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Décisions

CA Grenoble, ch. civ. B, 9 septembre 2025, n° 22/00216

GRENOBLE

Arrêt

Autre

CA Grenoble n° 22/00216

9 septembre 2025

N° RG 22/00216 - N° Portalis DBVM-V-B7G-LGCI

C2

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée

le :

à

la SELARL ROCHEFORT

la SELARL ALEXO AVOCATS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE CIVILE SECTION B

ARRÊT DU MARDI 09 SEPTEMBRE 2025

Appel d'un jugement (N° R.G 21/00062) rendu par le tribunal judiciaire de Vienne en date du 17 décembre 2021, suivant déclaration d'appel du 11 Janvier 2022

APPELANT :

SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES [Adresse 2], représenté par son syndic en exercice, la société FONCIA [Localité 8], SAS dont le siège social est situé [Adresse 1], où elle est représentée par ses dirigeants légaux domiciliés es qualité de droit audit siège.

[Adresse 2]

[Localité 6]

représenté par Me Bénédicte ROCHEFORT de la SELARL ROCHEFORT, avocat au barreau de VIENNE, postulant, plaidant par Me Elodie ROUET, avocat au barreau de LYON

INTIM ÉS :

M. [H] [N]

de nationalité Française

né le 20 mai 1979 à [Localité 7] (74)

[Adresse 2]

[Localité 6]

Mme [I] [M]

de nationalité Française

né le 9 mai 1985 à [Localité 9] (69)

[Adresse 2]

[Localité 6]

représentés par Me Marine USSEGLIO-VIRETTA de la SELARL ALEXO AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et par Me Caroline DORON, avocat au barreau de Marseille

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Anne-Laure PLISKINE, conseillère faisant fonction de présidente,

Mme Ludivine CHETAIL, conseillère

M Lionel BRUNO, conseiller

DÉBATS :

A l'audience publique du 12 Mai 2025, Mme Ludivine Chetail, conseillère et Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère faisant fonction de Présidente, chargée du rapport d'audience, assistées de Mme Claire Chevallet, greffière, ont entendu seules les avocats en leurs conclusions et Me Elodie ROUET en sa plaidoirie, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile.

Il en a été rendu compte à la cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.

EXPOSE DU LITIGE

Madame [I] [M] et Monsieur [H] [N] sont propriétaires du lot n°9 au sein de la copropriété « [Adresse 2] », située [Adresse 5].

Le syndicat des copropriétaires leur a fait délivrer, par acte d'huissier du 19 juillet 2019, une sommation de payer les charges de copropriété à hauteur de 1.632,92 euros.

Suivant assignation selon la procédure accélérée au fond délivrée le 16 mars 2020, le syndicat des copropriétaires a sollicité auprès du tribunal judiciaire de Lyon la condamnation solidaire de Madame [I] [M] et Monsieur [H] [N] à lui payer notamment la somme de 2.376,64 euros au titre des charges échues impayées.

Suivant jugement rendu le 14 septembre 2020, compte tenu de la profession d'avocat de M.[N], le tribunal judiciaire de Lyon s'est dessaisi au profit de la chambre de proximité du tribunal judiciaire de Vienne.

Suivant jugement rendu le 17 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Vienne a :

- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par le syndicat des copropriétaires.

- condamné solidairement M. [N] et Mme [M] à payer syndicat la somme de 6.400,74 euros au titre des charges de copropriété impayées au 14 octobre 2021 avec intérêt au taux légal à compter du 16 mars 2020 sur la somme de 2.376,64 et à compter du jugement pour le surplus.

- condamné in solidum M. [N] et Mme [M] à payer au syndicat la somme de 153,12 euros au titre des frais.

- condamné in solidum M. [N] et Mme [M] à payer au syndicat la somme de 500 euros au titre de dommages et intérêts.

- déclaré recevable les demandes reconventionnelles formées par M. [N] et Mme [M].

- condamné le syndicat des copropriétaires à payer 800 euros à M. [N] et Mme [M] à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance.

- ordonné la compensation des sommes auxquelles M. [N] et Mme [M] et le syndicat des copropriétaires ont été condamnés.

- condamné le syndicat des copropriétaires à faire réaliser les travaux de réfection du hall d'immeuble et de la cage d'escaliers conformément au devis n°DE07409 du 24 mars 2021 de la société Déco lyonnaise dans le délai d'un mois à compter de la signification.

- dit que faute pour le syndicat des copropriétaires d'avoir fait réaliser les travaux ainsi ordonnés il sera redevable, passé ce délai, d'une astreinte dont le montant sera provisoirement fixé jusqu'au 31 mai 2022 à 80 euros/jour de retard.

- rejeté la demande de dommages et intérêt formée par M. [N] et Mme [M] en réparation de leur préjudice financier.

- rejeté la demande du syndicat des copropriétaires de voir condamner M. [N] et Mme [M] à un article 700 code de procédure civile.

- condamné M. [N] et Mme [M] d'une part et le syndicat des copropriétaires d'autre part aux entiers dépens à hauteur de la moitié chacun.

- assorti cette décision de l'exécution provisoire de droit.

Le syndicat des copropriétaires a partiellement interjeté appel du jugement suivant déclaration du 11 janvier 2022.

Suivant déclaration d'appel complémentaire du 1er février 2022, le syndicat des copropriétaires a également interjeté appel sur la condamnation suivante, non reprise dans le dispositif du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Vienne le 17 décembre dernier :

- condamné le syndicat des copropriétaires à payer 1.197,90 euros à M. [N] et Mme [M] à titre de dommages et intérêts relatifs au sinistre du dégât des eaux.

Le 14 février 2022, le syndicat des copropriétaires a délivré une assignation aux consorts [N] [M] afin de solliciter auprès du premier président de la cour d'appel de Grenoble la suspension de l'exécution provisoire.

Suivant ordonnance de référé rendue le 25 mai 2022, le premier président a rejeté cette demande et condamné le syndicat à payer 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions notifiées le 14 avril 2025, le syndicat des copropriétaires [Adresse 2] représenté par son syndic en exercice la société Foncia [Localité 8] demande à la cour de :

Vu les dispositions des articles 78, 38, 760, 761 et 90 du code de procédure civile,

Vu la jurisprudence citée,

Vu les pièces versées aux débats,

- confirmer le jugement rendu en ce qu'il a condamné Madame [I] [M] et Monsieur [H] [N] à payer solidairement au syndicat des copropriétaires de l'immeuble « [Adresse 2] », la somme de 6.400,74 euros de charges de copropriété selon décompte arrêté au 14 octobre 2021.

- actualiser la condamnation de Madame [I] [M] et Monsieur [H] [N] à payer solidairement au syndicat des copropriétaires de l'immeuble « [Adresse 2] », la somme de 5.808,62 euros au titre des charges de copropriété impayées sur la période du 1 er juillet 2017 au 1 er avril 2025 (répartition des comptes sur 2022/2023 neutralisée car rejetée en assemblée générale) selon décompte arrêté au 1 er avril 2025.

- réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Vienne le 17 décembre 2021 en ce qu'il a :

- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par le syndicat des copropriétaires.

- déclaré recevables les demandes reconventionnelles formées par M. [N] et Mme [M].

- condamné le syndicat des copropriétaires à payer 1.197,90 euros à M. [N] et Mme [M] à titre de dommages et intérêts pour le sinistre privatif.

- condamné le syndicat des copropriétaires à payer 800 euros à M. [N] et Mme [M] à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance.

- ordonné la compensation des sommes auxquelles M. [N] et Mme [M] et le syndicat des copropriétaires ont été condamnés.

- condamné le syndicat des copropriétaires à faire réaliser les travaux de réfection du hall d'immeuble et de la cage d'escaliers conformément au devis n°DE07409 du 24 mars 2021 de la société Déco lyonnaise dans le délai d'un mois à compter de la signification du jugement.

- dit que faute pour le syndicat des copropriétaires d'avoir fait réaliser les travaux ainsi ordonnés il sera redevable, passé ce délai, d'une astreinte dont le montant sera provisoirement fixé jusqu'au 31 mai 2022 à 80 euros/jour de retard.

- rejeté la demande du syndicat des copropriétaires de voir condamner M. [N] et Mme [M] à une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamné le syndicat des copropriétaires, d'une part et M. [N] et Mme [M], d'autre part aux dépens à 50 % chacun.

- limité le montant des frais justifiés au sens de l'article 10-1 à la somme de 153,12 euros et le montant alloué au titre de dommages et intérêts à la somme de 500 euros.

Statuant à nouveau,

- juger recevable et bien fondée l'exception d'incompétence formulée par le syndicat des copropriétaires.

A titre principal,

- débouter Madame [I] [M] et Monsieur [H] [N] de l'intégralité de leurs demandes reconventionnelles pour défaut de lien suffisant avec les demandes principales, à titre principal et comme injustifiées et non fondées,

Subsidiairement,

- condamner Madame [I] [M] et Monsieur [H] [N] à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble « [Adresse 2] », située [Adresse 4]) les sommes suivantes :

- 528,91 euros au titre des frais de l'article 10-1.

- 3.000 euros à titre de dommages et intérêts.

- rejeter toutes demandes contraires formulées par Madame [I] [M] et Monsieur [H] [N].

A titre subsidiaire,

- débouter Madame [I] [M] et Monsieur [H] [N] de la demande d'astreinte.

En tout état,

- condamner Madame [I] [M] et Monsieur [H] [N] à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble « [Adresse 2] », la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner les mêmes aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de Me Bénédicte Rochefort sur son affirmation de droit.

Au soutien de ses demandes, le syndicat de copropriétaires conclut in limine litis à l'incompétence matérielle du tribunal pour examiner les demandes reconventionnelles des défendeurs. Il fait valoir que ce dernier a rappelé que ces dernières excédaient la somme de 10 000 euros, rendant la procédure écrite applicable au litige, mais qu'il a néanmoins décidé qu'il n'y avait pas lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal judiciaire statuant selon les règles de la procédure écrite dans la mesure où les parties, toutes représentées par un avocat, ont disposé d'un temps suffisant pour préparer leur défense, que de ce fait, il a condamné le syndicat des copropriétaires à payer les sommes réclamées par les débiteurs, outre la réalisation des travaux sous astreinte, en violation des règles de procédure applicable et alors même qu'aucune défense sur le fond n'avait été développée en raison de l'incompétence incontestable.

Il souligne qu'en l'espèce, les deux parties sont certes représentées chacune par un avocat mais que les deux sont des avocats lyonnais, n'ayant pas accès au RPVA.

Sur le fond, il conclut à titre principal à l'irrecevabilité des demandes reconventionnelles fondée sur l'absence de lien suffisant avec les demandes initiales.

Il énonce que le paiement des charges de copropriété n'a pas vocation à assurer l'entretien de l'immeuble mais à exécuter les décisions prises lors des assemblées générales par les copropriétaires qui peuvent prévoir ou non des charges plus ou moins importantes d'entretien, que les choix dans la gestion de la copropriété sur les exercices concernés résultent de décisions définitives et que les débiteurs ne peuvent pas les remettre en cause, qu'en conséquence, la question de savoir si la copropriété est bien gérée ou non est sans lien avec le recouvrement des charges de copropriété.

Il souligne que les consorts [N] [M] ont au demeurant intenté une action à l'encontre du syndic de copropriété afin d'engager sa responsabilité, parallèlement à la procédure de recouvrement de charges de copropriété, que le tribunal judiciaire de Vienne a rejeté la jonction entre ces deux procédures.

S'agissant de la procédure opposant le syndic de copropriété Foncia et les débiteurs, il indique que le tribunal judiciaire de Vienne a débouté ces derniers et les a condamnés à verser 4.000 euros de dommages et intérêts outre 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Subsidiairement, il conteste le fait que le dégât des eaux allégué ait pour origine les parties communes, soulignant qu'il appartenait à l'assureur des intimés de gérer ce sinistre et au besoin de se rapprocher du syndicat et ou de son assureur en application des conventions liant les assureurs entre eux. Il énonce qu'aucune démarche d'un assureur n'est justifiée.

Il réfute tout préjudice de jouissance, déclarant que s'agissant des griefs relatifs au ménage, ceux-ci sont sans lien avec les dégradations qui ressortent des procès-verbaux de constat.

Concernant l'entretien de l'immeuble, il réfute toute responsabilité.

Il fait état des sommes qu'il sollicite au titre du paiement des charges de copropriété.

Dans leurs conclusions notifiées le 11 avril 2025, M.[N] et Mme [M] demandent à la cour de:

Vu les articles 331 et suivants et 367 et suivants du code de procédure civile ;

Vu les dispositions des articles 78, 38, 760, 761 et 90 du code de procédure civile ;

Vu les articles 1231-1 et suivants et 1240 du code civil ;

Vu l'article 1347 du code civil ;

Vu la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 ;

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Vienne le 17 décembre 2021 en ce qu'il a :

- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par le syndicat des copropriétaires ;

- déclaré recevables les demandes reconventionnelles formées par Monsieur [H] [N] et Madame [I] [M] ;

- condamné le syndicat des copropriétaires à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance de Monsieur [H] [N] et Madame [I] [M] en son principe ;

- ordonné la compensation des sommes auxquelles Monsieur [H] [N] et Madame [I] [M] et le syndicat des copropriétaires ont été condamnées ;

- condamné le syndicat des copropriétaires à faire réaliser les travaux de réfection du hall d'immeuble et de la cage d'escaliers conformément au devis n°DE07409 du 24 mars 2021 de la société Déco lyonnaise dans le délai d'un mois à compter de la signification du jugement ;

- dit que faute pour le syndicat des copropriétaires d'avoir fait réaliser les travaux ainsi ordonnés il sera redevable, passé ce délai, d'une astreinte dont le montant sera provisoirement fixé jusqu'au 31 mai 2022 à 80 euros/jour de retard ;

- rejeté la demande du syndicat des copropriétaires à une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné le syndicat des copropriétaires et Monsieur [H] [N] et Madame [I] [M] aux dépens à hauteur de 50 % chacun ;

Et, statuant à nouveau,

- juger irrecevable et mal fondée l'exception d'incompétence formulée par le syndicat des copropriétaires ;

- juger recevables les demandes reconventionnelles de Monsieur [H] [N] et de Madame [I] [M] ;

- condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2] au versement de la somme 1 197,90 euros au titre des travaux de réparation du sinistre privatif ;

- condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2] au versement de la somme 3 000,00 euros au titre du préjudice de jouissance né de l'absence d'entretien et de conservation des parties communes de l'immeuble ;

- condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2] au versement de la somme de 3 102,73 euros au titre du préjudice financier de Monsieur [H] [N] et Madame [I] [M] en raison de l'absence d'entretien de l'immeuble ;

- ordonner la compensation des créances ;

- condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2] à faire réaliser les travaux prévus suivant le devis de la société Déco lyonnaise du 24 mai 2021 sous astreinte de 100,00 euros par jour à compter de la signification du jugement à intervenir ;

- rejeter l'ensemble des demandes du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2] à l'encontre de Monsieur [H] [N] et Madame [I] [M] au titre de l'intégralité des sommes dues, en ce compris les charges appelées, les frais de recouvrement, dommages et intérêts, article 700 du code de procédure civile et des dépens ;

- condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2] au paiement de la somme de 5 000,00euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance ;

- condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2] à payer le droit proportionnel mis à la charge du créancier par l'article A 444-32 du code de commerce.

Les intimés font valoir que quand bien même le syndicat des copropriétaires aurait porté une «'demande évidente » relative à l'irrecevabilité des demandes reconventionnelles, il demeurait en mesure de conclure subsidiairement sur le fond, ce qu'il n'a pas fait.

Ils énoncent que leurs demandes se rattachent nécessairement au litige initial (règlement des charges de copropriété) par un lien suffisant, dès lors que les charges appelées par le syndicat concernent principalement des frais d'entretien et de gestion.

Ils font état de leurs différents préjudices, rappelant que les travaux effectués chez eux n'ont jamais été indemnisés, que leur réalisation est pourtant imputable au syndicat des copropriétaires et qu'il s'agit d'une responsabilité de plein droit, qui s'applique en dehors de toute faute du syndicat des copropriétaires.

Concernant leur préjudice de jouissance, ils énoncent que depuis le 31 juillet 1985, le syndicat des copropriétaires employait Madame [E] [Z] en qualité d'employée d'immeuble, pour une durée indéterminée, que l'article 31 du décret du 17 mars 1967 indique que « le syndic engage et congédie le personnel employé par le syndicat et fixe les conditions de son travail suivant les usages locaux et les textes en vigueur ».

Ils déclarent être presque les seuls copropriétaires à habiter dans l'immeuble, avec une personne âgée domiciliée au 5ème étage, le reste de l'immeuble étant constitué de bureaux et de logements plus ou moins occupés, et ainsi à pâtir quotidiennement de la situation.

Ils indiquent que le 21 mars 2019, l'assemblée générale a finalement voté le départ à la retraite de Madame [Z] au 31 décembre 2019, mais que jusqu'à la fin du contrat de l'intéressée et son départ effectif, les difficultés se sont poursuivies.

Surtout, ils allèguent que Foncia n'a jamais vérifié si Mme [Z] intervenait elle-même pour réaliser ses prestations jusqu'à la fin de son contrat, alors que c'est son fils qui intervenait en réalité.

Ils font état de l'état dégradé de l'immeuble en se fondant sur un constat d'huissier, soulignant que plusieurs problèmes d'humidité et d'infiltrations ont été relevés dans les parties communes.

Ils contestent les sommes sollicitées au titre des charges de copropriété compte tenu des sommes versées et contestent les frais de relance et de mise en demeure exigés par le syndic.

La clôture a été prononcée le 15 avril 2025.

En cours de délibéré, les observations des parties ont été sollicitées sur l'application des articles 481-1 et 839 du code de procédure civile (champ d'application de la procédure accélérée au fond), L.213-2 du code de l'organisation judiciaire ainsi que sur l'avis de la Cour de cassation, 3e chambre civile, 12 décembre 2024, n° 24-70.007 relatif au contenu de la mise en demeure.

MOTIFS

Sur la procédure :

Selon l'article 481-1 du code de procédure civile, à moins qu'il en soit disposé autrement, lorsqu'il est prévu par la loi ou le règlement qu'il est statué selon la procédure accélérée au fond, la demande est formée, instruite et jugée dans les conditions suivantes :

1° La demande est portée par voie d'assignation à une audience tenue aux jour et heure prévus à cet effet ;

2° Le juge est saisi par la remise d'une copie de l'assignation au greffe avant la date fixée pour l'audience, sous peine de caducité de l'assignation constatée d'office par ordonnance du juge, ou, à défaut, à la requête d'une partie ;

3° Le jour de l'audience, le juge s'assure qu'il s'est écoulé un temps suffisant depuis l'assignation pour que la partie assignée ait pu préparer sa défense. La procédure est orale ;

4° Le juge a la faculté de renvoyer l'affaire devant la formation collégiale, à une audience dont il fixe la date, qui statuera selon la procédure accélérée au fond ;

5° A titre exceptionnel, en cas d'urgence manifeste à raison notamment d'un délai imposé par la loi ou le règlement, le président du tribunal, statuant sur requête, peut autoriser à assigner à une heure qu'il indique, même les jours fériés ou chômés ;

6° Le jugement est exécutoire de droit à titre provisoire dans les conditions prévues aux articles 514-1 à 514-6 ;

7° La décision du juge peut être frappée d'appel à moins qu'elle n'émane du premier président de la cour d'appel ou qu'elle n'ait été rendue en dernier ressort en raison du montant ou de l'objet de la demande.

Le délai d'appel ou d'opposition est de quinze jours.

Selon l'article L.213-2 du code de l'organisation judiciaire, en toutes matières, le président du tribunal judiciaire statue en référé ou sur requête. Dans les cas prévus par la loi ou le règlement, il statue selon la procédure accélérée au fond.

Selon l'article 839 du code de procédure civile, lorsqu'il est prévu par la loi ou le règlement qu'il est statué selon la procédure accélérée au fond, le président du tribunal judiciaire connaît de l'affaire dans les conditions de l'article 481-1.

En premier lieu, il convient de constater que le jugement a été rendu par le tribunal judiciaire, alors qu'en application des articles précités, il aurait dû être rendu par le président du tribunal. Pour autant, si c'est le président qui avait statué, l'appel aurait été porté devant la présente cour, qui aurait dû être toutefois saisie en application de l'ancien article 905 du code de procédure civile.

Ensuite, il convient de rappeler que la procédure accélérée au fond est une procédure spécifique, qui ne s'applique, conformément à l'article L.213-2 précité, que dans les cas prévus par la loi ou le règlement.

En conséquence, et nonobstant les affirmations contraires du syndicat des copropriétaires, quand bien même aucune des parties n'a soulevé cette question relative à l'application de ladite procédure, il incombe à la juridiction d'évoquer celle-ci, notamment au regard de ses spécificités, dès lors que les observations des parties ont été recueillies afin de respecter le principe du contradictoire.

Or, s'agissant du droit de la copropriété, une telle procédure n'est prévue que pour le recouvrement des charges de copropriété (article 19-2 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965) ou la désignation d'un administrateur provisoire ou d'un mandataire ad hoc.

Par conséquent, les demandes reconventionnelles formulées par M.[N] et Mme [M] excèdent les pouvoirs du président statuant selon la procédure accélérée au fond, peu important le fait que lesdites demandes se rattachent ou non aux prétentions originaires par un lien suffisant.

Le jugement sera infirmé.

Sur le recouvrement des charges de copropriété :

Selon l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965, les copropriétaires sont tenus de participer aux charges entraînées par les services collectifs et les éléments d'équipement commun en fonction de l'utilité objective que ces services et éléments présentent à l'égard de chaque lot, dès lors que ces charges ne sont pas individualisées.

Ils sont tenus de participer aux charges relatives à la conservation, à l'entretien et à l'administration des parties communes, générales et spéciales, et de verser au fonds de travaux mentionné à l'article 14-2-1 la cotisation prévue au même article, proportionnellement aux valeurs relatives des parties privatives comprises dans leurs lots, telles que ces valeurs résultent des dispositions de l'article 5.

Le règlement de copropriété fixe la quote-part afférente à chaque lot dans chacune des catégories de charges et indique les éléments pris en considération ainsi que la méthode de calcul ayant permis de fixer les quotes-parts de parties communes et la répartition des charges.

Lorsque le règlement de copropriété met à la seule charge de certains copropriétaires les dépenses d'entretien et de fonctionnement entraînées par certains services collectifs ou éléments d'équipements, il peut prévoir que ces copropriétaires prennent seuls part au vote sur les décisions qui concernent ces dépenses. Chacun d'eux dispose d'un nombre de voix proportionnel à sa participation auxdites dépenses.

L'obligation à la dette existe dès lors que l'assemblée générale des copropriétaires a approuvé les comptes présentés par le syndic et qu'aucun recours n'a été formé dans le délai légal prévu par l'article 42 de ladite loi.

'

Selon l'article 19-2 de cette loi, dans sa version applicable lors de l'introduction de la demande en justice, à défaut du versement à sa date d'exigibilité d'une provision due au titre de l'article 14-1 ou du I de l'article 14-2, et après mise en demeure restée infructueuse passé un délai de trente jours, les autres provisions non encore échues en application des mêmes articles 14-1 ou 14-2 ainsi que les sommes restant dues appelées au titre des exercices précédents après approbation des comptes deviennent immédiatement exigibles.

Le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, après avoir constaté, selon le cas, l'approbation par l'assemblée générale des copropriétaires du budget prévisionnel, des travaux ou des comptes annuels, ainsi que la défaillance du copropriétaire, condamne ce dernier au paiement des provisions ou sommes exigibles.

Le présent article est applicable aux cotisations du fonds de travaux mentionné à l'article 14-2.

Selon l'article 125 du code de procédure civile, les fins de non-recevoir doivent être relevées d'office lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public.

L'article 19-2 de la loi du 10 juillet 1965 instaure une procédure dérogatoire au droit commun permettant au syndicat des copropriétaires, trente jours après avoir adressé à ou aux copropriétaires défaillants une mise en demeure d'avoir à payer à sa date d'exigibilité une provision due au titre de l'article 14-1, de recouvrir, par la procédure accélérée au fond, les autres provisions non encore échues en application du même article 14-1 ainsi que les sommes restant dues appelées au titre des exercices précédents après approbation des comptes.

La mise en demeure visée à l'article 19-2 de la loi du 10 juillet 1965 doit indiquer avec précision la nature et le montant des provisions réclamées au titre du budget prévisionnel de l'exercice en cours ou des dépenses pour travaux non compris dans ce budget, à peine d'irrecevabilité de la demande, ce qui exclut la présentation d'un montant global dans la mise en demeure.

L'avis n° 24-70.007 formulé à cet égard par la Cour de cassation le 12 décembre 2024 est interprétatif de la loi, et non créateur de droit, de telle sorte qu'il est applicable aux instances en cours.

Aux termes de l'article 19-2 de la loi du 10 juillet 1965, la mise en demeure doit respecter trois conditions cumulatives à savoir :

- l'indication de la provision due au titre de l'article 14-1 ou du I de l'article 14-2,

- la mention du délai de 30 jours imparti au copropriétaire défaillant pour procéder au règlement de la provision ;

- le rappel que passé ce délai, les autres provisions non encore échues en application des mêmes articles 14-1 ou 14-2, ainsi que les sommes restant dues appelées au titre des exercices précédents après approbation des comptes, deviennent immédiatement exigibles.

Dès lors, si ces conditions ne sont pas remplies, la mise en demeure, acte préalable à la saisine du président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, est irrégulière et entraîne l'irrecevabilité de la demande pour défaut du droit d'agir.

En l'espèce, la mise en demeure (pièce 4 intimé) adressée le 29 janvier 2020 aux intimés, est ainsi rédigée:

'Je vous notifie en outre que l'article 19-2 de la loi de 1965 dispose qu'à défaut du versement d'un appel de charge à sa date d'exigibilité et passé un délai de 30 jours après une mise en demeure restée infructueuse, les autres appels non encore échues (sic) deviennent immédiatement exigibles.

Aussi, je vous fais sommation d'avoir à payer les appels de fonds exigibles de l'exercice en cours dans un délai de 30 jours à compter du lendemain de la signification. A défaut il sera donc entrepris le recouvrement forcé de la totalité de l'arriéré ET des appels de charges à venir de cette (sic) exercice'.

Le montant figurant dans le tableau mentionne, au titre des 'causes de la créance': 01 janvier 2020 Arriéré charges de copropriété: 2905,55 euros.

Or il résulte des relevés de compte versés aux débats que la provision pour charges courantes s'élève par trimestre, pour l'année 2019, à la somme de 484, 82 euros.

En conséquence, la mise en demeure n'indique pas la provision due au titre de l'article 14-1.

Etant irrégulière, elle entraîne l'irrecevabilité de la demande pour défaut du droit d'agir.

Chacune des parties succombant à l'instance, elle conservera ses dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi :

Infirme le jugement déféré et statuant de nouveau ;

Dit que les demandes reconventionnelles formulées par M.[N] et Mme [M] excèdent les pouvoirs du président statuant selon la procédure accélérée au fond;

Déclare irrecevable la demande présentée par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] ;

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que chaque partie conservera la charge des dépens qu'elle a engagés.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère de la chambre civile section B faisant fonction de présidente, et par la greffière Mme Claire Chevallet, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,

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