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Décisions

CA Angers, ch. a - com., 9 septembre 2025, n° 24/01630

ANGERS

Arrêt

Autre

CA Angers n° 24/01630

9 septembre 2025

COUR D'APPEL

D'[Localité 11]

CHAMBRE A - COMMERCIALE

CC/ILAF

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 24/01630 - N° Portalis DBVP-V-B7I-FL4M

jugement du 04 Septembre 2024

Tribunal de Commerce d'ANGERS

n° d'inscription au RG de première instance 2024001201

ARRET DU 09 SEPTEMBRE 2025

APPELANTS :

Monsieur [I] [N]

né le [Date naissance 4] 1988 à [Localité 12]

[Adresse 10]

[Localité 8]

Monsieur [U] [N]

né le [Date naissance 1] 1988 à [Localité 12]

[Adresse 2]

[Localité 7]

S.A.S. PACT'ISO, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès-qualités audit siège

[Adresse 3]

[Localité 9]

Représentés par Me Bertrand BRECHETEAU de la SARL AVOCONSEIL, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 230248 substitué par Me Jean-Baptiste GUEDON

INTIMEE :

S.E.L.A.S. CLR & ASSOCIES MANDATAIRES JUDICIAIRES, prise en la personne de Maître [Y] [X], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société SAS PACT'ISO

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentée par Me Samuel DE LOGIVIERE de la SELARL SULTAN - LUCAS - DE LOGIVIERE - PINIER - POIRIER, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier E00080QP

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 13 Mai 2025 à 14'H'00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme CORBEL, présidente de chambre qui a été préalablement entendue en son rapport et devant M.'CHAPPERT, conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CORBEL, présidente de chambre

M. CHAPPERT, conseiller

Mme GANDAIS, conseillère

Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS

Ministère Public : L'affaire a été communiquée au ministère public qui a fait connaître son avis.

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 09 septembre 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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FAITS ET PROCÉDURES

La SAS Pact'iso avait pour activité la réalisation de travaux d'isolation intérieure et extérieure, isolation des combles, commercialisation et installation de produits de chauffage (pompe à chaleur).

Elle était dirigée par M. [I] [N], son président, et M. [U] [N], son directeur général.

Après demande d'ouverture d'une liquidation judiciaire déposée au greffe le 17 juillet 2023 par la société Pact'iso, le tribunal de commerce d'Angers a, par jugement du 19 juillet 2023, prononcé sa liquidation judiciaire immédiate. Il a fixé la date de cessation des paiements au 4 janvier 2023 et désigné la société CLR et associés, prise en la personne de Mme [X], en qualité de liquidateur judiciaire.

Au vu de l'ancienneté et du montant des créances déclarées, la société CLR et associés, agissant en la personne de Mme [X], ès qualités, a assigné la société Pact'iso en report de la date de cessation des paiements au 19 janvier 2022, en application de l'article L. 631-8 du code de commerce, soit à la date la plus ancienne qui soit légalement possible.

Par jugement rendu le 9 avril 2024, le tribunal a :

- constaté l'état de cessation des paiements de la SAS Pact'iso à la date du 19 janvier 2022 ;

- fixé la date de cessation des paiements de la société Pact'iso à la date du 19 janvier 2022 ;

- ordonné les mesures de publicité légale ;

- débouté la SAS Pact'iso et ses dirigeants, MM. [I] et [U] [N] de l'ensemble de leurs demandes ;

- dit qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que les dépens seront employés en frais de procédure.

Par déclaration du 23 septembre 2024, la société Pact'iso, MM [I] et [U] [N] ont interjeté appel de ce jugement en attaquant chacune de ses dispositions sauf celle relative aux dépens, intimant la société CLR et associés, prise en la personne de Mme [K][G], ès qualités.

Les parties ont conclu.

Le 4 mai 2025, le ministère public a émis un avis favorable à la confirmation du jugement. Cet avis a été notifié aux parties par RPVA le 6 mai suivant.

A l'audience, l'ordonnance de clôture initialement rendue le 28 avril 2025, a été révoquée avec l'accord des parties, et une nouvelle clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée avant l'ouverture des débats.

MOYENS ET PRÉTENTION DES PARTIES

La société Pact'iso, MM [I] et [U] [N] demandent à la cour :

' d'infirmer le jugement en ce qu'il a :

- constaté l'état de cessation des paiements de la SAS Pact'iso à la date du 19 janvier 2022 ;

- fixé la date de cessation des paiements de la SAS Pact'iso au19 janvier 2022 ;

- ordonné les mesures de publicité légale ;

- débouté la SAS Pact'iso et ses dirigeants de l'ensemble de leurs demandes ;

- dit qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Et statuant à nouveau,

' dire n'y avoir lieu à report de la date de cessation des paiements au 19 janvier 2022 ;

En conséquence

' débouter Mme [X] ès qualités de l'ensemble de ses demandes ;

Et, à titre reconventionnel,

' constater l'état de cessation des paiements de la société Pact'iso au 13 juin 2023 ;

En conséquence,

' fixer la date de cessation de paiements de la société Pact'iso au 13 juin 2023 ;

' condamner Mme [X] ès qualités à verser chacun, à la société Pact'iso et MM [I] et [U] [N] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

' condamner Mme [X] ès qualités aux entiers dépens de l'instance.

La société CLR et associés, ès qualités, prie la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- débouter la SAS Pact'iso, ainsi que ses dirigeants MM. [M] et [U] [N] de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Pour un plus ample exposé des moyens des parties au soutien de leurs prétentions, il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :

- le 20 décembre 2024 pour la société Pact'iso, MM [I] et [U] [N],

- le 17 mars 2025, pour la société CLR et associés, ès qualités.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Selon l'article L. 631-1 du code du commerce, est en état de cessation des paiements le débiteur qui est dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, ce qui n'est pas le cas s'il établit avoir des réserves de crédit ou bénéficier de moratoires de la part de ses créanciers lui permettant de faire face au passif exigible avec son actif disponible.

L'état de cessation des paiements se distingue ainsi de l'insolvabilité, la gêne momentanée ou la poursuite d'une activité déficitaire.

N'ayant pas interjeté appel du jugement d'ouverture fixant la date de cessation des paiements au 4 janvier 2023, la société et ses dirigeants sont irrecevables à demander de reporter cette date plus après, au 13 juin 2023.

S'agissant de la demande du liquidateur judiciaire présentée conformément aux dispositions de l'article L. 631-8 du code de commerce, les premiers juges ont retenu qu'au vu des créances déclarées à la procédure collective, le passif exigible au 19 janvier 2022, et impayé depuis, s'établissait comme suit :

- créance de pro btp alpro Agirc-Arcco pour un montant de 13 938 euros,

- créance du Crédit agricole leasing&factoring pour un montant de 13 225,56 euros,

- créance du SMIA pour un montant de 335,58 euros,

Soit un total de 27 650,56 euros.

Ils n'ont pas tenu compte des autres créances invoquées par le liquidateur judiciaire, notamment de la créance de l'URSSAF dont ils ont considéré qu'il n'était pas établi qu'elle ait pu exister antérieurement au 19 janvier 2022, ce qui n'est remis en cause à juste titre par l'intimée que pour des sommes d'un montant réduit, pour les créances de la société Premiun et du contrat de maintenance informatique. En revanche, l'intimée, qui fait valoir que le passif exigible était alors bien supérieur à celui retenu par les premiers juges, n'apporte toujours pas les éléments permettant de connaître le montant des cotisations échues impayées au 19 janvier 2022 auprès d'AXA qui a déclaré globalement sa créance à hauteur de 7 437,05 euros pour une période allant du 1er octobre 2021 au 19 juillet 2023 ni que la créance de l'URSSAF déclarée pour un montant de 211 993,24 euros aurait bien été exigible à la date du 19 janvier 2022 alors que reste inconnue la date à compter de laquelle ce créancier a accordé un moratoire à la débitrice.

De leur côté, les appelants n'apportent pas la preuve que la société Pact'iso aurait obtenu un moratoire pour le règlement des créances retenues par les premiers juges comme étant du passif exigible. Le seul moratoire établi est celui qui a été accordé par l'URSAFF pour des créances nées entre janvier et septembre 2022 et qui, n'ayant pas été respecté, a été rompu le 13 juin 2023. Pour les autres dettes, il n'est produit que des demandes d'échéanciers sans preuve qu'elles aient été acceptées par ces créanciers.

Il n'est pas contesté que l'actif disponible de la société n'était constitué que de sommes d'argent détenues dans son compte bancaire.

Il résulte des éléments versés au débat que le solde de ce compte à la date du 19 janvier 2022 était de 12 364,73 euros, de sorte que les premiers juges en ont déduit que la société Pact'iso n'était plus, au 19 janvier 2022, dans la capacité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.

Pour contester cette appréciation, la société Pact'iso et ses dirigeants font valoir que les dettes qui existaient alors n'étaient que résiduelles, en mettant en avant le fait que le compte bancaire de la société a présenté avant et après cette date, sur l'ensemble de l'année 2022, un solde créditeur qui s'est même élevé à un montant de 152 120, 93 euros au 31 décembre 2022, de sorte que, selon eux, la société disposait d'une trésorerie lui permettant sans difficulté d'honorer son passif exigible jusqu'au 13 juin 2023, et qu'à défaut de caractériser un état de cessation des paiements dans la durée, la demande de report ne peut être accueillie.

Les premiers juges ont constaté que la société Pact'iso n'avait pas produit le relevé de compte du mois de mai 2022, débiteur de 2 746,06 euros, comme était débiteur le solde du mois de février 2022 à hauteur de 5 970,26 euros et que, pour la suite, si le solde est redevenu créditeur avec une progressivité, c'est parce que la situation du compte bancaire avait été artificiellement gonflée par différentes méthodes comme, après le 19 janvier 2022, le report des échéances des dettes sociales (en particulier de l'URSSAF à qui elle devait en septembre 2022 la somme de 18 557 euros comprenant des cotisations d'un montant de 16 265 euros pour le règlement de laquelle elle a obtenu à une date inconnue un échéancier qu'elle n'a pas respecté) et fournisseurs de façon récurrente et également l'encaissement de primes gouvernementales pour des travaux qui n'en étaient pas éligibles, ce que les appelants ne démentent pas en s'abstenant de critiquer les motifs des premiers juges sur ce point. Les premiers juges ont mis en évidence que l'apparente trésorerie ressortant des comptes bancaires n'était pas corrélée à la situation économique de l'entreprise en relevant, à juste titre, qu'après une première année avec un résultat excédentaire de 106 141 euros sur l'exercice clos au 31 décembre 2020, les résultats ont été déficitaires de 111 875 euros sur l'exercice clos au 31 décembre 2021 puis de 252 524 euros sur l'exercice clos au 31 décembre 2022. Cette situation est à rapprocher de l'importance du passif qui s'élève à 817 263 euros (dont 570 409 euros de créances échues, le reste n'étant pas définitif) selon la liste des créances.

Ainsi, l'impossibilité dans laquelle était la société Pact'iso de payer ses dettes exigibles avec son actif disponible au 19 janvier 2022 a persisté au cours de l'année 2022, ce qui résulte à la fois de ce que les dettes exigibles au 19 janvier 2019 constatées ci-dessus à hauteur de 27 650,56 euros n'ont jamais été payées par la suite comme l'ont relevé les premiers juges et de ce que le solde positif du compte bancaire après le mois de mai 2022, ayant exceptionnellement atteint 152 120, 93 euros au 31 décembre 2022, s'accompagne parallèlement d'une augmentation du passif exigible, sans le couvrir, ce que les appelants ne prétendent pas, étant constaté que le passif déclaré comme échu et exigible par la société Pact'iso dans sa demande d'ouverture d'une liquidation judiciaire était de 250 778 euros, au 17 juillet 2023, bien supérieur à celui retenu au 19 janvier 2022 et que la liste des créances révèle que le passif non définitif s'élève à un montant de 817 263 euros dont 570 409 euros de créances échues, déclaré à titre définitif au jour de l'ouverture de la procédure.

Dans ces conditions, le seul fait de présenter un compte bancaire avec un solde positif pendant quelques mois après la date arrêtée comme étant celle de la cessation des paiements ne suffit pas à établir que cette cessation des paiements n'était que ponctuelle. Les éléments relevés ci-avant établissent le contraire. Il s'ensuit que le jugement qui a fait remonter la date de cessation des paiements au 19 janvier 2022 doit être confirmé.

Parties perdantes, MM [I] et [U] [N] seront condamnés aux dépens d'appel et déboutés de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Déclare irrecevable la demande de la société Pact'iso, MM [I] et [U] [N] tendant à la fixation de la date de cessation des paiements au 13 juin 2023 aux dépens d'appel.

Confirme le jugement entrepris.

Condamne la société Pact'iso, MM [I] et [U] [N] aux dépens d'appel.

Les déboute de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,

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