CA Chambéry, 1re ch., 9 septembre 2025, n° 22/00801
CHAMBÉRY
Autre
Autre
IRS/SL
N° Minute
1C25/492
COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
Chambre civile - Première section
Arrêt du Mardi 09 Septembre 2025
N° RG 22/00801 - N° Portalis DBVY-V-B7G-G7OC
Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CHAMBERY en date du 24 Mars 2022
Appelants
Mme [GL] [ZR] veuve [N], demeurant [Adresse 17]
M. [FR] [N], demeurant [Adresse 15]
Représentés par la SCP GIRARD-MADOUX ET ASSOCIES, avocat au barreau de CHAMBERY
Mme [DD] [TA] veuve [E]
née le 09 Mai 1955 à [Localité 26], demeurant [Adresse 7]
Mme [LM] [I]
née le 27 Décembre 1972 à [Localité 36], demeurant [Adresse 9]
M. [WI] [M], demeurant [Adresse 12]
Mme [KO] [M], demeurant [Adresse 33]
Mme [DY] [M], demeurant [Adresse 14]
M. [AP] [M], demeurant [Adresse 33]
M. [P] [M], demeurant [Adresse 27]
M. [YB] [M], demeurant [Adresse 33]
Mme [S] [J] épouse [M]
née le 27 Juin 1937 à [Localité 31], demeurant [Adresse 21]
Mme [U] [IB]
née le 22 Août 1950 à [Localité 40], demeurant [Adresse 20]
M. [X] [IB]
né le 09 Mars 1988 à [Localité 28] (BRESIL), demeurant [Adresse 20]
Mme [T] [L] épouse [CT]
née le 09 Août 1969 à [Localité 38], demeurant [Adresse 22]
M. [R] [CT]
né le 09 Février 1965 à [Localité 24], demeurant [Adresse 22]
S.C.I. [Adresse 32], dont le siège social est situé [Adresse 5]
Représentés par la SELARL MLB AVOCATS, avocats postulants au barreau de CHAMBERY
Représentés par la SELARL ROBICHON & ASSOCIES, avocats plaidants au barreau de GRENOBLE
M. [NX] [OV]
né le 17 Avril 1980 à [Localité 39], demeurant [Adresse 16]
Mme [JU] [K]
née le 11 Septembre 1979 à [Localité 37], demeurant [Adresse 16]
Représentés par la SELARL BOLLONJEON, avocats postulants au barreau de CHAMBERY
Représentés par Me Isabelle BRESSIEUX, avocat plaidant au barreau d'ANNECY
Intimées
MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS, dont le siège social est situé [Adresse 8]
Représentée par la SCP BESSAULT MADJERI SAINT-ANDRE, avocats postulants au barreau de CHAMBERY
Représentée par la SELARL AEDES JURIS, avocats plaidants au barreau de PARIS
S.A.S. SARETEC FRANCE, dont le siège social est situé [Adresse 23]
Représentée par la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE-CHAMBERY, avocats postulants au barreau de CHAMBERY
Représentée par la SELARL GALDOS & BELLON, avocats plaidants au barreau de PARIS
S.A. AXA FRANCE IARD, dont le siège social est situé [Adresse 13]
Représentée par Me Bérangère HOUMANI, avocat postulant au barreau de CHAMBERY
Représentée par la SELARL DENIAU AVOCATS GRENOBLE, avocats plaidants au barreau de GRENOBLE
S.A.S. SOCOTEC, dont le siège social est situé [Adresse 19]
Représentée par la SELARL VIARD-HERISSON GARIN, avocats postulants au barreau de CHAMBERY
Représentée par la SELARL PVBF, avocats plaidants au barreau de LYON
Société PROCIVIS SAVOIE, dont le siège social est situé [Adresse 2]
Représentée par la SELARL CABINET COMBAZ, avocats au barreau de CHAMBERY
Compagnie d'assurance ALLIANZ IARD, dont le siège social est situé [Adresse 1]
Représentée par la SCP CABINET DENARIE BUTTIN PERRIER GAUDIN, avocats au barreau de CHAMBERY
S.A.S. GINGER CEBTP, dont le siège social est situé [Adresse 3]
Représentée par Me Clarisse DORMEVAL, avocat postulant au barreau de CHAMBERY
Représentée par la SELARL OMEN AVOCATS, avocats plaidants au barreau de PARIS
S.A. GMF ASSURANCES, dont le siège social est situé [Adresse 4]
S.A. MAAF ASSURANCES, dont le siège social est situé [Adresse 30]
Représentées par la SELARL JURISOPHIA SAVOIE, avocats au barreau de CHAMBERY
Compagnie d'assurance AREAS DOMMAGES, dont le siège social est situé [Adresse 18]
Représentée par la SAS MERMET & ASSOCIES, avocats au barreau de THONON-LES-BAINS
S.A. FILIA MAIF, dont le siège social est situé [Adresse 11]
Représentée par la SCP LE RAY BELLINA DOYEN, avocats au barreau de CHAMBERY
Société MACIF - MUTUELLE ASSURANCE DES COMMERCANTS ET INDUSTRIELS DE FRANCE, dont le siège social est situé [Adresse 10]
Représentée par la SELARL ENOTIKO AVOCATS, avocats postulants au barreau de CHAMBERY
Représentée par Me Alexia JACQUOT, avocat plaidant au barreau de GRENOBLE
S.A.S. KEOPS INGENIERIE, dont le siège social est situé [Adresse 6]
Sans avocat constitué
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Date de l'ordonnance de clôture : 17 Février 2025
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 04 mars 2025
Date de mise à disposition : 09 septembre 2025
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Composition de la cour :
- Mme Nathalie HACQUARD, Présidente,
- M. Guillaume SAUVAGE, Conseiller,
- Mme Inès REAL DEL SARTE, Magistrat Honoraire,
avec l'assistance lors des débats de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,
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Faits et procédure
Au cours de l'année 1981, la SCI [Adresse 34] a entrepris la construction d'un ensemble de 37 pavillons dénommés [Adresse 34], sur un terrain constitué d'une ancienne carrière remblayée, à [Localité 24], pour un coût total de 12 050 785 Francs TTC.
Pour cette opération immobilière, la SCI [Adresse 34] a souscrit auprès de la société Mutuelles Unies aux droits de laquelle se trouve la société Axa France une assurance dommages-ouvrage n° 7145794.
Sont notamment intervenus à la construction :
- M. [N] [CI] et M. [UT], architectes à qui une mission de maîtrise d''uvre complète a été confiée,
- la société Socotec en qualité de bureau de contrôle avec une mission de solidité,
- M. [D] devenu la société Keops en qualité d'ingénieur béton armé,
- M. [O] et la SCP Geode en qualité de géomètres,
- la société Cacciatore en charge du lot gros 'uvre,
- la société CEBTP devenue Ginger CEBTP géotechnicien,
- la société Grosjean en charge du lot terrassement,
La déclaration d'ouverture de chantier est en date du 16 juillet 1981 et la réception a été prononcée selon les villas :
- le 29 juillet 1982 pour le lot 31, propriété [E],
- le 2 septembre 1982 pour le lot 30, propriété [F],
- le 26 mai 1983 le lot 2, propriété [M],
- le 14 décembre 1984 pour le lot 1, propriété [CT].
Le lotissement a été réceptionné le 11 avril 1984.
Se sont portés acquéreurs de lots :
- M. et Mme [E] du lot n°31, par acte du 19 décembre 1986, assurés auprès de la société GMF au titre d'une assurance habitation,
- M. et Mme [M] du lot n°2, par acte du 31 octobre 1984, assurés auprès de la société Areas, au titre d'une assurance habitation,
- la SCI [Adresse 32], du lot n°32 par acte du 6 juillet 2000, assurée auprès de la société Macif au titre d'une assurance habitation,
- Mme [IB] du lot n°3 par acte du 25 septembre 2005 et son fils M. [X] [IB] par acte de donation du 30 octobre 2014, assurés auprès de la société GMF, au titre d'une assurance habitation,
- M. et Mme [CT], du lot n°1 par acte du 2 décembre 2005, assurés auprès de la société MAAF Assurances, au titre d'une assurance habitation,
- M. et Mme [F], du lot n°30, par acte du 24 mai 2006, assurée auprès de la société Filia Maif, au titre d'une assurance habitation.
En 1987, plusieurs maisons ont présenté des fissures en façades et une déclaration de sinistre a été effectuée auprès de l'assureur dommage-ouvrage AXA par M. [E].
La société Saretec France, qui a été missionnée en qualité d'expert assurance dommage ouvrage, a estimé que les fissures étaient dues à un phénomène de retrait du béton.
Le 21 janvier 1988, l'assureur dommage ouvrage a refusé sa garantie au motif que les désordres étaient purement esthétiques et qu'ils n'affectaient pas la solidité de l'ouvrage.
Les désordres se sont amplifiés et sont apparus sur plusieurs maisons du lotissement dans le courant de l'année 2008.
A la requête de M. [E], M. [A] ingénieur génie civil et expert auprès de la cour d'appel de Chambéry a procédé à l'examen de la maison de ce dernier ainsi que de celles de MM [RK] et [Z] pour les maisons voisines et a établi un rapport en date du 29 février 2008.
Il a constaté un phénomène de fissuration important dû, selon lui, à un tassement du sol de ces trois constructions situées au point bas du drainage naturel du terrain reconstitué, précisant que le glissement du terrain déstabilisait le plan de fondation et que la fissuration de la structure des maçonneries, se produisait à l'endroit où l'on aurait pu mettre un joint de dilatation. Il a conseillé aux trois propriétaires concernés, de déclarer à nouveau ce sinistre à l'assureur dommages ouvrage.
En avril 2009, le cabinet Egsol a établi un diagnostic geotechnique des pavillons de M. [RK] et M. [E], aux termes duquel il a constaté que le mode de fondations des pavillons était hétérogène, d'une épaisseur variable et reposant sur des remblais peu résistants à dominante sableuse ou sable argileuse et à graves et débris divers (béton enrobé, bois, briques, câbles')
Les trois sondages pressiométriques réalisés ont confirmé des remblais à dominante sablo - graveleuse sur environ 15 mètres d'épaisseur en certains endroits.
Par ordonnance du 1er avril 2010, le juge des référés du tribunal de grande instance de Chambéry, saisi à la requête des époux [E], [F], [B], [Z], de Mme [V], de M. [CT] et de la SCI [Adresse 32] a ordonné une expertise confiée à M. [G], au contradictoire des parties suivantes :
- Procivis Savoie, associée unique de la SCI [Adresse 34], promoteur,
- la Communauté d'agglomération du lac du Bourget,
- la Saur,
- la commune d'[Localité 24],
- la société AXA venant aux droits de la compagnie Mutuelles Unies, prise en sa qualité d'assureur DO,
- la société Allianz venant aux droits d'AGF, en qualité d'assureur de l'association syndicale libre.
Par ordonnance en date du 2 novembre 2010 rectifiée le 11 janvier 2011, puis le 8 mars 2011, le juge des référés a déclaré recevable l'intervention volontaire de M. [HG] [M] et Mme [S] [J] épouse [M], usufruitiers, MM. [WI] et [YW] [M] nu-propriétaires, les consorts [N] et l'ASL du [Adresse 34], au contradictoire de la société Procivis, de la communauté d'agglomération du Lac du Bourget, de la SAUR et de la société Allianz, à la procédure d'expertise ordonnée le 1er avril 2010.
Par arrêt du 24 mai 2011, la cour d'appel de Chambéry statuant sur l'appel interjeté par la société Procivis de l'ordonnance du 9 novembre 2010, a donné acte à cette dernière de son désistement d'appel contre la société Geode, et dit que les opérations d'expertise confiées à M. [G] par ordonnance du 1er avril 2010, se poursuivrait en présence de MM. [O], [D] et des sociétés Keops, Grosjean et Socotec.
Par ordonnance du 6 septembre 2011, le juge des référés a étendu, à la demande de Mme [IB], les opérations d'expertise à la société AXA, et ordonné la poursuite des opérations d'expertise au contradictoire de cette dernière, ordonnance qui a été infirmé par arrêt en date du 21 février 2012 de la présente cour (pièce AXA n° 8), laquelle a mis hors de cause cette société, faute par Mme [IB] d'avoir effectué une déclaration de sinistre dans les formes des articles L 242-1 et A 243-1 du code des assurances, avant l'expiration d'une période de dix ans à compter de la réception, rendant nécessairement irrecevable toute action dirigée à l'encontre de l'assureur dommages-ouvrage.
Par ordonnance en date du 13 mai 2014, le juge des référés du tribunal de grande instance de Chambéry, saisi à la requête des consorts [E], [F], [M], de la SCI [Adresse 32], de l'ASL [Adresse 34] et de Mme [IB], a étendu les opérations d'expertise à la recherche des causes de l'interaction entre les maisons et a déclaré les opérations d'expertise opposables à :
- La compagnie GMF assureur multirisques habitation de Mme [IB], et des époux [E],
- La société Areas, assureur multirisque habitation des époux [M],
- La société Filia Maif, assureur multirisques habitation des époux [F],
- La Macif, assureur multirisques habitation de la SCI [Adresse 32],
- La société Maaf, assureur multirisques habitation des époux [CT].
Par ordonnance en date du 26 janvier 2016, le juge des référés du tribunal de grande instance de Chambéry, statuant à la requête de Mme [E], des époux [F], des consorts [M], des consort [IB], de la SCI [Adresse 32] et de l'ASL [Adresse 34], a déclaré les opérations d'expertise communes et opposables à M. [NX] [OV], Mme [K] et Mme [Y].
Saisi à la requête de la société Filia Maif suivant requête en date du 17 mai 2016, le juge des référés a ordonné l'extension de la mission de l'expert M. [G] au chiffrage de la valeur vénale des biens sinistrés, sans tenir compte des désordres les affectant.
Enfin, suivant ordonnance en date du 14 février 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Chambéry, saisi à la requête des consorts [E], [F], [M], [IB], [CT], de la SCI [Adresse 32], a déclaré les opérations d'expertise judiciaire en cours, communes et opposables à la société Ginger CEBTP.
L'expert a déposé son rapport définitif le 29 mars 2019.
C'est dans ces conditions, que suivant exploits d'huissier des 28, 29, 31 mai 2019, 3, 4 et 25 juin 2019, Mme [DD] [E], M. [H] [F], Mme [LM] [I], la SCI [Adresse 32], M. [HG] [M], Mme [S] [J] épouse [M], Mme [U] [IB], M. [X] [IB], M. [R] [CT], et Mme [T] [L] ont fait assigner la société Procivis Savoie, la société Axa France Iard, la société Allianz iard, la société Saretec France, la société GMF Assurances, la société d'assurance mutuelle Areas Dommages, la société Maif Filia, la société Maaf, la Macif, la société Ginger CEBTP devant le tribunal de grande instance de Chambéry.
L'affaire a été enrôlée sous le numéro RG 19/971.
Par actes délivrés les 19 et 22 juillet 2019, la société Ginger CEBTP a appelé en la cause la société Procivis Savoie, la compagnie Mutuelle des Architectes Français (ci-après la MAF), la société Socotec, la société Axa France Iard, la société Keops Ingénierie.
L'affaire a été enrôlée sous le numéro RG 19/1244.
Suivant ordonnance en date du 19 mars 2020, le juge de la mise en état a prononcé la jonction des deux affaires.
Suivant conclusions parvenues au greffe du tribunal le 19 mars 2020, Mme [GL] [ZR] veuve [N] et M. [FR] [N] sont intervenus volontairement à l'instance.
Suivant conclusions parvenues au greffe du tribunal le 22 juillet 2021, M. [NX] [OV] et Mme [JU] [K] sont intervenus volontairement à l'instance.
Par jugement du 24 mars 2022, le tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire de Chambéry, a :
- Rejeté la demande de rabat de l'ordonnance de clôture,
- Rejeté l'ensemble des conclusions qui ont été déposées par les parties après les dates qui leur ont été imparties par le calendrier de procédure notifié aux parties le 26 mai 2021 ;
- Prononcé la mise hors de cause de M. [H] [F] ;
- Constaté l'intervention volontaire de Mme [GL] [ZR] veuve [N] et M. [FR] [N] ;
- Constaté l'intervention volontaire de M. [NX] [OV] et Mme [JU] [K] ;
- Déclaré irrecevable pour cause de prescription, l'action de Mme [DD] [E], Mme [LM] [I], la SCI [Adresse 32], M. [WI] [M], Mme [KO] [M], Mme [DY] [M], M. [AP] [M], M. [P] [M], M. [YB] [M], Mme [S] [M] née [J], Mme [U] [IB], M. [X] [IB], M. [R] [CT] et Mme [T] [L] épouse [CT], Mme [GL] [ZR] veuve [N] et M. [FR] [N], M. [OV] et Mme [K] à l'encontre de la société Axa France Iard ;
- Rejeté l'action de Mme [DD] [E], Mme [LM] [I], la SCI [Adresse 32], M. [WI] [M], Mme [KO] [M], Mme [DY] [M], M. [AP] [M], M. [P] [M], M. [YB] [M], Mme [S] [M] née [J], Mme [U] [IB], M. [X] [IB], M. [R] [CT], et Mme [T] [L] épouse [CT], Mme [GL] [ZR] veuve [N] et M. [FR] [N], M. [OV] et Mme [K] fondée sur la faute dolosive de la société Axa France Iard ;
- Déclaré irrecevable pour cause de prescription, l'action de Mme [DD] [TA] veuve [E], Mme [LM] [I], la SCI [Adresse 32], M. [WI] [M], Mme [KO] [M], Mme [DY] [M], M. [AP] [M], M. [P] [M], M. [YB] [M], Mme [S] [M] née [J], Mme [U] [IB], M. [X] [IB], M. [R] [CT], et Mme [T] [L] épouse [CT], Mme [GL] [ZR] veuve [N] et M. [FR] [N], M. [OV] et Mme [K] à l'encontre de la SAS Procivis Savoie ;
- Déclaré irrecevable pour cause de prescription, l'action de Mme [DD] [TA] veuve [E], Mme [LM] [I], la SCI [Adresse 32], M. [WI] [M], Mme [KO] [M], Mme [DY] [M], M. [AP] [M], M. [P] [M], M. [YB] [M], Mme [S] [M] née [J], Mme [U] [IB], M. [X] [IB], M. [R] [CT], et Mme [T] [L] épouse [CT], Mme [GL] [ZR] veuve [N] et M. [FR] [N], M. [NX] [OV] et Mme [JU] [K] à l'encontre de la société Ginger CEBTP ;
- Déclaré irrecevable pour cause de prescription, l'action de Mme [DD] [TA] veuve [E], Mme [LM] [I], la SCI [Adresse 32], M. [WI] [M], Mme [KO] [M], Mme [DY] [M], M. [AP] [M], M. [P] [M], M. [YB] [M], Mme [S] [M] née [J], Mme [U] [IB], M. [X] [IB], M. [R] [CT], et Mme [T] [L] épouse [CT], Mme [GL] [ZR] veuve [N] et M. [FR] [N], M. [NX] [OV] et Mme [JU] [K] à l'encontre de la société Saretec ;
- Déclaré irrecevable pour cause de défaut de qualité à agir, l'action de Mme [S] [J] épouse [M] à l'encontre de la société d'assurance mutuelle Areas Dommages ;
- Dit que la prescription de deux années est inopposable par la société d'assurance mutuelle Areas Dommages, à M. [WI] [M], Mme [KO] [M], Mme [DY] [M], M. [AP] [M], M. [P] [M] et M. [YB] [M] ;
- Déclaré en conséquence recevable l'action de M. [WI] [M], Mme [KO] [M], Mme [DY] [M], M.[AP] [M], M. [P] [M] et M. [YB] [M] à l'encontre de la société d'assurance mutuelle Areas Dommages ;
- Déclaré en conséquence recevable l'action de M. et Mme [CT] à l'encontre de la société d'assurance mutuelle Areas Dommages ;
- Déclaré en conséquence recevable l'action de Mme [IB] et de M. [X] [IB] à l'encontre de la société d'assurance mutuelle Areas Dommages
- Dit que la prescription de deux années est inopposable par la société Macif, à la SCI [Adresse 32] ;
- Déclaré en conséquence recevable l'action de la SCI [Adresse 32] à l'encontre de la société Macif,
- Déclaré recevable l'action de Mme [DD] [TA] veuve [E] à l'encontre de la SA Macif ;
- Déclaré irrecevable pour cause de prescription l'action de Mme [DD] [TA] veuve [E], Mme [U] [IB], M. [X] [IB], M. [R] [CT], et Mme [T] [L] épouse [CT], Mme [LM] [I], M. [WI] [M], Mme [KO] [M], Mme [DY] [M], M. [AP] [M], M. [P] [M] et M. [YB] [M], la SCI [Adresse 32] à l'encontre de la société MAAF Assurances et de la société GMF Assurances ;
- Déclaré irrecevable pour cause de prescription l'action de Mme [LM] [I] à l'encontre de la société Filia Maif ;
- Dit qu'il n'appartient pas au tribunal de relever d'office la question du conflit d'intérêt potentielle et que cette difficulté ne relève pas de la présente juridiction ;
- Débouté Mme [DD] [E], Mme [LM] [I], la SCI [Adresse 32], M. [HG] [M], Mme [S] [J] épouse [M], Mme [U] [IB], M. [X] [IB], M. [R] [CT], et Mme [T] [L] épouse [CT], Mme [GL] [ZR] veuve [N] et M. [FR] [N], M. [VN] [OV] et Mme [JU] [K] de leurs demandes formées à l'encontre de la société Allianz Iard ;
- Dit qu'un aléa existait au moment de la conclusion du contrat entre la SCI [Adresse 32] et la société Macif, que le contrat est donc valable ;
- Dit que la société Macif ne doit pas sa garantie au titre de la garantie « dégâts des eaux » ;
- Dit que la responsabilité de la SCI [Adresse 32] n'est pas engagée au titre de la responsabilité du fait de la ruine des bâtiments ;
- Dit que la responsabilité de la SCI [Adresse 32] n'est pas engagée au titre de la responsabilité du fait des choses ;
- Dit que la responsabilité de la SCI [Adresse 32] n'est pas engagée au titre des troubles anormaux de voisinage ;
- Dit qu'en conséquence la société Macif ne doit pas sa garantie ;
- Dit qu'un aléa existait au moment de la conclusion du contrat d'assurance avec la société d'assurance mutuelle Areas Dommages, que le contrat est donc valable ;
- Dit que la société d'assurance mutuelle Areas Dommages, ne doit pas sa garantie au titre de la garantie « dégâts des eaux » ;
- Dit que la responsabilité des consorts [M] n'est pas engagée au titre de la responsabilité du fait de la ruine des bâtiments ;
- Dit que la responsabilité de consorts [M] n'est pas engagée au titre de la responsabilité du fait des choses ;
- Dit que la responsabilité des consorts [M] n'est pas engagée au titre des troubles anormaux de voisinage ;
- Dit qu'en conséquence la société d'assurance mutuelle Areas Dommages, ne doit pas sa garantie,
- Débouté Mme [DD] [E], Mme [LM] [I], la SCI [Adresse 32], M. [HG] [M], Mme [S] [J] épouse [M], Mme [U] [IB], M. [X] [IB], M. [R] [CT], et Mme [T] [L], Mme [GL] [ZR] et M. [FR] [N], M. [NX] [OV] et Mme [JU] [K] de leurs demandes de dommages et intérêts ;
- Rejeté la demande reconventionnelle de dommages et intérêts formulée par la société Saretec France ;
- Condamné in solidum Mme [DD] [E], Mme [LM] [I], la SCI [Adresse 32], M. [HG] [M], Mme [S] [J] épouse [M] , Mme [U] [IB], M. [X] [IB], M. [R] [CT], et Mme [T] [L], Mme [GL] [ZR] veuve [N] et M. [FR] [N], M. [NX] [OV] et Mme [JU] [K] à payer les sommes suivantes au titre de l'article 700 du code de procédure civile :
- 3.000 euros à la société d'assurances mutuelles Areas Dommages
- 3.000 euros à la société Macif,
- 1.000 euros à la société Allianz Iard,
- 1.000 euros à la société Socotec Construction,
- 3.000 euros à la société Saretec,
- 2.000 euros à la société Mutuelle des Architectes Français,
- 2.000 euros indivisément à la société GMF Assurances et la SA Maaf Assurances,
- 2.000 euros à la société Axa France Iard,
- 3.000 euros à la société Ginger CEBTP,
- 3.000 euros à la société Procivis Savoie,
- 2.000 euros à la société Filia Maif ;
- Débouté Mme [DD] [E], Mme [LM] [I], la SCI [Adresse 32], M. [HG] [M], Mme [S] [J] épouse [M], Mme [U] [IB], M. [X] [IB], M. [R] [CT], et Mme [T] [L] épouse [CT], Mme [GL] [ZR] veuve [N] et M. [FR] [N], M. [NX] [OV] et Mme [JU] [K] de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné in solidum Mme [DD] [E], Mme [LM] [I], la SCI [Adresse 32], M. [HG] [M], Mme [S] [J] épouse [M], Mme [U] [IB], M. [X] [IB], M. [R] [CT], et Mme [T] [L] épouse [CT], Mme [GL] [ZR] veuve [N] et M. [FR] [N], M. [NX] [OV] et Mme [JU] [K] aux entiers dépens de l'instance ;
- Accordé à la société Mermet et Associes, Me Rosado, la société Viard Herisson-Garin, la société Cochet-Barbuat, Me Houmani, la société Le Ray Bellina le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
- Rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties.
Par déclaration au greffe du 6 mai 2022, Mme [DD] [E], Mme [LM] [I], la SCI [Adresse 32], M. [WI] [M], ès qualité de nu- propriétaire et ès qualités d'héritier de M. [HG] [M], Mmes [KO], [DY] et MM. [AP], [P], [YB] [M], ès qualités d'héritiers de M. [VN] [YB] [M], Mme [S] [J] épouse [M], Mme [U] [IB], M. [X] [IB], M. [R] [CT], et Mme [T] [L] épouse [CT] ont interjeté appel de la décision en intimant :
- la société Procivis Savoie,
- la société Allianz iard,
- la société Ginger CEBTP,
- la société GMF assurances,
- la société Areas dommages,
- la société Filia Maif,
- la société Maaf assurances,
- la Macif,
en ce que la décision a :
- déclaré irrecevable pour cause de prescription, l'action de Mme [DD] [TA] née [E], Mme [LM] [I], la SCI [Adresse 32], M. [WI] [M], Mme [KO] [M], Mme [DY] [M], M. [AP] [M], M. [P] [M], M. [YB] [M], Mme [S] [M] née [J], Mme [U] [IB], M. [X] [IB], M. [R] [CT], et Mme [T] [L] épouse [CT], Mme [GL] [ZR] veuve [N] et M. [FR] [N], M. [VN] [OV] et Mme [JU] [K] à l'encontre de la SAS Procivis Savoie ;
- déclaré irrecevable pour cause de prescription, l'action de Mme [DD] [TA] née [E], Mme [LM] [I], la SCI [Adresse 32], M. [WI] [M], Mme [KO] [M], Mme [DY] [M], M. [AP] [M], M. [P] [M], M. [YB] [M], Mme [S] [M] née [J], Mme [U] [IB], M. [X] [IB], M. [R] [CT], et Mme [T] [L] épouse [CT], Mme [GL] [ZR] veuve [N] et M. [FR] [N], M. [VN] [OV] et Mme [JU] [K] à l'encontre de la société Ginger CEBTP ;
- déclaré irrecevable pour cause de défaut de qualité à agir, l'action de Mme [S] [J] à l'encontre de la société d'assurance mutuelle Areas Dommages ;
- déclaré irrecevable pour cause de prescription l'action de Mme [DD] [TA] née [E], Mme [U] [IB], M. [X] [IB], M. [R] [CT], et Mme [T] [L] épouse [CT], Mme [LM] [I], M. [WI] [M], Mme [KO] [M], Mme [DY] [M], M. [AP] [M], M. [P] [M] et M. [YB] [M], la SCI [Adresse 32] à l'encontre de la société Maaf Assurances et de la société GMF Assurances ;
- déclaré irrecevable pour cause de prescription l'action de Mme [LM] [I] à l'encontre de la société Filia Maif ;
- débouté Mme [DD] [E], Mme [LM] [I], la SCI [Adresse 32], M. [HG] [M], Mme [S] [J], Mme [U] [IB], M. [X] [IB], M. [R] [CT], et Mme [T] [L] épouse [CT], Mme [GL] [ZR] et M. [FR] [N], M. [VN] [OV] et Mme [JU] [K] de leurs demandes formées à l'encontre de la société Allianz Iard ;
- dit que la société Macif ne doit pas sa garantie au titre de la garantie « dégâts des eaux » ;
- dit que la responsabilité de la SCI [Adresse 32] n'est pas engagée au titre de la responsabilité du fait de la ruine des bâtiments ;
- dit que la responsabilité de la SCI [Adresse 32] n'est pas engagée au titre de la responsabilité du fait des choses
- dit que la responsabilité de la SCI [Adresse 32] n'est pas engagée au titre des troubles anormaux de voisinage ;
- dit qu'en conséquence la société Macif ne doit pas sa garantie ;
- débouté Mme [DD] [E], Mme [LM] [I], la SCI [Adresse 32], M. [HG] [M], Mme [S] [J], Mme [U] [IB], M. [X] [IB], M. [R] [CT], et Mme [T] [L], Mme [GL] [ZR] et M. [FR] [N], M. [VN] [OV] et Mme [JU] [K] de leurs demandes de dommages et intérêts ;
- condamné in solidum Mme [DD] [E], Mme [LM] [I], la SCI [Adresse 32], M. [HG] [M], Mme [S] [J], Mme [U] [IB], M. [X] [IB], M. [R] [CT], et Mme [T] [L], Mme [GL] [ZR] et M. [FR] [N], M. [VN] [OV] et Mme [JU] [K] à payer les sommes suivantes au titre de l'article 700 du code de procédure civile :
- 3.000 euros à la société d'assurances mutuelles Areas Dommages
- 3.000 euros à la société Macif,
- 1.000 euros à la société Allianz Iard,
- 2.000 euros indivisément à la société Gmf Assurances et la SA Maaf Assurances,
- 3.000 euros à la société Ginger Cebtp,
- 3.000 euros à la société Procivis Savoie,
- 2.000 euros à la société Filia Maif ;
- débouté Mme [DD] [E], Mme [LM] [I], la SCI [Adresse 32], M. [HG] [M], Mme [S] [J], Mme [U] [IB], M. [X] [IB], M. [R] [CT], et Mme [T] [L], Mme [GL] [ZR] et M. [FR] [N], M. [VN] [OV] et Mme [JU] [K] de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné in solidum Mme [DD] [E], Mme [LM] [I], la SCI [Adresse 32], M. [HG] [M], Mme [S] [J], Mme [U] [IB], M. [X] [IB], M. [R] [CT], et Mme [T] [L], Mme [GL] [ZR] et M. [FR] [N], M. [VN] [OV] et Mme [JU] [K] aux entiers dépens de l'instance ;
- accordé à la société Mermet et Associes, Me Rosado, la société Viard Herisson-Garin, la société Cochet-Barbuat, Me Houmani, la société le Ray Bellina le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'affaire a été enrôlée sous le numéro 22-801.
Par déclaration au greffe du 12 mai 2022, Mme [GL] [ZR] veuve [N] et M. [FR] [N] ont interjeté appel de la décision en intimant :
- la société Procivis Savoie,
- la société Allianz iard,
- la société Ginger CEBTP
et en critiquant les dispositions du jugement qui ont :
- déclaré irrecevable pour cause de prescription, leurs action dirigée à l'encontre de la société Procivis Savoie,
- déclaré irrecevable pour cause de prescription, leur action dirigée à l'encontre de la société Ginger CEBTP,
- rejeté leurs demandes dirigées à l'encontre de la société Allianz iard, et rejeté leurs demandes de dommages et intérêts,
- condamné in solidum ces derniers avec les autres demandeurs à payer diverses sommes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné in solidum ces derniers avec les autres demandeurs aux entiers dépens de l'instance ;
- rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties.
L'affaire a été enrôlée sous le numéro 22/850.
Par déclaration au greffe du 13 mai 2022, M. [NX] [OV] et Mme [JU] [K] ont interjeté appel de la décision en intimant :
- la société Procivis Savoie,
- la société Ginger CEBTP,
- la société Axa France iard,
- la société Saretec et Allianz iard en ce que cette décision a :
- déclaré irrecevable pour cause de prescription, leur action dirigée contre la société Axa France iard,
- rejeté leur action fondée sur la faute dolosive de la société Axa France Iard ;
- déclaré irrecevable pour cause de prescription, leur action dirigée à l'encontre de la société Procivis Savoie
- déclaré irrecevable pour cause de prescription, leur action dirigée contre la société Ginger CEBTP
- déclaré irrecevable pour cause de prescription, leur action dirigée à l'encontre de la société Saretec,
- rejeté leurs demandes dirigées à l'encontre de la société Allianz Iard ;
- rejeté leurs demandes indemnitaires,
- condamné in solidum ces derniers avec les autres demandeurs à payer aux défendeurs des sommes au titre des indemnités procédurales, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance,
- rejeté leurs demandes au titre d'une indemnité procédurale,
- rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties.
L'affaire a été enrôlée sous le numéro 22 863.
Les instances ont été jointes le 2 mars 2023 sous le seul numéro RG 22-801.
Prétentions et moyens des parties
Vu les conclusions d'appelant n°1 de Mme [GL] [ZR] veuve [N] et de M. [FR] [N], règulièrement notifiées par voie de communication électronique, le 19 juillet 2022, dans la procédure n°22/850,
Vu les dernières écritures de la société Saretec, régulièrement notifiées par voie communication électronique le 13 janvier 2023 dans les procédures n° 22/801 et 22/863 et le 1er février 2023 dans la procédure n°22/850,
Vu les dernières écritures de la société Axa, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, le 23 août 2024,
Vu les dernières écritures de la société Maif, venant aux droits de la société Filia Maif, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, le 29 novembre 2024,
Vu les dernières écritures de la société Socotec, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, le 3 décembre 2024,
Vu les dernières écritures de la société Areas dommages, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, le 30 janvier 2025,
Vu les dernières écritures des sociétés GMF et MAAF, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, le 4 février 2025,
Vu les dernières écritures, de Mme [DD] [TA] veuve [E], Mme [LM] [I] divorcée [F], la SCI [Adresse 32], M. [WI] [M], ès qualité de nu-propriétaire et d'héritier de M. [HG] [M], de Mmes [KO], [DY] et MM. [AP], [P], [YB] [M], ès qualités d'héritiers de M. [VN] [YB] [M], de Mme [U] [IB], M. [X] [IB], M. [R] [CT], et Mme [T] [L] divorcée [CT], régulièrement notifiées par voie de communication électronique, le 5 février 2025,
Vu les dernières écritures du 5 février 2025, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, de M. [OV] et Mme [K],
Vu les dernières écritures du 5 février 2025, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, de la société Allianz Iard,
Vu les dernières écritures du 5 février 2025, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, de la société Macif,
Vu les dernières écritures du 5 février 2025, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, de la société Procivis Savoie,
Vu les dernières écritures du 5 février 2025, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, par la société MAF,
Vu les dernières écritures du 6 février 2025, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, de la société Ginger Cebtp,
La société Keops n'a pas constitué avocat.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.
Une ordonnance du 17 février 2025 a clôturé l'instruction de la procédure. L'affaire a été plaidée à l'audience du 4 mars 2025.
Motifs et décision
I - Sur les actions à l'encontre des constructeurs et leurs assureurs
1) Sur l'action à l'encontre de la société Procivis Savoie
Les colotis, font valoir d'une part la faute dolosive de la SCI [Adresse 34], d'autre part la responsabilité de cette dernière sur le fondement de la garantie des vices cachés, dont son associée unique la société Procivis serait tenue de répondre.
Sur la recevabilité de l'action à l'encontre de la société Procivis Savoie associée unique de la SCI
Ainsi que l'indiquent les parties, la SCI [Adresse 34] a été constituée, à l'origine, entre deux associés, le Crédit immobilier de Savoie, et l'Union savoisienne de crédit immobilier, la première société ayant absorbé la seconde le 6 novembre 1984, pour ensuite changer de dénomination sociale et devenir la société Procivis Savoie.
Sur la nature de l'obligation subsidiaire au paiement des dettes sociales
Les sociétés civiles de construction-vente dont l'objet est de construire un ou plusieurs immeubles en vue de leur vente en totalité ou par fractions, sont régies par les dispositions particulières des articles L 211-1 à L 211-4 du code de la construction et de l'habitation qui sont d'ordre public (article L 211-4), mais également par les articles 1832 à 1870-1 du code civil qui concernent les sociétés civiles de droit commun, en ce sens que tout ce à quoi il n'est pas dérogé par les dispositions particulières du code de la construction et de l'habitation est soumis au droit commun des sociétés civiles.
En effet, l'article L 211-1 du code de la construction et de l'habitation, dispose que les sociétés civiles dont l'objet est de construire un ou plusieurs immeubles en vue de leur vente en totalité ou par fractions sont régies d'une part, par les chapitres I et II du titre IX du livre III du code civil, d'autre part, par les dispositions du chapitre I du titre I du livre II du code de la construction et de l'habitation.
L'article L 211-2 du CCH, issu de la loi n°71-579 du 16 juillet 1971 énonce :
« Les associés sont tenus du passif social sur leurs biens à proportion de leurs droits sociaux.
Les créanciers de la société ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu'après mise en demeure adressée à la société et restée infructueuse. A cet effet le représentant légal de la société est tenu de communiquer à tout créancier social qui en fera la demande le nom et le domicile, réel ou élu, de chacun des associés.
Les associés ne peuvent être poursuivis à raison des obligations résultant des articles 1642-1 et 1646-1 du code civil, reproduits aux articles L 261-5 et L 261-6 du présent code, qu'après mise en demeure infructueuse adressée à la société si le vice n'a pas été réparé, ou adressée soit à la société, soit à la compagnie d'assurance qui garantit la responsabilité de celle-ci, si le créancier n'a pas été indemnisé. »
L'article 1858 du code civil, pose le principe de la subsidiarité de l'obligation de l'associé d'une société civile de droit commun au paiement d'une dette sociale, principe introduit par la loi du 4 janvier 1978 : « Les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu'après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale. »
Le caractère social de la dette dont le recouvrement est poursuivi à l'égard d'un associé constitue une condition de fond et non de recevabilité de l'action.
Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la société Procivis, l'associé n'est pas tenu à la dette sociale en tant que garant. La dette sociale et l'obligation à la dette de l'associé ne constituent donc pas deux dettes distinctes, l'une principale et l'autre, accessoire, mais une dette unique assortie de deux droits de poursuites : l'un contre la société, l'autre contre l'associé, ce second droit de poursuite présentant un caractère subsidiaire par rapport au premier.
En vertu de ce principe de subsidiarité, le créancier ne pourra, en principe, agir en recouvrement contre l'associé qu'à la condition qu'il ait préalablement et vainement poursuivi la société.
L'exigence d'une vaine et préalable poursuite constitue une fin de non-recevoir : le créancier qui n'a pas exercé préalablement des poursuites contre la société serait irrecevable à agir en paiement contre l'associé. (Voir Com. 27 sept. 2005, pourvoi n 03-20.390)
Sur la fin de non recevoir tirée de l'absence de mise en demeure préalable délivrée à la SCI [Adresse 34] et de titre exécutoire à son encontre invoquée par la société Procivis
Si le caractère subsidiaire de l'obligation des associés au paiement des dettes sociales oblige les créanciers sociaux d'une société civile de droit commun à exercer de préalables et vaines poursuites contre la société (article 1858 du code civil) ou s'agissant d'une société de construction vente, à lui adresser une mise en demeure demeurée infructueuse faisant suite à l'obtention d'un titre exécutoire à son encontre (article L 211-2 CCH), avant de pouvoir se retourner contre les associés, la jurisprudence a réduit la portée des exigences légales dans le cas où la société est soumise à une procédure de liquidation judiciaire, en jugeant que la déclaration de la créance à la procédure dispense le créancier d'établir que le patrimoine social est insuffisant pour le désintéresser (Ch. mixte, 18 mai 2007, n° 05-10.413) ainsi que dans le cas où la société est dissoute et liquidée, en dispensant alors le créancier de poursuivre vainement et préalablement la société civile de droit commun (3e Civ. 31 mars 2004, n°01-16.971) ou la société civile de construction-vente :
3ème Civ. 12 septembre 2007, n° 06-15.329 « Mais attendu qu'ayant relevé que la SCI avait fait l'objet d'une procédure de liquidation amiable clôturée avant la notification du redressement (fiscal ndlr) et qu'il était établi qu'elle ne disposait plus d'aucun actif, la cour d'appel en a exactement déduit, sans violer le principe de la contradiction, que l'administration fiscale était recevable à agir directement contre l'un des associés »;
3ème Civ. 10 février 2010 n° 09-10.982 « Le paiement d'une dette d'une société civile constituée en vue de la vente d'immeubles qui a fait l'objet d'une liquidation amiable et qui ne dispose plus d'aucun actif peut être poursuivi par le créancier directement contre l'un des anciens associés. »
Ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, cette dernière solution s'explique moins par la disparition de la personnalité morale de la société, puisque cette personnalité subsiste aussi longtemps que des droits et obligations à caractère social ne sont pas liquidés, quand bien même la société aurait été radiée du registre du commerce et des sociétés, que par la considération que la société dissoute et liquidée est censée n'avoir plus le moindre actif, puisque la liquidation 'amiable' emporte réalisation des actifs en vue, normalement, de procéder à l'apurement intégral du passif.
Bien que possible, la désignation d'un administrateur ad hoc chargé de représenter la société liquidée compliquerait donc l'exercice des poursuites contre les associés, bien que le détour par le patrimoine social n'ait plus de raison d'être.
En l'espèce, il résulte des pièces produites que :
- La SCI [Adresse 34], immatriculée au RCS de Chambéry le 13 mai 1981, avait pour activité « la construction, vente d'immeubles ou de maisons individuelles à usage d'habitation, acquisition, prise à bail à construction de terrain sis à [Adresse 25], [Adresse 35], emprunt nécessaire à la construction, vente ou location des immeubles construits ».
- Par assemblée générale extraordinaire en date du 28 décembre 1990, il a été décidé, par l' associée unique, de la dissolution par anticipation de la SCI et de sa mise en liquidation amiable à compter du même jour, de la nomination comme liquidateur de M. [OV] [C], et l'associée unique (Procivis Savoie), après avoir entendu le rapport du liquidateur sur l'ensemble des opérations de liquidation et sur le compte définitif de liquidation, a, le même jour, approuvé le compte définitif tel qu'il était présenté, faisant ressortir un solde négatif de 664 974,07 Francs qui a été réparti entre chaque associé en proportion de sa participation dans le capital (c'est à dire en l'espèce mis à la charge de l'associé unique).
Il sera noté à cet égard que, contrairement aux affirmations des colotis, la société Procivis, n'a pas été nommée liquidateur de la SCI.
Cette assemblée a fait l'objet d'une publication dans le journal « La Savoie » du 29 mars 1991 et la société a été radiée du registre du commerce de Chambéry le 21 mai 1991.(dossier dissolution de la SCI, pièce n°7 Procivis)
C'est donc à juste titre que les premiers juges ont écarté la fin de non recevoir tirée de l'absence de titre exécutoire à l'encontre de la SCI et de mise en demeure de cette dernière. Le jugement sera confirmé en ce sens.
Sur la fin de non recevoir tirée de l'existence d'une prescription
L'article 1859 du code civil énonce : « Toutes les actions contre les associés non liquidateurs ou leurs héritiers ou ayant cause se prescrivent par cinq ans à compter de la publication de la liquidation de la société »
Le texte de l'article 1859 fixe le point de départ du délai de prescription (et non pas de forclusion comme soutenu par la société Procivis) de l'action subsidiaire contre l'associé à la date de la dissolution de la société.
Il ne fait donc référence ni à la date de naissance de la créance, ni à sa date d'exigibilité et encore moins à celle de la certitude de la vanité des poursuites préalables contre la société.
Le législateur a ainsi souhaité libérer les associés d'une société dissoute de tout risque de poursuites à raison des engagements de cette dernière une fois écoulé un délai de cinq ans. (Com. 20 mars 2019, n°17-18.924 : « Mais attendu, d'une part, que l'autorité de la chose jugée attachée à la décision d'admission de la créance au passif de la procédure collective d'une société ne prive pas l'associé, poursuivi en exécution de son obligation subsidiaire au paiement des dettes sociales, d'opposer au créancier la prescription de l'article 1859 du civil, distincte de celle résultant de la créance détenue contre la société, et propre à l'action du créancier contre l'associé »)
Ainsi, pour une même créance, le créancier dispose de deux délais distincts selon qu'il agit contre la société ou contre l'associé, étant précisé que le délai de prescription de l'action contre la société sera celui attaché à la nature de la créance.
Il en résulte que la nature de la créance des colotis qui invoquent d'une part le dol, d'autre part les vices cachés, n'a aucune incidence quant au régime de la prescription de l'action subsidiaire intentée à l'encontre de l'associé.
Le délai de l'action subsidiaire contre l'associé est celui de l'article 1859 du code civil, c'est à dire cinq ans à compter de la dissolution de la société.
La Cour de cassation fait une stricte application de ce texte, refusant de faire bénéficier le créancier de la règle selon laquelle la prescription ne court pas contre celui qui est empêché d'agir. Ce refus a été exprimé dans un arrêt de principe, rendu dans une affaire où le créancier n'avait pu obtenir un titre contre la société en cours de liquidation de celle-ci qu'après l'expiration du délai de cinq ans, et où la Cour de cassation, rejetant le moyen qui faisait valoir l'adage contra non valentem... a jugé qu'aucune disposition légale ne prévoyant un point de départ différent selon que le créancier a ou non un titre contre la société débitrice principale, l'action en paiement d'une créance antérieure à la dissolution exercée contre l'ancien associé de la SCI est soumise à la prescription quinquennale à compter de la publication de la dissolution. (Civ. 3e, 9 juin 1999, n° 97-19.181, Bull. n° 139, Civ. 3e, 26 septembre 2007 n° 05-18.842, Com 13 décembre 2011 n°11-10.008)
Les colotis invoquent l'impossibilité d'agir liée à un cas de force majeure et soutiennent que la prescription aurait été suspendue jusqu'au dépôt du rapport judiciaire sur le fondement de l'article 2234 du code civil aux termes duquel, la prescription ne court pas ou est supendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite notamment d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.
Ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges par une motivation que la cour fait sienne :
- Il résulte de l'expertise judiciaire que « des dommages sont apparus en 1987, sans rapport avec les dommages objets du présent dossier. On peut situer les premières manifestations de tassement en 2004, lorsque selon les témoignages recueillis, des odeurs nauséabondes et des débordements des canalisation EU ont fait l'objet de réclamations. Ce n'est qu'en 2008 après l'expertise amiable de M. [A] à la demande de certains colotis, que les phénomènes de tassements anormaux sont apparus. »
- Aucun dommage n'est survenu durant les cinq années de la prescription, et en conséquence aucun événement ayant les caractéristiques de la force majeure, n'a interrompu le cours de la prescription, l'absence d'événement ne pouvant interrompre le cours de cette dernière.
Il sera ajouté que l'interprétation contraire qui admettrait que, s'agissant des demandes en paiement d'une créance postérieure au jugement de liquidation, ou à la dissolution amiable de la société, le point de départ du délai de prescription de l'action contre les associés non liquidateurs d'une SCI serait la naissance ou la date d'exigibilité de cette créance, reviendrait à substituer un nouveau point de départ à celui prévu à l'article 1859 du code civil, en méconnaissance du libellé clair de cette disposition.
Ainsi qu'il a été indiqué, la volonté du législateur a été de libérer les associés d'une SCI dissoute de tout risque de poursuites à raison des engagements de la SCI une fois écoulé un délai de cinq ans, sous réserve d'une éventuelle cause d'interruption ou de suspension, laquelle n'est pas intervenue en l'espèce.
Ainsi, le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu la prescription de l'action des colotis à l'encontre de la société Procivis Savoie, en sa qualité d'associée de la SCI [Adresse 34].
2) Sur l'action engagée à l'encontre de la société Ginger CEBTP
Sur l'irrecevabilité des moyens invoqués par les colotis
La société Ginger fait valoir que certains colotis, qui en première instance avaient invoqué la prescription de droit commun de l'article 2224 du code civil, soutiennent en appel que leur action serait soumise à l'ancien régime de prescription issu de l'article 2270-1 du code civil, modifiant ainsi leur argumentation relativement à la durée de la prescription et au point de départ de cette dernière, et qu'ainsi leur moyen serait irrecevable, car constitutif d'estoppel.
Or, d'une part, cette prétention n'est pas reprise dans le dispositif des conclusions de la société Ginger, de sorte que la cour n'est saisie d'aucune demande en ce sens.
D'autre part, et en tout état de cause, l'article 563 du code de procédure civile, autorise expressément les parties à invoquer en cause d'appel des moyens nouveaux pour justifier les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge (« Les défenses au fond peuvent être invoquées en tout état de cause et pour justifier les prétentions qu'elles ont soumises au premier juge, les parties peuvent en cause d'appel invoquer des moyens nouveaux » 1ère Civ, 28 octobre 2015 n°14-22.207).
Sur la prescription de l'action dirigée à l'encontre de la société Ginger CEBTP
Sur les textes applicables
Cette dernière société qui a réalisé une étude de terrain du lotissement et qui était sous-traitante de la société Cacciatore, en charge du gros 'uvre, sollicite à titre principal la confirmation du jugement qui a déclaré prescrite l'action des colotis à son encontre.
Ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges, l'action du maître de l'ouvrage à l'encontre du sous-traitant est nécessairement une action de nature délictuelle, en l'absence de lien contractuel entre les deux parties et elle est régie en fonction de l'application de la loi dans le temps par les articles 2270-1 ancien du code civil, 2270-2 ancien du code civil ou par l'article 1792-4-2 du code civil depuis le 17 juin 2008, et la prescription de cette action, contrairement à ce que persistent à soutenir certains colotis, n'a jamais été régie par le délai de droit commun de l'article 2224 du code civil, dans la mesure où s'agissant de désordres de construction, seul le droit spécial de la responsabilité des constructeurs est applicable, y compris à l'égard des sous-traitants.
Antérieurement à la loi Badinter du 5 juillet 1985, la durée de la responsabilité du sous-traitant était de 30 ans à compter de la manifestation du dommage sauf application de l'article L 110-4 du code de commerce applicable en cas de présence d'un commerçant. (Article 2262 ancien du code civil : « Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi. »)
La loi Badinter du 5 juillet 1985 a institué l'article 2270 -1 du code civil qui énonçait : « Les actions en responsabilité civile extracontractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation. »
Cet article a été supprimé par la loi du 17 juin 2008 après que, dans l'intervalle, l'ordonnance du 8 juin 2005 ait aligné la durée de la responsabilité du sous-traitant à l'égard du maître de l'ouvrage sur celles des constructeurs dès lors que l'action de ce dernier était relative à des dommages affectant un ouvrage ou des éléments d'équipement d'un ouvrage visés aux articles 1792,1792-2 ou 1792-3 du code civil.
L'ordonnance n°2005-658 du 8 juin 2005 a institué un article 2270-2 ainsi rédigé :
« Les actions en responsabilité dirigées contre un sous-traitant en raison de dommages affectant un ouvrage ou des éléments d'équipement d'un ouvrage mentionnés aux articles 1792 et 1792-2 se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux, et, pour les dommages affectant les éléments d'équipement de l'ouvrage mentionnés à l'article 1792-3, par deux ans à compter de cette même réception. »
Ce texte ne distingue pas selon la nature de l'action engagée à l'encontre du sous-traitant, de sorte qu'il s'applique à l'action extracontractuelle du maître de l'ouvrage dirigée contre celui-ci.
Il a été jugé pour les actions introduites avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 8 juin 2005, que l'article 2270-1 est seul applicable, la réception visée par l'article 2270-2 étant sans effet sur le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité engagée par le maître de l'ouvrage contre le sous-traitant
Pour soutenir l'absence de prescription, certains des colotis invoquent des arrêts de la cour de cassation dont un arrêt de la 3ème chambre du 29 octobre 2015 n°14-24.771 :
« Vu les articles 2, 1792-4-2 et 2270-1 ancien du code civil ;
Attendu que pour déclarer prescrite la demande de M. et Mme X' à l'encontre de la société Bauters et de son assureur, l'arrêt retient que les maîtres de l'ouvrage se sont référés dans leurs conclusions aux articles 1792-4-1, 1792-4-2 et 1792-4-3 régissant la prescription à l'égard de toutes les parties, que ces textes sont applicables aussi bien à l'action en responsabilité délictuelle contre la société Bauters, sous-traitant, qu'aux actions contre M. [MH].. architecte, sur le fondement des garanties décennale et biennale ou celui de la responsabilité contractuelle de droit commun, que la réception de l'ouvrage est intervenue le 18 juillet 1997 et que la société Bauters, la SMABTP et M. [MH] ont été assignés par acte du 7 octobre 2008, soit après l'expiration du délai de prescription de dix ans ;
Qu'en statuant ainsi, en faisant courir le délai de prescription à l'égard du sous-traitant à compter du jour de la réception des travaux et non à compter du jour de la manifestation du dommage ou de son aggravation, la cour d'appel, qui a fait une application rétroactive des dispositions de l'article 1792-4-2 précité a violé les textes susvisés »
Il convient de se référer au rapport du conseiller à la Cour de cassation relatif à cette décision, qui est tout à fait éclairant sur les principes à mettre en 'uvre :
« Avant l'ordonnance n° 2005-658 du 8 juin 2005, portant modification de diverses dispositions relatives à l'obligation d'assurance dans le domaine de la construction et aux géomètres experts, les actions en responsabilité contre un sous-traitant se prescrivaient à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation (article 2270-1 ancien du code civil), par 30 ans (article 2262 ancien du code civil) et par 10 ans si l'une des parties avait la qualité de commerçant (article L 110-4-I du code de commerce).
L'article 2 de l'ordonnance du 8 juin 2005 a ajouté un article 2270-2 ainsi rédigé :
« Les actions en responsabilité dirigées contre un sous-traitant en raison de dommages affectant un ouvrage ou des éléments d'équipement d'un ouvrage mentionnés aux articles 1792 et 1792-2 se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux et, pour les dommages affectant ceux des éléments d'équipement de l'ouvrage mentionnés à l'article 1792-3 par deux ans à compter de cette même réception. »
Selon l'article 5 de l'ordonnance :
« Les dispositions du présent titre, à l'exception de celles de l'article 2, ne s'appliquent qu'aux marchés, contrats ou conventions conclus après la publication de la présente ordonnance. »
Ainsi l'ordonnance étant muette sur l'application dans le temps de l'article 2270-2, ce sont les règles de l'article 2 du code civil qui s'appliquent.
En matière de prescription, la Cour de cassation a posé le principe que « lorsque la loi réduit la durée d'une prescription, la prescription réduite commence à courir, sauf disposition contraire, du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder le délai prévu par la loi antérieure. » (Civ 1, 28 novembre 1973, D 1974 page 112 qui s'inspire d'un précédent rendu par la chambre des requêtes le 18 mai 1942, JCP 1942.II.2056, note [SI]).
Depuis l'ordonnance, le délai de prescription de 10 ans commence à courir, non à compter de la manifestation du dommage mais à compter de la réception des travaux.
Selon M. [XG] (RDI 2009, page 361) 3 situations différentes peuvent se présenter :
' si l'action en responsabilité était prescrite avant la loi nouvelle, celle-ci ne saurait, en principe, s'appliquer en vertu du principe de non rétroactivité (Civ 1, 27 septembre 1983 Bull. n°215)
' si la prescription n'était pas encore initiée, lors de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, elle sera régie par celle-ci, en vertu du principe d'application immédiate de la loi nouvelle.
Ces deux cas ne soulèvent donc pas de problème.
' le troisième cas est plus délicat, c'est celui dans lequel la prescription a commencé à courir avant l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans être acquise à cette date. Il faut alors combiner le principe de non rétroactivité qui régit le passé avec celui d'application immédiate qui gouverne l'avenir : la loi nouvelle, si elle ne peut saisir les éléments antérieurs (non rétroactivité), s'applique à la situation dès son entrée en vigueur (application immédiate)
Deux éléments, tous deux modifiés par l'ordonnance, doivent être pris en considération :
- Le point de départ de la prescription
- et la durée de celle-ci.
La prescription a comme point de départ, non la manifestation du dommage ou sa connaissance, mais la réception des travaux ;
- si la prescription a été initiée avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance de 2005, elle a démarré à la date prévue par l'ancienne législation et le principe de non-rétroactivité implique de ne pas modifier ce point de départ et de prendre en compte le temps écoulé à partir de celui-ci (Civ 3, 10 mai 2007 n° 06-13.836)
- si au contraire la prescription n'a pas démarré sous l'empire de la loi ancienne, l'application immédiate de la loi nouvelle conduit à faire partir la prescription à la date fixée par la loi nouvelle, c'est à dire la réception des travaux.
Pour la durée de la prescription, il est acquis que le recours du maître de l'ouvrage contre le sous-traitant est fondé sur la responsabilité délictuelle et que ce délai de prescription est de 10 ans, sous l'empire de la loi ancienne et de la loi nouvelle.
En l'espèce, soit la manifestation du dommage a été constatée avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance de 2005 et le point de départ sera fixé à cette date, pour une durée de 10 ans, soit aucun dommage ne s'est manifesté avant 2005 et alors la prescription débutera au jour de l'entrée en vigueur de l'ordonnance soit le 9 juin 2005, pour une durée de 10 ans.
Enfin la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 qui a refondu le droit de la prescription civile a déplacé l'article 2270, qui est devenu l'article 1792-4-2 et a inséré un nouvel article 1792-4-3 qui dispose qu' « en dehors des actions régies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2, les actions en responsabilité contre les constructeurs désignés aux articles 1792 et 1792-1 et leurs sous-traitants se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux. »
L'article 26 de la loi de 2008 reprend les dispositions de l'article 2222 du code civil et prévoit notamment que « les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. »
La loi de 2008 est entrée en vigueur le 19 juin 2008 et prévoit le même processus d'application de la loi dans le temps que l'ordonnance de 2005.
Ainsi que le fait valoir la MAF dans ses écritures, les articles 2270-2 ancien et 1792-4-2 ne prévoient pas deux régimes différents de prescription de l'action du maître de l'ouvrage contre les sous-traitants qui se seraient succédé dans le temps, mais il s'agit bien d'un unique régime de prescription, la loi du 17 juin 2008 n'ayant pas modifié la durée et le point de départ du délai de prescription, de sorte que seule l'application dans le temps de l'ordonnance du 8 juin 2005 doit être examinée.
Par ailleurs, et ainsi que l'indiquent la société Ginger et la MAF dans leurs écritures respectives, la Cour de cassation écarte l'application immédiate de l'article 2270-2 codifié à l'article 1792-4-2 à droit constant depuis la loi du 17 juin 2008, uniquement dans le cas des actions introduites avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 8 juin 2005 (3ème civ, 2 mars 2011, n°10-30.295, 3ème civ 17 avril 2013 n°12-14.807, 3ème civ, 8 juillet 2014, n°11-22.274 et 11-22, 742, Cass 3ème civ, 2 juin 2015, 14-16.823) étant précisé que ce cas concerne non seulement une instance au fond mais également une assignation en référé expertise laquelle interrompt le délai de prescription.
C'est précisément ce qu'a décidé la Cour de cassation dans son arrêt du 29 octobre 2015, invoqué par les colotis, rappelant que la réception des travaux était intervenue le 18 juillet 1997, qu'à la suite de l'apparition de désordres, une expertise avait été ordonnée suivant décision du juge des référés en date du 7 mai 2002 avec ultérieurement extension des opérations à plusieurs locateurs d'ouvrage suivant ordonnances des 10 septembre 2002 et 8 juillet 2003, soit antérieurement à l'ordonnance du 8 juin 2005, ce qui a conduit la Cour à écarter l'application immédiate de l'article 2270-2 et à censurer la cour d'appel sur ce point.
De la même manière, les colotis invoquent à tort l'arrêt de la Cour de cassation du 16 septembre 2021 n° 20-17.625 qui n'est pas transposable au cas d'espèce dans la mesure où il vise une action en responsabilité extra contractuelle de droit commun relevant de la prescription de l'article 2224 du code civil.
Application au cas d'espèce
En l'espèce, ainsi qu'il résulte du rapport d'expertise de M. [G], les désordres, soit des phénomènes de tassements anormaux, ne se sont manifestés qu'en 2008, postérieurement au 9 juin 2005, date de l'entrée en vigueur de l'ordonnance de 2005.
Il y a donc lieu de fixer le point de départ de la prescription décennale au 9 juin 2005, délai qui a expiré le 9 juin 2015.
La société Ginger a fait l'objet d'une assignation aux fins d'ordonnance commune devant le juge des référés de Chambéry signifiée le 4 janvier 2017, à la requête des colotis [E] et autres.
Les consorts [N] ont formé leurs premières demandes dirigées contre la société Ginger par conclusions d'intervention volontaire le 21 avril 2020.
Les consorts [OV]/[K] ont été assignés par leurs voisins et ont formé leur première demande par conclusions d'intervention volontaire du 22 juillet 2021.
En application des principes exposés supra, l'action des colotis à l'encontre de la société Ginger était prescrite lorsque cette dernière a été attraite pour la première fois en justice.
Par substitution de motifs, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a retenu cette fin de non-recevoir.
3) Sur les conséquences quant aux actions récursoires et appels en garantie de la société Ginger à l'encontre des sociétés MAF, Axa, Saretec et Socotec
Par voie de conséquence l'action récursoire de la société Ginger à l'encontre de la société MAF, assureur décennal de M. [UT], maître d''uvre d'exécution, décédé le 10 avril 2010 (pièce MAF n°6), devient sans objet.
Il en est de même de l'action récursoire de la société Ginger à l'encontre de la société Axa, prise tant en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage que d'assureur responsabilité décennale de la société Cacciatore, cette dernière qualité étant en outre contestée par celle-ci qui soutient n'avoir jamais été l'assureur de cette société.
Enfin, il en est de même de l'action en garantie dirigée par la société Ginger tant à l'encontre de la société Saretec que de la société Socotec, contrôleur technique en charge d'une mission portant sur la solidité, qu'elle a mises en cause tant en première instance qu'en appel.
4) Sur les demandes des colotis dirigées à l'encontre de la société Axa, assureur DO
Parmi les colotis, seuls les consorts [OV]/[K], qui ont interjeté appel suivant déclaration du 13 mai 2022 (RG 22/863), ont intimé la société Axa, prise en sa qualité d'assureur dommages ouvrage, en sollicitant dans leur déclaration l'infirmation du jugement concernant cette société, en ce qu'il a :
- Déclaré irrecevable pour cause de prescription leur action dirigée à l'encontre de la société Axa,
- Rejeté leur action dirigée à l'encontre de la société Axa fondée sur la faute dolosive de cette dernière,
- Alloué à la société Axa une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, due in solidum par l'ensemble des colotis,
- Mis à leur charge l'intégralité des dépens in solidum avec les autres colotis,
- Rejeté leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Pour autant, force est de constater qu'aux termes de leurs conclusions en date du 5 février 2025, ils ne formulent aucune prétention à l'encontre de la société Axa, et ne contestent plus dans le dispositif de leurs conclusions, leur condamnation, in solidum avec les autres colotis, au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Axa.
Ils ne demandent pas non plus la condamnation de cette dernière avec les autres intimés au paiement des dépens.
Il s'en déduit que les consorts [OV]/[K] ne soutiennent pas leur appel dirigé contre la société Axa et que par voie de conséquence les dispositions du jugement qui les a condamnés in solidum avec les autres colotis à payer la somme de 2.000 euros à la société Axa sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, sont définitives.
5) Sur les demandes dirigées contre la société Saretec par les consorts [OV]/[K]
De la même manière, les consorts [OV]/[K] ont, seuls parmi les colotis, interjeté appel du jugement en intimant la société Saretec, expert mandaté par la société Axa, assureur dommages ouvrage, qui à la suite de déclarations de sinistre effectuées par certains colotis concernant des fissures sur les façades de maisons, a conclu en 1987 à l'existence de désordres esthétiques.
Aux termes de leur déclaration d'appel ils sollicitaient, concernant la société Saretec, l'infirmation du jugement :
- en ce qu'il les avait déclaré irrecevables pour cause de prescription en leurs réclamations à l'encontre de la société Saretec,
- en ce qu'il les avait déboutés de leurs demandes de dommages et intérêts,
- en ce qu'il les avait condamnés in solidum avec les autres demandeurs à payer notamment la somme de 3.000 euros à titre d'indemnité procédurale à la société Saretec outre les entiers dépens,
- en ce qu'il les avait déboutés de leur demande d'indemnité procédurale.
Aux termes du dispositif de leurs conclusions en date du 5 février 2025, ils reprennent ces demandes d'infirmation, mais force est de constater qu'ils ne demandent pas à la cour de statuer sur la responsabilité de la société Saretec et que leurs demandes d'indemnisation des préjudices subis ainsi que d'indemnité procédurale, sont dirigées uniquement contre les sociétés Procivis, Ginger et Allianz, assureur de l'association syndicale libre.
Par ailleurs dans leur motivation, leur argumentation est exclusivement centrée sur la responsabilité de ces trois dernières sociétés, l'absence de prescription concernant celles-ci, et il n'est fait aucune mention de la responsabilité de la société Saretec.
La cour ne peut que constater que les consorts [OV]/[K] ne soutiennent pas leurs prétentions concernant la société Saretec.
Or, c'est par une motivation pertinente que la cour adopte expressément que les premiers juges ont retenu l'existence d'une prescription concernant la responsabilité de la société Saretec qui n'a fait l'objet d'aucune assignation en référé expertise de sorte que la prescription n'a été ni suspendue, ni interrompue à son endroit et que l'assignation au fond est intervenue en 2019 alors que la prescription était acquise.
Le jugement sera confirmé en ce sens.
II ' Sur les demandes dirigées à l'encontre de la société Allianz assureur de l'association syndicale libre
Les colotis font valoir la responsabilité de l'ASL, propriétaire des réseaux jusqu'en 2016 et sollicitent la condamnation de son assureur la société Allianz.
Ils fondent leurs demandes sur l'article 1242 du code civil qui énonce qu' « on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait , mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde. »
Les colotis font ainsi valoir la responsabilité du fait des choses de l'ASL et ils contestent l'analyse du tribunal, soutenant que, si les canalisations sont inertes, leur rôle actif dans la survenance des dommages résulte, du fait de leur rupture, de grandes quantités d'eau ayant fuité dans le sous-sol des parcelles des colotis qui ont aggravé brutalement les tassements différentiels et donc les dommages subis par leurs maisons, qu'ainsi le dommage résulte bien d'une chose en mouvement.
Ils font valoir par ailleurs, que cette rupture des canalisations qualifie un fonctionnement anormal de la chose.
Ce faisant, ils partent du postulat qu'il y aurait eu rupture des canalisations, dont l'ASL avait la garde puisqu'elle a été propriétaire du réseau jusqu'en 2016, en lien causal avec une aggravation du sinistre affectant les villas, par le déversement de grandes quantités d'eau dans le sous-sol du lotissement.
Trois inspections télévisées ont été effectuées par la SCAVI les 19 janvier 2009 et le 21 octobre 2010, concernant la première sur le réseau d'eaux usées constitués de tuyaux en PVC, la seconde sur le réseau d'eau pluviale constitué de tuyaux bétons situés sous la voirie du lotissement et une inspection le 28 février 2014, dans le cadre des opérations d'expertise.
Il convient de se référer aux conclusions auxquelles l'expert judiciaire a abouti après neuf années d'investigations.
En réponse au dire n°1 du 22 décembre 2015, du conseil de la société Areas, assureur MRH des époux [M], l'expert a clairement indiqué que :
« Il est certain que la rupture des canalisations EP, EU a pu aggraver très très faiblement les tassements qui à notre avis sont dus presque exclusivement à :
- un sous-sol de mauvaise qualité car des déblais ont été mis en place, des compactages insuffisants de remblais peu résistants,
- la circulation d'eau souterraine venant de la forêt de Corsuet en direction du lac du du Bourget bien qu'un captage ait été réalisé en amont du lotissement. » (rapport p 134).
Et l'expert a confirmé l'origine des défauts constatés sur les canalisations EP-EU qui ne pouvaient provenir que des tassements du terrain surtout sur « l'esplanade » entre les bâtiments qui sont de plusieurs décimètres.
Il a indiqué que les fuites des réseaux EP-EU ne pouvaient avoir qu'une incidence très très faible sur les tassements du sol.
En effet, il a relevé que les quantités d'eaux susceptibles de provenir des défauts des canalisations sont minimes par rapport aux circulations d'eaux souterraines qui proviennent de l'impluvium de Corsuet, et qui vont jusqu'au lac du Bourget en passant sous les villas de Cotefort.
De plus la plupart des fissures se situent en partie supérieure des canalisations et il a été constaté la stagnation d'eau aux points bas des canalisations ce qui montre l'« étanchéité ». de celles-ci.(rapport p 137)
A cet égard, l'expert a précisé que les eaux de ruissellement étaient recueillies dans un caniveau en partie amont du lotissement et en aval de la forêt de Corsuet, comme préconisé par le CEBTP, caniveau qui a été couvert en 1990.
Il a ajouté que les tranchées où sont mises en 'uvre les réseaux EU et EP se transforment en « drains » dès que l'eau arrive au niveau des tranchées où sont posées les canalisations et les divers réseaux (électricité, gaz, eau potable etc...).
S'agissant des eaux souterraines, il a indiqué qu'il n'existait aucun ouvrage particulier en amont du lotissement, qu'à sa connaissance il n'existait pas de puits perdu sur le lotissement et que toutes les eaux pluviales et égouts étaient rejetés dans les égouts en aval du lotissement, précisant que la mise en 'uvre d'un drain pour une couche de remblai de 60 cm comme préconisé par le CEBTP, n'aurait modifié en rien la problématique de la stabilité des villas, dans la mesure où en cas de substitution du remblai existant d'une hauteur de 13 à 15 mètres, la maîtrise des eaux était impossible.
L'expert a clairement indiqué, au vu du rapport de la société EGSOL, que les tassements du sol ne relevaient que de la qualité très médiocre du sol puisque les fondations reposent sur des remblais peu résistants à dominante sableuse ou argilo-sableuse et à gravats et débris divers. (béton, enrobé, bois, briques, câbles') constatations qui ont été confirmées lors des opérations d'expertise.
Il a par ailleurs mentionné qu'en ce qui concernait les désordres de fuites avant 2009 et même après cette date, aucune fuite n'avait été repérée sur le réseau EU et que les réparations qui avaient été effectuées par la SAUR avaient porté sur le réseau d'adduction d'eau, ces dernières fuites ne pouvant avoir une incidence que très minime car elles ont été réparées assez rapidement, la consommation excessive d'eau étant facile à déceler et ayant permis une réparation rapide.
Lors des investigations par la SCAVI il a pu être relevé que les pentes du réseau EP-EU étaient conformes à un écoulement normal, et que les contre-pentes constatées provenaient des tassements des canalisations provoqués en zones B et C par un remblai pour le moins peu résistant (remblai inadapté au moment de la construction).
L'expert a, par ailleurs, relevé l'absence d'étude hydrogéologique préalable à la construction, laquelle était pourtant nécessaire compte tenu de la présence de la forêt de Corsuet (impluvium important) se situant en amont du lotissement avec un sommet plus haut de 200 mètres environ par rapport à celui du lotissement et une pente générale du terrain qui indique un écoulement des eaux souterraines en direction du lac du Bourget qui traverse le lotissement d'Est en Ouest.(rapport p 142) précisant :
« Pour ce qui concerne l'étude hydrogeologique non effectuée, nous sommes d'accord avec le dire, il aurait fallu compte tenu de l'impluvium important en amont du lotissement dans une région ([Localité 24]) où des circulations d'eaux et de sources sont connues depuis les romains ! Le CEBTP aurait dû faire des réserves à ce sujet et demander une mission complémentaire à l'entreprise Cacciatore avec laquelle il était lié, voire le Maître d'ouvrage. Il faut croire qu'il était sûr de sa préconisation pour ne pas demander une telle étude. »(rapport p 152)
Il a précisé : « Il convient de noter que les canalisations ont été réalisées comme les villas dans le sol remblayé par des démolitions, remblais divers, blocs de béton, morceaux de bois etc.' On retrouve les mêmes origines des dommages dans les canalisations que sur les villas. Si celles-ci avaient été fondées sur des micropieux, aucun dommage ne se serait produit sur les villas même si les canalisations avaient été réalisées telles qu'elles sont actuellement. »(rapport p 143)
Enfin, toujours en réponse aux dires de la société Ginger CEBTP, l'expert, relativement aux causes du sinistre a indiqué :
« Nous sommes d'accord avec la Note qui indique « que c'est bien l'eau qui est le moteur des tassements ».
Pour ce qui concerne la circulation d'eau venant du Corsuet, il suffit de se référer au Dire très bien renseigné de Me [W] du 17 mai 2018, page 4.
Aussi l'affirmation relative aux fuites sur les canalisations qui auraient généré une venue d'eau importante et à l'origine des tassements est erronée d'autant plus que les fuites auxquelles il est fait référence ne sont pas sur le réseau EP-EU, mais sur le réseau Eau froide. »(rapport p 164)
En conclusion, l'expert a retenu que le CEBTP (devenu société Ginger) a préconisé un mode de fondations inadapté sans prendre en compte les observations de Sopecaf qui mentionnait un sol de très mauvaise qualité (démolition, décharge publique) sur une grande épaisseur qu'il préconisait de remplacer par un autre remblai, substitution que l'expert judiciaire a retenu comme n'étant pas judicieuse, car très coûteuse et entraînant des délais nettement plus longs pour la réalisation du programme immobilier.
S'agissant des eaux du sous-sol, l'expert a relevé que le CEBTP envisageait « d'évacuer les eaux du sous-sol par un drain débouchant dans le talus » et a indiqué : « Ceci est impossible car il n'existe pas de talus aval dans la copropriété et surtout l'eau qui a été constatée dans les sondages à 2,10 m de profondeur est en fait l'eau de circulation souterraine sous le lotissement depuis la forêt de Corsuet jusqu'au lac du Bourget. »
Il a par ailleurs précisé que les défauts constatés sur les canalisations provenaient d'un remblai peu ou pas résistant du fait de la nature des matériaux utilisés pour remblayer la carrière qui s'est transformée en décharge publique entraînant encore des affaissements en 2018.
Dans son dire du 17 mai 2018, dont la teneur a été approuvée par l'expert judiciaire, le conseil de la Communauté d'Agglomération du Lac du Bourget (CALB devenu Grand Lac) a apporté les précisions suivantes :
« Concernant les désordres constatés sur le réseau d'eaux usées et relevés dans la note technique du cabinet DB Expertise, et en complément de ce qui a été indiqué dans le dire produit dans les intérêts de Grand Lac le 13 octobre 2017, les défauts de type : poinçonnements, flaches, écrasements, emboîtements larges ou ovalisation, n'ont aucun risque d'entraîner des exfiltrations dans le milieu naturel puisque ne présentant pas de casse mettant en relation l'intérieur et l'extérieur de la conduite.
La nature du matériau de la conduite (PVC) lui permet d'avoir un degré de déformation relativement important avant sa rupture éventuelle.
Pour ce qui est des désordres sur le réseau d'eaux usées de type : joints sortis et fissures, des exfiltrations sont possibles à la condition que ces défauts soient situés au niveau du fil de l'eau ou que la canalisation soit en charge avec une pression suffisante pour entraîner l'exfiltration des eaux.
D'une manière générale et dans le cadre d'un fonctionnement normal des canalisations d'eaux usées (pas de mise en charge), ces défauts ne génèrent pas d'exfiltrations mais à l'inverse une entrée d'eau claire dans le réseau (effet comparable au fonctionnement d'un drain).(...)
Le cabinet DB expertise retient en définitive parmi les causes du sinistre l'eau en la qualifiant de moteur des tassements au paragraphe 4.4 de sa note.
Si l'accent est mis sur les réseaux, il n'est que peu tenu compte de l'apport des eaux météoriques naturelles qui tombent directement sur la zone concernée en amont en ruisselant vers le lotissement.
En effet, le bassin versant concerné représente plusieurs hectares et la pluie moyenne annuelle à [Localité 24] est de 1137 mm depuis 2000, ces volumes générés et non interceptés par le système d'eaux pluviales sont en quantités bien supérieures au simple apport éventuel des réseaux.
Cette situation était antérieure à la construction du lotissement et aurait dû être prise en compte lors de l'étude et de la réalisation des travaux d'aménagement dudit lotissement.
Enfin si la note technique rappelle à juste titre que « les casses sur le réseau d'adduction d'eau ne peuvent à priori, n'être que la conséquence des tassements survenus », il résulte de l'ensemble des éléments ci-dessus et du précédent dire produit dans les intérêts de Grand Lac que la conclusion du cabinet DB Expertise selon laquelle « les quantités d'eau importantes qu'elles ont libérées dans le terrain ont toutefois eu un effet accélérateur et aggravant sur mécanisme de tassements » est erronée.
Dès lors le lien de causalité entre les exfiltrations d'eaux provenant des réseaux et l'affaissement des villas est nullement démontré, et ce en particulier compte-tenu du caractère minime desdites fuites (quasi inexistantes s'agissant des eaux usées et très limitée dans le temps s'agissant de l'eau potable - cf dire du 13 octobre 2017). »
Les termes de ce dire sont confirmés par les trois rapports d'inspection télévisées des canalisations qui ont été effectués par la société SCAVI soit :
- Le premier le 19 janvier 2009 concernant les canalisations d'eaux usées sur une longueur de 378,50 mètres,
- Le deuxième en date du 21 octobre 2010 concernant les canalisations d'eaux pluviales sur une longueur de 156,41 mètres,
- Le troisième en date du 28 février 2014, lors des opérations d'expertise judiciaire, concernant les canalisations d'eaux usées inspectées sur une longueur de 47,66 mètres.
S'agissant des deux dernières inspections, les constatations des défauts ont été mesurées sur une échelle allant de 6 :sans gravité, à 1 : Risque le plus grave avec pour exemples : effondrement total, fontis en surface, arrêt de l'écoulement (risque d'inondation).
La première inspection concernant les eaux usées a donné lieu à 142 photos qui montrent des flaches des poinçonnements, des écrasements latéraux, des ovalisations, des emboîtements insuffisants du tuyau PVC mais aucune fuite.
La deuxième inspection concernant les eaux pluviales fait état sur les 29 photos prises de sept défauts de risque 3 (risque important pouvant évoluer tels que fissures, cassures, emboîtements défectueux avec légère infiltration ou sans infiltration, perforation, racines, joints pendants, obstructions) mais d'aucune fuite.
La troisième inspection en février 2014 concernant les eaux usées, qui a donné lieu à 27 photos sur une longueur de 47,66 mètres fait état de deux défauts de risque 2, d'un défaut de risque 3, de trois défauts de risque 4 , de sept défauts de risque 5 et d'un défaut de risque 6, sans qu'il soit fait état de fuites.
Ceci montre bien que les canalisations ne sont pas à l'origine des tassements du sous-sol mais ont été endommagés par ces derniers. Par ailleurs lorsque l'expert indique que l'eau est un moteur de tassement, il n'évoque, à l'évidence, pas les canalisations d'eau usées ou pluviales mais les importantes eaux souterraines qui traversent le lotissement et sont déversées dans le lac du bourget.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que :
- Les villas sinistrées ont été élevées sur un sol totalement impropre à les supporter (remblai composé de déchets, gravats,) et ce sur une grande épaisseur (12 à 15 mètres) alors qu'il aurait fallu par la pose de micropieux ancrés dans le terrain solide situé en dessous, les désolidariser de ce remblai.
- Avec le temps, ce remblai instable a nécessairement provoqué des dégradations aux villas qui se sont tassées mais également aux canalisations qui le traversent, lesquelles pour autant s'agissant des canalisations d'eaux usées et pluviales n'ont pas fui et s'agissant des canalisations d'eau potable ont fait l'objet de réparations rapides qui ont empêché une aggravation du phénomène.
- Ce phénomène de tassement a été alimenté et aggravé par la circulation importante d'eaux souterraines en provenance de la forêt de Corsuet située en amont qui, traversant le lotissement d'Est en Ouest, circulent dans ce remblai et le déstabilisent nécessairement, mais dont l'impact n'a pas été mesuré, faute d'étude hydrogéologique en préalable à la construction.
Il résulte ainsi de ces éléments que les canalisations n'ont pas été l'instrument du dommage , elles n'ont joué aucun rôle causal dans la survenance des désordres et elles en ont été, elles-même, les victimes.
En effet ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges, l'existence de fuites relève d'un cas de force majeure, présentant pour l'ASL un caractère étranger, irrésistible et imprévisible, à savoir les tassements en raison du sous-sol de mauvaise qualité et ils ont retenu à juste titre que la seule et unique cause du tassement et du basculement des villas était la mauvaise qualité du sous-sol.
Certains colotis font valoir que l'expert aurait changé d'avis en cours d'expertise et que ses conclusions définitives ne correspondent pas à ce qu'il a conclu antérieurement.
Or, il sera noté que dès ses préconclusions n°1, du 19 janvier 2016, complétées le 25 mai 2016, l'expert indiquait en réponse au point 10 « dire si les fuites d'eau ayant eu lieu en sous-sol ont contribué aux désordres » que les défauts (et non les fuites) constatés sur les canalisations des réseaux EU et EP trouvaient leur origine dans un tassement du sol du fait de la présence de remblais de qualité médiocre, voire de décharges publiques, comme pour les villas concernées précisant que les fuites ne pouvaient qu'aggraver mais de très faible importance le tassement des villas.
Par ailleurs, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, l'expert a pu en cours d'expertise modifier son avis en tenant compte de dires qui lui ont été notifiés.
Le jugement qui a débouté les colotis de leur demande indemnitaire dirigée contre l'ASL et son assureur Allianz, sera confirmé.
III ' Sur les actions des colotis à l'encontre de leurs assureurs multirisques habitation
- M. et Mme [CT] sont assurés par la société MAAF,
- Mme [TA] veuve [E], ainsi que Mme [IB] sont assurés par la société GMF assurance.
- Les consorts [M] sont assurés auprès de la société Areas,
- Mme [I] divorcée [F] est assurée auprès de la Maif venant aux droits de la société Filia Maif
- La SCI [Adresse 32] est assurée par la Macif.
1) Sur l'action engagée par Mme [I] divorcée [F] à l'encontre de la MAIF venant aux droits de Filia MAIF
Suivant acte notarié du 24 mai 2006, les époux [F] ont fait l'acquisition de la villa constituant le lot n° 30 du groupe d'habitations [Adresse 34] et ont assuré leur bien immobilier auprès de la société Filia Maif.
Sur la recevabilité de l'action
Selon l'article L 114.1 du code des assurances, toutes les actions dérivant du contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'évènement qui y donne naissance.
Il est jugé de façon constante par la Cour de cassation que l'assureur qui n'ayant pas respecté les dispositions de l'article R. 112-1 du code des assurances ne peut pas opposer la prescription biennale à son assuré et ne peut prétendre à l'application de la prescription de droit commun. (Civ 3è, 21 mars 2019 n° 1728021 ; Civ 2è, 24 novembre 2022, n°2117327).
En effet, l'article L 114-1 du code des assurances dont les dispositions sont d'ordre public, constituent une dérogation à la prescription de droit commun de cinq ans instituée à l'article 2224 du code civil, conformément à l'article 2223 du même code.
La sanction de l'inobservation des exigences de l'article R. 112-1 du code des assurances est l'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription de deux années édicté par l'article L. 114-1 du code des assurances, avec l'impossibilité de se prévaloir de la prescription quinquennale de droit commun.
En l'espèce, la police de la MAIF ne détaille aucunement les causes ordinaires d'interruption de la prescription, et ce en violation des dispositions de l'article R. 112-1 du code des assurances.
Dès lors, il sera jugé que l'action de Mme [I] divorcée [F] est recevable et le jugement sera infirmé en ce sens.
Sur le bien fondé de l'action de Mme [I] divorcée [F]
L'article 27.1 des conditions générales du contrat Raqvam précise : « A l'exception du vol qui fait l'objet d'une garantie complémentaire, la société garantit l'assuré contre les dommages de caractère accidentel atteignant les biens assurés. »
Les parties sont en désaccord sur la notion d'accident et Mme [I] fait valoir que les conditions générales produites par la MAIF, lesquelles définissent l'accident comme tout fait dommageable, non intentionnel de la part de l'assuré, normalement imprévisible et provenant de l'action soudaine d'une cause extérieure, ne sont pas celles qui lui ont été remises lors de la souscription du contrat lesquelles ne comporteraient aucune définition du dommage accidentel.
Or force est de constater que Mme [I] se contente de produire un simple extrait des conditions générales qu'elle détient, de sorte qu'il n'est pas possible de vérifier si elles sont rattachées au contrat d'assurance concernant la maison d'habitation concernée. Elle ne produit d'ailleurs pas les conditions particulières du contrat souscrit, se contentant de verser au débat un document intitulé « Montant maximum contractuel des garanties par sinistre pour 2013 »
Si l'on se réfère à l'article 29.1 de l'extrait des conditions générales CG qu'elle produit, qui fait état d'un évènement accidentel survenu aux biens assurés il y est précisé que sont concernés par le montant de la franchise fixé par voie réglementaire les inondations, ruissellements de boue, glissements et effondrements de terrain, avalanches, cyclones ainsi que les évènements qualifiés de catastrophes naturelles par arrêté interministériel.
A l'article 28.23 relatif au montant de la garantie il est fait référence aux dommages consécutifs à l'un des évènements suivants : inondation, incendie, explosion, évènement entrant dans le champ d'application de la loi n°82-600 du 13.07.1982 relative à l'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles.
Un accident présente nécessairement un caractère soudain et imprévu.
En l'espèce, l'expert judiciaire a relevé la responsabilité des locateurs d'ouvrage en particulier la société CEBTP devenue Ginger, précisant :
« le seul reproche que l'on peut faire est le mode de fondation qui aurait dû être des micropieux et non un radier comme préconisé par le CEBTP.
L'attention du geotechnicien aurait dû être attirée par la très faible résistance du sol sur une grande épaisseur.
Il aurait été souhaitable qu'une enquête soit faite sur le terrain pour savoir s'il avait été utilisé comme décharge comme cela a été démontré par les différents témoignages.
Tous les dommages proviennent de cet état de fait. »
Ainsi le sinistre subi par Mme [I] ne résulte pas d'un évènement accidentel mais d'un vice de construction engageant la responsabilité des constructeurs.
L'engorgement du sous-sol et la coaction des maisons les unes avec les autres ne sont que les conséquences d'une cause première, résultant d'un vice de construction qui retire tout caractère aléatoire au sinistre et dont les effets ne se sont manifestés que progressivement.
Il sera dès lors retenu que la Maif n'est pas tenue à garantie et les demandes de Mme [I] divorcée [F] dirigées à son encontre seront rejetées.
2) Sur l'action de la SCI [Adresse 32] à l'encontre de son assureur la Macif
Sur la recevabilité de l'action
Il sera constaté que la Macif qui invoquait en première instance un défaut d'aléa du contrat d'assurance ne reprend pas son argumentation devant la cour.
Par ailleurs, ainsi que le fait valoir la SCI [Adresse 32] dans ses écritures, les conditions générales de la Macif ne font pas état de l'ensemble des causes d'interruption de la prescription.
Ne figurent notamment pas les causes prévues aux articles 2240 et 2244 du code civil, de sorte qu'aucun délai de prescription n'a couru à l'encontre de la SCI et le jugement qui a déclaré son action recevable sera confirmé.
Sur le bien fondé de l'action
Les conditions générales de la police souscrite par la SCI [Adresse 32] prévoient en leur article 11 « Dégâts causés par l'eau » que sont notamment garantis les fuites, ruptures, débordements des canalisations enterrées ou non, des chéneaux et gouttières desservant les bâtiments, les ruissellements d'eau provenant des cours, jardins, voies publiques ou privées ainsi que les refoulements des égouts et canalisations souterraines.
Ainsi qu'il a été retenu, les fuites minimes de canalisations ne sont pas à l'origine du tassement du terrain et des désordres affectant les villas.
Dès lors le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu que la garantie « dégats des eaux » ne pouvait être mobilisée et que la MACIF ne devait pas sa garantie.
3) Sur l'action des époux [CT] à l'encontre de leur assureur la société MAAF
Sur la recevabilité de l'action
Devant la cour, les époux [CT] font valoir l'inopposabilité à leur encontre des dispositions de l'article L 114-2 du code des assurances, excipant du non respect des dispositions de l'article R 112-1 du code des assurances en vertu duquel les polices d'assurance relevant des branches 1 à 17 de l'article R 321-1 doivent rappeler les causes d'interruption de la prescription biennale prévue au premier article ainsi que les causes ordinaires d'interruption de la prescription, obligation dont le non-respect entraîne l'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription biennale et l'impossibilité pour l'assureur de prétendre à l'application de la prescription de droit commun.
En réponse la société MAAF fait valoir qu'une telle demande constitue nécessairement une prétention nouvelle, irrecevable au visa des articles 564 et 565 du code de procédure civile.
L'article 564 du code de procédure civile, énonce :
« A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions tirées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. »
Selon l'article 565, « les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent. »
En l'espèce, le débat en première instance portait sur la prescription invoquée par la société MAAF, fin de non- recevoir que les premiers juges ont retenu au vu des différentes dates d'acquisition, d'apparition des désordres et de saisine des juridictions.
Or, et contrairement à ce que soutient la société MAAF dans ses écritures, en soulevant cette fin de recevoir, l'assureur a bien émis une prétention tendant à mettre fin au litige sans examen au fond, prétention qui se définit comme l'objet des demandes auxquelles les parties engagées dans une procédure judiciaire, sollicitent qu'il leur soit accordé droit.
Pour s'opposer à cette fin de non-recevoir, les époux [CT] invoquent, ainsi devant la cour un nouveau moyen contre leur assureur qui est parfaitement recevable en application des dispositions des articles 563 et 564 du code de procédure civile.
En l'espèce les conditions générales de la police [CT], souscrite auprès de la société MAAF, se contentent d'indiquer que :
« Toute action résultant du contrat doit être exercée dans les deux ans suivant l'évènement qui l'a provoquée. Passé ce délai, votre action, ou la nôtre, n'est plus recevable.
La prescription peut être interrompue par tout moyen de droit commun ou par l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception. »
Il en résulte que les demandes dirigée par les époux [CT] contre la société MAAF, sont recevables et le jugement sera infirmé en ce sens.
Sur le bien fondé de l'action dirigée contre la société MAAF
Les époux [CT] invoquent la garantie dégât des eaux qui est ainsi rédigée dans les conditions générales :
« Ce que nous garantissons au titre des 3 formules habitation :
Les dommages causés directement aux biens assurés par l'eau provenant :
- de fuites, ruptures, ou débordements accidentels :
- de conduites situées à l'intérieur, ou en dessous, des bâtiments assurés,
- d'appareils sanitaires tels que baignoires et lavabos'
- d'appareils à effet d'eau tels que machine à laver, radiateurs, chaudières
- des chéneaux et gouttières.
- d'infiltrations d'eau à l'intérieur des locaux assurés provenant : des toitures, terrasses.
Important :
L'indemnité sera versée après que vous ayez fait exécuter les réparations pour supprimer l'origine des infiltrations et stopper ainsi la progression des dommages.
Nous garantissons également les dommages causés directement aux biens assurés provenant
- Du refoulement à l'intérieur de votre habitation, des conduites d'évacuation souterraines ou non de votre habitation.
- D'un logement voisin. »
Ainsi que le souligne la société MAAF, elle est un assureur de dommage, ce qui implique pour les appelants de faire la démonstration d'un évènement accidentel à l'origine du sinistre et elle n'est pas assureur de risque construction.
Or les opérations d'expertise judiciaire ont établi que les désordres affectant les ouvrages trouvent leur origine dans un mauvais choix constructif, à savoir la mise en 'uvre d'un radier, alors qu'il aurait fallu utiliser des micropieux, désordres se manifestant par des tassements qui ont été aggravés par les eaux souterraines, en provenance de la forêt de Corsuet située en amont, qui traversent le lotissement d'Est en Ouest et ce ne sont pas les quelques défauts relevés sur les canalisations du lotissement, défauts qui résultent précisément des tassements, qui sont à l'origine du sinistre.
Ce sinistre a pour origine les erreurs commises par les professionnels intervenus lors de la création du lotissement et il n'a rien d'accidentel. Il ne s'agit par ailleurs pas d'un dégât des eaux.
Les époux [CT] seront, par conséquent, déboutés de leurs demandes dirigées contre leur assureur la société MAAF.
4) Les demandes formées à l'encontre de la société GMF par leurs assurées Mme [TA] veuve [E] et Mme [IB]
Sur la recevabilité de l'action
Devant la cour, Mme veuve [E] et Mme [IB] font valoir l'inopposabilité à leur encontre des dispositions de l'article L 114-2 du code des assurances, excipant du non respect des dispositions de l'article R 112-1 du code des assurances en vertu duquel les polices d'assurance relevant des branches 1 à 17 de l'article R 321-1 doivent rappeler les causes d'interruption de la prescription biennale prévue au premier article ainsi que les causes ordinaires d'interruption de la prescription, obligation dont le non-respect entraîne l'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription biennale et l'impossibilité pour l'assureur de prétendre à l'application de la prescription de droit commun.
En réponse la société GMF fait valoir qu'une telle demande constitue nécessairement une prétention nouvelle, irrecevable au visa des articles 564 et 565 du code de procédure civile.
L'article 564 du code de procédure civile, énonce :
« A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions tirées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. »
Selon l'article 565, « les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent. »
En l'espèce, le débat en première instance portait sur la prescription invoquée par la société GMF, fin de non- recevoir que les premiers juges ont retenu au vu des différentes dates d'acquisition, d'apparition des désordres et de saisine des juridictions.
Or, et contrairement à ce que soutient la société GMF dans ses écritures, en soulevant cette fin de recevoir, l'assureur a bien émis une prétention tendant à mettre fin au litige sans examen au fond, prétention qui se définit comme l'objet des demandes auxquelles les parties engagées dans une procédure judiciaire, sollicitent qu'il leur soit accordé droit.
Pour s'opposer à cette fin de non-recevoir, Mmes [E] et [IB] invoquent, ainsi devant la cour un nouveau moyen contre leur assureur qui est parfaitement recevable en application des dispositions des articles 563 et 564 du code de procédure civile.
S'agissant des conditions générales des polices [E] et [IB], souscrites auprès de la GMF, force est de constater que les conditions générales ne mentionnent pas que :
- La reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription (article 2240 du code civil)
- L'interpellation faite au débiteur principal ou sa reconnaissance interrompt le délai de prescription contre la caution (article 2246 du code civil)
Ces mentions ne respectent pas les obligations informatives prescrites à peine d'inopposabilité de la prescription tant biennale que quinquennale.
Il en résulte que les actions dirigées par Mme veuve [E] et Mme [IB] contre la GMF, sont recevables et le jugement sera infirmé en ce sens.
Sur le bien fondé de leur action à l'encontre de leur assureur GMF
Mme veuve [E] et Mme [IB] invoquent :
- La garantie dégât des eaux « canalisations extérieures » (art. 3.23 des CG) en précisant que cette garantie comprend les dommages matériels causés aux biens assurés par la fuite d'eau garantie.
- La garantie tous risques immobiliers (art. 3.4 des CG) qui est ainsi définie :
« Nous garantissons tout dommage matériel consécutif à un accident causé à l'habitation, à ses dépendances, aux aménagements extérieurs ou à la piscine dont l'assuré est propriétaire et qui ne relève pas d'une garantie prévue par le contrat.
Sont ainsi garantis les dommages matériels résultant par exemple ;
- de la chute d'un arbre sans tempête ou due à l'accumulation de la neige ou de la galce sur les branches,
- du choc avec un véhicule terrestre à moteur appartenant ou conduit par l'assuré ou par une personne dont il est civilement responsable,
- du gel sur une installation extérieure (telle que pompe à chaleur, piscine) alors que les consignes de protection du fabricant ont bien été respectées.
Nous garantissons également les dommages matériels causés à ces biens résultant d'acte de vandalisme commis à l'extérieur des locaux assurés dans l'enceinte de la propriété, consécutifs ou non à un vol ou une tentative de vol, tels que graffiti, tags, sur les façades u les murs de clôture.
Un dépôt de plainte de l'assuré est obligatoire. »
Ainsi qu'il a été indiqué, s'agissant d'assurance de dommages, les garanties sont subordonnées à l'existence d'un accident et tel n'est pas le cas concernant les vices de construction affectant les villas de Mme veuve [E] et de Mme [IB].
Il sera retenu que la société GMF ne doit pas sa garantie.
5) Sur les demandes des consorts [M] dirigées contre la société Areas
Sur le défaut de qualité à agir
Devant les premiers juges, la société Areas a fait valoir le défaut de qualité à agir des consorts [M] au motif de l'existence d'un démembrement de propriété, soulignant que les usufruitiers n'avaient pas la qualité de propriétaires et que seul le propriétaire actuel de l'ouvrage atteint de désordres était fondé à percevoir une indemnisation.
Les premiers juges ont retenu que, l'irrecevabilité devait être écartée, s'agissant d'une fin de non recevoir, pour laquelle la régularisation était possible et a été effective au moment où le juge a statué, sauf en ce qui concerne Mme [S] [M] qu'ils ont qualifiés à tort d'usufruitière.
Il est en effet constant que, hors hypothèse de la responsabilité décennale des constructeurs qui ne peut être mise en 'uvre que par le maître de l'ouvrage ou les propriétaires qui lui succèdent, l'usufruitier est recevable à agir sur d'autres fondements tels que le fondement contractuel. (3ème Civ, 16 novembre 2022, 21-23.505)
Par ailleurs, il convient de se référer à l'acte du 31 octobre 1984 (pièce 1 consorts [E] et autres) dont il résulte que M. [HG] [M] et son épouse Mme [IZ] [BK], mariés sans contrat de mariage à [Localité 29] le 25 avril 1959, ont fait l'acquisition de la villa constituant le lot deux du lotissement [Adresse 34].
Il est, en outre, produit une attestation de Me [NC], notaire à [Localité 31], en date du 7 avril 2020 dont il ressort que :
- Un acte de donation partage a été reçu par son ministère le 4 décembre 1999 contenant donation partage par M. [HG] [M] au profit de ses deux fils [YW] [M] et [WI] [M],
- Le décès de M. [HG] [M] est survenu à [Localité 24] le 11 décembre 2019 , et son fils [VN] [YB] [M] est décédé par la suite, laissant pour lui succéder, ses cinq enfants héritiers,
Aux termes d'une lettre adressée à Me [NC], en date du 8 avril 2020, Mme [S] [M], veuve de M. [HG] [M] a indiqué quitter les lieux dont s'agit.
Le notaire a indiqué que le lot n°2 du groupe d'habitation dénommé [Adresse 34] se trouvait actuellement appartenir :
- Pour moitié en pleine propriété à M. [WI] [M],
- Pour l'autre moitié aux héritiers de M. [YW] [M] soit : M. [AP] [M], Mme [KO] [M], M. [P] [M], Mme [DY] [M], M. [YB] [M].
Ainsi, il se déduit de ces documents que M. [HG] [M] et Mme [IZ] [BK], mariés sous le régime de la communauté légale, ont fait l'acquisition du bien en 1984, qu'un divorce est ensuite survenu et que dans le cadre de la liquidation partage de la communauté M. [HG] [M] s'est vu attribuer le bien.
Il a pu ainsi disposer seul du bien dans le cadre d'une donation partage au profit de ses deux enfants, à qui il a fait donation de la nue-propriété, alors que sa deuxième épouse Mme [S] [M] née [J] ne détient aucun droit sur ce bien, ni en qualité d'usufruitière, ni en qualité de nue-propriétaire.
En tout état de cause, il en résulte qu'à la date du jugement déféré, soit le 24 mars 2022 les enfants et petits enfants de M. [HG] [M] étaient pleinement propriétaires indivis du bien et en application de l'article 126 du code de procédure civile, avaient donc qualité à agir.
Par substitution de motifs, le jugement sera confirmé en ce qu'il a écarté la fin de non-recevoir concernant les enfants, petits-enfants de M. [HG] [M] et déclaré irrecevable l'action de Mme [S] [J] veuve [M] pour défaut de qualité à agir.
Sur la prescription biennale de l'action des consorts [M]
En l'absence d'élément nouveau, c'est par une motivation pertinente, que la cour adopte expressément que les premiers juges, en application des dispositions des articles L 114-1, L 114-2 et R 112-1 du code des assurances ont déclaré la prescription biennale inopposable aux consorts [M], dans la mesure où les conditions générales de la police ne précisent pas les causes ordinaires d'interruption de la prescription.
Le jugement sera confirmé en ce sens.
Sur le défaut d'aléa
L'ancien article 1386-1 du code civil, applicable aux faits de l'espèce, définit le contrat aléatoire comme étant « une convention réciproque dont les effets, quant aux avantages et aux pertes , soit pour toutes les parties, soit pour l'une ou plusieurs d'entre elles, dépendent d'un évènement incertain. Tels sont le contrat d'assurance, le jeu et le pari, le contrat de rente viagère. »
Par ailleurs, l'article L 121-15 du code des assurances énonce que :« L'assurance est nulle si, au moment du contrat, la chose assurée a déjà péri ou ne peut plus être exposée aux risques. »
L'aléa constitue, selon la Cour de cassation, «l'essence même» du contrat d'assurance. Ainsi selon une jurisprudence constante, «le contrat d'assurance, par nature aléatoire, ne peut porter sur un risque que l'assuré sait déjà réalisé».
En l'espèce, la demande est fondée non pas sur un contrat d'assurance initial mais sur un contrat en date du 2 décembre 2010 à effet au 25 novembre 2010, dont il est mentionné qu'il s'agit d'un « remplacement ».
Or à cette date, les désordres étaient apparus puisqu'un rapport d'expertise amiable avait été établi le 29 février 2008 par M. [A] ingénieur génie civil, lequel avait suggéré l'existence d'un tassement du sol autour des trois constructions [E], [RK] et [Z].
Un autre rapport d'expertise amiable avait été établi le 6 avril 2009 par le cabinet EGSOL lequel, après sondages, avait indiqué que les pavillons sinistrés de M. [RK] et [E] se trouvaient au-dessus d'une ancienne carrière de graves remblayée avant la construction des maisons sur une profondeur de l'ordre de 11 à 15 mètres, remblaiement hétérogène présentant de faibles caractéristiques mécaniques. Il préconisait déjà une reprise en sous-'uvre de tous les murs porteurs avec des fondations profondes de type micropieux.
Les 3 et 9 mars 2010, un constat d'huissier avait été établi à la requête de M. [HG] [M], constatant les fissures affectant sa maison.
Par ailleurs, une ordonnance de référé a été rendue le 1er avril 2010, désignant M. [G] comme expert pour examiner les désordres, procédure à laquelle les consorts [M], [N] et l'ASL se sont « raccrochés » en sollicitant une extension des mesures d'expertise à leur profit par assignation en date du 12 octobre 2010.
Dès lors, les consorts [M] ne peuvent sérieusement soutenir qu'ils n'avaient pas conscience de la réalisation du risque au moment de la souscription de ce nouveau contrat, et il n'était nul besoin d'attendre les conclusions de l'expert judiciaire comme ils le font valoir.
A titre subsidiaire, les consorts [M] sollicitent que la cour se réfère au premier contrat souscrit antérieurement en faisant valoir que le contrat est en base fait générateur.
Ils produisent les conditions particulières du contrat signé le 2 décembre 2010, qui mentionne « Areas accorde sa garantie aux Conditions Générales, modèle P510BA708 et aux présentes conditions particulières. »
Or, ils joignent à ces conditions particulières un extrait des conditions générales modèle P510BA213 qui ne s'appliquent pas au nouveau contrat et force est de constater, par ailleurs, que dans cet extrait ne figure aucune clause stipulant que le contrat est en base fait générateur,
Ils ne produisent ni les conditions particulières ni les conditions générales du contrat initial dont la date d'effet est ignorée.
En effet s'agissant d'un « remplacement » de contrat des modifications ont nécessairement été apportées dans le contrat souscrit en 2010, tant en ce qui concerne les conditions particulières que générales et le défaut de production par les appelants du précédent contrat, met la cour dans l'impossibilité de vérifier les conditions de garantie initialement convenues.
Au vu de ces éléments, les consorts [M] seront déboutés de leur action dirigée contre leur assureur Areas au titre de la garantie dommages et, par substitution de motifs, le jugement qui les a déboutés de leurs demandes indemnitaires, sera confirmé.
IV - Sur les actions de certains colotis dirigées contre les assureurs de responsabilité civile des maisons voisines
Mme [TA] veuve [E], Mme [I] divorcée [F], la SCI [Adresse 32], les consorts [M], Mme [IB] et M. [X] [IB], M. [CT] et Mme [L] divorcée [CT] sont propriétaires de maisons qui forment chacune deux blocs de trois maisons.
Les trois maisons formant un bloc, reposent sur un radier unique et elles sont mitoyennes entre elles, un mur unique de refend séparatif étant commun à deux propriétés au sein des deux blocs de trois maisons.
1) S'agissant du bloc SCI [Adresse 32], [E] et [F]
La maison de M. [RK] (SCI [Adresse 32]) est solidaire de la maison de Mme veuve [E] par un mur mitoyen commun et par le radier.
La maison de Madame [TA] veuve [E] est liée physiquement à celle de Mme [I] divorcée [F] par un mur mitoyen commun et par le radier.
2) S'agissant du bloc [CT], [M], et [IB]
La maison de Mme [IB] est solidaire de la maison des consorts [M] par un mur mitoyen commun et par le radier.
La maison des époux [CT] est solidaire de la maison des consorts [M] par un mur mitoyen commun et par le radier.
L'expert a retenu que les tassements différentiels des maisons réparties en deux blocs, se causaient mutuellement des dommages par un effet d'entraînement et de retenue.
Il a ainsi précisé :
« La villa [M] (n°[Adresse 21]) du fait de l'insuffisance de résistance au sol et des tassements qui en résultent, a tendance à entraîner les villas [CT] (n°[Adresse 22]) et [IB] (n°[Adresse 20]) et qui de ce fait s'appuient sur la villa [M].
La villa [RK] (n°[Adresse 5]) a tendance à basculer du côté opposé à la villa [E] (n°[Adresse 7]),
La villa [E] tasse entraînant la villa [F] (n°2) qui a tendance à s'appuyer sur la villa [E] (n°[Adresse 7]),
L'assise de la villa [OV]-[K] (n°4) est déchaussée localement par le tassement de la villa [F]. »
S'agissant du premier bloc, considérant que :
- La SCI [Adresse 32] engageait sa responsabilité sur le fondement de l'article 1242 du code civil, à son égard, Mme [E] a engagé une action directe sur le fondement de l'article L 124-3 du code des assurances à l'encontre de la MACIF assureur de la SCI [Adresse 32],
- Mme [E] engageait sa responsabilité sur le fondement de l'article 1242 du code civil, à son égard, Mme [I] divorcée [F] a engagé une action directe fondée sur l'article L 124-3 du code des assurances à l'encontre de la GMF assureur de Mme [TA] veuve [E].
S'agissant du second bloc, considérant que :
- La responsabilité civile de Mme [IB] pouvait être retenue à l'égard des dommages causés au bien des consorts [M] et au bien des époux [CT], ces derniers ont engagé une action directe à l'encontre de son assureur la GMF,
- La responsabilité civile des consorts [CT] pouvait être retenue à l'égard des dommages causés au bien des consorts [M] et réciproquement, ces derniers ont engagé une action directe à l'encontre de la MAAF assureur des consorts [CT].
A titre liminaire,
Plusieurs assureurs continuent à faire valoir que le conseil des appelants serait en situation de conflit d'intérêts du fait de l'exercice par les co-lotis de l'action directe contre l'assureur MRH de leurs voisins respectifs.
En l'absence d'élément nouveau, c'est par une motivation pertinente que la cour adopte expressément, que les premiers juges ont retenu qu'il n'appartenait pas au tribunal de soulever d'office la question du conflit d'intérêt, qui au demeurant relevait de la compétence du conseil de discipline des avocats.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que cette difficulté ne relevait pas de la présente juridiction.
Sur la prescription des actions directes des colotis à l'encontre des assureurs de responsabilité civile
Les colotis qui exercent une action directe à l'égard des divers assureurs MRH de leurs voisins se fondent d'une part sur la ruine du bâtiment, d'autre part sur la responsabilité du fait des choses et enfin sur la théorie des troubles excédant les inconvénients normaux du voisinage.
En application de l'article 2224 code civil « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. »
Pour déclarer prescrites certaines des actions directes dirigées par les colotis contre les assureurs MRH de leurs voisins, les premiers juges ont retenu que le point de départ du délai de cinq ans devait être fixé au jour d'entrée en vigueur de la nouvelle loi réformant la prescription, considérant qu'à cette date les appelants avaient eu connaissance des faits leur permettant d'exercer leur action.
Or, les opérations d'expertise ont été particulièrement complexes et longues (neuf ans) et les désordres se sont aggravés progressivement ainsi qu'il résulte du rapport d'expertise, retraçant le déroulé des opérations et des investigations : l'expert s'est rendu sur place à 21 reprises entre le 1er septembre 2010 et le 13 mars 2019 et a noté lors de chaque visite l'évolution des désordres.
Il résulte des compte-rendus de réunion que le phénomène d'entraînement et de basculement des maisons entre elles, n'est apparu qu'au cours de l'expertise, phénomène qui, s'il a les mêmes causes que les désordres déjà apparus, constitue un nouveau désordre important.
En effet, dans son compte-rendu n°3 du 28 septembre 2010, l'expert a relevé pour la première fois que : « la villa de Mme [IB] (n°51) entraîne le mur de la villa de M. et Mme [M] »
Par la suite d'autres basculements et entraînements entre les villas mitoyennes se sont révélés.
C'est dans ces conditions que l'expert a validé la mise en cause des assureurs MRH de chaque habitation le 6 février 2014.
Les colotis ont alors appelé en cause les assureurs suivant assignations délivrées en mars 2014.
Il y a donc lieu de fixer le point de départ de la prescription quinquennale concernant l'action directe des colotis contre les assureurs MRH à la date du 28 septembre 2010, de sorte que les assignations en référé expertise délivrées à leur encontre en mars 2014 ont interrompu la prescription, laquelle a été suspendue durant les opérations d'expertise.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a retenu la prescription des actions:
- de Mme [I] et de la SCI [Adresse 32] à l'encontre de la GMF,
- des consorts [M] de M. [CT] et Mme [L] divorcée [CT] à l'encontre de la GMF
- des consorts [M] et [IB] à l'encontre de la MAAF,
et leur action sera déclarée recevable.
Sur l'action directe contre les assureurs fondée sur la ruine des bâtiments
L'article 1386 ancien du code civil devenu l'article 1244 du code civil énonce : « Le propriétaire d'un bâtiment est responsable du dommage causé, lorsqu'elle est arrivée par une suite du défaut d'entretien ou par le vice de sa construction »
Ce texte institue une responsabilité de plein droit du fait des bâtiments qui est favorable aux victimes dispensées d'établir une faute à l'encontre du propriétaire du bâtiment et dérogatoire au principe général de la responsabilité pour faute prouvée édictée par l'article 1382 du code civil (devenu 1240 du code civil).
Trois conditions doivent être réunies pour que s'applique le régime de responsabilité spécifique de l'article 1386 devenu 1244 du code civil : il faut que l'accident ait été causé par un bâtiment, qu'il résulte de sa ruine et provienne du défaut d'entretien ou d'un vice de construction.
Dès lors que le demandeur a établi que la ruine du bâtiment provient d'un vice de construction ou d'un défaut d'entretien, le propriétaire ne pourra pas échapper à sa responsabilité en démontrant qu'aucune faute ne peut lui être reprochée et le fait non fautif de la victime n'est pas davantage de nature à exonérer le propriétaire de sa responsabilité.
Les seules causes d'exonération sont la faute de la victime ou la force majeure (2 Civ., 27 octobre 2022, pourvoi n 21-16.692).
Après avoir connu une interprétation extensive au cours du 19ème siècle, l'article 1386, à compter de l'arrêt de la Cour de cassation du 16 juin 1896 qui a érigé l'article 1384 alinéa 1er du code civil en principe général du fait des choses, a vu son domaine se réduire au profit de celui de l'article 1384, par l'effet de la jurisprudence, laquelle a restreint le domaine de la présomption posée par l'article 1386. à travers une conception réductrice de la notion de ruine.
En effet, si la ruine peut n'être que partielle en ce qu'elle s'entend non pas seulement de l'effondrement du bâtiment ou de la chute de l'ensemble des matériaux mais aussi de l'effondrement d'éléments du bâtiment tels que volet, balustrade, poutre, brique, escalier, façade d'un immeuble, pierre sur un toit, tuile, porte de hangar, elle implique nécessairement la chute d'un élément de la construction.
Ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, l'affaissement et le basculement de l'immeuble ne caractérisent pas sa ruine (2 Civ., 16 octobre 2008 n°07-16.967).
Le jugement, qui a rejeté les demandes indemnitaires des colotis fondées sur la ruine des bâtiments, sera confirmé.
Sur la responsabilité du fait des choses
L'article 1242 du code civil dispose que : « On est responsable du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes, ou des choses que l'on a sous sa garde. »
Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la responsabilité du fait de la chose n'étant pas une responsabilité pour faute, le seul fait de la chose suffit à engager la responsabilité de son gardien, le fait de la chose consistant en une intervention causale de celle-ci dans la réalisation du dommage.
Il est donc nécessaire pour la victime de rapporter la preuve que la chose est de quelque manière que ce soit, et ne fût-ce que pour partie, l'instrument du dommage.
Par ailleurs, la garde représente la maîtrise de la chose ou son contrôle extérieur. Ce contrôle correspondrait à l'idée que le gardien a le pouvoir d'éviter que la chose cause un dommage. La garde n'est donc pas juridique mais matérielle, sans que la jurisprudence n'exige cumulativement les pouvoirs d'usage, de direction et de contrôle.
La responsabilité du dommage causé par la chose est liée à l'usage qui est fait de la chose ainsi qu'aux pouvoirs de surveillance et de contrôle exercés sur elles qui caractérisent la garde, laquelle doit faire l'objet d'une appréciation in concreto.
Enfin le gardien de la chose peut s'exonérer de sa responsabilité par la preuve d'un cas fortuit ou de force majeure ou d'une cause étrangère qui ne lui soit pas imputable. Il ne lui suffit pas de prouver qu'il n'a commis aucune faute ou que la cause du fait dommageable est demeurée inconnue. L'évènement qualifié de force majeure doit revêtir trois caractères : être extérieur, imprévisible et irrésistible.
Chacune des maisons des colotis concernés, en se tassant, occasionne le tassement des maisons mitoyennes et a donc un rôle causal. Par ailleurs chacun des colotis concernés est gardien de la maison dont il est propriétaire ayant matériellement la possibilité d'éviter le dommage.
Pour autant, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, les maisons ne se tassent pas en raison d'un vice interne mais du fait de la nature du sous-sol sur lequel reposent les villas, lesquelles sont dépendantes dans leurs mouvements respectifs des mouvements souterrains sur lesquels les colotis n'ont aucune maîtrise.
A cet égard, l'expert a précisé dans son rapport en réponse à l'un des dires du conseil des consorts [M]:
« Le dire note judicieusement que Mme M. [M] n'ont aucune maîtrise sur les déplacements de leur villa... « puisque ces déplacements sont liés irrésistiblement au tassement du sol sous-jacent contre lequel les propriétaires de la villa concernée ne peuvent rien faire ». Il est certain qu'aucun des propriétaires ne maîtrise les tassements du sous-sol. Les dommages sont fonction des différences de tassements des villas et surtout de la mauvaise qualité (résistance mécanique du sous-sol). »
Il sera ajouté que ces mouvements ne sont pas perceptibles à l''il nu et que seule l'expertise a permis de les mettre à jour.
Ce phénomène de tassement généralisé du sol ne pouvait être prévu puisque les propriétaires qui ont acquis les villas ignoraient qu'elles avaient été construites sur une ancienne carrière servant de déchetterie.
C'est en vain que les appelants soutiennent que l'évènement n'était pas irrésistible au motif qu'il suffit de démolir les maisons pour mettre fin au dommage, alors que l'irrésistibilité ne s'apprécie pas à posteriori au regard des modalités de réparation du dommage mais à priori au regard de ce qu'il aurait pu être possible de faire pour éviter la réalisation du dommage.
Ainsi que l'ont retenu les premiers juges, au même titre qu'un tremblement de terre ou qu'un glissement de terrain, qui ont le même effet mais plus subit, il s'agit d'un événement imprévisible, irrésistible et extérieur pour les propriétaires des villas concernées qui a ainsi les caractères de la force majeure.
Le jugement, qui a rejeté l'action directe des colotis contre les assureurs de leurs voisins, fondée sur la responsabilité du fait des choses, sera confirmé.
Sur la responsabilité résultant des troubles excédant les inconvénients normaux du voisinage
Cette règle prétorienne, issue des articles 544 et 651 du code civil, a fait l'objet d'une codification par la loi n° 2024-346 du 15 avril 2024 qui a abrogé l'article L 113-8 du code de la construction et créé un article 1253 du code civil, lequel dispose :
« Le propriétaire, le locataire, l'occupant sans titre, le bénéficiaire d'un titre ayant pour objet principal de l'autoriser à occuper ou à exploiter un fonds, le maître d'ouvrage ou celui qui en exerce les pouvoirs qui est à l'origine d'un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage est responsable de plein droit du dommage qui en résulte.
Sous réserve de l'article L. 311-1-1 du code rural et de la pêche maritime, cette responsabilité n'est pas engagée lorsque le trouble anormal provient d'activités, quelle qu'en soit la nature, existant antérieurement à l'acte transférant la propriété ou octroyant la jouissance du bien ou, à défaut d'acte, à la date d'entrée en possession du bien par la personne lésée. Ces activités doivent être conformes aux lois et aux règlements et s'être poursuivies dans les mêmes conditions ou dans des conditions nouvelles qui ne sont pas à l'origine d'une aggravation du trouble anormal. »
Les sociétés GMF et MAAF font valoir que l'action des appelants sur ce fondement serait prescrite (prescription quinquennale) au motif que leur action n'avait pas initialement visé ce fondement.
Or, la prescription ne dépend pas du fondement invoqué mais de la date à laquelle les prétentions sont formulées.
Ainsi que l'ont retenu les premiers juges la théorie des inconvénients du voisinage peut dans son principe, s'énoncer de la manière suivante : lorsque dans l'exercice de ses activités licites et normales, une personne cause à son voisin ou à son environnement un dommage qui excède la mesure des inconvénients normaux du voisinage, elle engage sa responsabilité à l'égard de la victime du trouble qu'elle cause.
Le nouveau texte confirme cette théorie puisqu'il est mentionné que le propriétaire doit être à l'origine du trouble excédant les inconvénients du voisinage.
Tel n'est pas le cas en l'espèce, puisque tous les appelants subissent les conséquences du vice de construction résultant de fondations inadaptées au sous-sol, qu'aucun d'entre eux n'est intervenu sur le choix constructif, et partant ne peut être considéré comme étant à l'origine du trouble dénoncé, étant ajouté au surplus qu'en tout état de cause la force majeure qui est une cause d'exonération de la responsabilité de plein droit encourue s'applique en l'espèce.
Le jugement qui a débouté les co-lotis de leurs demandes fondée sur cette responsabilité, sera confirmé.
V - Sur les demandes indemnitaires de la société Saretec
Il sera constaté que la société Saretec qui, en première instance demandait la condamnation des colotis à lui payer une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée, prétention qui a fait l'objet d'un rejet du tribunal, ne forme pas appel incident et demande la confirmation du jugement qui est donc définitif sur ce point.
VI ' Sur les mesures accessoires
Les colotis qui échouent en leur appel sont tenus aux dépens exposés devant la cour.
En revanche, l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit des défendeurs devenus intimés devant la cour de sorte que le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné in solidum les colotis à payer les sommes de :
- 3.000 euros à la société Areas dommages,
- 3.000 euros à la SA Macif,
- 3.000 euros à la SAS Saretec,
- 3.000 euros à la SAS Ginger CEBTP,
- 3.000 euros à la SAS Procivis Savoie,
- 2.000 euros à la MAF,
- 2.000 euros à la GMF assurances et la SA MAAF assurances,
- 2.000 euros à la SA MAIF,
- 1.000 euros à la SA Allianz iard,
- 1.000 euros à la SA Socotec construction,
Et ces dernières seront déboutées de leurs demandes d'indemnité procédurale tant en première instance qu'en appel.
Les colotis seront également déboutés de leurs demandes d'indemnité procédurale.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire,
Sur l'action dirigée à l'encontre des constructeurs, locateurs d'ouvrage et leurs assureurs
La société Procivis
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevable pour cause de prescription l'action de Mme [DD] [TA] veuve [E], Mme [LM] [I] divorcée [F], la SCI [Adresse 32], M. [WI] [M], Mme [KO] [M], Mme [DY] [M], M. [AP] [M], M. [P] [M], M. [YB] [M], Mme [S] [M] née [J], Mme [U] [IB], M. [X] [IB], M. [R] [CT], Mme [T] [L] divorcée [CT], Mme [GL] [ZR] veuve [N], M. [FR] [N], M. [VN] [OV] et Mme [JU] [K] dirigée à l'encontre de la société Procivis Savoie,
La société Ginger CEBTP
Confirme le jugement déféré en ce qu'il en ce qu'il a déclaré irrecevable pour cause de prescription l'action de Mme [DD] [TA] veuve [E], Mme [LM] [I] divorcée [F], la SCI [Adresse 32], M. [WI] [M], Mme [KO] [M], Mme [DY] [M], M. [AP] [M], M. [P] [M], M. [YB] [M], Mme [S] [M] née [J], Mme [U] [IB], M. [X] [IB], M. [R] [CT] et Mme [T] [L] divorcée [CT], Mme [GL] [ZR] veuve [N], M. [FR] [N], M. [VN] [OV] et Mme [JU] [K] dirigée à l'encontre de la société Ginger CEBTP,
Y ajoutant,
Constate que les actions récursoires de la société Ginger CEBTP à l'encontre de la société MAF assureur décennal de M. [UT], de la société Axa assureur dommages ouvrage, et assureur de la société Cacciatore, de la société Socotec et de la société Saretec sont sans objet,
La société Saretec
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevable pour cause de prescription l'action de M. [OV] et Mme [K] dirigée à l'encontre de la société Saretec,
Sur les demandes dirigées à l'encontre de la société Allianz assureur de l'association syndicale libre
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [DD] [TA] veuve [E], Mme [LM] [I] divorcée [F], la SCI [Adresse 32], M. [WI] [M], Mme [KO] [M], Mme [DY] [M], M. [AP] [M], M. [P] [M], M. [YB] [M], Mme [S] [M] née [J], Mme [U] [IB], M. [X] [IB], M. [R] [CT], et Mme [T] [L] divorcée [CT], Mme [GL] [ZR] veuve [N] et M. [FR] [N], M. [VN] [OV] et Mme [JU] [K], de leurs demandes dirigées contre la société la société Allianz assureur de l'association syndicale libre,
Sur les demandes dirigées par les colotis contre leurs assureurs multirisques habitation respectifs
Sur l'action engagée par Mme [I] divorcée [F] à l'encontre de la MAIF
Infirme le jugement en ce qu'il a déclaré l'action de Mme [I] divorcée [F] dirigée contre la société Maif irrecevable,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare Mme [I] divorcée [F] recevable en son action dirigée à l'encontre de son assureur la société Maif, mais non fondée,
En conséquence la déboute de ses demandes indemnitaires formées à l'encontre de cet assureur.
Sur l'action de la SCI [Adresse 32] à l'encontre de son assureur la Macif
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré recevable l'action de la SCI [Adresse 32] dirigée à l'encontre de son assureur la Macif et l'en a débouté,
Sur l'action de de M. [CT] et Mme [L] divorcée [CT] à l'encontre de la société MAAF
Infirme le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes des consorts [CT] dirigées contre leur assureur multirisques habitation, la société MAAF,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare leur action dirigée contre la MAAF recevable mais non fondée,
En conséquence, les déboute de leurs demandes indemnitaires formées à l'encontre de cet assureur,
Sur l'action de Mme [TA] veuve [E] et de Mme [IB] à l'encontre de la GMF
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevables leur action dirigée à l'encontre de la société GMF,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare recevable l'action de Mme [TA] veuve [E] et de Mme [IB] dirigée à l'encontre de la société GMF mais non fondée,
En conséquence, les déboute de leurs demandes indemnitaires formées à l'encontre de cet assureur,
Sur l'action des consorts [M] à l'encontre de la société Areas dommages
Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable pour défaut de qualité à agir l'action de Mme [S] [M] née [J] à l'encontre de la société Areas dommages,
Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré recevable l'action de M. [WI] [M], Mme [KO] [M], Mme [DY] [M], M. [AP] [M], M. [P] [M] et M. [YB] [M], dirigée contre la société Areas dommages,
Confirme le jugement en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes indemnitaires dirigées contre la société Areas dommages,
Sur l'action de certains colotis dirigées contre les assureurs de responsabilité civile des villas voisines
Confirme le jugement qui a écarté les prétentions relatives à l'existence d'un conflit d'intérêt,
Infirme le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable pour cause de prescription les actions :
- De Mme [I] divorcée [F] et de la SCI [Adresse 32] à l'encontre de la société GMF,
- Des consorts [M], de M. [CT] et Mme [L] divorcée [CT] à l'encontre de la société GMF,
- Des consorts [M] et des époux [IB] à l'encontre de la société MAAF,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare recevables Mme [LM] [I] divorcée [F], la SCI [Adresse 32], M. [WI] [M], Mme [KO] [M], Mme [DY] [M], M. [AP] [M], M. [P] [M], M. [YB] [M], M. [R] [CT] et Mme [T] [L] divorcée [CT], en leur action dirigée à l'encontre de la société GMF,
Déclare recevables Mme [U] [IB] et son fils [X] [IB], M. [WI] [M], Mme [KO] [M], Mme [DY] [M], M. [AP] [M], M. [P] [M], M. [YB] [M], en leur action dirigée à l'encontre de la société MAAF,
Déboute Mme [LM] [I] divorcée [F], la SCI [Adresse 32], M. [WI] [M], Mme [KO] [M], Mme [DY] [M], M. [AP] [M], M. [P] [M], M. [YB] [M], M. [R] [CT] et Mme [T] [L] divorcée [CT], Mme [U] [IB] et M. [X] [IB] de leurs demandes indemnitaires fondées sur :
- la responsabilité du fait de la ruine des bâtiments,
- la responsabilité du fait des choses,
- les troubles excédant les inconvénients normaux du voisinage.
Sur les mesures accessoires
Confirme le jugement ce qu'il a condamné in solidum Mme [DD] [TA] veuve [E], Mme [LM] [I] divorcée [F], la SCI [Adresse 32], M. [WI] [M], Mme [KO] [M], Mme [S] [M] née [J], Mme [DY] [M], M. [AP] [M], M. [P] [M], M. [YB] [M], M. [R] [CT] et Mme [T] [L] divorcée [CT], Mme [GL] [ZR] veuve [N] et M. [FR] [N], M. [OV] et Mme [JU] [K] aux dépens,
Y ajoutant,
Condamne in solidum Mme [DD] [TA] veuve [E], Mme [LM] [I] divorcée [F], la SCI [Adresse 32], M. [WI] [M], Mme [KO] [M], Mme [S] [M] née [J], Mme [DY] [M], M. [AP] [M], M. [P] [M], M. [YB] [M], M. [R] [CT] et Mme [T] [L] divorcée [CT], Mme [GL] [ZR] veuve [N] et M. [FR] [N], M. [OV] et Mme [JU] [K] aux dépens exposés en appel.
Admet les parties qui en ont formé la demande et en réunissent les conditions au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Infirme le jugement en ce qu'il a condamné in solidum Mme [DD] [TA] veuve [E], Mme [LM] [I] divorcée [F], la SCI [Adresse 32], M. [WI] [M], Mme [KO] [M], Mme [S] [M] née [J], Mme [DY] [M], M. [AP] [M], M. [P] [M], M. [YB] [M], M. [R] [CT] et Mme [T] [L] divorcée [CT], Mme [GL] [ZR] veuve [N] et M. [FR] [N], M. [OV] et Mme [JU] [K] à payer les indemnités procédurales suivantes :
- 3.000 euros à la société Areas dommages,
- 3.000 euros à la SA Macif,
- 3.000 euros à la SAS Saretec,
- 3.000 euros à la SAS Ginger CEBTP,
- 3.000 euros à la SAS Procivis Savoie,
- 2.000 euros à la MAF,
- 2.000 euros à la GMF assurances et la SA MAAF assurances,
- 2.000 euros à la SA MAIF,
- 1.000 euros à la SA Allianz iard,
- 1.000 euros à la SA Socotec construction,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties tant en première instance qu'en appel.
Arrêt Réputé Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
et signé par Nathalie HACQUARD, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, La Présidente,
Copie simple et exécutoire délivrées le 09 septembre 2025
à
la SCP GIRARD-MADOUX ET ASSOCIES
la SCP BESSAULT MADJERI SAINT-ANDRE
la SELARL MLB AVOCATS
la SELARL BOLLONJEON
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE-CHAMBERY
Me Bérangère HOUMANI
la SELARL VIARD-HERISSON GARIN
la SELARL CABINET COMBAZ
la SCP CABINET DENARIE BUTTIN PERRIER GAUDIN
Me Clarisse DORMEVAL
la SELARL JURISOPHIA SAVOIE
la SAS MERMET & ASSOCIES
la SCP LE RAY BELLINA DOYEN
la SELARL ENOTIKO AVOCATS
N° Minute
1C25/492
COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
Chambre civile - Première section
Arrêt du Mardi 09 Septembre 2025
N° RG 22/00801 - N° Portalis DBVY-V-B7G-G7OC
Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CHAMBERY en date du 24 Mars 2022
Appelants
Mme [GL] [ZR] veuve [N], demeurant [Adresse 17]
M. [FR] [N], demeurant [Adresse 15]
Représentés par la SCP GIRARD-MADOUX ET ASSOCIES, avocat au barreau de CHAMBERY
Mme [DD] [TA] veuve [E]
née le 09 Mai 1955 à [Localité 26], demeurant [Adresse 7]
Mme [LM] [I]
née le 27 Décembre 1972 à [Localité 36], demeurant [Adresse 9]
M. [WI] [M], demeurant [Adresse 12]
Mme [KO] [M], demeurant [Adresse 33]
Mme [DY] [M], demeurant [Adresse 14]
M. [AP] [M], demeurant [Adresse 33]
M. [P] [M], demeurant [Adresse 27]
M. [YB] [M], demeurant [Adresse 33]
Mme [S] [J] épouse [M]
née le 27 Juin 1937 à [Localité 31], demeurant [Adresse 21]
Mme [U] [IB]
née le 22 Août 1950 à [Localité 40], demeurant [Adresse 20]
M. [X] [IB]
né le 09 Mars 1988 à [Localité 28] (BRESIL), demeurant [Adresse 20]
Mme [T] [L] épouse [CT]
née le 09 Août 1969 à [Localité 38], demeurant [Adresse 22]
M. [R] [CT]
né le 09 Février 1965 à [Localité 24], demeurant [Adresse 22]
S.C.I. [Adresse 32], dont le siège social est situé [Adresse 5]
Représentés par la SELARL MLB AVOCATS, avocats postulants au barreau de CHAMBERY
Représentés par la SELARL ROBICHON & ASSOCIES, avocats plaidants au barreau de GRENOBLE
M. [NX] [OV]
né le 17 Avril 1980 à [Localité 39], demeurant [Adresse 16]
Mme [JU] [K]
née le 11 Septembre 1979 à [Localité 37], demeurant [Adresse 16]
Représentés par la SELARL BOLLONJEON, avocats postulants au barreau de CHAMBERY
Représentés par Me Isabelle BRESSIEUX, avocat plaidant au barreau d'ANNECY
Intimées
MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS, dont le siège social est situé [Adresse 8]
Représentée par la SCP BESSAULT MADJERI SAINT-ANDRE, avocats postulants au barreau de CHAMBERY
Représentée par la SELARL AEDES JURIS, avocats plaidants au barreau de PARIS
S.A.S. SARETEC FRANCE, dont le siège social est situé [Adresse 23]
Représentée par la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE-CHAMBERY, avocats postulants au barreau de CHAMBERY
Représentée par la SELARL GALDOS & BELLON, avocats plaidants au barreau de PARIS
S.A. AXA FRANCE IARD, dont le siège social est situé [Adresse 13]
Représentée par Me Bérangère HOUMANI, avocat postulant au barreau de CHAMBERY
Représentée par la SELARL DENIAU AVOCATS GRENOBLE, avocats plaidants au barreau de GRENOBLE
S.A.S. SOCOTEC, dont le siège social est situé [Adresse 19]
Représentée par la SELARL VIARD-HERISSON GARIN, avocats postulants au barreau de CHAMBERY
Représentée par la SELARL PVBF, avocats plaidants au barreau de LYON
Société PROCIVIS SAVOIE, dont le siège social est situé [Adresse 2]
Représentée par la SELARL CABINET COMBAZ, avocats au barreau de CHAMBERY
Compagnie d'assurance ALLIANZ IARD, dont le siège social est situé [Adresse 1]
Représentée par la SCP CABINET DENARIE BUTTIN PERRIER GAUDIN, avocats au barreau de CHAMBERY
S.A.S. GINGER CEBTP, dont le siège social est situé [Adresse 3]
Représentée par Me Clarisse DORMEVAL, avocat postulant au barreau de CHAMBERY
Représentée par la SELARL OMEN AVOCATS, avocats plaidants au barreau de PARIS
S.A. GMF ASSURANCES, dont le siège social est situé [Adresse 4]
S.A. MAAF ASSURANCES, dont le siège social est situé [Adresse 30]
Représentées par la SELARL JURISOPHIA SAVOIE, avocats au barreau de CHAMBERY
Compagnie d'assurance AREAS DOMMAGES, dont le siège social est situé [Adresse 18]
Représentée par la SAS MERMET & ASSOCIES, avocats au barreau de THONON-LES-BAINS
S.A. FILIA MAIF, dont le siège social est situé [Adresse 11]
Représentée par la SCP LE RAY BELLINA DOYEN, avocats au barreau de CHAMBERY
Société MACIF - MUTUELLE ASSURANCE DES COMMERCANTS ET INDUSTRIELS DE FRANCE, dont le siège social est situé [Adresse 10]
Représentée par la SELARL ENOTIKO AVOCATS, avocats postulants au barreau de CHAMBERY
Représentée par Me Alexia JACQUOT, avocat plaidant au barreau de GRENOBLE
S.A.S. KEOPS INGENIERIE, dont le siège social est situé [Adresse 6]
Sans avocat constitué
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Date de l'ordonnance de clôture : 17 Février 2025
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 04 mars 2025
Date de mise à disposition : 09 septembre 2025
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Composition de la cour :
- Mme Nathalie HACQUARD, Présidente,
- M. Guillaume SAUVAGE, Conseiller,
- Mme Inès REAL DEL SARTE, Magistrat Honoraire,
avec l'assistance lors des débats de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,
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Faits et procédure
Au cours de l'année 1981, la SCI [Adresse 34] a entrepris la construction d'un ensemble de 37 pavillons dénommés [Adresse 34], sur un terrain constitué d'une ancienne carrière remblayée, à [Localité 24], pour un coût total de 12 050 785 Francs TTC.
Pour cette opération immobilière, la SCI [Adresse 34] a souscrit auprès de la société Mutuelles Unies aux droits de laquelle se trouve la société Axa France une assurance dommages-ouvrage n° 7145794.
Sont notamment intervenus à la construction :
- M. [N] [CI] et M. [UT], architectes à qui une mission de maîtrise d''uvre complète a été confiée,
- la société Socotec en qualité de bureau de contrôle avec une mission de solidité,
- M. [D] devenu la société Keops en qualité d'ingénieur béton armé,
- M. [O] et la SCP Geode en qualité de géomètres,
- la société Cacciatore en charge du lot gros 'uvre,
- la société CEBTP devenue Ginger CEBTP géotechnicien,
- la société Grosjean en charge du lot terrassement,
La déclaration d'ouverture de chantier est en date du 16 juillet 1981 et la réception a été prononcée selon les villas :
- le 29 juillet 1982 pour le lot 31, propriété [E],
- le 2 septembre 1982 pour le lot 30, propriété [F],
- le 26 mai 1983 le lot 2, propriété [M],
- le 14 décembre 1984 pour le lot 1, propriété [CT].
Le lotissement a été réceptionné le 11 avril 1984.
Se sont portés acquéreurs de lots :
- M. et Mme [E] du lot n°31, par acte du 19 décembre 1986, assurés auprès de la société GMF au titre d'une assurance habitation,
- M. et Mme [M] du lot n°2, par acte du 31 octobre 1984, assurés auprès de la société Areas, au titre d'une assurance habitation,
- la SCI [Adresse 32], du lot n°32 par acte du 6 juillet 2000, assurée auprès de la société Macif au titre d'une assurance habitation,
- Mme [IB] du lot n°3 par acte du 25 septembre 2005 et son fils M. [X] [IB] par acte de donation du 30 octobre 2014, assurés auprès de la société GMF, au titre d'une assurance habitation,
- M. et Mme [CT], du lot n°1 par acte du 2 décembre 2005, assurés auprès de la société MAAF Assurances, au titre d'une assurance habitation,
- M. et Mme [F], du lot n°30, par acte du 24 mai 2006, assurée auprès de la société Filia Maif, au titre d'une assurance habitation.
En 1987, plusieurs maisons ont présenté des fissures en façades et une déclaration de sinistre a été effectuée auprès de l'assureur dommage-ouvrage AXA par M. [E].
La société Saretec France, qui a été missionnée en qualité d'expert assurance dommage ouvrage, a estimé que les fissures étaient dues à un phénomène de retrait du béton.
Le 21 janvier 1988, l'assureur dommage ouvrage a refusé sa garantie au motif que les désordres étaient purement esthétiques et qu'ils n'affectaient pas la solidité de l'ouvrage.
Les désordres se sont amplifiés et sont apparus sur plusieurs maisons du lotissement dans le courant de l'année 2008.
A la requête de M. [E], M. [A] ingénieur génie civil et expert auprès de la cour d'appel de Chambéry a procédé à l'examen de la maison de ce dernier ainsi que de celles de MM [RK] et [Z] pour les maisons voisines et a établi un rapport en date du 29 février 2008.
Il a constaté un phénomène de fissuration important dû, selon lui, à un tassement du sol de ces trois constructions situées au point bas du drainage naturel du terrain reconstitué, précisant que le glissement du terrain déstabilisait le plan de fondation et que la fissuration de la structure des maçonneries, se produisait à l'endroit où l'on aurait pu mettre un joint de dilatation. Il a conseillé aux trois propriétaires concernés, de déclarer à nouveau ce sinistre à l'assureur dommages ouvrage.
En avril 2009, le cabinet Egsol a établi un diagnostic geotechnique des pavillons de M. [RK] et M. [E], aux termes duquel il a constaté que le mode de fondations des pavillons était hétérogène, d'une épaisseur variable et reposant sur des remblais peu résistants à dominante sableuse ou sable argileuse et à graves et débris divers (béton enrobé, bois, briques, câbles')
Les trois sondages pressiométriques réalisés ont confirmé des remblais à dominante sablo - graveleuse sur environ 15 mètres d'épaisseur en certains endroits.
Par ordonnance du 1er avril 2010, le juge des référés du tribunal de grande instance de Chambéry, saisi à la requête des époux [E], [F], [B], [Z], de Mme [V], de M. [CT] et de la SCI [Adresse 32] a ordonné une expertise confiée à M. [G], au contradictoire des parties suivantes :
- Procivis Savoie, associée unique de la SCI [Adresse 34], promoteur,
- la Communauté d'agglomération du lac du Bourget,
- la Saur,
- la commune d'[Localité 24],
- la société AXA venant aux droits de la compagnie Mutuelles Unies, prise en sa qualité d'assureur DO,
- la société Allianz venant aux droits d'AGF, en qualité d'assureur de l'association syndicale libre.
Par ordonnance en date du 2 novembre 2010 rectifiée le 11 janvier 2011, puis le 8 mars 2011, le juge des référés a déclaré recevable l'intervention volontaire de M. [HG] [M] et Mme [S] [J] épouse [M], usufruitiers, MM. [WI] et [YW] [M] nu-propriétaires, les consorts [N] et l'ASL du [Adresse 34], au contradictoire de la société Procivis, de la communauté d'agglomération du Lac du Bourget, de la SAUR et de la société Allianz, à la procédure d'expertise ordonnée le 1er avril 2010.
Par arrêt du 24 mai 2011, la cour d'appel de Chambéry statuant sur l'appel interjeté par la société Procivis de l'ordonnance du 9 novembre 2010, a donné acte à cette dernière de son désistement d'appel contre la société Geode, et dit que les opérations d'expertise confiées à M. [G] par ordonnance du 1er avril 2010, se poursuivrait en présence de MM. [O], [D] et des sociétés Keops, Grosjean et Socotec.
Par ordonnance du 6 septembre 2011, le juge des référés a étendu, à la demande de Mme [IB], les opérations d'expertise à la société AXA, et ordonné la poursuite des opérations d'expertise au contradictoire de cette dernière, ordonnance qui a été infirmé par arrêt en date du 21 février 2012 de la présente cour (pièce AXA n° 8), laquelle a mis hors de cause cette société, faute par Mme [IB] d'avoir effectué une déclaration de sinistre dans les formes des articles L 242-1 et A 243-1 du code des assurances, avant l'expiration d'une période de dix ans à compter de la réception, rendant nécessairement irrecevable toute action dirigée à l'encontre de l'assureur dommages-ouvrage.
Par ordonnance en date du 13 mai 2014, le juge des référés du tribunal de grande instance de Chambéry, saisi à la requête des consorts [E], [F], [M], de la SCI [Adresse 32], de l'ASL [Adresse 34] et de Mme [IB], a étendu les opérations d'expertise à la recherche des causes de l'interaction entre les maisons et a déclaré les opérations d'expertise opposables à :
- La compagnie GMF assureur multirisques habitation de Mme [IB], et des époux [E],
- La société Areas, assureur multirisque habitation des époux [M],
- La société Filia Maif, assureur multirisques habitation des époux [F],
- La Macif, assureur multirisques habitation de la SCI [Adresse 32],
- La société Maaf, assureur multirisques habitation des époux [CT].
Par ordonnance en date du 26 janvier 2016, le juge des référés du tribunal de grande instance de Chambéry, statuant à la requête de Mme [E], des époux [F], des consorts [M], des consort [IB], de la SCI [Adresse 32] et de l'ASL [Adresse 34], a déclaré les opérations d'expertise communes et opposables à M. [NX] [OV], Mme [K] et Mme [Y].
Saisi à la requête de la société Filia Maif suivant requête en date du 17 mai 2016, le juge des référés a ordonné l'extension de la mission de l'expert M. [G] au chiffrage de la valeur vénale des biens sinistrés, sans tenir compte des désordres les affectant.
Enfin, suivant ordonnance en date du 14 février 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Chambéry, saisi à la requête des consorts [E], [F], [M], [IB], [CT], de la SCI [Adresse 32], a déclaré les opérations d'expertise judiciaire en cours, communes et opposables à la société Ginger CEBTP.
L'expert a déposé son rapport définitif le 29 mars 2019.
C'est dans ces conditions, que suivant exploits d'huissier des 28, 29, 31 mai 2019, 3, 4 et 25 juin 2019, Mme [DD] [E], M. [H] [F], Mme [LM] [I], la SCI [Adresse 32], M. [HG] [M], Mme [S] [J] épouse [M], Mme [U] [IB], M. [X] [IB], M. [R] [CT], et Mme [T] [L] ont fait assigner la société Procivis Savoie, la société Axa France Iard, la société Allianz iard, la société Saretec France, la société GMF Assurances, la société d'assurance mutuelle Areas Dommages, la société Maif Filia, la société Maaf, la Macif, la société Ginger CEBTP devant le tribunal de grande instance de Chambéry.
L'affaire a été enrôlée sous le numéro RG 19/971.
Par actes délivrés les 19 et 22 juillet 2019, la société Ginger CEBTP a appelé en la cause la société Procivis Savoie, la compagnie Mutuelle des Architectes Français (ci-après la MAF), la société Socotec, la société Axa France Iard, la société Keops Ingénierie.
L'affaire a été enrôlée sous le numéro RG 19/1244.
Suivant ordonnance en date du 19 mars 2020, le juge de la mise en état a prononcé la jonction des deux affaires.
Suivant conclusions parvenues au greffe du tribunal le 19 mars 2020, Mme [GL] [ZR] veuve [N] et M. [FR] [N] sont intervenus volontairement à l'instance.
Suivant conclusions parvenues au greffe du tribunal le 22 juillet 2021, M. [NX] [OV] et Mme [JU] [K] sont intervenus volontairement à l'instance.
Par jugement du 24 mars 2022, le tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire de Chambéry, a :
- Rejeté la demande de rabat de l'ordonnance de clôture,
- Rejeté l'ensemble des conclusions qui ont été déposées par les parties après les dates qui leur ont été imparties par le calendrier de procédure notifié aux parties le 26 mai 2021 ;
- Prononcé la mise hors de cause de M. [H] [F] ;
- Constaté l'intervention volontaire de Mme [GL] [ZR] veuve [N] et M. [FR] [N] ;
- Constaté l'intervention volontaire de M. [NX] [OV] et Mme [JU] [K] ;
- Déclaré irrecevable pour cause de prescription, l'action de Mme [DD] [E], Mme [LM] [I], la SCI [Adresse 32], M. [WI] [M], Mme [KO] [M], Mme [DY] [M], M. [AP] [M], M. [P] [M], M. [YB] [M], Mme [S] [M] née [J], Mme [U] [IB], M. [X] [IB], M. [R] [CT] et Mme [T] [L] épouse [CT], Mme [GL] [ZR] veuve [N] et M. [FR] [N], M. [OV] et Mme [K] à l'encontre de la société Axa France Iard ;
- Rejeté l'action de Mme [DD] [E], Mme [LM] [I], la SCI [Adresse 32], M. [WI] [M], Mme [KO] [M], Mme [DY] [M], M. [AP] [M], M. [P] [M], M. [YB] [M], Mme [S] [M] née [J], Mme [U] [IB], M. [X] [IB], M. [R] [CT], et Mme [T] [L] épouse [CT], Mme [GL] [ZR] veuve [N] et M. [FR] [N], M. [OV] et Mme [K] fondée sur la faute dolosive de la société Axa France Iard ;
- Déclaré irrecevable pour cause de prescription, l'action de Mme [DD] [TA] veuve [E], Mme [LM] [I], la SCI [Adresse 32], M. [WI] [M], Mme [KO] [M], Mme [DY] [M], M. [AP] [M], M. [P] [M], M. [YB] [M], Mme [S] [M] née [J], Mme [U] [IB], M. [X] [IB], M. [R] [CT], et Mme [T] [L] épouse [CT], Mme [GL] [ZR] veuve [N] et M. [FR] [N], M. [OV] et Mme [K] à l'encontre de la SAS Procivis Savoie ;
- Déclaré irrecevable pour cause de prescription, l'action de Mme [DD] [TA] veuve [E], Mme [LM] [I], la SCI [Adresse 32], M. [WI] [M], Mme [KO] [M], Mme [DY] [M], M. [AP] [M], M. [P] [M], M. [YB] [M], Mme [S] [M] née [J], Mme [U] [IB], M. [X] [IB], M. [R] [CT], et Mme [T] [L] épouse [CT], Mme [GL] [ZR] veuve [N] et M. [FR] [N], M. [NX] [OV] et Mme [JU] [K] à l'encontre de la société Ginger CEBTP ;
- Déclaré irrecevable pour cause de prescription, l'action de Mme [DD] [TA] veuve [E], Mme [LM] [I], la SCI [Adresse 32], M. [WI] [M], Mme [KO] [M], Mme [DY] [M], M. [AP] [M], M. [P] [M], M. [YB] [M], Mme [S] [M] née [J], Mme [U] [IB], M. [X] [IB], M. [R] [CT], et Mme [T] [L] épouse [CT], Mme [GL] [ZR] veuve [N] et M. [FR] [N], M. [NX] [OV] et Mme [JU] [K] à l'encontre de la société Saretec ;
- Déclaré irrecevable pour cause de défaut de qualité à agir, l'action de Mme [S] [J] épouse [M] à l'encontre de la société d'assurance mutuelle Areas Dommages ;
- Dit que la prescription de deux années est inopposable par la société d'assurance mutuelle Areas Dommages, à M. [WI] [M], Mme [KO] [M], Mme [DY] [M], M. [AP] [M], M. [P] [M] et M. [YB] [M] ;
- Déclaré en conséquence recevable l'action de M. [WI] [M], Mme [KO] [M], Mme [DY] [M], M.[AP] [M], M. [P] [M] et M. [YB] [M] à l'encontre de la société d'assurance mutuelle Areas Dommages ;
- Déclaré en conséquence recevable l'action de M. et Mme [CT] à l'encontre de la société d'assurance mutuelle Areas Dommages ;
- Déclaré en conséquence recevable l'action de Mme [IB] et de M. [X] [IB] à l'encontre de la société d'assurance mutuelle Areas Dommages
- Dit que la prescription de deux années est inopposable par la société Macif, à la SCI [Adresse 32] ;
- Déclaré en conséquence recevable l'action de la SCI [Adresse 32] à l'encontre de la société Macif,
- Déclaré recevable l'action de Mme [DD] [TA] veuve [E] à l'encontre de la SA Macif ;
- Déclaré irrecevable pour cause de prescription l'action de Mme [DD] [TA] veuve [E], Mme [U] [IB], M. [X] [IB], M. [R] [CT], et Mme [T] [L] épouse [CT], Mme [LM] [I], M. [WI] [M], Mme [KO] [M], Mme [DY] [M], M. [AP] [M], M. [P] [M] et M. [YB] [M], la SCI [Adresse 32] à l'encontre de la société MAAF Assurances et de la société GMF Assurances ;
- Déclaré irrecevable pour cause de prescription l'action de Mme [LM] [I] à l'encontre de la société Filia Maif ;
- Dit qu'il n'appartient pas au tribunal de relever d'office la question du conflit d'intérêt potentielle et que cette difficulté ne relève pas de la présente juridiction ;
- Débouté Mme [DD] [E], Mme [LM] [I], la SCI [Adresse 32], M. [HG] [M], Mme [S] [J] épouse [M], Mme [U] [IB], M. [X] [IB], M. [R] [CT], et Mme [T] [L] épouse [CT], Mme [GL] [ZR] veuve [N] et M. [FR] [N], M. [VN] [OV] et Mme [JU] [K] de leurs demandes formées à l'encontre de la société Allianz Iard ;
- Dit qu'un aléa existait au moment de la conclusion du contrat entre la SCI [Adresse 32] et la société Macif, que le contrat est donc valable ;
- Dit que la société Macif ne doit pas sa garantie au titre de la garantie « dégâts des eaux » ;
- Dit que la responsabilité de la SCI [Adresse 32] n'est pas engagée au titre de la responsabilité du fait de la ruine des bâtiments ;
- Dit que la responsabilité de la SCI [Adresse 32] n'est pas engagée au titre de la responsabilité du fait des choses ;
- Dit que la responsabilité de la SCI [Adresse 32] n'est pas engagée au titre des troubles anormaux de voisinage ;
- Dit qu'en conséquence la société Macif ne doit pas sa garantie ;
- Dit qu'un aléa existait au moment de la conclusion du contrat d'assurance avec la société d'assurance mutuelle Areas Dommages, que le contrat est donc valable ;
- Dit que la société d'assurance mutuelle Areas Dommages, ne doit pas sa garantie au titre de la garantie « dégâts des eaux » ;
- Dit que la responsabilité des consorts [M] n'est pas engagée au titre de la responsabilité du fait de la ruine des bâtiments ;
- Dit que la responsabilité de consorts [M] n'est pas engagée au titre de la responsabilité du fait des choses ;
- Dit que la responsabilité des consorts [M] n'est pas engagée au titre des troubles anormaux de voisinage ;
- Dit qu'en conséquence la société d'assurance mutuelle Areas Dommages, ne doit pas sa garantie,
- Débouté Mme [DD] [E], Mme [LM] [I], la SCI [Adresse 32], M. [HG] [M], Mme [S] [J] épouse [M], Mme [U] [IB], M. [X] [IB], M. [R] [CT], et Mme [T] [L], Mme [GL] [ZR] et M. [FR] [N], M. [NX] [OV] et Mme [JU] [K] de leurs demandes de dommages et intérêts ;
- Rejeté la demande reconventionnelle de dommages et intérêts formulée par la société Saretec France ;
- Condamné in solidum Mme [DD] [E], Mme [LM] [I], la SCI [Adresse 32], M. [HG] [M], Mme [S] [J] épouse [M] , Mme [U] [IB], M. [X] [IB], M. [R] [CT], et Mme [T] [L], Mme [GL] [ZR] veuve [N] et M. [FR] [N], M. [NX] [OV] et Mme [JU] [K] à payer les sommes suivantes au titre de l'article 700 du code de procédure civile :
- 3.000 euros à la société d'assurances mutuelles Areas Dommages
- 3.000 euros à la société Macif,
- 1.000 euros à la société Allianz Iard,
- 1.000 euros à la société Socotec Construction,
- 3.000 euros à la société Saretec,
- 2.000 euros à la société Mutuelle des Architectes Français,
- 2.000 euros indivisément à la société GMF Assurances et la SA Maaf Assurances,
- 2.000 euros à la société Axa France Iard,
- 3.000 euros à la société Ginger CEBTP,
- 3.000 euros à la société Procivis Savoie,
- 2.000 euros à la société Filia Maif ;
- Débouté Mme [DD] [E], Mme [LM] [I], la SCI [Adresse 32], M. [HG] [M], Mme [S] [J] épouse [M], Mme [U] [IB], M. [X] [IB], M. [R] [CT], et Mme [T] [L] épouse [CT], Mme [GL] [ZR] veuve [N] et M. [FR] [N], M. [NX] [OV] et Mme [JU] [K] de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné in solidum Mme [DD] [E], Mme [LM] [I], la SCI [Adresse 32], M. [HG] [M], Mme [S] [J] épouse [M], Mme [U] [IB], M. [X] [IB], M. [R] [CT], et Mme [T] [L] épouse [CT], Mme [GL] [ZR] veuve [N] et M. [FR] [N], M. [NX] [OV] et Mme [JU] [K] aux entiers dépens de l'instance ;
- Accordé à la société Mermet et Associes, Me Rosado, la société Viard Herisson-Garin, la société Cochet-Barbuat, Me Houmani, la société Le Ray Bellina le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
- Rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties.
Par déclaration au greffe du 6 mai 2022, Mme [DD] [E], Mme [LM] [I], la SCI [Adresse 32], M. [WI] [M], ès qualité de nu- propriétaire et ès qualités d'héritier de M. [HG] [M], Mmes [KO], [DY] et MM. [AP], [P], [YB] [M], ès qualités d'héritiers de M. [VN] [YB] [M], Mme [S] [J] épouse [M], Mme [U] [IB], M. [X] [IB], M. [R] [CT], et Mme [T] [L] épouse [CT] ont interjeté appel de la décision en intimant :
- la société Procivis Savoie,
- la société Allianz iard,
- la société Ginger CEBTP,
- la société GMF assurances,
- la société Areas dommages,
- la société Filia Maif,
- la société Maaf assurances,
- la Macif,
en ce que la décision a :
- déclaré irrecevable pour cause de prescription, l'action de Mme [DD] [TA] née [E], Mme [LM] [I], la SCI [Adresse 32], M. [WI] [M], Mme [KO] [M], Mme [DY] [M], M. [AP] [M], M. [P] [M], M. [YB] [M], Mme [S] [M] née [J], Mme [U] [IB], M. [X] [IB], M. [R] [CT], et Mme [T] [L] épouse [CT], Mme [GL] [ZR] veuve [N] et M. [FR] [N], M. [VN] [OV] et Mme [JU] [K] à l'encontre de la SAS Procivis Savoie ;
- déclaré irrecevable pour cause de prescription, l'action de Mme [DD] [TA] née [E], Mme [LM] [I], la SCI [Adresse 32], M. [WI] [M], Mme [KO] [M], Mme [DY] [M], M. [AP] [M], M. [P] [M], M. [YB] [M], Mme [S] [M] née [J], Mme [U] [IB], M. [X] [IB], M. [R] [CT], et Mme [T] [L] épouse [CT], Mme [GL] [ZR] veuve [N] et M. [FR] [N], M. [VN] [OV] et Mme [JU] [K] à l'encontre de la société Ginger CEBTP ;
- déclaré irrecevable pour cause de défaut de qualité à agir, l'action de Mme [S] [J] à l'encontre de la société d'assurance mutuelle Areas Dommages ;
- déclaré irrecevable pour cause de prescription l'action de Mme [DD] [TA] née [E], Mme [U] [IB], M. [X] [IB], M. [R] [CT], et Mme [T] [L] épouse [CT], Mme [LM] [I], M. [WI] [M], Mme [KO] [M], Mme [DY] [M], M. [AP] [M], M. [P] [M] et M. [YB] [M], la SCI [Adresse 32] à l'encontre de la société Maaf Assurances et de la société GMF Assurances ;
- déclaré irrecevable pour cause de prescription l'action de Mme [LM] [I] à l'encontre de la société Filia Maif ;
- débouté Mme [DD] [E], Mme [LM] [I], la SCI [Adresse 32], M. [HG] [M], Mme [S] [J], Mme [U] [IB], M. [X] [IB], M. [R] [CT], et Mme [T] [L] épouse [CT], Mme [GL] [ZR] et M. [FR] [N], M. [VN] [OV] et Mme [JU] [K] de leurs demandes formées à l'encontre de la société Allianz Iard ;
- dit que la société Macif ne doit pas sa garantie au titre de la garantie « dégâts des eaux » ;
- dit que la responsabilité de la SCI [Adresse 32] n'est pas engagée au titre de la responsabilité du fait de la ruine des bâtiments ;
- dit que la responsabilité de la SCI [Adresse 32] n'est pas engagée au titre de la responsabilité du fait des choses
- dit que la responsabilité de la SCI [Adresse 32] n'est pas engagée au titre des troubles anormaux de voisinage ;
- dit qu'en conséquence la société Macif ne doit pas sa garantie ;
- débouté Mme [DD] [E], Mme [LM] [I], la SCI [Adresse 32], M. [HG] [M], Mme [S] [J], Mme [U] [IB], M. [X] [IB], M. [R] [CT], et Mme [T] [L], Mme [GL] [ZR] et M. [FR] [N], M. [VN] [OV] et Mme [JU] [K] de leurs demandes de dommages et intérêts ;
- condamné in solidum Mme [DD] [E], Mme [LM] [I], la SCI [Adresse 32], M. [HG] [M], Mme [S] [J], Mme [U] [IB], M. [X] [IB], M. [R] [CT], et Mme [T] [L], Mme [GL] [ZR] et M. [FR] [N], M. [VN] [OV] et Mme [JU] [K] à payer les sommes suivantes au titre de l'article 700 du code de procédure civile :
- 3.000 euros à la société d'assurances mutuelles Areas Dommages
- 3.000 euros à la société Macif,
- 1.000 euros à la société Allianz Iard,
- 2.000 euros indivisément à la société Gmf Assurances et la SA Maaf Assurances,
- 3.000 euros à la société Ginger Cebtp,
- 3.000 euros à la société Procivis Savoie,
- 2.000 euros à la société Filia Maif ;
- débouté Mme [DD] [E], Mme [LM] [I], la SCI [Adresse 32], M. [HG] [M], Mme [S] [J], Mme [U] [IB], M. [X] [IB], M. [R] [CT], et Mme [T] [L], Mme [GL] [ZR] et M. [FR] [N], M. [VN] [OV] et Mme [JU] [K] de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné in solidum Mme [DD] [E], Mme [LM] [I], la SCI [Adresse 32], M. [HG] [M], Mme [S] [J], Mme [U] [IB], M. [X] [IB], M. [R] [CT], et Mme [T] [L], Mme [GL] [ZR] et M. [FR] [N], M. [VN] [OV] et Mme [JU] [K] aux entiers dépens de l'instance ;
- accordé à la société Mermet et Associes, Me Rosado, la société Viard Herisson-Garin, la société Cochet-Barbuat, Me Houmani, la société le Ray Bellina le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'affaire a été enrôlée sous le numéro 22-801.
Par déclaration au greffe du 12 mai 2022, Mme [GL] [ZR] veuve [N] et M. [FR] [N] ont interjeté appel de la décision en intimant :
- la société Procivis Savoie,
- la société Allianz iard,
- la société Ginger CEBTP
et en critiquant les dispositions du jugement qui ont :
- déclaré irrecevable pour cause de prescription, leurs action dirigée à l'encontre de la société Procivis Savoie,
- déclaré irrecevable pour cause de prescription, leur action dirigée à l'encontre de la société Ginger CEBTP,
- rejeté leurs demandes dirigées à l'encontre de la société Allianz iard, et rejeté leurs demandes de dommages et intérêts,
- condamné in solidum ces derniers avec les autres demandeurs à payer diverses sommes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné in solidum ces derniers avec les autres demandeurs aux entiers dépens de l'instance ;
- rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties.
L'affaire a été enrôlée sous le numéro 22/850.
Par déclaration au greffe du 13 mai 2022, M. [NX] [OV] et Mme [JU] [K] ont interjeté appel de la décision en intimant :
- la société Procivis Savoie,
- la société Ginger CEBTP,
- la société Axa France iard,
- la société Saretec et Allianz iard en ce que cette décision a :
- déclaré irrecevable pour cause de prescription, leur action dirigée contre la société Axa France iard,
- rejeté leur action fondée sur la faute dolosive de la société Axa France Iard ;
- déclaré irrecevable pour cause de prescription, leur action dirigée à l'encontre de la société Procivis Savoie
- déclaré irrecevable pour cause de prescription, leur action dirigée contre la société Ginger CEBTP
- déclaré irrecevable pour cause de prescription, leur action dirigée à l'encontre de la société Saretec,
- rejeté leurs demandes dirigées à l'encontre de la société Allianz Iard ;
- rejeté leurs demandes indemnitaires,
- condamné in solidum ces derniers avec les autres demandeurs à payer aux défendeurs des sommes au titre des indemnités procédurales, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance,
- rejeté leurs demandes au titre d'une indemnité procédurale,
- rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties.
L'affaire a été enrôlée sous le numéro 22 863.
Les instances ont été jointes le 2 mars 2023 sous le seul numéro RG 22-801.
Prétentions et moyens des parties
Vu les conclusions d'appelant n°1 de Mme [GL] [ZR] veuve [N] et de M. [FR] [N], règulièrement notifiées par voie de communication électronique, le 19 juillet 2022, dans la procédure n°22/850,
Vu les dernières écritures de la société Saretec, régulièrement notifiées par voie communication électronique le 13 janvier 2023 dans les procédures n° 22/801 et 22/863 et le 1er février 2023 dans la procédure n°22/850,
Vu les dernières écritures de la société Axa, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, le 23 août 2024,
Vu les dernières écritures de la société Maif, venant aux droits de la société Filia Maif, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, le 29 novembre 2024,
Vu les dernières écritures de la société Socotec, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, le 3 décembre 2024,
Vu les dernières écritures de la société Areas dommages, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, le 30 janvier 2025,
Vu les dernières écritures des sociétés GMF et MAAF, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, le 4 février 2025,
Vu les dernières écritures, de Mme [DD] [TA] veuve [E], Mme [LM] [I] divorcée [F], la SCI [Adresse 32], M. [WI] [M], ès qualité de nu-propriétaire et d'héritier de M. [HG] [M], de Mmes [KO], [DY] et MM. [AP], [P], [YB] [M], ès qualités d'héritiers de M. [VN] [YB] [M], de Mme [U] [IB], M. [X] [IB], M. [R] [CT], et Mme [T] [L] divorcée [CT], régulièrement notifiées par voie de communication électronique, le 5 février 2025,
Vu les dernières écritures du 5 février 2025, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, de M. [OV] et Mme [K],
Vu les dernières écritures du 5 février 2025, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, de la société Allianz Iard,
Vu les dernières écritures du 5 février 2025, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, de la société Macif,
Vu les dernières écritures du 5 février 2025, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, de la société Procivis Savoie,
Vu les dernières écritures du 5 février 2025, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, par la société MAF,
Vu les dernières écritures du 6 février 2025, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, de la société Ginger Cebtp,
La société Keops n'a pas constitué avocat.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.
Une ordonnance du 17 février 2025 a clôturé l'instruction de la procédure. L'affaire a été plaidée à l'audience du 4 mars 2025.
Motifs et décision
I - Sur les actions à l'encontre des constructeurs et leurs assureurs
1) Sur l'action à l'encontre de la société Procivis Savoie
Les colotis, font valoir d'une part la faute dolosive de la SCI [Adresse 34], d'autre part la responsabilité de cette dernière sur le fondement de la garantie des vices cachés, dont son associée unique la société Procivis serait tenue de répondre.
Sur la recevabilité de l'action à l'encontre de la société Procivis Savoie associée unique de la SCI
Ainsi que l'indiquent les parties, la SCI [Adresse 34] a été constituée, à l'origine, entre deux associés, le Crédit immobilier de Savoie, et l'Union savoisienne de crédit immobilier, la première société ayant absorbé la seconde le 6 novembre 1984, pour ensuite changer de dénomination sociale et devenir la société Procivis Savoie.
Sur la nature de l'obligation subsidiaire au paiement des dettes sociales
Les sociétés civiles de construction-vente dont l'objet est de construire un ou plusieurs immeubles en vue de leur vente en totalité ou par fractions, sont régies par les dispositions particulières des articles L 211-1 à L 211-4 du code de la construction et de l'habitation qui sont d'ordre public (article L 211-4), mais également par les articles 1832 à 1870-1 du code civil qui concernent les sociétés civiles de droit commun, en ce sens que tout ce à quoi il n'est pas dérogé par les dispositions particulières du code de la construction et de l'habitation est soumis au droit commun des sociétés civiles.
En effet, l'article L 211-1 du code de la construction et de l'habitation, dispose que les sociétés civiles dont l'objet est de construire un ou plusieurs immeubles en vue de leur vente en totalité ou par fractions sont régies d'une part, par les chapitres I et II du titre IX du livre III du code civil, d'autre part, par les dispositions du chapitre I du titre I du livre II du code de la construction et de l'habitation.
L'article L 211-2 du CCH, issu de la loi n°71-579 du 16 juillet 1971 énonce :
« Les associés sont tenus du passif social sur leurs biens à proportion de leurs droits sociaux.
Les créanciers de la société ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu'après mise en demeure adressée à la société et restée infructueuse. A cet effet le représentant légal de la société est tenu de communiquer à tout créancier social qui en fera la demande le nom et le domicile, réel ou élu, de chacun des associés.
Les associés ne peuvent être poursuivis à raison des obligations résultant des articles 1642-1 et 1646-1 du code civil, reproduits aux articles L 261-5 et L 261-6 du présent code, qu'après mise en demeure infructueuse adressée à la société si le vice n'a pas été réparé, ou adressée soit à la société, soit à la compagnie d'assurance qui garantit la responsabilité de celle-ci, si le créancier n'a pas été indemnisé. »
L'article 1858 du code civil, pose le principe de la subsidiarité de l'obligation de l'associé d'une société civile de droit commun au paiement d'une dette sociale, principe introduit par la loi du 4 janvier 1978 : « Les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu'après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale. »
Le caractère social de la dette dont le recouvrement est poursuivi à l'égard d'un associé constitue une condition de fond et non de recevabilité de l'action.
Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la société Procivis, l'associé n'est pas tenu à la dette sociale en tant que garant. La dette sociale et l'obligation à la dette de l'associé ne constituent donc pas deux dettes distinctes, l'une principale et l'autre, accessoire, mais une dette unique assortie de deux droits de poursuites : l'un contre la société, l'autre contre l'associé, ce second droit de poursuite présentant un caractère subsidiaire par rapport au premier.
En vertu de ce principe de subsidiarité, le créancier ne pourra, en principe, agir en recouvrement contre l'associé qu'à la condition qu'il ait préalablement et vainement poursuivi la société.
L'exigence d'une vaine et préalable poursuite constitue une fin de non-recevoir : le créancier qui n'a pas exercé préalablement des poursuites contre la société serait irrecevable à agir en paiement contre l'associé. (Voir Com. 27 sept. 2005, pourvoi n 03-20.390)
Sur la fin de non recevoir tirée de l'absence de mise en demeure préalable délivrée à la SCI [Adresse 34] et de titre exécutoire à son encontre invoquée par la société Procivis
Si le caractère subsidiaire de l'obligation des associés au paiement des dettes sociales oblige les créanciers sociaux d'une société civile de droit commun à exercer de préalables et vaines poursuites contre la société (article 1858 du code civil) ou s'agissant d'une société de construction vente, à lui adresser une mise en demeure demeurée infructueuse faisant suite à l'obtention d'un titre exécutoire à son encontre (article L 211-2 CCH), avant de pouvoir se retourner contre les associés, la jurisprudence a réduit la portée des exigences légales dans le cas où la société est soumise à une procédure de liquidation judiciaire, en jugeant que la déclaration de la créance à la procédure dispense le créancier d'établir que le patrimoine social est insuffisant pour le désintéresser (Ch. mixte, 18 mai 2007, n° 05-10.413) ainsi que dans le cas où la société est dissoute et liquidée, en dispensant alors le créancier de poursuivre vainement et préalablement la société civile de droit commun (3e Civ. 31 mars 2004, n°01-16.971) ou la société civile de construction-vente :
3ème Civ. 12 septembre 2007, n° 06-15.329 « Mais attendu qu'ayant relevé que la SCI avait fait l'objet d'une procédure de liquidation amiable clôturée avant la notification du redressement (fiscal ndlr) et qu'il était établi qu'elle ne disposait plus d'aucun actif, la cour d'appel en a exactement déduit, sans violer le principe de la contradiction, que l'administration fiscale était recevable à agir directement contre l'un des associés »;
3ème Civ. 10 février 2010 n° 09-10.982 « Le paiement d'une dette d'une société civile constituée en vue de la vente d'immeubles qui a fait l'objet d'une liquidation amiable et qui ne dispose plus d'aucun actif peut être poursuivi par le créancier directement contre l'un des anciens associés. »
Ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, cette dernière solution s'explique moins par la disparition de la personnalité morale de la société, puisque cette personnalité subsiste aussi longtemps que des droits et obligations à caractère social ne sont pas liquidés, quand bien même la société aurait été radiée du registre du commerce et des sociétés, que par la considération que la société dissoute et liquidée est censée n'avoir plus le moindre actif, puisque la liquidation 'amiable' emporte réalisation des actifs en vue, normalement, de procéder à l'apurement intégral du passif.
Bien que possible, la désignation d'un administrateur ad hoc chargé de représenter la société liquidée compliquerait donc l'exercice des poursuites contre les associés, bien que le détour par le patrimoine social n'ait plus de raison d'être.
En l'espèce, il résulte des pièces produites que :
- La SCI [Adresse 34], immatriculée au RCS de Chambéry le 13 mai 1981, avait pour activité « la construction, vente d'immeubles ou de maisons individuelles à usage d'habitation, acquisition, prise à bail à construction de terrain sis à [Adresse 25], [Adresse 35], emprunt nécessaire à la construction, vente ou location des immeubles construits ».
- Par assemblée générale extraordinaire en date du 28 décembre 1990, il a été décidé, par l' associée unique, de la dissolution par anticipation de la SCI et de sa mise en liquidation amiable à compter du même jour, de la nomination comme liquidateur de M. [OV] [C], et l'associée unique (Procivis Savoie), après avoir entendu le rapport du liquidateur sur l'ensemble des opérations de liquidation et sur le compte définitif de liquidation, a, le même jour, approuvé le compte définitif tel qu'il était présenté, faisant ressortir un solde négatif de 664 974,07 Francs qui a été réparti entre chaque associé en proportion de sa participation dans le capital (c'est à dire en l'espèce mis à la charge de l'associé unique).
Il sera noté à cet égard que, contrairement aux affirmations des colotis, la société Procivis, n'a pas été nommée liquidateur de la SCI.
Cette assemblée a fait l'objet d'une publication dans le journal « La Savoie » du 29 mars 1991 et la société a été radiée du registre du commerce de Chambéry le 21 mai 1991.(dossier dissolution de la SCI, pièce n°7 Procivis)
C'est donc à juste titre que les premiers juges ont écarté la fin de non recevoir tirée de l'absence de titre exécutoire à l'encontre de la SCI et de mise en demeure de cette dernière. Le jugement sera confirmé en ce sens.
Sur la fin de non recevoir tirée de l'existence d'une prescription
L'article 1859 du code civil énonce : « Toutes les actions contre les associés non liquidateurs ou leurs héritiers ou ayant cause se prescrivent par cinq ans à compter de la publication de la liquidation de la société »
Le texte de l'article 1859 fixe le point de départ du délai de prescription (et non pas de forclusion comme soutenu par la société Procivis) de l'action subsidiaire contre l'associé à la date de la dissolution de la société.
Il ne fait donc référence ni à la date de naissance de la créance, ni à sa date d'exigibilité et encore moins à celle de la certitude de la vanité des poursuites préalables contre la société.
Le législateur a ainsi souhaité libérer les associés d'une société dissoute de tout risque de poursuites à raison des engagements de cette dernière une fois écoulé un délai de cinq ans. (Com. 20 mars 2019, n°17-18.924 : « Mais attendu, d'une part, que l'autorité de la chose jugée attachée à la décision d'admission de la créance au passif de la procédure collective d'une société ne prive pas l'associé, poursuivi en exécution de son obligation subsidiaire au paiement des dettes sociales, d'opposer au créancier la prescription de l'article 1859 du civil, distincte de celle résultant de la créance détenue contre la société, et propre à l'action du créancier contre l'associé »)
Ainsi, pour une même créance, le créancier dispose de deux délais distincts selon qu'il agit contre la société ou contre l'associé, étant précisé que le délai de prescription de l'action contre la société sera celui attaché à la nature de la créance.
Il en résulte que la nature de la créance des colotis qui invoquent d'une part le dol, d'autre part les vices cachés, n'a aucune incidence quant au régime de la prescription de l'action subsidiaire intentée à l'encontre de l'associé.
Le délai de l'action subsidiaire contre l'associé est celui de l'article 1859 du code civil, c'est à dire cinq ans à compter de la dissolution de la société.
La Cour de cassation fait une stricte application de ce texte, refusant de faire bénéficier le créancier de la règle selon laquelle la prescription ne court pas contre celui qui est empêché d'agir. Ce refus a été exprimé dans un arrêt de principe, rendu dans une affaire où le créancier n'avait pu obtenir un titre contre la société en cours de liquidation de celle-ci qu'après l'expiration du délai de cinq ans, et où la Cour de cassation, rejetant le moyen qui faisait valoir l'adage contra non valentem... a jugé qu'aucune disposition légale ne prévoyant un point de départ différent selon que le créancier a ou non un titre contre la société débitrice principale, l'action en paiement d'une créance antérieure à la dissolution exercée contre l'ancien associé de la SCI est soumise à la prescription quinquennale à compter de la publication de la dissolution. (Civ. 3e, 9 juin 1999, n° 97-19.181, Bull. n° 139, Civ. 3e, 26 septembre 2007 n° 05-18.842, Com 13 décembre 2011 n°11-10.008)
Les colotis invoquent l'impossibilité d'agir liée à un cas de force majeure et soutiennent que la prescription aurait été suspendue jusqu'au dépôt du rapport judiciaire sur le fondement de l'article 2234 du code civil aux termes duquel, la prescription ne court pas ou est supendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite notamment d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.
Ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges par une motivation que la cour fait sienne :
- Il résulte de l'expertise judiciaire que « des dommages sont apparus en 1987, sans rapport avec les dommages objets du présent dossier. On peut situer les premières manifestations de tassement en 2004, lorsque selon les témoignages recueillis, des odeurs nauséabondes et des débordements des canalisation EU ont fait l'objet de réclamations. Ce n'est qu'en 2008 après l'expertise amiable de M. [A] à la demande de certains colotis, que les phénomènes de tassements anormaux sont apparus. »
- Aucun dommage n'est survenu durant les cinq années de la prescription, et en conséquence aucun événement ayant les caractéristiques de la force majeure, n'a interrompu le cours de la prescription, l'absence d'événement ne pouvant interrompre le cours de cette dernière.
Il sera ajouté que l'interprétation contraire qui admettrait que, s'agissant des demandes en paiement d'une créance postérieure au jugement de liquidation, ou à la dissolution amiable de la société, le point de départ du délai de prescription de l'action contre les associés non liquidateurs d'une SCI serait la naissance ou la date d'exigibilité de cette créance, reviendrait à substituer un nouveau point de départ à celui prévu à l'article 1859 du code civil, en méconnaissance du libellé clair de cette disposition.
Ainsi qu'il a été indiqué, la volonté du législateur a été de libérer les associés d'une SCI dissoute de tout risque de poursuites à raison des engagements de la SCI une fois écoulé un délai de cinq ans, sous réserve d'une éventuelle cause d'interruption ou de suspension, laquelle n'est pas intervenue en l'espèce.
Ainsi, le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu la prescription de l'action des colotis à l'encontre de la société Procivis Savoie, en sa qualité d'associée de la SCI [Adresse 34].
2) Sur l'action engagée à l'encontre de la société Ginger CEBTP
Sur l'irrecevabilité des moyens invoqués par les colotis
La société Ginger fait valoir que certains colotis, qui en première instance avaient invoqué la prescription de droit commun de l'article 2224 du code civil, soutiennent en appel que leur action serait soumise à l'ancien régime de prescription issu de l'article 2270-1 du code civil, modifiant ainsi leur argumentation relativement à la durée de la prescription et au point de départ de cette dernière, et qu'ainsi leur moyen serait irrecevable, car constitutif d'estoppel.
Or, d'une part, cette prétention n'est pas reprise dans le dispositif des conclusions de la société Ginger, de sorte que la cour n'est saisie d'aucune demande en ce sens.
D'autre part, et en tout état de cause, l'article 563 du code de procédure civile, autorise expressément les parties à invoquer en cause d'appel des moyens nouveaux pour justifier les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge (« Les défenses au fond peuvent être invoquées en tout état de cause et pour justifier les prétentions qu'elles ont soumises au premier juge, les parties peuvent en cause d'appel invoquer des moyens nouveaux » 1ère Civ, 28 octobre 2015 n°14-22.207).
Sur la prescription de l'action dirigée à l'encontre de la société Ginger CEBTP
Sur les textes applicables
Cette dernière société qui a réalisé une étude de terrain du lotissement et qui était sous-traitante de la société Cacciatore, en charge du gros 'uvre, sollicite à titre principal la confirmation du jugement qui a déclaré prescrite l'action des colotis à son encontre.
Ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges, l'action du maître de l'ouvrage à l'encontre du sous-traitant est nécessairement une action de nature délictuelle, en l'absence de lien contractuel entre les deux parties et elle est régie en fonction de l'application de la loi dans le temps par les articles 2270-1 ancien du code civil, 2270-2 ancien du code civil ou par l'article 1792-4-2 du code civil depuis le 17 juin 2008, et la prescription de cette action, contrairement à ce que persistent à soutenir certains colotis, n'a jamais été régie par le délai de droit commun de l'article 2224 du code civil, dans la mesure où s'agissant de désordres de construction, seul le droit spécial de la responsabilité des constructeurs est applicable, y compris à l'égard des sous-traitants.
Antérieurement à la loi Badinter du 5 juillet 1985, la durée de la responsabilité du sous-traitant était de 30 ans à compter de la manifestation du dommage sauf application de l'article L 110-4 du code de commerce applicable en cas de présence d'un commerçant. (Article 2262 ancien du code civil : « Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi. »)
La loi Badinter du 5 juillet 1985 a institué l'article 2270 -1 du code civil qui énonçait : « Les actions en responsabilité civile extracontractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation. »
Cet article a été supprimé par la loi du 17 juin 2008 après que, dans l'intervalle, l'ordonnance du 8 juin 2005 ait aligné la durée de la responsabilité du sous-traitant à l'égard du maître de l'ouvrage sur celles des constructeurs dès lors que l'action de ce dernier était relative à des dommages affectant un ouvrage ou des éléments d'équipement d'un ouvrage visés aux articles 1792,1792-2 ou 1792-3 du code civil.
L'ordonnance n°2005-658 du 8 juin 2005 a institué un article 2270-2 ainsi rédigé :
« Les actions en responsabilité dirigées contre un sous-traitant en raison de dommages affectant un ouvrage ou des éléments d'équipement d'un ouvrage mentionnés aux articles 1792 et 1792-2 se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux, et, pour les dommages affectant les éléments d'équipement de l'ouvrage mentionnés à l'article 1792-3, par deux ans à compter de cette même réception. »
Ce texte ne distingue pas selon la nature de l'action engagée à l'encontre du sous-traitant, de sorte qu'il s'applique à l'action extracontractuelle du maître de l'ouvrage dirigée contre celui-ci.
Il a été jugé pour les actions introduites avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 8 juin 2005, que l'article 2270-1 est seul applicable, la réception visée par l'article 2270-2 étant sans effet sur le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité engagée par le maître de l'ouvrage contre le sous-traitant
Pour soutenir l'absence de prescription, certains des colotis invoquent des arrêts de la cour de cassation dont un arrêt de la 3ème chambre du 29 octobre 2015 n°14-24.771 :
« Vu les articles 2, 1792-4-2 et 2270-1 ancien du code civil ;
Attendu que pour déclarer prescrite la demande de M. et Mme X' à l'encontre de la société Bauters et de son assureur, l'arrêt retient que les maîtres de l'ouvrage se sont référés dans leurs conclusions aux articles 1792-4-1, 1792-4-2 et 1792-4-3 régissant la prescription à l'égard de toutes les parties, que ces textes sont applicables aussi bien à l'action en responsabilité délictuelle contre la société Bauters, sous-traitant, qu'aux actions contre M. [MH].. architecte, sur le fondement des garanties décennale et biennale ou celui de la responsabilité contractuelle de droit commun, que la réception de l'ouvrage est intervenue le 18 juillet 1997 et que la société Bauters, la SMABTP et M. [MH] ont été assignés par acte du 7 octobre 2008, soit après l'expiration du délai de prescription de dix ans ;
Qu'en statuant ainsi, en faisant courir le délai de prescription à l'égard du sous-traitant à compter du jour de la réception des travaux et non à compter du jour de la manifestation du dommage ou de son aggravation, la cour d'appel, qui a fait une application rétroactive des dispositions de l'article 1792-4-2 précité a violé les textes susvisés »
Il convient de se référer au rapport du conseiller à la Cour de cassation relatif à cette décision, qui est tout à fait éclairant sur les principes à mettre en 'uvre :
« Avant l'ordonnance n° 2005-658 du 8 juin 2005, portant modification de diverses dispositions relatives à l'obligation d'assurance dans le domaine de la construction et aux géomètres experts, les actions en responsabilité contre un sous-traitant se prescrivaient à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation (article 2270-1 ancien du code civil), par 30 ans (article 2262 ancien du code civil) et par 10 ans si l'une des parties avait la qualité de commerçant (article L 110-4-I du code de commerce).
L'article 2 de l'ordonnance du 8 juin 2005 a ajouté un article 2270-2 ainsi rédigé :
« Les actions en responsabilité dirigées contre un sous-traitant en raison de dommages affectant un ouvrage ou des éléments d'équipement d'un ouvrage mentionnés aux articles 1792 et 1792-2 se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux et, pour les dommages affectant ceux des éléments d'équipement de l'ouvrage mentionnés à l'article 1792-3 par deux ans à compter de cette même réception. »
Selon l'article 5 de l'ordonnance :
« Les dispositions du présent titre, à l'exception de celles de l'article 2, ne s'appliquent qu'aux marchés, contrats ou conventions conclus après la publication de la présente ordonnance. »
Ainsi l'ordonnance étant muette sur l'application dans le temps de l'article 2270-2, ce sont les règles de l'article 2 du code civil qui s'appliquent.
En matière de prescription, la Cour de cassation a posé le principe que « lorsque la loi réduit la durée d'une prescription, la prescription réduite commence à courir, sauf disposition contraire, du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder le délai prévu par la loi antérieure. » (Civ 1, 28 novembre 1973, D 1974 page 112 qui s'inspire d'un précédent rendu par la chambre des requêtes le 18 mai 1942, JCP 1942.II.2056, note [SI]).
Depuis l'ordonnance, le délai de prescription de 10 ans commence à courir, non à compter de la manifestation du dommage mais à compter de la réception des travaux.
Selon M. [XG] (RDI 2009, page 361) 3 situations différentes peuvent se présenter :
' si l'action en responsabilité était prescrite avant la loi nouvelle, celle-ci ne saurait, en principe, s'appliquer en vertu du principe de non rétroactivité (Civ 1, 27 septembre 1983 Bull. n°215)
' si la prescription n'était pas encore initiée, lors de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, elle sera régie par celle-ci, en vertu du principe d'application immédiate de la loi nouvelle.
Ces deux cas ne soulèvent donc pas de problème.
' le troisième cas est plus délicat, c'est celui dans lequel la prescription a commencé à courir avant l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans être acquise à cette date. Il faut alors combiner le principe de non rétroactivité qui régit le passé avec celui d'application immédiate qui gouverne l'avenir : la loi nouvelle, si elle ne peut saisir les éléments antérieurs (non rétroactivité), s'applique à la situation dès son entrée en vigueur (application immédiate)
Deux éléments, tous deux modifiés par l'ordonnance, doivent être pris en considération :
- Le point de départ de la prescription
- et la durée de celle-ci.
La prescription a comme point de départ, non la manifestation du dommage ou sa connaissance, mais la réception des travaux ;
- si la prescription a été initiée avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance de 2005, elle a démarré à la date prévue par l'ancienne législation et le principe de non-rétroactivité implique de ne pas modifier ce point de départ et de prendre en compte le temps écoulé à partir de celui-ci (Civ 3, 10 mai 2007 n° 06-13.836)
- si au contraire la prescription n'a pas démarré sous l'empire de la loi ancienne, l'application immédiate de la loi nouvelle conduit à faire partir la prescription à la date fixée par la loi nouvelle, c'est à dire la réception des travaux.
Pour la durée de la prescription, il est acquis que le recours du maître de l'ouvrage contre le sous-traitant est fondé sur la responsabilité délictuelle et que ce délai de prescription est de 10 ans, sous l'empire de la loi ancienne et de la loi nouvelle.
En l'espèce, soit la manifestation du dommage a été constatée avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance de 2005 et le point de départ sera fixé à cette date, pour une durée de 10 ans, soit aucun dommage ne s'est manifesté avant 2005 et alors la prescription débutera au jour de l'entrée en vigueur de l'ordonnance soit le 9 juin 2005, pour une durée de 10 ans.
Enfin la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 qui a refondu le droit de la prescription civile a déplacé l'article 2270, qui est devenu l'article 1792-4-2 et a inséré un nouvel article 1792-4-3 qui dispose qu' « en dehors des actions régies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2, les actions en responsabilité contre les constructeurs désignés aux articles 1792 et 1792-1 et leurs sous-traitants se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux. »
L'article 26 de la loi de 2008 reprend les dispositions de l'article 2222 du code civil et prévoit notamment que « les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. »
La loi de 2008 est entrée en vigueur le 19 juin 2008 et prévoit le même processus d'application de la loi dans le temps que l'ordonnance de 2005.
Ainsi que le fait valoir la MAF dans ses écritures, les articles 2270-2 ancien et 1792-4-2 ne prévoient pas deux régimes différents de prescription de l'action du maître de l'ouvrage contre les sous-traitants qui se seraient succédé dans le temps, mais il s'agit bien d'un unique régime de prescription, la loi du 17 juin 2008 n'ayant pas modifié la durée et le point de départ du délai de prescription, de sorte que seule l'application dans le temps de l'ordonnance du 8 juin 2005 doit être examinée.
Par ailleurs, et ainsi que l'indiquent la société Ginger et la MAF dans leurs écritures respectives, la Cour de cassation écarte l'application immédiate de l'article 2270-2 codifié à l'article 1792-4-2 à droit constant depuis la loi du 17 juin 2008, uniquement dans le cas des actions introduites avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 8 juin 2005 (3ème civ, 2 mars 2011, n°10-30.295, 3ème civ 17 avril 2013 n°12-14.807, 3ème civ, 8 juillet 2014, n°11-22.274 et 11-22, 742, Cass 3ème civ, 2 juin 2015, 14-16.823) étant précisé que ce cas concerne non seulement une instance au fond mais également une assignation en référé expertise laquelle interrompt le délai de prescription.
C'est précisément ce qu'a décidé la Cour de cassation dans son arrêt du 29 octobre 2015, invoqué par les colotis, rappelant que la réception des travaux était intervenue le 18 juillet 1997, qu'à la suite de l'apparition de désordres, une expertise avait été ordonnée suivant décision du juge des référés en date du 7 mai 2002 avec ultérieurement extension des opérations à plusieurs locateurs d'ouvrage suivant ordonnances des 10 septembre 2002 et 8 juillet 2003, soit antérieurement à l'ordonnance du 8 juin 2005, ce qui a conduit la Cour à écarter l'application immédiate de l'article 2270-2 et à censurer la cour d'appel sur ce point.
De la même manière, les colotis invoquent à tort l'arrêt de la Cour de cassation du 16 septembre 2021 n° 20-17.625 qui n'est pas transposable au cas d'espèce dans la mesure où il vise une action en responsabilité extra contractuelle de droit commun relevant de la prescription de l'article 2224 du code civil.
Application au cas d'espèce
En l'espèce, ainsi qu'il résulte du rapport d'expertise de M. [G], les désordres, soit des phénomènes de tassements anormaux, ne se sont manifestés qu'en 2008, postérieurement au 9 juin 2005, date de l'entrée en vigueur de l'ordonnance de 2005.
Il y a donc lieu de fixer le point de départ de la prescription décennale au 9 juin 2005, délai qui a expiré le 9 juin 2015.
La société Ginger a fait l'objet d'une assignation aux fins d'ordonnance commune devant le juge des référés de Chambéry signifiée le 4 janvier 2017, à la requête des colotis [E] et autres.
Les consorts [N] ont formé leurs premières demandes dirigées contre la société Ginger par conclusions d'intervention volontaire le 21 avril 2020.
Les consorts [OV]/[K] ont été assignés par leurs voisins et ont formé leur première demande par conclusions d'intervention volontaire du 22 juillet 2021.
En application des principes exposés supra, l'action des colotis à l'encontre de la société Ginger était prescrite lorsque cette dernière a été attraite pour la première fois en justice.
Par substitution de motifs, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a retenu cette fin de non-recevoir.
3) Sur les conséquences quant aux actions récursoires et appels en garantie de la société Ginger à l'encontre des sociétés MAF, Axa, Saretec et Socotec
Par voie de conséquence l'action récursoire de la société Ginger à l'encontre de la société MAF, assureur décennal de M. [UT], maître d''uvre d'exécution, décédé le 10 avril 2010 (pièce MAF n°6), devient sans objet.
Il en est de même de l'action récursoire de la société Ginger à l'encontre de la société Axa, prise tant en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage que d'assureur responsabilité décennale de la société Cacciatore, cette dernière qualité étant en outre contestée par celle-ci qui soutient n'avoir jamais été l'assureur de cette société.
Enfin, il en est de même de l'action en garantie dirigée par la société Ginger tant à l'encontre de la société Saretec que de la société Socotec, contrôleur technique en charge d'une mission portant sur la solidité, qu'elle a mises en cause tant en première instance qu'en appel.
4) Sur les demandes des colotis dirigées à l'encontre de la société Axa, assureur DO
Parmi les colotis, seuls les consorts [OV]/[K], qui ont interjeté appel suivant déclaration du 13 mai 2022 (RG 22/863), ont intimé la société Axa, prise en sa qualité d'assureur dommages ouvrage, en sollicitant dans leur déclaration l'infirmation du jugement concernant cette société, en ce qu'il a :
- Déclaré irrecevable pour cause de prescription leur action dirigée à l'encontre de la société Axa,
- Rejeté leur action dirigée à l'encontre de la société Axa fondée sur la faute dolosive de cette dernière,
- Alloué à la société Axa une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, due in solidum par l'ensemble des colotis,
- Mis à leur charge l'intégralité des dépens in solidum avec les autres colotis,
- Rejeté leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Pour autant, force est de constater qu'aux termes de leurs conclusions en date du 5 février 2025, ils ne formulent aucune prétention à l'encontre de la société Axa, et ne contestent plus dans le dispositif de leurs conclusions, leur condamnation, in solidum avec les autres colotis, au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Axa.
Ils ne demandent pas non plus la condamnation de cette dernière avec les autres intimés au paiement des dépens.
Il s'en déduit que les consorts [OV]/[K] ne soutiennent pas leur appel dirigé contre la société Axa et que par voie de conséquence les dispositions du jugement qui les a condamnés in solidum avec les autres colotis à payer la somme de 2.000 euros à la société Axa sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, sont définitives.
5) Sur les demandes dirigées contre la société Saretec par les consorts [OV]/[K]
De la même manière, les consorts [OV]/[K] ont, seuls parmi les colotis, interjeté appel du jugement en intimant la société Saretec, expert mandaté par la société Axa, assureur dommages ouvrage, qui à la suite de déclarations de sinistre effectuées par certains colotis concernant des fissures sur les façades de maisons, a conclu en 1987 à l'existence de désordres esthétiques.
Aux termes de leur déclaration d'appel ils sollicitaient, concernant la société Saretec, l'infirmation du jugement :
- en ce qu'il les avait déclaré irrecevables pour cause de prescription en leurs réclamations à l'encontre de la société Saretec,
- en ce qu'il les avait déboutés de leurs demandes de dommages et intérêts,
- en ce qu'il les avait condamnés in solidum avec les autres demandeurs à payer notamment la somme de 3.000 euros à titre d'indemnité procédurale à la société Saretec outre les entiers dépens,
- en ce qu'il les avait déboutés de leur demande d'indemnité procédurale.
Aux termes du dispositif de leurs conclusions en date du 5 février 2025, ils reprennent ces demandes d'infirmation, mais force est de constater qu'ils ne demandent pas à la cour de statuer sur la responsabilité de la société Saretec et que leurs demandes d'indemnisation des préjudices subis ainsi que d'indemnité procédurale, sont dirigées uniquement contre les sociétés Procivis, Ginger et Allianz, assureur de l'association syndicale libre.
Par ailleurs dans leur motivation, leur argumentation est exclusivement centrée sur la responsabilité de ces trois dernières sociétés, l'absence de prescription concernant celles-ci, et il n'est fait aucune mention de la responsabilité de la société Saretec.
La cour ne peut que constater que les consorts [OV]/[K] ne soutiennent pas leurs prétentions concernant la société Saretec.
Or, c'est par une motivation pertinente que la cour adopte expressément que les premiers juges ont retenu l'existence d'une prescription concernant la responsabilité de la société Saretec qui n'a fait l'objet d'aucune assignation en référé expertise de sorte que la prescription n'a été ni suspendue, ni interrompue à son endroit et que l'assignation au fond est intervenue en 2019 alors que la prescription était acquise.
Le jugement sera confirmé en ce sens.
II ' Sur les demandes dirigées à l'encontre de la société Allianz assureur de l'association syndicale libre
Les colotis font valoir la responsabilité de l'ASL, propriétaire des réseaux jusqu'en 2016 et sollicitent la condamnation de son assureur la société Allianz.
Ils fondent leurs demandes sur l'article 1242 du code civil qui énonce qu' « on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait , mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde. »
Les colotis font ainsi valoir la responsabilité du fait des choses de l'ASL et ils contestent l'analyse du tribunal, soutenant que, si les canalisations sont inertes, leur rôle actif dans la survenance des dommages résulte, du fait de leur rupture, de grandes quantités d'eau ayant fuité dans le sous-sol des parcelles des colotis qui ont aggravé brutalement les tassements différentiels et donc les dommages subis par leurs maisons, qu'ainsi le dommage résulte bien d'une chose en mouvement.
Ils font valoir par ailleurs, que cette rupture des canalisations qualifie un fonctionnement anormal de la chose.
Ce faisant, ils partent du postulat qu'il y aurait eu rupture des canalisations, dont l'ASL avait la garde puisqu'elle a été propriétaire du réseau jusqu'en 2016, en lien causal avec une aggravation du sinistre affectant les villas, par le déversement de grandes quantités d'eau dans le sous-sol du lotissement.
Trois inspections télévisées ont été effectuées par la SCAVI les 19 janvier 2009 et le 21 octobre 2010, concernant la première sur le réseau d'eaux usées constitués de tuyaux en PVC, la seconde sur le réseau d'eau pluviale constitué de tuyaux bétons situés sous la voirie du lotissement et une inspection le 28 février 2014, dans le cadre des opérations d'expertise.
Il convient de se référer aux conclusions auxquelles l'expert judiciaire a abouti après neuf années d'investigations.
En réponse au dire n°1 du 22 décembre 2015, du conseil de la société Areas, assureur MRH des époux [M], l'expert a clairement indiqué que :
« Il est certain que la rupture des canalisations EP, EU a pu aggraver très très faiblement les tassements qui à notre avis sont dus presque exclusivement à :
- un sous-sol de mauvaise qualité car des déblais ont été mis en place, des compactages insuffisants de remblais peu résistants,
- la circulation d'eau souterraine venant de la forêt de Corsuet en direction du lac du du Bourget bien qu'un captage ait été réalisé en amont du lotissement. » (rapport p 134).
Et l'expert a confirmé l'origine des défauts constatés sur les canalisations EP-EU qui ne pouvaient provenir que des tassements du terrain surtout sur « l'esplanade » entre les bâtiments qui sont de plusieurs décimètres.
Il a indiqué que les fuites des réseaux EP-EU ne pouvaient avoir qu'une incidence très très faible sur les tassements du sol.
En effet, il a relevé que les quantités d'eaux susceptibles de provenir des défauts des canalisations sont minimes par rapport aux circulations d'eaux souterraines qui proviennent de l'impluvium de Corsuet, et qui vont jusqu'au lac du Bourget en passant sous les villas de Cotefort.
De plus la plupart des fissures se situent en partie supérieure des canalisations et il a été constaté la stagnation d'eau aux points bas des canalisations ce qui montre l'« étanchéité ». de celles-ci.(rapport p 137)
A cet égard, l'expert a précisé que les eaux de ruissellement étaient recueillies dans un caniveau en partie amont du lotissement et en aval de la forêt de Corsuet, comme préconisé par le CEBTP, caniveau qui a été couvert en 1990.
Il a ajouté que les tranchées où sont mises en 'uvre les réseaux EU et EP se transforment en « drains » dès que l'eau arrive au niveau des tranchées où sont posées les canalisations et les divers réseaux (électricité, gaz, eau potable etc...).
S'agissant des eaux souterraines, il a indiqué qu'il n'existait aucun ouvrage particulier en amont du lotissement, qu'à sa connaissance il n'existait pas de puits perdu sur le lotissement et que toutes les eaux pluviales et égouts étaient rejetés dans les égouts en aval du lotissement, précisant que la mise en 'uvre d'un drain pour une couche de remblai de 60 cm comme préconisé par le CEBTP, n'aurait modifié en rien la problématique de la stabilité des villas, dans la mesure où en cas de substitution du remblai existant d'une hauteur de 13 à 15 mètres, la maîtrise des eaux était impossible.
L'expert a clairement indiqué, au vu du rapport de la société EGSOL, que les tassements du sol ne relevaient que de la qualité très médiocre du sol puisque les fondations reposent sur des remblais peu résistants à dominante sableuse ou argilo-sableuse et à gravats et débris divers. (béton, enrobé, bois, briques, câbles') constatations qui ont été confirmées lors des opérations d'expertise.
Il a par ailleurs mentionné qu'en ce qui concernait les désordres de fuites avant 2009 et même après cette date, aucune fuite n'avait été repérée sur le réseau EU et que les réparations qui avaient été effectuées par la SAUR avaient porté sur le réseau d'adduction d'eau, ces dernières fuites ne pouvant avoir une incidence que très minime car elles ont été réparées assez rapidement, la consommation excessive d'eau étant facile à déceler et ayant permis une réparation rapide.
Lors des investigations par la SCAVI il a pu être relevé que les pentes du réseau EP-EU étaient conformes à un écoulement normal, et que les contre-pentes constatées provenaient des tassements des canalisations provoqués en zones B et C par un remblai pour le moins peu résistant (remblai inadapté au moment de la construction).
L'expert a, par ailleurs, relevé l'absence d'étude hydrogéologique préalable à la construction, laquelle était pourtant nécessaire compte tenu de la présence de la forêt de Corsuet (impluvium important) se situant en amont du lotissement avec un sommet plus haut de 200 mètres environ par rapport à celui du lotissement et une pente générale du terrain qui indique un écoulement des eaux souterraines en direction du lac du Bourget qui traverse le lotissement d'Est en Ouest.(rapport p 142) précisant :
« Pour ce qui concerne l'étude hydrogeologique non effectuée, nous sommes d'accord avec le dire, il aurait fallu compte tenu de l'impluvium important en amont du lotissement dans une région ([Localité 24]) où des circulations d'eaux et de sources sont connues depuis les romains ! Le CEBTP aurait dû faire des réserves à ce sujet et demander une mission complémentaire à l'entreprise Cacciatore avec laquelle il était lié, voire le Maître d'ouvrage. Il faut croire qu'il était sûr de sa préconisation pour ne pas demander une telle étude. »(rapport p 152)
Il a précisé : « Il convient de noter que les canalisations ont été réalisées comme les villas dans le sol remblayé par des démolitions, remblais divers, blocs de béton, morceaux de bois etc.' On retrouve les mêmes origines des dommages dans les canalisations que sur les villas. Si celles-ci avaient été fondées sur des micropieux, aucun dommage ne se serait produit sur les villas même si les canalisations avaient été réalisées telles qu'elles sont actuellement. »(rapport p 143)
Enfin, toujours en réponse aux dires de la société Ginger CEBTP, l'expert, relativement aux causes du sinistre a indiqué :
« Nous sommes d'accord avec la Note qui indique « que c'est bien l'eau qui est le moteur des tassements ».
Pour ce qui concerne la circulation d'eau venant du Corsuet, il suffit de se référer au Dire très bien renseigné de Me [W] du 17 mai 2018, page 4.
Aussi l'affirmation relative aux fuites sur les canalisations qui auraient généré une venue d'eau importante et à l'origine des tassements est erronée d'autant plus que les fuites auxquelles il est fait référence ne sont pas sur le réseau EP-EU, mais sur le réseau Eau froide. »(rapport p 164)
En conclusion, l'expert a retenu que le CEBTP (devenu société Ginger) a préconisé un mode de fondations inadapté sans prendre en compte les observations de Sopecaf qui mentionnait un sol de très mauvaise qualité (démolition, décharge publique) sur une grande épaisseur qu'il préconisait de remplacer par un autre remblai, substitution que l'expert judiciaire a retenu comme n'étant pas judicieuse, car très coûteuse et entraînant des délais nettement plus longs pour la réalisation du programme immobilier.
S'agissant des eaux du sous-sol, l'expert a relevé que le CEBTP envisageait « d'évacuer les eaux du sous-sol par un drain débouchant dans le talus » et a indiqué : « Ceci est impossible car il n'existe pas de talus aval dans la copropriété et surtout l'eau qui a été constatée dans les sondages à 2,10 m de profondeur est en fait l'eau de circulation souterraine sous le lotissement depuis la forêt de Corsuet jusqu'au lac du Bourget. »
Il a par ailleurs précisé que les défauts constatés sur les canalisations provenaient d'un remblai peu ou pas résistant du fait de la nature des matériaux utilisés pour remblayer la carrière qui s'est transformée en décharge publique entraînant encore des affaissements en 2018.
Dans son dire du 17 mai 2018, dont la teneur a été approuvée par l'expert judiciaire, le conseil de la Communauté d'Agglomération du Lac du Bourget (CALB devenu Grand Lac) a apporté les précisions suivantes :
« Concernant les désordres constatés sur le réseau d'eaux usées et relevés dans la note technique du cabinet DB Expertise, et en complément de ce qui a été indiqué dans le dire produit dans les intérêts de Grand Lac le 13 octobre 2017, les défauts de type : poinçonnements, flaches, écrasements, emboîtements larges ou ovalisation, n'ont aucun risque d'entraîner des exfiltrations dans le milieu naturel puisque ne présentant pas de casse mettant en relation l'intérieur et l'extérieur de la conduite.
La nature du matériau de la conduite (PVC) lui permet d'avoir un degré de déformation relativement important avant sa rupture éventuelle.
Pour ce qui est des désordres sur le réseau d'eaux usées de type : joints sortis et fissures, des exfiltrations sont possibles à la condition que ces défauts soient situés au niveau du fil de l'eau ou que la canalisation soit en charge avec une pression suffisante pour entraîner l'exfiltration des eaux.
D'une manière générale et dans le cadre d'un fonctionnement normal des canalisations d'eaux usées (pas de mise en charge), ces défauts ne génèrent pas d'exfiltrations mais à l'inverse une entrée d'eau claire dans le réseau (effet comparable au fonctionnement d'un drain).(...)
Le cabinet DB expertise retient en définitive parmi les causes du sinistre l'eau en la qualifiant de moteur des tassements au paragraphe 4.4 de sa note.
Si l'accent est mis sur les réseaux, il n'est que peu tenu compte de l'apport des eaux météoriques naturelles qui tombent directement sur la zone concernée en amont en ruisselant vers le lotissement.
En effet, le bassin versant concerné représente plusieurs hectares et la pluie moyenne annuelle à [Localité 24] est de 1137 mm depuis 2000, ces volumes générés et non interceptés par le système d'eaux pluviales sont en quantités bien supérieures au simple apport éventuel des réseaux.
Cette situation était antérieure à la construction du lotissement et aurait dû être prise en compte lors de l'étude et de la réalisation des travaux d'aménagement dudit lotissement.
Enfin si la note technique rappelle à juste titre que « les casses sur le réseau d'adduction d'eau ne peuvent à priori, n'être que la conséquence des tassements survenus », il résulte de l'ensemble des éléments ci-dessus et du précédent dire produit dans les intérêts de Grand Lac que la conclusion du cabinet DB Expertise selon laquelle « les quantités d'eau importantes qu'elles ont libérées dans le terrain ont toutefois eu un effet accélérateur et aggravant sur mécanisme de tassements » est erronée.
Dès lors le lien de causalité entre les exfiltrations d'eaux provenant des réseaux et l'affaissement des villas est nullement démontré, et ce en particulier compte-tenu du caractère minime desdites fuites (quasi inexistantes s'agissant des eaux usées et très limitée dans le temps s'agissant de l'eau potable - cf dire du 13 octobre 2017). »
Les termes de ce dire sont confirmés par les trois rapports d'inspection télévisées des canalisations qui ont été effectués par la société SCAVI soit :
- Le premier le 19 janvier 2009 concernant les canalisations d'eaux usées sur une longueur de 378,50 mètres,
- Le deuxième en date du 21 octobre 2010 concernant les canalisations d'eaux pluviales sur une longueur de 156,41 mètres,
- Le troisième en date du 28 février 2014, lors des opérations d'expertise judiciaire, concernant les canalisations d'eaux usées inspectées sur une longueur de 47,66 mètres.
S'agissant des deux dernières inspections, les constatations des défauts ont été mesurées sur une échelle allant de 6 :sans gravité, à 1 : Risque le plus grave avec pour exemples : effondrement total, fontis en surface, arrêt de l'écoulement (risque d'inondation).
La première inspection concernant les eaux usées a donné lieu à 142 photos qui montrent des flaches des poinçonnements, des écrasements latéraux, des ovalisations, des emboîtements insuffisants du tuyau PVC mais aucune fuite.
La deuxième inspection concernant les eaux pluviales fait état sur les 29 photos prises de sept défauts de risque 3 (risque important pouvant évoluer tels que fissures, cassures, emboîtements défectueux avec légère infiltration ou sans infiltration, perforation, racines, joints pendants, obstructions) mais d'aucune fuite.
La troisième inspection en février 2014 concernant les eaux usées, qui a donné lieu à 27 photos sur une longueur de 47,66 mètres fait état de deux défauts de risque 2, d'un défaut de risque 3, de trois défauts de risque 4 , de sept défauts de risque 5 et d'un défaut de risque 6, sans qu'il soit fait état de fuites.
Ceci montre bien que les canalisations ne sont pas à l'origine des tassements du sous-sol mais ont été endommagés par ces derniers. Par ailleurs lorsque l'expert indique que l'eau est un moteur de tassement, il n'évoque, à l'évidence, pas les canalisations d'eau usées ou pluviales mais les importantes eaux souterraines qui traversent le lotissement et sont déversées dans le lac du bourget.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que :
- Les villas sinistrées ont été élevées sur un sol totalement impropre à les supporter (remblai composé de déchets, gravats,) et ce sur une grande épaisseur (12 à 15 mètres) alors qu'il aurait fallu par la pose de micropieux ancrés dans le terrain solide situé en dessous, les désolidariser de ce remblai.
- Avec le temps, ce remblai instable a nécessairement provoqué des dégradations aux villas qui se sont tassées mais également aux canalisations qui le traversent, lesquelles pour autant s'agissant des canalisations d'eaux usées et pluviales n'ont pas fui et s'agissant des canalisations d'eau potable ont fait l'objet de réparations rapides qui ont empêché une aggravation du phénomène.
- Ce phénomène de tassement a été alimenté et aggravé par la circulation importante d'eaux souterraines en provenance de la forêt de Corsuet située en amont qui, traversant le lotissement d'Est en Ouest, circulent dans ce remblai et le déstabilisent nécessairement, mais dont l'impact n'a pas été mesuré, faute d'étude hydrogéologique en préalable à la construction.
Il résulte ainsi de ces éléments que les canalisations n'ont pas été l'instrument du dommage , elles n'ont joué aucun rôle causal dans la survenance des désordres et elles en ont été, elles-même, les victimes.
En effet ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges, l'existence de fuites relève d'un cas de force majeure, présentant pour l'ASL un caractère étranger, irrésistible et imprévisible, à savoir les tassements en raison du sous-sol de mauvaise qualité et ils ont retenu à juste titre que la seule et unique cause du tassement et du basculement des villas était la mauvaise qualité du sous-sol.
Certains colotis font valoir que l'expert aurait changé d'avis en cours d'expertise et que ses conclusions définitives ne correspondent pas à ce qu'il a conclu antérieurement.
Or, il sera noté que dès ses préconclusions n°1, du 19 janvier 2016, complétées le 25 mai 2016, l'expert indiquait en réponse au point 10 « dire si les fuites d'eau ayant eu lieu en sous-sol ont contribué aux désordres » que les défauts (et non les fuites) constatés sur les canalisations des réseaux EU et EP trouvaient leur origine dans un tassement du sol du fait de la présence de remblais de qualité médiocre, voire de décharges publiques, comme pour les villas concernées précisant que les fuites ne pouvaient qu'aggraver mais de très faible importance le tassement des villas.
Par ailleurs, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, l'expert a pu en cours d'expertise modifier son avis en tenant compte de dires qui lui ont été notifiés.
Le jugement qui a débouté les colotis de leur demande indemnitaire dirigée contre l'ASL et son assureur Allianz, sera confirmé.
III ' Sur les actions des colotis à l'encontre de leurs assureurs multirisques habitation
- M. et Mme [CT] sont assurés par la société MAAF,
- Mme [TA] veuve [E], ainsi que Mme [IB] sont assurés par la société GMF assurance.
- Les consorts [M] sont assurés auprès de la société Areas,
- Mme [I] divorcée [F] est assurée auprès de la Maif venant aux droits de la société Filia Maif
- La SCI [Adresse 32] est assurée par la Macif.
1) Sur l'action engagée par Mme [I] divorcée [F] à l'encontre de la MAIF venant aux droits de Filia MAIF
Suivant acte notarié du 24 mai 2006, les époux [F] ont fait l'acquisition de la villa constituant le lot n° 30 du groupe d'habitations [Adresse 34] et ont assuré leur bien immobilier auprès de la société Filia Maif.
Sur la recevabilité de l'action
Selon l'article L 114.1 du code des assurances, toutes les actions dérivant du contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'évènement qui y donne naissance.
Il est jugé de façon constante par la Cour de cassation que l'assureur qui n'ayant pas respecté les dispositions de l'article R. 112-1 du code des assurances ne peut pas opposer la prescription biennale à son assuré et ne peut prétendre à l'application de la prescription de droit commun. (Civ 3è, 21 mars 2019 n° 1728021 ; Civ 2è, 24 novembre 2022, n°2117327).
En effet, l'article L 114-1 du code des assurances dont les dispositions sont d'ordre public, constituent une dérogation à la prescription de droit commun de cinq ans instituée à l'article 2224 du code civil, conformément à l'article 2223 du même code.
La sanction de l'inobservation des exigences de l'article R. 112-1 du code des assurances est l'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription de deux années édicté par l'article L. 114-1 du code des assurances, avec l'impossibilité de se prévaloir de la prescription quinquennale de droit commun.
En l'espèce, la police de la MAIF ne détaille aucunement les causes ordinaires d'interruption de la prescription, et ce en violation des dispositions de l'article R. 112-1 du code des assurances.
Dès lors, il sera jugé que l'action de Mme [I] divorcée [F] est recevable et le jugement sera infirmé en ce sens.
Sur le bien fondé de l'action de Mme [I] divorcée [F]
L'article 27.1 des conditions générales du contrat Raqvam précise : « A l'exception du vol qui fait l'objet d'une garantie complémentaire, la société garantit l'assuré contre les dommages de caractère accidentel atteignant les biens assurés. »
Les parties sont en désaccord sur la notion d'accident et Mme [I] fait valoir que les conditions générales produites par la MAIF, lesquelles définissent l'accident comme tout fait dommageable, non intentionnel de la part de l'assuré, normalement imprévisible et provenant de l'action soudaine d'une cause extérieure, ne sont pas celles qui lui ont été remises lors de la souscription du contrat lesquelles ne comporteraient aucune définition du dommage accidentel.
Or force est de constater que Mme [I] se contente de produire un simple extrait des conditions générales qu'elle détient, de sorte qu'il n'est pas possible de vérifier si elles sont rattachées au contrat d'assurance concernant la maison d'habitation concernée. Elle ne produit d'ailleurs pas les conditions particulières du contrat souscrit, se contentant de verser au débat un document intitulé « Montant maximum contractuel des garanties par sinistre pour 2013 »
Si l'on se réfère à l'article 29.1 de l'extrait des conditions générales CG qu'elle produit, qui fait état d'un évènement accidentel survenu aux biens assurés il y est précisé que sont concernés par le montant de la franchise fixé par voie réglementaire les inondations, ruissellements de boue, glissements et effondrements de terrain, avalanches, cyclones ainsi que les évènements qualifiés de catastrophes naturelles par arrêté interministériel.
A l'article 28.23 relatif au montant de la garantie il est fait référence aux dommages consécutifs à l'un des évènements suivants : inondation, incendie, explosion, évènement entrant dans le champ d'application de la loi n°82-600 du 13.07.1982 relative à l'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles.
Un accident présente nécessairement un caractère soudain et imprévu.
En l'espèce, l'expert judiciaire a relevé la responsabilité des locateurs d'ouvrage en particulier la société CEBTP devenue Ginger, précisant :
« le seul reproche que l'on peut faire est le mode de fondation qui aurait dû être des micropieux et non un radier comme préconisé par le CEBTP.
L'attention du geotechnicien aurait dû être attirée par la très faible résistance du sol sur une grande épaisseur.
Il aurait été souhaitable qu'une enquête soit faite sur le terrain pour savoir s'il avait été utilisé comme décharge comme cela a été démontré par les différents témoignages.
Tous les dommages proviennent de cet état de fait. »
Ainsi le sinistre subi par Mme [I] ne résulte pas d'un évènement accidentel mais d'un vice de construction engageant la responsabilité des constructeurs.
L'engorgement du sous-sol et la coaction des maisons les unes avec les autres ne sont que les conséquences d'une cause première, résultant d'un vice de construction qui retire tout caractère aléatoire au sinistre et dont les effets ne se sont manifestés que progressivement.
Il sera dès lors retenu que la Maif n'est pas tenue à garantie et les demandes de Mme [I] divorcée [F] dirigées à son encontre seront rejetées.
2) Sur l'action de la SCI [Adresse 32] à l'encontre de son assureur la Macif
Sur la recevabilité de l'action
Il sera constaté que la Macif qui invoquait en première instance un défaut d'aléa du contrat d'assurance ne reprend pas son argumentation devant la cour.
Par ailleurs, ainsi que le fait valoir la SCI [Adresse 32] dans ses écritures, les conditions générales de la Macif ne font pas état de l'ensemble des causes d'interruption de la prescription.
Ne figurent notamment pas les causes prévues aux articles 2240 et 2244 du code civil, de sorte qu'aucun délai de prescription n'a couru à l'encontre de la SCI et le jugement qui a déclaré son action recevable sera confirmé.
Sur le bien fondé de l'action
Les conditions générales de la police souscrite par la SCI [Adresse 32] prévoient en leur article 11 « Dégâts causés par l'eau » que sont notamment garantis les fuites, ruptures, débordements des canalisations enterrées ou non, des chéneaux et gouttières desservant les bâtiments, les ruissellements d'eau provenant des cours, jardins, voies publiques ou privées ainsi que les refoulements des égouts et canalisations souterraines.
Ainsi qu'il a été retenu, les fuites minimes de canalisations ne sont pas à l'origine du tassement du terrain et des désordres affectant les villas.
Dès lors le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu que la garantie « dégats des eaux » ne pouvait être mobilisée et que la MACIF ne devait pas sa garantie.
3) Sur l'action des époux [CT] à l'encontre de leur assureur la société MAAF
Sur la recevabilité de l'action
Devant la cour, les époux [CT] font valoir l'inopposabilité à leur encontre des dispositions de l'article L 114-2 du code des assurances, excipant du non respect des dispositions de l'article R 112-1 du code des assurances en vertu duquel les polices d'assurance relevant des branches 1 à 17 de l'article R 321-1 doivent rappeler les causes d'interruption de la prescription biennale prévue au premier article ainsi que les causes ordinaires d'interruption de la prescription, obligation dont le non-respect entraîne l'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription biennale et l'impossibilité pour l'assureur de prétendre à l'application de la prescription de droit commun.
En réponse la société MAAF fait valoir qu'une telle demande constitue nécessairement une prétention nouvelle, irrecevable au visa des articles 564 et 565 du code de procédure civile.
L'article 564 du code de procédure civile, énonce :
« A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions tirées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. »
Selon l'article 565, « les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent. »
En l'espèce, le débat en première instance portait sur la prescription invoquée par la société MAAF, fin de non- recevoir que les premiers juges ont retenu au vu des différentes dates d'acquisition, d'apparition des désordres et de saisine des juridictions.
Or, et contrairement à ce que soutient la société MAAF dans ses écritures, en soulevant cette fin de recevoir, l'assureur a bien émis une prétention tendant à mettre fin au litige sans examen au fond, prétention qui se définit comme l'objet des demandes auxquelles les parties engagées dans une procédure judiciaire, sollicitent qu'il leur soit accordé droit.
Pour s'opposer à cette fin de non-recevoir, les époux [CT] invoquent, ainsi devant la cour un nouveau moyen contre leur assureur qui est parfaitement recevable en application des dispositions des articles 563 et 564 du code de procédure civile.
En l'espèce les conditions générales de la police [CT], souscrite auprès de la société MAAF, se contentent d'indiquer que :
« Toute action résultant du contrat doit être exercée dans les deux ans suivant l'évènement qui l'a provoquée. Passé ce délai, votre action, ou la nôtre, n'est plus recevable.
La prescription peut être interrompue par tout moyen de droit commun ou par l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception. »
Il en résulte que les demandes dirigée par les époux [CT] contre la société MAAF, sont recevables et le jugement sera infirmé en ce sens.
Sur le bien fondé de l'action dirigée contre la société MAAF
Les époux [CT] invoquent la garantie dégât des eaux qui est ainsi rédigée dans les conditions générales :
« Ce que nous garantissons au titre des 3 formules habitation :
Les dommages causés directement aux biens assurés par l'eau provenant :
- de fuites, ruptures, ou débordements accidentels :
- de conduites situées à l'intérieur, ou en dessous, des bâtiments assurés,
- d'appareils sanitaires tels que baignoires et lavabos'
- d'appareils à effet d'eau tels que machine à laver, radiateurs, chaudières
- des chéneaux et gouttières.
- d'infiltrations d'eau à l'intérieur des locaux assurés provenant : des toitures, terrasses.
Important :
L'indemnité sera versée après que vous ayez fait exécuter les réparations pour supprimer l'origine des infiltrations et stopper ainsi la progression des dommages.
Nous garantissons également les dommages causés directement aux biens assurés provenant
- Du refoulement à l'intérieur de votre habitation, des conduites d'évacuation souterraines ou non de votre habitation.
- D'un logement voisin. »
Ainsi que le souligne la société MAAF, elle est un assureur de dommage, ce qui implique pour les appelants de faire la démonstration d'un évènement accidentel à l'origine du sinistre et elle n'est pas assureur de risque construction.
Or les opérations d'expertise judiciaire ont établi que les désordres affectant les ouvrages trouvent leur origine dans un mauvais choix constructif, à savoir la mise en 'uvre d'un radier, alors qu'il aurait fallu utiliser des micropieux, désordres se manifestant par des tassements qui ont été aggravés par les eaux souterraines, en provenance de la forêt de Corsuet située en amont, qui traversent le lotissement d'Est en Ouest et ce ne sont pas les quelques défauts relevés sur les canalisations du lotissement, défauts qui résultent précisément des tassements, qui sont à l'origine du sinistre.
Ce sinistre a pour origine les erreurs commises par les professionnels intervenus lors de la création du lotissement et il n'a rien d'accidentel. Il ne s'agit par ailleurs pas d'un dégât des eaux.
Les époux [CT] seront, par conséquent, déboutés de leurs demandes dirigées contre leur assureur la société MAAF.
4) Les demandes formées à l'encontre de la société GMF par leurs assurées Mme [TA] veuve [E] et Mme [IB]
Sur la recevabilité de l'action
Devant la cour, Mme veuve [E] et Mme [IB] font valoir l'inopposabilité à leur encontre des dispositions de l'article L 114-2 du code des assurances, excipant du non respect des dispositions de l'article R 112-1 du code des assurances en vertu duquel les polices d'assurance relevant des branches 1 à 17 de l'article R 321-1 doivent rappeler les causes d'interruption de la prescription biennale prévue au premier article ainsi que les causes ordinaires d'interruption de la prescription, obligation dont le non-respect entraîne l'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription biennale et l'impossibilité pour l'assureur de prétendre à l'application de la prescription de droit commun.
En réponse la société GMF fait valoir qu'une telle demande constitue nécessairement une prétention nouvelle, irrecevable au visa des articles 564 et 565 du code de procédure civile.
L'article 564 du code de procédure civile, énonce :
« A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions tirées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. »
Selon l'article 565, « les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent. »
En l'espèce, le débat en première instance portait sur la prescription invoquée par la société GMF, fin de non- recevoir que les premiers juges ont retenu au vu des différentes dates d'acquisition, d'apparition des désordres et de saisine des juridictions.
Or, et contrairement à ce que soutient la société GMF dans ses écritures, en soulevant cette fin de recevoir, l'assureur a bien émis une prétention tendant à mettre fin au litige sans examen au fond, prétention qui se définit comme l'objet des demandes auxquelles les parties engagées dans une procédure judiciaire, sollicitent qu'il leur soit accordé droit.
Pour s'opposer à cette fin de non-recevoir, Mmes [E] et [IB] invoquent, ainsi devant la cour un nouveau moyen contre leur assureur qui est parfaitement recevable en application des dispositions des articles 563 et 564 du code de procédure civile.
S'agissant des conditions générales des polices [E] et [IB], souscrites auprès de la GMF, force est de constater que les conditions générales ne mentionnent pas que :
- La reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription (article 2240 du code civil)
- L'interpellation faite au débiteur principal ou sa reconnaissance interrompt le délai de prescription contre la caution (article 2246 du code civil)
Ces mentions ne respectent pas les obligations informatives prescrites à peine d'inopposabilité de la prescription tant biennale que quinquennale.
Il en résulte que les actions dirigées par Mme veuve [E] et Mme [IB] contre la GMF, sont recevables et le jugement sera infirmé en ce sens.
Sur le bien fondé de leur action à l'encontre de leur assureur GMF
Mme veuve [E] et Mme [IB] invoquent :
- La garantie dégât des eaux « canalisations extérieures » (art. 3.23 des CG) en précisant que cette garantie comprend les dommages matériels causés aux biens assurés par la fuite d'eau garantie.
- La garantie tous risques immobiliers (art. 3.4 des CG) qui est ainsi définie :
« Nous garantissons tout dommage matériel consécutif à un accident causé à l'habitation, à ses dépendances, aux aménagements extérieurs ou à la piscine dont l'assuré est propriétaire et qui ne relève pas d'une garantie prévue par le contrat.
Sont ainsi garantis les dommages matériels résultant par exemple ;
- de la chute d'un arbre sans tempête ou due à l'accumulation de la neige ou de la galce sur les branches,
- du choc avec un véhicule terrestre à moteur appartenant ou conduit par l'assuré ou par une personne dont il est civilement responsable,
- du gel sur une installation extérieure (telle que pompe à chaleur, piscine) alors que les consignes de protection du fabricant ont bien été respectées.
Nous garantissons également les dommages matériels causés à ces biens résultant d'acte de vandalisme commis à l'extérieur des locaux assurés dans l'enceinte de la propriété, consécutifs ou non à un vol ou une tentative de vol, tels que graffiti, tags, sur les façades u les murs de clôture.
Un dépôt de plainte de l'assuré est obligatoire. »
Ainsi qu'il a été indiqué, s'agissant d'assurance de dommages, les garanties sont subordonnées à l'existence d'un accident et tel n'est pas le cas concernant les vices de construction affectant les villas de Mme veuve [E] et de Mme [IB].
Il sera retenu que la société GMF ne doit pas sa garantie.
5) Sur les demandes des consorts [M] dirigées contre la société Areas
Sur le défaut de qualité à agir
Devant les premiers juges, la société Areas a fait valoir le défaut de qualité à agir des consorts [M] au motif de l'existence d'un démembrement de propriété, soulignant que les usufruitiers n'avaient pas la qualité de propriétaires et que seul le propriétaire actuel de l'ouvrage atteint de désordres était fondé à percevoir une indemnisation.
Les premiers juges ont retenu que, l'irrecevabilité devait être écartée, s'agissant d'une fin de non recevoir, pour laquelle la régularisation était possible et a été effective au moment où le juge a statué, sauf en ce qui concerne Mme [S] [M] qu'ils ont qualifiés à tort d'usufruitière.
Il est en effet constant que, hors hypothèse de la responsabilité décennale des constructeurs qui ne peut être mise en 'uvre que par le maître de l'ouvrage ou les propriétaires qui lui succèdent, l'usufruitier est recevable à agir sur d'autres fondements tels que le fondement contractuel. (3ème Civ, 16 novembre 2022, 21-23.505)
Par ailleurs, il convient de se référer à l'acte du 31 octobre 1984 (pièce 1 consorts [E] et autres) dont il résulte que M. [HG] [M] et son épouse Mme [IZ] [BK], mariés sans contrat de mariage à [Localité 29] le 25 avril 1959, ont fait l'acquisition de la villa constituant le lot deux du lotissement [Adresse 34].
Il est, en outre, produit une attestation de Me [NC], notaire à [Localité 31], en date du 7 avril 2020 dont il ressort que :
- Un acte de donation partage a été reçu par son ministère le 4 décembre 1999 contenant donation partage par M. [HG] [M] au profit de ses deux fils [YW] [M] et [WI] [M],
- Le décès de M. [HG] [M] est survenu à [Localité 24] le 11 décembre 2019 , et son fils [VN] [YB] [M] est décédé par la suite, laissant pour lui succéder, ses cinq enfants héritiers,
Aux termes d'une lettre adressée à Me [NC], en date du 8 avril 2020, Mme [S] [M], veuve de M. [HG] [M] a indiqué quitter les lieux dont s'agit.
Le notaire a indiqué que le lot n°2 du groupe d'habitation dénommé [Adresse 34] se trouvait actuellement appartenir :
- Pour moitié en pleine propriété à M. [WI] [M],
- Pour l'autre moitié aux héritiers de M. [YW] [M] soit : M. [AP] [M], Mme [KO] [M], M. [P] [M], Mme [DY] [M], M. [YB] [M].
Ainsi, il se déduit de ces documents que M. [HG] [M] et Mme [IZ] [BK], mariés sous le régime de la communauté légale, ont fait l'acquisition du bien en 1984, qu'un divorce est ensuite survenu et que dans le cadre de la liquidation partage de la communauté M. [HG] [M] s'est vu attribuer le bien.
Il a pu ainsi disposer seul du bien dans le cadre d'une donation partage au profit de ses deux enfants, à qui il a fait donation de la nue-propriété, alors que sa deuxième épouse Mme [S] [M] née [J] ne détient aucun droit sur ce bien, ni en qualité d'usufruitière, ni en qualité de nue-propriétaire.
En tout état de cause, il en résulte qu'à la date du jugement déféré, soit le 24 mars 2022 les enfants et petits enfants de M. [HG] [M] étaient pleinement propriétaires indivis du bien et en application de l'article 126 du code de procédure civile, avaient donc qualité à agir.
Par substitution de motifs, le jugement sera confirmé en ce qu'il a écarté la fin de non-recevoir concernant les enfants, petits-enfants de M. [HG] [M] et déclaré irrecevable l'action de Mme [S] [J] veuve [M] pour défaut de qualité à agir.
Sur la prescription biennale de l'action des consorts [M]
En l'absence d'élément nouveau, c'est par une motivation pertinente, que la cour adopte expressément que les premiers juges, en application des dispositions des articles L 114-1, L 114-2 et R 112-1 du code des assurances ont déclaré la prescription biennale inopposable aux consorts [M], dans la mesure où les conditions générales de la police ne précisent pas les causes ordinaires d'interruption de la prescription.
Le jugement sera confirmé en ce sens.
Sur le défaut d'aléa
L'ancien article 1386-1 du code civil, applicable aux faits de l'espèce, définit le contrat aléatoire comme étant « une convention réciproque dont les effets, quant aux avantages et aux pertes , soit pour toutes les parties, soit pour l'une ou plusieurs d'entre elles, dépendent d'un évènement incertain. Tels sont le contrat d'assurance, le jeu et le pari, le contrat de rente viagère. »
Par ailleurs, l'article L 121-15 du code des assurances énonce que :« L'assurance est nulle si, au moment du contrat, la chose assurée a déjà péri ou ne peut plus être exposée aux risques. »
L'aléa constitue, selon la Cour de cassation, «l'essence même» du contrat d'assurance. Ainsi selon une jurisprudence constante, «le contrat d'assurance, par nature aléatoire, ne peut porter sur un risque que l'assuré sait déjà réalisé».
En l'espèce, la demande est fondée non pas sur un contrat d'assurance initial mais sur un contrat en date du 2 décembre 2010 à effet au 25 novembre 2010, dont il est mentionné qu'il s'agit d'un « remplacement ».
Or à cette date, les désordres étaient apparus puisqu'un rapport d'expertise amiable avait été établi le 29 février 2008 par M. [A] ingénieur génie civil, lequel avait suggéré l'existence d'un tassement du sol autour des trois constructions [E], [RK] et [Z].
Un autre rapport d'expertise amiable avait été établi le 6 avril 2009 par le cabinet EGSOL lequel, après sondages, avait indiqué que les pavillons sinistrés de M. [RK] et [E] se trouvaient au-dessus d'une ancienne carrière de graves remblayée avant la construction des maisons sur une profondeur de l'ordre de 11 à 15 mètres, remblaiement hétérogène présentant de faibles caractéristiques mécaniques. Il préconisait déjà une reprise en sous-'uvre de tous les murs porteurs avec des fondations profondes de type micropieux.
Les 3 et 9 mars 2010, un constat d'huissier avait été établi à la requête de M. [HG] [M], constatant les fissures affectant sa maison.
Par ailleurs, une ordonnance de référé a été rendue le 1er avril 2010, désignant M. [G] comme expert pour examiner les désordres, procédure à laquelle les consorts [M], [N] et l'ASL se sont « raccrochés » en sollicitant une extension des mesures d'expertise à leur profit par assignation en date du 12 octobre 2010.
Dès lors, les consorts [M] ne peuvent sérieusement soutenir qu'ils n'avaient pas conscience de la réalisation du risque au moment de la souscription de ce nouveau contrat, et il n'était nul besoin d'attendre les conclusions de l'expert judiciaire comme ils le font valoir.
A titre subsidiaire, les consorts [M] sollicitent que la cour se réfère au premier contrat souscrit antérieurement en faisant valoir que le contrat est en base fait générateur.
Ils produisent les conditions particulières du contrat signé le 2 décembre 2010, qui mentionne « Areas accorde sa garantie aux Conditions Générales, modèle P510BA708 et aux présentes conditions particulières. »
Or, ils joignent à ces conditions particulières un extrait des conditions générales modèle P510BA213 qui ne s'appliquent pas au nouveau contrat et force est de constater, par ailleurs, que dans cet extrait ne figure aucune clause stipulant que le contrat est en base fait générateur,
Ils ne produisent ni les conditions particulières ni les conditions générales du contrat initial dont la date d'effet est ignorée.
En effet s'agissant d'un « remplacement » de contrat des modifications ont nécessairement été apportées dans le contrat souscrit en 2010, tant en ce qui concerne les conditions particulières que générales et le défaut de production par les appelants du précédent contrat, met la cour dans l'impossibilité de vérifier les conditions de garantie initialement convenues.
Au vu de ces éléments, les consorts [M] seront déboutés de leur action dirigée contre leur assureur Areas au titre de la garantie dommages et, par substitution de motifs, le jugement qui les a déboutés de leurs demandes indemnitaires, sera confirmé.
IV - Sur les actions de certains colotis dirigées contre les assureurs de responsabilité civile des maisons voisines
Mme [TA] veuve [E], Mme [I] divorcée [F], la SCI [Adresse 32], les consorts [M], Mme [IB] et M. [X] [IB], M. [CT] et Mme [L] divorcée [CT] sont propriétaires de maisons qui forment chacune deux blocs de trois maisons.
Les trois maisons formant un bloc, reposent sur un radier unique et elles sont mitoyennes entre elles, un mur unique de refend séparatif étant commun à deux propriétés au sein des deux blocs de trois maisons.
1) S'agissant du bloc SCI [Adresse 32], [E] et [F]
La maison de M. [RK] (SCI [Adresse 32]) est solidaire de la maison de Mme veuve [E] par un mur mitoyen commun et par le radier.
La maison de Madame [TA] veuve [E] est liée physiquement à celle de Mme [I] divorcée [F] par un mur mitoyen commun et par le radier.
2) S'agissant du bloc [CT], [M], et [IB]
La maison de Mme [IB] est solidaire de la maison des consorts [M] par un mur mitoyen commun et par le radier.
La maison des époux [CT] est solidaire de la maison des consorts [M] par un mur mitoyen commun et par le radier.
L'expert a retenu que les tassements différentiels des maisons réparties en deux blocs, se causaient mutuellement des dommages par un effet d'entraînement et de retenue.
Il a ainsi précisé :
« La villa [M] (n°[Adresse 21]) du fait de l'insuffisance de résistance au sol et des tassements qui en résultent, a tendance à entraîner les villas [CT] (n°[Adresse 22]) et [IB] (n°[Adresse 20]) et qui de ce fait s'appuient sur la villa [M].
La villa [RK] (n°[Adresse 5]) a tendance à basculer du côté opposé à la villa [E] (n°[Adresse 7]),
La villa [E] tasse entraînant la villa [F] (n°2) qui a tendance à s'appuyer sur la villa [E] (n°[Adresse 7]),
L'assise de la villa [OV]-[K] (n°4) est déchaussée localement par le tassement de la villa [F]. »
S'agissant du premier bloc, considérant que :
- La SCI [Adresse 32] engageait sa responsabilité sur le fondement de l'article 1242 du code civil, à son égard, Mme [E] a engagé une action directe sur le fondement de l'article L 124-3 du code des assurances à l'encontre de la MACIF assureur de la SCI [Adresse 32],
- Mme [E] engageait sa responsabilité sur le fondement de l'article 1242 du code civil, à son égard, Mme [I] divorcée [F] a engagé une action directe fondée sur l'article L 124-3 du code des assurances à l'encontre de la GMF assureur de Mme [TA] veuve [E].
S'agissant du second bloc, considérant que :
- La responsabilité civile de Mme [IB] pouvait être retenue à l'égard des dommages causés au bien des consorts [M] et au bien des époux [CT], ces derniers ont engagé une action directe à l'encontre de son assureur la GMF,
- La responsabilité civile des consorts [CT] pouvait être retenue à l'égard des dommages causés au bien des consorts [M] et réciproquement, ces derniers ont engagé une action directe à l'encontre de la MAAF assureur des consorts [CT].
A titre liminaire,
Plusieurs assureurs continuent à faire valoir que le conseil des appelants serait en situation de conflit d'intérêts du fait de l'exercice par les co-lotis de l'action directe contre l'assureur MRH de leurs voisins respectifs.
En l'absence d'élément nouveau, c'est par une motivation pertinente que la cour adopte expressément, que les premiers juges ont retenu qu'il n'appartenait pas au tribunal de soulever d'office la question du conflit d'intérêt, qui au demeurant relevait de la compétence du conseil de discipline des avocats.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que cette difficulté ne relevait pas de la présente juridiction.
Sur la prescription des actions directes des colotis à l'encontre des assureurs de responsabilité civile
Les colotis qui exercent une action directe à l'égard des divers assureurs MRH de leurs voisins se fondent d'une part sur la ruine du bâtiment, d'autre part sur la responsabilité du fait des choses et enfin sur la théorie des troubles excédant les inconvénients normaux du voisinage.
En application de l'article 2224 code civil « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. »
Pour déclarer prescrites certaines des actions directes dirigées par les colotis contre les assureurs MRH de leurs voisins, les premiers juges ont retenu que le point de départ du délai de cinq ans devait être fixé au jour d'entrée en vigueur de la nouvelle loi réformant la prescription, considérant qu'à cette date les appelants avaient eu connaissance des faits leur permettant d'exercer leur action.
Or, les opérations d'expertise ont été particulièrement complexes et longues (neuf ans) et les désordres se sont aggravés progressivement ainsi qu'il résulte du rapport d'expertise, retraçant le déroulé des opérations et des investigations : l'expert s'est rendu sur place à 21 reprises entre le 1er septembre 2010 et le 13 mars 2019 et a noté lors de chaque visite l'évolution des désordres.
Il résulte des compte-rendus de réunion que le phénomène d'entraînement et de basculement des maisons entre elles, n'est apparu qu'au cours de l'expertise, phénomène qui, s'il a les mêmes causes que les désordres déjà apparus, constitue un nouveau désordre important.
En effet, dans son compte-rendu n°3 du 28 septembre 2010, l'expert a relevé pour la première fois que : « la villa de Mme [IB] (n°51) entraîne le mur de la villa de M. et Mme [M] »
Par la suite d'autres basculements et entraînements entre les villas mitoyennes se sont révélés.
C'est dans ces conditions que l'expert a validé la mise en cause des assureurs MRH de chaque habitation le 6 février 2014.
Les colotis ont alors appelé en cause les assureurs suivant assignations délivrées en mars 2014.
Il y a donc lieu de fixer le point de départ de la prescription quinquennale concernant l'action directe des colotis contre les assureurs MRH à la date du 28 septembre 2010, de sorte que les assignations en référé expertise délivrées à leur encontre en mars 2014 ont interrompu la prescription, laquelle a été suspendue durant les opérations d'expertise.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a retenu la prescription des actions:
- de Mme [I] et de la SCI [Adresse 32] à l'encontre de la GMF,
- des consorts [M] de M. [CT] et Mme [L] divorcée [CT] à l'encontre de la GMF
- des consorts [M] et [IB] à l'encontre de la MAAF,
et leur action sera déclarée recevable.
Sur l'action directe contre les assureurs fondée sur la ruine des bâtiments
L'article 1386 ancien du code civil devenu l'article 1244 du code civil énonce : « Le propriétaire d'un bâtiment est responsable du dommage causé, lorsqu'elle est arrivée par une suite du défaut d'entretien ou par le vice de sa construction »
Ce texte institue une responsabilité de plein droit du fait des bâtiments qui est favorable aux victimes dispensées d'établir une faute à l'encontre du propriétaire du bâtiment et dérogatoire au principe général de la responsabilité pour faute prouvée édictée par l'article 1382 du code civil (devenu 1240 du code civil).
Trois conditions doivent être réunies pour que s'applique le régime de responsabilité spécifique de l'article 1386 devenu 1244 du code civil : il faut que l'accident ait été causé par un bâtiment, qu'il résulte de sa ruine et provienne du défaut d'entretien ou d'un vice de construction.
Dès lors que le demandeur a établi que la ruine du bâtiment provient d'un vice de construction ou d'un défaut d'entretien, le propriétaire ne pourra pas échapper à sa responsabilité en démontrant qu'aucune faute ne peut lui être reprochée et le fait non fautif de la victime n'est pas davantage de nature à exonérer le propriétaire de sa responsabilité.
Les seules causes d'exonération sont la faute de la victime ou la force majeure (2 Civ., 27 octobre 2022, pourvoi n 21-16.692).
Après avoir connu une interprétation extensive au cours du 19ème siècle, l'article 1386, à compter de l'arrêt de la Cour de cassation du 16 juin 1896 qui a érigé l'article 1384 alinéa 1er du code civil en principe général du fait des choses, a vu son domaine se réduire au profit de celui de l'article 1384, par l'effet de la jurisprudence, laquelle a restreint le domaine de la présomption posée par l'article 1386. à travers une conception réductrice de la notion de ruine.
En effet, si la ruine peut n'être que partielle en ce qu'elle s'entend non pas seulement de l'effondrement du bâtiment ou de la chute de l'ensemble des matériaux mais aussi de l'effondrement d'éléments du bâtiment tels que volet, balustrade, poutre, brique, escalier, façade d'un immeuble, pierre sur un toit, tuile, porte de hangar, elle implique nécessairement la chute d'un élément de la construction.
Ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, l'affaissement et le basculement de l'immeuble ne caractérisent pas sa ruine (2 Civ., 16 octobre 2008 n°07-16.967).
Le jugement, qui a rejeté les demandes indemnitaires des colotis fondées sur la ruine des bâtiments, sera confirmé.
Sur la responsabilité du fait des choses
L'article 1242 du code civil dispose que : « On est responsable du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes, ou des choses que l'on a sous sa garde. »
Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la responsabilité du fait de la chose n'étant pas une responsabilité pour faute, le seul fait de la chose suffit à engager la responsabilité de son gardien, le fait de la chose consistant en une intervention causale de celle-ci dans la réalisation du dommage.
Il est donc nécessaire pour la victime de rapporter la preuve que la chose est de quelque manière que ce soit, et ne fût-ce que pour partie, l'instrument du dommage.
Par ailleurs, la garde représente la maîtrise de la chose ou son contrôle extérieur. Ce contrôle correspondrait à l'idée que le gardien a le pouvoir d'éviter que la chose cause un dommage. La garde n'est donc pas juridique mais matérielle, sans que la jurisprudence n'exige cumulativement les pouvoirs d'usage, de direction et de contrôle.
La responsabilité du dommage causé par la chose est liée à l'usage qui est fait de la chose ainsi qu'aux pouvoirs de surveillance et de contrôle exercés sur elles qui caractérisent la garde, laquelle doit faire l'objet d'une appréciation in concreto.
Enfin le gardien de la chose peut s'exonérer de sa responsabilité par la preuve d'un cas fortuit ou de force majeure ou d'une cause étrangère qui ne lui soit pas imputable. Il ne lui suffit pas de prouver qu'il n'a commis aucune faute ou que la cause du fait dommageable est demeurée inconnue. L'évènement qualifié de force majeure doit revêtir trois caractères : être extérieur, imprévisible et irrésistible.
Chacune des maisons des colotis concernés, en se tassant, occasionne le tassement des maisons mitoyennes et a donc un rôle causal. Par ailleurs chacun des colotis concernés est gardien de la maison dont il est propriétaire ayant matériellement la possibilité d'éviter le dommage.
Pour autant, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, les maisons ne se tassent pas en raison d'un vice interne mais du fait de la nature du sous-sol sur lequel reposent les villas, lesquelles sont dépendantes dans leurs mouvements respectifs des mouvements souterrains sur lesquels les colotis n'ont aucune maîtrise.
A cet égard, l'expert a précisé dans son rapport en réponse à l'un des dires du conseil des consorts [M]:
« Le dire note judicieusement que Mme M. [M] n'ont aucune maîtrise sur les déplacements de leur villa... « puisque ces déplacements sont liés irrésistiblement au tassement du sol sous-jacent contre lequel les propriétaires de la villa concernée ne peuvent rien faire ». Il est certain qu'aucun des propriétaires ne maîtrise les tassements du sous-sol. Les dommages sont fonction des différences de tassements des villas et surtout de la mauvaise qualité (résistance mécanique du sous-sol). »
Il sera ajouté que ces mouvements ne sont pas perceptibles à l''il nu et que seule l'expertise a permis de les mettre à jour.
Ce phénomène de tassement généralisé du sol ne pouvait être prévu puisque les propriétaires qui ont acquis les villas ignoraient qu'elles avaient été construites sur une ancienne carrière servant de déchetterie.
C'est en vain que les appelants soutiennent que l'évènement n'était pas irrésistible au motif qu'il suffit de démolir les maisons pour mettre fin au dommage, alors que l'irrésistibilité ne s'apprécie pas à posteriori au regard des modalités de réparation du dommage mais à priori au regard de ce qu'il aurait pu être possible de faire pour éviter la réalisation du dommage.
Ainsi que l'ont retenu les premiers juges, au même titre qu'un tremblement de terre ou qu'un glissement de terrain, qui ont le même effet mais plus subit, il s'agit d'un événement imprévisible, irrésistible et extérieur pour les propriétaires des villas concernées qui a ainsi les caractères de la force majeure.
Le jugement, qui a rejeté l'action directe des colotis contre les assureurs de leurs voisins, fondée sur la responsabilité du fait des choses, sera confirmé.
Sur la responsabilité résultant des troubles excédant les inconvénients normaux du voisinage
Cette règle prétorienne, issue des articles 544 et 651 du code civil, a fait l'objet d'une codification par la loi n° 2024-346 du 15 avril 2024 qui a abrogé l'article L 113-8 du code de la construction et créé un article 1253 du code civil, lequel dispose :
« Le propriétaire, le locataire, l'occupant sans titre, le bénéficiaire d'un titre ayant pour objet principal de l'autoriser à occuper ou à exploiter un fonds, le maître d'ouvrage ou celui qui en exerce les pouvoirs qui est à l'origine d'un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage est responsable de plein droit du dommage qui en résulte.
Sous réserve de l'article L. 311-1-1 du code rural et de la pêche maritime, cette responsabilité n'est pas engagée lorsque le trouble anormal provient d'activités, quelle qu'en soit la nature, existant antérieurement à l'acte transférant la propriété ou octroyant la jouissance du bien ou, à défaut d'acte, à la date d'entrée en possession du bien par la personne lésée. Ces activités doivent être conformes aux lois et aux règlements et s'être poursuivies dans les mêmes conditions ou dans des conditions nouvelles qui ne sont pas à l'origine d'une aggravation du trouble anormal. »
Les sociétés GMF et MAAF font valoir que l'action des appelants sur ce fondement serait prescrite (prescription quinquennale) au motif que leur action n'avait pas initialement visé ce fondement.
Or, la prescription ne dépend pas du fondement invoqué mais de la date à laquelle les prétentions sont formulées.
Ainsi que l'ont retenu les premiers juges la théorie des inconvénients du voisinage peut dans son principe, s'énoncer de la manière suivante : lorsque dans l'exercice de ses activités licites et normales, une personne cause à son voisin ou à son environnement un dommage qui excède la mesure des inconvénients normaux du voisinage, elle engage sa responsabilité à l'égard de la victime du trouble qu'elle cause.
Le nouveau texte confirme cette théorie puisqu'il est mentionné que le propriétaire doit être à l'origine du trouble excédant les inconvénients du voisinage.
Tel n'est pas le cas en l'espèce, puisque tous les appelants subissent les conséquences du vice de construction résultant de fondations inadaptées au sous-sol, qu'aucun d'entre eux n'est intervenu sur le choix constructif, et partant ne peut être considéré comme étant à l'origine du trouble dénoncé, étant ajouté au surplus qu'en tout état de cause la force majeure qui est une cause d'exonération de la responsabilité de plein droit encourue s'applique en l'espèce.
Le jugement qui a débouté les co-lotis de leurs demandes fondée sur cette responsabilité, sera confirmé.
V - Sur les demandes indemnitaires de la société Saretec
Il sera constaté que la société Saretec qui, en première instance demandait la condamnation des colotis à lui payer une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée, prétention qui a fait l'objet d'un rejet du tribunal, ne forme pas appel incident et demande la confirmation du jugement qui est donc définitif sur ce point.
VI ' Sur les mesures accessoires
Les colotis qui échouent en leur appel sont tenus aux dépens exposés devant la cour.
En revanche, l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit des défendeurs devenus intimés devant la cour de sorte que le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné in solidum les colotis à payer les sommes de :
- 3.000 euros à la société Areas dommages,
- 3.000 euros à la SA Macif,
- 3.000 euros à la SAS Saretec,
- 3.000 euros à la SAS Ginger CEBTP,
- 3.000 euros à la SAS Procivis Savoie,
- 2.000 euros à la MAF,
- 2.000 euros à la GMF assurances et la SA MAAF assurances,
- 2.000 euros à la SA MAIF,
- 1.000 euros à la SA Allianz iard,
- 1.000 euros à la SA Socotec construction,
Et ces dernières seront déboutées de leurs demandes d'indemnité procédurale tant en première instance qu'en appel.
Les colotis seront également déboutés de leurs demandes d'indemnité procédurale.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire,
Sur l'action dirigée à l'encontre des constructeurs, locateurs d'ouvrage et leurs assureurs
La société Procivis
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevable pour cause de prescription l'action de Mme [DD] [TA] veuve [E], Mme [LM] [I] divorcée [F], la SCI [Adresse 32], M. [WI] [M], Mme [KO] [M], Mme [DY] [M], M. [AP] [M], M. [P] [M], M. [YB] [M], Mme [S] [M] née [J], Mme [U] [IB], M. [X] [IB], M. [R] [CT], Mme [T] [L] divorcée [CT], Mme [GL] [ZR] veuve [N], M. [FR] [N], M. [VN] [OV] et Mme [JU] [K] dirigée à l'encontre de la société Procivis Savoie,
La société Ginger CEBTP
Confirme le jugement déféré en ce qu'il en ce qu'il a déclaré irrecevable pour cause de prescription l'action de Mme [DD] [TA] veuve [E], Mme [LM] [I] divorcée [F], la SCI [Adresse 32], M. [WI] [M], Mme [KO] [M], Mme [DY] [M], M. [AP] [M], M. [P] [M], M. [YB] [M], Mme [S] [M] née [J], Mme [U] [IB], M. [X] [IB], M. [R] [CT] et Mme [T] [L] divorcée [CT], Mme [GL] [ZR] veuve [N], M. [FR] [N], M. [VN] [OV] et Mme [JU] [K] dirigée à l'encontre de la société Ginger CEBTP,
Y ajoutant,
Constate que les actions récursoires de la société Ginger CEBTP à l'encontre de la société MAF assureur décennal de M. [UT], de la société Axa assureur dommages ouvrage, et assureur de la société Cacciatore, de la société Socotec et de la société Saretec sont sans objet,
La société Saretec
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevable pour cause de prescription l'action de M. [OV] et Mme [K] dirigée à l'encontre de la société Saretec,
Sur les demandes dirigées à l'encontre de la société Allianz assureur de l'association syndicale libre
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [DD] [TA] veuve [E], Mme [LM] [I] divorcée [F], la SCI [Adresse 32], M. [WI] [M], Mme [KO] [M], Mme [DY] [M], M. [AP] [M], M. [P] [M], M. [YB] [M], Mme [S] [M] née [J], Mme [U] [IB], M. [X] [IB], M. [R] [CT], et Mme [T] [L] divorcée [CT], Mme [GL] [ZR] veuve [N] et M. [FR] [N], M. [VN] [OV] et Mme [JU] [K], de leurs demandes dirigées contre la société la société Allianz assureur de l'association syndicale libre,
Sur les demandes dirigées par les colotis contre leurs assureurs multirisques habitation respectifs
Sur l'action engagée par Mme [I] divorcée [F] à l'encontre de la MAIF
Infirme le jugement en ce qu'il a déclaré l'action de Mme [I] divorcée [F] dirigée contre la société Maif irrecevable,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare Mme [I] divorcée [F] recevable en son action dirigée à l'encontre de son assureur la société Maif, mais non fondée,
En conséquence la déboute de ses demandes indemnitaires formées à l'encontre de cet assureur.
Sur l'action de la SCI [Adresse 32] à l'encontre de son assureur la Macif
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré recevable l'action de la SCI [Adresse 32] dirigée à l'encontre de son assureur la Macif et l'en a débouté,
Sur l'action de de M. [CT] et Mme [L] divorcée [CT] à l'encontre de la société MAAF
Infirme le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes des consorts [CT] dirigées contre leur assureur multirisques habitation, la société MAAF,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare leur action dirigée contre la MAAF recevable mais non fondée,
En conséquence, les déboute de leurs demandes indemnitaires formées à l'encontre de cet assureur,
Sur l'action de Mme [TA] veuve [E] et de Mme [IB] à l'encontre de la GMF
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevables leur action dirigée à l'encontre de la société GMF,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare recevable l'action de Mme [TA] veuve [E] et de Mme [IB] dirigée à l'encontre de la société GMF mais non fondée,
En conséquence, les déboute de leurs demandes indemnitaires formées à l'encontre de cet assureur,
Sur l'action des consorts [M] à l'encontre de la société Areas dommages
Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable pour défaut de qualité à agir l'action de Mme [S] [M] née [J] à l'encontre de la société Areas dommages,
Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré recevable l'action de M. [WI] [M], Mme [KO] [M], Mme [DY] [M], M. [AP] [M], M. [P] [M] et M. [YB] [M], dirigée contre la société Areas dommages,
Confirme le jugement en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes indemnitaires dirigées contre la société Areas dommages,
Sur l'action de certains colotis dirigées contre les assureurs de responsabilité civile des villas voisines
Confirme le jugement qui a écarté les prétentions relatives à l'existence d'un conflit d'intérêt,
Infirme le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable pour cause de prescription les actions :
- De Mme [I] divorcée [F] et de la SCI [Adresse 32] à l'encontre de la société GMF,
- Des consorts [M], de M. [CT] et Mme [L] divorcée [CT] à l'encontre de la société GMF,
- Des consorts [M] et des époux [IB] à l'encontre de la société MAAF,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare recevables Mme [LM] [I] divorcée [F], la SCI [Adresse 32], M. [WI] [M], Mme [KO] [M], Mme [DY] [M], M. [AP] [M], M. [P] [M], M. [YB] [M], M. [R] [CT] et Mme [T] [L] divorcée [CT], en leur action dirigée à l'encontre de la société GMF,
Déclare recevables Mme [U] [IB] et son fils [X] [IB], M. [WI] [M], Mme [KO] [M], Mme [DY] [M], M. [AP] [M], M. [P] [M], M. [YB] [M], en leur action dirigée à l'encontre de la société MAAF,
Déboute Mme [LM] [I] divorcée [F], la SCI [Adresse 32], M. [WI] [M], Mme [KO] [M], Mme [DY] [M], M. [AP] [M], M. [P] [M], M. [YB] [M], M. [R] [CT] et Mme [T] [L] divorcée [CT], Mme [U] [IB] et M. [X] [IB] de leurs demandes indemnitaires fondées sur :
- la responsabilité du fait de la ruine des bâtiments,
- la responsabilité du fait des choses,
- les troubles excédant les inconvénients normaux du voisinage.
Sur les mesures accessoires
Confirme le jugement ce qu'il a condamné in solidum Mme [DD] [TA] veuve [E], Mme [LM] [I] divorcée [F], la SCI [Adresse 32], M. [WI] [M], Mme [KO] [M], Mme [S] [M] née [J], Mme [DY] [M], M. [AP] [M], M. [P] [M], M. [YB] [M], M. [R] [CT] et Mme [T] [L] divorcée [CT], Mme [GL] [ZR] veuve [N] et M. [FR] [N], M. [OV] et Mme [JU] [K] aux dépens,
Y ajoutant,
Condamne in solidum Mme [DD] [TA] veuve [E], Mme [LM] [I] divorcée [F], la SCI [Adresse 32], M. [WI] [M], Mme [KO] [M], Mme [S] [M] née [J], Mme [DY] [M], M. [AP] [M], M. [P] [M], M. [YB] [M], M. [R] [CT] et Mme [T] [L] divorcée [CT], Mme [GL] [ZR] veuve [N] et M. [FR] [N], M. [OV] et Mme [JU] [K] aux dépens exposés en appel.
Admet les parties qui en ont formé la demande et en réunissent les conditions au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Infirme le jugement en ce qu'il a condamné in solidum Mme [DD] [TA] veuve [E], Mme [LM] [I] divorcée [F], la SCI [Adresse 32], M. [WI] [M], Mme [KO] [M], Mme [S] [M] née [J], Mme [DY] [M], M. [AP] [M], M. [P] [M], M. [YB] [M], M. [R] [CT] et Mme [T] [L] divorcée [CT], Mme [GL] [ZR] veuve [N] et M. [FR] [N], M. [OV] et Mme [JU] [K] à payer les indemnités procédurales suivantes :
- 3.000 euros à la société Areas dommages,
- 3.000 euros à la SA Macif,
- 3.000 euros à la SAS Saretec,
- 3.000 euros à la SAS Ginger CEBTP,
- 3.000 euros à la SAS Procivis Savoie,
- 2.000 euros à la MAF,
- 2.000 euros à la GMF assurances et la SA MAAF assurances,
- 2.000 euros à la SA MAIF,
- 1.000 euros à la SA Allianz iard,
- 1.000 euros à la SA Socotec construction,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties tant en première instance qu'en appel.
Arrêt Réputé Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
et signé par Nathalie HACQUARD, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, La Présidente,
Copie simple et exécutoire délivrées le 09 septembre 2025
à
la SCP GIRARD-MADOUX ET ASSOCIES
la SCP BESSAULT MADJERI SAINT-ANDRE
la SELARL MLB AVOCATS
la SELARL BOLLONJEON
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE-CHAMBERY
Me Bérangère HOUMANI
la SELARL VIARD-HERISSON GARIN
la SELARL CABINET COMBAZ
la SCP CABINET DENARIE BUTTIN PERRIER GAUDIN
Me Clarisse DORMEVAL
la SELARL JURISOPHIA SAVOIE
la SAS MERMET & ASSOCIES
la SCP LE RAY BELLINA DOYEN
la SELARL ENOTIKO AVOCATS