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Décisions

CA Riom, 1re ch., 9 septembre 2025, n° 23/01500

RIOM

Arrêt

Autre

CA Riom n° 23/01500

9 septembre 2025

COUR D'APPEL

DE RIOM

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

Du 09 septembre 2025

N° RG 23/01500 - N° Portalis DBVU-V-B7H-GCAV

- PV- Arrêt n°

S.A. AXA FRANCE IARD / [F] [H], [X] [Y] épouse [H]

Jugement au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CUSSET, décision attaquée en date du 22 Août 2023, enregistrée sous le n° 23/00154

Arrêt rendu le MARDI NEUF SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

M. Philippe VALLEIX, Président

M. Daniel ACQUARONE, Conseiller

Mme Laurence BEDOS, Conseiller

En présence de :

Mme Céline DHOME, greffier lors de l'appel des causes et du prononcé

ENTRE :

S.A. AXA FRANCE IARD ès qualités d'assureur décennal de la société MAISONS MAG

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Maître Barbara GUTTON PERRIN de la SELARL LX RIOM- CLERMONT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND et par Maître Sylvie BERTHIAUD de la SELARL BERTHIAUD ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

Timbre fiscal acquitté

APPELANTE

ET :

M. [F] [H]

et

Mme [X] [Y] épouse [H]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentés par Maître Carmen BERNAL, avocat au barreau de CUSSET/VICHY

Timbre fiscal acquitté

INTIMES

DÉBATS : A l'audience publique du 12 mai 2025

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 09 septembre 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par M. VALLEIX, président et par Mme DHOME, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par Contrat de construction de maison individuelle (CCMI) conclu le 2 mai 2011, M. [F] [H] et Mme [X] [Y] épouse [H] ont confié à la société société MAISONS MAG la construction de leur maison d'habitation sur un terrain situé au lieu-dit [Adresse 4] dans la commune de [Localité 1] (Allier). À l'occasion de ce programme de construction, ils ont souscrit une police d'assurance de dommages-ouvrage auprès de la SA AXA FRANCE IARD. La société AXA été par ailleurs l'assureur de responsabilité civile décennale de la société MAISON MAG à l'occasion de ce chantier. Le permis de construire a été délivré le 10 août 2011 alors que les travaux de construction ont débuté le 17 octobre 2011 et se sont terminés le 22 juin 2012, date à laque1le un procès-verbal de réception sans réserve a été établi.

La société MAISONS MAG a sous-traité l'exécution de ces travaux de construction dans les conditions suivantes :

* lot Terrassements - VRD confié à la société MIZZI TERRASSEMENT, assurée auprès de la société SMABTP ;

* lot Façade confié à M. [L] [V], assuré auprès de la société MAAF ;

* lot Maçonnerie - GO confié à M. [G] [M], assuré auprès de la société MAAF.

En octobre 2016, M. et Mme [H] ont constaté l'apparition de fissures sur les façades extérieures de leur maison. Une déclaration de sinistre auprès de l'assureur dommages-ouvrage a été régularisée le 11 octobre 20l6 et a donné lieu à l'établissement d'un rapport par le cabinet Eurisk, mandaté par la société AXA , et d'un refus, de garantie opposé par cette dernière le 30 novembre 2016 en contestation du caractère décennal de ce désordre de construction.

Par courrier du 30 août 2017, M. et Mme [H] ont informé la société AXA que la fissure dénoncée en octobre 2016 avait travaillé, indiquant avoir constaté que qu'une fenêtre ne fermait plus et que son volet peinait à s'ouvrir. Par courrier du 13 septembre 2017, la société AXA a répondu à M. et Mme [H] que la déclaration de sinistre n'était pas constituée en l'absence des informations suivantes : numéro de contrat ou d'avenant, date d'apparition des dommages, description et localisation des désordres. Elle les invitait en conséquence à lui adresser une nouvelle déclaration de sinistre comportant les informations précitées.

Le 28 septembre 2017, M. et Mme [H] ont fait dresser un constat de matérialité des désordres allégués par acte de commissaire de justice. Les 10 et 12 octobre 2017, ils ont assigné la société AXA devant le Président du tribunal judiciaire de Cusset qui, suivant une ordonnance de référé rendue le 29 novembre 2017, a ordonné une mesure d'expertise judiciaire confiée à M. [C] [S], maître d''uvre - expert près la cour d'appel de Riom. Saisi par la société AXA, le Président du tribunal judiciaire de Cusset a ordonné en référé le 3 janvier 2019 que ces opérations d'expertise judiciaire soient étendues à la société MIZZI TERRASSEMENT, à M. [L] [V], à M. [G] [M] et à la société MAAF en qualité d'assureur de M. [L] [V] et M. [G] [M]. Saisi par M. et Mme [H], le Président du tribunal judiciaire de Cusset a ordonné en référé le 16 octobre 2019 que ces opérations d'expertise judiciaire soient étendues à la SA MUTUELLE DE POITIERS ASSURANCES. Par ordonnance de référé du 21 octobre 2020, le Président près le tribunal judiciaire de Cusset a ordonné que ces opérations d'expertise soient étendues à la société d'assurances la MACIF. Après avoir réalisé sa mission, l'expert judiciaire commis a établi son rapport définitif le 8 décembre 2022.

Le 13 décembre 2022, un courrier officiel a été adressé au conseil de la société AXA afin que cette dernière mette en place une indemnisation amiable en lecture de ce rapport d'expertise judiciaire mais aucune réponse n'a cependant été apportée à cette demande. C'est dans ces conditions que M. et Mme [H], sur le fondement des articles L.242.1 du code des assurances et 1792 et suivants du Code civil, ont assigné le 2 février 2023 à jour fixe la société AXA devant le tribunal judiciaire de Cusset qui, suivant un jugement n° RG/23-00154 rendu le 22 août 2023, a :

débouté la société AXA de sa demande de nullité du rapport d'expertise judiciaire rendu par M. [S] le 8 décembre 2022 ;

homologué le rapport d'expertise judiciaire rendu par M. [S] le 8 décembre 2022 ;

constaté que la procédure amiable contractuelle dommages-ouvrage n'a pas eu lieu, faute de déclaration de sinistre réputée constituée par M. et Mme [H] auprès de la société AXA ;

déclaré irrecevab1es les demandes de M. et Mme [H] à l'encontre de la société AXA en qualité d'assureur dommages-ouvrage ;

déclaré recevable les demandes de M. et Mme [H] à l'encontre de la société AXA en qualité d'assureur décennal de la société MAISONS MAG ;

constaté que l'ensemble des désordres constatés, sur l'immeuble situé au lieu-dit [Adresse 4] à [Localité 1] sont de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage et le rendent impropre à sa destination, et sont donc de nature décennale ;

dit que la solution de démolition/reconstruction de l'immeuble susmentionné, préconisée par l'expert judiciaire, sera retenue ;

condamné la société AXA à payer à M. et Mme [H] au titre du contrat d'assurance décennale la liant à la société MAISONS MAG les sommes de:

240.677,89 € au titre de la démolition/reconstruction ;

15.000,00 € au titre du préjudice de jouissance ;

2.168,00 € au titre des frais de déménagement ;

13.255,20 € au titre de frais de loyer ;

débouté M. et Mme [H] de leur demande d'indemnisation au titre du préjudice moral ;

condamné la société AXA aux dépens de l'instance, en ce compris notamment les frais exposés dans le cadre des procédures de référé entre 2017 et 2020, les frais d'expertise judiciaire et le coût du constat d'huissier de justice du 28 septembre 2017 ;

condamné la société AXA à payer à M. et Mme [H] une indemnité de 6.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

rappelé que les décisions de première instance sont de droit exécutoire à titre provisoire ;

dit n'y avoir lieu à écarter 1'exécution provisoire.

Par déclaration formalisée par le RPVA le 27 septembre 2023, le conseil de la SA AXA FRANCE IARD, agissant en qualité d'assureur décennal de la société MAISONS MAG, a interjeté appel de la décision susmentionnée. L'effet dévolutif de cet appel y est ainsi libellé : « Objet/Portée de l'appel : APPEL LIMITE : L'appel tend à obtenir la nullité ou, à tout le moins, la réformation de la décision susvisée en ce qu'elle a : -débouté la société AXA FRANCE IARD de sa demande de nullité du rapport d'expertise judiciaire rendu par Monsieur [S] le 8 décembre 2022 - - homologué le rapport d'expertise judiciaire rendu par Monsieur [S] le 8 décembre 2022 - -déclaré recevable les demandes de Monsieur [F] [H] et Madame [X] [Y] à l'encontre de la société AXA FRANCE IARD, en qualité d'assureur décennal de la société MAISONS MAG - -constaté que l'ensemble des désordres constatés sur l'immeuble sis [Adresse 4] à [Localité 1], de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage et le rendent impropre à sa destination sont de nature décennale - -dit que la solution de démolition/reconstruction de l'immeuble sis [Adresse 4] à [Localité 1], préconisée par l'expert judiciaire sera retenue - -condamné la société AXA FRANCE IARD à payer et porter à Monsieur [F] [H] et Madame [X] [Y] au titre du contrat d'assurance décennale la liant à la société MAISONS MAG les sommes de : DEUX CENT QUARANTE MILLE SIX CENT SOIXANTE DIX EUROS ET QUATRE VINGT NEUF CENTIMES (240.677,89€) au titre de la démolition/ reconstruction, QUINZE MILLE EUROS (15.000€) au titre du préjudice de jouissance, DEUX MILLE CENT SOIXANTE HUIT EUROS (2.168€) au titre des frais de déménagement, TREIZE MILLE DEUX CENT CINQUANTE CINQ EUROS ET VINGT CENTIMES (13.255,20€) au titre de frais de loyer - -condamné la société AXA FRANCE IARD aux dépens, en ce compris notamment les frais d'expertise exposés dans le cadre des procédures de référé entre 2017 et 2020, les frais d'expertise et le coût du constat d'huissier établi par Maître [R] le 28 septembre 2017 - -condamné la société AXA FRANCE IARD à payer à Monsieur [F] [H] et Madame [X] [Y] la somme de SIX MILLE EUROS (6000€) au titre de l'article 700 du code de procédure civile - -débouté la société AXA FRANCE IARD de ses demandes plus amples ou contraires - -rappelé que les décisions de première instance sont de droit exécutoire à titre provisoire - -dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire- Cet appel est fondé sur les pièces dont il a été fait état en première instance ou toute autre à produire devant la Cour. ».

' Par dernières conclusions d'appelant notifiées par le RPVA le 5 mai 2025, la SA AXA FRANCE IARD, en qualité d'assureur décennal de la société MAISONS MAG, a demandé de :

au visa des articles 4, 5, 114, 122, 175, 562 alinéa 1er et 901-7° du code de procédure civile ainsi que des articles 1101, 1792-5 et 2241 du Code civil et de l'article L.114-2 du code des assurances ;

in limine litis ;

infirmer le jugement rendu le 22 août 2023 par le tribunal judiciaire de Cusset, en ce qu'il a :

débouté la SA AXA FRANCE IARD de sa demande de nullité du rapport d'expertise judiciaire rendu par M. [S] le 8 décembre 2022 ;

homologué le rapport d'expertise judiciaire rendu par M. [S] le 8 décembre 2022 ;

prononcer la nullité du rapport d'expertise judiciaire de M. [S], celui-ci étant affecté de plusieurs irrégularités ;

à titre principal ;

infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

déclaré recevable les demandes de M. et Mme [H] à l'encontre de la société AXA, en qualité d'assureur décennal de la société MAISONS MAG ;

constaté que l'ensemble des désordres constatés sur l'immeuble situé au lieudit [Adresse 4] à [Localité 1] (Allier) sont de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage et le rendent impropre à sa destination, et sont donc de nature décennale ;

dit que la solution de démolition/reconstruction de l'immeuble situé au lieudit [Adresse 4] à [Localité 1] (Allier), préconisée par l'expert judiciaire susnommé, sera retenue ;

condamné la société AXA, en qualité d'assureur décennal de la société MAISONS MAG, à payer à M. et Mme [H] au titre du contrat d'assurance décennale la liant à la société MATSONS MAG les sommes de:

240.677,89 € au titre de la démolition/reconstruction ;

15.000,00 € au titre du préjudice de jouissance ;

2.168,00 € au titre des frais de déménagement ;

13.255,20 € au titre de frais de loyer ;

déclarer irrecevable toute demande qui serait présentée par M. et Mme [H] à l'encontre de la société AXA, assureur de la société MAISONS MAG, en raison de l'acquisition de la forclusion décennale ;

juger qu'en réalité, M. et Mme [H] n'ont dirigé aucune de leurs demandes, à l'endroit de la société AXA, assureur de la société MAISONS MAG ;

juger en conséquence, qu'en prononçant des condamnations à l'endroit de la société AXA, en qualité d'assureur de la société MAISONS MAG, le tribunal judiciaire de Cusset a statué ultra petita ;

rétablir ainsi les prétentions des parties, telles qu'elles ont été soumises au tribunal judiciaire de Cusset, en première instance ;

exclure en conséquence toute condamnation à l'endroit de la société AXA FRANCE IARD, assureur de la société MAISONS MAG ;

rejeter en tout état de cause, toute demande qui serait présentée à l'endroit de la société d'AXA FRANCE IARD, en sa qualité d'assureur de la société MAISONS MAG ;

à titre subsidiaire ;

juger que la garantie responsabilité décennale de la société MAISONS MAG, n'est pas mobilisable, les désordres provenant d'une cause étrangère à l'ouvrage réalisé par celle-ci ;

rejeter en conséquence, l'ensemble des demandes de condamnations qui serait présenté à l'encontre de la société AXA, en qualité d'assureur de la société MAISONS MAG ;

infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

condamné la société AXA FRANCE IARD, en qualité d'assureur décennal de la société MAISONS MAG, à payer à M. et Mme [H] au titre du contrat d'assurance décennale la liant à la société MATSONS MAG les sommes de:

240.677,89 € au titre de la démolition/reconstruction ;

15.000,00 € au titre du préjudice de jouissance ;

2.168,00 € au titre des frais de déménagement ;

13.255,20 € au titre de frais de loyer ;

fixer le préjudice matériel de M. et Mme [H], à la somme de 128.546,39 € TTC, correspondant à une reprise des fondations par micropieux, conformément à l'étude menée par le Cabinet Determinant ;

rejeter les demandes présentées par M. et Mme [H] au titre de leurs préjudices immatériels et annexes, dans la mesure où :

le préjudice de jouissance ne ressort pas de la définition des dommages immatériels figurant aux conditions particulières de la police d'assurance ;

la solution de reprise des fondations par micropieux exclut toute contrainte de relogement et de déménagement ;

déclarer irrecevable la demande présentée par M. et Mme [H] au titre de la réparation de leur préjudice moral, celle-ci relevant d'un chef de jugement de première instance, devenu définitif ;

à défaut, rejeter la demande de M. et Mme [H] au titre de la réparation du préjudice de jouissance ;

en tout état de cause ;

infirmer le jugement déféré, en ce qu'il a :

condamné la société AXA aux dépens de l'instance, en ce compris notamment les frais exposés dans le cadre des procédures de référé entre 2017 et 2020, les frais d'expertise judiciaire et le coût du constat d'huissier de justice du 28 septembre 2017 ;

condamné la société AXA à payer à M. et Mme [H] une indemnité de 6.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

débouté la société AXA de ses demandes plus amples ou contraires ;

rappelé que les décisions de première instance sont de droit exécutoire à titre provisoire ;

dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire ;

rejeter la demande présentée par M. et Mme [H], au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner M. et Mme [H] à régler une indemnité de 7.000,00 € à la société AXA au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner M. et Mme [H], aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris, les frais d'expertise judiciaire ;

à supposer que la Cour prononce une condamnation à l'endroit de la société AXA FRANCE IARD au titre des dépens ;

déduire du montant des dépens, la consignation réglée par la société AXA FRANCE IARD à hauteur de 6.903,21 € ;

donner acte à la société AXA France IARD, assureur de la société MAISONS MAG, qu'en cas de condamnation, elle opposera à son assurée le montant de sa franchise contractuelle, correspondant à 20 % du sinistre avec un minimum de 762,00 € et un maximum de 2.286,00 €.

' Par dernières conclusions d'intimé notifiées par le RPVA le 24 avril 2025, M. [F] [H] et Mme [X] [Y] épouse [H] ont demandé de :

au visa des fondements juridiques de l'assignation et des écritures en première instance de M. et Mme [H] indiquant expressément les dispositions des articles 1792 et suivants du Code civil ;

confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré les demandes de M. et Mme [H] recevables à l'égard de la société AXA FRANCE IARD, [et en ce qu'il a condamné au fond cette dernière à leur payer], en application de l'article 1792 du Code civil en qualité d'assureur décennal de la société MAISONS MAG :

la somme de 240.677,89 € au titre de la démolition/ reconstruction ;

la somme de 15.000,00 € au titre du préjudice de jouissance ;

la somme de 2.168,00 € au titre des frais de déménagement ;

la somme de 13.255,20 € au titre de frais de loyer ;

une indemnité de 6.000,00 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société AXA aux entiers dépens de l'instance qui comprendront les frais d'expertise judiciaire ;

condamner la société AXA à payer à M. et Mme [H] une indemnité de 4.000,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

en conséquence débouter la société AXA France IARD de l'ensemble de ses demandes.

Par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, les moyens développés par les parties à l'appui de leurs prétentions sont directement énoncés dans la partie Motifs de la décision.

Par ordonnance rendue le 6 mai 2025, le Conseiller de la mise en état a ordonné la clôture de cette procédure. Lors de l'audience civile collégiale du 12 mai 2025 à 14h00, au cours de laquelle cette affaire a été évoquée, chacun des conseils des parties a réitéré ses précédentes écritures. La décision suivante a été mise en délibéré au 9 septembre 2025, par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1/ Questions préalables

Il convient préalablement de constater qu'aucun appel principal ou incident n'est formé à l'encontre du jugement de première instance en ses décisions de constat de défaut d'engagement de la procédure amiable contractuelle propre au dispositif assuranciel de dommages-ouvrage et d'irrecevabilité en conséquence de toutes les demandes formées par M. et Mme [H] à l'encontre de la société AXA au titre de la mobilisation de cette police d'assurance de dommages-ouvrage. Le débat ne portera donc en cause d'appel que sur la recherche de responsabilité civile décennale formée par M. et Mme [H] à l'encontre de la société AXA au visa des articles 1792 et suivants du Code civil.

L'appel diligenté par la société AXA et poursuivi dans ses conclusions d'appelant est irrecevable en ce qui concerne les éléments du dispositif du jugement de première instance concernant le rappel d'exécution provisoire de la décision et le rejet de la demande tendant à écarter cette exécution provisoire, les voies de recours sur l'exécution provisoire de droit des décisions de première instance ne relevant pas de la procédure ordinaire d'appel.

Il n'y a pas lieu de se prononcer sur l'opposabilité des franchises contractuelles qui se rattachent aux garanties du contrat d'assurance de responsabilité civile décennale au titre duquel la société AXA est partie à l'instance, cette opposabilité étant de droit en cas de mobilisation de cette garantie contractuelle et M. et Mme [H] ne formant aucune contestation à ce sujet. Ce chef de demande de la société AXA apparaît dès lors sans objet.

2/ Sur le rapport d'expertise judiciaire

Au visa des articles 175 et 114 du code de procédure civile, la société AXA réitère en cause d'appel sa demande préalable d'annulation du rapport d'expertise judiciaire, sans pour autant solliciter, même à titre subsidiaire, une seconde mesure d'expertise judiciaire en cas d'annulation de celle ayant été ordonnée en première instance.

En l'occurrence, le premier juge a d'abord exactement répondu que l'expert judiciaire a normalement satisfait au respect du principe du contradictoire, d'une part en communiquant le 28 mars 2018 et le 10 octobre 2018 deux comptes-rendus de mise sous surveillance des fissures de façades, en organisant des réunions techniques le 24 juillet 2019 et le 2 septembre 2019 et en déposant préalablement à son rapport définitif du 8 décembre 2022 un pré-rapport du 6 octobre 2022 ayant permis de recueillir les dires et observations des parties et de leurs conseils. De plus, l'absence de compte-rendu de la réunion du 24 juillet 2019 apparaît certes regrettable mais demeure pour autant sans incidence au regard du principe du contradictoire en raison de la diffusion subséquente du pré-rapport d'expertise et du rapport d'expertise définitif. Enfin, l'audition par l'expert judiciaire le 4 février 2020 au cours de la mesure d'instruction de l'ouvrier SABCF ayant procédé aux travaux de fouilles des fondations et des réseaux relève de l'audition d'un sachant ayant donné lieu dans le cadre de la retranscription qui en a été faite à l'examen contradictoire des parties lors de la diffusion du pré-rapport d'expertise. Cette façon de procéder a donc préservé la faculté de contredire la teneur et l'exactitude matérielle des éléments factuels ainsi recueillis auprès de cette personne tierce.

Par ailleurs, les critiques formulées par la société AXA sur les conclusions et la méthodologie de l'expert judiciaire au sujet des conditions de mise à découvert des fondations et des réseaux d'eaux usées et pluviales par le sapiteur SABCF ayant relevé des défauts d'étanchéité de ces réseaux ou du fait que l'expert judiciaire n'aurait pas avisé son sapiteur géotechnicien APPUISOL de l'existence de ces fuites relèvent de critiques de fond permettant le cas échéant la prise en compte d'autres paramètres techniques de causalité des désordres de construction et pouvant donc le cas échéant contredire le rapport d'expertise judiciaire. Ces griefs ne relèvent donc pas de critiques remettant formellement en cause le caractère contradictoire de cette mesure d'instruction. Il en est de même en ce qui concerne les allégations de minimisation de l'ampleur des fuites d'eau en lecture des éléments fournis par l'ouvrier SABCF ainsi que les allégations de réponses insuffisantes ou d'absence de réponses à tous les dires qui ont été adressés à l'expert judiciaire en lecture du pré-rapport d'expertise qui constituent des critiques de fond susceptibles d'altérer la crédibilité technique de ce rapport d'expertise judiciaire et non des critiques de forme permettant le cas échéant de prononcer l'annulation de cette mesure d'instruction. Si la société AXA expose que l'expert judiciaire aurait à tort, voire par manque d'objectivité, considéré que la cause des conditions de réalisation et de raccordement des VRD serait mineure et non essentielle par rapport aux désordres constatés, cela constitue également une critique de fond et non une critique de forme susceptible d'entraîner l'annulation de ce rapport d'expertise judiciaire. Enfin, la mise en 'uvre et la finalisation d'une mesure d'expertise judiciaire ne constitue aucunement un obstacle pour les parties et leurs conseils juridiques et techniques s'ils entendent critiquer certains développements et conclusions en communiquant contradictoirement des rapports de consultants techniques en lecture du rapport définitif d'expertise judiciaire.

Dans ces conditions, le jugement de première instance sera confirmé en ce qu'il a débouté la société AXA de sa demande formée aux fins d'annulation de ce rapport d'expertise judiciaire.

Le jugement de première instance sera infirmé en ce qu'il a 'homologué' le rapport d'expertise judiciaire du 8 décembre 2022 de M. [S], étant rappelé à ce sujet qu'une mesure d'expertise judiciaire diligentée dans une discipline technique déterminée ne constitue, quelle qu'en soit l'utilisation faite, qu'un appui destiné à faciliter l'échange contradictoire entre les parties et la solution judiciaire du litige à défaut d'accord amiable.

3/ Sur la recevabilité

Au visa de l'article 1792-5 du Code civil, la société AXA soulève l'irrecevabilité pour cause de prescription décennale de l'ensemble des demandes formé à son encontre par M. et Mme [H] en relevant qu'à compter de la date du 22 juin 2012 de réception des travaux litigieux, ces derniers n'ont pas initialement recherché, en usant spécifiquement du droit d'action directe contre l'assureur, sa responsabilité à titre de garant contractuel de la responsabilité civile décennale du constructeur mais uniquement sa responsabilité contractuelle en qualité d'assureur de dommages-ouvrage du chantier. De fait, il est exact que tant dans l'assignation en référé des 10 et 12 octobre 2017 que dans l'assignation au fond du 2 février 2023 diligentée en lecture du rapport d'expertise judiciaire, la société AXA n'a été assignée qu'en qualité d'assureur de dommages-ouvrage du chantier litigieux, au titre de la police n° 3055190504, et non en qualité de garant contractuel de la responsabilité civile décennale de la société MAISONS MAG du fait de ce chantier. Il est également exact que ce n'est que dans des conclusions récapitulatives notifiées le 3 mars 2023, soit postérieurement à l'expiration le 22 juin 2022 du délai décennal d'épreuve, que M. et Mme [H] ont formulé l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de la société AXA en continuant de viser explicitement ce contrat d'assurance de dommages-ouvrage tout en commençant d'évoquer l'existence de ce contrat d'assurance de responsabilité civile décennale qui avait été souscrit le 1er février 2006 par la société AXA auprès de la société MAISONS MAG. M. et Mme [H] ne peuvent dès lors raisonnablement affirmer et prétendre que leurs actes introductifs d'instance en référé et au fond auraient également visé cette police de responsabilité civile décennale du constructeur et se seraient donc basés sur le double fondement de la garantie contractuelle de dommages-ouvrage de l'assureur et de la responsabilité civile décennale du constructeur par action directe contre l'assureur.

Force en tout cas est de constater, d'une part qu'aucun de ces actes d'assignation en référé des 10 et 12 octobre 2017 ou au fond du 2 février 2023 ne fait référence ou allusion à ce contrat d'assurance de responsabilité civile décennale de la société MAISONS MAG par la société AXA, et d'autre part que le dispositif comme le corps de chacun de ces deux actes introductifs d'instance ne recherchent en définitive la mobilisation de cette garantie décennale qu'au titre exclusivement du contrat de dommages-ouvrage susmentionné et non, même de manière alternative ou subsidiaire, en application du droit direct d'action contre l'assureur de la responsabilité civile décennale du constructeur assujetti à cette assurance obligatoire.

Or, la société AXA fait juste titre mention d'un arrêt du 29 mars 2018 de la 3e Chambre civile de la Cour de cassation (n° 17-15-042) dont il résulte notamment que « (') l'assignation de l'assureur en sa seule qualité d'assureur dommages-ouvrage [n'a] pas interrompu le délai de prescription de l'action engagée pour le même ouvrage contre la même société, prise en sa qualité d'assureur de responsabilité civile décennale, cette action [étant] prescrite (') ». Il s'en infère que ces deux assignations en référé et au fond délivrées à la société AXA uniquement en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage ne peut donc en aucune façon interrompre au profit du demandeur la prescription décennale relative à la responsabilité civile décennale du constructeur, ce délai décennal ayant expiré depuis le 22 juin 2022 à la date du 3 mars 2023 des conclusions de première instance de M. et Mme [H] dans lesquelles ces derniers ont commencé à évoquer pour la première fois cette recherche de responsabilité civile décennale par action directe à l'encontre de l'assureur.

Cette jurisprudence de la Cour de cassation confirme par ailleurs que la garantie de dommages-ouvrage souscrite sur une chose par le maître d'ouvrage auprès d'un assureur d'une part et la garantie de responsabilité civile décennale souscrite par un constructeur sur sa propre personne auprès d'un assureur d'autre part ne sont pas des dispositifs contractuels intrinsèquement liés, même s'il peut s'agir le cas échéant d'un même assureur pour l'un et l'autre des deux contrats et si ces deux régimes d'assurance s'articulent de manière commune quant à leur mise en 'uvre respective sur les dispositions des articles 1792 et suivants du Code civil. De ce fait, le visa des dispositions législatives qui précèdent est insuffisant pour caractériser une action sur le fondement de la responsabilité civile décennale alors que seule la garantie de dommages-ouvrage est explicitement visée et mentionnée dans ses deux actes introductifs d'instance et que la responsabilité civile décennale du constructeur par action directe contre l'assureur n'y est même pas mentionnée à titre subsidiaire. Enfin, le rapport d'expertise judiciaire ne permet objectivement pas de déterminer la référence ou la nature de la police d'assurance en vertu de laquelle M. et Mme [H] ont recherché la responsabilité de la société AXA en participant à cette mesure d'instruction, aucun des éléments de ce rapport ne permettant par ailleurs d'établir que cette dernière aurait elle-même participé à cette mesure d'instruction tout au long de son déroulement en faisant état de cette police d'assurance de responsabilité civile décennale en lieu et place ou aux côtés de la police d'assurance dommages-ouvrage. En tout état de cause à ce sujet, M. et Mme [H] ne font précisément état dans leurs écritures d'aucun élément de ce rapport d'expertise judiciaire dont il résulterait que « Tout au long des opérations d'expertises, [la société AXA] s'est positionnée en qualité d'assureur de garantie décennale et d'assureur dommage-ouvrage. ». Ainsi ne font-ils citation d'aucun argumentaire ni d'aucun terme particuliers de la société AXA dans ce rapport d'expertise judiciaire dont il résulterait que cette dernière se serait essentiellement positionnée lors des opérations d'expertise judiciaire en qualité d'assureur actionné directement au titre de la responsabilité civile décennale du constructeur et non uniquement en qualité d'assureur de dommages-ouvrage. Bien au contraire, dans ses deux dires à expert du 13 janvier 2020 et du 30 janvier 2022, le conseil de la société AXA précise intervenir exclusivement en qualité d'assureur de dommages-ouvrage de cette opération de construction.

Dans ces conditions, il y a lieu de considérer qu'à compter de la date du 22 juin 2012 de réception des travaux, la prescription décennale n'a pas été interrompue par l'assignation en référé des 10 et 12 octobre 2017 au titre de l'article 2244 du Code civil à l'égard de la société AXA en qualité d'assureur de la responsabilité civile décennale de la société MAISONS MAG. Lors de la délivrance le 2 octobre 2023 de l'assignation au fond en lecture du rapport d'expertise judiciaire, qui au demeurant ne faisait pas davantage mention de la qualité de la société AXA comme assureur de la responsabilité civile décennale de la société MAISONS MAG, le délai décennal d'épreuve prévu à l'article 1792-5 du Code civil était donc expiré. Toute l'action directe engagée et poursuivie en cause d'appel par M. et Mme [H] à l'encontre de la société AXA au titre de la responsabilité civile décennale s'avère dès lors irrecevable pour cause de prescription décennale, alors par ailleurs que M. et Mme [H] ont définitivement acquiescé au jugement de première instance en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action qui avait été engagée pour les mêmes causes au titre de la garantie contractuelle de dommages-ouvrage.

Par voie de conséquence de cette décision d'irrecevabilité pour cause de prescription décennale, le jugement de première instance sera infirmé en toutes ses condamnations pécuniaires prononcées à l'encontre de la société AXA au profit de M. et Mme [H] au titre de la réparation du préjudice matériel de démolition/reconstruction, de l'indemnisation du préjudice de jouissance, du remboursement des frais de déménagement et de la prise en charge des frais de loyer ainsi que des frais irrépétibles et des dépens de l'instance. Également par voie de conséquence, quoique par substitution de motifs, le jugement de première instance sera confirmé en ce qu'il a débouté M. et Mme [H] de leurs demande d'indemnisation au titre du préjudice de jouissance.

4/ Sur les autres demandes

Compte tenu des motifs d'irrecevabilité qui précèdent, il est sans objet de statuer sur le second chef de demande principale de la société AXA tendant à juger que le premier juge aurait statué ultra petita et sur sa demande subsidiaire tendant à rejeter au fond la demande de mobilisation de la responsabilité civile décennale ou à défaut à réduire le montant de ce préjudice matériel de reprise par une solution alternative moins onéreuse.

Il serait effectivement inéquitable, au sens des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, de laisser à la charge de la société AXA les frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'engager à l'occasion de cette instance et qu'il convient d'arbitrer à la somme de 4.000,00 €, en tenant compte des frais à la fois de première instance et d'appel.

Enfin, succombant à l'instance, M. et Mme [H] seront purement et simplement déboutés de leur demande de défraiement formée au visa de l'article 700 du code de procédure civile et en supporteront les entiers dépens, en ce compris les dépens et frais afférents aux procédures de référé et à la mesure d'expertise judiciaire susmentionnées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

DÉCLARE IRRECEVABLE les demandes de réformation formées par la SA AXA FRANCE IARD en ce qui concerne le rappel d'exécution provisoire de droit ainsi que le rejet de la demande tendant à écarter cette exécution provisoire résultant du jugement de première instance ci-après mentionné.

CONFIRME le jugement n° RG/23-00154 rendu le 22 août 2023 par le tribunal judiciaire de Cusset en ce qu'il a débouté la SA AXA FRANCE IARD de sa demande de rejet d'annulation du rapport d'expertise judiciaire susmentionné et en ce qu'il a débouté M. [F] [H] et Mme [X] [Y] épouse [H] de leur demande d'indemnisation formée en allégation de préjudice moral.

INFIRME ce même jugement en toutes ses autres dispositions.

Statuant de nouveau.

JUGE IRRECEVABLE, pour cause de prescription décennale, l'ensemble des demandes formé par action directe par M. [F] [H] et Mme [X] [Y] épouse [H] à l'encontre de la SA AXA FRANCE IARD en qualité d'assureur de la responsabilité civile décennale de la société MAISONS MAG.

CONDAMNE M. [F] [H] et Mme [X] [Y] épouse [H] à payer au profit de la SA AXA FRANCE IARD une indemnité de 4.000,00 €, en dédommagement de ses frais irrépétibles prévus à l'article 700 du code de procédure civile.

REJETTE le surplus des demandes des parties.

CONDAMNE M. [F] [H] et Mme [X] [Y] épouse [H] aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les dépens et frais afférents aux procédures de référé susmentionnées et la charge définitive de la mesure d'expertise judiciaire susmentionnée.

Le greffier Le président

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