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Décisions

CA Angers, ch. a - com., 9 septembre 2025, n° 24/00742

ANGERS

Arrêt

Autre

CA Angers n° 24/00742

9 septembre 2025

COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - COMMERCIALE

JC/ILAF

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 24/00742 - N° Portalis DBVP-V-B7I-FJZC

jugement du 07 Novembre 2023

Juge de l'exécution de SAUMUR

n° d'inscription au RG de première instance 23/00037

ARRET DU 09 SEPTEMBRE 2025

APPELANTE :

SOCIETE CRELAN, Société Anonyme de Droit Belge, venant aux droits de la société AXA BANK BELGIUM précédemment dénommée ANHYP, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 1] - BELGIQUE

Représentée par Me Patrick BARRET de la SELARL KAPIA AVOCATS, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 230012 et par Me Thierry GICQUEAU, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Françoise VERGNE

INTIMES :

Monsieur [K] [W]

né le [Date naissance 2] 1941 à [Localité 7]

[Adresse 8]

[Localité 6]

Madame [J] [W] née [S]

née le [Date naissance 3] 1939 à [Localité 6]

[Adresse 8]

[Localité 6]

Représentés par Me Christelle GODEAU, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier E0008P87 et par Me Rodolphe BOSSELUT, avocat plaidant au barreau de PARIS substitué par Me Tiphaine MOYON

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 28 Avril 2025 à 14'H'00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. CHAPPERT, conseiller qui a été préalablement entendu en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CORBEL, présidente de chambre

M. CHAPPERT, conseiller

Mme GANDAIS, conseillère

Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 09 septembre 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

FAITS ET PROCÉDURE :

M. [K] [W] et Mme [J] [S], son épouse, ont sollicité différents concours bancaires afin de financer l'acquisition d'un patrimoine immobilier.

Par un acte sous seing privé du 2 juin 1989, réitéré le même jour en la forme authentique, la Caisse hypothécaire anversoire, société de droit belge, a consenti à Mme [W], à la SCI [Adresse 5] et à la SCI Saint-Jean un crédit d'investissement sous forme de roll-over en multidevises pour un montant maximum de 23 750 000 Francs belges (3 800 000 Francs, soit'579'306,26 euros) et destiné au refinancement de crédits commerciaux ainsi qu'à un apport de trésorerie.

M. [W] s'est porté caution solidaire. M. [X] [W] et Mme'[V] [N], ses parents, se sont portés cautions hypothécaires. Enfin, le groupe [W] a consenti diverses hypothèques sur des biens et des droits immobiliers lui appartenant.

La Caisse hypothécaire anversoise a dénoncé son crédit à la suite d'impayés, par une lettre du 10 octobre 1995 et en revendiquant une créance de 2'716'622'Fr (soit 414 146, 35 euros).

M. et Mme [W], la SCI [Adresse 5] et la SCI Saint Jean ont fait assigner, notamment, la Caisse hypothécaire anversoise devant le tribunal de grande instance de Paris par un acte du 1er juin 1994. Par un jugement du 29 juin 1995, le tribunal de grande instance de Paris a notamment annulé la convention de crédit du 2 juin 1989.

Par un arrêt du 25 septembre 2008, la cour d'appel de Paris a toutefois infirmé ce jugement en toutes ses dispositions.

De ce fait, la SA Axa Bank Europe, société de droit belge venue aux droits de la Caisse hypothécaire anversoise, a entrepris de faire exécuter l'acte authentique du 2 juin 1989. Elle a ainsi fait délivrer à M. et Mme [W], à la SCI [Adresse 5] et à la SCI Saint Jean plusieurs commandements de payer valant saisie de divers biens et droits immobiliers, du'1er mars 2013 (pour le recouvrement d'une somme de 1 197 471,94 Fr, soit'182 553,42 euros) et du 20 décembre 2013.

Par un jugement du 10 novembre 2014, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Angers a toutefois déclaré l'action de la SA Axa Bank Europe irrecevable comme prescrite. Le jugement a été confirmé par un arrêt de la cour d'appel d'Angers du 8 décembre 2015.

Par un arrêt du 20 avril 2017, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé partiellement l'arrêt rendu en ce qu'il a déclaré la banque irrecevable en ses demandes comme prescrites. La Cour de cassation a en effet reproché à la cour d'appel d'Angers d'avoir considéré que la cour d'appel de Paris avait débouté la Caisse hypothécaire anversoise de sa demande subsidiaire formée en cas d'annulation de la convention de crédit, privant ainsi les conclusions déposées par la banque de leur effet interruptif de la prescription, alors que "(...) la cour d'appel de Paris, qui infirmait le jugement ayant annulé la convention de crédit conclue entre les parties, n'a pas tranché la demande subsidiaire de la banque présentée au cas où cette annulation serait prononcée, de sorte que l'autorité de chose jugée du chef de dispositif de son arrêt rejetant "les autres demandes" n'inclut pas cette demande subsidiaire (...)".

Par un arrêt du 4 septembre 2018, la cour d'appel de Rennes, juridiction de renvoi, a infirmé le jugement du 10 novembre 2014, a dit que la SA Axa Banque Europe était recevable à agir mais elle l'a déboutée de ses demandes liées au commandement de payer valant saisie immobilière du 20 décembre 2013 en'raison de sa péremption.

La SA Axa Bank Europe, estimant que la prescription de son action avait ainsi été écartée, a fait diligenter de nouvelles mesures en exécution de l'acte authentique du 2 juin 1989.

C'est ainsi que, le 16 octobre 2020, elle a fait pratiquer trois saisies de droits d'associés ou de valeurs mobilières détenues par M. et Mme [W] dans la SCI Victoria, la SCI [Adresse 8] et dans la SCI Saint Jean, ainsi que trois saisies-attributions des sommes dues par ces mêmes sociétés à M. et Mme [W].

M. et Mme [W] ont contesté ces six mesures d'exécution devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Saumur qui, par six jugements du 27'avril 2021, a notamment :

- rejeté les exceptions de nullité du titre exécutoire, d'irrecevabilité de I'action en paiement, du défaut de liquidité et d'exigibilité de la créance et de nullité de la saisie pratiquée à I'encontre de M. [W] en sa qualité de caution,

- rejeté les demandes de mainlevées et limité les effets des mesures à la somme de 413 336 euros, les intérêts moratoires de pénalité étant réservés pour le calcul définitif de la créance,

Mais par six arrêts du 30 novembre 2021, la cour d'appel d'Angers a infirmé les six jugements, a déclaré la SA Axa Bank Europe irrecevable en son action en paiement dirigée à l'encontre de M. et Mme [W] comme prescrite, a'ordonné en conséquence la mainlevée des trois saisies-attribution et des trois saisies de droits d'associés ou de valeurs mobilières pratiquées entre les mains de la SCI Saint-Jean, de la SCI Victoria et de la [Adresse 8].

La SA Axa Bank Europe a formé des pourvois contre ces arrêts mais ils ont tous été rejetés par des arrêts de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 13 juin 2024, non spécialement motivés.

Dès avant cela, M. et Mme [W] ont fait délivrer à la SA Axa Bank Europe six assignations devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Saumur, par des actes du 30 décembre 2022, afin d'obtenir sa condamnation à exécuter les termes des six arrêts de la cour d'appel d'Angers du 30 novembre 2021 et de procéder sous astreinte à la mainlevée des six mesures d'exécution, outre à l'indemnisation de leur préjudice.

Par un jugement du 7 novembre 2023, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Saumur a :

* débouté la SA Axa Banque Europe de sa demande de sursis à statuer,

* condamné la SA Axa Bank Europe à exécuter les termes de I'arrêt rendu par la cour d'appel d'Angers le 30 novembre 2021 (RG n°21/01184), et à faire notamment procéder à la mainlevée de la saisie de parts sociales de la SCI'Victoria pratiquée le 16 octobre 2020, ce sous astreinte provisoire de 1'000'euros par jour de retard dans un délai de 30 jours francs à compter de la signification du jugement,

* condamné la SA Axa Bank Europe à verser à M. et Mme [W], chacun, la somme de 500 euros en réparation de leur préjudice,

* condamné SA Axa Bank Europe à exécuter les termes de l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Angers le 30 novembre 2021 (RG n°21/01185), et à faire notamment procéder à la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée entre les mains de la SCI Victoria le 16 octobre 2020, ce sous astreinte provisoire de 1'000 euros par jour de retard dans un délai de 30 jours francs à compter de la signification du jugement,

* condamné la SA Axa Bank Europe à verser à M. et Mme [W], chacun, la somme de 500 euros en réparation de leur préjudice,

* condamné la SA Axa Bank Europe à exécuter les termes de I'arrêt rendu par la cour d'appel d'Angers le 30 novembre 2021 (RG n°21/01189), et à faire notamment procéder à la mainlevée de la saisie de parts sociales de la SCI'[Adresse 8] pratiquée le 16 octobre 2020, ce sous astreinte provisoire de 1 000 euros par jour de retard dans un délai de 30 jours francs à compter de la signification du jugement,

* condamné la SA Axa Bank Europe à verser à M. et Mme [W], chacun, la somme de 500 euros en réparation de leur préjudice,

* condamné la SA Axa Bank Europe à exécuter les termes de l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Angers le 30 novembre 2021 (RG n°21/01186), et à faire notamment procéder à la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée entre les mains de la SCI [Adresse 8] pratiquée le 16 octobre 2020, ce sous astreinte provisoire de 1 000 euros par jour de retard dans un délai de 30 jours francs à compter de la signification du jugement,

* condamné la SA Axa Bank Europe à verser à M. et Mme [W], chacun, la somme de 500 euros en réparation de leur préjudice,

* condamné la SA Axa Bank Europe à exécuter les termes de l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Angers le 30 novembre 2021 (RG n°21/01188), et à faire notamment procéder à la mainlevée de la saisie de parts sociales de la SCI'Saint-Jean pratiquée le 16 octobre 2020, ce sous astreinte provisoire de 1 000 euros par jour de retard dans un délai de 30 jours francs à compter de la signification du jugement,

* condamné la SA Axa Bank Europe à verser à M. et Mme [W], chacun, la somme de 500 euros en réparation de leur préjudice,

* condamné la SA Axa Bank Europe à exécuter les termes de l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Angers le 30 novembre 2021 (RG n°21/01787), et à faire notamment procéder à la mainlevée de la saisie-attribution de la SCI'Saint-Jean pratiquée le 16 octobre 2020, ce sous astreinte provisoire de 1 000 euros par jour de retard dans un délai de 30 jours francs à compter de la signification du jugement,

* condamné la SA Axa Bank Europe à verser à M. et Mme [W], chacun, la somme de 500 euros en réparation de leur préjudice,

* débouté la SA Axa Bank Europe de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné la SA Axa Bank Europe à payer à M. et Mme [W], chacun, la somme de 6 000 euros en application de I'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

* rappelé que le jugement est de plein droit assorti de I'exécution provisoire.

Par une déclaration du 17 avril 2024, la SA Axa Bank Europe a interjeté appel contre ce jugement, l'attaquant en chacun de ses chefs et intimant M. et Mme'[W].

La SA Crelan, société de droit belge, a acquis 100 % du capital social de la SA Axa Bank Europ puis a décidé, aux termes d'une assemblée générale extraordinaire du 10 juin 2024, d'absorber cette société par la voie d'une fusion-absorption.

Par six actes du 25 juin 2024, la SA Axa Bank Europe a donné mainlevée des trois saisies de droits d'associés ou de valeurs mobilières et, d'autre part, des'trois saisies-attribution pratiquées entre les mains de la SCI Victoria, de la SCI Saint Jean et de la SCI [Adresse 8].

Les parties ont conclu et une ordonnance du 14 avril 2025 a clôturé l'instruction de l'affaire.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par des dernières conclusions (n°2) remises au greffe par la voie électronique le 31 mars 2025, auxquelles il est renvoyé pour un exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la SA Crelan, venant aux droits de la SA Axa Bank Europe, demande à la cour :

- d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement du 7 novembre 2023,

statuant à nouveau,

- de juger que la nécessité de prononcer une astreinte n'est pas démontrée,

- de débouter M. et Mme [W] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,

à titre très subsidiaire,

- de fixer le montant de l'astreinte à un euro par jour,

à titre très subsidiaire,

- de juger que l'astreinte prononcée commencera à courir 30 jours après le 13'juin 2024, date des arrêts de la Cour de cassation statuant sur la validité des saisies entreprises,

en tout état de cause,

- de juger que M. et Mme [W] ne justifient pas de l'existence d'un préjudice,

- de juger que chacune des parties conservera la charge de ses frais irrépétibles,

Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe le 21 mars 2025, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. et Mme [W] demandent à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- débouter la SA Crelan, venant aux droits de la SA Axa Bank Europe, de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

en tout état de cause,

- de la condamner à leur verser à chacun la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens d'appel

MOTIFS DE LA DÉCISION

Un procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 10 juin 2024 est produit, qui approuve un projet de fusion-absorption du 26 mars 2024 de la SA'Axa Bank Belgium, dont il apparaît qu'elle a le même numéro d'entreprise que la SA Axa Bank Europe, par la SA Crelan. Il n'est en tout état de cause pas discuté que la SA Crelan vient désormais aux droits de la SA Axa Bank Europe.

- sur le prononcé d'une astreinte :

Aux termes de l'article L. 131-1, alinéa 2, du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution peut assortir d'une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité.

Les arrêts de la cour d'appel d'Angers du 30 novembre 2021 ont ordonné la mainlevée des trois saisies-attribution et des trois saisies de valeurs mobilières et de droits d'associés qui avaient été pratiquées par la SA Axa Bank Europe à l'encontre de M. et Mme [W]. Des procès-verbaux de transmission à l'entité requise belge du 11 février 2022 sont produits et il n'est pas contesté que ces arrêts ont été signifiés à la SA Axa Bank Europe.

Le jugement entrepris a rendu avant que les pourvois formés par la SA Axa bank Europe contre les arrêts du 30 novembre 2021 ont été rejetés. C'est ce qui explique que l'appelante, qui a fait appel du chef du jugement l'ayant déboutée de sa demande de sursis à statuer, ne saisit pas la cour d'appel d'une telle demande dans le dispositif de ses dernières conclusions. L'appelante justifie qu'elle a donné mainlevée des six mesures d'exécution le 25 juin 2024. Il n'est toutefois pas contesté que la cour, appréciant le bien fondé de la solution retenue par le premier juge, peut confirmer le prononcé de l'astreinte quand bien même l'injonction est devenue sans objet au jour où elle statue, dès lors que les intimés bénéficiaires de cette astreinte conservent le droit d'en demander, s'il y a lieu, la'liquidation.

La cour d'appel n'étant saisie par l'appelante d'aucune demande de sursis à statuer, elle n'a pas à examiner les développements consacrés par les parties aux raisons qui ont motivé une telle demande devant le premier juge. Au demeurant, il n'appartient pas à la cour d'appel d'apprécier le bien fondé des motifs des arrêts du 30 novembre 2021.

La SA Crelan soutient que non seulement la mainlevée des mesures d'exécution n'était pas nécessaire puisque M. et Mme [W] ne démontrent pas que les différentes saisies ont été fructueuses mais qu'au contraire, leur'maintien était nécessaire pour éviter que les appelants organisent leur insolvabilité comme ils ont pu le faire lorsque les inscriptions sur leurs biens immobiliers se sont trouvées périmées à la suite d'un défaut de renouvellement imputable à une carence du notaire. Mais, comme l'a rappelé le premier juge, l'astreinte a pour seule finalité d'assurer l'exécution de la décision de justice et sa nécessité ne doit donc être appréciée qu'au regard de cette finalité. Il n'y a donc pas lieu de prendre en considération, comme l'appelante incite pourtant à le faire, l'effectivité d'un préjudice que l'absence d'exécution de la décision causerait au créancier de l'obligation ni, à l'inverse, le risque de préjudice que l'exécution de l'injonction ferait courir à celui qui en est débiteur. Or en l'espèce, la SA Axa Banque Europe s'est abstenue de procéder à la mainlevée des mesures d'exécution après que les arrêts du 30 novembre 2021 lui ont été signifiés, en'dépit des demandes qui lui ont été faites par le conseil des intimés le 20 mai 2022, le 28 juin 2022 puis le 9 septembre 2022, de façon parfaitement délibérée comme le révèle la lettre du commissaire de justice mandaté par l'appelante du 16 septembre 2022. Dans ces circonstances, la cour approuve le premier juge d'avoir assorti les injonctions de mainlevée d'astreintes et le jugement sera confirmé sur ce point.

Le premier juge a prononcé des astreintes de 1 000 euros par jour de retard pour chacune des six injonctions, en fixant leurs points de départ à l'issue d'un délai de trente jours francs après la signification de sa décision.

La SA Crelan discute, d'une part, le point de départ ainsi retenu et demande qu'il soit fixé à l'issue d'un délai de trente jours après le 13 juin 2025, cette date étant celle des arrêts de la Cour de cassation qui ont rejeté ses pourvois contre les arrêts du 30 novembre 2021.

L'article R. 131-1 du code des procédures civiles d'exécution prévoit que l'astreinte prend effet à la date fixée par le juge, laquelle ne peut pas être antérieure au jour où la décision portant obligation est devenue exécutoire mais qu'elle peut toutefois prendre effet dès le jour de son prononcé si elle assortit une décision qui est déjà exécutoire. Le premier juge a donc exactement pu décider de fixer le point de départ des astreintes après la signification de son jugement, exécutoire par provision, tout en ménageant à la SA Axa Bank Europe un délai d'exécution spontanée. La demande de l'appelante de reporter ce point de départ jusqu'au jour où les arrêts du 30 novembre 2021 sont devenus irrévocables revient non seulement à ruiner le caractère exécutoire du jugement entrepris mais également, comme le soulignent les intimés, à contourner le rejet de la demande de sursis à statuer dont la SA Axa Bank Europe avait saisi le premier juge. Dans'ces circonstances, la cour approuve le premier juge d'avoir fixé le point de départ des astreintes dans les conditions précitées et le jugement sera confirmé sur ce point.

D'autre part, la SA Crelan critique le taux retenu par le premier juge, qu'elle estime punitif et disproportionné aux enjeux du litige. Mais l'astreinte a précisément pour finalité de contraindre le débiteur de l'obligation à l'exécuter en faisant planer sur lui la menace d'une sanction qui doit être suffisamment dissuasive. Par ailleurs, la question de la proportionnalité aux enjeux du litige ne concerne que la liquidation de l'astreinte et non son prononcé, qui est seul concerné au cas présent. Néanmoins, le taux de 1 000 euros par jour de retard apparaît effectivement excessif et il sera ramené à un montant de 500 euros par jour de retard et pour chacune des six injonctions, le jugement étant infirmé sur ce point.

- sur les dommages-intérêts :

Le premier juge a considéré que le refus de la SA Axa Bank Europe de donner mainlevée des saisies près de deux ans après qu'il lui avait été fait injonction de le faire était source de préjudice pour M. et Mme [W]. Il a toutefois mis ce préjudice en balance avec le fait qu'ils étaient toujours débiteurs d'une somme importante envers la banque, laquelle craignait qu'ils organisent leur insolvabilité et avait fait usage de voies de droit existantes pour tenter de recouvrer sa créance.

La SA Crelan conteste la preuve d'un préjudice. Elle insiste sur le fait que M.'et Mme [W] restaient lui devoir, depuis trente ans, une somme de 1'635'599 euros à la date des saisies litigieuses et que la mainlevée des mesures d'exécution lui aurait été préjudiciable si les arrêts du 30 novembre 2021 avaient été cassés, puisque les parties auraient alors été replacées en l'état des jugements du 27 avril 2021 qui avaient validé les saisies.

Les intimées ne sollicitent pas l'indemnisation d'un préjudice qu'ils diraient avoir été causé par le caractère abusif des saisies litigieuses et, d'ailleurs, ils'visent l'article L.121-3 du code des procédures civiles d'exécution, lequel'dispose que le juge de l'exécution a le pouvoir de condamner le débiteur à des dommages-intérêts en cas de résistance abusive. Ce faisant, ils ne reprochent pas à l'appelant le caractère abusif de ses saisies mais d'avoir résisté à l'exécution des arrêts du 30 novembre 2021 et ils poursuivent la réparation uniquement du dommage qu'ils estiment être résulté de cette résistance . De fait, la SA Axa Bank Europe s'est délibérément refusée à procéder à la mainlevée des six mesures d'exécution pratiquées le 16 octobre 2020 malgré les injonctions judiciaires qui lui avaient été faites, ce qui caractérise une résistance abusive que l'appelante ne peut pas tenter de légitimer ni par l'existence d'une dette qu'elle a au demeurant été jugée irrecevable à recouvrer ni par les prétendus risques d'organisation par M. et Mme [W] de leur insolvabilité.

Certes, il n'est pas établi que les trois saisies-attributions pratiquées entre les mains de la SCI Victoria, de la SCI Saint-Jean et de la SCI [Adresse 8] ont été fructueuses en tout ou partie, de même qu'il n'est pas justifié par les intimés d'un préjudice patrimonial qui serait résulté des trois saisies de valeurs mobilières ou de droits d'associés pratiquées auprès de ces trois mêmes sociétés. Pour autant, M. et Mme [W] invoquent un préjudice moral dont la réalité est suffisamment établie par le fait que le refus illégitime de la banque de procéder aux mainlevées, qui devaient leur permettre de recouvrer à tout le moins la plénitude de leurs droits sur les parts de leurs sociétés, a finalement duré plus de deux ans et demi. Il ne peut pas non plus être fait abstraction de ce que les intimés sont âgés de 84 ans (M. [W]) et de 85 ans (Mme [W]), ni'de ce que le litige s'inscrit dans un contentieux ancien et particulièrement nourri entre les parties, que ce soit d'ailleurs sur le plan civil ou sur le plan pénal. Au'regard de ces éléments, le premier juge a exactement accordé à M. et Mme [W] des dommages-intérêts d'un montant, qui n'est pas critiqué par les intimés par voie incidente, de 500 euros chacun et pour chacune des mesures pour laquelle la SA Axa Bank Europe n'a pas procédé à sa mainlevée. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

- sur les demandes accessoires :

Le jugement est confirmé dans ses dispositions ayant statué sur les dépens mais infirmé quant au montant des frais irrépétibles, qui sera ramené à la somme totale de 6 000 euros.

La SA Crelan, partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'au paiement à M. et Mme [W] d'une somme totale de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il :

* a fixé à 1 000 euros le montant de chacune des astreintes provisoires,

* a statué sur les frais irrépétibles,

et sauf à préciser que la SA Crelan vient désormais aux droits de la SA Axa Bank Europe dans les différents chefs du jugement qui font l'objet de l'appel ;

statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Fixe le montant de chacune des six astreintes provisoires à la somme de 500'euros par jour de retard, leur point de départ restant inchangé ;

Condamne la SA Crelan à verser à M. et Mme [W] une somme totale de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et une somme totale de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;

Condamne la SA Crelan aux dépens d'appel ;

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,

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