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Décisions

CA Rennes, 2e ch., 9 septembre 2025, n° 23/00565

RENNES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Domofinance (SA)

Défendeur :

Evolution (SELARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jobard

Conseillers :

M. Pothier, Mme Picot-Postic

Avocats :

Me Castres, Me Reinhard, Me Gresle, SCP Avocats Nord Loire

TJ Rennes, du 12 mai 2023, n° 11-21-1624

12 mai 2023

EXPOSÉ DU LITIGE :

Suivant bon de commande du 6 janvier 2021, la société Installation des nouvelles énergies a conclu dans le cadre d'un démarchage avec M. [X] [S] et Mme [T] [Y], son épouse, un contrat portant sur la fourniture et l'installation d'une pompe à chaleur air/air, d'une pompe à chaleur air/eau et d'un ballon thermodynamique pour un coût de 28 900 euros. Les travaux ont été financés par un prêt souscrit le 13 janvier 2021 auprès de la société Domofinance (la banque).

Suivant acte d'huissier des 20 et 26 mai 2021, les époux [S] ont assigné la société Installation des nouvelles énergies et la banque devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nantes.

Suivant jugement du 23 juin 2022, le tribunal de commerce de Soissons a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Installation des nouvelles énergies.

La société Évolution a été assignée en intervention forcée en qualité de liquidateur judiciaire de la société Installation des nouvelles énergies.

Suivant jugement du 5 décembre 2022, le juge des contentieux de la protection a :

Prononcé la nullité des contrats de vente et de crédit.

Enjoint la société Évolution en qualité de liquidateur judiciaire de la société Installation des nouvelles énergies de remettre les lieux en l'état et de récupérer les matériels dans les trois mois de la décision.

Dit qu'à défaut d'exécution, dans le délai susvisé, les époux [S] pourraient donner la destination de leur choix aux matériels.

Débouté la banque de ses demandes à l'encontre des époux [S].

Fixé la créance de la banque au passif de la société Installation des nouvelles énergies à la somme de 28 900 euros.

Débouté les époux [S] de leur demande de fixation de leur créance au passif de la société Installation des nouvelles énergies.

Condamné in solidum la banque et la société Évolution en qualité de liquidateur de la société Installation des nouvelles énergies à payer aux époux [S] la somme de 1 200 euros en application de l'article 700 du code de civile.

Condamné in solidum la banque et la société Évolution en qualité de liquidateur de la société Installation des nouvelles énergies aux dépens.

Suivant déclaration du 25 janvier 2023, la banque a interjeté appel.

En ses dernières conclusions du 3 février 2025, elle demande à la cour de :

Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

Prononcé la nullité des contrats de vente et de crédit.

Enjoint la société Évolution en qualité de liquidateur judiciaire de la société Installation des nouvelles énergies de remettre les lieux en l'état et de récupérer les matériels dans les trois mois de la décision.

Dit qu'à défaut d'exécution, dans le délai susvisé, les époux [S] pourraient donner la destination de leur choix aux matériels.

Rejeté ses demandes à l'encontre des époux [S].

Prononcé sa condamnation in solidum avec la société Évolution en qualité de liquidateur de la société Installation des nouvelles énergies à payer aux époux [S] la somme de 1 200 euros en application de l'article 700 du code de civile.

Statuant à nouveau,

Débouter les époux [S] de leur demande d'annulation du contrat principal de vente.

Les débouter de leur demande d'annulation du contrat de crédit.

Par conséquent,

Les débouter de leurs demandes.

Les condamner solidairement à lui payer la somme de 32 291,97 euros majorée des intérêts contractuels au taux de 3,90 % l'an depuis le 4 janvier 2022.

Subsidiairement, en cas d'annulation des contrats,

Débouter les époux [S] de leur demande visant à la voir priver de son droit à restitution du capital prêté.

Par conséquent,

Les condamner solidairement à lui payer la somme de 28 900 euros correspondant au montant du capital prêté outre les intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition des fonds.

Les débouter de toute autre demande.

Confirmer le jugement déféré pour le surplus.

Plus subsidiairement,

Ordonner aux époux [S] de tenir à disposition de la société Installation des nouvelles énergies, prise en la personne de son liquidateur, le matériel posé en exécution du contrat de vente, pendant un délai de deux mois à compter de la signification de la décision, afin que celui-ci procède à sa dépose et à la remise en l'état antérieur, en prévenant quinze jours à l'avance du jour de sa venue par courrier recommandé avec accusé de réception, et dire qu'à défaut de reprise effective à l'issue de ce délai, ils pourront disposer comme bon leur semble dudit matériel et le conserver.

Fixer le préjudice des époux [S] en lien avec la faute du prêteur à la somme de 28 900 euros si le mandataire vient effectivement procéder à la dépose dans ce délai, et juger qu'à défaut, ils ne subissent aucun préjudice en lien avec cette faute.

Débouter les époux [S] de toute autre demande.

Confirmer le jugement déféré pour le surplus.

En tout état de cause,

Condamner in solidum les époux [S] à lui payer la somme de 2 400 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre aux dépens de première instance et d'appel.

En leurs dernières conclusions du 10 août 2023, les époux [S] demandent à la cour de :

Vu l'article 1184 du code civil,

Vu les articles L. 121-23 à L. 121-26, L. 221-5, L. 221-8 et suivants, L. 242-1, L. 311-48 et L. 311-55 du code de la consommation,

Vu les articles R. 312-10 et R. 312-5 du code de la consommation,

Confirmer le jugement déféré.

Débouter la banque de ses demandes.

La condamner à leur payer la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La condamner aux dépens de première instance et d'appel.

La société Évolution n'a pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions des parties.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 février 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Au soutien de son appel, la banque fait valoir que les époux [S] ont renoncé à se prévaloir de l'éventuelle nullité affectant le bon de commande, en toute connaissance de cause, en poursuivant le contrat après réception des matériels et de la facture comportant l'ensemble de leurs caractéristiques et leur prix. Elle ajoute qu'il n'est pas démontré, comme le prétendent les époux [S], que les travaux ont été exécutés avant l'expiration du délai de rétractation.

Les époux [S] soutiennent que le bon de commande ne respecte pas les dispositions du code de la consommation dès lors que certaines informations sont manquantes et plus précisément la marque et la puissance de la pompe à chaleur air/eau et la marque du ballon thermodynamique. Ils font valoir également que les travaux ont été réalisés avant l'expiration du délai de rétractation.

Il se déduit de l'article L. 221-10 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable, que seule la réception d'un paiement ou d'une contrepartie par le professionnel avant l'expiration d'un délai de sept jours à compter de la conclusion du contrat conclu hors établissement peut entraîner l'annulation de celui-ci.

Par ailleurs, aux termes des articles L. 221-8 et L. 111-1 du code de la consommation dans leur rédaction applicable, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations relatives aux caractéristiques essentielles du bien ou du service.

Le bon de commande remis aux époux [S] ne précise pas la marque et la puissance de la pompe à chaleur air/eau et la marque du ballon thermodynamique. Or la marque du bien ou du service faisant l'objet du contrat constitue une caractéristique essentielle au sens des textes susvisés. Il faut indiquer en revanche que les dispositions précitées n'exigent pas que le prix unitaire de chacun des biens fournis ou de chacune des prestations accessoires soit mentionné dans le contrat, seule l'indication du prix global à payer étant requise s'agissant d'une installation intégrée.

Aucun acte ne révèle que, postérieurement à la conclusion du contrat, les époux [S] ont eu connaissance de la violation du formalisme imposé par le code de la consommation. L'absence d'opposition à la livraison du matériel et à la réalisation des travaux ne suffisent pas à caractériser qu'ils ont, en pleine connaissance de l'irrégularité du bon de commande, entendu renoncer à la nullité du contrat et qu'ils ont manifesté une volonté non équivoque de couvrir les irrégularités du document.

Il convient donc pour la cause de nullité sus-évoquée, écartant le moyen tiré de la confirmation du contrat irrégulier invoqué par la banque, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de vente de biens et de fourniture de services.

Aux termes de l'article L. 312-55 du code de la consommation, le contrat de prêt affecté est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé. Il n'est pas contesté que le contrat de prêt est accessoire à une vente ou à une prestation de services. En raison de l'interdépendance des contrats, l'annulation du contrat principal emporte annulation de plein droit du contrat accessoire de prêt conclu avec la banque.

La nullité du prêt a pour conséquence de remettre les parties dans leur situation antérieure.

Les époux [S] reprochent à la banque de leur avoir soumis un second contrat de prêt pour remédier aux irrégularités affectant le premier contrat signé le 6 janvier 2021 sans attirer leur attention sur le coût total du crédit. Ils reprochent également à la banque d'avoir libéré les fonds « sans vérifier la cohérence du matériel du bon de commande avec celui de la facture finale ». Ils indiquent qu'ils subissent un préjudice financier et moral.

La banque confirme que constatant l'irrégularité du contrat de prêt signé le 6 janvier 2021, elle a soumis aux époux [S] une seconde offre de prêt acceptée le 13 janvier 2021. Elle indique que l'exemplaire des emprunteurs est régulier et qu'il comporte l'ensemble des caractéristiques du financement. Elle ajoute qu'elle a débloqué les fonds sur la foi d'une attestation de livraison. Elle considère qu'il appartenait aux emprunteurs de vérifier la conformité de ce qui leur était livré avec le bon de commande.

Le prêteur, qui n'a pas à assister l'emprunteur lors de l'exécution du contrat principal, ne commet pas de faute lorsqu'il libère les fonds au vu d'un certificat de livraison qui lui permet de s'assurer de l'exécution complète du contrat principal. En l'occurrence, les époux [S] ont signé le 28 janvier 2021 une attestation faisant ressortir sans ambiguïté que les travaux avaient été effectués conformément au bon de commande. A cet égard, il n'est pas allégué que l'installation serait défectueuse.

Par ailleurs, les époux [S] ne caractérisent pas une faute de la banque par le seul fait de leur avoir soumis une seconde offre de prêt qu'ils ont acceptée le 13 janvier 2021 alors que le document comportait l'ensemble des caractéristiques du financement dont celle relative au coût total du crédit. La banque n'était tenue d'aucune obligation de conseil mais seulement d'un devoir de mise en garde sur un risque d'endettement excessif qui n'est pas allégué en l'espèce.

La banque fait valoir que la dispense de remboursement du capital prêté est subordonnée à la démonstration par l'emprunteur de l'existence d'un préjudice en lien causal avec la faute du prêteur. Aucune faute de la banque n'étant caractérisée, elle est fondée à solliciter la condamnation solidaire des emprunteurs à lui payer la somme de 28 900 euros au titre de la restitution du capital prêté outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure de payer du 4 janvier 2022.

Le jugement déféré sera également infirmé en ce qu'il a :

Enjoint la société Évolution en qualité de liquidateur judiciaire de la société Installation des nouvelles énergies de remettre les lieux en l'état et de récupérer les matériels dans les trois mois de la décision puisque l'article L. 622-21 du code de commerce prohibe les poursuites individuelles.

Dit qu'à défaut d'exécution, dans le délai susvisé, les époux [S] pourraient donner la destination de leur choix aux matériels puisque cette disposition se heurte au droit de propriété du vendeur redevenu propriétaire du matériel après annulation du contrat.

Les demandes formulées à l'encontre de la banque en première instance au titre des frais irrépétibles seront rejetées.

Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Les époux [S], parties succombantes à titre principal en cause d'appel, seront condamnés aux dépens de la procédure. A cet égard, il sera observé que la banque n'a pas formulé expressément de demande d'infirmation de la condamnation aux dépens prononcée en première instance. La cour n'est donc pas saisie de ce chef.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant dans les limites de l'appel,

Infirme le jugement rendu le 5 décembre 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nantes en ce qu'il a :

Enjoint la société Évolution en qualité de liquidateur judiciaire de la société Installation des nouvelles énergies de remettre les lieux en l'état et de récupérer les matériels dans les trois mois de la décision.

Dit qu'à défaut d'exécution, dans le délai susvisé, M. [X] [S] et Mme [T] [Y], son épouse, pourraient donner la destination de leur choix aux matériels.

Débouté la société Domofinance de ses demandes à l'encontre de M. [X] [S] et Mme [T] [Y], son épouse.

Condamné la société Domofinance, in solidum avec la société Évolution en qualité de liquidateur de la société Installation des nouvelles énergies à payer, à M. [X] [S] et Mme [T] [Y], son épouse, la somme de 1 200 euros en application de l'article 700 du code de civile.

Statuant à nouveau,

Condamne solidairement M. [X] [S] et Mme [T] [Y], son épouse, à payer à la société Domofinance la somme de 28 900 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 4 janvier 2022.

Rejette la demande de M. [X] [S] et Mme [T] [Y], son épouse, de remise en état formulées à l'encontre de la société Évolution et tendant à pouvoir disposer des matériels.

Rejette la demande formulée à l'encontre de la société Domofinance au titre des frais irrépétibles en première instance.

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Condamne M. [X] [S] et Mme [T] [Y], son épouse, aux dépens de la procédure d'appel.

Rejette les autres demandes.

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