CA Bordeaux, 4e ch. com., 10 septembre 2025, n° 23/03894
BORDEAUX
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL DE BORDEAUX
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
--------------------------
ARRÊT DU : 10 SEPTEMBRE 2025
N° RG 23/03894 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NM2M
Monsieur [E] [H]
Monsieur [D], [J] [U]
c/
S.A.S. PCB INVEST
S.A.R.L. NISIMA 5
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 mai 2023 (R.G. 2021F01503) par le Tribunal de Commerce de Bordeaux suivant déclaration d'appel du 14 août 2023
APPELANTS :
Monsieur [E] [H], né le [Date naissance 5] 1968 à [Localité 9] (ITALIE), de nationalité Italienne, demeurant [Adresse 1] (ESPAGNE)
Monsieur [D], [J] [U], né le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 8] (11), de nationalité Française , demeurant [Adresse 4]
Représentés par Maître Hervé MAIRE, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉES :
S.A.S. PCB INVEST, immatriculée au RCS de [Localité 7] sous le numéro 810 147 066, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 6]
S.A.R.L. NISIMA 5, immatriculée au RCS de [Localité 8] sous le numéro 799 231 402, prise en la personne de son représentant légal, Monsieur [S] [L], domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 3]
Représentées par Maître Clément GERMAIN de la SELARL DUCOS-ADER / OLHAGARAY & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 avril 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sophie MASSON, Conseiller chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,
Madame Sophie MASSON, Conseiller,
Madame Anne-Sophie JARNEVIC,Conseiller,
Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
EXPOSÉ DU LITIGE :
1. La société par actions simplifiée PCB Invest est une holding détenant des biens immobiliers au travers de sociétés civiles immobilières dont elle est actionnaire et gérante ; elle est présidée par la société à responsabilité limitée Nisima 5, qui en est également actionnaire.
Monsieur [E] [H] a été recruté par une filiale du groupe Nisima 5, la société par actions simplifiée Chantier Naval Couach-CNC, pour exercer les fonctions de président à compter du 11 juillet 2016.
Monsieur [D] [U] a rejoint la société Chantier Naval Couach-CNC en qualité de directeur des achats à partir de juin 2017.
Par trois actes en date du 1er mars 2018, M. [H] a adhéré au pacte d'associés de la société PCB Invest (conclu le 5 février précédent), a acquis 160 actions de cette société qui lui ont été cédées par la société Nisima 5 et s'est engagé, en qualité de promettant, à les revendre à la société Nisima 5 dans l'hypothèse d'une cessation de ses fonctions au sein de la société Chantier Naval Couach-CNC, ce dans des conditions définies par cette promesse de vente.
Le 14 mars 2018, M. [U] a également adhéré au pacte d'associés de la société PCB Invest, acquis 50 actions de cette société qui lui ont été cédées par la société Nisima 5 et s'est engagé, en qualité de promettant, à les revendre à la société Nisima 5 dans l'hypothèse d'une cessation de ses fonctions au sein de la société Chantier Naval Couach-CNC, ce dans des conditions définies par cette promesse de vente.
M. [H] et M. [U] ayant cessé leurs fonctions au sein de la société Chantier Naval Couach-CNC au cours du mois de mai 2020, la société Nisima 5 a levé son option d'achat par deux courriers du 4 août 2020, avec une proposition de prix de 16.000 euros pour le premier et de 5.000 euros pour le second.
2. Par actes du 22 décembre 2022, MM [U] et [H] ont assigné les sociétés PCB Invest et Nisima 5 devant le tribunal de commerce de Bordeaux aux fins de voir désigner un expert avec pour mission de déterminer la valeur des parts et déclarer nulles les cessions de titres.
Par jugement du 15 mai 2023, le tribunal de commerce de Bordeaux a statué ainsi qu'il suit :
- se déclare compétent ratione materiae et ratione loci pour connaître ce litige ;
- déboute Messieurs [E] [H] et [D] [U] de leur demande de désignation d'un expert judiciaire ;
- déboute Messieurs [E] [H] et [D] [U] de leur demande de nullité de la convention de promesse d'achat d'actions ;
- condamné conjointement et solidairement Messieurs [E] [H] et [D] [U] à payer aux sociétés PCB Invest et Nisima 5 la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamne Messieurs [E] [H] et [D] [U] aux dépens.
Par déclaration au greffe du 14 août 2023, M. [D] [U] et M. [H] ont relevé appel du jugement énonçant les chefs expressément critiqués, intimant la société PCB Invest et la société Nisima 5.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
3. Par dernières écritures notifiées le 30 avril 2024, M. [U] et M. [H] demandent à la cour de :
- Déclarer et juger recevable et bien fondé l'appel interjeté par Messieurs [H] et [U].
En conséquence,
- Confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a déclaré le tribunal de commerce
compétent ratione materiae et ratione loci pour connaître du litige.
- La reformer pour le surplus,
Statuant de nouveau,
Avant dire droit et toute défense au fond,
- Désigner tel expert judiciaire qu'il plaira avec mission d'évaluer la valeur des parts
sociales de la PCB Invest détenues par Messieurs [H] et [U] et cédées de force à la société Nisima 5
Dans l'attente,
- Renvoyer l'affaire à telle audience qu'il plaira pour statuer ce que de droit sur les
conclusions du rapport d'expertise
Et au fond en conséquence, il est demandé à la Cour :
A titre principal,
- Déclarer et juger les cessions de titres des 6 janvier pour Monsieur [H] et 14 janvier pour Monsieur [U] nulles en raison notamment en raison d'un ou plusieurs vices de consentement.
- Déclarer et juger que Messieurs [U] et [H] ont recouvré l'ensemble des droits attachés à leur qualité d'associés depuis ces dates.
A titre subsidiaire et si par extraordinaire tel n'était pas, vu les conclusions de l'expert désigné avant dire droit,
- Statuer ce que de droit sur l'évaluation des parts sociales cédées sans l'accord des assignants.
En tout état de cause,
- Condamner les intimées à 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de
procédure civile pour chacun des appelants.
- Les condamner aux entiers dépens en ce compris les frais de mesure d'instruction.
- Débouter les intimées, si besoin est, de leur appel incident l'équité commandant de
ne mettre à leur charge de Messieurs [H] et [U] aucuns frais irrépétibles.
***
4. Par dernières écritures notifiées le 26 février 2025, la société PCB Invest et la société Nisima 5 demandent à la cour de :
En application des dispositions de l'article 1103 du code civil et des promesses de vente d'actions des 1er mars et 14 mars 2018,
- Confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
- Condamner conjointement et solidairement Messieurs [U] et [H] au paiement d'une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
- Les condamner en tous les dépens.
***
L'ordonnance de clôture est intervenue le 2 avril 2025.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
5. Il faut au préalable indiquer que ni les appelants ni les intimées n'ont relevé appel de la décision du tribunal de commerce de Bordeaux relative à sa compétence matérielle et territoriale, de sorte que la demande de confirmation présentée à ce titre par Monsieur [H] et Monsieur [U] est sans objet.
Sur la demande d'expertise
6. Au visa de l'article 143 du code de procédure civile, Monsieur [E] [H] et Monsieur [D] [U] font grief au jugement déféré de les avoir déboutés de leur demande d'expertise en évaluation des parts sociales litigieuses.
M. [U] explique qu'il a, dans les délais contractuellement prévus, protesté contre l'évaluation amiable proposée par la bénéficiaire de la promesse de vente, de sorte qu'il est recevable à réclamer en justice cette expertise ; il ajoute qu'il appartenait également à la société PCB Invest de proposer une expertise puisqu'elle était en désaccord avec la contreproposition exprimée par l'appelant.
M. [H] fait de son côté valoir que les délais prévus au contrat lui sont inopposables en raison de la duplicité des intimées, qui ne lui ont pas permis de faire valoir ses droits en temps utile.
Les appelants indiquent qu'il doit être tenu compte tant des promesses de vente des actions que des promesses d'achat, les unes et les autres conclues le 1er mars 2018 pour M. [H] et le 14 mars suivant pour M. [U] ; qu'aucun accord commun n'est intervenu pour que le promettant et le bénéficiaire désignent un tiers expert ; que les appelants n'avaient pas plus l'obligation de saisir le président du tribunal de commerce que les deux sociétés intimées puisque les documents contractuels prévoyaient que le tiers expert serait désigné à la demande de la partie la plus diligente.
M. [H] et M. [U], qui indiquent avoir protesté dans les délais impartis, estiment que le premier juge a rajouté au texte du contrat en retenant que l'absence de protestation dans le délai prévu par le contrat entraînait l'irrecevabilité de la demande d'expertise.
7. Les sociétés PCB Invest et Nisima 5 répondent que les promesses de vente d'actions conclues entre les appelants d'une part et la société Nisima 5 d'autre part prévoient un mécanisme de levée d'option clairement décrit à l'article 3 des deux promesses ; que l'article 2 des acte définit exactement la possibilité pour la société Nisima 5 d'exercer ou non cette levée d'option, ce qui a été le cas, cette levée d'option ayant été exercée dans les délais prévus.
Les intimées font valoir que les promettants n'ont jamais remis en cause le principe de cette cession et ne font porter la discussion que sur la valeur qui leur a été proposée ; que l'analyse de la promesse de vente d'actions met en évidence le mécanisme suivant : soit les promettants acceptaient dans un délai précisément déterminé le prix proposé par le bénéficiaire, soit, en cas de désaccord sur cette valeur, leur souhait de recourir à l'expertise telle que celle-ci était prévue à l'article 5 de la convention ; que les appelants n'ont jamais officiellement indiqué au bénéficiaire qu'ils entendaient
recourir aux dispositions de l'article 5 de cet accord relatif à la mise en place d'une expertise ; que le mécanisme de désignation d'un tiers expert devait nécessairement intervenir avant toute introduction d'une instance judiciaire.
Elles s'étonnent que M. [H] et M. [U] leur fassent le reproche de ne pas avoir saisi un expert alors même que la contestation provenait des appelants eux-mêmes.
Sur ce,
8. Les promesses de vente d'actions conclues dans les mêmes termes le 1er mars 2018 entre M. [H] et la société Nisima 5 et le 14 mars 2018 entre M. [U] et la même société prévoient, à l'article 2, que, en cas de cessation des fonctions exercées par le promettant au sein de la société Chantier Naval Couach, celui-ci s'engage 'irrévocablement' à céder à la société Nisima 5 la totalité des actions qu'il détient à un prix déterminé conformément aux modalités de l'article trois du contrat.
L'article 3 des contrats stipule :
« (...) La notification de la levée de l'option devra préciser le prix de cession des actions cédées proposées par le bénéficiaire, ce prix devant correspondre à la valeur de marché des actions de la société. Le promettant disposera alors de 30 jours afin de notifier au bénéficiaire son acceptation du prix de cession proposé ou son souhait de recourir à l'expertise conformément aux stipulations de l'article cinq.
À défaut d'une telle notification dans le délai de 30 jours, le promettant sera réputé avoir accepté le prix de cession des actions cédées proposé par le bénéficiaire dans la notification de levée de l'option.»
L'article 5 des contrats énonce :
« Dans tous les cas où le promettant souhaiterait que le prix de cession des parts soit déterminé par voie d'expertise, le promettant et le bénéficiaire désigneront d'un commun accord un tiers expert chargé d'établir la valeur des actions dans les 10 jours suivant la demande faite par le promettant de recourir à l'expertise.
Faute pour le bénéficiaire et le promettant de s'entendre sur le choix de cet expert dans le délai de 10 jours susvisé, le tiers expert sera désigné à la demande de la partie la plus diligente par ordonnance du président du tribunal de commerce de statuant en la forme des référés sans recours possible (...)»
9. Il résulte de ces stipulations que, dès lors que la société Nisima 5 avait exercé l'option et notifié le prix qu'elle proposait pour le rachat des parts, M. [H] et M. [U] disposaient de l'alternative suivante : accepter la valeur proposée ou faire connaître leur souhait de recourir à l'expertise contractuellement prévue, ce choix devant être notifié dans un délai de 30 jours après la levée de son option par la société bénéficiaire.
10. Il est établi par les pièces produites aux débats que la société Nisima 5 a levé l'option d'achat le 4 août 2020 et proposé à M. [U] un prix de 5.000 euros et à M. [H] un prix de 16.000 euros.
Les appelants rapportent la preuve de ce que M. [U] a répondu à cette proposition par courrier du 11 août 2020 transmis par la poste et en pièce jointe d'un message électronique du 12 août suivant. L'examen de ce courrier révèle que l'appelant discute le prix de rachat de ses parts qui lui est proposé et motive sa protestation ; il invite en conclusion son correspondant à lui présenter une nouvelle évaluation mais, bien que n'acceptant pas le prix proposé, ne réclame pas le recours à l'expertise contractuellement prévue.
11. Dès lors, le dernier alinéa de l'article 3 du contrat est applicable à la situation puisque, à défaut de la notification relative à l'expertise dans le délai de 30 jours, M. [U] est réputé avoir accepté le prix de cession des actions cédées proposé par le bénéficiaire dans la notification de levée de l'option.
12. Par ailleurs, M. [H], qui discute également la valeur de rachat de ses parts, ne rapporte pas la preuve de ce qu'il aurait réclamé l'expertise contractuellement prévue dans le délai prévu. Il est donc également réputé avoir accepté le prix de cession des actions cédées proposé par le bénéficiaire dans la notification de levée de l'option.
13. Les appelants soutiennent que le contrat prévoit que le tiers expert pouvait être désigné à la demande de la partie la plus diligente.
Toutefois, cette lecture ne correspond pas à l'articulation temporelle du règlement du différend entre les parties ni aux termes extrêmement précis des articles 3 et 5 qui sont parfaitement clairs.
En effet, M. [H] et M. [U] devaient notifier leur désaccord sur le prix proposé dans un délai de 30 jours à compter de la notification de la levée de l'option et réclamer alors le recours à l'expertise prévue à l'article 5, sous peine d'être réputés acceptants.
Le premier paragraphe de l'article 5 mentionne qu'il appartient au seul promettant d'énoncer son souhait de recourir à l'avis d'un tiers expert, le bénéficiaire n'étant pas concerné puisqu'il propose un prix ; la mention de la partie la plus diligente ne se rapporte d'ailleurs pas à la réclamation relative à l'avis du tiers expert -réservée au promettant- mais au désaccord éventuel sur le nom de ce tiers expert, désaccord alors réglé par la saisine du président du tribunal de commerce par la partie la plus diligente.
14. Puisque M. [H] n'a pas discuté le prix proposé dans les conditions prévues par le contrat et que M. [U] n'a pas réclamé l'avis d'un tiers expert, l'un et l'autre sont, en vertu de l'article 3 de la promesse de vente du 1er mars 2018 pour le premier et du 14 mars 2018 pour le second, réputés avoir accepté le prix de cession des actions cédées proposé par le bénéficiaire dans la notification de levée de l'option.
15. Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de M. [H] et M. [U] aux fins d'expertise.
Sur la validité des cessions de parts sociales
16. Au visa de l'article 1130 du code civil, M. [H] et M. [U] font grief au tribunal de commerce d'avoir rejeté leur demande de nullité des promesses de vente. Ils expliquent qu'ils n'ont pas perçu la portée de leurs engagements au moment de leur signature en 2018 et qu'il y a nécessairement eu une erreur sur les documents qu'ils ont signés ; que le fait que la société Nisima 5 les ait contraints à recevoir le prix de cession par virement bancaire est constitutif de violence.
Les appelants expliquent qu'ils ont toujours contesté le bien-fondé de la cession litigieuse et qu'ils s'estiment toujours actionnaires de la société PCB Invest.
17. Les sociétés Nisima 5 et PCB Invest répondent que ces promesses de vente ont été conclues dans le contexte particulier de l'entrée des appelants dans l'entreprise ; qu'il s'agit du classique double engagement d'acheter puis de revendre leur participation en cas de départ de l'entreprise ; que les appelants sont des professionnels parfaitement éclairés sur leurs droits, qui ont un riche parcours professionnel qui leur a permis d'acquérir des connaissances commerciales et juridiques d'un niveau particulièrement élevé et ne peuvent soutenir aujourd'hui avoir été trompés.
Les intimées estiment que le tribunal de commerce a, à juste titre, rappelé les conventions de cessions de parts sociales et les conventions de promesse de rachat d'actions formaient un ensemble juridique directement lié à la condition du maintien du statut de salarié des appelants, de sorte que le vice du consentement invoqué, s'il existait, ne pourrait porter que sur la totalité des engagements et non pas sur un seul.
Sur ce,
18. L'article 1130 du code civil dispose :
« L'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.
Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.»
En vertu de l'article 1131 du code civil, les vices du consentement sont une cause de nullité relative du contrat.
Les articles 1132 et 1133 du même code précisent que l'erreur de droit ou de fait, à moins qu'elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu'elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant. Les qualités essentielles de la prestation sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté.
L'erreur est également une cause de nullité qu'elle porte sur la prestation de l'une ou de l'autre partie. Toutefois, l'acceptation d'un aléa sur une qualité de la prestation exclut l'erreur relative à cette qualité.
L'article 1137 du code civil, dans sa rédaction ici applicable, énonce :
« Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges.
Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.»
19. Il apparaît que M. [H] et M. [U] soutiennent avoir été trompés dans la mesure où le prix de rachat de leurs parts ne correspondent pas à ce qu'ils étaient en droit d'espérer, notamment en raison de la vigueur du marché immobilier.
Toutefois, l'examen des deux promesses litigieuses révèle que les contrats ont défini d'emblée le socle de l'évaluation des parts, ce au dernier paragraphe de l'article 1er : « valeur de marché signifie l'agrégat des prix d'acquisition des actifs immobiliers détenus directement ou indirectement par la société, déduction faite du solde des emprunts bancaires (en principal et intérêts) et des comptes courants/prêts d'associés, divisée par le nombre d'actions en circulation.»
20. Par ailleurs, les appelants ne développent pas les éléments constitutifs des manoeuvres qu'ils reprochent aux intimées, la seule affirmation de ce qu'ils ont été lésés n'étant pas suffisante à cet égard.
21. C'est donc par des motifs pertinents, qui ne sont pas remis en cause par les débats en appel et que la cour adopte, que le premier juge a débouté M. [H] et M. [U] de leur demande de nullité des promesses de vente de parts sociales.
Sur la demande subsidiaire en évaluation des parts sociales
22. Ainsi que le soulignent les appelants, cette demande ne peut être examinée qu'en suite du rapport de l'expertise judiciaire sollicitée avant dire droit.
Puisque la cour a confirmé le rejet de cette demande, elle confirmera également le jugement déféré en ce qu'il a rejeté cette demande.
23. Il doit au demeurant être observé que M. [H] et M. [U] ne proposent pas d'évaluation de leur part, expliquant qu'il serait difficile de donner des chiffres réels. La cour ne dispose par ailleurs d'aucun élément de nature comptable ou économique lui permettant d'accéder à cette prétention.
24. Les chefs de dispositif du jugement déféré relatifs aux frais irrépétibles des parties et à la charge des dépens de première instance seront confirmés.
Parties succombantes, M. [H] et M. [U] seront condamnés à payer les dépens de l'appel et à verser aux intimées une somme de globale de 4.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire en dernier ressort,
Confirme le jugement prononcé le 15 mai 2023 par le tribunal de commerce de Bordeaux.
Y ajoutant,
Condamne Monsieur [E] [H] et Monsieur [D] [U] à payer in solidum à la société PCB Invest et à la société Nisima 5 la somme globale de 4.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne Monsieur [E] [H] et Monsieur [D] [U] à payer in solidum les dépens.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 10 SEPTEMBRE 2025
N° RG 23/03894 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NM2M
Monsieur [E] [H]
Monsieur [D], [J] [U]
c/
S.A.S. PCB INVEST
S.A.R.L. NISIMA 5
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 mai 2023 (R.G. 2021F01503) par le Tribunal de Commerce de Bordeaux suivant déclaration d'appel du 14 août 2023
APPELANTS :
Monsieur [E] [H], né le [Date naissance 5] 1968 à [Localité 9] (ITALIE), de nationalité Italienne, demeurant [Adresse 1] (ESPAGNE)
Monsieur [D], [J] [U], né le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 8] (11), de nationalité Française , demeurant [Adresse 4]
Représentés par Maître Hervé MAIRE, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉES :
S.A.S. PCB INVEST, immatriculée au RCS de [Localité 7] sous le numéro 810 147 066, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 6]
S.A.R.L. NISIMA 5, immatriculée au RCS de [Localité 8] sous le numéro 799 231 402, prise en la personne de son représentant légal, Monsieur [S] [L], domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 3]
Représentées par Maître Clément GERMAIN de la SELARL DUCOS-ADER / OLHAGARAY & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 avril 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sophie MASSON, Conseiller chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,
Madame Sophie MASSON, Conseiller,
Madame Anne-Sophie JARNEVIC,Conseiller,
Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
EXPOSÉ DU LITIGE :
1. La société par actions simplifiée PCB Invest est une holding détenant des biens immobiliers au travers de sociétés civiles immobilières dont elle est actionnaire et gérante ; elle est présidée par la société à responsabilité limitée Nisima 5, qui en est également actionnaire.
Monsieur [E] [H] a été recruté par une filiale du groupe Nisima 5, la société par actions simplifiée Chantier Naval Couach-CNC, pour exercer les fonctions de président à compter du 11 juillet 2016.
Monsieur [D] [U] a rejoint la société Chantier Naval Couach-CNC en qualité de directeur des achats à partir de juin 2017.
Par trois actes en date du 1er mars 2018, M. [H] a adhéré au pacte d'associés de la société PCB Invest (conclu le 5 février précédent), a acquis 160 actions de cette société qui lui ont été cédées par la société Nisima 5 et s'est engagé, en qualité de promettant, à les revendre à la société Nisima 5 dans l'hypothèse d'une cessation de ses fonctions au sein de la société Chantier Naval Couach-CNC, ce dans des conditions définies par cette promesse de vente.
Le 14 mars 2018, M. [U] a également adhéré au pacte d'associés de la société PCB Invest, acquis 50 actions de cette société qui lui ont été cédées par la société Nisima 5 et s'est engagé, en qualité de promettant, à les revendre à la société Nisima 5 dans l'hypothèse d'une cessation de ses fonctions au sein de la société Chantier Naval Couach-CNC, ce dans des conditions définies par cette promesse de vente.
M. [H] et M. [U] ayant cessé leurs fonctions au sein de la société Chantier Naval Couach-CNC au cours du mois de mai 2020, la société Nisima 5 a levé son option d'achat par deux courriers du 4 août 2020, avec une proposition de prix de 16.000 euros pour le premier et de 5.000 euros pour le second.
2. Par actes du 22 décembre 2022, MM [U] et [H] ont assigné les sociétés PCB Invest et Nisima 5 devant le tribunal de commerce de Bordeaux aux fins de voir désigner un expert avec pour mission de déterminer la valeur des parts et déclarer nulles les cessions de titres.
Par jugement du 15 mai 2023, le tribunal de commerce de Bordeaux a statué ainsi qu'il suit :
- se déclare compétent ratione materiae et ratione loci pour connaître ce litige ;
- déboute Messieurs [E] [H] et [D] [U] de leur demande de désignation d'un expert judiciaire ;
- déboute Messieurs [E] [H] et [D] [U] de leur demande de nullité de la convention de promesse d'achat d'actions ;
- condamné conjointement et solidairement Messieurs [E] [H] et [D] [U] à payer aux sociétés PCB Invest et Nisima 5 la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamne Messieurs [E] [H] et [D] [U] aux dépens.
Par déclaration au greffe du 14 août 2023, M. [D] [U] et M. [H] ont relevé appel du jugement énonçant les chefs expressément critiqués, intimant la société PCB Invest et la société Nisima 5.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
3. Par dernières écritures notifiées le 30 avril 2024, M. [U] et M. [H] demandent à la cour de :
- Déclarer et juger recevable et bien fondé l'appel interjeté par Messieurs [H] et [U].
En conséquence,
- Confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a déclaré le tribunal de commerce
compétent ratione materiae et ratione loci pour connaître du litige.
- La reformer pour le surplus,
Statuant de nouveau,
Avant dire droit et toute défense au fond,
- Désigner tel expert judiciaire qu'il plaira avec mission d'évaluer la valeur des parts
sociales de la PCB Invest détenues par Messieurs [H] et [U] et cédées de force à la société Nisima 5
Dans l'attente,
- Renvoyer l'affaire à telle audience qu'il plaira pour statuer ce que de droit sur les
conclusions du rapport d'expertise
Et au fond en conséquence, il est demandé à la Cour :
A titre principal,
- Déclarer et juger les cessions de titres des 6 janvier pour Monsieur [H] et 14 janvier pour Monsieur [U] nulles en raison notamment en raison d'un ou plusieurs vices de consentement.
- Déclarer et juger que Messieurs [U] et [H] ont recouvré l'ensemble des droits attachés à leur qualité d'associés depuis ces dates.
A titre subsidiaire et si par extraordinaire tel n'était pas, vu les conclusions de l'expert désigné avant dire droit,
- Statuer ce que de droit sur l'évaluation des parts sociales cédées sans l'accord des assignants.
En tout état de cause,
- Condamner les intimées à 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de
procédure civile pour chacun des appelants.
- Les condamner aux entiers dépens en ce compris les frais de mesure d'instruction.
- Débouter les intimées, si besoin est, de leur appel incident l'équité commandant de
ne mettre à leur charge de Messieurs [H] et [U] aucuns frais irrépétibles.
***
4. Par dernières écritures notifiées le 26 février 2025, la société PCB Invest et la société Nisima 5 demandent à la cour de :
En application des dispositions de l'article 1103 du code civil et des promesses de vente d'actions des 1er mars et 14 mars 2018,
- Confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
- Condamner conjointement et solidairement Messieurs [U] et [H] au paiement d'une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
- Les condamner en tous les dépens.
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L'ordonnance de clôture est intervenue le 2 avril 2025.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
5. Il faut au préalable indiquer que ni les appelants ni les intimées n'ont relevé appel de la décision du tribunal de commerce de Bordeaux relative à sa compétence matérielle et territoriale, de sorte que la demande de confirmation présentée à ce titre par Monsieur [H] et Monsieur [U] est sans objet.
Sur la demande d'expertise
6. Au visa de l'article 143 du code de procédure civile, Monsieur [E] [H] et Monsieur [D] [U] font grief au jugement déféré de les avoir déboutés de leur demande d'expertise en évaluation des parts sociales litigieuses.
M. [U] explique qu'il a, dans les délais contractuellement prévus, protesté contre l'évaluation amiable proposée par la bénéficiaire de la promesse de vente, de sorte qu'il est recevable à réclamer en justice cette expertise ; il ajoute qu'il appartenait également à la société PCB Invest de proposer une expertise puisqu'elle était en désaccord avec la contreproposition exprimée par l'appelant.
M. [H] fait de son côté valoir que les délais prévus au contrat lui sont inopposables en raison de la duplicité des intimées, qui ne lui ont pas permis de faire valoir ses droits en temps utile.
Les appelants indiquent qu'il doit être tenu compte tant des promesses de vente des actions que des promesses d'achat, les unes et les autres conclues le 1er mars 2018 pour M. [H] et le 14 mars suivant pour M. [U] ; qu'aucun accord commun n'est intervenu pour que le promettant et le bénéficiaire désignent un tiers expert ; que les appelants n'avaient pas plus l'obligation de saisir le président du tribunal de commerce que les deux sociétés intimées puisque les documents contractuels prévoyaient que le tiers expert serait désigné à la demande de la partie la plus diligente.
M. [H] et M. [U], qui indiquent avoir protesté dans les délais impartis, estiment que le premier juge a rajouté au texte du contrat en retenant que l'absence de protestation dans le délai prévu par le contrat entraînait l'irrecevabilité de la demande d'expertise.
7. Les sociétés PCB Invest et Nisima 5 répondent que les promesses de vente d'actions conclues entre les appelants d'une part et la société Nisima 5 d'autre part prévoient un mécanisme de levée d'option clairement décrit à l'article 3 des deux promesses ; que l'article 2 des acte définit exactement la possibilité pour la société Nisima 5 d'exercer ou non cette levée d'option, ce qui a été le cas, cette levée d'option ayant été exercée dans les délais prévus.
Les intimées font valoir que les promettants n'ont jamais remis en cause le principe de cette cession et ne font porter la discussion que sur la valeur qui leur a été proposée ; que l'analyse de la promesse de vente d'actions met en évidence le mécanisme suivant : soit les promettants acceptaient dans un délai précisément déterminé le prix proposé par le bénéficiaire, soit, en cas de désaccord sur cette valeur, leur souhait de recourir à l'expertise telle que celle-ci était prévue à l'article 5 de la convention ; que les appelants n'ont jamais officiellement indiqué au bénéficiaire qu'ils entendaient
recourir aux dispositions de l'article 5 de cet accord relatif à la mise en place d'une expertise ; que le mécanisme de désignation d'un tiers expert devait nécessairement intervenir avant toute introduction d'une instance judiciaire.
Elles s'étonnent que M. [H] et M. [U] leur fassent le reproche de ne pas avoir saisi un expert alors même que la contestation provenait des appelants eux-mêmes.
Sur ce,
8. Les promesses de vente d'actions conclues dans les mêmes termes le 1er mars 2018 entre M. [H] et la société Nisima 5 et le 14 mars 2018 entre M. [U] et la même société prévoient, à l'article 2, que, en cas de cessation des fonctions exercées par le promettant au sein de la société Chantier Naval Couach, celui-ci s'engage 'irrévocablement' à céder à la société Nisima 5 la totalité des actions qu'il détient à un prix déterminé conformément aux modalités de l'article trois du contrat.
L'article 3 des contrats stipule :
« (...) La notification de la levée de l'option devra préciser le prix de cession des actions cédées proposées par le bénéficiaire, ce prix devant correspondre à la valeur de marché des actions de la société. Le promettant disposera alors de 30 jours afin de notifier au bénéficiaire son acceptation du prix de cession proposé ou son souhait de recourir à l'expertise conformément aux stipulations de l'article cinq.
À défaut d'une telle notification dans le délai de 30 jours, le promettant sera réputé avoir accepté le prix de cession des actions cédées proposé par le bénéficiaire dans la notification de levée de l'option.»
L'article 5 des contrats énonce :
« Dans tous les cas où le promettant souhaiterait que le prix de cession des parts soit déterminé par voie d'expertise, le promettant et le bénéficiaire désigneront d'un commun accord un tiers expert chargé d'établir la valeur des actions dans les 10 jours suivant la demande faite par le promettant de recourir à l'expertise.
Faute pour le bénéficiaire et le promettant de s'entendre sur le choix de cet expert dans le délai de 10 jours susvisé, le tiers expert sera désigné à la demande de la partie la plus diligente par ordonnance du président du tribunal de commerce de statuant en la forme des référés sans recours possible (...)»
9. Il résulte de ces stipulations que, dès lors que la société Nisima 5 avait exercé l'option et notifié le prix qu'elle proposait pour le rachat des parts, M. [H] et M. [U] disposaient de l'alternative suivante : accepter la valeur proposée ou faire connaître leur souhait de recourir à l'expertise contractuellement prévue, ce choix devant être notifié dans un délai de 30 jours après la levée de son option par la société bénéficiaire.
10. Il est établi par les pièces produites aux débats que la société Nisima 5 a levé l'option d'achat le 4 août 2020 et proposé à M. [U] un prix de 5.000 euros et à M. [H] un prix de 16.000 euros.
Les appelants rapportent la preuve de ce que M. [U] a répondu à cette proposition par courrier du 11 août 2020 transmis par la poste et en pièce jointe d'un message électronique du 12 août suivant. L'examen de ce courrier révèle que l'appelant discute le prix de rachat de ses parts qui lui est proposé et motive sa protestation ; il invite en conclusion son correspondant à lui présenter une nouvelle évaluation mais, bien que n'acceptant pas le prix proposé, ne réclame pas le recours à l'expertise contractuellement prévue.
11. Dès lors, le dernier alinéa de l'article 3 du contrat est applicable à la situation puisque, à défaut de la notification relative à l'expertise dans le délai de 30 jours, M. [U] est réputé avoir accepté le prix de cession des actions cédées proposé par le bénéficiaire dans la notification de levée de l'option.
12. Par ailleurs, M. [H], qui discute également la valeur de rachat de ses parts, ne rapporte pas la preuve de ce qu'il aurait réclamé l'expertise contractuellement prévue dans le délai prévu. Il est donc également réputé avoir accepté le prix de cession des actions cédées proposé par le bénéficiaire dans la notification de levée de l'option.
13. Les appelants soutiennent que le contrat prévoit que le tiers expert pouvait être désigné à la demande de la partie la plus diligente.
Toutefois, cette lecture ne correspond pas à l'articulation temporelle du règlement du différend entre les parties ni aux termes extrêmement précis des articles 3 et 5 qui sont parfaitement clairs.
En effet, M. [H] et M. [U] devaient notifier leur désaccord sur le prix proposé dans un délai de 30 jours à compter de la notification de la levée de l'option et réclamer alors le recours à l'expertise prévue à l'article 5, sous peine d'être réputés acceptants.
Le premier paragraphe de l'article 5 mentionne qu'il appartient au seul promettant d'énoncer son souhait de recourir à l'avis d'un tiers expert, le bénéficiaire n'étant pas concerné puisqu'il propose un prix ; la mention de la partie la plus diligente ne se rapporte d'ailleurs pas à la réclamation relative à l'avis du tiers expert -réservée au promettant- mais au désaccord éventuel sur le nom de ce tiers expert, désaccord alors réglé par la saisine du président du tribunal de commerce par la partie la plus diligente.
14. Puisque M. [H] n'a pas discuté le prix proposé dans les conditions prévues par le contrat et que M. [U] n'a pas réclamé l'avis d'un tiers expert, l'un et l'autre sont, en vertu de l'article 3 de la promesse de vente du 1er mars 2018 pour le premier et du 14 mars 2018 pour le second, réputés avoir accepté le prix de cession des actions cédées proposé par le bénéficiaire dans la notification de levée de l'option.
15. Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de M. [H] et M. [U] aux fins d'expertise.
Sur la validité des cessions de parts sociales
16. Au visa de l'article 1130 du code civil, M. [H] et M. [U] font grief au tribunal de commerce d'avoir rejeté leur demande de nullité des promesses de vente. Ils expliquent qu'ils n'ont pas perçu la portée de leurs engagements au moment de leur signature en 2018 et qu'il y a nécessairement eu une erreur sur les documents qu'ils ont signés ; que le fait que la société Nisima 5 les ait contraints à recevoir le prix de cession par virement bancaire est constitutif de violence.
Les appelants expliquent qu'ils ont toujours contesté le bien-fondé de la cession litigieuse et qu'ils s'estiment toujours actionnaires de la société PCB Invest.
17. Les sociétés Nisima 5 et PCB Invest répondent que ces promesses de vente ont été conclues dans le contexte particulier de l'entrée des appelants dans l'entreprise ; qu'il s'agit du classique double engagement d'acheter puis de revendre leur participation en cas de départ de l'entreprise ; que les appelants sont des professionnels parfaitement éclairés sur leurs droits, qui ont un riche parcours professionnel qui leur a permis d'acquérir des connaissances commerciales et juridiques d'un niveau particulièrement élevé et ne peuvent soutenir aujourd'hui avoir été trompés.
Les intimées estiment que le tribunal de commerce a, à juste titre, rappelé les conventions de cessions de parts sociales et les conventions de promesse de rachat d'actions formaient un ensemble juridique directement lié à la condition du maintien du statut de salarié des appelants, de sorte que le vice du consentement invoqué, s'il existait, ne pourrait porter que sur la totalité des engagements et non pas sur un seul.
Sur ce,
18. L'article 1130 du code civil dispose :
« L'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.
Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.»
En vertu de l'article 1131 du code civil, les vices du consentement sont une cause de nullité relative du contrat.
Les articles 1132 et 1133 du même code précisent que l'erreur de droit ou de fait, à moins qu'elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu'elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant. Les qualités essentielles de la prestation sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté.
L'erreur est également une cause de nullité qu'elle porte sur la prestation de l'une ou de l'autre partie. Toutefois, l'acceptation d'un aléa sur une qualité de la prestation exclut l'erreur relative à cette qualité.
L'article 1137 du code civil, dans sa rédaction ici applicable, énonce :
« Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges.
Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.»
19. Il apparaît que M. [H] et M. [U] soutiennent avoir été trompés dans la mesure où le prix de rachat de leurs parts ne correspondent pas à ce qu'ils étaient en droit d'espérer, notamment en raison de la vigueur du marché immobilier.
Toutefois, l'examen des deux promesses litigieuses révèle que les contrats ont défini d'emblée le socle de l'évaluation des parts, ce au dernier paragraphe de l'article 1er : « valeur de marché signifie l'agrégat des prix d'acquisition des actifs immobiliers détenus directement ou indirectement par la société, déduction faite du solde des emprunts bancaires (en principal et intérêts) et des comptes courants/prêts d'associés, divisée par le nombre d'actions en circulation.»
20. Par ailleurs, les appelants ne développent pas les éléments constitutifs des manoeuvres qu'ils reprochent aux intimées, la seule affirmation de ce qu'ils ont été lésés n'étant pas suffisante à cet égard.
21. C'est donc par des motifs pertinents, qui ne sont pas remis en cause par les débats en appel et que la cour adopte, que le premier juge a débouté M. [H] et M. [U] de leur demande de nullité des promesses de vente de parts sociales.
Sur la demande subsidiaire en évaluation des parts sociales
22. Ainsi que le soulignent les appelants, cette demande ne peut être examinée qu'en suite du rapport de l'expertise judiciaire sollicitée avant dire droit.
Puisque la cour a confirmé le rejet de cette demande, elle confirmera également le jugement déféré en ce qu'il a rejeté cette demande.
23. Il doit au demeurant être observé que M. [H] et M. [U] ne proposent pas d'évaluation de leur part, expliquant qu'il serait difficile de donner des chiffres réels. La cour ne dispose par ailleurs d'aucun élément de nature comptable ou économique lui permettant d'accéder à cette prétention.
24. Les chefs de dispositif du jugement déféré relatifs aux frais irrépétibles des parties et à la charge des dépens de première instance seront confirmés.
Parties succombantes, M. [H] et M. [U] seront condamnés à payer les dépens de l'appel et à verser aux intimées une somme de globale de 4.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire en dernier ressort,
Confirme le jugement prononcé le 15 mai 2023 par le tribunal de commerce de Bordeaux.
Y ajoutant,
Condamne Monsieur [E] [H] et Monsieur [D] [U] à payer in solidum à la société PCB Invest et à la société Nisima 5 la somme globale de 4.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne Monsieur [E] [H] et Monsieur [D] [U] à payer in solidum les dépens.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président