répondu le même jour à 18h19, par un message également adressé à tous, et que la salariée a envoyé un courriel subséquent à 20h21 encore adressé à tous les salariés de l'entreprise.

Il ressort du premier courriel envoyé à 16h22 que Mme [W] a dénoncé le fait d'être convoquée à un entretien préalable en mettant en cause le comportement de M. [M] et en lui reprochant, en substance, de ne pas avoir payé les heures supplémentaires réalisées, de ne pas avoir appliqué la classification due, de ne pas lui avoir versé de primes, tout en ajoutant :

" Sans même avoir eu d'entretien préalable, on nous envoie ce courrier de menace !! [']

Depuis 2016, je suis plus que dévouée à la Biocoop : Alors quoi ''' c'est parce que je conteste toujours DEVANT la personne ce pourquoi je ne suis pas d'accord ''' De toute façon, même si je clame mon désaccord, je n'ai JAMAIS obtenu gain de cause auprès de [D], la preuve aujourd'hui pour ces agissements TRES SOURNOIS !

Cela ne plaît pas au Directoire ''' parce que j'ai 60 ans ''' Alors dehors la vieille !

Par ailleurs vous le savez tous, [D] ne souhaite plus payer les heures sup ! [']

Je vous envoie ce mail, non pas pour me justifier, mais pour vous expliquer que [D] ne cesse de me harceler depuis quelques temps, disons, depuis que je suis revenue de mon arrêt maladie ! Que je suis très mal traitée [']

Je me suis toujours adressée à [D], lequel n'a jamais fait ce qu'il me disait ! Cooooll ! Mais là [D] dépasse les bornes, ne respecte pas mon travail, ne me respecte pas non plus en tant qu'humain ! J'en ai marre cette fois et je tenais à vous le dire, je ne vais pas en rester là ! ['] ".

Elle a encore mis en cause le travail de sa collègue en indiquant : " Depuis 2019, je n'ai jamais eu de prime, ni de régularisation de quoique ce soit, [D] me disait qu'il allait s'en occuper ! Ben rien ! Par contre [L] [V], 3000€ de prime !!! C'est normal '' alors qu'elle ne faisait pas bien son travail, qu'elle ne m'aidait pas ! j'ai dû intervenir auprès de [H] pour demande confirmation quant à ses pauses excessives, de l'ordre de 45 mn par jour pour tirer son lait, histoire de savoir si ce genre de pause était rémunérée ou non ! ".

Dans sa réponse, M. [M] se limite à écrire : " Je prends connaissance du mail d'[X] qui contient de nombreuses contre-vérités. Je reviendrai ultérieurement sur ces différents sujets. Pour l'instant, nous suivons la procédure du code du travail et j'entendrai [X] sur les éléments qui lui sont reprochés lors de l'entretien mentionné au courrier qu'elle vous a communiqué. ".

Et dans le second courriel envoyé à 20h21, Mme [W] répond : " ['] Tu n'appliques pas le code du travail ! Tu m'adresses directement une menace de licenciement sans avoir au préalable entretenu avant à ce sujet ! De plus, tu as ignoré ma réponse par mail ! Outrepasser droit et tu abuses vraiment ! Je ne me rendrai pas ton entretien, car je m'oppose à tes méthodes ! En tous les cas, le fait d'agir ainsi envers moi et [L] prouve que tu n'es pas un bon dirigeant ! ['] ".

Il résulte de la lettre de licenciement que l'employeur reproche en premier lieu à Mme [W] d'avoir adressé ces deux courriels à l'ensemble du personnel dans le but de déstabiliser les autres équipes de l'entreprise.

Et il lui reproche en deuxième lieu d'avoir affirmé qu'elle était victime de harcèlement moral et de discrimination relative à l'âge, de sorte que sur ce point, il lui incombe d'établir la mauvaise foi de la salariée, laquelle ne peut résulter que de sa connaissance de la fausseté des faits qu'elle dénonce.

La société [O] invoque la bienveillance exprimée par M. [M] dans ses courriels adressés à Mme [W] les 27 juillet 2020, 18 décembre 2020 et 21 décembre 2020.

Cependant, bien que le directeur exprime à plusieurs reprises son attention à établir une relation de confiance avec Mme [W], ces courriels ne suffisent pas à démontrer que la salariée déclarerait faussement avoir subi une situation de harcèlement, d'autant que la salariée démontre avoir exprimé son ressenti de manière réitérée dès le mois de février 2020, soit antérieurement à l'envoi des courriels litigieux.

Ainsi, elle démontre, par les courriels versés aux débats, qu'elle avait signalé, dès le 4 février 2020, subir des agissements de harcèlement moral de la part des autres salariés de l'entreprise en écrivant à M. [M] " Tu le sais, pour ma part, la jalousie je pense, de certaines personnes, m'ont pourrie [']. A la réunion, tu as parlé de harcèlement, dont le harcèlement moral, j'en suis une victime évidente " et que M. [M] n'avait pas dénié l'existence de difficultés en lui répondant " Je mesure tout l'investissement que tu as mis et que tu mets toujours dans le projet. Je mesure également que tout le monde n'a pas poussé dans le bon sens et que cela n'a pas aidé ".

Elle démontre également avoir à nouveau exprimé son ressenti dans ses courriels en date du 18 décembre 2020 et du 21 décembre 2020 reprochant à M. [M] son manque de réaction " malgré toutes mes demandes pour que tu interviennes (en boucherie, au SA etc.) rien de rien ne change. ['] Comme je te l'ai dit également on se moque du traiteur, on ne respecte pas montre travail ['] le SA ne respecte pas notre travail de mise en place ['] ", puis " mes collègues ne respectent pas mon travail ! ['] Je souhaite plutôt qu'il respecte mon travail et que l'on ne soit pas considéré comme des moins que rien, car c'est ce qu'on ressent ! ['] Si je réagis comme cela c'est à cause de la façon dont tu me traites et j'en suis très affligée et la preuve en est que tu ne comprends même pas ce dont je te fais part, que ce soit verbalement ou dans mes mails ".

Au vu de ces éléments, la société [O] échoue à faire la preuve d'une mauvaise foi de la salariée qui relate des faits de harcèlement.

En conséquence, le grief tiré de l'expression de fausses accusations de harcèlement moral par la salariée, dont la mauvaise foi n'est pas démontrée, emporte à lui seul la nullité de plein droit du licenciement, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs reprochés à Mme [W] qui doit bénéficier de la protection assurée par les dispositions de l'article L 1152-2 du code du travail

Par infirmation du jugement entrepris, il convient de prononcer la nullité du licenciement.

6.2 - Sur les conséquences financières

Premièrement, le licenciement étant nul, Mme [W] est fondée à obtenir paiement d'un rappel de salaire sur la période de mise à pied à titre conservatoire pour la période du 29 janvier au 8 février 2021, soit la somme de 747,25 euros brut, outre 74,72 euros brut au titre des congés payés afférents par infirmation du jugement entrepris.

Deuxièmement, au regard de son ancienneté, la salariée est fondée à obtenir paiement d'une indemnité de licenciement et d'une indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, calculés conformément aux dispositions de la convention collective applicable et au montant du salaire de 2 244,81 euros brut précédemment retenu.

Par infirmation du jugement déféré, la société [O] est donc condamnée à lui verser les sommes de :

- 4 489,62 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 448,96 euros brut au titre des congés payés afférents,

- 2 623,58 euros à titre d'indemnité légale de licenciement.

Troisièmement, selon l'article L 1235-3-1 du même code, lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une nullité fondée sur la violation d'une liberté fondamentale et que le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Il convient de relever que la société [O] n'invoque pas les dispositions de l'article L 1235-2-1 du code du travail.

Au jour de son licenciement nul, Mme [W] était âgée de 60 ans. Elle justifie, par une attestation établie par Pôle emploi le 21 mars 2023, de son admission au bénéfice de l'allocation d'aide au retour à l'emploi le 16 mars 2022 après la fin de son contrat de travail du 8 février 2021 et du maintien du bénéfice de cette allocation jusqu'à la date de sa retraite.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu, par infirmation du jugement entrepris, de condamner la société [O] à lui verser la somme de 13 500 euros brut à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la nullité du licenciement.

Le jugement est infirmé de ce chef.

7 - Sur la demande en dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire

Le licenciement prononcé dans des conditions vexatoires peut causer un préjudice distinct de celui résultant de la perte de l'emploi, justifiant une réparation sur le fondement de l'article 1240 du code civil, dès lors que la faute de l'employeur est démontrée.

En l'espèce, la salariée n'apporte aucun élément quant aux conditions vexatoires de son licenciement, se contentant d'affirmer que l'employeur l'a licenciée " sans motif légitime et a tenté de justifier sa décision en invoquant des faits qui ne pouvaient justifier une faute grave ".

Par conséquent, par confirmation du jugement entrepris, il convient de débouter la salariée de sa demande de dommages et intérêts au titre des conditions vexatoires entourant son licenciement

8 - Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts

Aux termes de l'article L 1331-2 du code du travail, les amendes ou autres sanctions pécuniaires sont interdites.

Le salarié n'est pécuniairement responsable à l'égard de son employeur qu'en cas de faute lourde, qu'il s'agisse d'une pénalité ou de la réparation d'un préjudice (Cass. soc., 21 octobre 2008, n° 07-40.809).

La faute lourde est caractérisée par l'intention de nuire à l'employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise (Cass. soc., 22 octobre 2015, n° 14-11.801).

Il est également jugé que l'employeur, dont le salarié, sans être l'auteur d'une faute lourde ou d'une intention de nuire, a été déclaré coupable d'une infraction pénale, a le droit d'obtenir l'indemnisation du dommage causé par cette infraction en qualité de partie civile, ce qui ne constitue pas une sanction pécuniaire interdite par l'article L. 1331-2 du code du travail (Crim., 14 janvier 2025, pourvoi n° 24-81.365).

En l'espèce, la société [O] soutient que la salariée a manqué à son obligation de loyauté dans l'exécution de son contrat de travail en omettant sciemment de réaliser le travail demandé conformément aux instructions données par sa hiérarchie ainsi qu'en abusant de sa liberté d'expression. Sur ce fondement, elle sollicite paiement d'une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Cependant, l'employeur n'allègue ni ne justifie d'une faute lourde de la salariée, ni de sa condamnation à une infraction pénale.

Cette demande, qui s'analyse en une sanction pécuniaire interdite par l'article L 1331-2 précité, est donc rejetée par infirmation du jugement déféré qui a omis de statuer de ce chef.

9 - Sur les demandes accessoires

La société [O], partie perdante à l'instance au sens des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, doit être tenue d'en supporter les dépens de première instance par confirmation du jugement déféré, y ajoutant les dépens d'appel.

En conséquence, il y a lieu de rejeter sa demande indemnitaire au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel.

Il serait par ailleurs inéquitable, au regard des circonstances de l'espèce comme des situations économiques des parties, de laisser à la charge de Mme [W] l'intégralité des sommes qu'elle a été contraint d'exposer en justice pour la défense de ses intérêts, de sorte qu'il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société [O] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et, y ajoutant, de la condamner à lui verser une indemnité complémentaire de 1 500 euros au titre des frais exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a :

Dit que Mme [X] [W] relève de la classification AM2 de la convention collective avec l'intitulé de poste " responsable de secteur " à compter du 18 juin 2018 ;

Condamné la société [O] à verser à Mme [X] [W] les sommes de :

- 6 784,02 euros à titre de rappel de salaires pour la période de juin 2018 à janvier 2021 et 678,40 euros au titre des congés payés, sauf à préciser qu'il s'agit de montants exprimés en brut,

- 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail ;

Débouté Mme [X] [W] de sa demande au titre d'une contrepartie obligatoire en repos ;

Débouté Mme [X] [W] de sa demande en dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire;

Condamné la société [O] à verser à Mme [X] [W] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Débouté la société [O] de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné la société [O] aux entiers dépens de l'instance ;

L'INFIRME pour le surplus ;

Statuant à nouveau des chefs d'infirmation et y ajoutant,

PRONONCE la nullité du licenciement notifié à Mme [X] [W] le 8 février 2021 ;

CONDAMNE la société [O] à verser à Mme [X] [W] les sommes suivantes :

- 3 726,55 euros brut au titre des heures supplémentaires effectuées entre le juin 2018 et janvier 2021, outre 372,65 euros brut au titre des congés payés afférents,

- 13 468,86 euros net à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

- 747,25 euros brut à titre de rappel de salaire sur la période de mise à pied à titre conservatoire pour la période du 29 janvier au 8 février 2021, outre 74,72 euros brut au titre des congés payés,

- 4 489,62 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 448,96 euros brut au titre des congés payés afférents,

- 2 623,58 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 13 500 euros brut à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

DEBOUTE la société [O] de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts ;

DEBOUTE la société [O] de sa demande d'indemnisation au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

CONDAMNE la société [O] aux entiers dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

Signé par Mme Hélène Blondeau-Patissier, conseillère substituant M. Delavenay, président de chambre régulièrement empêché et par Mme Fanny Michon, greffière, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La greffière, La conseillère faisant fonction de présidente,

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