CA Colmar, 3e ch. A, 8 septembre 2025, n° 24/02284
COLMAR
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
BNP Paribas Personal Finance (SA)
Défendeur :
Bnp Paribas Personal Finance (SA), Mjm (SELARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Fabreguettes
Vice-président :
M. Laethier
Conseiller :
Mme Deshayes
Avocats :
Me Hamann-Beck, Me Boudet
FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE
Monsieur [E] [R] et Madame [H] [W] ont, suivant contrat conclu hors établissement le 30 août 2011, passé commande à la Sarl BSD, agissant sous le nom commercial Futur Habitat, de la fourniture et de la pose d'une installation solaire photovoltaïque composée de douze panneaux photovoltaïques pour le prix de 23 000 €, financée au moyen d'un crédit affecté consenti le même jour par la société Sygma Banque aux droits de laquelle vient la Sa BNP Paribas Personal Finance, remboursable en 180 échéances mensuelles d'un montant de 201,45 € l'une, précédées d'un différé de paiement de 12 mois et avec des intérêts au taux effectif global de 5,91 % l'an, soit un coût global de 36 261 euros.
Faisant valoir que le vendeur a usé de réticence dolosive et les a trompés sur les performances et que le formalisme obligatoire prévu par le code de la consommation en cas de contrat conclu hors établissement n'a pas été respecté, Monsieur [E] [R] et Madame [H] [W] ont, par actes d'huissier signifiés le 3 juin et le 2 août 2022, fait assigner la Sa BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la Sa Sygma Banque et la Selarl MJM [X] & Associés, prise en la personne de Maître [N] [T], en sa qualité de mandataire ad hoc de la Sarl BSD, devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Sélestat, afin de voir prononcer la nullité du contrat de vente et celle consécutive du contrat de crédit, de voir condamner la société Sa BNP Paribas Personal Finance à leur rembourser les échéances payées jusqu'au jugement d'annulation, soit la somme de 15 703,10 € arrêtée au 20 mars 2023, le solde étant à parfaire et de voir condamner solidairement les défenderesses aux dépens et à leur payer la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Sa BNP Paribas Personal Finance a conclu à l'irrecevabilité des demandes pour cause de prescription de l'action et à défaut en raison de l'absence de mise en cause du liquidateur judiciaire de la société BSD, subsidiairement au rejet des demandes, a sollicité qu'il soit dit plus subsidiairement qu'elle n'a pas commis de faute, et à titre infiniment subsidiaire, a demandé qu'il soit dit et jugé que le préjudice subi du fait de la perte de chance de ne pas contracter le contrat de crédit litigieux ne peut être égal au montant de la créance de la banque. Elle a conclu au rejet du surplus des demandes et a sollicité condamnation des demandeurs solidairement à lui rembourser le montant du
capital prêté, déduction faite des échéances d'ores et déjà acquittées par les emprunteurs, ainsi qu'à les condamner aux dépens et à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La Selarl MJM [X] & Associés, prise en la personne de Maître [N] [T], en sa qualité de mandataire ad hoc de la Sarl BSD, n'a pas comparu.
Par jugement en date du 25 mars 2024, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Sélestat a :
- constaté que l'action de Monsieur [E] [R] et de Madame [H] [W] n'est pas prescrite,
- prononcé l'annulation du contrat de vente conclu le 30 août 2011 entre Monsieur [E] [R] et Madame [H] [W] d'une part et la Sarl BDS d'autre part,
- constaté l'annulation de plein droit du contrat de crédit affecté conclu le 30 août 2011 entre Monsieur [E] [R] et Madame [H] [W] d'une part et la BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la Sa Sygma Banque, d'autre part,
- dit que la BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la Sa Sygma Banque, a commis une faute dans le déblocage des fonds, limitant son droit au remboursement du capital prêté,
- fixé à 33 % la perte de chance subie par Monsieur [E] [R] et Madame [H] [W] du fait de la faute de la banque,
- condamné en conséquence Monsieur [E] [R] et Madame [H] [W] in solidum à rembourser à la BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la Sa Sygma Banque, la somme de 15 410 € sous déduction des échéances d'ores et déjà acquittées,
- rappelé que si la somme des échéances d'ores et déjà acquittées est supérieure à 15 410 €, la BNP Paribas Personal Finance doit restituer l'excédent à Monsieur [E] [R] et Madame [H] [W],
- condamné la BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la Sa Sygma Banque, aux dépens de l'instance,
- condamné la BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la Sa Sygma Banque, à payer à Monsieur [E] [R] et Madame [H] [W] la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- rappelé que la décision bénéficie de l'exécution provisoire de plein droit en toutes ses dispositions.
Pour se déterminer ainsi, le premier juge a retenu que concernant l'action en nullité pour dol, le point de départ du délai de prescription doit être fixé au 19 mars 2021, date d'établissement d'une expertise sur investissement marquant la découverte par les demandeurs de l'insuffisance de l'installation qu'ils invoquent, de sorte qu'elle n'est pas
prescrite ; qu'elle est mal fondée en ce que la preuve de man'uvres dolosives de la
société vendeuse n'est pas rapportée ; que le contrat est nul en ce qu'il ne mentionne ni la marque des panneaux solaires, ni leur puissance ou leur spécificité technique et ne spécifie pas avec précision le délai de livraison ainsi que l'exact calendrier des travaux avec leurs diverses tranches en ce compris la date des démarches administratives en vue de l'obtention de l'autorisation de la mairie ; que la banque a commis une faute en débloquant les fonds au profit de la société vendeuse sans vérifier la régularité formelle du contrat principal qui était affecté d'irrégularités apparentes pour un professionnel ; que le préjudice qui a été occasionné aux demandeurs doit être réparé à hauteur de la perte qu'ils ont subie de la chance, mieux informés, de ne pas souscrire le contrat litigieux et doit être évalué à 33 % de la somme empruntée.
La société BNP Paribas Personal Finance a interjeté appel à l'encontre de cette décision suivant déclaration en date du 18 juin 2024 et par dernières écritures notifiées le 29 avril 2025, a conclu à l'infirmation de la décision intervenue et a demandé à la cour statuant à nouveau de :
Vu les articles 1304 ancien, 2224, 1108 ancien et suivants, 1338 ancien, 1315 devenu 1353 du code civil,
Vu l'article L110-4 du code de commerce,
Vu l'article 9 du code de procédure civile,
Vu les articles L311-1 et suivants du code de la consommation dans leur version applicable en la cause ;
Vu la jurisprudence citée les pièces versées aux débats,
À titre principal
- déclarer Monsieur [E] [R] et Madame [H] [W] irrecevables en leurs prétentions pour cause de prescription de leur action,
A titre subsidiaire
- débouter Monsieur [E] [R] et Madame [H] [W] de l'intégralité de leurs prétentions, demandes, fins et conclusions telles que formulées à l'encontre de la BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la Sa Sygma Banque,
- dire et juger que le bon de commande régularisé le 30 août 2011 par Monsieur [E] [R] et Madame [H] [W] respecte les dispositions des anciens articles L 121-23 et suivants du code de la consommation dans la version applicable en la cause,
-à défaut, constater, dire et juger que Monsieur [E] [R] et Madame [H] [W] ont amplement manifesté leur volonté de renoncer à invoquer la nullité du contrat au titre des prétendus vices les affectant sur le fondement des anciens articles L 121-23 et suivants du code de la consommation et ce, en toute connaissance des dispositions applicables,
- constater la carence probatoire de Monsieur [E] [R] et Madame [H] [W],
- dire et juger que les conditions d'annulation du contrat principal de vente de panneaux photovoltaïques sur le fondement d'un prétendu dol ne sont pas réunies et qu'en conséquence le contrat de crédit affecté conclu par Monsieur [E] [R] et Madame [H] [W] avec la Sa Sygma Banque n'est pas annulé,
- en conséquence, débouter Monsieur [E] [R] et Madame [H] [W] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions telles que formulées à l'encontre de la Sa BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la Sa Sygma Banque et notamment de leur demande de remboursement des sommes d'ores et déjà versées au prêteur dans le cadre de l'exécution normale du contrat de crédit affecté litigieux consenti par la Sa Sygma Banque selon offre préalable acceptée le 30 août 2011,
- ordonner à Monsieur [E] [R] et Madame [H] [W] de poursuivre le règlement des échéances du prêt entre les mains de la société BNP Paribas Personal Finance conformément aux stipulations du contrat de crédit affecté accepté le 30 août 2011 et ce jusqu'au plus parfait paiement,
À titre très subsidiaire si la cour estimait devoir confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé l'annulation du contrat principal de vente et de manière subséquente constaté l'annulation de plein droit du contrat de crédit affecté,
- constater, dire et juger que la Sa Sygma Banque, aux droits de laquelle vient la Sa BNP Paribas Personal Finance, n'a commis aucune faute en procédant à la délivrance des fonds ni dans l'octroi du crédit,
- par conséquent, condamner solidairement Monsieur [E] [R] et Madame [H] [W] à rembourser à la société BNP Paribas Personal Finance le montant du capital prêté, déduction faite des échéances d'ores et déjà acquittées par les emprunteurs,
À titre infiniment subsidiaire, si la cour considérait que la banque a commis une faute dans le déblocage des fonds,
- dire et juger que le préjudice subi du fait de la perte de chance de ne pas contracter le contrat de crédit affecté litigieux ne peut être égal au montant de la créance de la banque,
- dire et juger que Monsieur [E] [R] et Madame [H] [W] conserveront l'installation des panneaux solaires photovoltaïques et de l'onduleur qui ont été livrés et posés à leur domicile par la société BSD (puisque ladite société a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, de sorte qu'elle ne se présentera jamais au domicile des consorts [Y] pour récupérer le matériel installé à leur domicile), que l'installation photovoltaïque fonctionne parfaitement puisque l'installation a bien été raccordée au réseau Enedis puis mise en service et que Monsieur [E] [R] et Madame [H] [W] perçoivent chaque année des revenus énergétiques grâce à l'installation photovoltaïque litigieuse,
- par conséquent, dire et juger que la société BNP Paribas Personal Finance ne saurait être privée de sa créance de restitution, compte tenu de l'absence de préjudice avéré pour Monsieur [E] [R] et Madame [H] [W],
- par conséquent, condamner solidairement Monsieur [E] [R] et Madame [H] [W] à rembourser à la société BNP Paribas Personal Finance le montant du capital prêté, déduction faite des échéances d'ores et déjà acquittées par les emprunteurs,
A titre infiniment subsidiaire, si la cour devait estimer que la banque a commis une faute dans le déblocage des fonds,
- dire et juger que le préjudice subi du fait de la perte de chance de ne pas contracter le contrat de crédit affecté litigieux ne peut être égal au montant de la créance de la banque,
- dire et juger que Monsieur [E] [R] et Madame [H] [W] conserveront l'installation des panneaux solaires photovoltaïques et de l'onduleur qui ont été livrés et posés à leur domicile par la société BSD (puisque ladite société a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, de sorte qu'elle ne se présentera jamais au domicile des consorts [Y] pour récupérer le matériel installé à leur domicile), que l'installation photovoltaïque fonctionne parfaitement puisque l'installation a bien été raccordée au réseau Enedis puis mise en service et que Monsieur [E] [R] et Madame [H] [W] perçoivent chaque année des revenus énergétiques grâce à l'installation photovoltaïque litigieuse,
- par conséquent, dire et juger que la Sa BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la Sa Sygma Banque ne saurait être privé de sa créance de restitution compte tenu de l'absence de préjudice avéré pour Monsieur [E] [R] et Madame [H] [W],
- par conséquent, condamner solidairement Monsieur [E] [R] et Madame [H] [W] à rembourser à la Sa BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la Sa Sygma Banque le montant du capital prêté, déduction faite des paiements d'ores et déjà effectués par les emprunteurs,
-à défaut, réduire à de biens plus justes proportions le préjudice subi par Monsieur [E] [R] et Madame [H] [W] et les condamner à restituer à la société BNP Paribas Personal Finance une fraction du capital prêté, qui ne saurait être inférieure aux deux tiers du capital prêté,
En tout état de cause,
- débouter Monsieur [E] [R] et Madame [H] [W] de leur demande en paiement de dommages et intérêts complémentaires telle que formulée à l'encontre de la Sa BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la Sa Sygma Banque, en l'absence de faute imputable au prêteur et à défaut de justifier de la réalité et du sérieux d'un quelconque préjudice qui serait directement lié à la prétendue faute que les consorts [Y] tentent vainement de mettre à la charge du prêteur,
- condamner solidairement Monsieur [E] [R] et Madame [H] [W] à payer à la Sa BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la Sa Sygma Banque, la somme de 3 500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum Monsieur [E] [R] et Madame [H] [W] aux entiers frais et dépens, y compris ceux d'appel.
Par dernières écritures notifiées le 3 juin 2025, Monsieur [E] [R] et Madame [H] [W] demandent à la cour de :
Vu les articles L 111 -1, L 114 -1, L 121 -1, L 121 -23, L 121 -24, L 121 -25, L 141-5, L 311-6, L 311-8, L 311-20, L 311-32,
Vu l'article 1116 du code civil,
Vu les articles 514 et 700 du code de procédure civile
- dire et juger la Sa BNP Paribas Personal Finance recevable en son appel mais mal fondée,
- déclarer Monsieur [E] [R] et Madame [H] [W] recevables en leur appel incident,
- infirmer le jugement du tribunal de proximité de Sélestat du 25 mars 2024 en ce qu'il a ordonné le remboursement par les acquéreurs à la Sa BNP Paribas Personal Finance de la somme de 15 410 €,
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf celle concernant le remboursement par les acquéreurs à la Sa BNP Paribas Personal Finance de la somme de 15 410 €,
Statuant à nouveau sur ce point
- condamner la Sa BNP Paribas Personal Finance à rembourser à Monsieur [E] [R] et Madame [H] [W] la somme de 26 183,41 € correspondant au montant déjà réglé arrêté au 24 novembre 2024, sans compensation avec la restitution du capital prêté, le solde devant être actualisé au jour du jugement et portant intérêt au taux légal à compter de la décision prononçant l'annulation du prêt,
Pour le surplus,
- confirmer la décision entreprise,
Subsidiairement,
Dans l'hypothèse où la cour rejetterait la demande en nullité du contrat en raison des irrégularités l'affectant,
- prononcer la nullité du contrat de vente conclu entre les acquéreurs et la société BSD sur le fondement du dol,
En tout état de cause,
- débouter la Sa BNP Paribas Personal Finance de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- confirmer la condamnation de la Sa BNP Paribas Personal Finance au paiement à Monsieur [E] [R] et Madame [H] [W] de la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance,
- condamner solidairement la Selarl [M] & Associés, représentée par Maître [N] [T], es qualité de mandataire de la société BSD et la Sa BNP Paribas Personal Finance au paiement à Monsieur [E] [R] et Madame [H] [W] de la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
- condamner solidairement la Selarl [M] & Associés, représentée par Maître [N] [T], es qualité de mandataire de la société BSD et la Sa BNP Paribas Personal Finance aux entiers frais et dépens de la procédure d'appel.
La Selarl [M] & Associés, représentée par Maître [N] [T], en qualité de liquidateur judiciaire de la Sarl BSD, à qui la déclaration d'appel et les conclusions d'appel ont été signifiées par actes des 19 septembres 2024, 23 décembre 2024, 16 avril 2025 et 13 juin 2025 remis à personne morale, n'a pas constitué avocat.
MOTIFS
Vu les dernières écritures des parties ci-dessus spécifiées et auxquelles il est référé pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, en application de l'article 455 du code de procédure civile ;
Vu les pièces régulièrement communiquées ;
À titre liminaire il est rappelé que :
- aux termes de l'article 954, alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n'examine les moyens au soutien de ses prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion,
- ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à ''dire et juger'', 'constater'', en ce que, hors les cas prévus par la loi, elles ne sont pas susceptibles d'emporter de conséquences juridiques, mais constituent en réalité des moyens ou arguments, de sorte que la cour ne statuera pas sur ces demandes dans le dispositif de l'arrêt.
Sur la prescription de la demande en nullité pour dol
En vertu des dispositions de l'article 1304 du code civil dans sa version applicable au litige, dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans. Ce temps ne court dans le cas de violence que du jour où elle a cessé ; dans le cas d'erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts.
En l'espèce, la Sa BNP Paribas Personal Finance soutien que le point de départ du délai de prescription quinquennale doit être fixé au jour de la signature de l'acte, de sorte que l'action est prescrite ; que le raisonnement retenu par le premier juge reviendrait à rendre imprescriptible une action en nullité.
Monsieur [E] [R] et Madame [H] [W], qui prétendent avoir été victimes de la réticence dolosive du vendeur, qui ne leur a pas permis de connaître les éléments de productivité de l'installation ni ne leur a communiqué des informations relatives à l'absence de rentabilité de l'installation, maintiennent, ainsi que l'a retenu le premier juge, que le point de départ de la prescription de leur action en nullité pour dol doit être fixé au jour où ils ont eu connaissance de l'intégralité des faits qui leur ont permis d'agir et que ce point de départ doit être fixé à la date du 19 mars 2021, date d'établissement sur leur demande d'un rapport d'expertise amiable non contradictoire, qui leur a révélé la connaissance du rendement escompté d'une installation photovoltaïque telle que la leur et leur a permis de confirmer leurs craintes concernant l'absence complète d'autofinancement et de rentabilité de leur installation ; qu'ils n'avaient pas connaissance de la cause de nullité affectant la relation avec le vendeur, ni même des éléments susceptibles d'être qualifiés de réticence dolosive, avant de consulter un professionnel en vue d'engager l'action.
Il doit toutefois être raisonnablement tenu pour acquis qu'après trois années consécutives de production, Monsieur [E] [R] et Madame [H] [W] ont été en mesure de se convaincre du rendement de leur installation, par rapport aux charges du financement et de la durée prévisible de fonctionnement du système photovoltaïque.
En effet, les factures qu'ils versent aux débats montrent que pour la période du 30 février 2017 au 2 février 2018, ils ont perçu un revenu annuel de 1 083,02 € au titre de l'énergie livrée à EDF, un revenu annuel de 1 384,68 € pour la période du 3 février 2019 au 2 février 2020 et un revenu annuel de 1 374,35 € pour la période du 3 février
2018 au 2 février 2019, ces montants rapportés à la charge financière annuelle de 2 417,40 euros au titre du remboursement crédit, leur permettant d'avoir conscience de ce que l'installation ne s'autofinançait pas.
L'expertise non contradictoire établie à la demande des acquéreurs le 19 mars 2021 par le Pôle Expert Nord Est n'ajoute aucun élément utile quant à la connaissance par les demandeurs du vice qu'ils allèguent, dans la mesure où elle ne fait que reprendre le rendement financier théorique moyen du matériel estimé à 112,6 € par mois par rapport à la mensualité du prêt affecté de 201,45 euros et en en déduisant qu'une durée de 27 ans est nécessaire pour amortir l'installation.
Compte tenu de la stabilité des revenus réels générés, systématiquement très en dessous du coût du remboursement du crédit, par l'installation photovoltaïque installée le 17 décembre 2011, il convient de fixer le point de départ de la prescription quinquennale au plus tôt en février 2015, de sorte que le délai de prescription de cinq ans était acquis à la date des assignations délivrées les 3 juin et 2 août 2022.
Le jugement déféré sera en conséquence infirmé de ce chef et la demande d'annulation du contrat de vente pour dol sera déclarée irrecevable.
Sur la prescription de la demande fondée sur la méconnaissance des dispositions du code de la consommation
En vertu de l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
L'appelante soutient que le point de départ de la prescription quinquennale relative à la méconnaissance des dispositions du code de la consommation doit être fixé au jour de la signature du contrat ; que de même, selon une jurisprudence constante, le point de départ de l'action en responsabilité contractuelle du banquier se situe au jour de l'octroi du crédit.
Les intimés font valoir que leur demande est recevable en ce qu'au jour de la signature des contrats, ils ne pouvaient connaître les éventuels manquements et fautes commis par le vendeur et la banque.
En l'espèce, l'action n'est pas prescrite, en ce que les acquéreurs n'étaient pas en mesure de déceler par eux-mêmes, à la lecture du contrat principal, la violation des dispositions du code de la consommation et ne pouvaient avoir connaissance dès cette date de l'action en nullité qui s'ouvrait à eux, alors que le seul fait que le contrat reproduise des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à peine de nullité à un contrat conclu hors établissement, ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions.
L'appelante ne propose pas d'élément permettant d'établir que les appelants avaient ou auraient dû avoir, dès la signature du contrat conclu avec la société BSD, une connaissance des causes de nullité l'affectant et d'agir, tant à l'encontre de la société vendeuse que de la banque pour le financement d'un bon de commande manifestement nul.
Il résulte de ces énonciations que la société appelante n'administrant pas la preuve de la prescription de l'action en nullité du contrat de vente, la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a déclaré recevable la demande formée par Monsieur [E] [R] et Madame [H] [W].
Sur la demande en nullité du contrat de vente pour méconnaissance des dispositions du code de la consommation
Aux termes de l'article L. 121-23, dans sa version applicable au litige, les opérations visées à l'article L. 121-21 doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat et comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes :
1° Noms du fournisseur et du démarcheur ;
2° Adresse du fournisseur ;
3° Adresse du lieu de conclusion du contrat ;
4° Désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés ;
5° Conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens, ou d'exécution de la prestation de services ;
6° Prix global à payer et modalités de paiement ; en cas de vente à tempérament ou de vente à crédit, les formes exigées par la réglementation sur la vente à crédit, ainsi que le taux nominal de l'intérêt et le taux effectif global de l'intérêt déterminé dans les conditions prévues à l'article L. 313-1 ;
7° Faculté de renonciation prévue à l'article [3] 121-25, ainsi que les conditions d'exercice de cette faculté et, de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26.
En l'espèce, Monsieur [E] [R] et Madame [H] [W] critiquent le bon de commande en ce qu'il ne contient pas la description précise et les caractéristiques des biens proposés et ne comporte aucune indication sommaire des biens et services proposés ; qu'il n'indique notamment ni la marque, ni la référence, ni la puissance, ni le poids, ni la dimension, ni l'inclinaison des panneaux, ni leur modèle, ni leur type (mono ou polycristallins) et la méthode d'incorporation au bâti, la marque, les références, la puissance et le type de l'onduleur. Ils soulignent également que la date précise de livraison est remplacée par une date limite ; que le bon de commande n'est pas conforme aux dispositions de l'article R 121 -3 du code de la consommation en ce qu'il ne comporte pas la phrase « si vous annulez votre commande, vous pouvez utiliser le formulaire détachable ci-contre » ; que les modalités de paiement ne sont pas indiquées correctement et que plusieurs informations relatives au vendeur ne sont pas mentionnées sur le bon de commande, notamment celles relatives à son statut et à sa forme juridique, à son numéro d'inscription au registre du commerce et des sociétés et à son numéro d'assujettissement à la TVA.
La Sa BNP Paribas Personal Finance maintient que la Sarl BSD a respecté les exigences légales relatives aux mentions devant figurer sur le contrat.
L'examen de commande permet pourtant de constater que ne sont mentionnés ni la marque, ni la puissance des panneaux photovoltaïques et de l'onduleur ni aucune autre indication sur la technologie mise en 'uvre et sur la méthode d'installation de ces équipements, qui ne sont décrits que selon la mention sibylline suivante « kit 12 PU sollicristallin+ onduleur ».
Ainsi que l'a retenu à juste titre le premier juge, la nullité du contrat, qui ne contient aucune description des caractéristiques essentielles des biens, est encourue de ces chefs sans qu'il soit nécessaire à la solution du litige d'examiner les autres moyens allégués.
Il résulte de l'article 1338 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que la confirmation d'une obligation contre laquelle la loi admet l'action en nullité peut résulter de l'exécution volontaire de l'obligation après l'époque à laquelle l'obligation pouvait être valablement confirmée ou ratifiée et que cette exécution volontaire dans les formes et à l'époque déterminée par la loi, emporte la renonciation aux moyens et exceptions que l'on pouvait opposer contre cet acte, sans préjudice néanmoins du droit des tiers.
Ainsi, l'exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation de ce contrat.
La Sa BNP Paribas Personal Finance fait valoir que le contrat rappelle, en caractères parfaitement lisibles, les dispositions du code de la consommation relatives au démarchage à domicile, ce qui aurait permis aux acquéreurs d'avoir pleinement conscience du vice affectant le bon de commande ; qu'ils ont manifesté leur intention de confirmer le contrat nul en l'exécutant volontairement, en acceptant la livraison et la pose des panneaux et de l'onduleur sans la moindre réserve et en acceptant le déblocage des fonds au profit du vendeur, en ce qu'ils n'ont pas fait usage de leur droit de rétractation dans le délai légal ; qu'ils acquittent le règlement des échéances du prêt depuis plusieurs années ; qu'ils ont attendu plus de dix ans après la mise en service de leur installation pour l'assigner, ainsi que le liquidateur judiciaire de la société défenderesse, en annulation des contrats, alors qu'ils ont signé avec EDF un contrat d'achat de l'électricité produite par leur installation photovoltaïque.
Cependant, aucune de ces circonstances ne caractérise la connaissance par Monsieur [E] [R] et Madame [H] [W] des irrégularités affectant le contrat de vente au moment de la souscription du contrat ou de son exécution, étant rappelé que la seule reproduction, même lisible, des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat.
C'est donc à mauvais escient que la société appelante, qui ne rapporte pas la preuve de circonstances qui auraient permis de conclure à la connaissance effective du vice par les contractants consommateurs, fait valoir que le contrat aurait fait l'objet d'une confirmation de leur part, étant rappelé que l'intention de réparer le vice ne se confond pas avec l'exécution du contrat.
Il suit de l'ensemble de ces énonciations que la nullité du contrat de vente a été prononcée à bon escient par le premier juge, entraînant la nullité subséquente du contrat de crédit conformément aux dispositions de l'article L 311-32 du code de la consommation.
Sur les conséquences de l'annulation du contrat de vente et du contrat de crédit
Conformément à la jurisprudence acquise, traduite ensuite dans les dispositions de l'article 1178 du code civil issu de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé ; les prestations exécutées donnent lieu à restitution.
En cas de résolution ou d'annulation d'un contrat de crédit affecté, en conséquence de celle du contrat constatant la vente ou la prestation de services qu'il finance, la faute du prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, ne dispense l'emprunteur de restituer le capital emprunté que si celui-ci justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.
En tant que professionnelle du crédit, la Sa Sygma Banque, aux droits de laquelle vient la Sa BNP Paribas Personal Finance, a incontestablement commis une faute en décaissant au profit du vendeur les fonds objets du contrat de crédit sans s'assurer de la régularité du bon de commande aux regard des dispositions impératives du code de la consommation.
En raison de la liquidation judiciaire de la Sarl BSD, les appelants se trouvent privés de la possibilité d'obtenir du vendeur manifestement insolvable la restitution du prix de vente du matériel dont ils ne sont plus propriétaires et sont ainsi privés de la contrepartie de la restitution de ce bien.
Ils subissent de ce fait un préjudice qui ne l'aurait pas été sans la faute de la banque.
Ce préjudice est égal au montant du capital prêté, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge.
La Sa BNP Paribas Personal Finance sera donc condamnée à restituer aux emprunteurs la somme de 19 742,10 € à ce titre, outre le montant des intérêts et frais qu'ils ont versés en exécution du contrat annulé, soit la somme de 6 441,31€, soit au total la somme de 26 183,41 € portant intérêt au taux légal à compter du jugement déféré.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Les dispositions du jugement déféré quant aux frais et dépens seront confirmées.
Partie perdante, la Sa BNP Paribas Personal Finance sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile et sera débouté de sa demande formée au titre de l'article 700 du même code.
Il sera alloué aux intimés la somme de 2 000 € au titre des frais non compris dans les dépens qu'ils ont dû exposer pour défendre leurs droits en appel, à la charge de la société appelante.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,
INFIRME la décision déférée en ce qu'elle déclare recevable la demande en nullité du contrat de vente pour dol et en ce qu'elle a limité à la somme de 15 410 € le montant du remboursement mis à la charge de la Sa BNP Paribas Personal Finance,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
DECLARE irrecevable car prescrite la demande de nullité du contrat de vente pour dol,
CONDAMNE la Sa BNP Paribas Personal Finance à rembourser à Monsieur [E] [R] et Madame [H] [W] la somme de 26 183,41 € au titre des montants acquittés en exécution du contrat de crédit, augmentée des intérêts au taux légal à compter du jugement déféré,
CONFIRME le jugement déféré pour le surplus,
Y ajoutant,
CONDAMNE la Sa BNP Paribas Personal Finance à payer à Monsieur [E] [R] et Madame [H] [W] la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
DEBOUTE la Sa BNP Paribas Personal Finance de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles d'appel,
CONDAMNE la Sa BNP Paribas Personal Finance aux dépens de l'instance d'appel.