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Décisions

CA Orléans, ch. securite soc., 9 septembre 2025, n° 19/01824

ORLÉANS

Arrêt

Autre

CA Orléans n° 19/01824

9 septembre 2025

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE

GROSSE à :

la SELARL [3]

la SCP LAVAL - FIRKOWSKI - DEVAUCHELLE AVOCATS ASSOCIES

[13]

EXPÉDITION à :

S.A.S. [38]

M. [S] [L]

TJ de [Localité 41] pôle social

ARRÊT du : 09 SEPTEMBRE 2025

Minute n°

N° RG 19/01824 - N° Portalis DBVN-V-B7D-F6EV

Décision de première instance : Tribunal de Grande Instance de TOURS en date du 06 Mai 2019

ENTRE

APPELANTE :

SAS [38]

[Adresse 7]

[Localité 2]

Représentée par Me Joanna FIRKOWSKI de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI - DEVAUCHELLE AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'ORLEANS

D'UNE PART,

ET

INTIMÉS :

Monsieur [S] [L]

[Adresse 1]

[Adresse 8]

[Localité 5]

Représenté par Me Alexia MARSAULT de la SELARL 2BMP, avocat au barreau de TOURS

[13]

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représenté par M. [I] [U] (Autre) en vertu d'un pouvoir spécial

D'AUTRE PART,

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats :

L'affaire a été débattue le 24 JUIN 2025 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant la Cour composée, en double rapporteur, de Madame Nathalie LAUER, Président de chambre et Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller.

Lors du délibéré :

Madame Nathalie LAUER, Président de chambre,

Madame Ferréole DELONS, Conseiller,

Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller.

Greffier :

Madame Odalene DE AZEVEDO ALCANTARA, greffier lors des débats et du prononcé de l'arrêt.

DÉBATS :

A l'audience publique le 24 JUIN 2025.

ARRÊT :

- Contradictoire, en dernier ressort.

- Prononcé le 09 SEPTEMBRE 2025 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Nathalie LAUER, Président de chambre, Madame Odalene DE AZEVEDO ALCANTARA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [S] [L], représentant de commerce multicartes de la société [38] depuis le 20 janvier 2006, a saisi, le 5 juillet 2021, le conseil des prud'hommes de [Localité 41] d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail en invoquant des agissements fautifs de son employeur et un harcèlement moral. Par jugement du 5 septembre 2012, le conseil des prud'hommes a dit que le contrat de travail de M. [L] était résilié aux torts de la société [38] et lui a accordé des indemnités, sans toutefois retenir l'existence d'un harcèlement moral.

Par arrêt du 16 mai 2013, la cour d'appel d'Orléans a notamment confirmé le jugement sur la résiliation du contrat de travail de M. [L] aux torts de l'employeur ayant les effets d'un licenciement nul d'un salarié protégé, et l'a infirmé quant à certaines indemnités allouées, en reconnaissant l'existence d'un harcèlement moral.

M. [L] a présenté une demande de reconnaissance de maladie professionnelle le 19 mars 2012 auprès de la [13].

Le 29 août 2012, la caisse primaire lui a notifié un refus de prise en charge d'une maladie professionnelle hors tableau au motif que son taux d'incapacité permanente partielle était inférieur à 25%, décision contestée par M. [L] devant le tribunal du contentieux de l'incapacité d'Orléans. Cette décision a également été notifiée à l'employeur.

Après réalisation d'une mesure d'instruction, le tribunal du contentieux de l'incapacité d'Orléans a, par jugement du 18 juin 2014, infirmé la décision contestée et dit que le taux d'incapacité permanente partielle en rapport avec la maladie du 19 mars 2012 atteignait au moins 25% lors de la prise de décision par la caisse.

La Caisse primaire a saisi le [18][Localité 35], qui a, dans un avis du 22 octobre 2014, retenu le lien de causalité entre la maladie de M. [L] et son travail habituel et dit que cette maladie non désignée dans un tableau des maladies professionnelles, a entrainé un taux d'incapacité permanente partielle au moins égal à 25%.

Le 3 décembre 2014, la caisse a notifié à M. [L] une décision de prise en charge de sa maladie non inscrite dans un tableau au titre de la législation sur les risques professionnels. La Caisse lui a ensuite attribué une rente, à partir du 16 décembre 2014, en raison d'un taux d'incapacité permanente partielle fixé à 30% au titre des « séquelles d'un burn out au travail consistant en la persistance d'un syndrome dépressif sévère nécessitant la poursuite d'un suivi psychiatrique régulier avec traitement continu ».

La société [38] a contesté cette décision de prise en charge devant la commission de recours amiable, qui, par décision du 23 juin 2015, a déclaré sa demande irrecevable, compte-tenu de la décision d'inopposabilité de la décision prise par la Caisse à son encontre.

La société [38] a contesté cette décision de la commission de recours amiable en saisissant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Tours, par requête du 31 août 2015.

M. [L] a saisi la caisse d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de la société [38] au titre de la maladie professionnelle prise en charge. En l'absence de ce présent conciliation, M. [L] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Tours, par requête du 11 février 2016, pour solliciter la reconnaissance de la faute inexcusable de la société [38], suite à la reconnaissance de sa maladie professionnelle.

Les deux procédures ont été jointes par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Tours.

Le 8 janvier 2015, la société [38] a saisi le tribunal du contentieux de l'incapacité de Paris aux fins de contester le taux d'incapacité permanente partielle attribué à M. [L]. Par jugement du 17 octobre 2016, ledit tribunal a sursis à statuer dans l'attente de la décision du tribunal des affaires de sécurité sociale sur la faute inexcusable.

Par jugement du 27 novembre 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Tours a :

- dit n'y avoir lieu à expertise,

- sursis à statuer sur l'ensemble des demandes,

- ordonné la saisine du [26] sur le point de savoir s'il existe un lien entre la pathologie développée par M. [L] et son travail.

Le 27 septembre 2018, le [25] a émis un avis favorable à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée par M. [L].

L'affaire a été transmise au pôle social du tribunal de grande instance de Tours en application de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016.

Par jugement du 6 mai 2019, rectifié par jugement du 16 août 2019, le pôle social du tribunal de grande instance de Tours a :

- confirmé la décision de la commission de recours amiable du 23 juin 2015,

- déclaré recevable et bien fondée l'action engagée par M. [L] en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur,

- dit que la société [38] a commis une faute inexcusable à l'occasion de la maladie professionnelle dont a été victime M. [L],

- ordonné la majoration au maximum de la rente versée à M. [L], dans la limite des plafonds,

- déclaré le jugement commun à la [13], qui procédera à l'avance des frais indemnisant les préjudices personnels de l'assuré, ainsi que la majoration de la rente, en procédera à la récupération auprès de l'employeur sur le fondement des articles L.452-2 et L.452-3 du code de la sécurité sociale, ainsi que les frais d'expertise le cas échéant,

- ordonné une expertise judiciaire, avant dire droit, sur les préjudices,

- alloué à M. [L] une indemnité provisionnelle de 3 000 euros à valoir sur l'indemnisation définitive de son préjudice corporel, et dit que la caisse devra en faire l'avance, à charge pour la société [38] de la rembourser à la caisse,

- condamné la société [38] à payer à M. [L] la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société [38] à payer à la [13] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société [38] aux dépens.

Le jugement lui ayant été notifié, la société [38] en a relevé appel par déclaration du 23 mai 2019.

Par arrêt du 7 septembre 2021, la chambre de la sécurité sociale de la Cour d'appel d'Orléans a, avant dire droit :

- ordonné la saisine du [19], lequel aura pour mission de dire s'il existe un lien direct et essentiel entre la maladie déclarée par M. [S] [L] et l'activité professionnelle exercée par celui-ci au sein de la société [38], après transmission du dossier complet par la Caisse comportant notamment l'avis motivé du médecin du travail,

- dit que ce comité devra rendre son avis motivé dans le délai prévu à l'article D.461-35 du code de la sécurité sociale et l'adresser au greffe de la cour ainsi qu'à chacune des parties, lesquelles seront reconvoquées après réception de cet avis,

- réservé les dépens et les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le [24] a rendu son avis le 19 décembre 2024.

L'affaire a été convoquée à l'audience du 29 avril 2024.

Aux termes de ses conclusions soutenues oralement à l'audience du 24 juin 2025, la société [38] demande de :

- réformer le jugement rendu par le pôle social du tribunal de grande instance de Tours le 6 mai 2019 en ce qu'il a :

- déclaré recevable et bien fondée l'action engagée par M. [L] en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur,

- dit que la société [38] a commis une faute inexcusable à l'occasion de la maladie professionnelle dont a été victime M. [L],

- ordonné la majoration au maximum de la rente versée à M. [L], dans la limite des plafonds,

- déclaré le jugement commun à la [13], qui procédera à l'avance des frais indemnisant les préjudices personnels de l'assuré, ainsi que la majoration de la rente, en procédera à la récupération auprès de l'employeur sur le fondement des articles L.452-2 et L.452-3 du code de la sécurité sociale, ainsi que les frais d'expertise le cas échéant,

- alloué à M. [L] une indemnité provisionnelle de 3 000 euros à valoir sur l'indemnisation définitive de son préjudice corporel, et dit que la caisse devra en faire l'avance, à charge pour la société [38] de la rembourser à la caisse,

- condamné la société [38] à payer à M. [L] la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société [38] à payer à la [13] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société [38] aux dépens,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

Sur la question de l'origine de la maladie,

- constater la nullité de l'avis du [17] du 27 septembre 2018 prononcée par l'arrêt avant dire droit du 7 septembre 2021,

- juger le troisième avis du [22] du 10 décembre 2024 nul et non avenu, inopposable la société [38], et en tout état de cause, insusceptible de justifier la reconnaissance de l'existence d'une maladie professionnelle,

- juger que M. [S] [L] ne peut se prévaloir d'une maladie professionnelle à son encontre,

- juger qu'en l'absence d'avis régulier du [22] statuant sur le caractère professionnel de l'affection de M. [L], il ne saurait y avoir de reconnaissance de maladie professionnelle, qui lui soit opposable et qu'aucune faute inexcusable ne saurait dans ces conditions être reconnue à son encontre,

- juger n'y avoir lieu à reconnaissance d'une faute inexcusable à son encontre,

- débouter M. [L] de l'ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire,

- juger que la maladie dont se prévaut M. [L] ne lui est pas imputable,

- juger qu'il n'est nullement démontré que la maladie dont se prévaut M. [S] [L] est essentiellement et directement causée par son travail habituel,

- juger que M. [S] [L] ne peut se prévaloir d'une maladie professionnelle à son encontre,

- Par conséquent juger qu'aucune maladie professionnelle ne peut lui être opposée, et qu'aucune faute inexcusable ne saurait dans ces conditions, être reconnue à son encontre,

- juger n'y avoir lieu à reconnaissance d'une faute inexcusable à son encontre,

- débouter M. [L] de l'ensemble de ses demandes,

A titre très subsidiaire,

- constater qu'une affaire est pendante sur la question au taux d'incapacité permanente de M. [S] [L] devant le tribunal du contentieux de l'incapacité (devenu le tribunal judiciaire),

- surseoir à statuer dans l'attente de la détermination du taux d'incapacité permanente de M. [S] [L], celui-ci étant une condition indispensable à la reconnaissance de l'origine professionnelle de la maladie de M. [L],

- juger que la décision de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée par M. [S] [F] est inopposable à la société [38],

Sur la question de la faute inexcusable,

A titre principal,

- juger que les éléments constitutifs de la faute inexcusable ne sont pas rapportés,

- dire n'y avoir de faute inexcusable de sa part,

A titre subsidiaire,

- dire n'y avoir lieu au paiement des provisions,

- dire que l'expert désigné devra déterminer et quantifier la part des lésions et des souffrances qui ont indiscutablement pour origine les faits visés par la Cour d'appel à l'appui de la reconnaissance du harcèlement moral, des lésions et souffrances pouvant le cas échéant se rattacher à des faits étrangers au dit harcèlement tels que ceux relevant notamment de la vie personnelle de M. [L],

- débouter M. [F] de sa demande visant à inclure dans la mission de l'expert désigné, l'appréciation du déficit fonctionnel permanent, qui indemnise l'atteinte à l'intégrité physique et psychique au sens strict, mais également les douleurs physiques et psychologiques, la perte de la qualité de vie et les troubles dans les conditions d'existence,

Sur les demandes de la [20],

A titre principal,

- juger que la décision de reconnaissance de maladie professionnelle de M. [L] prise par la [10] lui est inopposable,

- juger que la [20] ne peut lui opposer le taux d'IPP d'au moins 25% accordé à M. [L] et par là même l'existence d'une maladie professionnelle,

- juger que l'ensemble des conséquences liées à la reconnaissance d'une maladie professionnelle et d'une faute inexcusable seront supportées par la [20],

- juger par conséquent qu'elle ne supportera aucune des conséquences liées à la reconnaissance de la maladie professionnelle et éventuellement d'une faute inexcusable (quantum de la majoration de la rente, indemnisation des préjudices prévus aux articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale, ainsi que ceux non déjà couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale, et les frais d'expertise),

- juger que la [20] n'est pas recevable à récupérer auprès de la société [38], les sommes précitées (quantum de la majoration de la rente, indemnisation des préjudices prévus aux articles L 452-2 et L 452-3 du code de la sécurité sociale, ainsi que ceux non déjà couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale, et les frais d'expertise

A titre subsidiaire,

- sursoir à statuer sur la question des conséquences liées à la faute inexcusable dans les rapports [20] / employeur à la décision du tribunal du contentieux de l'incapacité devenu le tribunal judiciaire,

A titre infiniment subsidiaire,

Si la Cour d'appel lui estime opposable le taux d'IPP tel que fixé par le TCI,

- Ordonner une expertise et de commettre un expert, tel qu'il lui plaira avec les missions suivantes :

* dire si ladite pathologie n'a pas pris fin et statuer sur l'éventuelle guérison de M. [L] et la date de celle-ci,

Aux termes de ses conclusions soutenues oralement à l'audience du 24 juin 2025, M. [L] demande de :

- dire et juger l'appel interjeté par la SAS [38] à l'encontre du jugement rendu par le pôle social du tribunal de grande instance de Tours en date du 6 mai 2019 recevable mais mal fondé,

En conséquence, vu l'article 462 du code de procédure civile et le jugement rectificatif du 16 août 2019 rendu par le pôle social du tribunal de grande instance de Tours,

- débouter la SAS [38] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* confirmé la décision de la commission de recours amiable du 23 juin 2015,

* déclaré recevable et bien fondée l'action engagée par M. [L] en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur,

* dit que la société [38] a commis une faute inexcusable à l'occasion de la maladie professionnelle dont a été victime M. [L],

* ordonné la majoration au maximum de la rente versée à M. [L], dans la limite des plafonds,

* déclaré le jugement commun à la [13], qui procédera à l'avance des frais indemnisant les préjudices personnels de l'assuré, ainsi que la majoration de la rente, en procédera à la récupération auprès de l'employeur sur le fondement des articles L.452-2 et L.452-3 du code de la sécurité sociale, ainsi que les frais d'expertise le cas échéant,

Avant dire droit sur les préjudices :

* ordonné une expertise médicale judiciaire aux fins que l'expert désigné se voit confier la mission, les parties dûment convoquées :

- d'examiner l'intéressé,

- de prendre connaissance de son dossier médical et se de faire remettre tous documents utiles à l'accomplissement de sa mission,

- de dégager en les spécifiant, les éléments propres à justifier une indemnisation au titre des chefs de préjudices personnels prévus à l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, à savoir :

° les souffrances physiques et morales endurées (en les évaluant sur une échelle de 1 à 7),

° le préjudice esthétique subi (en l'évaluant sur une échelle de 1 à 7),

° le préjudice d'agrément subi (tant avant qu'après la consolidation),

° le cas échéant, la perte ou la diminution des possibilités de promotion professionnelle résultant pour l'intéressé de l'accident,

* d'indiquer les périodes pendant lesquelles l'intéressé a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire dans l'incapacité totale ou partielle de poursuivre ses activités personnelles habituelles ; en cas d'incapacité partielle, préciser le taux et la durée,

* d'indiquer le cas échéant si l'assistance ou la présence constante ou occasionnelle d'une aide humaine (étrangère ou non à la famille) a été et/ou est nécessaire pour aider l'intéressé à accomplir les actes de la vie quotidienne ; décrire précisément les besoins en tierce personne ; préciser la nature de l'aide à prodiguer et de durée quotidienne,

* de décrire, s'il y a lieu les frais de logement ou de véhicule adapté nécessités par le handicap de l'intéressé en précisant la fréquence de leur renouvellement,

* d'indiquer s'il a existé ou s'il existera un préjudice sexuel (atteinte organique ou fonctionnelle, perte ou diminution de la libido, perte du plaisir, perte de la fertilité ou autres troubles')

* décrire tout autre préjudice subi par l'intéressé,

Y ajoutant l'appréciation du déficit fonctionnel permanent en ordonnant à l'expert de dégager, en les spécifiant, les éléments propres à justifier une indemnisation au titre du déficit fonctionnel permanent, qui indemnise l'atteinte à l'intégrité physique et psychique au sens strict, mais également les douleurs physiques et psychologiques, la perte de la qualité de vie et les troubles dans les conditions d'existence,

* dit que l'expert pourra s'adjoindre tout spécialiste de son choix,

* dit que l'expert donnera connaissance de ses conclusions aux parties et répondra à tous dires écrits de leur part formulés dans le délai qu'il leur aura imparti, puis établira un rapport définitif qu'il déposera au greffe de la juridiction dans un délai de quatre mois à compter de sa saisine par le greffe,

* alloué à M. [L] une indemnité provisionnelle de 3 000 euros à valoir sur l'indemnisation définitive de son préjudice corporel, et dit que la caisse devra en faire l'avance, à charge pour la société [38] de la rembourser à la caisse,

* condamner la société [38] à payer à M. [L] la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné la société [38] à payer à la [13] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné la société [38] aux dépens,

- infirmer le jugement ce qu'il a mis à sa charge la consignation de la somme de 750 euros à titre d'avance sur les frais d'expertise,

Statuant à nouveau sur ce chef, dire que les frais d'expertise seront avancés par la [12] qui en recouvrera le montant sur la société [38],

- dit que les parties seront convoquées à la première audience utile après le dépôt du rapport d'expertise,

- condamner la société [38] à lui payer la somme complémentaire de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

Dispensée de comparution à sa demande et conformément à l'article 946 du code de procédure civile, par courrier, la [15] s'en remet à l'appréciation de la cour sur l'existence de la faute inexcusable de l'employeur. Si celle-ci devait être retenue, elle demande à pouvoir exercer son recours subrogatoire.

Pour l'exposé détaillé des moyens des parties et conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément référé à leurs écritures susvisées.

SUR CE, LA COUR,

La société [38] poursuit l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a retenu qu'elle avait commis une faute inexcusable à l'origine de la maladie professionnelle déclarée par M. [L]. À l'appui, elle conteste la régularité de l'avis du [22] saisi par la cour ainsi que le caractère professionnel de la maladie. À titre subsidiaire, elle soutient que les conditions de la faute inexcusable de l'employeur ne sont pas réunies.

M. [L] conclut à la confirmation du jugement déféré.

- La régularité de l'avis du [22] saisi par la cour

La société [38] demande de constater la nullité de l'avis du [26] du 27 septembre 2018 et de juger nul et non avenu celui du [23] saisi par la cour. Elle soutient que ce dernier s'est totalement affranchi des termes de l'arrêt avant dire droit du 7 septembre 2021 en ce qu'il s'est prononcé en l'absence de l'avis motivé du médecin du travail, ce qu'il a expressément reconnu, et sans respecter le délai de quatre mois fixé par la cour d'appel mais avec un retard inacceptable, se prononçant plus de trois ans après que sa saisine a été ordonnée ; que de plus, il s'est prononcé sans rapport circonstancié de l'employeur qu'il incombait à la caisse de solliciter et sans l'entendre contrairement à sa demande et donc sans respecter le principe de la contradiction ; que, de plus, il s'est fondé sur l'avis juridiquement nul du [27] du 27 septembre 2018.

M. [L] réplique que la Cour de cassation, sauf impossibilité matérielle, juge inopposable à l'employeur la décision de prise en charge de la maladie professionnelle en l'absence de l'avis du médecin du travail dans le dossier constitué par la caisse préalablement à sa transmission ; que désormais, l'article D461-29 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2019-356 du 23 avril 2019 n'oblige plus la caisse à solliciter l'avis du médecin du travail ; que celui-ci est donc désormais facultatif ; qu'en outre, la décision du 3 décembre 2014 de prise en charge de sa maladie professionnelle a d'ores et déjà été jugée inopposable à la société [38] ; que l'inopposabilité de la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie n'implique pas que la faute inexcusable de l'employeur ne puisse être retenue ; que, dans ces conditions, et sous réserve des explications fournies par la [20], il conviendra de juger que la caisse s'est manifestement trouvée dans l'impossibilité matérielle de fournir ledit avis.

Appréciation de la cour

Dans son arrêt avant dire droit du 7 septembre 2021, la cour a précisément constaté la nullité de l'avis du [22] de la région de [Localité 34] Pays de la [Localité 32] et ordonné avant dire droit la saisine de celui de Bourgogne Franche-Comté de sorte que cette première demande est désormais privée d'objet.

Selon l'article D461-29 du code dans sa rédaction applicable aux faits litigieux, soit à la date de la déclaration de la maladie professionnelle du 19 mars 2012, le dossier constitué par la caisse primaire en vue de la saisine du [22] doit comprendre

- un avis motivé du médecin du travail de la ou des entreprises où la victime a été employée portant notamment sur la maladie et la réalité de l'exposition de celle-ci à un risque professionnel présent dans cette ou ces entreprises,

- un rapport circonstancié du ou des employeurs de la victime décrivant notamment chaque poste de travail détenu par celle-ci depuis son entrée dans l'entreprise et permettant d'apprécier les conditions d'exposition de la victime à un risque professionnel.

En outre, en application de l'article D461-30 du code de la sécurité sociale, l'ensemble du dossier est rapporté devant le comité par le médecin-conseil qui a examiné la victime ou qui, a statué sur son taux d'incapacité permanente, ou par un médecin-conseil habilité à cet effet par le médecin conseil régional.

Le comité peut entendre l'ingénieur conseil chef du service de prévention de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail ou l'ingénieur conseil qu'il désigne pour le représenter.

Le comité peut entendre la victime et l'employeur, s'il l'estime nécessaire.

Il convient de relever d'emblée que ces textes n'instaurent pour le comité aucune obligation d'entendre la victime et l'employeur, le comité étant invité par le texte à le faire s'il l'estime nécessaire. Cette disposition n'impose pas plus au comité d'examiner la victime alors que cet examen est réalisé par le médecin-conseil, chargé de faire rapport au comité.

En l'espèce, il est constant que le [23] s'est prononcé sans l'avis du médecin du travail contrairement au prescrit de l'arrêt avant dire droit. Cependant, il convient de rappeler que la déclaration de maladie professionnelle remonte au 19 mars 2012, soit à il y a plus de 13 ans. Si le comité n'a manifestement pas respecté le délai pour déposer son avis que la cour lui avait imparti, la longueur de la procédure est également due aux diverses actions en justice légitimement engagées par les parties dans le cadre du présent litige. Cependant un tel laps de temps entraîne une inéluctable déperdition des preuves de sorte que, dans les suites de l'arrêt avant dire droit du 7 septembre 2021, la [15] ne pouvait que se trouver dans l'impossibilité matérielle de transmettre au [23] l'avis manquant du médecin du travail.

S'agissant du rapport circonstancié de l'employeur qui, ainsi qu'il en résulte de l'avis du comité, n'était pas présent au dossier, il ressort néanmoins de cet avis que le comité a pris connaissance des pièces fournies par les parties, dont le dossier de Maître [W], conseil de l'employeur transmis à la [21]. D'ailleurs, en pièce n° 36, la société [38] produit le courrier de son conseil adressé à la [20] demandant à cette dernière de transmettre la présente correspondance aux membres du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. Dans ce courrier, elle fait valoir qu'il existe de nombreuses causes d'ordre personnel à la maladie de M. [L], lesquelles sont antérieures aux faits de harcèlement dénoncés par ce dernier et que les événements professionnels sont d'une intensité très relative au regard des traumatismes antérieurs d'ordre personnel. Ainsi, la caisse était légitimement fondée à penser que cette missive tenait lieu de rapport circonstancié de l'employeur. Quoi qu'il en soit, parfaitement instruite par son conseil des dispositions de l'article D461-29 du code de la sécurité sociale ainsi que le démontrent ses présentes écritures, il lui était parfaitement loisible de compléter ce courrier d'un tel rapport. Ainsi, qu'elle ne l'ait pas fait permet de déduire qu'elle n'avait pas d'éléments complémentaires à fournir au comité, étant observé qu'elle n'en fournit pas davantage dans le cadre de la présente instance.

Quoi qu'il en soit, il n'est pas démontré que l'absence au dossier du rapport circonstancié de l'employeur entache de nullité l'avis du [23]. En outre, la circonstance que le comité vise l'avis du [27] du 27 septembre 2018 ne permet pas d'établir que le dernier comité saisi s'est fondé sur celui du comité précédent pour retenir le caractère professionnel de la maladie.

En tout état de cause, une telle nullité ne permet pas d'exclure le caractère professionnel de la maladie. La seule conséquence en serait la saisine d'un nouveau comité. Or, M. [L] produit en pièce n° 33 un écrit du Docteur [V] (psychiatre) qui indique au 15 mars 2017 que : « la longueur de la procédure en cours avec son employeur ne permet pas de résolution des troubles et induit, au contraire, une aggravation qui pourrait aboutir à de graves complications si elle devait perdurer ».

Cette circonstance dirimante, alors que trois [22] ont déjà été saisis, la cour ayant respecté l'obligation qui lui incombait de saisir le [23], fait donc obstacle à la saisine d'un nouveau comité qui, du fait de l'inéluctable déperdition des preuves se trouverait au surplus confronté aux mêmes difficultés.

Étant observé en tout état de cause que la cour n'est pas liée par l'avis du [22], il convient d'écarter la demande de nullité de l'avis du [23].

- Le caractère professionnel de la maladie

La société [38] conteste le caractère professionnel de la maladie. À l'appui, elle fait valoir que la décision de reconnaissance de maladie professionnelle du 27 novembre 2014 lui est juridiquement inopposable ; qu'en effet, dans sa décision du 20 janvier 2015, la commission des recours amiables précise que la [16] a d'ailleurs déclaré la maladie professionnelle du 19 mars 2012 non imputable à l'employeur ; qu'il est donc impossible de reconnaître l'existence d'une maladie professionnelle ; que s'agissant d'une maladie hors tableau, il n'est nullement démontré que l'affection dont souffre M. [L] serait essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime au sens de l'article L 461-1 alinéa 3 du code de la sécurité sociale ; qu'il existe de nombreuses causes personnelles à cette maladie, lesquelles sont antérieures aux faits de harcèlement dénoncés et n'ont pas été pris en compte par les [22] ; que les événements professionnels que M. [L] présente comme traumatisants et à l'origine de sa maladie sont d'une intensité très relative au regard de ses traumatismes antérieurs d'ordre personnel ; que la cour ne pourra se fonder sur sa seule condamnation pour harcèlement moral pour apprécier l'origine professionnelle de la pathologie ; que l'intégralité des certificats d'arrêt de travail contemporains aux faits et émanant du Docteur [H] [C], psychiatre, le sont comme n'ayant pas un caractère professionnel ; que le taux d'incapacité supérieur à 25 % dont se prévaut l'intimé ne peut sérieusement lui être opposé ; qu'en effet, ce taux fait l'objet d'une instance pendante devant le tribunal du contentieux de l'incapacité devenu le tribunal judiciaire ; que celui-ci a sursis à statuer le 17 octobre 2016 dans l'attente d'une décision définitive sur une éventuelle faute inexcusable ; que cette procédure en contestation demeure pendante et n'a pas fait l'objet d'une décision définitive de sorte que la condition légale tenant à un taux d'IPP supérieur ou égal à 25 % nécessaire à la reconnaissance de la maladie professionnelle n'est pas définitivement établie ; que dès lors, la question de l'origine professionnelle de la maladie est indissociablement liée à l'issue de l'instance portant sur son taux d'incapacité permanente partielle ; qu'avant que la cour d'appel ne puisse statuer sur l'existence d'une faute inexcusable, il est donc nécessaire que soit préalablement tranché la question de l'origine professionnelle, laquelle inclut l'examen définitif du taux d'incapacité par le tribunal judiciaire ; que c'est donc à tort que les premiers juges ont reconnu le caractère professionnel de la maladie. Subsidiairement, elle demande que la décision de prise en charge de la maladie professionnelle lui soit déclarée inopposable.

M. [L] conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a reconnu le caractère professionnel de sa maladie. Il expose que les avis rendus par les [22] ont une simple valeur consultative, la juridiction de sécurité sociale conservant toute liberté d'appréciation ; que l'appréciation subjective de M. [O], directeur commercial de la société, placé sous le lien de subordination de cette dernière ne permet pas de démentir le caractère professionnel de la maladie ; que d'ailleurs les termes employés dans ce mail démontrent qu'il avait en réalité toute conscience du lien de causalité existant entre tous les problèmes qu'il rencontrait et la direction de la société [38] ; que cette dernière, qui tente de s'exonérer de toute responsabilité en jetant le discrédit sur son salarié, ne démontre pas que sa pathologie trouve son origine dans une cause totalement étrangère au travail ; que la cour d'appel d'Orléans a consacré « l'existence d'agissements constitutifs de harcèlement moral lesquels ont porté atteinte à sa dignité de salarié dans l'entreprise et à ses droits de délégué syndical puisqu'il a été à plusieurs reprises injurié ou menacé, sa santé en ayant été altérée puisqu'il est en arrêt de travail depuis le mois d'octobre 2011 » (pièces n° 9 et 10) ; que le rapport d'enquête de la [20] objective l'origine de la dégradation de sa santé ; qu'aucun des événements de sa vie personnelle invoqués par l'employeur n'en est à l'origine ; que, dans ces conditions, le [22] a parfaitement établi le lien de causalité ; que, par ailleurs, la société [38] fait un amalgame entre le taux prévisible d'incapacité permanente partielle utilisé pour déterminer s'il y a lieu de transmettre le dossier à un [22] et le taux d'incapacité permanente partiel définitif qui ne peut être déterminé qu'à l'égard d'une maladie reconnue d'origine professionnelle au moment de sa consolidation ; qu'en appel, aucun élément n'est susceptible de remettre en cause l'appréciation du tribunal de première instance à cet égard.

Appréciation de la cour

Il résulte de l'article L 461-1 du code de la sécurité sociale que les pathologies psychiques peuvent être reconnues comme maladie d'origine professionnelle, lorsqu'il est établi qu'elles sont essentiellement et directement causées par le travail habituel de la victime et qu'elles entraînent le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L 434-2 et au moins égal à un taux de 25 %, après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

En l'espèce, le lien essentiel et direct entre la maladie de M. [L] et son travail habituel a été retenu par pas moins de trois comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnels successifs.

Cependant, Le juge de la sécurité sociale n'est pas lié par les avis des [22] dont il apprécie souverainement la valeur et la portée (civ.2e 12 février 2009, pourvoi n° 08-14.637 ; civ.2e., 10 décembre 2009, pourvoi n° 08-21.812 ; civ.2e., 6 mars 2008, pourvoi n° 07- 11.469 ; civ.2e., 4 juillet 2007, pourvoi n° 06-15.741 ; civ.2e., 19 avril 2005, pourvoi n° 03-30.423, Bull. 2005, II, n° 103 ; Soc., 18 mars 2003, pourvoi n° 01-21.357 ; Soc., 31 octobre 2002, pourvoi n° 01-20.021). De même, en suivant les avis émis par ce comité sans tenir compte d'un élément de fait, les juges du fond manquent à leur pouvoir d'appréciation (Civ 2 21 juin 2012 n° 11-16. 191 et 11-30. 313).

M. [L] a présenté une demande de reconnaissance de maladie professionnelle le 19 mars 2012 auprès de la [13]. Celle-ci a alors diligenté une enquête administrative.

Il ressort du rapport d'enquête (pièce n° 1 de M. [L]) que M. [L] est en arrêt de travail depuis le 18 octobre 2011 ; que le premier arrêt établi par son médecin traitant était lié à des névralgies cervicobrachiales ainsi que la prolongation établie par un médecin du cabinet médical en l'absence de son médecin traitant habituel ; que cependant, la victime avait déjà recours à des antidépresseurs tout en faisant un déni de son état anxiodépressif lié à des raisons professionnelles ; qu'il a cependant fini par consulter le Docteur [H] [C], médecin psychiatre, début novembre 2011 ; que celle-ci lui a prescrit un traitement correspondant à un état anxiodépressif sévère ainsi que des arrêts de travail depuis cette date ; que c'est suite aux courriers de ce médecin psychiatre au médecin traitant que ce dernier a fait une demande de reconnaissance de maladie professionnelle pour un burnout, épuisement professionnel traduit par une sévère dépression.

La société [38] fait valoir qu'il existe des causes personnelles au syndrome anxiodépressif dont souffre son ancien salarié dès lors que celui-ci a subi un divorce et a fait l'objet d'une condamnation pénale. En ce sens, elle produit en pièce n° 8 un jugement du tribunal correctionnel de Tours du 14 septembre 2009 ayant condamné M. [L] à un mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits d'abus de faiblesse. Pour autant, force est de constater qu'alors que cette condamnation remonte au 14 septembre 2009, M. [L] n'avait jamais fait l'objet d'un arrêt de travail avant le 18 octobre 2011. Elle n'établit pas davantage qu'il ait subi des arrêts de travail dans les suites de son divorce alors que M. [L] produit aux débats des attestations de son ex compagne et de ses enfants indiquant que les relations familiales sont demeurées harmonieuses après le divorce et pointant l'instrumentalisation de leur histoire familiale par la société [38]. Il importe peu à cet égard que M. [O] lui-même ait eu l'intime conviction que la dégradation de son état de santé soit largement liée à cet accident de la vie familiale (pièce n° 7 de l'appelante). A cet égard la date de prise de poids de M. [L] est tout aussi inopérante.

Par conséquent, l'employeur ne démontre pas les causes personnelles alléguées alors que l'article L 461-1 du code de la sécurité sociale, pour qu'une pathologie psychologique puisse être reconnue maladie professionnelle, n'exige pas un lien exclusif entre cette dernière et la pathologie mais simplement un lien essentiel et direct. Ce moyen sera donc écarté.

Il a été rappelé que M. [L] a été en arrêt de travail à compter du 18 octobre 2011. Or, il est établi par les pièces produites aux débats que la dégradation de la relation de travail entre M. [L] et son supérieur, M. [O], a commencé à partir du moment où, encouragé à se présenter aux élections des délégués personnels par le directeur commercial, le VRP a bien été élu. Les nombreux témoignages produits aux débats sont en effet unanimes à dire qu'avant cette date, les relations entre M. [L] et M. [O] étaient parfaitement harmonieuses, ce dernier ayant même l'intention de faire du VRP son « poulain ». Il s'en infère nécessairement, quoi que soutienne la société [38], que les qualités professionnelles de M. [L] ne sont pas en cause. Et si l'employeur fournit plusieurs attestations de salariés témoignant d'un malaise ressenti par des salariés suite à une intervention de M. [L] lors d'une réunion de motivation des équipes, il n'en demeure pas moins que celui-ci n'a fait que jouer son rôle de délégué du personnel.

Or, en pièce n° 6, M. [L] produit une attestation de M. [A] témoignant d'une réunion du 30 août 2011 : « dès le début de la réunion M. [O] n'a cessé d'attaquer personnellement M. [L] par rapport à son poste de délégué du personnel et à son poste de secrétaire du syndicat [30]. M. [O] s'est lancé dans un monologue sans pouvoir laisser le moyen à M. [L] de se défendre et de dialoguer. M. [O] a été humiliant à l'encontre de M. [L] en nous expliquant qu'il était malhonnête et manipulateur. Ce à quoi l'ensemble de notre groupe a répondu à M. [O] leur mécontentement et sur la violence de ce procès dirigé contre M. [L]. J'ai moi-même insisté en disant à M. [O] de se calmer, de reprendre son sang-froid, que c'était indigne de la part d'un directeur France d'entendre de tels propos. Sa réponse fut sans équivoque' et pour la deuxième fois consécutive il m'a invité de démissionner si je n'étais pas d'accord avec lui. Lors de cette réunion, il nous explique qu'il envisage de diminuer les secteurs, de diminuer les coupons attribués, qu'il me conseille de prendre une autre carte professionnelle, que la priorité de l'entreprise était de nous faire accepter coûte que coûte le nouveau contrat sans quoi il valait mieux démissionner. La priorité de l'entreprise était de remplacer les anciens contrats de travail par les nouveaux et de continuer d'embaucher de nouveaux VRP ».

Ce témoin confirme par ailleurs que c'est M. [O] qui a encouragé M. [L] à se présenter en tant que délégué du personnel. Ce qui est également confirmé par M. [M] (pièce n° 7 : « M. [O] nous a cordialement invités à favoriser son élection. Depuis cette date le climat n'a cessé de se détériorer entre M. [L] et M. [O], du fait de son action au sein du CE pour des réclamations légales telles que la visite médicale. Aujourd'hui M. [L] est clairement désigné par la direction ,et ce pendant les réunions de cadres, comme étant l'élément indésirable de l'entreprise »

En pièce n°8, Mme [X] relate que M. [K] lui a fait part qu'« ils voulaient « virer » certains (') j'ai bien entendu été surprise et lui ai demandé de qui il voulait se séparer, il m'a répondu entre autres [L] qui ne fout plus rien depuis qu'il est délégué, il fait n'importe quoi et il fout le bordel dans la boîte ».

La circonstance que certains de ces salariés aient ensuite été en litige, pour des raisons financières, avec la société n'est pas de nature à priver leurs témoignages de leur caractère probant s'agissant des conséquences précises de l'accession de M. [L] au poste de délégué du personnel.

Il doit de plus être noté qu'alors que M. [L] avait été convié à la réunion du 6 au 8 juin 2011, des courriels produits aux débats témoignent d'échanges entre M. [O] et M. [L] illustrant des désaccords entre les deux hommes ensuite de quoi, M. [O] lui a répondu le 4 juin 2011 à 13h33 : « je vous ai demandé de ne pas vous rendre à la réunion prévue à [Localité 9] entre les 6 et et 8 juin pour les raisons que je vous ai exprimées lors d'un précédent courriel »

Et si l'intéressé indique ensuite « j'aurais le plaisir de vous rencontrer jeudi 9 juin », cette circonstance n'est pas de nature à priver de son caractère délétère l'exclusion du salarié du collectif de travail qui en résulte. Il convient en effet de rappeler que le burnout n'est pas une trouble psychologique mais un trouble né de la dégradation de la relation de travail qu'éprouve le salarié, laquelle a connu son acmé en l'espèce par cette exclusion. La société [38] ne saurait donc soutenir que les événements professionnels que M. [S] [L] présente comme traumatisants et à l'origine de sa maladie sont d'une intensité très relative au regard de ses traumatismes antérieurs d'ordre personnel.

Ainsi, la stricte concordance de temps entre ces événements délétères et les arrêts de travail de M. [L], peu important qu'ils n'aient pas été d'emblée établis au titre de la législation sur les risques professionnels, corrobore parfaitement le lien essentiel et direct entre la maladie et le travail habituel de la victime retenu par le [22]. Ce lien est également corroboré par l'expertise diligentée dans le cadre du contentieux relatif aux taux d'incapacité prévisible dont le rapport est produit en pièce n° 12 par M [L].

Celui-ci est rédigé comme suit : « M. [L] vit seul, il a eu deux enfants avec une compagne dont il est séparé depuis plusieurs années. Ses enfants résident à [Localité 36], il reste très flou sur les relations qu'il entretient avec eux.

M. [L] raconte dans le détail le conflit qui l'a opposé à son employeur. Pendant plusieurs années il s'est investi dans son travail et il en tirait beaucoup de satisfaction mais tout a basculé lorsqu'il est devenu délégué du personnel sur les sollicitations de son employeur. Il a pris son rôle très au sérieux et il s'est fait le porte-parole des doléances des autres employés ce qui a provoqué des conflits avec son employeur.

Dans ce contexte, M. [L] a présenté une symptomatologie dépressive réactionnelle à la situation de harcèlement qu'il subissait. Il a été mis en arrêt de travail en octobre 2011 ; un suivi psychiatrique a débuté dès novembre 2011, son psychiatre traitant évoque une dépression sévère.

Ce conflit a entraîné chez M. [L] un effondrement narcissique, il éprouve un sentiment d'injustice car cet épisode a modifié sa vie, il a rompu avec l'amie avec qui il vivait sur [Localité 41]. Il s'est progressivement replié sur lui-même et à l'heure actuelle il n'a toujours pratiquement pas de vie sociale.

L'état psychique de M. [L] reste toujours très fragile. Il bénéficie toujours d'un traitement antidépresseur. Il ne reconnaît plus son image corporelle car il a pris beaucoup du poids.

Il signale une perte de confiance dans ses relations avec les autres et n'envisage plus de pouvoir retravailler pour un employeur et il préfère s'orienter vers une création d'entreprise.

Au vu des éléments cliniques recueillis pendant l'entretien, on peut estimer que le taux d'incapacité permanente partielle résultant au 29 août 2012 de la maladie déclarée le 19 mars 2012 était supérieur à 25 %.

Ainsi, ce rapport met particulièrement en évidence le strict lien de causalité entre la pathologie et le travail habituel, l'expert relevant en particulier une symptomatologie dépressive réactionnelle à la situation de harcèlement qu'il subissait et un effondrement narcissique consécutif à ce conflit. Dès lors, il importe peu que les arrêts de travail n'aient pas été émis d'emblée au titre de la législation sur les risques professionnels.

Le caractère professionnel de la maladie est donc démontré à suffisance et les moyens soulevés par la société [38] ne sauraient le remettre en cause.

En effet, que dans les rapports entre la [14] et l'employeur, la décision de la [14] de prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle soit inopposable à la société [38] emporte pour seule conséquence que les suites financières de la décision de prise en charge de la maladie au titre de la législation sur les risques professionnels ne seront pas inscrites au compte de l'employeur.

Dans un arrêt du 10 avril 2025, pourvoi n° 23-11. 731, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation vient de rappeler que pour l'application des articles L. 461-1, alinéa 4, et D. 461-30 du code de la sécurité sociale, le taux d'incapacité permanente à retenir pour l'instruction d'une demande de prise en charge d'une maladie non désignée dans un tableau des maladies professionnelles est celui évalué par le service du contrôle médical dans le dossier constitué pour la saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, dit « taux prévisible », et non le taux d'incapacité permanente fixé après consolidation de l'état de la victime pour l'indemnisation des conséquences de la maladie. En raison de son caractère provisoire, le taux prévisible n'est pas notifié aux parties. Il ne peut, dès lors, être contesté par l'employeur pour défendre à l'action en reconnaissance de la faute inexcusable.

En outre, la société [38] ne peut faire valoir dans le même temps qu'elle a demandé au tribunal du contentieux de l'incapacité de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision définitive sur une éventuelle faute inexcusable et que pour que la cour d'appel puisse statuer sur l'existence d'une faute inexcusable, il est nécessaire que soit préalablement tranché la question de l'origine professionnelle, laquelle inclut l'examen définitif du taux d'incapacité par le tribunal judiciaire. Il convient de rester sérieux.

Il en découle également que la demande subsidiaire de la société [38] de surseoir à statuer dans l'attente de la détermination du taux d'incapacité permanente de M. [L] ne peut qu'être rejetée.

Aucun des moyens invoqués par la société [38] n'est donc de nature à remettre en cause le caractère professionnel de la maladie démontré par les pièces produites aux débats.

Enfin, si aux termes de ses dernières écritures, la société [38] demande que la décision de prise en charge de la maladie professionnelle lui soit déclarée inopposable, force est de rappeler que la décision du 3 décembre 2014 de prise en charge de sa maladie professionnelle a d'ores et déjà été jugée inopposable à la société [38], de sorte que cette demande apparaît tout aussi irrecevable qu'incompréhensible, l'inopposabilité, dans le cadre des rapports entre la caisse et l'employeur, n'empêchant pas de reconnaître le caractère professionnel de la maladie dans le cadre de l'instance en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.

- La faute inexcusable de l'employeur

La société [J] [31] conteste toute faute inexcusable à l'origine de la maladie professionnelle de M. [L]. Elle soutient que le seul constat, y compris judiciaire, d'un harcèlement moral n'implique pas nécessairement l'existence d'une faute inexcusable ; que celui-ci, tel que défini par l'article L 1152-1 du code du travail, est constitué indépendamment de l'intention de son auteur ; qu'en d'autres termes, il n'implique nullement une intention et encore moins une conscience que l'agissement patronal puisse avoir pour conséquence d'altérer la santé du salarié ; que les faits retenus par la cour d'appel d'Orléans pour caractériser le harcèlement moral ne permettent nullement d'affirmer que les agissements de la société [38] étaient susceptibles d'altérer la santé de M. [L] et encore moins que celle-ci en avait conscience ; que c'est précisément la réaction de certains cadres de la société [38] face aux accusations - finalement jugées mal fondées - et aux saillies verbales de M. [L] que la cour d'appel d'Orléans a reconnu un harcèlement aujourd'hui à l'origine de la demande de M. [L] de reconnaissance d'une faute inexcusable ; que la réunion syndicale du 30 août 2011 est très postérieure à la prise de poids de M. [L] qui a été présentée comme la conséquence et l'effet aggravant de son état dépressif ; que lors de cette réunion, M. [O] n'a fait que réagir aux graves accusations contenues dans un tract du syndicat [30] dont M. [L] était le secrétaire ; que cette réaction n'était en rien disproportionnée ou offensante pour que l'employeur puisse raisonnablement penser et donc avoir conscience que ceci serait de nature à affecter la santé de M. [L] ; que la réunion de la délégation unique du personnel est également très postérieure à la prise de poids de M. [L] ; qu'il doit être relevé qu'un argumentaire dénigrant la société [38] et ses responsables y avait été déployé par M. [Z] dont M. [L] a lu la lettre, laquelle a créé un malaise dans l'assistance ; que l'attestation de Mme [X], qui témoigne d'une conversation personnelle avec son ancien conjoint cadre de l'entreprise, ne saurait davantage démontrer cette conscience ; que le mail du 31 août 2011 était exclusivement destiné à l'encadrement et ne peut donc être à l'origine de la dégradation de l'état de santé de M. [L] ; que le mail du 13 octobre 2011 ne constitue qu'une demande d'explication s'agissant d'une vente faite par M. [L] ; que le tribunal, pour retenir la faute inexcusable de l'employeur, n'a pas repris un à un les faits retenus par la cour d'appel au titre du harcèlement pour démontrer que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger ; que les nombreux débordements que le tribunal impute à l'employeur porte en réalité sur un événement très circonscrit et imputable à un membre de l'encadrement.

M. [L] conclut à la confirmation du jugement sur ce point. Il expose qu'au regard de la chronologie des faits, il ne fait nul doute qu'en pratiquant un tel harcèlement moral, reconnu par la cour d'appel d'Orléans dans un arrêt du 16 mai 2013, la société [38] ne pouvait qu'avoir conscience du danger ainsi créé ; qu'il est ainsi patent qu'elle a tout fait pour compromettre la poursuite de la relation de travail, participant activement à son dénigrement et à sa déstabilisation ; que ces agissements se sont encore accrus après qu'il a saisi la juridiction prud'homale le 5 juillet 2011 ; qu'en particulier, il lui a été fait interdiction de se rendre à une réunion de travail du 6 au 8 juin 2011, M. [O] lui ayant annoncé : « de toute façon, ce n'est plus la peine de venir à notre réunion de travail du 6 au 8 juin, vous me faites chier ! ! ! » ; que si, pour être retenu le harcèlement moral est indépendant de l'intention de son auteur, la société [38] dont l'attention sur la situation de souffrance au travail a été attirée dès le 5 juillet 2011, sans contestation possible, à l'occasion de la saisine de la juridiction prud'homale, ne pouvait, ne serait-ce qu'à partir de cette date, qu'avoir conscience des conséquences de l'impact de son attitude sur la santé de son salarié ; que répondre au syndicat est une chose et s'en prendre à lui violemment et personnellement, une autre, comme ne s'y sont pas trompées les juridictions prud'homales ;

Appréciation de la cour

Il résulte des articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail que le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver (civ.2e, 8 octobre 2020, pourvoi n° 18-25.021 ; civ.2e, 8 octobre 2020, pourvoi n° 18-26.677). Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de la maladie survenue au salarié mais qu'il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage (Cass . Ass plen, 24 juin 2005, pourvoi n°03-30.038).

Il est de jurisprudence constante qu'il appartient au salarié de rapporter la preuve que l'employeur avait conscience du danger auquel il était exposé et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver (civ.2e 8 juillet 2004, pourvoi no 02-30.984, Bull II no 394 ; civ.2e 22 mars 2005, pourvoi no 03-20.044, Bull II no 74). Cette preuve n'est pas rapportée lorsque les circonstances de l'accident dont il a été victime sont indéterminées. (Soc., 11 avril 2002, pourvoi n° 00-16.535).

En l'espèce, il a été vu supra que le syndrome d'épuisement professionnel dont souffre M. [L] est concomitant à son accès aux fonctions de délégué du personnel alors qu'il avait été poussé à se présenter par son directeur commercial et général France qui avait l'intention d'en faire son « poulain ». Les pièces produites aux débats démontrent que la dégradation de la relation de travail est intervenue à partir du moment où M. [L] a joué son rôle de délégué du personnel.

Étant rappelé que cette attestation est corroborée par de nombreuses autres, la cour ne rapportera dans le détail que celle de Mme [D] (pièce n° 4 de M. [L]) qui récapitule la situation :

« À mon entrée dans l'entreprise [37] en mars 2004, M. [O] m'a présenté M. [L] comme un collaborateur de qualité et très dynamique. Ses qualités relationnelles et son engagement dans l'entreprise ont facilité son élection en tant que délégué du personnel à la [29] en juin 2010, projet fortement appuyé par M. [O]. Ses prises de position au sein de l'entreprise, CE sur des sujets sensibles tels que

visite médicale d'embauche pour l'ensemble des VRP (question posée en juillet 2010 qui n'a trouvé sa solution en mars 2011qu' après avoir signalé la situation à l'inspection du travail d'[Localité 9]),

modalités concernant l'abattement des 30 % appliqué à l'ensemble des VRP sans consultation préalable des intéressés

changement de statut des VRP multicartes en VRP exclusif

revalorisation des indemnités km des VRP à l'occasion des convocations à des réunions ou séminaires suite à la hausse des carburants

rémunération des VRP pour le travail à fournir à l'occasion des réunions

examen des re commissionnements des refus de livraison par des clients suite à des retards importants de la manufacture à produire en temps et heure.

À partir de 2011 les relations entre M. [L] et M. [O] sont tendus.

J'ai entendu M. [O] dire de M. [L] qu'il perdait son temps à jouer les [Localité 28] Quichotte et qu'il ferait mieux d'exercer son métier de vendeur

qu'il allait lui mesurer la quantité de coupons réponse à exploiter (nerf de la guerre pour un vendeur) et le pousser à démissionner.

En tant qu'accompagnatrice sur le terrain des VRP, j'ai pu constater que M. [L] ne disposait pas d'un grand nombre de coupons réponse, ce qui explique ses faibles résultats commerciaux, ayant appris par M. [O] les difficultés financières de M. [L], j'ai proposé de sortir sur le terrain avec ce dernier mais M. [L] a refusé en disant qu'il voulait l'affamer et qu'avec la pension alimentaire qu'il devait verser à ses deux enfants, qu'il ne tiendrait pas longtemps le coup dans l'entreprise. J'ai été indignée de ces propos qui ne sont pas dignes dans les entreprises et d'un directeur commercial et s'apparentent à un règlement de compte personnel.

- Réunion de rentrée de la région Ouest des 30/31 août 2011 : étaient présents M.[A], et [L], Mme [T] et moi-même. Je me suis étonnée de constater que M. [O] avait décidé de scinder la région Ouest en convoquant la semaine précédente le reste de l'équipe au [Localité 33]-[Localité 39] (')

dès le début de la réunion M. [O] s'en est pris de manière très virulente à M. [L] concernant ses prises de position en tant que secrétaire du syndicat [30] et de délégué du personnel, le traitant de malhonnête et de manipulateur.

Il a poursuivi la réunion sur le même ton d'emportement en annonçant qu'il allait réduire les secteurs géographiques des VRP, restreindre l'attribution des coupons, que la priorité de l'entreprise était de faire signer à tous les nouveaux contrats et que si l'on n'était pas content, qu'il valait mieux prendre une autre carte professionnelle ou bien démissionner.

Ulcéré par la violence du discours de M. [O], M.[A] s'est insurgé en lui demandant de se calmer et de reprendre son sang-froid, le reste du groupe et moi-même ayant soutenu M. [A] dans son intervention. Au sortir de la réunion, M. [O] a fixé un ultimatum au soir même à M. [L], lui demandant expressément d'arrêter la procédure engagée, sinon sa vie dans l'entreprise serait encore plus dure. »

Il est à noter que l'ensemble des pièces fournies par M. [L] ont également été examinées par l'enquêteur de la [20] (pièce n° 1 de l'intimé) qui conclut M. [L] fournit nombre de témoignages de collègues, clients, mails, prouvant tous que la direction générale, notamment en la personne de M. [O], a décidé de le dénigrer, l'affaiblir, l'humilier.

Ainsi, il est parfaitement démontré que M. [L] a subi une entreprise de déstabilisation de la part du directeur commercial et général France faisant suite à son action syndicale et de délégué du personnel, entreprise visant à le priver de ses prospects et donc des commissions qu'il aurait pu réaliser sur des ventes éventuelles, et ce dans le but de le faire démissionner.

Par conséquent, indépendamment de la qualification des faits de harcèlement moral par la cour d'appel d'Orléans dans son arrêt du 16 mai 2013, il est acquis, contrairement à ce que soutient la société [38] qui minimise les agissements de son directeur général, que cette dernière à tout le moins aurait dû avoir conscience du danger encouru par le salarié du fait des méthodes de management de M. [O], investi du pouvoir de direction. En outre, aucun élément du dossier n'établit qu'elle ait pris les mesures nécessaires pour l'en préserver, ce qu'elle n'allègue d'ailleurs même pas. Dans ces conditions, le jugement déféré ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a retenu la faute inexcusable de l'employeur à l'origine de la maladie professionnelle déclarée par M. [L]. Il ne peut dès lors qu'être confirmé en ce qu'il a statué sur les conséquences de la faute inexcusable à l'égard du salarié, aucune raison ne justifiant en particulier de revoir l'indemnité provisionnelle allouée à M. [L], le préjudice découlant des conséquences de la faute inexcusable étant distinct et autonome du préjudice résultant du harcèlement moral indemnisé par la juridiction du travail.

En revanche compte tenu de l'évolution jurisprudentielle issue de l'arrêt de l'assemblée plénière du 20 janvier 2023, il y a lieu de compléter la mission d'expertise pour y ajouter l'appréciation du déficit fonctionnel permanent étant observé que cette demande n'est pas irrecevable, l'article 566 du code de procédure civile permettant d'ajouter aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire. Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que les frais d'expertise sont avancés par la [11] et de rectifier sur ce seul point le jugement déféré.

- Le recours subrogatoire de la [14]

La société [38] conteste le recours subrogatoire de la [14]. Elle soutient que le taux d'incapacité dont se prévaut M. [L] lui est inopposable ; qu'en effet, elle n'a pas été appelée à la procédure suivie devant le [40] et qui a abouti à une augmentation du taux de la rente initialement fixée ; que faute de pouvoir justifier dans ses rapports avec l'employeur d'un taux d'incapacité supérieur à 25 %, la [20] ne peut lui opposer l'existence d'une maladie professionnelle qui suppose précisément un taux d'incapacité qui lui est égal ou supérieur ; que les dispositions de l'article L 452-3-1 du code de la sécurité sociale ne concernent nullement la question du taux d'IPP ; que si, par extraordinaire, le taux de 25 % devait lui être déclaré opposable, il est impossible d'affirmer qu'une pathologie liée à un burnout puisse être considérée comme permanente et définitive sans possibilité de réduction ou de guérison ; que, dans ces conditions il y aurait lieu de faire application des articles L 141-1 et R 142-22, R 142-24, R 142-24-1 et R 142-24-2 du code de la sécurité sociale pour ordonner une nouvelle expertise et de commettre un expert ainsi qu'un nouveau comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles afin de dire si la pathologie n'a pas pris fin et statuer sur l'éventuelle guérison de M. [L].

Appréciation de la cour

Il doit être rappelé que le taux d'incapacité permanente partielle fixé après consolidation permet de calculer le montant de la rente attribuée au salarié au titre de la législation sur les risques professionnels. Cependant, la majoration de la rente à son taux maximum est la conséquence de la seule faute inexcusable de l'employeur de sorte que celui-ci pour la contester ne saurait faire valoir que le taux d'IPP lui est inopposable.

En outre, il est jugé que l'inopposabilité de la décision de prise en charge à l'égard de l'employeur est sans aucune incidence sur l'action récursoire exercée par la caisse (2e Civ., 31 mars 2016, n° 14-30.015 : Bull. 2016, II, n° 92 ; 24 mai 2017, n° 16-17.726 ; 21 oct. 2021, n° 2010.541 ; 26 nov. 2020, n° 19-21.890 ; 26 nov. 2020, n° 19-18.244). Autrement dit, l'irrégularité de la procédure ayant conduit à la prise en charge, au titre de la législation professionnelle, d'un accident, d'une maladie ou d'une rechute, ne prive pas la caisse du droit de récupérer sur l'employeur, après reconnaissance de cette faute, les compléments de rente et indemnités versés par elle. Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.

Il n'y a pas lieu davantage d'ordonner une mesure d'expertise aux fins de dire si la pathologie de M. [L] a pris fin, la guérison éventuelle du salarié ne dispensant pas d'indemniser celui-ci des préjudices résultant de la faute inexcusable de l'employeur.

- Les dispositions accessoires

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement en ce qu'il a exactement statué sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

En sa qualité de partie perdante, la société [38] supportera les dépens d'appel et versera à M. [L] une indemnité complémentaire de 2500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition,

Déboute la société [38] de sa demande de nullité de l'avis du [23],

Confirme le jugement rendu le 27 novembre 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Tours sauf en ce qu'il a mis à la charge de M. [L] la consignation d'une somme de 750 euros à titre d'avance sur les frais d'expertise,

Et statuant à nouveau de ce seul chef et, y ajoutant,

Rappelle que les frais d'expertise sont avancés par la [11],

Complète la mission de l'expert en ce que celui-ci devra en outre dégager, en les spécifiant, les éléments propres à justifier une indemnisation au titre du déficit fonctionnel permanent, qui indemnise l'atteinte séquellaire à l'intégrité physique et psychique ainsi que les douleurs physiques et psychologiques, la perte de la qualité de vie et les troubles dans les conditions d'existence post consolidation ,

Déboute la société [38] de toutes ses demandes,

Condamne la société [38] à payer à M. [L] la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société [38] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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