CA Rennes, 2e ch., 9 septembre 2025, n° 23/00171
RENNES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Renostyl (SARL)
Défendeur :
Franfinance (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Jobard
Conseiller :
M. Pothier
Conseiller :
Mme Picot-Postic
Avocats :
Me Pelce, Me Abras, Me Floch
EXPOSÉ DU LITIGE :
Suivant bon de commande du 22 juin 2017, la société Renostyl a conclu avec M. [L] [P] et Mme [U] [Y], son épouse, un contrat de fourniture et d'installation d'une isolation, d'une porte de service, d'un ballon d'eau chaude et d'une pompe à chaleur au prix de 38 700 euros. Les travaux ont été financés par la souscription d'un prêt auprès de la société Franfinance.
Suivant bon de commande du 14 novembre 2017, la société Renostyl a conclu avec les époux [P], un contrat de fourniture et d'installation d'une ventilation et d'un plafond tendu au prix de 15 047 euros. Les travaux ont été financés par la souscription d'un prêt auprès de la société Financo.
L'emprunt souscrit auprès de la société Franfinance a fait l'objet d'un remboursement anticipé le 26 janvier 2018.
Suivant acte d'huissier des 9 et 18 février 2022, les époux [P] ont assigné la société Renostyl et la société Franfinance devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nantes.
Suivant jugement du 21 novembre 2022, le premier juge a :
Débouté les époux [P] de leurs demandes.
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamné in solidum les époux [P] aux dépens.
Suivant déclaration du 10 janvier 2023, les époux [P] ont interjeté appel.
Suivant conclusions du 6 mai 2023, la société Franfinance a interjeté appel incident.
En leurs dernières conclusions du 6 mars 2025, les époux [P] demandent à la cour de :
Infirmer le jugement déféré.
Statuant à nouveau,
A titre principal,
Prononcer la nullité des contrats conclus avec la société Renostyl.
Prononcer la nullité du contrat conclu avec la société Franfinance.
À titre subsidiaire,
Prononcer la résolution des contrats conclus avec la société Renostyl.
Prononcer la résolution du contrat conclu avec la société Franfinance.
En tout état de cause,
Condamner la société Renostyl à leur rembourser la somme de 53 747 euros.
Condamner la société Franfinance à leur rembourser la somme de 1 140 euros.
Condamner la société Renostyl à démonter et reprendre le matériel et à remettre en état leur habitation dans un délai de deux mois suivant la présente décision.
Assortir cette condamnation d'une astreinte de 200 euros par jour de retard.
Condamner la société Renostyl à leur payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La condamner aux dépens comprenant les droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement prévus par l'article L. 111-8 du code des procédures civiles d'exécution.
Débouter les sociétés Renostyl et Franfinance de leurs demandes.
En ses dernières conclusions du 21 janvier 2025, la société Renostyl demande à la cour de :
Vu les articles 9, 122 et 564 du code de procédure civile,
Vu les articles L. 111-1, L. 221-1 à 28, L. 242-1 et L. 312-55 du code de la consommation,
Confirmer le jugement déféré.
Débouter les époux [P] de leurs demandes.
Débouter la société Franfinance de ses demandes.
En tout état de cause,
Sur la commande du 22 juin 2017,
Juger que la commande est valable.
Juger qu'il n'y a pas lieu à résolution.
Subsidiairement, si la cour devait prononcer l'anéantissement de la commande,
Ordonner les restitutions réciproques.
Juger que les époux [P] ne pourront restituer en nature, les restitutions étant impossibles, de sorte qu'elles interviendront en valeur.
Condamner les époux [P] à lui payer la somme de 38 700 euros.
Subsidiairement, si la cour devait juger que les restitutions en nature sont possibles,
Condamner les époux [P] à lui restituer, après démontage à leurs frais et sous leur responsabilité, les matériels commandés et installés.
Les condamner à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de la restitution en valeur des prestations de service insusceptibles d'être restituées en nature,
Les condamner à lui payer la somme de 30 000 euros au titre de l'indemnisation de la dépréciation des équipements commandés en 2017 et utilisés depuis.
Juger qu'elle n'a pas reçu le solde du prix de la part des époux [P] mais de la part de la société Franfinance de sorte qu'elle ne saurait être tenue de leur restituer ledit solde.
Juger qu'elle ne saurait davantage être condamnée à restituer cette somme à la société Franfinance dans la mesure où les époux [P] ont fait racheter le crédit de sorte qu'elle a déjà récupéré les fonds prêtés.
Débouter la société Franfinance de ses demandes.
Juger que la société Franfinance a engagé sa responsabilité envers elle en validant les documents contractuels après les avoir fait modifier sauf à refuser le crédit.
Condamner la société Franfinance à la garantir des condamnations mise à sa charge.
Sur la commande du 14 novembre 2017,
Juger que la commande est valable,
Juger qu'il n'y a pas lieu à résolution.
Subsidiairement, si la cour devait prononcer l'anéantissement de la commande,
Ordonner les restitutions réciproques.
Juger que les époux [P] ne pourront restituer en nature, les restitutions étant impossibles, de sorte qu'elles interviendront en valeur.
Condamner les époux [P] à lui payer la somme de 15 047 euros.
Subsidiairement, si la cour devait juger que les restitutions en nature sont possibles,
Condamner les époux [P] à lui restituer, après démontage à leurs frais et sous leur responsabilité, les matériels commandés et installés.
Condamner les époux [P] à lui payer la somme de 3 000 euros à titre de restitution en valeur des prestations de service insusceptibles d'être restituées en nature.
Condamner les époux [P] à lui payer la somme de 12 000 euros à titre d'indemnisation de la dépréciation des équipements commandés en 2017 et utilisés depuis.
Débouter tout contestant de ses demandes.
Condamner les époux [P] à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre aux dépens.
En ses dernières conclusions du 8 mars 2024, la société Franfinance demande à la cour de :
Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté les époux [P] de leurs demandes.
Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau,
Condamner les époux [P] à lui payer la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
À titre subsidiaire,
Débouter les époux [P] de leur demande de restitution de l'indemnité de remboursement anticipé d'un montant de 1 140 euros.
À titre infiniment subsidiaire,
Condamner la société Renostyl à la garantir des condamnations prononcées à son encontre.
En toute hypothèse,
Condamner les époux [P] à lui payer la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Les condamner in solidum aux dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions des parties.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 mars 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Au soutien de leur appel, les époux [P] font valoir la nullité des bons de commande qui ne précisent pas le délai de rétractation dont ils bénéficiaient. Ils indiquent que s'agissant de contrats de vente et de prestation de service, conclu dans le cadre d'un démarchage à domicile, le délai de rétractation courait d'une part à compter de la conclusion des contrats, d'autre part à compter de la livraison des biens.
La société Renostyl conteste l'existence d'un démarchage. Elle explique que les époux [P] ont sollicité des travaux et que les contrats ont été signés à leur domicile. Elle conteste le fait que les époux [P] bénéficiaient d'un droit de rétractation s'agissant d'un contrat de fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés au sens de l'article L. 221-28 3° du code de la consommation. Elle soutient encore que les contrats doivent être qualifiés de marchés de travaux de construction. Elle prétend enfin qu'en cas d'imprécision du délai de rétractation, la nullité n'est pas encourue mais seulement la prolongation du délai de rétractation.
Il n'est pas discuté que les contrats litigieux ont été signés par les parties au domicile des époux [P]. Ils constituent des contrats hors établissement au sens de l'article L. 221-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable, à savoir des contrats conclus entre un professionnel et un consommateur dans un lieu qui n'est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties, y compris à la suite d'une sollicitation ou d'une offre faite par le consommateur.
C'est en vain que la société Renostyl prétend que les biens auraient été confectionnés selon les spécifications des consommateurs ou nettement personnalisés ou encore que leur mise en 'uvre relèverait de marchés de travaux de construction. Elle ne produit aucun document technique, ou tout autre élément de preuve en ce sens, antérieur ou contemporain de la commande. Elle ne peut soutenir par ailleurs que les différents éléments mis en 'uvre, dont certains ne font pas manifestement pas corps avec l'ouvrage, ne pourraient être dissociés de l'ouvrage sans dégradation importante.
Les époux [P] bénéficiaient, conformément aux articles L. 221-18 et L. 221-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable, les contrats ayant pour objet à la fois la fourniture de prestation de services et la livraison de biens est assimilé à un contrat de vente, d'un délai de quatorze jours pour exercer leur droit de rétractation à compter du jour de la réception des biens.
Il faut ajouter que les contrats de vente ne comportent aucune information, en application de l'article L. 221-5, relative au fait que les consommateurs ne pouvaient se prévaloir d'un droit de rétractation tel qu'il vient d'être rappelé.
Les contrats litigieux comportent des mentions erronées en ce qu'ils indiquent, en leurs conditions générales de vente, que le délai de rétractation expire quatorze jours après la conclusion du contrat. Le consommateur qui n'a pas été informé sur son droit de rétractation avant et lors de la conclusion d'un contrat hors établissement peut en demander l'annulation conformément aux articles L. 221-9 et L. 242-1.
La société Renostyl prétend que les époux [P] auraient confirmé les irrégularités des bons de commande.
La confirmation d'une obligation entachée de nullité est subordonnée à la conclusion d'un acte révélant que son auteur a eu connaissance du vice affectant l'obligation et l'intention de le réparer, sauf exécution volontaire après l'époque à laquelle celle-ci pouvait valablement être confirmée. Or, il ne ressort pas des pièces produites aux débats que les époux [P], dûment informés de l'erreur affectant les conditions générales de vente quant au point de départ du délai de rétractation, ont entendu renoncer à se prévaloir de l'irrégularité affectant les contrats de vente.
Il convient donc d'écarter le moyen tiré de la confirmation des contrats irréguliers et d'infirmer le jugement déféré. La nullité des contrats de vente sera prononcée.
Cette annulation a pour conséquence de remettre les parties dans leur situation antérieure de sorte qu'elle doit entraîner la restitution des prestations reçues de part et d'autre. La société Renostyl, qui est fautive, sera condamnée à procéder à ses frais à la dépose des matériels installés au domicile des époux [P]. Elle ne démontre pas que cette restitution serait impossible. Il n'y a pas lieu d'assortir cette condamnation d'un quelconque délai ou astreinte.
L'irrégularité des contrats de vente étant imputable à la société Renostyl, ses demandes pour obtenir une indemnité au titre de la dépréciation du matériel, de ses prestations ou encore la garantie de la banque, ne peuvent qu'être rejetées.
Il convient par conséquent de condamner la société Renostyl à payer aux époux [P] la somme de 53 747 euros au titre de la restitution du prix de vente, lequel a été payé par ces derniers sur instructions données aux organismes de crédit.
Aux termes de l'article L. 312-55 du code de la consommation, le contrat de crédit affecté est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.
Il n'est pas contesté que le crédit consenti par la société Franfinance est un crédit accessoire à une vente ou à une prestation de services. En raison de l'interdépendance des deux contrats, l'annulation du contrat principal conclu avec la société Renostyl emporte donc annulation de plein droit du contrat accessoire de crédit conclu entre les époux [P] et la banque. La nullité du prêt a aussi pour conséquence de remettre les parties dans leur situation antérieure, de sorte qu'elle doit, sauf faute du prêteur, entraîner la restitution des prestations reçues de part et d'autre, c'est à dire du capital versé par le prêteur et des échéances réglées par les emprunteurs.
Les époux [P] ont remboursé par anticipation le prêt souscrit auprès de la société Franfinance. Ils sont fondés à solliciter la condamnation de la banque à leur restituer les frais et intérêts perçus, soit la somme de 1 140 euros.
La société Franfinance n'est pas fondée, en application de l'article L. 312-56 du code de la consommation, à solliciter la condamnation de la société Renostyl à la garantir de la condamnation mise à sa charge, l'annulation du contrat de prêt, si elle résulte du non-respect du formalisme du bon de commande, résulte aussi de la faute de la banque qui s'est abstenue de toute vérification de la validité apparente du document.
Il n'est pas inéquitable de condamner la société Renostyl à payer aux époux [P] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance et en cause d'appel.
Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile par ailleurs.
La société Renostyl, qui succombe à titre principal, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel. Conformément à l'article R. 631-4 du code de la consommation, elle supportera l'intégralité des droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement prévus à l'article L. 111-8 du code des procédures civiles d'exécution.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Infirme le jugement rendu le 21 novembre 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nantes.
Statuant à nouveau,
Prononce l'annulation des contrats conclus les 22 juin 2017 et 14 novembre 2017 entre M. [L] [P] et Mme [U] [Y], son épouse, d'une part, et la société Renostyl d'autre part.
Dit que la société Renostyl devra reprendre à ses frais l'ensemble des matériels installés au domicile de M. [L] [P] et Mme [U] [Y], son épouse.
Condamne la société Renostyl à payer à M. [L] [P] et Mme [U] [Y], son épouse, la somme de 53 747 euros au titre de la restitution du prix de vente.
Prononce l'annulation du contrat de crédit conclu le 22 juin 2017 entre M. [L] [P] et Mme [U] [Y], son épouse, d'une part, et la société Franfinance d'autre part.
Condamne la société Franfinance à payer à M. [L] [P] et Mme [U] [Y], son épouse, la somme de 1 140 euros au titre de la restitution des frais et intérêts du prêt.
Condamne la société Renostyl à payer à M. [L] [P] et Mme [U] [Y], son épouse, la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance et en cause d'appel.
Condamne la société Renostyl aux dépens de première instance et d'appel et dit qu'elle supportera l'intégralité des droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement prévus à l'article L. 111-8 du code des procédures civiles d'exécution.
Rejette toute demande plus ample ou contraire.