CA Agen, ch. civ., 10 septembre 2025, n° 24/00879
AGEN
Arrêt
Autre
ARRÊT DU
10 septembre 2025
DB/CH
---------------------
N° RG 24/00879 -
N° Portalis DBVO-V-B7I-DIT3
---------------------
S.A.R.L. ALBRET TENAREZE MATERIEL MEDICAL
C/
[N] [D]
------------------
GROSSES le
aux avocats
ARRÊT n° 237-25
COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Civile
Section commerciale
LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,
ENTRE :
S.A.R.L. ALBRET TENAREZE MATERIEL MEDICAL représentée par son gérant en exercice,
RCS D'[Localité 5] 827 580 168
[Adresse 8]
[Localité 4]
représentée par Me David LLAMAS, avocat postulant au barreau D'AGEN
et par Me Gilles MAGRINI, avocat plaidant substitué à l'audience par Me Jean-François ESCOURROU, tous deux membres de la société URBI ET ORBI, avocats au barreau de TOULOUSE
APPELANTE d'un jugement du tribunal de commerce d'Agen en date du 28 août 2024, RG 2023004435
D'une part,
ET :
Madame [N] [D]
née le 18 décembre 1976 à [Localité 6]
de nationalité française,
domiciliée : [Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Olivier , avocat postulant au barreau D'AGEN
et par Me Claire WARTEL-SEVERAC, avocat plaidant au barreau de PARIS, tous deux membres de la société d'avocat RMC ET ASSOCIES,
INTIMÉE
D'autre part,
COMPOSITION DE LA COUR :
l'affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 11 juin 2025 devant la cour composée de :
Président : André BEAUCLAIR, Président de chambre,
Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller, qui a fait un rapport oral à l'audience
Jean-Yves SEGONNES, Conseiller
Greffière : Catherine HUC
ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
' '
'
FAITS :
[N] [D] a exercé, en nom propre, une activité de vendeur de matériel médical au [Adresse 1] à [Localité 7] (32).
Elle était apporteuse d'affaires pour la SARL Albret Tenareze Matériel Médical.
Par contrat de travail du 22 novembre 2021, la SARL Albret Tenareze Matériel Médical a embauché Mme [D] sous contrat de travail à durée indéterminée à plein temps.
Cette société a pris à bail commercial le local de [Localité 7].
Un inventaire du stock de matériel médical appartenant à titre personnel à Mme [D] a été établi.
Le 29 novembre 2021, Mme [D] a facturé ce matériel à son employeur pour un montant de 7 664,93 Euros.
La SARL Albret Tenareze Matériel Médical n'a pas payé cette facture, malgré mise en demeure.
Le bail des locaux de [Localité 7] a été résilié suite à un arrêt maladie de Mme [D].
Sur requête déposée par Mme [D], par ordonnance du 26 juin 2023, le président du tribunal de commerce d'Auch a fait injonction à la SARL Albret Tenareze Matériel Médical de lui payer, en principal, le montant de la facture du 29 novembre 2021.
Par lettre du 5 juillet 2023, la SARL Albret Tenareze Matériel Médical a demandé à Mme [D] de lui restituer les clés des locaux.
La SARL Albret Tenareze Matériel Médical a régulièrement formé opposition à l'ordonnance et l'affaire a été appelée devant le tribunal de commerce.
Par jugement rendu le 28 août 2024, le tribunal de commerce d'Agen a :
- déclaré recevable l'opposition de la société Albret Tenareze Matériel Médical, au fond l'en a déboutée et, statuant à nouveau,
- déclaré la créance de Mme [D] certaine, liquide et exigible,
- condamné la société Albret Tenareze Matériel Médical au paiement de la facture du 29 novembre 2021 établie par Mme [D] pour un montant en principal de 7 664,93 Euros, assortie de la pénalité légale due au titre du retard de paiement prévue à l'article L. 441-10 du code de commerce ainsi que l'indemnité forfaitaire de 40 Euros pour frais de recouvrement,
- débouté Mme [D] de sa demande d'application des intérêts au taux légal,
- rejeté comme non fondés tous autres moyens, fins et conclusions contraires des parties,
- condamné la société Albret Tenareze Matériel Médical au paiement à Mme [D] de la somme de 2 500 Euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- liquidé les dépens dont frais de greffe pour le jugement à la somme de 103,56 Euros.
Le tribunal a considéré que le matériel appartenant à Mme [D] se trouvait dans les locaux repris, ce que la SARL Albret Tenareze Matériel Médical ne pouvait ignorer ; et qu'elle n'a jamais fait aucune objection à la présence de ce matériel, inventorié, ce qui traduisait son acceptation de le racheter.
Par acte du 19 septembre 2024, la SARL Albret Tenareze Matériel Médical a déclaré former appel du jugement en indiquant que l'appel porte sur la totalité du dispositif du jugement, qu'elle cite dans son acte d'appel, à l'exception de la déclaration de recevabilité de son opposition.
La clôture a été prononcée le 28 mai 2025 et l'affaire fixée à l'audience de la Cour du 11 juin 2025.
PRETENTIONS ET MOYENS :
Par dernières conclusions notifiées le 20 mai 2025, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, la SARL Albret Tenareze Matériel Médical présente l'argumentation suivante :
- Elle ne s'est pas engagée à reprendre le matériel appartenant à Mme [D] :
* il n'existe aucun contrat écrit entre elles et le silence qu'elle a gardé sur les mises en demeure ne vaut pas acceptation.
* elle n'a jamais été intéressée par la reprise du stock.
* un contrat doit pourtant être écrit pour établir les obligations d'un montant supérieur à 1 500 Euros selon l'article 1359 du code civil.
* il est impossible de savoir à quoi correspond exactement le stock en question et quelle en est la valeur.
* elle n'a pas revendu le stock en litige qu'elle a fait déposer dans un local à [Localité 9], lorsque les locaux de [Localité 7] ont été libérés.
* s'il existe une variation entre ce stock, objet d'un constat d'huissier, et l'inventaire établi par Mme [D], rien n'indique que ce n'est pas cette dernière qui a procédé à des ventes.
* Mme [D] a procédé à des saisies en vertu de l'exécution provisoire du jugement, dans des conditions lui portant préjudice.
- Mme [D] présente une prétention nouvelle :
* sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 5 000 Euros n'a pas été présentée devant le tribunal.
* en tout état de cause, elle n'est pas fondée.
* si Mme [D] estime avoir des créances salariales, il s'agit de demandes dont la Cour n'est pas saisie, et elle devra être renvoyée à mieux se pourvoir.
Au terme de ses conclusions, elle demande à la Cour de :
- réformer le jugement,
- déclarer irrecevable la demande de condamnation de 5 000 Euros présentée par Mme [D],
- rejeter ses demandes,
- la condamner à lui payer la somme de 5 000 Euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et mettre les dépens à sa charge.
*
* *
Par dernières conclusions notifiées le 23 mai 2025, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, [N] [D] présente l'argumentation suivante :
- La SARL Albret Tenareze Matériel Médical n'a pas exécuté le jugement :
* après diverses tentatives, elle a réussi à obtenir paiement de la somme due en exécution du jugement.
* depuis, elle est victime d'une pression de son employeur qui tarde à communiquer des documents sociaux dont elle a besoin et qui lui paye son salaire avec retard, ou de façon incomplète.
- Elle est créancière de la SARL Albret Tenareze Matériel Médical :
* en matière commerciale, la nécessité d'une preuve écrite n'est pas imposée et cette preuve peut résulter de tous éléments.
* elle a établi un inventaire de son matériel, envoyé par courriel à la SARL Albret Tenareze Matériel Médical les 24 et 26 novembre 2021, puis remis en mains propres avec la facture qui ne mentionnait aucune TVA car elle n'y était pas assujettie.
* aucune contestation n'a été émise par cette société, qui est toujours restée taisante, et qui a ensuite revendu le matériel en utilisant les logiciels Lomaco et Muts, comme en fait foi l'inventaire que son employeur a fait dresser le 10 avril dernier, qui atteste de différences par rapport à l'inventaire qu'elle avait transmis lors de la reprise du local.
* l'inventaire effectué lors de la reprise des locaux porte sur des réassortiments après vente.
- Les intérêts et la pénalité de l'article L. 441-10 du code de commerce lui sont dues.
- Elle est préjudiciée : sa demande de dommages et intérêts est basée sur le comportement de son employeur depuis le jugement.
Au terme de ses conclusions, elle demande à la Cour de :
- confirmer le jugement,
- condamner la SARL Albret Tenareze Matériel Médical à lui payer la somme de 5 000 Euros à titre de dommages et intérêts du fait de son comportement fautif, outre 3 500 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et mettre les dépens à sa charge.
-------------------
MOTIFS :
1) Sur le paiement de la facture du 29 novembre 2021 :
Aux termes du premier alinéa de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Aux termes de l'article L. 110-3 du code de commerce, à l'égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu'il n'en soit disposé autrement par la loi.
En l'espèce, en premier lieu, il n'existe aucun contrat écrit entre Mme [D] et la SARL Albret Tenareze Matériel Médical portant sur le matériel objet de la facture en litige.
En deuxième lieu, aucun des documents émanant de la SARL Albret Tenarez Matériel Médical n'indique qu'elle aurait donné son accord pour acheter le stock appartenant à sa salariée.
En effet, les seuls écrits émanant de l'appelante produits aux débats sont les suivants :
- Une lettre datée du 5 juillet 2023 adressée à Mme [D] ainsi libellée :
'Par la présente, je vous sollicite et ce pour la troisième fois afin que vous me remettiez les clés du local de [Localité 7], [Adresse 2], dont vous êtes la seule détentrice.
Je vous rappelle que je suis titulaire du bail de location de ce magasin que je prévois de rompre le 31 juillet.
Conscient de votre arrêt maladie, je réitère ma proposition de venir chercher les clés à l'endroit qui vous convient.
La marchandise dans ce local sera inventoriée et stockée dans le local prévu à cet effet à [Localité 9].
Sans réponse de votre part le 12 juillet, je serai contraint de faire appel à un huissier de justice.'
Loin d'attester de l'accord de la SARL Albret Tenareze Matériel Médical pour acheter le stock personnel de Mme [D], le fait d'indiquer qu'il sera inventorié et stocké ailleurs lors de la restitution des locaux, laisse entendre qu'il reste à disposition de Mme [D], et donc sa propriété.
- Un échange de deux SMS entre Mme [D] et [B] [G], gérant de la SARL Albret Tenareze Médical, dans lesquels ce dernier évoque une réunion avec des pharmaciens, mais qui ne mentionne pas le stock de matériel.
En troisième lieu, Mme [D] dépose aux débats plusieurs attestations établies par des témoins ([U] [S], [Z] [R], [H] [F]), mais aucun n'indique avoir entendu un représentant de la SARL Albret Tenareze Matériel Médical donner son accord pour payer le stock en litige.
Ces témoins se limitent à déclarer avoir aidé Mme [D] à établir l'inventaire.
En quatrième lieu, il n'existe aucun élément objectif attestant que tout ou partie du matériel appartenant à Mme [D] a été vendu par la SARL Albret Tenareze Matériel Médical.
Finalement, la preuve que cette société s'est engagée à acheter le matériel appartenant à Mme [D] n'est pas apportée, le silence gardé après mises en demeure ne pouvant suffire.
La demande en paiement présentée par Mme [D] doit être rejetée et, par conséquent, le jugement infirmé.
2) Sur la demande de dommages et intérêts présentée par Mme [D] :
Cette demande de dommages et intérêts est fondée sur deux griefs :
1) La nécessité de mettre en oeuvre des mesures d'exécution pour obtenir paiement des sommes allouées par le tribunal :
La demande est fondée, par hypothèse, sur des faits postérieurs au jugement.
Elle ne peut par conséquent se heurter à la prohibition des demandes nouvelles en appel instituée à l'article 564 du code de procédure civile qui, au contraire, prévoit que les demandes fondée sur la survenance d'un fait nouveau peuvent être présentées en cause d'appel.
Au fond, s'il est établi que la SARL Albret Tenareze Matériel Médical n'a pas spontanément exécuté le jugement, il n'en reste pas moins que Mme [D] a pu mettre en place des mesures d'exécution dont les frais sont à la charge du débiteur.
L'absence d'exécution spontanée ne lui a ainsi généré, en elle-même, aucun préjudice.
Ce poste de demande doit être rejeté.
2) Le paiement partiel et avec retard des salaires dus :
Il s'agit d'une demande reconventionnelle en lien avec les obligations nées du contrat de travail dont Mme [D] est titulaire.
Ce poste de demande n'a pas de lien suffisant avec la facturation en litige, objet du litige.
En application de l'article 70 du code de procédure civile, elle doit être déclarée irrecevable.
Enfin, l'équité n'impose pas l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
- La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort
- INFIRME le jugement SAUF en ce qu'il a déclaré recevable l'opposition de la société Albret Tenareze Matériel Médical à l'ordonnance d'injonction de payer ;
- STATUANT A NOUVEAU sur les points infirmés,
- REJETTE la demande en paiement de la facture FC4370 émise le 29 novembre 2021 à l'ordre de la SARL Albret Tenareze par [N] [D] ;
- DECLARE recevable la demande de dommages et intérêts présentée par [N] [D] fondée sur les difficultés d'exécution du jugement mais la rejette ;
- DECLARE la demande de dommages et intérêts présentée par [N] [D] fondée sur les retards et paiements partiels de ses salaires irrecevable ;
- DIT n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- CONDAMNE [N] [D] aux dépens de 1ère instance et d'appel.
- Le présent arrêt a été signé par André BEAUCLAIR, président, et par Catherine HUC, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,
10 septembre 2025
DB/CH
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N° RG 24/00879 -
N° Portalis DBVO-V-B7I-DIT3
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S.A.R.L. ALBRET TENAREZE MATERIEL MEDICAL
C/
[N] [D]
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GROSSES le
aux avocats
ARRÊT n° 237-25
COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Civile
Section commerciale
LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,
ENTRE :
S.A.R.L. ALBRET TENAREZE MATERIEL MEDICAL représentée par son gérant en exercice,
RCS D'[Localité 5] 827 580 168
[Adresse 8]
[Localité 4]
représentée par Me David LLAMAS, avocat postulant au barreau D'AGEN
et par Me Gilles MAGRINI, avocat plaidant substitué à l'audience par Me Jean-François ESCOURROU, tous deux membres de la société URBI ET ORBI, avocats au barreau de TOULOUSE
APPELANTE d'un jugement du tribunal de commerce d'Agen en date du 28 août 2024, RG 2023004435
D'une part,
ET :
Madame [N] [D]
née le 18 décembre 1976 à [Localité 6]
de nationalité française,
domiciliée : [Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Olivier , avocat postulant au barreau D'AGEN
et par Me Claire WARTEL-SEVERAC, avocat plaidant au barreau de PARIS, tous deux membres de la société d'avocat RMC ET ASSOCIES,
INTIMÉE
D'autre part,
COMPOSITION DE LA COUR :
l'affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 11 juin 2025 devant la cour composée de :
Président : André BEAUCLAIR, Président de chambre,
Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller, qui a fait un rapport oral à l'audience
Jean-Yves SEGONNES, Conseiller
Greffière : Catherine HUC
ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
' '
'
FAITS :
[N] [D] a exercé, en nom propre, une activité de vendeur de matériel médical au [Adresse 1] à [Localité 7] (32).
Elle était apporteuse d'affaires pour la SARL Albret Tenareze Matériel Médical.
Par contrat de travail du 22 novembre 2021, la SARL Albret Tenareze Matériel Médical a embauché Mme [D] sous contrat de travail à durée indéterminée à plein temps.
Cette société a pris à bail commercial le local de [Localité 7].
Un inventaire du stock de matériel médical appartenant à titre personnel à Mme [D] a été établi.
Le 29 novembre 2021, Mme [D] a facturé ce matériel à son employeur pour un montant de 7 664,93 Euros.
La SARL Albret Tenareze Matériel Médical n'a pas payé cette facture, malgré mise en demeure.
Le bail des locaux de [Localité 7] a été résilié suite à un arrêt maladie de Mme [D].
Sur requête déposée par Mme [D], par ordonnance du 26 juin 2023, le président du tribunal de commerce d'Auch a fait injonction à la SARL Albret Tenareze Matériel Médical de lui payer, en principal, le montant de la facture du 29 novembre 2021.
Par lettre du 5 juillet 2023, la SARL Albret Tenareze Matériel Médical a demandé à Mme [D] de lui restituer les clés des locaux.
La SARL Albret Tenareze Matériel Médical a régulièrement formé opposition à l'ordonnance et l'affaire a été appelée devant le tribunal de commerce.
Par jugement rendu le 28 août 2024, le tribunal de commerce d'Agen a :
- déclaré recevable l'opposition de la société Albret Tenareze Matériel Médical, au fond l'en a déboutée et, statuant à nouveau,
- déclaré la créance de Mme [D] certaine, liquide et exigible,
- condamné la société Albret Tenareze Matériel Médical au paiement de la facture du 29 novembre 2021 établie par Mme [D] pour un montant en principal de 7 664,93 Euros, assortie de la pénalité légale due au titre du retard de paiement prévue à l'article L. 441-10 du code de commerce ainsi que l'indemnité forfaitaire de 40 Euros pour frais de recouvrement,
- débouté Mme [D] de sa demande d'application des intérêts au taux légal,
- rejeté comme non fondés tous autres moyens, fins et conclusions contraires des parties,
- condamné la société Albret Tenareze Matériel Médical au paiement à Mme [D] de la somme de 2 500 Euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- liquidé les dépens dont frais de greffe pour le jugement à la somme de 103,56 Euros.
Le tribunal a considéré que le matériel appartenant à Mme [D] se trouvait dans les locaux repris, ce que la SARL Albret Tenareze Matériel Médical ne pouvait ignorer ; et qu'elle n'a jamais fait aucune objection à la présence de ce matériel, inventorié, ce qui traduisait son acceptation de le racheter.
Par acte du 19 septembre 2024, la SARL Albret Tenareze Matériel Médical a déclaré former appel du jugement en indiquant que l'appel porte sur la totalité du dispositif du jugement, qu'elle cite dans son acte d'appel, à l'exception de la déclaration de recevabilité de son opposition.
La clôture a été prononcée le 28 mai 2025 et l'affaire fixée à l'audience de la Cour du 11 juin 2025.
PRETENTIONS ET MOYENS :
Par dernières conclusions notifiées le 20 mai 2025, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, la SARL Albret Tenareze Matériel Médical présente l'argumentation suivante :
- Elle ne s'est pas engagée à reprendre le matériel appartenant à Mme [D] :
* il n'existe aucun contrat écrit entre elles et le silence qu'elle a gardé sur les mises en demeure ne vaut pas acceptation.
* elle n'a jamais été intéressée par la reprise du stock.
* un contrat doit pourtant être écrit pour établir les obligations d'un montant supérieur à 1 500 Euros selon l'article 1359 du code civil.
* il est impossible de savoir à quoi correspond exactement le stock en question et quelle en est la valeur.
* elle n'a pas revendu le stock en litige qu'elle a fait déposer dans un local à [Localité 9], lorsque les locaux de [Localité 7] ont été libérés.
* s'il existe une variation entre ce stock, objet d'un constat d'huissier, et l'inventaire établi par Mme [D], rien n'indique que ce n'est pas cette dernière qui a procédé à des ventes.
* Mme [D] a procédé à des saisies en vertu de l'exécution provisoire du jugement, dans des conditions lui portant préjudice.
- Mme [D] présente une prétention nouvelle :
* sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 5 000 Euros n'a pas été présentée devant le tribunal.
* en tout état de cause, elle n'est pas fondée.
* si Mme [D] estime avoir des créances salariales, il s'agit de demandes dont la Cour n'est pas saisie, et elle devra être renvoyée à mieux se pourvoir.
Au terme de ses conclusions, elle demande à la Cour de :
- réformer le jugement,
- déclarer irrecevable la demande de condamnation de 5 000 Euros présentée par Mme [D],
- rejeter ses demandes,
- la condamner à lui payer la somme de 5 000 Euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et mettre les dépens à sa charge.
*
* *
Par dernières conclusions notifiées le 23 mai 2025, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, [N] [D] présente l'argumentation suivante :
- La SARL Albret Tenareze Matériel Médical n'a pas exécuté le jugement :
* après diverses tentatives, elle a réussi à obtenir paiement de la somme due en exécution du jugement.
* depuis, elle est victime d'une pression de son employeur qui tarde à communiquer des documents sociaux dont elle a besoin et qui lui paye son salaire avec retard, ou de façon incomplète.
- Elle est créancière de la SARL Albret Tenareze Matériel Médical :
* en matière commerciale, la nécessité d'une preuve écrite n'est pas imposée et cette preuve peut résulter de tous éléments.
* elle a établi un inventaire de son matériel, envoyé par courriel à la SARL Albret Tenareze Matériel Médical les 24 et 26 novembre 2021, puis remis en mains propres avec la facture qui ne mentionnait aucune TVA car elle n'y était pas assujettie.
* aucune contestation n'a été émise par cette société, qui est toujours restée taisante, et qui a ensuite revendu le matériel en utilisant les logiciels Lomaco et Muts, comme en fait foi l'inventaire que son employeur a fait dresser le 10 avril dernier, qui atteste de différences par rapport à l'inventaire qu'elle avait transmis lors de la reprise du local.
* l'inventaire effectué lors de la reprise des locaux porte sur des réassortiments après vente.
- Les intérêts et la pénalité de l'article L. 441-10 du code de commerce lui sont dues.
- Elle est préjudiciée : sa demande de dommages et intérêts est basée sur le comportement de son employeur depuis le jugement.
Au terme de ses conclusions, elle demande à la Cour de :
- confirmer le jugement,
- condamner la SARL Albret Tenareze Matériel Médical à lui payer la somme de 5 000 Euros à titre de dommages et intérêts du fait de son comportement fautif, outre 3 500 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et mettre les dépens à sa charge.
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MOTIFS :
1) Sur le paiement de la facture du 29 novembre 2021 :
Aux termes du premier alinéa de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Aux termes de l'article L. 110-3 du code de commerce, à l'égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu'il n'en soit disposé autrement par la loi.
En l'espèce, en premier lieu, il n'existe aucun contrat écrit entre Mme [D] et la SARL Albret Tenareze Matériel Médical portant sur le matériel objet de la facture en litige.
En deuxième lieu, aucun des documents émanant de la SARL Albret Tenarez Matériel Médical n'indique qu'elle aurait donné son accord pour acheter le stock appartenant à sa salariée.
En effet, les seuls écrits émanant de l'appelante produits aux débats sont les suivants :
- Une lettre datée du 5 juillet 2023 adressée à Mme [D] ainsi libellée :
'Par la présente, je vous sollicite et ce pour la troisième fois afin que vous me remettiez les clés du local de [Localité 7], [Adresse 2], dont vous êtes la seule détentrice.
Je vous rappelle que je suis titulaire du bail de location de ce magasin que je prévois de rompre le 31 juillet.
Conscient de votre arrêt maladie, je réitère ma proposition de venir chercher les clés à l'endroit qui vous convient.
La marchandise dans ce local sera inventoriée et stockée dans le local prévu à cet effet à [Localité 9].
Sans réponse de votre part le 12 juillet, je serai contraint de faire appel à un huissier de justice.'
Loin d'attester de l'accord de la SARL Albret Tenareze Matériel Médical pour acheter le stock personnel de Mme [D], le fait d'indiquer qu'il sera inventorié et stocké ailleurs lors de la restitution des locaux, laisse entendre qu'il reste à disposition de Mme [D], et donc sa propriété.
- Un échange de deux SMS entre Mme [D] et [B] [G], gérant de la SARL Albret Tenareze Médical, dans lesquels ce dernier évoque une réunion avec des pharmaciens, mais qui ne mentionne pas le stock de matériel.
En troisième lieu, Mme [D] dépose aux débats plusieurs attestations établies par des témoins ([U] [S], [Z] [R], [H] [F]), mais aucun n'indique avoir entendu un représentant de la SARL Albret Tenareze Matériel Médical donner son accord pour payer le stock en litige.
Ces témoins se limitent à déclarer avoir aidé Mme [D] à établir l'inventaire.
En quatrième lieu, il n'existe aucun élément objectif attestant que tout ou partie du matériel appartenant à Mme [D] a été vendu par la SARL Albret Tenareze Matériel Médical.
Finalement, la preuve que cette société s'est engagée à acheter le matériel appartenant à Mme [D] n'est pas apportée, le silence gardé après mises en demeure ne pouvant suffire.
La demande en paiement présentée par Mme [D] doit être rejetée et, par conséquent, le jugement infirmé.
2) Sur la demande de dommages et intérêts présentée par Mme [D] :
Cette demande de dommages et intérêts est fondée sur deux griefs :
1) La nécessité de mettre en oeuvre des mesures d'exécution pour obtenir paiement des sommes allouées par le tribunal :
La demande est fondée, par hypothèse, sur des faits postérieurs au jugement.
Elle ne peut par conséquent se heurter à la prohibition des demandes nouvelles en appel instituée à l'article 564 du code de procédure civile qui, au contraire, prévoit que les demandes fondée sur la survenance d'un fait nouveau peuvent être présentées en cause d'appel.
Au fond, s'il est établi que la SARL Albret Tenareze Matériel Médical n'a pas spontanément exécuté le jugement, il n'en reste pas moins que Mme [D] a pu mettre en place des mesures d'exécution dont les frais sont à la charge du débiteur.
L'absence d'exécution spontanée ne lui a ainsi généré, en elle-même, aucun préjudice.
Ce poste de demande doit être rejeté.
2) Le paiement partiel et avec retard des salaires dus :
Il s'agit d'une demande reconventionnelle en lien avec les obligations nées du contrat de travail dont Mme [D] est titulaire.
Ce poste de demande n'a pas de lien suffisant avec la facturation en litige, objet du litige.
En application de l'article 70 du code de procédure civile, elle doit être déclarée irrecevable.
Enfin, l'équité n'impose pas l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
- La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort
- INFIRME le jugement SAUF en ce qu'il a déclaré recevable l'opposition de la société Albret Tenareze Matériel Médical à l'ordonnance d'injonction de payer ;
- STATUANT A NOUVEAU sur les points infirmés,
- REJETTE la demande en paiement de la facture FC4370 émise le 29 novembre 2021 à l'ordre de la SARL Albret Tenareze par [N] [D] ;
- DECLARE recevable la demande de dommages et intérêts présentée par [N] [D] fondée sur les difficultés d'exécution du jugement mais la rejette ;
- DECLARE la demande de dommages et intérêts présentée par [N] [D] fondée sur les retards et paiements partiels de ses salaires irrecevable ;
- DIT n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- CONDAMNE [N] [D] aux dépens de 1ère instance et d'appel.
- Le présent arrêt a été signé par André BEAUCLAIR, président, et par Catherine HUC, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,