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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 10 septembre 2025, n° 23/10255

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Groupe Ecole Supérieure des professions immobilières (Sté)

Défendeur :

Groupe Ecole Supérieure des professions immobilières (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Brun-Lallemand

Conseiller :

M. Richaud

Conseiller :

Mme Dallery

Avocats :

Me Domain, Me Robert, Me Douëb

T. com. Paris, du 11 avr. 2023, n° 20200…

11 avril 2023

FAITS ET PROCÉDURE

Une collaboration s'est engagée à compter du 20 avril 2009, date de la concession de la marque 'ESPI', entre l'association Groupe Ecole supérieure des professions immobilières (ci-après le Groupe ESPI), qui rassemble des établissements privés de formation aux professions immobilières et dispense un enseignement technique supérieur reconnu par l'Etat, et M. [Y] [W] pour implanter au Maroc un établissement dispensant la même formation et respectant la même méthodologie d'enseignement que celles pratiquées par le groupe ESPI.

M. [W] a créé en 2009 la société Ecole supérieure des professions immobilières (ci-après 'ESPI Maroc'), société commerciale de droit marocain, qui a pour activité la formation en management, et a déposé la marque semi figurative ECOLE SUPERIEURE DES PROOFESSIONS IMMOBILIERES MAROC ' ESPI à l'Office marocain de la propriété industrielle et commerciale le 25 février 2010.

Le 4 juillet 2011, un contrat de cession de marque a été conclu entre M [W] et l'ESPI aux fins de rétrocession de la marque à l'ESPI à effet du 1er janvier 2012, concomitamment à la conclusion d'une convention de partenariat globale entre l'ESPI et l'antenne marocaine de cette école supérieure de formation.

Une nouvelle convention de partenariat a été conclue pour une durée expirant le 31 décembre 2019 prévoyant que la redevance calculée sur le chiffre d'affaires réalisé et encaissé par ESPI Maroc ne serait plus reversée au Groupe ESPI mais directement utilisée sur place à des fins de communication et de développement des activités d'ESPI Maroc, étant précisé qu'à défaut la redevance ferait l'objet d'une facturation exigible.

A l'occasion du partage des frais engendrés par une manifestation organisée en commun à [Localité 5] en mars 2016, le Groupe ESPI a adressé à l'ESPI Maroc une lettre de mise en demeure le 29 juin 2016 et le 1er août suivant, a informé l'ESPI Maroc de la résiliation de la convention.

Par courrier du 5 septembre 2016, le Groupe ESPI a confirmé à l'ESPI Maroc que la résiliation du contrat était justifiée compte tenu de ses manquements graves et répétés dans l'exécution de leur partenariat, par application de l'article 10 de la convention, lui rappelant qu'il lui est interdit d'utiliser la marque.

Par lettre recommandée du 8 décembre 2016, le Groupe ESPI a mis en demeure l'ESPI Maroc et M [Y] de ne plus utiliser la marque ESPI.

Par lettre recommandée du 20 juin 2018, l'ESPI Maroc a sollicité la réparation de ses préjudices causés par la rupture abusive et brutale du contrat de partenariat par le Groupe ESPI.

C'est dans ces conditions que, par acte du 9 avril 2020, la société ESPI Maroc et M. [Y] [W] ont assigné le Groupe ESPI devant le tribunal de commerce de Paris pour obtenir réparation de leurs préjudices.

Par jugement du 11 avril 2023, le tribunal de commerce de Paris a :

- N'a pas droit à l'exception d'incompétence soulevée par le Groupe ESPI ;

- Débouté la société ESPI Maroc et M. [Y] [W] de leurs demandes au titre d'une rupture brutale de relation commerciale établie ;

- Débouté M. [Y] [W] de sa demande d'indemnisation de 150 000 euros ;

- Débouté le Groupe ESPI de sa demande de 15 273 euros au titre des redevances 2017 et 2018 ;

- Débouté le Groupe ESPI de sa demande de 39 276 euros correspondant aux frais du colloque ;

- Débouté le Groupe ESPI de sa demande de 10 182 euros au titre de dommages et intérêts ;

- Débouté le Groupe ESPI de ses demandes de 30 000 euros et 30 000 euros au titre d'un préjudice moral et d'images ;

- Ordonné à la société ESPI Maroc et M. [Y] [W], directement ou indirectement de cesser toute utilisation de la marque ESPI, du logo ESPI, de la charte graphique ESPI, du nom commercial ESPI, du contenu de la formation 'Gestion des affaires immobilières' et ce, sous peine du versement, pour chacun des Défendeurs, d'une somme de 5 000 euros à titre de réparation par faute aux dispositions de la convention constaté, étant précisé que la marque au sens de la convention est : La marque semi-figurative ECOLE SUPERIEURE DES PROFESSIONS IMMOBILIERES MAROC déposée le 25 février 2010 sous le numéro 129108 à l'Office Marocain de la Propriété Industrielle et Commerciale. La marque nominative ESPI déposée à l'OMPI avec revendication du délai de priorité du dépôt français de cette marque ;

- Ordonné à la société ESPI Maroc de modifier sa dénomination sociale. A cet effet, la société ESPI Maroc fournira un extrait de k-bis attestant de la modification du nom commercial dans un délai d'un mois suivant le prononcé du présent jugement et ce sous peine d'astreinte de 300 euros par jour de retard, pendant un délai de deux mois.

- Débouté les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la société ESPI Maroc et M. [Y] [W] à supporter les dépens dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 95,13 euros dont 15,64 euros de TVA.

La société ESPI Maroc et M. [Y] [W] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration reçue au greffe de la Cour le 9 juin 2023.

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées par la voie électronique le 7 avril 2025, la société ESPI Maroc et M. [Y] [W] demandent à la Cour de :

Déclarer recevables et bien fondés la société ESPI Maroc et Monsieur [Y] [W] en leur appel.

Y faisant droit

Réformer le jugement rendu le 11 avril 2023 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a :

- Débouté la société ESPI Maroc et Monsieur [Y] [W] de leurs demandes au titre d'une rupture brutale de relation commerciale établie et d'expertise et de leurs demandes au titre d'une rupture abusive,

- Jugé que la relation commerciale entretenue par les parties n'avait pas le caractère commercial établi exigé par le texte (article L 442-I, II du code de commerce),

- Débouté Monsieur [Y] [W] de sa demande d'indemnisation de 150 000 euros,

- Ordonné à la société ESPI MAROC et Monsieur [Y] [W], directement ou indirectement de cesser toute utilisation de la marque ESPI, du logo ESPI, de la charte graphique ESPI, de nom commercial ESPI , du contenu de la formation « Gestion des affaires immobilières » et ce, sous peine du versement, pour chacun des défendeurs, d'une somme de 5 000 euros à titre de réparation par faute aux dispositions de la convention constatée, étant précisé que la marque au sens de la convention est : la marque semi-figurative ECOLE SUPERIEURE DES PROFESSIONS IMMOBILIERES MAROC déposée le 25 février 2010 sous le numéro 129108 à l'office marocain de la propriété industrielle et commerciale. La Marque nominative ESPI déposée à l'OMPI avec revendication du délai de priorité du dépôt français de cette marque,

- Ordonné à la société ESPI Maroc de modifier sa dénomination sociale. A cet effet, la société ESPI Maroc fournira un extrait k-bis attestant de la modification du nom commercial dans le délai d'un mois suivant le prononcé du présent jugement et ce sous peine d'astreinte de 300 euros par jour de retard, pendant un délai de deux mois,

- Débouté les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné à la société ESPI Maroc et Monsieur [Y] [W] à supporter les dépens dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 95,13 euros dont 15,64 euros de TVA.

Statuant à nouveau, il est demandé à la Cour de :

- Juger que le Contrat de partenariat venait à échéance le 31 décembre 2019,

- Juger brutale la rupture de la relation commerciale établie entre la société ESPI Maroc et le Groupe ESPI,

Y ajoutant ;

- Juger abusive la rupture du contrat de partenariat dont la date d'échéance était fixée au 31 décembre 2019,

En conséquence :

Condamner le Groupe Ecole Supérieure des Professions Immobilières (Groupe ESPI) à verser à ESPI MAROC les sommes suivantes :

- 1 398 000 euros au titre du préjudice commercial.

- 380 956 euros au titre du manque à gagner.

- 600 000 euros au titre de la perte du fonds de commerce

Condamner le Groupe Ecole Supérieure des Professions Immobilières (Groupe ESPI) à verser à Monsieur [Y] [W] la somme de 150 000 euros au titre de son préjudice personnel.

Subsidiairement,

Désigner tel expert qu'il plaira à la Cour avec pour mission de donner toutes explications utiles et nécessaires pouvant permettre de déterminer et quantifier les préjudices subis par ESPI Maroc et de dresser rapport,

Sur l'appel incident de Groupe ESPI

Vu l'article 562 du Code de Procédure Civile

Juger que l'effet dévolutif n'opère pas.

Subsidiairement, pour le cas où la Cour s'estimerait néanmoins saisie de ces chefs,

Débouter le Groupe ESPI de l'intégralité de ses demandes en les déclarant mal fondées

En conséquence

En tout état de cause

Confirmer le jugement entrepris des chefs suivants :

- N'a pas fait droit à l'exception d'incompétence soulevée par le Groupe ESPI,

- Débouté le Groupe ESPI de sa demande de 15 273 euros au titre des redevances 2017 et 2018,

- Débouté le Groupe ESPI de sa demande de 39 276 euros correspondant aux frais de colloque,

- Débouté le Groupe ESPI de sa demande de 10 182 euros au titre de dommage et intérêts,

- Débouté le Groupe ESPI de ses demandes de 30 000 euros et 30 000 euros au titre d'un préjudice moral et d'image,

- Débouté le Groupe ESPI de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Condamner le Groupe Ecole Supérieure des Professions Immobilières (Groupe ESPI) au paiement d'une somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le condamner aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées par la voie électronique le 6 octobre 2024, l'association Groupe ESPI demande à la Cour de :

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il déboute la société ESPI Maroc et par Monsieur [Y] [W] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,

À titre principal :

- Confirmer le Jugement entrepris en ce qu'il décide que l'Association Groupe ESPI et la société ESPI Maroc n'entretenait pas des relations commerciales

À titre subsidiaire,

- Juger que la résiliation n'est ni brutale ni abusive

À titre plus subsidiaire,

- Juger que la société ESPI Maroc et Monsieur [Y] [W] ne justifient d'aucun préjudice

À titre infiniment subsidiaire

- Désigner tel expert qu'il plaira à la Cour pour donner son avis sur le préjudice subi par la société ESPI Maroc et sur le préjudice résultant des actes de concurrence déloyale subi par le Groupe ESPI.

- Confirmer le Jugement entrepris en ce qu'il a :

« - Ordonné à la société ESPI MAROC et M. [Y] [W], directement ou indirectement de cesser toute utilisation de la marque ESPI, du logo ESPI, de la charte graphique ESPI, du nom commercial ESPI, du contenu de la formation "Gestion des affaires immobilières" et ce, sous peine du versement, pour chacun des Défendeurs, d'une somme de 5 000 euros à titre de réparation par faute aux dispositions de la convention constatée, étant précisé que la marque au sens de la convention est : La marque semi-figurative ÉCOLE SUPÉRIEURE DES PROFESSIONS IMMOBILIÈRES MAROC déposée le 25 février 2010 sous le numéro 129108 à l'Office Marocain de la Propriété Industrielle et Commerciale. La marque nominative ESPI déposée à l'OMPI avec revendication du délai de priorité du dépôt français de cette marque,

- Ordonné à la société ESPI MAROC de modifier sa dénomination sociale et à cet effet, de fournir un extrait K-bis ou équivalent attestant de la modification du nom commercial dans un délai d'un mois sous peine d'astreinte de 300 euros par jour de retard, pendant un délai de deux mois. »

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il n'a pas fait droit aux demandes financières reconventionnelles du Groupe ESPI

En conséquence :

- Condamner la société ESPI Maroc à payer à l'association Groupe ESPI la somme de 15 273 euros au titre des redevances des exercices 2014 à 2016.

- Condamner la société ESPI Maroc à payer à l'association Groupe ESPI la somme de 39 276 euros au titre des frais du colloque de [Localité 5].

- Condamner la société ESPI Maroc à payer à l'association Groupe ESPI la somme de 10 182 euros au titre des redevances des exercices 2017 et 2018.

- Condamner solidairement la société ESPI Maroc et Monsieur [Y] [W] à payer au Groupe ESPI la somme de 30 000 euros en réparation de son préjudice au titre de la concurrence déloyale.

- Condamner solidairement la société ESPI Maroc et Monsieur [Y] [W] à payer au Groupe ESPI la somme de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral et de son préjudice d'image.

En tout état de cause,

- Condamner solidairement la société ESPI Maroc et Monsieur [Y] [W] à payer au Groupe ESPI la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

- Condamner solidairement la société ESPI Maroc et Monsieur [Y] [W] aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Thierry Doueb, avocat aux offres de droit, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 avril 2025.

Par des conclusions déposées et signifiées par voie électronique le 11 avril 2025, l'association Groupe ESPI sollicite de la Cour, à titre préliminaire le rejet des débats des dernières conclusions d'Appelant n°3 ainsi que sa dernière piècen°76 (non communiquée) de la société Espi Maroc.

La Cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Sur le rejet des conclusions d'appelant n°3déposées et notifiées le 7 avril 2025 et de la pièce 76

La Cour constate que dans ses dernières écritures antérieures à l'ordonnance de clôture, la société ESPI Maroc et M [W] se bornent à répondre à la production de la pièce 27 intitulé « Memorandum of understanding » par le Groupe ESPI pour en conclure que ce document conforte bien l'existence d'une activité commerciale développée par ce dernier.

S'agissant d'une simple réponse à un moyen, la demande tendant à voir écarter ces conclusions n°3 ne se justifie pas, en l'absence de violation du principe de la contradiction.

En revanche, la production d'une nouvelle pièce portant le numéro 76 par les appelants, deux jours avant la clôture, doit être écartée des débats sur le fondement des articles 15 et 16 du code de procédure civile.

Sur la rupture brutale des relations commerciales établies

Exposé des moyens

La société ESPI Maroc soutient que les parties entretenaient des relations commerciales depuis 2009, qu'en effet, la relation reposait sur une prestation fournie par le Groupe ESPI en contrepartie d'une redevance calculée sur le chiffre d'affaires réalisé et encaissé chaque année (article 8 du contrat de coopération du 22 avril 2009 et article 6 du contrat de licence de marque), que de 2012 à 2016, les redevances ont été affectées, d'un commun accord des parties, aux dépenses de communication, de sorte que selon elle, le Groupe ESPI avait un intérêt économique à la convention de partenariat.

Elle affirme que la relation commerciale entre les parties était stable. A cet égard, elle invoque l'article 2-4 de la convention de partenariat de 2014, prévoyant une assistance commerciale du Groupe ESPI, ainsi que l'article 11.2 du contrat de partenariat de 2012 prévoyant une période de transition pour que le partenaire puisse réorienter ses activités.

Elle explique que la relation commerciale entre les parties est ancienne puisque le campus ESPI Maroc a fait partie du réseau d'écoles partenaires de 2009 à 2019 et dit justifier également de la stabilité de la relation commerciale établie par les fréquentes visites du directeur du Groupe ESPI. Elle reproche au tribunal d'avoir retenu que le paiement annuel d'une redevance de marque ne qualifiait pas une relation commerciale établie, alors que selon elle, la succession de trois contrats sur la période allant de 2009 à 2014, l'exclusivité dans ce secteur d'activité, la nature de l'activité, l'existence d'investissement effectués par elle et le chiffre d'affaires réalisés caractérisent l'existence d'une relation commerciale établie au sens de l'article L. 442-1 II du code de commerce.

L'appelante dit que les parties étaient en relations commerciales depuis plus de sept ans lorsque le Groupe ESPI a adressé une lettre de résiliation datée 1er août 2016 reçue le 30 août, sans respecter aucun délai de préavis alors que l'article 11.2 de la convention de partenariat de 2012 prévoyait un délai pouvant aller jusqu'à deux ans pour lui laisser le temps nécessaire pour modifier sa dénomination sociale, de sorte que le Groupe ESPI n'a respecté ni la date de fin du contrat, ni le délai de transition de 2 ans conventionnellement arrêté.

Le Groupe ESPI rétorque que l'objectif du partenariat était de créer une coopération pédagogique avec l'ESPI Maroc et non de générer des bénéfices. Il fait valoir qu'il ne recevait aucune contrepartie pour son engagement et ses actions dans le cadre de la convention de partenariat, faisant de surcroît observer avoir accepté que la redevance de la licence de marque ne soit pas payée mais réinvestie dans un programme de communication arrêté annuellement par les parties. Il affirme n'avoir jamais perçu la moindre somme au titre du contrat de partenariat du 5 juillet 2014, soutient que l'ESPI Maroc ne se considérait pas non plus comme un partenaire commercial puisqu'il ne lui fournissait aucun élément comptable et ne sollicitait aucune approbation de ses activités.

Il soutient que l'unique renouvellement du partenariat, par signature d'une convention de partenariat le 5 juillet 2014 ne peut caractériser une relation commerciale établie et que le caractère établi n'est pas constitué lorsque les rapports contractuels entre les parties sont ponctués d'incidents majeurs. L'intime estime que la relation entre les parties n'était ni commerciale ni établie.

Il poursuit qu'il n'y a pas de rupture brutale puisqu'en vertu de l'article 10 de la convention de partenariat, en cas d'inexécution, la partie peut résilier sans autres formalités que le respect d'un délai de 30 jours après l'envoi d'une mise en demeure.

Il ajoute que dans les faits, l'ESPI Maroc a bénéficié d'une période transitoire de 2 ans, car il n'a pas voulu pénaliser les élèves de cet établissement, continuant à délivrer tous les diplômes jusqu'au mois de novembre 2018 alors que la résiliation est intervenue au mois de juillet 2016.

Réponse de la Cour

La rupture brutale alléguée en ce qu'elle se situerait avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019, relève de l'article L. 442-6, I 5° (ancien) du code de commerce.

Cet article dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait pour le producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce ou par des accords interprofessionnels.

La relation, pour être établie au sens des dispositions susvisées doit présenter un caractère suivi, stable et habituel. Le critère de la stabilité s'entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper une certaine continuité de flux d'affaires avec son partenaire commercial. L'absence de contrat écrit n'est pas incompatible avec l'existence d'une relation établie.

En l'espèce, la convention de coopération signée par les paries le 22 avril 2009, prévoit une coopération pour le développement des échanges pédagogiques entre les deux institutions ainsi que pour promouvoir un enseignement de qualité et la mise en 'uvre de différentes activités de formation.

Seule une compensation financière en application du contrat de licence de marque est prévue à l'article 8 sous la forme d'une commission sur le chiffre d'affaires de 2% la première année, de 3% l'année suivante et de 5% à compter de la troisième année.

Le 5 juillet 2012, une nouvelle convention s'est substituée à la précédente pour une durée expirant au 31 décembre 2019, prévoyant qu'une redevance annuelle constituée de 5% du chiffre d'affaires HT sera réinvestie par ESPI Maroc à des fins de communication et de développement de ses activités.

Au vu de ces éléments, le tribunal a justement retenu que le versement d'une redevance de marque ne qualifiait pas une relation commerciale établie, étant de surcroît observé que cette redevance n'était plus versée par ESPI Maroc au Groupe ESPI mais devait être réinvestie à des fins de communication et de développement de ESPI Maroc. En effet, le Groupe ESPI ne recevait aucune contrepartie pour son engagement et ses actions dans le cadre de la convention de partenariat conclue avec l'ESPI Maroc. En outre, la seule mention à l'article 2.4 « Assistance commerciale » de la convention de partenariat, prévoyant que le Groupe ESPI s'engageait à communiquer via son site internet ou sa communication institutionnelle toutes informations utiles au Partenaire et à accompagner son Partenaire sur ce Plan, s'inscrit dans le cadre de la coopération et non de relations commerciales.

Par ailleurs, est indifférente à cet égard, la circonstance que le site mentionne que le Groupe EPSI est dorénavant en partenariat avec une nouvelle école au Maroc, ENAT Tetouan Maroc.

Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté la société ESPI Maroc de sa demande fondée sur la rupture brutale des relations commerciales établies.

Sur la rupture abusive de la convention

Exposé des moyens

La société ESPI Maroc qui se prévaut des articles 1103, 1104 ,1224, 1225 et 1226 du code civil, soutient qu'elle a été victime d'une rupture abusive en ce que le Groupe ESPI avait pour but de rompre les rapports contractuels afin de s'approprier le marché qu'elle avait mis en place et développé sur le territoire marocain.

Selon elle, la clause résolutoire du contrat doit être écartée en ce qu'elle ne précise pas de manière claire et précise les hypothèses dans lesquelles elle peut être mise en 'uvre. Aussi, elle estime que le contrat aurait dû se poursuivre jusqu'à son terme, le 31 décembre 2019, et respecter par la suite une période de transition de deux ans.

Elle ajoute avoir répondu à chacun des griefs de manière précise et détaillée dans ses courriers des 27 juillet et 29 octobre 2016.

Le Groupe ESPI rétorque que la rupture est fondée sur des manquements graves et répétés, soutenant que l'ESPI Maroc n'a respecté ni les dispositions contractuelles relatives à la redevance (articles 3.1 et 3.2), ni celles relatives au transfert de savoir-faire (articles 7.1, 7.2 et 7.3), ce qui justifie la résiliation de la convention de partenariat sur le fondement de son article 10 ainsi que de l'article 1147 du code civil.

Il illustre ces manquements relatifs à la redevance par l'absence de communication des plans d'action de communication de l'ESPI Maroc, plans qui devaient pourtant être validés annuellement par les deux parties puisque c'était la condition d'exonération du paiement de la redevance. Il ajoute que la demande de paiement d'un montant de 9 000 euros correspondant au coût du temps passé à la préparation du colloque par M. [W], que lui a adressée l'ESPI Maroc, démontre la prise de décision unilatérale de cette dernière en matière de budget de communication, outre le manquement à l'engagement de prendre en charge sa quote-part des frais du colloque. Au surplus, il fait valoir que le budget de communication de l'ESPI Maroc n'a cessé de diminuer pendant le partenariat alors que le secteur de l'immobilier était en plein essor dans ce pays.

S'agissant de la violation des dispositions relatives au transfert de savoir-faire, il fait valoir que l'ESPI Maroc ne lui a adressé aucun « reporting » ni participé à aucun « CODIR », rendant impossible l'évaluation de la qualité des formations dispensées par l'ESPI Maroc.

Il ajoute que l'ESPI Maroc n'a adressé aucun des documents demandés et ne justifie pas l'exécution de la convention de partenariat.

Enfin, il soutient que les manquements du partenaire dans l'exécution de ses obligations contractuelles excluent le délai de préavis stipulé à l'article 11.

Au surplus, il fait valoir que dans les faits, ESPI Maroc a continué d'exploiter la licence de marque ainsi qu'à dispenser des formations sous le nom EPSI et que ses étudiants ont reçu les diplômes demandés par EPSI Maroc jusqu'au mois de novembre 2018.

Réponse de la Cour

La convention de partenariat faisant la loi des parties stipule en son article 10 « Clause résolutoire » :

« Dans l'hypothèse où l'une des parties manquerait à ses obligations résultant du présent contrat, et 30 jours après l'envoi d'une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception visant la présente disposition, et demeurée sans effet, l'autre partie aura la faculté de résilier le présent contrat sans autre formalité, et sans préjudice d'éventuels dommages et intérêts qu'elle pourrait demander judiciairement ».

Il s'agit d'une clause de résiliation, 30 jours après l'envoi d'une mise en demeure demeurée infructueuse.

La circonstance que les obligations de nature à entrainer la mise en jeu de cette clause ne soient pas précisées ne la rend pas pour autant inapplicable. Il appartient au créancier de l'obligation qui s'en prévaut de justifier de la gravité de l'inexécution reprochée.

En l'espèce, il n'est justifié d'aucune difficulté entre les parties antérieurement à l'organisation du colloque de [Localité 5] des 17 et 18 mars 2016.

Il résulte des pièces produites que :

- dès le 2 février 2016, par lettre, le groupe ESPI demandait à M. [Y] [W] de rester concentré sur l'organisation du colloque, en particulier de trouver des intervenants marocains et d'assurer l'équilibre financier du colloque,

- par lettre du 16 mars 2016, le Groupe ESPI rappelait encore à M [W] le risque de dépassement budgétaire important et le 30 mars suivant, une facture de 39 276 € correspondant à la contribution de l'ESPI Maroc aux frais du colloque était adressé à cette dernière société,

- de son côté, le 6 mai suivant, M [Y] [W], directeur de la société ESPI Maroc, adressait au groups ESPI une facture de 9 019 € au titre du colloque,

- le 29 juin 2016, le Groupe ESPI adressait à la société ESPI Maroc une mise en demeure visant l'article 10 de la convention de partenariat.

Par conséquent, la Cour retient que les relations entre les parties ont pris un tour conflictuel à l'occasion de l'organisation du colloque de [Localité 5] et du dépassement budgétaire qui s'en est suivi.

Par ailleurs, contrairement à la lettre du 1er août 2016 du Groupe ESPI actant l'absence de réponse et la résiliation du contrat, la société ESPI Maroc justifie avoir répondu à la lettre de mise en demeure que le Groupe ESPI lui adressé le 29 juin 2016, en contestant les manquements reprochés (ses courriers des 27 juillet et 29 octobre 2016),

Si, la lettre du 5 septembre 2016 du Groupe ESPI répond à celle du 27 juillet 2016 en confirmant la résiliation de la convention compte tenu des manquements graves et répétés commis (liste des professeurs sans curriculum vitae, comptes rendus pédagogiques non communiqués, absence d'autres bilans d'activités que le compte-rendu du colloque de [Localité 5], absence aux réunions du CODIR, absence de règlement de la somme de 39 276 € au titre de la participation aux frais du colloque), la lettre du 29 octobre 2016 de la société ESPI Maroc indique transmettre les éléments sur la redevance (plan de communication 2015-2016, les factures relatives à ces actions de communication, les éléments des 4 bilans d'activité retraçant son chiffre d'affaires, la redevance 2015-2016 ) ainsi que les éléments sur le respect du savoir-faire du Groupe ESPI ( liste des professeurs et CV, participation aux réunions du CODIR, comptes rendus pédagogiques).

Aucune réponse n'est apportée à ce dernier courrier par le Groupe ESPI.

Au vu de ces éléments, la Cour retient que le Groupe ESPI ne justifie pas de manquements suffisamment graves et répétés de la société ESPI Maroc de nature à justifier la résiliation du contrat en vertu de l'article 10 du contrat de partenariat à la date du 1er août 2016.

Si le Groupe ESPI soutient que dans les faits, la convention de partenariat s'est poursuivie jusqu'au mois de novembre 2018, il est seulement établi que le Groupe ESPI a assuré avec retard la délivrance de diplômes jusqu'en novembre 2018.

Par conséquent, le contrat venant à expiration le 31 décembre 2019, la société ESPI Maroc est fondée à solliciter une indemnisation du chef d'une rupture abusive de la convention.

Sur l'indemnisation du préjudice

Exposé des moyens

1- Sur le préjudice commercial

La société ESPI Maroc soutient avoir subi un préjudice commercial correspondant à une somme de 1 398 000 euros dont elle doit être indemnisée. Elle affirme que ce préjudice commercial résulte de la connaissance des interlocuteurs extérieurs du retrait du Groupe ESPI. Durant les périodes de 2017 à 2021, les deux cycles de masters spécialisés M1 ont dû fermer en raison du manque d'effectif. Elle calcule le manque à gagner en fonction du coût de la formation et du nombre de 30 étudiants par cycle (5000 x 30 = 150 000 euros). La société ESPI Maroc explique que l'effectif n'a pas été atteint pour les quatre cycles de masters spécialisés M2, correspondant à un dommage d'une valeur de 696 000 euros (5 800 x 30 x 4). Elle avance aussi que les deux cycles « bachelor » ont été inactifs et a généré une perte commerciale de 252 000 euros (4 200 x 30 x 2). Enfin, elle estime que la formation en entreprise a entraîné un préjudice de 300 000 euros.

Le total du préjudice commercial subi s'élèverait selon elle à la somme de 1 398 000 euros.

En réplique, le Groupe ESPI soutient que l'ESPI Maroc ne fonde ses demandes d'indemnisation que sur les articles 1231-1 et suivants du code civil régissant la responsabilité contractuelle, elle ne peut donc prétendre au cumul des responsabilités. Il dénonce la méthode de l'ESPI Maroc qui, dans ses calculs des pertes éprouvées, du gain manqué et de son trouble commercial, raisonne exclusivement en frais d'inscription par étudiant. Le Groupe ESPI affirme que le lien de causalité entre la résiliation de la convention et le préjudice commercial invoqué n'existe pas. Il avance que la marque ESPI Maroc n'a pas cessé d'être exploitée en 2018 et 2019 et que les étudiants n'ont été informés de la résiliation de la convention qu'au mois de mars 2018, près de deux ans après la rupture. Le Groupe ESPI déclare que l'ESPI Maroc ne peut pas prétendre que la résiliation de la convention serait à l'origine de la baisse des inscriptions dès 2016.

2 - Sur le manque à gagner

La société ESPI Maroc soutient qu'en raison de la rupture brutale du contrat et des manquements à ses engagements, le Groupe ESPI est à l'origine d'un manque à gagner pour elle. Elle affirme que l'objectif du nombre d'étudiants n'a pas été atteint, qu'une baisse de 68% est observable. L'ESPI Maroc calcule que pour les 68 étudiants non-inscrits à tous les cycles le manque à gagner équivaut à une somme de 330 956 euros (68 x 4 667 euros). Elle évalue à hauteur de 50 000 euros le manque à gagner pour la formation continue en entreprise. La société ESPI Maroc demande ainsi de condamner le Groupe ESPI au paiement de la somme de 380 956 euros.

Le Groupe ESPI affirme que l'ESPI Maroc ne justifie pas le coût de ses formations pour justifier l'évaluation de son préjudice. Il conteste le nombre d'étudiants retenus, qui diffère selon l'appelant (70) ou l'expert-comptable (32). Il conteste aussi le prix des formations annoncées variant de 4 200 euros à 5 800 euros et qui ne sont pas cohérents avec les chiffres d'affaires moyens des comptes de résultat communiqués par l'ESPI Maroc. En prenant l'exemple des inscriptions attendues par l'ESPI Maroc en 2017, le Groupe ESPI dénonce le nombre retenu de 340 étudiants pour évaluer le manque à gagner alors qu'elle déclarait 52 étudiants en 2016 et 32 en 2017. Il conteste la somme demandée par l'ESPI Maroc au titre d'un manque à gagner.

3- Sur l'indemnisation du dommage financier

La société ESPI Maroc soutient qu'elle a subi un dommage financier. Elle déclare qu'une négociation entre les parties avait été entamée en vue du rachat par le Groupe ESPI de ESPI Maroc et que la valeur estimée du fonds de commerce était de 600 000 euros le 31 mars 2016. La société ESPI Maroc explique qu'aucun prix ni aucune modalité de paiement n'a été fixé et demande à la Cour, en cas de manque d'information, d'ordonner la désignation d'un expert avec pour mission de donner toutes explications utiles et nécessaires permettant de déterminer et quantifier les préjudices subis par ESPI Maroc.

En réplique, le Groupe ESPI soutient que l'estimation du fonds de commerce à la somme de 600 000 euros ne fait l'objet d'aucune justification. Le Groupe ESPI demande de juger que l'ESPI Maroc n'apporte pas la preuve de la réalité de son préjudice et subsidiairement, de dire que l'ESPI Maroc ne peut demander la réparation d'un préavis de rupture compte tenu de l'exploitation de la marque après 2016.

4- Sur le préjudice personnel de M. [Y] [W]

La société ESPI Maroc soutient que la cessation de son activité à conduit à la cessation des contrats des employés de la société. M. [Y] [W] invoque un préjudice personnel subi du fait de la rupture des relations commerciales avec Groupe ESPI. Il précise suivre un traitement médical avec des antidépresseurs et des sédatifs pour traiter les insomnies, affirmant que son état de santé a impacté le développement de ses affaires depuis 2016 à ce jour. Il sollicite l'allocation d'une somme de 150 000 euros en réparation du préjudice personnel subi.

En réponse, le Groupe ESPI fait valoir que M. [W] ne démontre pas le lien de causalité existant entre la rupture de la convention de partenariat et le traitement médical qu'il suivrait en 2020, ajoutant que M. [W] ne fournit pas de justificatifs quant à l'évaluation du préjudice.

Réponse de la Cour

L'article 1231-2 du code civil relatif à l'inexécution du contrat dispose :

« Les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé, sauf les exceptions et modifications ci-après ».

L'ESPI Maroc fonde ses demandes d'indemnisation sur le manque-à-gagner constitué par la baisse des effectifs résultant de la connaissance des interlocuteurs extérieurs du retrait du Groupe ESPI, ainsi que par la rupture brutale et le coût de ses formations, versant aux débats un rapport d'expertise privée (sa pièce 62).

Cependant, outre que la brutalité de la rupture qui n'a pas été retenue, ne peut donner lieu à indemnisation au titre du manque-à gagner, la perte de revenus invoquée au titre du préjudice commercial en multipliant le nombre d'étudiants dont il aurait été privé par les frais de scolarité pour une année d'étude, ne peut davantage être admise comme mode d'évaluation du préjudice, s'agissant d'un chiffre d'affaires.

De surcroît, ainsi que le rapport privé de la société PWC (pièce 26 de l'intimée) le relève, le nombre d'étudiants perdus allégué est largement surévalué. En effet, si l'on ajoute les deux cycles de masters spécialisés M1 aux quatre cycles de masters spécialisés M2 invoqués de 30 étudiants chacun, on obtient un nombre d'étudiants de 180 alors qu'au maximum l'école a accueilli 64 étudiants en 2012-2013 et que ce nombre n'a fait que baisser s'élevant à 52 en 2015-2016.

De la même manière, le coût de la scolarité invoqué, qui ne peut être vérifié, apparaît surévalué. Ainsi le coût allégué des cycles spécialisés varie entre 4 200 € et 5 600 € alors que le prix moyen par étudiant ressort en moyenne à 2 684 € dans le tableau figurant dans l'assignation.

Également le coût de la formation continue en entreprise évalué à 50 000 € est dépourvu de tout justificatif.

En revanche, il résulte de la revue critique d'évaluation de la demande d'indemnisation de l'ESPI Maroc (pièce 26 précitée) que l'Ecole a réalisé un chiffre d'affaires moyen d'environ 109 000 € selon l'étude des bilans et comptes de résultat de l'ESPI Maroc entre l'exercice clos au 31 décembre 2013 et celui clos au 31 décembre 2017 et l'Ecole n'a réalisé un bénéfice au cours de ces cinq années, qu'au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2015 (8 198 €) et de l'exercice suivant (455 €).

Il sera ajouté que la marque ESPI ayant été exploitée par ESPI Maroc au moins jusqu'en 2018, l'existence d'un lien entre la résiliation abusive de la convention et la perte alléguée du nombre d'étudiants n'est pas démontrée.

Enfin, l'existence d'un dommage financier en raison d'une négociation entre les parties qui aurait été entamée en vue du rachat par le Groupe ESPI de ESPI Maroc pour une valeur estimée du fonds de commerce de 600 000 euros le 31 mars 2016, n'est étayé par aucun élément.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, la Cour évalue le préjudice subi par l'ESPI Maroc du fait de la résiliation abusive de la convention de partenariat qui devait se poursuivre jusqu'au 31 décembre 2019, à la somme de 5 000 € par an pour les exercices 2017, 2017 et 2018, outre la somme de 2 000 € supplémentaire au titre de la période du 1er août au 31 décembre 2016, soit 17 000 € de dommages-intérêts que le Groupe ESPI est condamné à lui verser, les demandes plus amples étant rejetées.

S'agissant du préjudice allégué par M [Y] [W], il sera observé que la preuve d'un lien de causalité direct entre l'état de santé de ce dernier au vu d'un traitement médical de 2020 et la résiliation abusive du contrat de partenariat n'est pas rapportée, étant observé que M [W] a créé une nouvelle école de formation en 2017, l'ENITA et a conclu un nouvel accord de partenariat.

M [Y] [W] est ainsi débouté de sa demande d'indemnisation.

Sur les demandes reconventionnelles du Groupe ESPI

Exposé des moyens

Sur l'effet dévolutif

L'ESPI Maroc et M [W] soutiennent sur le fondement de l'article 562 du code de procédure civile que les chefs critiqués du jugement ne sont pas expressément repris Le Groupe par le Groupe ESPI dans ses conclusions d'intimé de sorte que l'effet dévolutif concernant ces demandes ne peut se produire, que la Cour n'en est pas saisie et ne peut que confirmer le jugement des chefs non visés dans la déclaration d'appel et non repris dans les conclusions d'appel incident.

Le Groupe ESPI rétorque que ses demandes incidentes sont recevables en ce que ses conclusions signifiées le 15 janvier 2024 ont demandé l'infirmation du jugement « en ce qu'il n'a pas fait droit aux demandes financières reconventionnelles » et ont critiqué les chefs du jugement attaqué tant au niveau de l'annonce du plan, de la discussion que du dispositif, conformément aux dispositions de l'article 954 du code de procédure civile.

Sur les sommes dues au titre de la redevance

Le Groupe ESPI soutient que l'ESPI Maroc n'a pas utilisé la redevance conformément à un plan de communication validé par les deux parties conformément aux articles 3.1 et 3.2 de la convention de partenariat. Il affirme que l'ESPI Maroc est redevable du montant de la redevance pour les années 2014, 2015 et 2016.

En réponse, la société ESPI Maroc demande à la Cour de confirmer le jugement rendu en première instance par le tribunal de commerce de Paris en ce que les juges ont estimé que le Groupe ESPI avait renoncé à la redevance.

Sur les frais d'organisation du colloque de Marrakech

Le Groupe ESPI affirme que les parties avaient convenu que les frais d'organisation du colloque seraient partagés. Le Groupe ESPI a facturé à l'ESPI Maroc sa part de frais d'un montant de 39 276 euros. L'ESPI Maroc a répondu ne jamais avoir bénéficié des prestations facturées, ne jamais avoir donné son aval pour ces montants et a communiqué une facture d'un montant de 9 000 € pour payer M. [W] en vertu du temps qu'il a passé à l'organisation du colloque. Le Groupe ESPI se fonde sur la convention de partenariat qui prévoit la prise en charge par l'ESPI Maroc des frais de communication et de développement pour demander à la Cour de condamner l'ESPI Maroc à payer la somme de 39 276 euros à titre de participation aux frais du colloque de [Localité 5].

La société ESPI Maroc soutient que le tribunal de commerce a relevé à juste titre que le Groupe ESPI ne produit aucune justification attestant d'un accord entre les parties quant à la répartition des frais du colloque. Elle avance que la réclamation du Groupe ESPI est injustifiée du fait qu'un courrier du 28 mai 2016 prévoit les montants pour lesquels les parties se sont engagées (16 000 euros) et pour lesquels ESPI Maroc a donné son aval et a réglé lesdits montants.

Sur le préjudice tiré de l'utilisation illégale de la marque, le préjudice moral et d'image

Le Groupe ESPI soutient qu'il a subi un préjudice moral ainsi qu'un préjudice d'image tiré de l'utilisation illégale de la marque, expliquant avoir, après plusieurs rappels, mis en demeure M. [W] de cesser toute exploitation de la marque ESPI par exploit d'huissier délivré le 16 avril 2018. Il ajoute que le nom de domaine a été détourné pour renvoyer les utilisateurs sur le site de l'ENITA et que l'ESPI Maroc figure comme partenaire de l'ENITA sur le site de ce dernier.

Le Groupe ESPI ajoute avoir subi un préjudice du fait que M. [W] a continué à présenter son parcours, à maintenir les inscriptions en cours et s'est présenté comme le président du groupe ESPI-ENITA au mois de février 2018.

Il demande, infirmant le jugement, de condamner solidairement l'ESPI Maroc et M. [W] à payer le montant de la redevance à titre de dommages et intérêts pour les années 2017 et 2018, soit la somme de10 182 euros ainsi que la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice tiré de l'utilisation illégale de la marque et la somme de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral et d'image.

En réplique, la société ESPI Maroc rétorque que les dommages et intérêts demandés par le Groupe ESPI au titre des redevances de 2017 et 2018 sont injustifiées car le contrat a été résilié. L'ESPI Maroc justifie l'usage de la marque par le besoin des étudiants déjà inscrits, afin que ces derniers puissent finaliser leur cursus. Elle ajoute que M. [W] n'a jamais tenu de propos malveillants à l'égard de cette marque.

Réponse de la Cour

Sur l'effet dévolutif

L'article 562 du code de procédure civile dans sa version applicable à la cause dispose :

« L'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. »

Contrairement à ce que soutiennent les appelants, cet article ne fait pas obligation à l'appelant incident de mentionner littéralement les chefs du jugement critiqués.

En l'espèce, le Groupe ESPI qui au dispositif de ses écritures sollicite « l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il ne fait pas droit aux demandes financières reconventionnelles du Groupe ESPI » et qui reprend ses demandes formées devant le tribunal, satisfait aux prescriptions de l'article 562 précité.

L'effet dévolutif ayant opéré, la Cour est saisie des demandes formées par le Groupe ESPI au titre de son appel incident.

Sur les sommes dues au titre de la redevance

Selon l'article 3 de la convention de partenariat :

« 3.1 . Le partenaire calculera une redevance annuelle constituée de 5% du chiffre d'affaires hors taxes réalisé au cours de chaque année scolaire, sur l'ensemble des promotions de l'établissement.

3.2 . Le Partenaire s'engage à investir le montant total de cette redevance à des fins de communication et de développement des activités d'ESPI MAROC. La mobilisation de ce budget prendra la forme d'un plan d'action validé par la Direction Générale du Groupe ESPI au plus tard le 31 juillet de chaque année.

A défaut, le montant de la redevance précité fera l'objet d'une facturation exigible et payable au plus tard le 31 octobre de l'année concernée »

Il n'est justifié d'aucun plan d'action validé par le Groupe ESPI au cours des années 2014 à 2016, ni davantage d'aucun paiement à ce titre.

En revanche, le Groupe ESPI a mis en demeure l'ESPI Maroc par sa lettre recommandée avec accusé de réception du 29 juin 2016 (sa pièce 12) de satisfaire aux dispositions de l'article 3 de la convention de partenariat, ce qui démontre qu'il n'y avait nullement renoncé.

Par conséquent, il convient, infirmant le jugement de ce chef, de condamner l'ESPI Maroc à payer la somme de 15 273 € au titre des redevances 2014, 2015 et 2016.

Sur les frais d'organisation du colloque de [Localité 5]

Si le Groupe ESPI sollicite au titre des frais d'organisation du colloque de [Localité 5] le paiement de sa facture établie le 30 mars 2016 pour un montant de 39 276 € (sa pièce 9), il n'est pas justifié ainsi que l'ont exactement retenu les premiers juges, de l'accord de l'ESPI Maroc quant à la répartition des frais du colloque, la circonstance que la convention prévoit la prise en charge par ce dernier des frais de communication et de développement, étant à cet égard insuffisant.

Le jugement qui a rejeté cette demande est confirmé.

Sur le préjudice tiré de l'utilisation illégale de la marque, le préjudice moral et d'image

Sur le paiement du montant de la redevance à titre de dommages et intérêts pour les années 2017 et 2018, il n'est pas contesté que l'ESPI Maroc a poursuivi l'usage de la marque en dépit de la résiliation de la convention de partenariat revendiquée à tort par le Groupe ESPI.

Dans ces conditions, l'ESPI Maroc doit être condamné au paiement de la somme de 10 182 euros à ce titre.

La résiliation du contrat de partenariat étant abusive ainsi qu'il a été dit, seule l'utilisation de la marque à compter du 1er janvier 2020, non démontrée, date à laquelle le contrat a pris fin, serait susceptible de constituer une concurrence déloyale si la preuve d'une confusion dommageable était rapportée.

S'agissant du détournement du nom de domaine « espimaroc.ma » renvoyant les utilisateurs sur le site de l'ENITA sur lequel l'ESPI Maroc figure comme partenaire et qui présente des masters « ESPI » ainsi qu'il résulte du procès-verbal de constat d'huissier de justice du 9 juillet 2018 produit (pièce 21 du Groupe ESPI), la preuve d'une confusion dommageable n'est pas rapportée, étant observé que ESPI est spécialisé dans les professions immobilières et que ENITA est une école spécialisée dans la conduite de travaux de bâtiment et de travaux publics.

La demande d'indemnisation au titre d'un préjudice de concurrence déloyale sont rejetées et le jugement confirmé de ce chef.

Il en est de même de la demande au titre d'un préjudice moral et d'image, non démontré.

En revanche, le jugement est confirmé en ce qu'il a ordonné à ESPI Maroc et M. [W] la cessation de l'utilisation de la marque ESPI, du logo ESPI, de la charte graphique ESPI, du nom commercial « ESPI » et du contenu de la formation « Gestion des affaires immobilières » sous peine de versement d'une somme de 5 000 € par faute.

De même, le jugement est confirmé en ce qu'il ordonne à l'ESPI Maroc de modifier sa dénomination sociale.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le sens de l'arrêt commande de partager les dépens par moitié entre les parties et de rejeter les demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement est infirmé en ce qu'il a condamné l'ESPI Maroc et M [W] aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

DIT n'y avoir lieu à écarter des débats les conclusions n°3 signifiées le 7 avril 2025 par la société ESPI Maroc et M [Y] [W] ;

Ecarte des débats la pièce N° 76 de la société ESPI Maroc et de M [Y] [W] ;

CONFIRME le jugement en ses dispositions qui lui sont soumises sauf en ce qu'il a :

- Débouté le Groupe ESPI de sa demande de 15 273 euros au titre des redevances 2017 et 2018 ;

- Débouté le Groupe ESPI de sa demande de 10 182 euros au titre de dommages et intérêts ;

- Condamné la société ESPI Maroc et M. [Y] [W] à supporter les dépens dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 95,13 euros dont 15,64 euros de TVA.

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DIT que le Groupe ESPI a rompu abusivement le contrat de partenariat avec l'ESPI Maroc qui venait à expiration de 31 décembre 2019 ;

CONDAMNE en conséquence le Groupe ESPI à payer à l'ESPI Maroc la somme de 17 000 € à titre de dommages-intérêts ;

SE DECLARE saisie des demandes formées par le Groupe ESPI au titre de son appel incident ;

CONDAMNE l'ESPI Maroc à payer au Groupe ESPI la somme de 15 273 euros au titre des redevances 2014, 2015 et 2016 ;

CONDAMNE l'ESPI Maroc à payer au Groupe ESPI la somme de 10 182 euros au titre des redevances 2017 et 2018 ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

PARTAGE les dépens de première instance et d'appel par moitié entre le Groupe ESPI d'une part et l'ESPI Maroc et M [W] d'autre part ;

REJETTE toute autre demande.

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