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Décisions

CA Toulouse, 2e ch., 9 septembre 2025, n° 24/04105

TOULOUSE

Arrêt

Autre

CA Toulouse n° 24/04105

9 septembre 2025

09/09/2025

ARRÊT N°2025/294

N° RG 24/04105 - N° Portalis DBVI-V-B7I-QWO4

IMM CG

Décision déférée du 02 Décembre 2024

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 10]

( 24/04759)

Madame [I]

S.C.I. CHRISOPHILE

C/

[F] [M]

[E] [V]

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à Me Isabelle BAYSSET

Me Thierry LANGE

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

2ème chambre

***

ARRÊT DU NEUF SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ

***

APPELANTE

S.C.I. CHRISOPHILE

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Isabelle BAYSSET de la SCP D'AVOCATS MARGUERIT ' BAYSSET, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES

Madame [F] [M] de la SELARL AEGIS en sa qualité de liquidateur de la SCI CHRISOPHILE

[Adresse 8]

[Localité 7]

Non représentée

Monsieur [E] [V]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représenté par Me Thierry LANGE, avocat au barreau de TOULOUSE

MINISTERE PUBLIC

Cour d'Appel

[Adresse 9]

[Localité 5]

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Juin 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant V. SALMERON, présidente et I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseillère, chargée du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

V. SALMERON, présidente

I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseillère

M. NORGUET, conseillère

Greffier, lors des débats : A. CAVAN

ARRET :

- Réputé contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par V. SALMERON, présidente, et par A. CAVAN, greffier de chambre

Exposé des faits et de la procédure :

Monsieur [E] [V] et Madame [H] [P], alors mariés, ont créé la SCI Chrisophile le 24 avril 2017. Ils détenaient chacun pour moitié les parts sociales et étaient co-gérant.

En 2017, la SCI Chrisophile a acquis un local commercial, sis [Adresse 3] pour la somme de 180 000 euros hors charges. Cette acquisition a été financée par un prêt souscrit auprès de la Banque populaire d'un montant de 206 500 euros.

[E] [V] et [H] [P] ont divorcé le 18 novembre 2021.

Les échéances du prêt n'étant plus été réglées depuis le mois de février 2021, la Banque populaire a prononcé la déchéance du terme le 6 septembre 2024 et sollicité le règlement de la somme de 140 283,86 euros.

Par requête déposée au greffe le 9 septembre 2024, la SCI Chrisophile a saisi le tribunal judiciaire de Toulouse d'une demande d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire.

Par jugement du 2 décembre 2024, le tribunal judiciaire de Toulouse a notamment :

- Ouvert une procédure de liquidation judiciaire au profit de la SCI Chrisophile

- Fixé la date de cessation des paiements au 14 mai 2024

- Désigné en qualité de liquidateur Me [F] [M] de la Selarl Aegis

Par déclaration en date du 20 décembre 2024 Madame [H] [P] et la SCI Chrisophile ont relevé appel du jugement.

Par conclusions notifiées le 03 avril 2025, Monsieur [E] [V] a saisi le conseiller de la mise en état d'un incident d'irrecevabilité de l'appel.

Par ordonnance du 12 juin 2025, le conseiller de la mise en état a :

- Déclaré irrecevable l'appel formé par Madame [P] en son nom personnel,

- Dit que l'appel régularisé par la SCI Chrisophile n'est pas tardif,

- Invité les parties à conclure devant la cour sur la recevabilité de l'appel de la SCI eu égard à l'intérêt à agir de cette dernière dont les prétentions ont été accueillies par le tribunal

- Révoqué l'ordonnance de clôture intervenue le 26 mai 2025,

- Dit que les dépens de l'incident seront joints à ceux de l'instance au fond.

- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du cpc.

La clôture initialement fixée le 26 mai 2025 a été révoquée et l'affaire a été appelée à l'audience de plaidoirie du 16 juin 2025 à 9h30.

Exposé des prétentions et des moyens :

Vu les conclusions d'appelant récapitulatives notifiées par RPVA le 13 juin 2025 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de Madame [H] [P] et la SCI Chrisophile demandant, au visa des articles 6§1 de la convention européenne des droits de l'homme et L631-1 du code de commerce de :

A titre liminaire :

- Déclarer recevable l'appel interjeté par la SCI Chrisophile

Sur le fond:

A titre principal :

- Prononcer la nullité en toutes ses dispositions du jugement déféré pour violation du droit à un procès équitable et du principe du contradictoire,

A titre subsidiaire :

- Réformer le jugement 2 décembre 2024, notamment en ce qu'il a ouvert une procédure de liquidation judiciaire de la Sci Chrisophile,

Statuant à nouveau,

- Ouvrir une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la Sci Chrisophile.

En tout état de cause,

- Condamner Monsieur [V] aux entiers dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile en faveur de Madame [P] et de la Sci Chrisophile.

- Débouter Monsieur [V] de ses demandes formulées à l'encontre de Madame [P].

Vu les conclusions notifiées par RPVA le 13 juin 2025 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de Monsieur [E] [V] demandant, au visa des articles L640-1 et suivants du code de commerce de :

- Déclarer irrecevable l'appel diligenté par Madame [H] [P] pour le compte de la SCI Chrisophile, pour absence d'intérêt à agir de cette dernière.

- Déclarer irrecevable Madame [H] [P] à intervenir à titre personnel dans le cadre de la présente procédure

Sur le fond :

- Débouter Madame [H] [P] intervenant pour le compte de la SCI Chrisophile de sa demande aux fins de réformation du jugement rendu le 2 décembre 2024, avec toutes conséquences de droit

- Débouter Madame [H] [P] intervenant pour le compte de la SCI Chrisophile de sa demande aux fins d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la Sci Chrisophile

- Condamner Madame [H] [P] intervenant pour le compte de la SCI Chrisophile à payer à Monsieur [E] [V] la somme de 1 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 1° du Code de Procédure Civile

- Condamner la même en cette même qualité aux entiers dépens de l'instance.

Par avis du 04 juin 2025, le ministère public sollicite le rejet de la demande d'annulation du jugement et la confirmation du jugement.

La Selarl Aegis, à laquelle la déclaration d'appel a été dénoncée par acte signifié à personne morale, n'a pas constitué avocat.

Motifs

La cour rappelle en premier lieu que l'appel de Madame [H] [P] a été déclaré irrecevable par ordonnance du magistrat délégué, qui n'a pas été déférée à la cour.

Les conclusions signifiées pour le compte de Madame [P] prise en son nom personnel sont donc irrecevables.

Le magistrat délégué a en outre invité les parties à conclure sur la recevabilité de l'appel de la SCI eu égard à l'intérêt à agir de cette dernière, demanderesse à l'ouverture de sa liquidation judiciaire et dont les prétentions ont été accueillies.

La SCI soutient que son intérêt à agir découle de ce que, alors que M. [V] et Madame [P] sont tous deux co-gérants, M.[V] a tenu Madame [P] à l'écart de la procédure et poursuvi ainsi un intérêt personnel en opposition avec ceux de son ex-épouse. Elle précise que ses prétentions auraient été distinctes si Madame [P] avait été en mesure de les exprimer et de solliciter la poursuite de l'activité.

Selon l'article 546 du code de procédure civile, le droit d'appel appartient à toute partie qui y a intérêt, si elle n'y a pas renoncé.

En application de ce texte, l'appel n'est pas recevable lorsque le jugement rendu conformément aux conclusions de l'appelant ne lui fait aucun grief.

En l'espèce, la SCI qui poursuit l'infirmation du jugement en ce qu'il a ouvert sa liquidation judiciaire, fait valoir que la décision a été rendue sur la base d'éléments transmis par l'un de ses co-gérants poursuivant un intérêt personnel, alors que la prise en compte des moyens et arguments de l'autre co-gérant était de nature à démontrer l'existence de perspectives de redressement.

Si le jugement a bien été rendu conformément aux demandes de la SCI, cette dernière fait état de perspectives de redressement qui n'ont pas été présentées au tribunal par le co-gérant qui la représentait. Elle démontre ainsi son intérêt à l'action.

Son appel est donc recevable.

- Sur la demande d'annulation du jugement

La SCI Chrisophile soutient que la décision de déclarer l'état de cessation des paiements et de solliciter l'ouverture d'une liquidation judiciaire a été prise sans respecter les statuts puisque Madame [P] n'a pas été consultée, ce qui a privé cette dernière de la possibilité de faire valoir ses droits.

La cour constate que l'article 19 des statuts autorise l'un ou l'autre des co-gérants à agir au nom de la société dans l'intérêt de cette dernière. C'est donc sans excéder ses pouvoirs que M.[V] a procédé à la déclaration de cessation des paiements, ce qui constituait pour lui une obligation.

Rien ne démontre que les droits de la société valablement représentée par son gérant dans le cadre de l'instance qui s'est ouverte devant le tribunal judiciaire de Toulouse à la suite de la déclaration de cessation des paiements n'ont pas été pris en compte et cette dernière n'évoque d'ailleurs aucune atteinte à ses droits mais seulement à ceux de Madame [P], dont l'appel a été déclaré irrecevable.

Il n'y a donc pas lieu à annulation du jugement.

- Sur l'ouverture de la procédure collective

Le tribunal a constaté par des motifs pertinents que la SCI Chrisophile débitrice notamment, eu égard à la déchéance du terme prononcée par la banque, de la somme de 136.702, 58 € ainsi que du compte courant d'associé de M.[V] dont ce dernier a demandé le remboursement pour la somme de 60 311, 85 €, n'était pas en mesure de faire face à ce passif exigible avec son actif disponible.

Devant la cour, la SCI ne conteste pas son état de cessation des paiements mais seulement l'ouverture de la liquidation judiciaire.

Selon l'article L 640-1 du code de commerce, il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l'article L. 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible. La procédure de liquidation judiciaire est destinée à mettre fin à l'activité de l'entreprise ou à réaliser le patrimoine du débiteur par une cession globale ou séparée de ses droits et de ses biens.

Au soutien de ses prétentions, la SCI fait valoir que malgré le prononcé de la déchéance du terme, elle est susceptible d'obtenir de la banque des délais de remboursement. Elle ajoute avoir dû supporter en 2023 des charges de copropriété exceptionnelles liées à la réfection de la toiture mais précise que son produit d'exploitation a augmenté entre 2023 et 2024.

La cour constate que malgré l'augmentation du produit d'exploitation en 2024, le résultat demeure déficitaire même si le déficit de 15 209 € en 2023 a été réduit à 7 748 €.

Le ministère public souligne à juste titre que le déficit s'imputant, selon les dispositions des statuts, sur les bénéfices, puis sur les réserves et enfin sur le capital, la société ne dispose plus de capitaux propres compte tenu des pertes constatées. Le déficit cumulé qui s'élève à 59.737 € a été financé par les apports en comptes courant et principalement par les apports de M.[V] pour un montant de 61.589, 91 € au 31 décembre 2024.

L'activité demeure structurellement déficitaire. Ainsi, en 2024, le produit d'exploitation de 10.425 € n'a pas permis de couvrir les échéances de l'emprunt s'élevant à 16.929, 60 €, auquel il convient d'ajouter les charges d'exploitation qui se sont élavées à 4.467 €.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, la banque s'est bornée dans un courrier du 5 février 2025, à accepter d'encaisser les loyers, dans l'attente d'un ' accord définitif sur le règlement de sa créance par rachat des parts sociales, vente du bien, refinancement'. Rien ne démontre par conséquent qu'elle est disposée à renoncer à la déchéance du terme et à accorder de nouveaux délais de nature à limiter les charges de la société.

Rien ne permet non plus de retenir que la société est en mesure d'augmenter ses tarifs de location pour la haute saison et d'améliorer en conséquence son résultat annuel et il apparaît illusoire d'envisager que la SCI parvienne à doubler ses revenus annuels, afin d'être en mesure de faire face, outre ses charges, aux échéances d'un plan compte tenu du montant du passif.

Enfin, alors que la situation conflictuelle opposant les deux associés co-gérants paralyse toute perspective de redressement, aucune proposition n'est faite pour y mettre fin.

C'est donc de façon pertinente, au regard des éléments qui lui étaient soumis que le tribunal a retenu que le redressement était manifestement impossible. En cause d'appel, au regard des éléments débattus devant la cour, le constat de l'absence de toute perspective de redressement doit également être dressé. Le jugement déféré sera en conséquence intégralement confirmé.

Les dépens sont à la charge de la procédure collective de la société Chrisophile.

Par ces motifs

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

y ajoutant

Dit que les dépens de la procédure sont à la charge de la procédure collective de la société Chrisophile.

Le greffier La présidente

.

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