CA Paris, Pôle 6 - ch. 3, 10 septembre 2025, n° 21/01812
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le :
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 3
ARRET DU 10 SEPTEMBRE 2025
(n° , 12 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/01812 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDGYA
Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Janvier 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° 17/09279
APPELANTE
S.A.S.U. L'YSER, prise en la personne de son représentant légal
N° RCS de Nanterre : 382 403 632
[Adresse 10]
[Localité 8]
Représentée par Me Virginie DOMAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C2440, avocat postulant et par Me Françoise LE BOURDONNEC-CECCALDI, avocat au barreau de PARIS, toque : A0442, avocat plaidant
INTIMEE
Madame [O] [E]
Née le 12 septembre 1985 à [Localité 11]
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représentée par Me Béatrice DE PUYBAUDET, avocat au barreau de PARIS, toque : C 1361
PARTIES INTERVENANTES :
S.[C] BTSG prise en la personne de Me [P] [S] es qualité de Mandataire Judiciaire de la SAS l'YSER
[Adresse 2]
[Localité 9]
Représentée par Me Virginie DOMAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C2440, avocat postulant et par Me Françoise LE BOURDONNEC-CECCALDI, avocat au barreau de PARIS, toque : A0442, avocat plaidant
S.E.L.A.F.[N] MJA, prise en la personne de Me [J] [M] es qualité de Mandataire Judiciaire de la SAS l'YSER
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Virginie DOMAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C2440, avocat postulant et par Me Françoise LE BOURDONNEC-CECCALDI, avocat au barreau de PARIS, toque : A0442, avocat plaidant
S.A.R.L. AXYME, prise en la personne de Me [D] [K] es qualité de Mandataire Judiciaire de la SAS RESIDE ETUDES SENIORS
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Virginie DOMAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C2440, avocat postulant et par Me Françoise LE BOURDONNEC-CECCALDI, avocat au barreau de PARIS, toque : A0442, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Juin 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Christophe BACONNIER, président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Christophe BACONNIER, président
Fabienne ROUGE, présidente
Marie-Lisette SAUTRON, présidente
Greffier, lors des débats : Madame Laetitia PRADIGNAC
ARRET :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Christophe BACONNIER, Président et par Laetitia PRADIGNAC, Greffière, présent lors de la mise à disposition.
***
RAPPEL DES FAITS ET PROCEDURE
La société l'Yser a engagé Mme [O] [E] par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er novembre 2012 en qualité de réceptionniste tournant, catégorie employés, niveau 2, échelon 2.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective des hôtels cafés, restaurants dit "HCR'».
Par lettre notifiée le 10 juillet 2017, Mme [E] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 26 juillet 2017.
Mme [E] a ensuite été licenciée pour faute grave par lettre notifiée le 31 juillet 2017.
A la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, Mme [E] avait une ancienneté de 4 ans et 9 mois.
Sa rémunération mensuelle brute moyenne s'élevait en dernier lieu à la somme de 1'701,25 €.
La société occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.
Mme [E] a saisi le 14 novembre 2017 le conseil de prud'hommes de Paris et a formé en dernier lieu les demandes suivantes':
«'Déclarer recevable et bien-fondé Madame [O] [E] dans l'ensemble de ses demandes
Dire et juger que le licenciement est dépourvu de faute grave et de toute cause réelle et sérieuse
Salaire pendant la mise à pied':1 391,93 €
Congés payés afférents': 139,20 €
Indemnité compensatrice de préavis': 3 402,50 €
Indemnité compensatrice de congés payés sur préavis': 340,25 €
Indemnité de licenciement': 2 162 €
Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse': 10 207,50 €
Remise de l'attestation d'employeur destinée au Pôle Emploi conforme
Remise d'un certificat de travail conforme
Remise d'un reçu pour solde de tout compte conforme
Intérêts au taux légal
Article 700 du Code de Procédure Civile': 2 000 €
Entiers dépens et frais d'exécution
Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir
Demandes présentées en défense
S.A.S. LYSER
- Article 700 du Code de Procédure Civile': 2 000 €
- Dépens »
Par jugement rendu en formation de départage le 13 janvier 2021, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes a rendu la décision suivante :
« Dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Condamne la société L'YSER à payer à Madame [O] [E] les sommes de :
- 1'391,93 euros au titre du salaire de la mise à pied
- 139,20 euros au titre des congés payés afférents
- 3'402,50 euros au titre du préavis
- 340,25 euros au titre des congés payés afférents
- 2 162, 00 euros au titre de l'indemnité de licenciement
- 10 207, 50 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse
Ordonne à la défenderesse de remettre à Madame [O] [E] les documents
sociaux conformes à la présente procédure ;
Ordonne l'exécution provisoire de la décision ;
Condamne la société L'YSER au paiement de la somme de 1 500 euros sur le
fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute Madame [O] [E] du surplus de ses demandes ;
Déboute la société L'YSER de sa demande au titre de l'article 700 du code de
procédure civile et la condamne aux dépens ;»
La société L'Yser a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 11 février 2021.
La constitution d'intimée de Mme [E] a été transmise par voie électronique le 26 avril 2021.
La société L'Yser a été placée en sauvegarde de justice par un jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 15 décembre 2023 et le 27 juin 2024, le tribunal de commerce a prolongé cette procédure de sauvegarde pour une durée de 6 mois.
Les mandataires désignés (la SCP BTSG prise en la personne de maître [L] [Y], la SELAFA MJA prise en la personne de maître [V] [M] et la SELARL AXYME prise en la personne de maître [L] [K]) sont intervenus volontairement à la procédure.
Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 24 février 2025, auxquelles la cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens, la société L'Yser et les organes de la procédure collective demandent à la cour de :
« Vu l'article L. 625-3 du Code de commerce
Donner acte à la société L'YSER de ce qu'elle dénonce en tête des présentes son nouveau siège social
Juger recevables en leur intervention volontaire la SCP BTSG en la personne de ME [L] [Y], la SELAFA MJA en la personne de ME [V] [M] et la SERARL AXYME en la personne de ME [L] [K], es qualité de mandataires judiciaires à la procédure de sauvegarde de la SAS L'YSER désignés par jugement du Tribunal de commerce de Paris du 15 décembre 2023,
Juger la Société L'YSER recevable et bien fondée en son appel
Réformer le jugement du 13 janvier 2021 rendu par le Conseil de Prud'hommes de Paris, en sa formation de départage en ce qu'il a dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Condamné la Société L'YSER à payer à Madame [O] [E] les sommes de
- 1 391, 93 euros au titre du salaire de la mise à pied 32
- 139, 20 euros au titre des congés payés afférents
- 3 402, 50 euros au titre du préavis
- 340, 25 euros au titre des congés payés afférents
- 2 162 euros au titre de l'indemnité de licenciement
- 10 207,50 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse
- 1 500 euros au titre de l'article 700 du CPC et aux dépens
- ordonné à la Société L'YSER de remettre à Madame [O] [E] les documents sociaux conformes à la présente procédure
statuant à nouveau
juger le licenciement de Madame [E] fondé sur une faute grave en conséquence, ' débouter Madame [E] de l'ensemble de ses demandes
ordonner à Madame [E] de rembourser les sommes versées
condamner Madame [E] à verser à la Société L'YSER la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile
condamner Madame [E] aux dépens.'»
Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 4 août 2021, auxquelles la cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens, Mme [E] demande à la cour de':
«Déclarer recevable et bien fondée Madame [O] [E] dans l'ensemble de ses demandes,
Dire et juger que le licenciement prononcé à l'encontre de Madame [O] [E] est dépourvu de faute grave et de toute cause réelle et sérieuse.
En conséquence, confirmer le jugement en ce qu'il a :
Condamné la Société L'YSER au paiement de la somme de 10.207,50 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamné la Société L'YSER au paiement des sommes suivantes :
- salaire pendant la mise à pied': 1.391,93 €,
- congés payés afférents': 139,20 €,
- indemnité de licenciement': 2.162 €,
- préavis': 3.402,50 €,
- congés payés sur préavis': 340,25 €.
Débouter la société L'YSER de toutes ses demandes plus amples ou contraires.
Y ajoutant':
Condamner la Société L'YSER au paiement de la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Condamner la Société L'YSER aux entiers dépens et frais d'exécution.'»
L'ordonnance de clôture a été rendue à la date du 3 juin 2025.
L'affaire a été appelée à l'audience du 16 juin 2025.
MOTIFS
La cour constate à la lecture de l'extrait Kbis de la société L'Yser à jour au 2 juin 2025 que la procédure de sauvegarde ouverte le 4 décembre 2023 a pris fin après le 4 décembre 2024, aucune nouvelle décision n'ayant été prise par le tribunal de commerce après le jugement du 18 juin 2024 ayant prolongé la période d'observation pour une durée de 6 mois à compter du 4 juin 2024 et jusqu'au 4 décembre 2024': la société L'Yser est à ce jour in bonis
Sur le licenciement
La lettre de licenciement qui fixe le cadre du litige indique «'(') vous avez été absente de votre poste de travail les 1er et 2 juillet derniers, sans avoir fourni de justificatif à ce jour.
Nous vous rappelons que le règlement intérieur prévoit qu'a en cas d'absence, tout salarié
devra en aviser dès que possible la Direction de la résidence ou son supérieur hiérarchique, à laquelle toute justification doit être adressée. En cas de maladie, le
certificat médical doit être adressé dans les 48h00 sauf cas de force majeur ».
Plusieurs jours auparavant, vous aviez alors confié à l'un de vos collègues de travail que vous n'aviez pas l'intention de vous présenter à votre poste de travail à ces dates. Votre responsable ayant été informé de vos intentions, s'est vu contraint de prévoir en urgence au planning une de vos collègues de travail en doublon avec vous, afin d'assurer la continuité du service en cas d'absence de votre part.
Ces faits sont intolérables, car vous aviez parfaitement connaissance d'une forte activité ce week-end, due à l'arrivée d'un groupe de 120 personnes. Vos absences, inopinées et
injustifiées ont donc perturbé gravement l'organisation de la résidence, l'accueil de ces clients ayant finalement été assuré par votre collègue de travail, moins expérimentée que vous.
Par ailleurs et comme à son habitude, votre Responsable vous avait communiqué mi-juin dernier, votre planning applicable pour le mois de juillet suivant, lequel comprenait un RTT le jeudi 6 juillet 2017.
Cette fois ci, vous avez indiqué à l'un de vos collègues de travail que peu importe ce RTT,
vous viendriez quand même travailler.
Vous vous êtes donc présentée à la résidence ce jour-là, en méconnaissance du règlement intérieur qui prévoit que « Chaque salarié doit, sauf motif valable, assurer la continuité du travail qui lui est confié. A cet effet, le personnel doit [...] Respecter impérativement les dates d'arrêt et de reprise du travail, spécialement à l'occasion des congés payés, ou événements familiaux. Tout salarié doit respecter les dates de congés payés décidées par la Direction. Il est interdit de modifier ces dates sans l'accord préalable de la hiérarchie
Lorsque votre responsable vous a demandé de bien vouloir rentrer chez vous, vous avez fait preuve d'insubordination et d'irrespect à son égard, refusant catégoriquement de vous exécuter. Votre comportement ingérable a conduit votre Responsable à contacter un membre du service des Ressources Humaines en urgence afin qu'il puisse vous faire entendre raison.
Au téléphone, vous avez échangé avec la Responsable Juridique Droit Social qui vous a également demandé de bien vouloir respecter votre planning de travail en rentrant chez vous. Une fois de plus, vous avez fait preuve d'insistance et d'irrespect à son égard, refusant de vous exécuter. Vous avez d'ailleurs fini par ajouter que vous ne partiriez pas sans une mise à pied conservatoire.
L'ensemble de ces faits est le reflet de votre attitude des derniers mois, suite à notre refus
de vous accorder une rupture conventionnelle le 9 janvier dernier. A cette époque, vous aviez téléphoné à la Direction des Ressources Humaines de manière insistante et avez exigé d'obtenir une explication de la part du Directeur des Ressources Humaines. Les deux interlocuteurs que vous avez eus en ligne ont confirmé votre manque de cordialité et votre agressivité.
Depuis cette date, vous provoquez constamment votre hiérarchie et faites preuve d'insubordination à son égard, notamment concernant les faits suivant :
- Malgré les rappels oraux de votre hiérarchie, vous persistez à utiliser régulièrement votre téléphone portable tout au long de votre prestation de travail et notamment en réception ;
- Contrairement à l'ensemble de vos collègues de travail, vous ne signez pas toujours vos plannings de travail. Pour exemple, vous avez refusé de signer vos plannings des mois de janvier, mars, avril et juin 2017 ;
- Vous ne respectez pas la procédure mise en place par votre Responsable, consistant à envoyer un courriel à chaque prise et fin de poste. Pour exemple, vous n'avez pas respecté cette procédure les 22, 23, 24, 26 mai 2017, les 6, 7, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 22, 23, 26, 27 juin 2017 ainsi que les 3 et 5 juillet 2017.
Votre attitude conduit à instaurer une ambiance de travail délétère et malsaine devenue intolérable. De plus, votre comportement ingérable nuit considérablement à l'image de l'entreprise et entraîne des problèmes d'organisation au sein de la résidence.
Il s'agit là de faits inacceptables qui ne permettent plus la poursuite de nos relations contractuelles. ».
Il ressort de la lettre de licenciement que Mme [E] a été licenciée pour les faits suivants :
- elle a été en absence injustifiée les 1er et 2 juillet 2017,
- elle est venue travailler le 6 juillet 2017 alors qu'elle était en RTT et cela, malgré les instructions contraires de son responsable et du DRH et a ainsi fait preuve d'insubordination,
- elle fait preuve d'insubordination en utilisant son téléphone portable au travail, en refusant de signer ses plannings, et en refusant d'envoyer un courriel à chaque prise et fin de poste.
Il est de jurisprudence constante que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. C'est à l'employeur qu'incombe la charge de rapporter la preuve de la faute grave, étant ajouté que la lettre de licenciement fixe les limites du litige.
Mme [E] soutient que':
En ce qui concerne les absences injustifiées des 1er et 2 juillet 2017 (premier grief).
- En prenant connaissance de son planning de juillet, elle a constaté qu'on lui imposait 7 jours consécutifs de travail pour un total de 64,5h au lieu de 40,48h hebdomadaires convenues en violation de la législation et à la convention collective des HCR, qui limite la durée à 43h (pièces salarié n° 5, et 13 et 14).
- Elle a informé son responsable, avant ces jours, de son impossibilité de travailler 7 jours d'affilée.
En ce qui concerne la journée de RTT du 6 juillet (2e grief)
- Le 3 juillet, à son retour, elle a découvert sur le planning une journée RTT imposée pour le 6 juillet, affichée en son absence et sans respect du délai de prévenance (pièce salarié n° 6)
- Elle a contesté que cette journée de RTT lui soit imposée et est venue travailler le 6 juillet, mais s'est vue refuser l'accès à son poste': elle a été mise à pied à titre conservatoire.
- l'employeur a l'habitude de modifier les plannings en dernière minute et sans information adéquate des salariés (pièces salarié n° 11, 13 et 14)
- Plusieurs versions discordantes des plannings sont produites par l'employeur : la version initiale (pièce n°5), et la version modifiée (pièce n°6) ; le planning "définitif" ne peut pas avoir été affiché mi-juin, car il mentionne des personnes qui n'étaient pas encore embauchées.
- Elle n'a pas eu connaissance à temps des modifications.
- Elle a toujours informé sa hiérarchie, n'a jamais fait preuve d'insubordination ni d'agressivité ; n'a fait que demander le respect de la législation sur le temps de travail.
- l'attestation de Mme [A] (pièce salarié n° 14) souligne son professionnalisme, sa ponctualité, et sa bonne intégration.
- Elle n'a aucun antécédent disciplinaire en 5 ans.
- Les absences et la venue le 6 juillet ne constituent pas des fautes, puisque toute la procédure relève d'un climat conflictuel créé par la direction.
- Aucun préjudice à l'entreprise n'est démontré sur la période en cause.
En ce qui concerne le respect des obligations (3e grief relatif au téléphone, pointage, non-signature)
- L'usage du téléphone personnel et le non-respect du pointage des heures n'étaient sanctionnés par aucun règlement strict avant l'envoi d'un mail collectif du 5 juillet 2017 par la direction (pièce adverse n°24), qui officialise un changement de politique.
- Ces comportements concernaient tous les salariés et n'ont été reprochés à aucun autre.
- La non-signature de plannings concernait aussi d'autres salariés, et s'explique pour certains mois par son absence en congés.
- Aucun changement de comportement ni mauvaise volonté n'est établi, contrairement à ce qu'allègue l'employeur.
- Le rappel de la tentative avortée de rupture conventionnelle est inopérant : elle a poursuivi normalement son travail après refus de l'employeur.
- Aucun chantage n'a été exercé, ni congés imposés par la salariée.
Mme [E] produit les pièces suivantes
n°5 Planning initial, 7 jours consécutifs d'affilée.
n°6 Planning modifié affichant RTT le 6 juillet, affiché après les absences en question.
n°11 Attestation de M. M. sur la modification des plannings
n°12 Attestation de M. [N] sur ses qualités.
n°13 Attestation de Mme [V] sur la modification des plannings de juillet et la journée de RTT du 6 juillet
n°14 Attestation de Mme [A] sur la modification des plannings de juillet et les absences des 1 et 2 juillet
n°15 Échanges de SMS prouvant la pratique habituelle de modification de planning.
En réplique, la société L'Yser fonde son licenciement pour faute grave sur des absences injustifiées en période de forte activité, un comportement d'insubordination manifeste, un usage du téléphone portable pendant les heures de travail, ainsi que des manquements répétés aux obligations de pointage et de signature des plannings. Elle conteste les arguments et preuves présentés par Mme [E] comme non fondés ou dénués de valeur probante.
Elle soutient que':
- le grief tiré des absences injustifiées les 1er et 2 juillet 2017 et de la présence non autorisée le 6 juillet est justifié.
- le grief tiré de l'attitude d'insubordination et d'irrespect de son supérieur hiérarchique le 6 juillet est justifié.
- le grief relatif à l'utilisation abusive du téléphone portable personnel pendant le travail est justifié.
- le grief relatif aux manquements aux règles de contrôle du temps de travail (pointages, signatures des plannings) est justifié.
En ce qui concerne la violation des plannings des 1er, 2 et 6 juillet 2017
- Le planning définitif pour juillet 2017 a été affiché au plus tard le 27 juin 2017 (pièce employeur n° 15)
- Ce planning prévoit la présence de Mme [E] les 1er et 2 juillet et son RTT le 6 juillet.
- Les versions de projets antérieurs au planning définitif (pièce 5 - version projet début juin) ne sont pas contraignantes.
- L'employeur a respecté ses obligations légales en matière d'affichage et de délai de prévenance comme cela ressort de des attestations confirmant la procédure d'affichage et la connaissance du planning [Courriel du 5 juillet 2017 (pièce 24), Attestation de M. M. (pièce 31), Attestation de Mme [I] (pièce 27), Attestation de Mme [C] (pièce 26)].
- Le caractère fautif des absences du 1er et 2 juillet 2017 est établi du fait que Mme [E] a décidé unilatéralement et sans justification valable de ne pas se présenter à son poste malgré la présence prévue au planning définitif.
- Elle ne démontre pas avoir préalablement informé son responsable, ce que conteste ce dernier.
- Son absence a eu un préjudice important, car ce week-end coïncidait avec une arrivée exceptionnelle d'un groupe de plus de 100 personnes (client important : ministère de l'Intérieur)'; Mme [E] était la seule employée expérimentée capable de gérer cette arrivée, sa collègue Mme [C] étant en formation et sans expérience suffisante (pièces salarié n° 31, 26, 27 déjà mentionnées et 29 (contrat d'hébergement client) et 46 (CV de Mme [C]).
- Le caractère fautif de la présence du 6 juillet et son comportement d'insubordination sont établis du fait que Mme [E] est venue travailler le 6 juillet alors qu'elle était en RTT, en violation du planning définitif.
- Elle a refusé de quitter son poste malgré les demandes expresses de son supérieur hiérarchique.
- Ce comportement agressif a obligé la direction à faire intervenir le service juridique qui a notifié une mise à pied conservatoire.
- ces faits sont établis par les attestations suivantes de Mme [H], Responsable juridique (pièce 43), M. M. , supérieur hiérarchique (pièce 31), Mme [C], collègue de travail (pièce 26), et des collègues présents (pièces 26, 41).
- Il ne peut pas être retenu que Mme [E] n'était pas informée du planning définitif'; en effet elle était en repos les 29 et 30 juin (pièce 34 - planning juin 2017).
- Mme [E] n'a jamais prouvé avoir informé ou sollicité la direction à ce sujet.
- Le planning communiqué en pièce salarié 5 est un projet non finalisé.
- Le planning définitif, signé par la plupart des salariés, incluait la présence à ces dates.
- Les attestations produites par Mme [E] sont des attestations de complaisance ou partiales
- L'échange de SMS versé par Mme [E] (pièce 15) ne constitue pas une preuve probante.
En ce qui concerne l'utilisation abusive du téléphone portable
- Mme [E] ne conteste pas l'utilisation du téléphone portable durant les heures de travail, y compris après rappels oraux répétés.
- cette utilisation est établie par les attestations de M. [C] (pièce 22), Mme [I], juriste (pièce 42), M. M. supérieur hiérarchique (pièce 31) et Mme [I] (pièce 27).
- Un rappel des consignes strictes a pourtant été fait par courriel du 5 juillet 2017 (pièce 24).
En ce qui concerne la violation des règles de contrôle du temps de travail
- Mme [E] ne respectait pas la procédure de pointage quotidienne par courriel auprès de la direction (pièces employeur n° 24 et 32).
- Les absences de pointage sont répétées dans les transmissions en mai, juin, juillet 2017.
- Mme [E] a refusé de façon répétée de signer les plannings des mois de janvier, mars, avril, juin et juillet 2017.
- Mme [E] a délibérément violé les plannings et failli à ses obligations professionnelles, créant un climat délétère et pénalisant le fonctionnement du service.
- Son absence pendant une période cruciale a porté atteinte aux intérêts stratégiques de la société, notamment un contrat important avec le ministère de l'Intérieur.
- Son comportement le 6 juillet a constitué une insubordination manifeste, doublée d'agressivité à l'égard de son supérieur.
L'employeur mentionne et cite les pièces suivantes.
17 Lettre de licenciement du 31 juillet 2017
24 Courriel du 5 juillet 2017 : consignes téléphoniques et pointage
26 Attestation de Mme [C] sur absence et gestion difficile
27 Attestation de Mme [I] sur impact de l'absence
29 Contrat d'hébergement client (Ministère de l'Intérieur)
30 Contrat de travail Mme [C]
31 Attestation de M. M., directeur de la Résidence
32 Courriel du 17 septembre 2015 : procédures pointage
33-34 Plannings 2016 et 2017 (projets et définitifs)
37 Exemples de courriels de pointage manquants
42 Attestation de Mme [I], juriste
43 Attestation de Mme [H], juriste
46 CV Mme [C]
La convention collective HCR prévoit dans son article 29 «'Durée hebdomadaire du travail
La durée du travail est de quarante-deux heures pour les cuisiniers, quarante-trois heures pour les autres personnels, cinquante heures pour le personnel de gardiennage de nuit.
L'horaire de travail sera affiché par la direction ainsi que les dérogations et le service de pointage des entrées et sorties de chaque salarié devra être organisé par l'employeur.
Le temps de travail est compté à l'exclusion de l'habillage, du casse-croûte et des repas. Si le régime de la journée continue est institué, les employés disposeront de trente minutes pour le repas principal et ce temps sera compté dans le temps de travail'» et dans son article 30 «'Repos hebdomadaire
Après une période de travail effectif de cinq jours minimum, tout salarié aura droit globalement à un jour et demi de repos hebdomadaire à dater de la signature de la présente convention. La durée du travail hebdomadaire ne pourra dépasser six jours par semaine.
Ce repos peut être pris alternativement à raison d'une journée, une semaine et deux jours la semaine suivante. Dans ce dernier cas, les deux jours devront être consécutifs.
Il sera affiché un tableau des jours de repos et le jour fixé pourra être éventuellement changé avec l'accord de l'intéressé.'»
Le règlement intérieur mentionne au chapitre 2 «'le personnel est tenu de se conformer aux horaires de travail indiqués par la direction et affichés sur les panneaux réglementaires.
Les salariés doivent respecter l'horaire de travail affiché. La direction se réserve le droit de modifier les horaires selon les besoins et les nécessités des services, tout en respectant, sauf urgence ou évènement imprévisible, un délai minimum de 48 heures et les délais légaux de prévenance'».
La cour rappelle que le délai de prévenance est en général défini par la convention collective ou l'accord de branche et que lorsque ce n'est pas le cas, ce sont alors les préconisations du code du travail qui entrent en compte étant précisé que l'article 3121-47 précise que l'employeur doit respecter un délai de prévenance de 7 jours en cas de changement de durée ou d'horaires de travail.
A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que le licenciement de Mme [E] est sans cause réelle et sérieuse en raison des motifs suivants :
La charge de la preuve incombe à l'employeur, qui doit démontrer que les faits reprochés au salarié sont exacts, objectifs et suffisamment graves pour rendre impossible son maintien dans l'entreprise. Or, en l'espèce, les arguments et preuves apportés par la société L'Yser ne satisfont pas à ces exigences.
S'agissant des absences des 1er et 2 juillet 2017, il n'est pas établi que Mme [E] ait eu connaissance en temps utile du planning définitif qui l'obligeait à travailler ces jours-là. Les plannings produits pour le mois de juillet 2017 sont contradictoires (pièces employeur n° 15 et salarié n° 5 et 6) et de surcroît il ressort du planning de juin 2017 (pièce employeur n° 34) que Mme [E] a été absente le mercredi 28 juin, qu'elle était en repos le 29 et le 30 juin et aucun des éléments produits ne permet d'établir avec certitude que le planning modifié pour le 1er juillet 2017 a été affiché au plus tard le 27 juin 2017 comme le soutient l'employeur.
L'employeur n'établit pas non plus que les modifications du planning, notamment de la journée RTT du 6 juillet, ont été portées à la connaissance de Mme [E] dans les délais légaux'; en l'espèce aucun des éléments produits ne permet de retenir que le jour de RTT du 6 juillet 2017 a été fixé avec l'accord de Mme [E] en respectant un délai de prévenance de 2 semaines ou que la modification de la date de prise de jour de RTT au 6 juillet 2017 est intervenue dans le délai de prévenance de 7 jours.
Ces manquements à l'obligation d'information privent les absences des 1er et 2 juillet 2017 de caractère fautif ainsi que le fait que Mme [E] est venue au travail le 6 juillet 2017.
Concernant la présence de Mme [E] le 6 juillet 2017, la contestation porte aussi sur la légitimité de la journée de RTT imposée tardivement, sans respect du délai de prévenance. Son comportement contestataire, bien qu'incompatible avec l'ordre formel de son supérieur, s'analyse dans un contexte conflictuel où la validité de l'ordre a été légitimement discutée.
Compte tenu de ce contexte, la cour retient que les contestations formulées par Mme [E] le 6 juillet 2017 ne caractérisent pas un acte d'insubordination et ne sont pas fautives.
Enfin, les manquements relatifs à l'usage du téléphone portable, le non-respect du pointage quotidien et la non-signature de plusieurs plannings étaient jusque-là tolérés ou concernés d'autres salariés. Les manquements survenus à partir de juillet 2017, date à laquelle une politique plus stricte a été instaurée, ne sont pas établis sauf en ce qui concerne la non signature du planning de juillet 2017 sans que cela ne puisse lui être reproché puisque Mme [E] était en mise à pied conservatoire.
En conséquence, l'ensemble des faits invoqués ne permet pas de justifier un licenciement pour faute grave, ni même pour cause réelle et sérieuse.
Dès lors, la décision de licencier Mme [E] est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse comme le premier juge l'a retenu.
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a jugé que le licenciement de Mme [E] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Mme [E] demande par confirmation du jugement la somme de 10 207,50 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; la société L'Yser s'oppose à cette demande sans faire valoir de moyens sur le quantum.
Selon l'article L.1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés pour une ancienneté de 4 ans entre 3 et 5 mois de salaire.
Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de Mme [E], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement le préjudice de Mme [E] doit être évaluée à la somme non contestée en son quantum de 10'207,50 €.
Le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a condamné la société L'Yser à payer à Mme [E] la somme de 10'207,50 € au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents, l'indemnité de licenciement, le rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire et les congés payés afférents
Mme [E] demande par confirmation du jugement les sommes de':
- 3 402,50 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 340,25 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis,
- 2 162 € au titre de l'indemnité de licenciement,
- 1 391,93 € à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire,
- 139,20 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de mise à pied conservatoire.
En réplique, la société L'Yser s'oppose à ces demandes sans faire valoir de moyens sur le quantum.
Compte tenu de ce qui précède, le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a condamné la société L'Yser à payer à Mme [E] les sommes non contestées en leur quantum de':
- 3 402,50 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 340,25 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis,
- 2 162 € au titre de l'indemnité de licenciement,
- 1 391,93 € à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire,
- 139,20 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de mise à pied conservatoire.
Sur l'application de l'article L.1235-4 du code du travail
Le licenciement de Mme [E] ayant été jugé sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu à l'application de l'article L.1235-4 du code du travail ; en conséquence la cour ordonne le remboursement par la société L'Yser aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à Mme [E], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.
Sur les autres demandes
Il n'y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil en application desquelles les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du jugement.
En application de l'article L. 622-28 du code de commerce, l'ouverture de la procédure de sauvegarde judiciaire suspend le cours des intérêts au taux légal.
La société L'Yser étant en procédure de sauvegarde du 4 décembre 2023 au 4 décembre 2024, le cours des intérêts précités sera suspendu du 4 décembre 2023 au 4 décembre 2024.
Le jugement déféré est confirmé en ce qui concerne l'article 700 du code de procédure civile.
La société L'Yser qui succombe, supportera les dépens d'appel et sera condamnée en équité à payer à Mme [E] la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.
L'ensemble des autres demandes plus amples ou contraires formées en demande ou en défense est rejeté, leur rejet découlant nécessairement des motifs amplement développés dans tout l'arrêt.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Ajoutant,
Dit que les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par la société L'Yser de la convocation devant le bureau de conciliation et que les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du jugement ;
Dit que le cours des intérêts précités est suspendu du 4 décembre 2023 au 4 décembre 2024 ;.
Ordonne le remboursement par la société L'Yser aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à Mme [E], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage ;
Condamne la société L'Yser à payer à Mme [E] la somme de 3'000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ;
Condamne la société L'Yser aux dépens.
Le Greffier Le Président
délivrées le :
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 3
ARRET DU 10 SEPTEMBRE 2025
(n° , 12 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/01812 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDGYA
Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Janvier 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° 17/09279
APPELANTE
S.A.S.U. L'YSER, prise en la personne de son représentant légal
N° RCS de Nanterre : 382 403 632
[Adresse 10]
[Localité 8]
Représentée par Me Virginie DOMAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C2440, avocat postulant et par Me Françoise LE BOURDONNEC-CECCALDI, avocat au barreau de PARIS, toque : A0442, avocat plaidant
INTIMEE
Madame [O] [E]
Née le 12 septembre 1985 à [Localité 11]
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représentée par Me Béatrice DE PUYBAUDET, avocat au barreau de PARIS, toque : C 1361
PARTIES INTERVENANTES :
S.[C] BTSG prise en la personne de Me [P] [S] es qualité de Mandataire Judiciaire de la SAS l'YSER
[Adresse 2]
[Localité 9]
Représentée par Me Virginie DOMAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C2440, avocat postulant et par Me Françoise LE BOURDONNEC-CECCALDI, avocat au barreau de PARIS, toque : A0442, avocat plaidant
S.E.L.A.F.[N] MJA, prise en la personne de Me [J] [M] es qualité de Mandataire Judiciaire de la SAS l'YSER
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Virginie DOMAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C2440, avocat postulant et par Me Françoise LE BOURDONNEC-CECCALDI, avocat au barreau de PARIS, toque : A0442, avocat plaidant
S.A.R.L. AXYME, prise en la personne de Me [D] [K] es qualité de Mandataire Judiciaire de la SAS RESIDE ETUDES SENIORS
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Virginie DOMAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C2440, avocat postulant et par Me Françoise LE BOURDONNEC-CECCALDI, avocat au barreau de PARIS, toque : A0442, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Juin 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Christophe BACONNIER, président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Christophe BACONNIER, président
Fabienne ROUGE, présidente
Marie-Lisette SAUTRON, présidente
Greffier, lors des débats : Madame Laetitia PRADIGNAC
ARRET :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Christophe BACONNIER, Président et par Laetitia PRADIGNAC, Greffière, présent lors de la mise à disposition.
***
RAPPEL DES FAITS ET PROCEDURE
La société l'Yser a engagé Mme [O] [E] par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er novembre 2012 en qualité de réceptionniste tournant, catégorie employés, niveau 2, échelon 2.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective des hôtels cafés, restaurants dit "HCR'».
Par lettre notifiée le 10 juillet 2017, Mme [E] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 26 juillet 2017.
Mme [E] a ensuite été licenciée pour faute grave par lettre notifiée le 31 juillet 2017.
A la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, Mme [E] avait une ancienneté de 4 ans et 9 mois.
Sa rémunération mensuelle brute moyenne s'élevait en dernier lieu à la somme de 1'701,25 €.
La société occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.
Mme [E] a saisi le 14 novembre 2017 le conseil de prud'hommes de Paris et a formé en dernier lieu les demandes suivantes':
«'Déclarer recevable et bien-fondé Madame [O] [E] dans l'ensemble de ses demandes
Dire et juger que le licenciement est dépourvu de faute grave et de toute cause réelle et sérieuse
Salaire pendant la mise à pied':1 391,93 €
Congés payés afférents': 139,20 €
Indemnité compensatrice de préavis': 3 402,50 €
Indemnité compensatrice de congés payés sur préavis': 340,25 €
Indemnité de licenciement': 2 162 €
Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse': 10 207,50 €
Remise de l'attestation d'employeur destinée au Pôle Emploi conforme
Remise d'un certificat de travail conforme
Remise d'un reçu pour solde de tout compte conforme
Intérêts au taux légal
Article 700 du Code de Procédure Civile': 2 000 €
Entiers dépens et frais d'exécution
Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir
Demandes présentées en défense
S.A.S. LYSER
- Article 700 du Code de Procédure Civile': 2 000 €
- Dépens »
Par jugement rendu en formation de départage le 13 janvier 2021, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes a rendu la décision suivante :
« Dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Condamne la société L'YSER à payer à Madame [O] [E] les sommes de :
- 1'391,93 euros au titre du salaire de la mise à pied
- 139,20 euros au titre des congés payés afférents
- 3'402,50 euros au titre du préavis
- 340,25 euros au titre des congés payés afférents
- 2 162, 00 euros au titre de l'indemnité de licenciement
- 10 207, 50 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse
Ordonne à la défenderesse de remettre à Madame [O] [E] les documents
sociaux conformes à la présente procédure ;
Ordonne l'exécution provisoire de la décision ;
Condamne la société L'YSER au paiement de la somme de 1 500 euros sur le
fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute Madame [O] [E] du surplus de ses demandes ;
Déboute la société L'YSER de sa demande au titre de l'article 700 du code de
procédure civile et la condamne aux dépens ;»
La société L'Yser a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 11 février 2021.
La constitution d'intimée de Mme [E] a été transmise par voie électronique le 26 avril 2021.
La société L'Yser a été placée en sauvegarde de justice par un jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 15 décembre 2023 et le 27 juin 2024, le tribunal de commerce a prolongé cette procédure de sauvegarde pour une durée de 6 mois.
Les mandataires désignés (la SCP BTSG prise en la personne de maître [L] [Y], la SELAFA MJA prise en la personne de maître [V] [M] et la SELARL AXYME prise en la personne de maître [L] [K]) sont intervenus volontairement à la procédure.
Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 24 février 2025, auxquelles la cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens, la société L'Yser et les organes de la procédure collective demandent à la cour de :
« Vu l'article L. 625-3 du Code de commerce
Donner acte à la société L'YSER de ce qu'elle dénonce en tête des présentes son nouveau siège social
Juger recevables en leur intervention volontaire la SCP BTSG en la personne de ME [L] [Y], la SELAFA MJA en la personne de ME [V] [M] et la SERARL AXYME en la personne de ME [L] [K], es qualité de mandataires judiciaires à la procédure de sauvegarde de la SAS L'YSER désignés par jugement du Tribunal de commerce de Paris du 15 décembre 2023,
Juger la Société L'YSER recevable et bien fondée en son appel
Réformer le jugement du 13 janvier 2021 rendu par le Conseil de Prud'hommes de Paris, en sa formation de départage en ce qu'il a dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Condamné la Société L'YSER à payer à Madame [O] [E] les sommes de
- 1 391, 93 euros au titre du salaire de la mise à pied 32
- 139, 20 euros au titre des congés payés afférents
- 3 402, 50 euros au titre du préavis
- 340, 25 euros au titre des congés payés afférents
- 2 162 euros au titre de l'indemnité de licenciement
- 10 207,50 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse
- 1 500 euros au titre de l'article 700 du CPC et aux dépens
- ordonné à la Société L'YSER de remettre à Madame [O] [E] les documents sociaux conformes à la présente procédure
statuant à nouveau
juger le licenciement de Madame [E] fondé sur une faute grave en conséquence, ' débouter Madame [E] de l'ensemble de ses demandes
ordonner à Madame [E] de rembourser les sommes versées
condamner Madame [E] à verser à la Société L'YSER la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile
condamner Madame [E] aux dépens.'»
Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 4 août 2021, auxquelles la cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens, Mme [E] demande à la cour de':
«Déclarer recevable et bien fondée Madame [O] [E] dans l'ensemble de ses demandes,
Dire et juger que le licenciement prononcé à l'encontre de Madame [O] [E] est dépourvu de faute grave et de toute cause réelle et sérieuse.
En conséquence, confirmer le jugement en ce qu'il a :
Condamné la Société L'YSER au paiement de la somme de 10.207,50 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamné la Société L'YSER au paiement des sommes suivantes :
- salaire pendant la mise à pied': 1.391,93 €,
- congés payés afférents': 139,20 €,
- indemnité de licenciement': 2.162 €,
- préavis': 3.402,50 €,
- congés payés sur préavis': 340,25 €.
Débouter la société L'YSER de toutes ses demandes plus amples ou contraires.
Y ajoutant':
Condamner la Société L'YSER au paiement de la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Condamner la Société L'YSER aux entiers dépens et frais d'exécution.'»
L'ordonnance de clôture a été rendue à la date du 3 juin 2025.
L'affaire a été appelée à l'audience du 16 juin 2025.
MOTIFS
La cour constate à la lecture de l'extrait Kbis de la société L'Yser à jour au 2 juin 2025 que la procédure de sauvegarde ouverte le 4 décembre 2023 a pris fin après le 4 décembre 2024, aucune nouvelle décision n'ayant été prise par le tribunal de commerce après le jugement du 18 juin 2024 ayant prolongé la période d'observation pour une durée de 6 mois à compter du 4 juin 2024 et jusqu'au 4 décembre 2024': la société L'Yser est à ce jour in bonis
Sur le licenciement
La lettre de licenciement qui fixe le cadre du litige indique «'(') vous avez été absente de votre poste de travail les 1er et 2 juillet derniers, sans avoir fourni de justificatif à ce jour.
Nous vous rappelons que le règlement intérieur prévoit qu'a en cas d'absence, tout salarié
devra en aviser dès que possible la Direction de la résidence ou son supérieur hiérarchique, à laquelle toute justification doit être adressée. En cas de maladie, le
certificat médical doit être adressé dans les 48h00 sauf cas de force majeur ».
Plusieurs jours auparavant, vous aviez alors confié à l'un de vos collègues de travail que vous n'aviez pas l'intention de vous présenter à votre poste de travail à ces dates. Votre responsable ayant été informé de vos intentions, s'est vu contraint de prévoir en urgence au planning une de vos collègues de travail en doublon avec vous, afin d'assurer la continuité du service en cas d'absence de votre part.
Ces faits sont intolérables, car vous aviez parfaitement connaissance d'une forte activité ce week-end, due à l'arrivée d'un groupe de 120 personnes. Vos absences, inopinées et
injustifiées ont donc perturbé gravement l'organisation de la résidence, l'accueil de ces clients ayant finalement été assuré par votre collègue de travail, moins expérimentée que vous.
Par ailleurs et comme à son habitude, votre Responsable vous avait communiqué mi-juin dernier, votre planning applicable pour le mois de juillet suivant, lequel comprenait un RTT le jeudi 6 juillet 2017.
Cette fois ci, vous avez indiqué à l'un de vos collègues de travail que peu importe ce RTT,
vous viendriez quand même travailler.
Vous vous êtes donc présentée à la résidence ce jour-là, en méconnaissance du règlement intérieur qui prévoit que « Chaque salarié doit, sauf motif valable, assurer la continuité du travail qui lui est confié. A cet effet, le personnel doit [...] Respecter impérativement les dates d'arrêt et de reprise du travail, spécialement à l'occasion des congés payés, ou événements familiaux. Tout salarié doit respecter les dates de congés payés décidées par la Direction. Il est interdit de modifier ces dates sans l'accord préalable de la hiérarchie
Lorsque votre responsable vous a demandé de bien vouloir rentrer chez vous, vous avez fait preuve d'insubordination et d'irrespect à son égard, refusant catégoriquement de vous exécuter. Votre comportement ingérable a conduit votre Responsable à contacter un membre du service des Ressources Humaines en urgence afin qu'il puisse vous faire entendre raison.
Au téléphone, vous avez échangé avec la Responsable Juridique Droit Social qui vous a également demandé de bien vouloir respecter votre planning de travail en rentrant chez vous. Une fois de plus, vous avez fait preuve d'insistance et d'irrespect à son égard, refusant de vous exécuter. Vous avez d'ailleurs fini par ajouter que vous ne partiriez pas sans une mise à pied conservatoire.
L'ensemble de ces faits est le reflet de votre attitude des derniers mois, suite à notre refus
de vous accorder une rupture conventionnelle le 9 janvier dernier. A cette époque, vous aviez téléphoné à la Direction des Ressources Humaines de manière insistante et avez exigé d'obtenir une explication de la part du Directeur des Ressources Humaines. Les deux interlocuteurs que vous avez eus en ligne ont confirmé votre manque de cordialité et votre agressivité.
Depuis cette date, vous provoquez constamment votre hiérarchie et faites preuve d'insubordination à son égard, notamment concernant les faits suivant :
- Malgré les rappels oraux de votre hiérarchie, vous persistez à utiliser régulièrement votre téléphone portable tout au long de votre prestation de travail et notamment en réception ;
- Contrairement à l'ensemble de vos collègues de travail, vous ne signez pas toujours vos plannings de travail. Pour exemple, vous avez refusé de signer vos plannings des mois de janvier, mars, avril et juin 2017 ;
- Vous ne respectez pas la procédure mise en place par votre Responsable, consistant à envoyer un courriel à chaque prise et fin de poste. Pour exemple, vous n'avez pas respecté cette procédure les 22, 23, 24, 26 mai 2017, les 6, 7, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 22, 23, 26, 27 juin 2017 ainsi que les 3 et 5 juillet 2017.
Votre attitude conduit à instaurer une ambiance de travail délétère et malsaine devenue intolérable. De plus, votre comportement ingérable nuit considérablement à l'image de l'entreprise et entraîne des problèmes d'organisation au sein de la résidence.
Il s'agit là de faits inacceptables qui ne permettent plus la poursuite de nos relations contractuelles. ».
Il ressort de la lettre de licenciement que Mme [E] a été licenciée pour les faits suivants :
- elle a été en absence injustifiée les 1er et 2 juillet 2017,
- elle est venue travailler le 6 juillet 2017 alors qu'elle était en RTT et cela, malgré les instructions contraires de son responsable et du DRH et a ainsi fait preuve d'insubordination,
- elle fait preuve d'insubordination en utilisant son téléphone portable au travail, en refusant de signer ses plannings, et en refusant d'envoyer un courriel à chaque prise et fin de poste.
Il est de jurisprudence constante que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. C'est à l'employeur qu'incombe la charge de rapporter la preuve de la faute grave, étant ajouté que la lettre de licenciement fixe les limites du litige.
Mme [E] soutient que':
En ce qui concerne les absences injustifiées des 1er et 2 juillet 2017 (premier grief).
- En prenant connaissance de son planning de juillet, elle a constaté qu'on lui imposait 7 jours consécutifs de travail pour un total de 64,5h au lieu de 40,48h hebdomadaires convenues en violation de la législation et à la convention collective des HCR, qui limite la durée à 43h (pièces salarié n° 5, et 13 et 14).
- Elle a informé son responsable, avant ces jours, de son impossibilité de travailler 7 jours d'affilée.
En ce qui concerne la journée de RTT du 6 juillet (2e grief)
- Le 3 juillet, à son retour, elle a découvert sur le planning une journée RTT imposée pour le 6 juillet, affichée en son absence et sans respect du délai de prévenance (pièce salarié n° 6)
- Elle a contesté que cette journée de RTT lui soit imposée et est venue travailler le 6 juillet, mais s'est vue refuser l'accès à son poste': elle a été mise à pied à titre conservatoire.
- l'employeur a l'habitude de modifier les plannings en dernière minute et sans information adéquate des salariés (pièces salarié n° 11, 13 et 14)
- Plusieurs versions discordantes des plannings sont produites par l'employeur : la version initiale (pièce n°5), et la version modifiée (pièce n°6) ; le planning "définitif" ne peut pas avoir été affiché mi-juin, car il mentionne des personnes qui n'étaient pas encore embauchées.
- Elle n'a pas eu connaissance à temps des modifications.
- Elle a toujours informé sa hiérarchie, n'a jamais fait preuve d'insubordination ni d'agressivité ; n'a fait que demander le respect de la législation sur le temps de travail.
- l'attestation de Mme [A] (pièce salarié n° 14) souligne son professionnalisme, sa ponctualité, et sa bonne intégration.
- Elle n'a aucun antécédent disciplinaire en 5 ans.
- Les absences et la venue le 6 juillet ne constituent pas des fautes, puisque toute la procédure relève d'un climat conflictuel créé par la direction.
- Aucun préjudice à l'entreprise n'est démontré sur la période en cause.
En ce qui concerne le respect des obligations (3e grief relatif au téléphone, pointage, non-signature)
- L'usage du téléphone personnel et le non-respect du pointage des heures n'étaient sanctionnés par aucun règlement strict avant l'envoi d'un mail collectif du 5 juillet 2017 par la direction (pièce adverse n°24), qui officialise un changement de politique.
- Ces comportements concernaient tous les salariés et n'ont été reprochés à aucun autre.
- La non-signature de plannings concernait aussi d'autres salariés, et s'explique pour certains mois par son absence en congés.
- Aucun changement de comportement ni mauvaise volonté n'est établi, contrairement à ce qu'allègue l'employeur.
- Le rappel de la tentative avortée de rupture conventionnelle est inopérant : elle a poursuivi normalement son travail après refus de l'employeur.
- Aucun chantage n'a été exercé, ni congés imposés par la salariée.
Mme [E] produit les pièces suivantes
n°5 Planning initial, 7 jours consécutifs d'affilée.
n°6 Planning modifié affichant RTT le 6 juillet, affiché après les absences en question.
n°11 Attestation de M. M. sur la modification des plannings
n°12 Attestation de M. [N] sur ses qualités.
n°13 Attestation de Mme [V] sur la modification des plannings de juillet et la journée de RTT du 6 juillet
n°14 Attestation de Mme [A] sur la modification des plannings de juillet et les absences des 1 et 2 juillet
n°15 Échanges de SMS prouvant la pratique habituelle de modification de planning.
En réplique, la société L'Yser fonde son licenciement pour faute grave sur des absences injustifiées en période de forte activité, un comportement d'insubordination manifeste, un usage du téléphone portable pendant les heures de travail, ainsi que des manquements répétés aux obligations de pointage et de signature des plannings. Elle conteste les arguments et preuves présentés par Mme [E] comme non fondés ou dénués de valeur probante.
Elle soutient que':
- le grief tiré des absences injustifiées les 1er et 2 juillet 2017 et de la présence non autorisée le 6 juillet est justifié.
- le grief tiré de l'attitude d'insubordination et d'irrespect de son supérieur hiérarchique le 6 juillet est justifié.
- le grief relatif à l'utilisation abusive du téléphone portable personnel pendant le travail est justifié.
- le grief relatif aux manquements aux règles de contrôle du temps de travail (pointages, signatures des plannings) est justifié.
En ce qui concerne la violation des plannings des 1er, 2 et 6 juillet 2017
- Le planning définitif pour juillet 2017 a été affiché au plus tard le 27 juin 2017 (pièce employeur n° 15)
- Ce planning prévoit la présence de Mme [E] les 1er et 2 juillet et son RTT le 6 juillet.
- Les versions de projets antérieurs au planning définitif (pièce 5 - version projet début juin) ne sont pas contraignantes.
- L'employeur a respecté ses obligations légales en matière d'affichage et de délai de prévenance comme cela ressort de des attestations confirmant la procédure d'affichage et la connaissance du planning [Courriel du 5 juillet 2017 (pièce 24), Attestation de M. M. (pièce 31), Attestation de Mme [I] (pièce 27), Attestation de Mme [C] (pièce 26)].
- Le caractère fautif des absences du 1er et 2 juillet 2017 est établi du fait que Mme [E] a décidé unilatéralement et sans justification valable de ne pas se présenter à son poste malgré la présence prévue au planning définitif.
- Elle ne démontre pas avoir préalablement informé son responsable, ce que conteste ce dernier.
- Son absence a eu un préjudice important, car ce week-end coïncidait avec une arrivée exceptionnelle d'un groupe de plus de 100 personnes (client important : ministère de l'Intérieur)'; Mme [E] était la seule employée expérimentée capable de gérer cette arrivée, sa collègue Mme [C] étant en formation et sans expérience suffisante (pièces salarié n° 31, 26, 27 déjà mentionnées et 29 (contrat d'hébergement client) et 46 (CV de Mme [C]).
- Le caractère fautif de la présence du 6 juillet et son comportement d'insubordination sont établis du fait que Mme [E] est venue travailler le 6 juillet alors qu'elle était en RTT, en violation du planning définitif.
- Elle a refusé de quitter son poste malgré les demandes expresses de son supérieur hiérarchique.
- Ce comportement agressif a obligé la direction à faire intervenir le service juridique qui a notifié une mise à pied conservatoire.
- ces faits sont établis par les attestations suivantes de Mme [H], Responsable juridique (pièce 43), M. M. , supérieur hiérarchique (pièce 31), Mme [C], collègue de travail (pièce 26), et des collègues présents (pièces 26, 41).
- Il ne peut pas être retenu que Mme [E] n'était pas informée du planning définitif'; en effet elle était en repos les 29 et 30 juin (pièce 34 - planning juin 2017).
- Mme [E] n'a jamais prouvé avoir informé ou sollicité la direction à ce sujet.
- Le planning communiqué en pièce salarié 5 est un projet non finalisé.
- Le planning définitif, signé par la plupart des salariés, incluait la présence à ces dates.
- Les attestations produites par Mme [E] sont des attestations de complaisance ou partiales
- L'échange de SMS versé par Mme [E] (pièce 15) ne constitue pas une preuve probante.
En ce qui concerne l'utilisation abusive du téléphone portable
- Mme [E] ne conteste pas l'utilisation du téléphone portable durant les heures de travail, y compris après rappels oraux répétés.
- cette utilisation est établie par les attestations de M. [C] (pièce 22), Mme [I], juriste (pièce 42), M. M. supérieur hiérarchique (pièce 31) et Mme [I] (pièce 27).
- Un rappel des consignes strictes a pourtant été fait par courriel du 5 juillet 2017 (pièce 24).
En ce qui concerne la violation des règles de contrôle du temps de travail
- Mme [E] ne respectait pas la procédure de pointage quotidienne par courriel auprès de la direction (pièces employeur n° 24 et 32).
- Les absences de pointage sont répétées dans les transmissions en mai, juin, juillet 2017.
- Mme [E] a refusé de façon répétée de signer les plannings des mois de janvier, mars, avril, juin et juillet 2017.
- Mme [E] a délibérément violé les plannings et failli à ses obligations professionnelles, créant un climat délétère et pénalisant le fonctionnement du service.
- Son absence pendant une période cruciale a porté atteinte aux intérêts stratégiques de la société, notamment un contrat important avec le ministère de l'Intérieur.
- Son comportement le 6 juillet a constitué une insubordination manifeste, doublée d'agressivité à l'égard de son supérieur.
L'employeur mentionne et cite les pièces suivantes.
17 Lettre de licenciement du 31 juillet 2017
24 Courriel du 5 juillet 2017 : consignes téléphoniques et pointage
26 Attestation de Mme [C] sur absence et gestion difficile
27 Attestation de Mme [I] sur impact de l'absence
29 Contrat d'hébergement client (Ministère de l'Intérieur)
30 Contrat de travail Mme [C]
31 Attestation de M. M., directeur de la Résidence
32 Courriel du 17 septembre 2015 : procédures pointage
33-34 Plannings 2016 et 2017 (projets et définitifs)
37 Exemples de courriels de pointage manquants
42 Attestation de Mme [I], juriste
43 Attestation de Mme [H], juriste
46 CV Mme [C]
La convention collective HCR prévoit dans son article 29 «'Durée hebdomadaire du travail
La durée du travail est de quarante-deux heures pour les cuisiniers, quarante-trois heures pour les autres personnels, cinquante heures pour le personnel de gardiennage de nuit.
L'horaire de travail sera affiché par la direction ainsi que les dérogations et le service de pointage des entrées et sorties de chaque salarié devra être organisé par l'employeur.
Le temps de travail est compté à l'exclusion de l'habillage, du casse-croûte et des repas. Si le régime de la journée continue est institué, les employés disposeront de trente minutes pour le repas principal et ce temps sera compté dans le temps de travail'» et dans son article 30 «'Repos hebdomadaire
Après une période de travail effectif de cinq jours minimum, tout salarié aura droit globalement à un jour et demi de repos hebdomadaire à dater de la signature de la présente convention. La durée du travail hebdomadaire ne pourra dépasser six jours par semaine.
Ce repos peut être pris alternativement à raison d'une journée, une semaine et deux jours la semaine suivante. Dans ce dernier cas, les deux jours devront être consécutifs.
Il sera affiché un tableau des jours de repos et le jour fixé pourra être éventuellement changé avec l'accord de l'intéressé.'»
Le règlement intérieur mentionne au chapitre 2 «'le personnel est tenu de se conformer aux horaires de travail indiqués par la direction et affichés sur les panneaux réglementaires.
Les salariés doivent respecter l'horaire de travail affiché. La direction se réserve le droit de modifier les horaires selon les besoins et les nécessités des services, tout en respectant, sauf urgence ou évènement imprévisible, un délai minimum de 48 heures et les délais légaux de prévenance'».
La cour rappelle que le délai de prévenance est en général défini par la convention collective ou l'accord de branche et que lorsque ce n'est pas le cas, ce sont alors les préconisations du code du travail qui entrent en compte étant précisé que l'article 3121-47 précise que l'employeur doit respecter un délai de prévenance de 7 jours en cas de changement de durée ou d'horaires de travail.
A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que le licenciement de Mme [E] est sans cause réelle et sérieuse en raison des motifs suivants :
La charge de la preuve incombe à l'employeur, qui doit démontrer que les faits reprochés au salarié sont exacts, objectifs et suffisamment graves pour rendre impossible son maintien dans l'entreprise. Or, en l'espèce, les arguments et preuves apportés par la société L'Yser ne satisfont pas à ces exigences.
S'agissant des absences des 1er et 2 juillet 2017, il n'est pas établi que Mme [E] ait eu connaissance en temps utile du planning définitif qui l'obligeait à travailler ces jours-là. Les plannings produits pour le mois de juillet 2017 sont contradictoires (pièces employeur n° 15 et salarié n° 5 et 6) et de surcroît il ressort du planning de juin 2017 (pièce employeur n° 34) que Mme [E] a été absente le mercredi 28 juin, qu'elle était en repos le 29 et le 30 juin et aucun des éléments produits ne permet d'établir avec certitude que le planning modifié pour le 1er juillet 2017 a été affiché au plus tard le 27 juin 2017 comme le soutient l'employeur.
L'employeur n'établit pas non plus que les modifications du planning, notamment de la journée RTT du 6 juillet, ont été portées à la connaissance de Mme [E] dans les délais légaux'; en l'espèce aucun des éléments produits ne permet de retenir que le jour de RTT du 6 juillet 2017 a été fixé avec l'accord de Mme [E] en respectant un délai de prévenance de 2 semaines ou que la modification de la date de prise de jour de RTT au 6 juillet 2017 est intervenue dans le délai de prévenance de 7 jours.
Ces manquements à l'obligation d'information privent les absences des 1er et 2 juillet 2017 de caractère fautif ainsi que le fait que Mme [E] est venue au travail le 6 juillet 2017.
Concernant la présence de Mme [E] le 6 juillet 2017, la contestation porte aussi sur la légitimité de la journée de RTT imposée tardivement, sans respect du délai de prévenance. Son comportement contestataire, bien qu'incompatible avec l'ordre formel de son supérieur, s'analyse dans un contexte conflictuel où la validité de l'ordre a été légitimement discutée.
Compte tenu de ce contexte, la cour retient que les contestations formulées par Mme [E] le 6 juillet 2017 ne caractérisent pas un acte d'insubordination et ne sont pas fautives.
Enfin, les manquements relatifs à l'usage du téléphone portable, le non-respect du pointage quotidien et la non-signature de plusieurs plannings étaient jusque-là tolérés ou concernés d'autres salariés. Les manquements survenus à partir de juillet 2017, date à laquelle une politique plus stricte a été instaurée, ne sont pas établis sauf en ce qui concerne la non signature du planning de juillet 2017 sans que cela ne puisse lui être reproché puisque Mme [E] était en mise à pied conservatoire.
En conséquence, l'ensemble des faits invoqués ne permet pas de justifier un licenciement pour faute grave, ni même pour cause réelle et sérieuse.
Dès lors, la décision de licencier Mme [E] est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse comme le premier juge l'a retenu.
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a jugé que le licenciement de Mme [E] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Mme [E] demande par confirmation du jugement la somme de 10 207,50 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; la société L'Yser s'oppose à cette demande sans faire valoir de moyens sur le quantum.
Selon l'article L.1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés pour une ancienneté de 4 ans entre 3 et 5 mois de salaire.
Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de Mme [E], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement le préjudice de Mme [E] doit être évaluée à la somme non contestée en son quantum de 10'207,50 €.
Le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a condamné la société L'Yser à payer à Mme [E] la somme de 10'207,50 € au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents, l'indemnité de licenciement, le rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire et les congés payés afférents
Mme [E] demande par confirmation du jugement les sommes de':
- 3 402,50 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 340,25 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis,
- 2 162 € au titre de l'indemnité de licenciement,
- 1 391,93 € à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire,
- 139,20 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de mise à pied conservatoire.
En réplique, la société L'Yser s'oppose à ces demandes sans faire valoir de moyens sur le quantum.
Compte tenu de ce qui précède, le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a condamné la société L'Yser à payer à Mme [E] les sommes non contestées en leur quantum de':
- 3 402,50 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 340,25 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis,
- 2 162 € au titre de l'indemnité de licenciement,
- 1 391,93 € à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire,
- 139,20 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de mise à pied conservatoire.
Sur l'application de l'article L.1235-4 du code du travail
Le licenciement de Mme [E] ayant été jugé sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu à l'application de l'article L.1235-4 du code du travail ; en conséquence la cour ordonne le remboursement par la société L'Yser aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à Mme [E], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.
Sur les autres demandes
Il n'y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil en application desquelles les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du jugement.
En application de l'article L. 622-28 du code de commerce, l'ouverture de la procédure de sauvegarde judiciaire suspend le cours des intérêts au taux légal.
La société L'Yser étant en procédure de sauvegarde du 4 décembre 2023 au 4 décembre 2024, le cours des intérêts précités sera suspendu du 4 décembre 2023 au 4 décembre 2024.
Le jugement déféré est confirmé en ce qui concerne l'article 700 du code de procédure civile.
La société L'Yser qui succombe, supportera les dépens d'appel et sera condamnée en équité à payer à Mme [E] la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.
L'ensemble des autres demandes plus amples ou contraires formées en demande ou en défense est rejeté, leur rejet découlant nécessairement des motifs amplement développés dans tout l'arrêt.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Ajoutant,
Dit que les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par la société L'Yser de la convocation devant le bureau de conciliation et que les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du jugement ;
Dit que le cours des intérêts précités est suspendu du 4 décembre 2023 au 4 décembre 2024 ;.
Ordonne le remboursement par la société L'Yser aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à Mme [E], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage ;
Condamne la société L'Yser à payer à Mme [E] la somme de 3'000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ;
Condamne la société L'Yser aux dépens.
Le Greffier Le Président