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Décisions

CA Poitiers, 1re ch., 9 septembre 2025, n° 23/02431

POITIERS

Arrêt

Autre

CA Poitiers n° 23/02431

9 septembre 2025

ARRET N°

N° RG 23/02431 - N° Portalis DBV5-V-B7H-G5CX

[C]

C/

[B]

Loi n° 77-1468 du30/12/1977

Copie revêtue de la formule exécutoire

Le à

Le à

Le à

Copie gratuite délivrée

Le à

Le à

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 09 SEPTEMBRE 2025

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/02431 - N° Portalis DBV5-V-B7H-G5CX

Décision déférée à la Cour : jugement du 15 septembre 2023 rendu par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 9].

APPELANTE :

Madame [Z] [C]

née le 12 Avril 1940 à [Localité 8]

[Adresse 1]

[Localité 2]

ayant pour avocat Me Quentin VIGIE de la SELARL E-LITIS SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de SAINTES

INTIME :

Monsieur [W] [B]

[Adresse 3]

[Localité 4]

ayant pour avocat postulant Me Anne-marie FREZOULS de la SCP BEAUMONT - FREZOULS, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Christophe GRIS, avocat au barreau de la Charente

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 19 Mai 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Thierry MONGE, Président de Chambre

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller

Monsieur Philippe MAURY, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,

ARRÊT :

- Contradictoire

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre, Président et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

[Z] [C] a confié à [W] [B] des travaux de réfection de la toiture de la maison d'habitation dont elle est usufruitière, située à [Localité 6] (Charente-Maritime).

La facture de travaux est en date du 24 novembre 2017, d'un montant toutes taxes comprises de 7.430,50 €. Elle a été payée.

En raison de désordres affectant selon elle les travaux réalisés, [Z] [C] a déclaré un sinistre à son assureur de protection juridique qui a missionné le cabinet Domexpertise aux fins d'expertise du bien. Le rapport d'expertise est en date du 25 mai 2018. Un protocole d'accord est en date du même jour.

Ce protocole n'ayant pas été exécuté par [W] [B] et des infiltrations en toiture s'étant produites, [Z] [C] en a fait dresser le constat le 19 avril 2019.

Un second rapport du cabinet Domexpertise est en date du 4 juillet 2019.

Par acte du 28 février 2020, [Z] [C] a assigné [W] [B] devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Saintes.

Par ordonnance du 30 juin 2020, [K] [V] a été commise en qualité d'expert. Son rapport est en date du 30 mars 2021.

Par acte du 23 juin 2021, [Z] [C] a assigné [W] [B] devant le tribunal judiciaire de Saintes.

Elle a à titre principal demandé paiement à titre de dommages et intérêts des sommes de :

- 18.813 € correspondant au coût des travaux de reprise ;

- 734,80 € en réparation des préjudices matériels induits ;

- 5.000 € en réparation du préjudice de jouissance subi.

Par ordonnance du 6 avril 2022, le juge de la mise en état a rejeté la fin de non recevoir soulevée par [W] [B] qui soutenait que le protocole d'accord avait mis fin au litige.

[W] [B] a à titre principal conclu au rejet des prétentions formées à son encontre.

Par jugement du 15 septembre 2023, le tribunal judiciaire de Saintes a statué en ces termes :

'DÉBOUTE [Z] [C] de ses demandes en réparation fondées sur la responsabilité décennale ;

CONDAMNE [W] [B] à verser à [Z] [C] la somme de 1.000€ (MILLE EUROS) en réparation de son préjudice résultant du défaut d'assurance obligatoire de responsabilité décennale ;

CONDAMNE [Z] [C] aux dépens de l'instance, comprenant ceux de référé et les frais d'expertise judiciaire ;

REJETTE les demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DIT n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de droit'.

Il a considéré que :

- les travaux, qui n'incluaient pas le redressement de la charpente ni une réfection totale de la couverture, relevaient d'une opération d'entretien courant et n'avaient pas eu pour effet de créer un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil, aucune rénovation lourde n'ayant été réalisée ;

- le défendeur n'était dès lors pas tenu sur le fondement de la garantie décennale ;

- le défaut de souscription d'une assurance de responsabilité décennale par le défendeur avait été pour la défenderesse à l'origine d'un préjudice qu'il convenait de réparer.

Par déclaration reçue au greffe le 2 novembre 2023, [Z] [C] a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 1er février 2024, elle a demandé de :

'INFIRMER le jugement rendu le 15 septembre 2023 sous le n° RG 21/01114 par le Tribunal Judiciaire de SAINTES en ce qu'il a :

DÉBOUTE [Z] [C] de ses demandes en réparation fondées sur la responsabilité décennale ;

CONDAMNE [Z] [C] aux dépens de l'instance, comprenant ceux de référé et les frais d'expertise judiciaire ;

REJETTE les demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

STATUANT À NOUVEAU,

' A titre principal,

Vu les dispositions de l'article 1792 du code civil,

CONDAMNER Monsieur [W] [B] sur le fondement de sa responsabilité décennale à payer à Madame [Z] [C] les dommages et intérêts suivants :

- au titre des désordres affectant l'immeuble : 19 021,42 €

- au titre des préjudices matériels induits : 734,80 €

- au titre du préjudice de jouissance : 5 000 €

' A titre subsidiaire,

Vu les dispositions des articles 1792-4-3 et 1231-1 du code civil,

Vu les dispositions de l'article 565 du code de procédure civile,

CONDAMNER Monsieur [W] [B] sur le fondement de sa responsabilité contractuelle à payer à Madame [Z] [C] les dommages et intérêts suivants :

- au titre des désordres affectant l'immeuble : 19 021,42 €

- au titre des préjudices matériels induits : 734,80 €

- au titre du préjudice de jouissance : 5 000 €

' En tout état de cause,

DEBOUTER Monsieur [W] [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

CONDAMNER Monsieur [W] [B] à payer à Madame [Z] [C] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER Monsieur [W] [B] à payer les entiers dépens de l'instance, ainsi que ceux de première instance, du référé, le coût du procès-verbal de constat d'huissier du 19 avril 2019, et les frais d'expertise judiciaire'.

Elle a exposé que :

- l'expert judiciaire avait considéré que les désordres avaient pour cause une absence de fixation des tuiles par le couvreur, qui avait accepté le support sur lequel il était intervenu ;

- les désordres qui affectaient la couverture du logement étaient de nature décennale.

Elle a pour ces motifs maintenu ses demandes indemnitaires.

Elle a subsidiairement fondé ses prétentions sur la responsabilité contractuelle de l'intimé ayant selon elle manqué à ses obligations de conseil et de résultat.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 23 avril 2024, [W] [B] a demandé de :

'DÉBOUTER Madame [Z] [C] de son appel fins et conclusions

CONFIRMER le jugement rendu le 15 septembre 2023 sous le numéro RG 21/01114 par le Tribunal judiciaire de Saintes en ce qu'il a écarté la responsabilité décennale de monsieur [W] [B] en l'absence de notion d'ouvrage applicable aux travaux réalisés par ce dernier;

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour ferait droit à l'appel de Mme [C],

DÉCLARER monsieur [W] [B] recevable et bien fondé en ses demandes, fins et conclusions ;

ECARTER la responsabilité contractuelle de Monsieur [W] [B];

DÉCLARER Madame [Z] [C] responsable à concurrence de 50 % des désordres

En conséquence,

CONDAMNER madame [Z] [C] à supporter 50 % du coût des désordres compte tenu de sa responsabilité dans la survenance des désordres;

En tout état de cause,

LAISSER les dépenses relatives à « l'arase des pignons, la réalisation des arases, la fourniture et pose de film sous toiture avec son liteau », suivant devis de la SARL WICIAK soit 2.280 € à la charge de madame [Z] [C] ;

DÉBOUTER madame [Z] [C] de sa demande de condamnation de monsieur [W] [B] au titre de la facture de bâchage ;

DÉBOUTER madame [Z] [C] de sa demande de condamnation de monsieur [W] [B] au titre du préjudice de jouissance ;

CONFIRMER le jugement rendu le 15 septembre 2023 sous le numéro RG 21/01114 par le Tribunal judiciaire de Saintes en ce qu'il a laissé les dépens à la charge de madame [Z] [C] comprenant ceux de référé et d'expertise ;

CONDAMNER madame [Z] [C] à payer à monsieur [W] [B] la somme de 5000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civil ainsi qu'aux entiers dépens d'appel qui comprendront le timbre fiscal de 225 € et la taxe de plaidoirie de 13 €'.

Il a exposé que :

- trois devis avaient été établis, de reprise de la charpente, de rapassage de la toiture à neuf et de pose d'un filet interdisant le passage de moineaux ;

- l'appelante, dans un souci d'économie, n'avait fait retour que d'un devis accepté, de repassage de la toiture ;

- certaines tuiles de couvert qui devaient être remployées avaient été remplacées sans être facturées ;

- le rapport d'expertise établissait que la venue de moineaux et la déformation de la charpente ne lui étaient pas imputables ;

- l'appelante s'était opposée à la réalisation des travaux convenus au protocole d'accord.

Il a conclu à la confirmation du jugement ayant écarté la qualification décennale des désordres allégués.

Il a soutenu que le rapport d'expertise ne caractérisait pas un manquement à ses obligations contractuelles, de conseil et de résultat. Il a rappelé avoir établi trois devis de travaux et que l'appelante avait refusé de suivre les préconisations formulées lors de la conclusion du protocole d'accord.

Il a subsidiairement conclu à un partage de responsabilité.

L'ordonnance de clôture est du 6 février 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A - SUR UN OUVRAGE

L'article 1792 du code civil dispose que : 'Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination'.

Le code civil et plus généralement la loi ne définissent pas l'ouvrage. Il est le résultat du travail de l'homme, doit résulter d'un contrat de louage d'ouvrage et être de nature immobilière.

La facture en date du 24 novembre 2017, de [W] [B] décrit les travaux suivants :

'Repassage de la toiture à neuf

enlèvement des tuiles avec évacuation

fond plat neuf

faitage et rives neuf'.

La toiture ainsi refaite à neuf constitue un ouvrage.

L'appelante est dès lors fondée à se prévaloir des dispositions des articles 1792 et suivants du civil, sous réserve de la preuve d'une impropriété à destination.

B - SUR LES DESORDRES

1 - descriptif

[T] [Y] du cabinet Ixi groupe missionné par la société Groupama, assureur de protection juridique de l'appelante, a dans un rapport en date du 25 mai 2018 notamment indiqué que :

'Dans le temps, Madame [C] a constaté le passage de moineaux à la jonction entre la couverture et l'arase du mur en moellons. L'entreprise est donc intervenue afin de combler le vide mais le maitre d'ouvrage, refusant le retrait de la gouttière pendante, cette intervention s'est avérée inesthétique et inefficace.

De plus, Madame [C] a constaté une déformation de la charpente et des infiltrations de neige.

[...]

Nous nous rendons dans la cour de la maison et constatons une déformation de charpente.

Nous observons la présence d'un jour entre les tuiles de la rive d'égout et l'arase du mur maçonné qui a fait l'objet d'une reprise inesthétique par les entreprises.

Sur le pignon, nous remarquons que les tuiles de rives sont scellées au mortier et à la chaux.

[...]

Nous constatons qu'une partie de la toiture, qui a fait l'objet d'une renovation quelques années auparavan,t a été mise en oeuvre après renforcement de la charpente par la mise en place de nouveaux chevrons.

La partie de couverture posée par les entreprises a été réalisée sans remaniement de charpente.

Depuis l'intérieur. nous observons la présence du vide permettant le passage des moineaux'.

Il a conclu que :

'Concernant la présence d'infiltrations lors des événements neigeux, compte tenu de l'absence d'écran sous toiture, il s'agit d'un phénomène normal.

La déformation de la charpente est antérieure à l'intervention de l'entreprise et ne provoque pas en l'état de venues d'eau dans le bâtiment. En retirant les tiges de bottes et les lambourdes, les entreprises ont soulagé la charpente.

[...]

Les venues de moineaux sont inhérentes à la présence d'un vide à la jonction entre l'arase du mur et la première rangée de tuiles. L'entreprise a tenté de solutionner le problème, cependant le maitre d'ouvrage refusant le retrait de la gouttière, cette intervention inesthétique n'a pas permis de palier le problème.

[...]

Afin de solutionner la totalité des problèmes, il conviendrait de procéder à un renforcement de charpente puis à la mise en place d'un écran de sous toiture et la pose de nouvelles tuiles.

Pour remédier uniquement à la problématique des moineaux, une reprise entre l'arase du mur et la première rangée de tuiles devrait s'avérer suffisante'.

Un protocole d'accord amiable est en date du 25 mai 2019. Il y a été stipulé que :

'L'entreprise [B] COUVERTURE s'engage à procéder à la dépose de la gouttière afin de permettre la reprise de l'arase du mur et boucher ainsi les ouvertures entre la maçonnerie et la première rangée de tuiles.

En contrepartie, Mme [C] s'engage à ne plus formuler de réclamation à l'encontre de l'entreprise CHAGNEAU COUVERTURE.

Les travaux de reprise seront réalisés sans présentation de facture au plus tard le 30/09/2018".

Un second rapport d'expertise amiable est en date du 4 juillet 2019. [T] [Y] précité a exposé que :

'Depuis notre précédente réunion, Madame [C] nous indique que l'entreprise BENCHIAL est intervenue mais n'a pas procédé à la dépose de la gouttière, conformément à ce qui était convenu, afin de réaliser les mouchettes.

La finition escomptée n'est donc pas réalisée et la reprise de l'arase s'avère toujours nécessaire. De plus, Mme [C] nous indique avoir subi un dégât des eaux.

En effet, le 02/05/2019, suite à d'importants événements pluvieux, des infiltrations se sont produites dans la totalité des pièces de l'étage entraînant des passages d'eau à travers le plancher endommageant les embellissements du rez-de-chaussée.

[...]

Les venues d'eau ont provoqué un dégât des eaux dans les pièces de l'étage ainsi qu'une détérioration des embellissements sur certains plafonds du rez-de-chaussée.

Ce dommage rend l'ouvrage impropre à sa destination, il est de la nature de ceux dont responsables les constructeurs au titre de l'article 1792 du code civil, justifiant de mobiliser l'assurance en RCD de l'entreprise [B]

Faute d'accès à la toiture, nous n'évinçons pas l'hypothèse d'un défaut de mise en oeuvre des tuiles avec notamment des recouvrements insuffisants.

Il convient de reprendre la déformation de la charpente que nous avions constatée lors de nos premières opérations d'expertise afin de permettre un bon écoulement des eaux de ruissellements et d'effectuer une révision de la toiture par rapport à la pose des tuiles'.

Maître [J] [G], huissier de justice à [Localité 5], a sur la requête de l'appelante et de l'une de ses filles dressé le 19 août 2019 le constat des conséquences des infiltrations d'eau.

L'expert judiciaire a indiqué en pages 10 à 12 de son rapport que :

'Examen et description des désordres :

A l'intérieur, l'Expert de Justice observe les points suivants :

- à l'étage : les plafonds des 3 chambres, du débarras et du couloir présentent des auréoles liées à d'anciennes infiltrations mais aussi des moisissures (Photos 3 à 8).

- au rez de chaussée : le plafond du couloir présente des auréoles (Photo 9).

NB: la couverture étant bâchée depuis octobre 2019 (Photo 25), aucune présence d'humidité n'est relevée.

Concernant la couverture tuiles et de son support :

L'Expert de Justice note les points suivants :

[...]

- Concernant le pan Sud-Ouest (côté [Adresse 7]) :

Ce pan de toiture présente des tuiles qui ont glissé au niveau de l'égout et ce, avant toute investigation (Photo 10). Les tuiles d'égout ont été sommairement scellées au mortier (Photo 11) mais pas fixées au support. En effet, les tuiles de courant et les tuiles de couvert sont fixées à la volige au niveau du 3ème rang en partant de l'égout; les fixations sont rouillées et sont parfois déjà cassées (Photo 12). Quelques tuiles sont cassées (Photo 13) et il est constaté que les tuiles de couvert et de courant ne sont pas fixées outre le 3ème rang (Photos 13 et 14). Une flache de 4,2 cm est relevé sous la règle de 2 mètres (Photos 14 et 15).

- Concernant le pignon Nord-Ouest (Photo 1) :

Les tuile de rives ont été scellées sommairement au mortier elles sont pour partie décollées à ce jour (Photos 16 et 17). L'examen de l'angle Ouest du pignon met en évidence le glissement des tuiles (Photo 17) sur le pan de couverture Sud-Ouest.

- Concernant le pan Nord-Est :

Ce pan de toiture présence des tuiles qui ont glissé au niveau de l'égout et ce, avant toute investigation (photo 18). Les tuiles d'égout ont été sommairement scellées au mortier mais pas fixées au support. En effet, les tuiles de courant et les tuiles de couvert sont fiées à la volige au niveau du 2ème ou du 3ème rang (selon la géométrie de la volige) en partant de l'égout; les fixations sont rouillées (Photos 19 et 20). Il est constaté que les tuiles de couvert et de courant ne sont pas fixées outre le 2ème ou le 3ème rang (Photo 21). Une flache d'environ 4 cm est relevée sous la règle de 2 mètres (Photos 21 et 22). La pente de la volige est relevée à environ 42,6%.

- Concernant la ventilation de la couverture :

L'Expert de Justice n'a pas pu observer la présence de tuiles chatières sur les zones investiguées compte tenu de la présence de bâches'.

2 - sur la cause des désordres

L'expert a indiqué en pages 11 et 12 de son rapport que :

'en application des préconisations du fabricant MONIER (voir documentation technique comprenant les préconisations jointe à la présente Note de Synthèse), la pente des ouvrages support des tuiles relevée étant supérieure à 30 %, la fixation de tuiles de rives et d'égout est requise mais aussi la fixation des tuiles en partie courante de couverture.

En effet, les tuiles de courant doivent être fixées à l'aide de clous ou de crochets (galvanisé, inoxydable ou cuivre) à raison de 1 rang sur 6 et 1 tuile de couvert sur 8 doit être fixée par des crochets au support ou aux tuiles de courant.

L'insuffisance de fixation des tuiles par M. [B] explique le phénomène de glissement de celles-ci qui se retrouvant mal emboitées ne forment plus un ensemble homogène (garantissant la tenue aux intempéries) et ne peuvent donc plus garantir l'étanchéité de la toiture.

Par ailleurs, les tuiles ont été posées directement sur un support bois (voligeage) présentant de déformations de plus de 4 cm sous une règle de 2 m'.

Aucun élément des débats ne permet de réfuter cette appréciation de l'expert judiciaire.

Ces développements caractérisent un défaut de pose de la toiture.

3 - sur l'imputabilité des désordres

L'expert judiciaire a indiqué en page 12 de son rapport que :

'Concernant la couverture tuiles :

[...]

Pour rappel, un entrepreneur doit s'assurer que les conditions préalables à la pose sont satisfaites avant tout démarrage des travaux.

[...]

L'entreprise aurait donc dû à minima vérifier que la déformation des ouvrages existants servant de support entrait dans les tolérances du support pour la pose du type de couverture qu'il a retenu ce qui n'était pas le cas. Ainsi, M. [B] aurait dû aussi prévoir dans son devis une intervention sur les ouvrages support de la couverture.

M. [B] précise avoir proposé à Mme [C] des devis intégrant des travaux de reprise de charpente qui n'auraient pas été retenu car trop onéreux.

L'Expert de Justice rappelle à M. [B] qu'en tant que professionnel il a accepté le support en effectuant la pose des tuiles.

[...]

Il s'agit pour l'entreprise [B] d'une exécution défectueuse, non conforme aux règles de l'art et d'une pose sur un support non conforme aux Règles de l'Art. Les désordres induits rendent l'ouvrage impropre à destination.

Concernant les désordres intérieurs :

L'Expert de Justice a observé que les désordres allégués (infiltrations et moisissures) ont deux origines distinctes. En effet, l'Expert de Justice a relevé :

- un manque de ventilation à l'étage principalement dû au fait que les entrées d'air positionnées initialement dans les ouvrants des menuiseries en bois ont été obstruées lors de la pose de survitrage (Photos 7, 23 et 24).

- la présence d'auréoles au niveau des plafonds (étage et rez de chaussée), conséquence d'infiltrations en provenance de la couverture tuiles (Photos 3 à 7 et 9)

Il s'agit pour l'entreprise [B], d'infiltrations causées par l'exécution défectueuse, non conforme aux règles de l'art et de la pose de la couverture tuile sur un support non conforme aux Règles de l'Art.

Il s'agit d'apparition de moisissures suite à un défaut de ventilation des pièces de l'étage sans relation avec l'intervention de l'entreprise [B].

L.'Expert de Justice propose donc de répartir l'imputabilité des désordres intérieurs (réfection peintures plafonds) entre Mme [C] et l'entreprise [B] avec une part largement prépondérante pour l'entreprise'.

[W] [B] soutient avoir adressé à l'appelante 3 devis de travaux de :

- repassage de la toiture ;

- reprise de la charpente ;

- de pose d'un filet anti-moineaux.

Ces deux derniers devis n'ont pas été soumis à l'expert, ni versés aux débats.

Les désordres affectant la toiture sont imputables à [W] [B] qui, ayant accepté le support sur lequel il intervenait, n'a pas respecté les règles de l'art. Ils engagent sa responsabilité.

Les désordres intérieurs trouvent leur origine dans les infiltrations par la toiture. Aucun élément des débats n'établit qu'ils préexistaient. L'absence de ventilation n'a ainsi été qu'une cause d'aggravation des conséquences des infiltrations. Il n'y a dès lors pas lieu de limiter de ce chef l'indemnisation de l'appelante.

4 - qualification

La toiture, dès lors qu'elle n'assure pas le couvert, est impropre à sa destination.

Les désordres affectant l'ouvrage sont ainsi de nature décennale.

C - SUR LE PREJUDICE

Il résulte des développements précédents que [W] [B] est tenu de supporter le coût de reprise des désordres lui étant imputables.

1 - sur le préjudice matériel

Les travaux nécessaires à la reprises des désordres ont été décrits en ces termes en page 16 du rapport d'expertise :

'Concernant la couverture tuiles :

- Dépose de la couverture tuiles avec éventuel réemploi des tuiles.

- Préparation du support adapté à la couverture choisie par l'entreprise.

- Mise en oeuvre d'une couverture tuiles compris réfection des arases, ventilation de la couverture, etc....

Concernant les désordres intérieurs :

- Réfection des peintures des plafonds du premier étage (3 chambres, couloir débarras) et du couloir Rez de Chaussée.

- Reprise des plafonds plâtres suite à infiltrations dans chambres l et 2.

Estimation du coût des travaux nécessaires :

L'estimation du coût des travaux nécessaires ci-dessous est établie sur la base des devis remis à 1'Expert de Justice par Me [H] le 11 mars 2021 et par Me [D] le 19 mars 2021'.

L'expert judiciaire a, au vu des devis de travaux soumis par les parties, estimé comme suit le coût des travaux de reprise :

- 17.313 €, montant toutes taxes comprises, s'agissant de la reprise de la couverture ;

- 1.708,42 € (montant toutes taxes comprises) s'agissant de la reprise des embellissements intérieurs.

Ces montants, argumentés et qu'aucun élément des débats ne permet de réfuter, seront retenus.

L'appelante a par ailleurs dû faire bâcher sa toiture pour que cessent les infiltrations. La facture de bâchage en date du 22 octobre 2019 de la société Emtp Pasquet Stéphanie est d'un montant toutes taxes comprises de 734,80 €. [Z] [C] est fondée à demander à l'intimé de l'en indemniser.

Les intérêts de retard sont dus au taux légal à compter de la date du jugement.

2 - sur le préjudice de jouissance

L'appelante sollicite l'indemnisation d'un préjudice de jouissance.

Celui-ci a deux causes :

- les infiltrations par la toiture ayant dégradé son intérieur ;

- la durée des travaux de reprise, principalement ceux intérieurs.

L'expert a indiqué dans son rapport qu'aucun des devis remis n'avait mentionné la durée prévisible des travaux. Il n'a pas lui-même procédé à cette estimation.

Il convient, en considération de ces développements, d'évaluer à 2.500€ l'indemnisation à charge de l'intimé du préjudice de jouissance subi par l'appelante.

Les intérêts de retard sont dus au taux légal à compter de la date du présent arrêt.

D - SUR LE PERIMETRE DE LA SAISINE DE LA COUR

Le premier jage a condamné l'intimé au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi étant résulté du défaut de souscription d'une assurance de responsabilité décennale.

L'appelante n'a pas interjeté appel de ce chef du jugement.

L'intimé n'a pas formé appel incident de ce chef du jugement.

La cour n'est en conséquence pas saisie d'une contestation de ce chef de condamnation.

E - SUR LES DEPENS

La charge des dépens de première instance et d'appel incombe à [W] [B]. Ils incluent ceux de la procédure de référé et notamment le coût de l'expertise ordonnée par décision du 30 juin 2020.

F - SUR LES DEMANDES PRESENTEES SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE

Le jugement sera pour les motifs qui précèdent infirmé en ce qu'il a rejeté la demande présentée sur ce fondement par [Z] [C].

Il serait par ailleurs inéquitable et préjudiciable aux droits de l'appelante de laisser à sa charge les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens. Il sera pour ce motif fait droit à la demande formée de ce chef pour le montant ci-après précisé. Cette indemnité inclura le coût du procès-verbal de constat précité.

PAR CES MOTIFS

statuant dans les limites de l'appel interjeté, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

CONSTATE que la cour n'est pas saisie d'une contestation du jugement du 15 septembre 2023 du tribunal judiciaire de Saintes en ce qu'il :

'CONDAMNE [W] [B] à verser à [Z] [C] la somme de 1.000€ (MILLE EUROS) en réparation de son préjudice résultant du défaut d'assurance obligatoire de responsabilité décennale ;

INFIRME pour le surplus le jugement du 15 septembre 2023 du tribunal judiciaire de Saintes ;

et statuant à nouveau,

CONDAMNE [W] [B] à payer à titre de dommages et intérêts à [Z] [C] les sommes de :

- 17.313 € correspondant au coût toutes taxes comprises de la reprise de la couverture ;

- 1.708,42 € correspondant au coût toutes taxes comprises de la reprise des embellissements intérieurs ;

- 734,80 € correspondant au coût toutes taxes comprises de bâchage de l'habitation ;

avec intérêts de retard au taux légal à compter de la date du jugement ;

CONDAMNE [W] [B] à payer à titre de dommages et intérêts à [Z] [C] la somme de 2.500 € en réparation de son préjudice de jouissance, avec intérêts de retard au taux légal à compter de la date du présent arrêt ;

CONDAMNE [W] [B] aux dépens de première instance et d'appel incluant ceux de la procédure de référé et notamment le coût de l'expertise ordonnée par décision du 30 juin 2020 ;

CONDAMNE [W] [B] à payer à [Z] [C] la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT

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