CA Versailles, ch. com. 3-1, 10 septembre 2025, n° 23/03973
VERSAILLES
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 30B
Chambre commerciale 3-1
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 10 SEPTEMBRE 2025
N° RG 23/03973 - N° Portalis DBV3-V-B7H-V5NU
AFFAIRE :
S.A.R.L. GID PATRIMOINE
C/
S.A.R.L. PLANET [Localité 14]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Mai 2023 par le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de PONTOISE
N° RG : 21/00006
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Mélina PEDROLETTI
Me Oriane DONTOT
TJ [Localité 19]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A.R.L. GID PATRIMOINE
RCS [Localité 17] n° 510 865 546
[Adresse 3]
[Localité 10]
Représentants : Me Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 et Me Christophe DENIZOT de l'AARPI NICOLAS, DENIZOT & ASSOCIES, plaidant, avocat au barreau de Paris
APPELANTE
****************
S.A.R.L. PLANET [Localité 14]
RCS [Localité 19] n° 511 443 814
[Adresse 4]
[Localité 13]
Représentants : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF & TEYTAUD SALEH, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617et Me Cyril DRAI, plaidant, avocat au barreau de Paris
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 Mai 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseillère,
Madame Bérangère MEURANT, Conseillère,
Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,
Exposé des faits
Aux termes d'un acte sous seing privé du 10 avril 2009, la société GID Patrimoine a consenti à la société Planet [Localité 14], pour une durée de neuf années, un bail commercial portant sur des locaux situés [Adresse 4] à [Localité 16], aux fins d'y exercer une activité de « restauration, sur place à emporter ou à livrer, froide ou chaude », sous l'enseigne Planet sushi, moyennant un loyer annuel en principal de 60.000 euros.
Le bail s'est poursuivi au-delà du terme contractuel par tacite prolongation.
Par acte extra-judiciaire du 10 juin 2020, la société Planet [Localité 14] a sollicité du bailleur le renouvellement de son bail à compter du 1er juillet 2020, aux clauses et conditions du bail antérieur, moyennant un loyer annuel de 32.000 euros.
Le bailleur a accepté le principe du renouvellement du bail mais contesté le montant du loyer renouvelé, demandant que le loyer soit fixé à 71.304,69 euros par an hors taxes et hors charges.
Aucun accord n'a été trouvé entre les parties sur le montant du loyer du bail renouvelé.
Par acte du 26 avril 2021, la société Planet Enghien a fait assigner la société GID Patrimoine devant le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Pontoise aux fins de fixer le prix du bail renouvelé à la somme de 30.199 euros hors taxes et hors charges.
Par jugement avant dire droit du 14 décembre 2021, le juge des loyers commerciaux a ordonné une expertise confiée à M. [I] [U].
L'expert judiciaire a déposé son rapport le 10 octobre 2022, aux termes duquel il a conclu à une valeur locative annuelle, après correctifs, de 35.481,50 euros hors taxes et hors charges au 1er juillet 2020.
Par jugement du 9 mai 2023, le juge des loyers commerciaux a :
- dit que le montant du loyer du bail renouvelé au 1er juillet 2020 sera fixé à la somme de 35.107,75 euros hors taxes et hors charges, toutes autres clauses, charges et conditions du bail demeurant inchangées ;
- dit que la société' GID Patrimoine devra rembourser les trop-perçus de loyers depuis la date de renouvellement du bail, le 1er juillet 2020, à la société Planet [Localité 14], avec intérêts au taux légal à compter du 26 avril 2021 pour les sommes dues à cette date puis à compter de chaque date d'exigibilité' ;
- ordonné la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;
- rejeté les demandes plus amples des parties ;
- condamné la société' GID Patrimoine au paiement des dépens, en ce compris les frais d'expertise ;
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.
Par déclaration du 21 juin 2023, la société GID Patrimoine a interjeté appel de l'ensemble des chefs du jugement.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 7 janvier 2025, elle demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :
- juger, par application des articles L.145-33 et L.145-34 du code de commerce, que le loyer de renouvellement du bail dont s'agit, à effet du 1er juillet 2020, doit être fixé à la valeur locative dans le cadre d'un renouvellement de bail ;
- fixer en conséquence le loyer du bail renouvelé au 1er juillet 2020 à un montant annuel de 58.650 euros, subsidiairement 56.854 euros, plus subsidiairement 47.079 euros, en principal, hors charges et hors taxes ;
- condamner la société Planet [Localité 14] au paiement d'une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, avec droit de recouvrement direct.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 19 mars 2025, la société Planet [Localité 14] demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit que le montant du loyer du bail renouvelé au 1er juillet 2020 sera fixé à la somme de 35.107,75 euros hors taxes et hors charges, toutes autre clauses, charges et conditions du bail demeurant inchangées et, statuant à nouveau, de :
- fixer le prix du bail renouvelé au 1er juillet 2020 à la somme de 15.700 euros hors taxes et hors charges, toutes les autres clauses, charges et conditions du bail expiré demeurant inchangées sous réserve de celles qui seraient contraires aux dispositions de la loi n°2014-626 du 18 juin 2014 et au décret n°2014-1317 du 3 novembre 2014 ;
- débouter la société GID Patrimoine de toutes ses demandes plus amples ou contraires ;
- condamner la société GID Patrimoine au paiement d'une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, avec droit de recouvrement direct.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 10 avril 2025.
SUR CE,
Sur la fixation du loyer du bail renouvelé
L'article L.145-33 du code de commerce dispose que :
« Le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.
A défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après :
1° - Les caractéristiques du local considéré ;
2° - La destination des lieux ;
3° - Les obligations respectives des parties ;
4° - Les facteurs locaux de commercialité ;
5° - Les prix couramment pratiqués dans le voisinage.
Un décret en Conseil d'Etat précise la consistance de ces éléments. »
Selon l'article R.145-3 du même code, les caractéristiques propres au local s'apprécient en considération :
« 1° de sa situation dans l'immeuble où il se trouve, de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public ;
2° de l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l'exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux ;
3° de ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d'activité qui y est exercée ;
4° de l'état d'entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail ;
5° de la nature et de l'état des équipements et des moyens d'exploitation mis à la disposition du locataire. »
L'article R.145-6 de ce code ajoute que « les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire ».
L'article R.145-7 du même code précise que :
« Les prix couramment pratiqués dans le voisinage, par unité de surfaces, concernent des locaux équivalents eu égard à l'ensemble des éléments mentionnés aux articles R.145-3 à R.145-6.
A défaut d'équivalence, ils peuvent, à titre indicatif, être utilisés pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence.
Les références proposées de part et d'autre portent sur plusieurs locaux et comportent, pour chaque local, son adresse et sa description succincte. Elles sont corrigées à raison des différences qui peuvent exister entre les dates de fixation des prix et les modalités de cette fixation. »
La société GID Patrimoine demande à la cour de fixer le loyer du bail renouvelé à la somme de 58.650 euros HT et HC par an.
Elle demande à la cour de retenir une surface pondérée totale arrondie de 69 m²p en tenant compte de l'intégralité de la cour intérieure (lot n°52) utilisée en totalité comme terrasse par la société preneuse. Elle fait valoir qu'il s'agit d'un véritable lot de copropriété donné à bail, dont l'occupation présente un caractère pérenne, contrairement aux terrasses installées sur le domaine public ; que la terrasse comporte une vingtaine de places assises, ce qui permet de doubler la capacité d'accueil du restaurant ; qu'elle dispose d'un accès aux WC situés dans la cour intérieure.
Dans le panachage de références sélectionnées par l'expert judiciaire comme termes de comparaison, elle propose de retenir les références les plus proches et surtout les plus récentes, en excluant les références trop anciennes qui ne reflètent pas l'évolution des valeurs.
Elle estime que le prix unitaire doit être fixé à 850 euros/m²p/an, au regard de la très bonne situation des locaux loués dans un secteur d'active commercialité bénéficiant d'une chalandise à fort pouvoir d'achat, de l'état de l'immeuble, de bonne facture et en bon état d'entretien et de ravalement, du bon état d'entretien des locaux loués, de la destination du bail, bien adaptée au secteur, et des clauses du bail.
La société Planet [Localité 14] demande à la cour de fixer le loyer du bail renouvelé à la somme de 15.700 euros HT et HC par an, après corrections.
Elle demande à la cour de retenir la surface utile de 91,40 m² déterminée par l'expert judiciaire mais de ramener la surface pondérée des locaux à 47,79 m² arrondis à 48m², en appliquant un coefficient de pondération de 0,10 pour la surface en sous-sol non reliée et soutient qu'aucune terrasse appartenant au bailleur n'est donnée à bail, seul un droit de jouissance exclusif d'une moitié de cour, partie commune, l'étant.
Elle soutient que le prix unitaire doit être fixé à 400 euros/m²p/an, soit une valeur locative de 19.200 euros (48 m²p x 400 euros).
Elle invoque essentiellement le mauvais agencement des locaux, des modifications défavorables des facteurs locaux de commercialité liées à la crise Covid intervenue à la date de renouvellement des locaux pris à bail et estime qu'il y a lieu de prendre en considération les loyers de référence avant Covid-19 en les corrigeant à la baisse.
Sur ce,
Dans le cadre de l'évaluation du loyer du bail renouvelé, les parties s'opposent sur la superficie des locaux loués, le prix unitaire au m²p ainsi que sur les corrections à apporter à la valeur locative.
- Sur la superficie des locaux loués
Aux termes du bail, les locaux sont ainsi désignés :
« - Dans le bâtiment A, au rez-de-chaussée, un local composé d'un magasin, de trois réserves et d'un water-closet désigné dans le règlement de copropriété comme étant le lot n°2 ;
- Dans le Bâtiment A, au sous-sol, une cave désignée comme étant le lot n°15 ;
- Au sous-sol, une cave désignée comme étant le lot n°16 ;
- Au rez-de-chaussée à droite, un local composé de trois réserves, et droit à l'usage des water-closet situés dans la cour, désigné comme étant le lot n°42 ;
- Au rez-de-chaussée, le droit à la jouissance exclusive de la moitié de la cour, désigné comme étant le lot n°52.
Les lots n°2 et n°42 représentant ensemble une surface de 65,23 m², la superficie indiquée n'étant qu'une surface approximative. »
En l'absence d'un relevé effectué par un géomètre-expert, l'expert judiciaire a calculé une surface utile totale de 91,40 m² à partir des plans cotés.
Ce calcul n'est pas contesté par les parties, seule étant discutée l'absence de prise en compte de la terrasse.
Le bail vise un « droit à la jouissance exclusive de la moitié de la cour » et le preneur indique lui-même qu'il utilise une partie de la cour « donnée à bail », reconnaissant ainsi le droit du bailleur à occuper une partie de la cour.
La société Planet [Localité 14] n'établit pas qu'à un quelconque moment cette occupation a été remise en cause ou qu'elle est susceptible de l'être de sorte que son caractère pérenne doit être retenu.
La terrasse doit donc être incluse dans l'assiette du bail.
En revanche, seule la moitié de la cour, soit 19,22 m², sera comptabilisée, dès lors qu'il n'est pas démontré que le preneur occupe dans les faits l'intégralité de la cour, ainsi que le soutient le bailleur.
La cour retiendra donc une surface utile totale de 110,62 m².
La pondération des surfaces par l'expert judiciaire ne suscite pas d'observation de la part du bailleur, contrairement au preneur qui demande d'écarter la pondération de 0,20 retenue par l'expert pour la surface en sous-sol non reliée (22,15 m²) et d'appliquer un coefficient de 0,10, conformément au tableau communiqué par l'expert.
Selon les recommandations de pondération annexées à la cinquième édition de la charte de l'expertise en évaluation immobilière de mars 2017, les « annexes diverses non reliées » situées en sous-sol sont pondérées selon un coefficient compris entre 0,10 et 0,15. Le taux de 0,10 ne donnant lieu à aucune discussion de la part du bailleur, il sera appliqué à la surface en sous-sol non reliée de 22,15 m².
La surface de la terrasse (19,22 m²) sera pondérée selon un coefficient de 0,5 comme le propose le bailleur lui-même.
La surface pondérée des locaux sera en conséquence évaluée à 57,40 m² se décomposant comme suit :
- rez-de-chaussée bas ' salle de restauration (zone 1 sur 5 mètres depuis la façade) : 23 m² x 1 = 23 m²p
- rez-de-chaussée haut ' salle de restauration (zone 3 > 10 mètres) : 20,5 m² x 0,60 = 12,30 m²p
- cuisine, office au rez-de-chaussée : 24,37 m² x 0,40 = 9,75 m²p
- sanitaires au rez-de-chaussée : 1,38 m² x 0,40 = 0,52 m²p
- annexes non reliées au sous-sol (réserves, locaux sociaux) : 22,15 m² x 0,10 = 2,22 m²p
- terrasse : 19,22 m² x 0,5 = 9,61 m²p.
- Sur les caractéristiques du local considéré
Les locaux loués dépendent d'un immeuble de trois étages, de bonne facture avec façade en pierre de taille, situé dans la rue commerçante principale du centre-ville d'[Localité 15], à proximité du centre administratif et de la mairie, près de laquelle se trouve un parc de stationnement de 315 places.
L'entrée des locaux, sur la [Adresse 21], débouche sur un espace de commande comportant un comptoir de commande et une zone d'attente. En contrehaut de 8 marches se trouve une salle de restauration de 16 places assises, à partir de laquelle on accède par une porte vitrée à la terrasse extérieure, permettant l'installation d'une vingtaine de places assises. Au fond de la salle de restaurant, on accède à la cuisine et à une petite réserve en enfilade. Le sous-sol, comportant des réserves et des locaux sociaux, est accessible depuis les parties communes de l'immeuble via un escalier.
L'expert judiciaire a constaté que les locaux étaient en très bon état d'entretien.
Si la société locataire invoque le mauvais agencement des locaux, tout en profondeur, la configuration des locaux est particulièrement bien adaptée à l'activité de la société Planet [Localité 14] qui exploite un magasin sous l'enseigne Planet sushi proposant principalement des repas à livrer ou à emporter.
L'expert judiciaire n'a pas relevé de modification des caractéristiques du local pendant le bail écoulé et si la locataire évoque encore les conséquences de la pratique accrue du télétravail depuis la crise sanitaire, M. [U] a relevé que l'activité de la société Planet [Localité 14] comportait une part importante de livraison (60 %) et de vente à emporter (25 %), ce qui nuance très fortement les effets allégués de la pratique accrue du télétravail.
- Sur les prix couramment pratiqués dans le voisinage
L'expert judiciaire a estimé la valeur locative en renouvellement au 1er juillet 2020 à 650 euros/m²p/an et le juge des loyers a fait sienne cette valeur.
La société GID Patrimoine demande à la cour de retenir un prix unitaire de 850 euros/m²p tandis que la société Planet [Localité 14] estime que le prix unitaire ne peut excéder 400 euros/m² compte tenu de la date de renouvellement au 1er juillet 2020, durant la crise sanitaire.
Les parties ne communiquent pas de références locatives.
L'expert judiciaire a analysé au total 15 références sur la commune d'[Localité 15], portant sur des nouvelles locations entre juillet 2011 et novembre 2020 (9), des renouvellements amiables de baux entre 2019 et 2020 (5) et un renouvellement judiciaire avec prise d'effet en février 2016.
M. [U] précise dans son rapport qu'il s'est attaché à rechercher des éléments comparables dans la [Adresse 21] où sont implantés les locaux loués et dans un environnement proche.
Certains termes de comparaison apparaissent trop anciens (2011, 2013 et 2014) par rapport à la date de renouvellement du bail litigieux au 1er juillet 2020 et doivent être écartés.
Toutes les références datant de 2020, y compris celles postérieures à la date de renouvellement du bail, méritent d'être conservées dans le panel de comparaison compte tenu de leur très grande proximité dans le temps avec la date de renouvellement du bail litigieux.
La société GID Patrimoine fait observer que les loyers des agences bancaires, qu'elle assimile à des bureaux-boutiques, bénéficient de loyers moins élevés que les commerces traditionnels mais elle indique aussi, non sans contradiction, que l'une des références de location nouvelle les plus pertinentes est une agence bancaire. Ces références seront prises en compte à titre d'éléments de comparaison.
S'agissant des offres de location, M. [U] a pris le soin de préciser qu'il ne les mentionnait qu'à titre indicatif, afin « d'observer la tendance du marché » et non comme termes de comparaison.
Parmi les références mentionnées dans le rapport d'expertise judiciaire, la cour considère que 11 références sont pertinentes :
* s'agissant des nouvelles locations :
- un bail portant sur des locaux occupés par une agence bancaire et situés [Adresse 6], d'une surface pondérée de 101 m²p, avec une prise d'effet en novembre 2020, moyennant un loyer unitaire de 931 euros/m²p ;
- un bail portant sur des locaux occupés par un restaurant et situés [Adresse 12], d'une surface pondérée de 67,5 m²p, avec une prise d'effet en septembre 2020, moyennant un loyer unitaire de 534 euros/m²p ;
- un bail portant sur des locaux occupés par une agence PAP et situés [Adresse 11], d'une surface pondérée de 45 m²p, avec une prise d'effet en novembre 2017, moyennant un loyer unitaire de 930 euros/m²p ;
* s'agissant des renouvellements amiables :
- un bail portant sur des locaux occupés par une agence bancaire et situés [Adresse 8], d'une surface pondérée de 142 m²p, avec une prise d'effet en 2020, moyennant un loyer unitaire de 693 euros/m²p ;
- un bail portant sur des locaux occupés par une société active dans la téléphonie et situés [Adresse 9], d'une surface pondérée de 61 m²p, avec une prise d'effet en octobre 2020, moyennant un loyer unitaire de 712 euros/m²p ;
- un bail portant sur des locaux occupés par une agence bancaire et situés [Adresse 7], d'une surface pondérée de 148 m²p, avec une prise d'effet en 2020, moyennant un loyer unitaire de 601 euros/m²p ;
- un bail portant sur des locaux occupés par une agence PAP et situés [Adresse 1], d'une surface pondérée de 44 m²p, avec une prise d'effet en 2020, moyennant un loyer unitaire de 518 euros/m²p ;
- un bail portant sur des locaux occupés par une retoucherie et situés [Adresse 2], d'une surface pondérée de 28 m²p, avec une prise d'effet en 2019, moyennant un loyer unitaire de 450 euros/m²p ;
* s'agissant des renouvellements judiciaires :
- un bail portant sur des locaux occupés par un restaurant italien et situés [Adresse 18], d'une surface pondérée de 120,25 m²p, avec une prise d'effet en février 2016, moyennant un loyer unitaire de 400 euros/m²p.
Ces références fournissent une fourchette de valeurs comprises entre 400 euros/m²p et 931 euros/m²p, étant observé d'une part, que les nouvelles locations bénéficient usuellement de loyers plus élevés que les renouvellements amiables et d'autre part, que comme le fait observer la société GID Patrimoine sans être contredite, la [Adresse 21] est mieux cotée que la [Adresse 20], où les loyers sont moins élevés.
Au regard de l'ensemble des éléments précédemment développés concernant les caractéristiques des locaux loués, de la destination des lieux et de l'activité exercée, des facteurs locaux de commercialité et des prix couramment pratiqués dans le voisinage, il convient de fixer la valeur locative en renouvellement au 1er juillet 2020 à 650 euros/m²p, telle que justement retenue par l'expert judiciaire.
- Sur les correctifs à apporter à la valeur locative
Aux termes de l'article R.145-8 du code de commerce, « les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative. Il en est de même des obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages. Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l'acceptation d'un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge ».
L'expert judiciaire a appliqué à la valeur locative :
- une majoration de 15% au titre du droit de jouissance de la terrasse intérieure de l'immeuble,
- une minoration correspondant au montant de la taxe foncière,
- une minoration de 2% au titre des travaux de mise en conformité.
Outre ces majoration et minorations, le juge des loyers a retenu un abattement de 1% au titre de la clause déchargeant le bailleur de ses obligations en cas de vice caché.
Hormis la déduction du montant de la taxe foncière, la société locataire sollicite l'application de dix abattements, pour un total de 18%, à raison des clauses du bail qu'elle qualifie d'exorbitantes.
La société bailleresse considère que l'abattement total de 18% sollicité par le preneur est déraisonnable et que les seuls abattements justifiés sont la déduction au réel de la taxe foncière et l'abattement à hauteur de 2% au titre des travaux de mise en conformité des locaux mais que, toutefois, compte tenu des éléments de comparaison, aucun abattement ne peut être retenu.
* sur la majoration au titre de la terrasse :
Dans la mesure où la cour a retenu que cette surface était comprise dans l'assiette du bail, il n'y a pas lieu d'appliquer une majoration.
* sur la déduction de la taxe foncière :
Selon l'article 7, 2°, b du bail, le bailleur entend que le loyer perçu soit net de toutes charges et impôts et le preneur doit notamment lui rembourser la taxe foncière.
S'agissant d'une clause exorbitante du droit commun, le montant non discuté de la taxe foncière, soit 1.146 euros, correspondant au montant de la taxe foncière 2020 ainsi qu'il résulte du rapport d'expertise, doit être déduit de la valeur locative, étant observé qu'il n'est pas démontré que les références locatives prévoient le transfert de l'impôt foncier au preneur.
* sur les travaux de mise en conformité et l'absence de système d'extraction d'air :
La société Planet [Localité 14] sollicite l'application d'un abattement de 5% de ce chef et elle soutient par ailleurs que l'absence de livraison, à la prise d'effet du bail, d'un conduit d'extraction d'air, justifie une minoration de la valeur locative, qu'elle ne chiffre cependant pas.
L'article 10, 3° du bail stipule que le preneur devra effectuer à ses frais tous travaux qui pourraient être prescrits par les autorités administratives et/ou requis par la copropriété, lors de l'entrée en jouissance ou en cours de bail, aux fins notamment de permettre l'utilisation des locaux en fonction de leur destination contractuelle, en conformité avec la règlementation actuelle ou future, quelle que soit la nature des prescriptions administratives (hygiène, sécurité, législation du travail, etc).
Dès lors que l'exécution de travaux de mise aux normes en vigueur relève de l'obligation de délivrance prévue par les articles 1719 et 1720 du code civil, le bailleur devant délivrer des locaux conformes à l'usage pour lequel ils ont été donnés à bail, la clause transférant au preneur les travaux de mise aux normes a un caractère exorbitant du droit commun.
Un abattement de 2%, tel que préconisé par l'expert judiciaire, sera donc appliqué au titre des travaux de mise aux normes imposés à la société Planet [Localité 14], étant précisé que depuis l'entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2014, dite loi Pinel, l'article 10, 3° précité du bail ne peut conduire le bailleur à exiger du preneur qu'il prenne en charge les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de mettre en conformité le bien loué avec la réglementation, dès lors qu'ils relèvent des grosses réparations visées à l'article 606 du code civil.
En revanche, s'agissant du système d'extraction d'air, l'expert judiciaire a considéré, à juste titre, que l'absence d'un tel système n'empêchait pas la société Planet [Localité 14] d'exercer son activité.
En outre, la clause de destination précise elle-même que les locaux loués ne sont pas équipés d'un tel système d'extraction et prévoit les conditions de son installation par le preneur.
Ainsi, l'article 3, 1° du bail dispose :
« Le preneur ne pourra utiliser les lieux loués qu'à usage exclusif de restauration sur place à emporter ou à livrer, froide ou chaude. La restauration chaude s'entend des types de restauration n'entrainant aucune nuisance pour le voisinage, le local n'étant pas équipé de conduit de désenfumage ou de hotte aspirante.
Toutefois, le bailleur autorise par anticipation le preneur à exploiter toute activité de restauration chaude sous réserve de l'obtention par le preneur de toutes autorisations administratives et des autorisations de la copropriété relative à ces types de restauration chaude, ainsi que de la pose des installations adéquates. Cette autorisation ne constitue en aucun cas une condition substantielle du présent bail, la validité du bail ne pouvant être remise en cause si lesdites autorisations n'étaient pas obtenues par le preneur.
Le bailleur s'engage d'ores et déjà à solliciter la réunion d'une assemblée générale de la copropriété aux fins d'obtention des autorisations nécessaires à l'exploitation de l'activité de restauration chaude, les frais de ladite assemblée étant à la charge du preneur. » (souligné par la cour)
Le preneur, dont il n'est pas contesté qu'il a installé à ses frais une extraction d'air, n'invoque ni ne justifie d'aucune autorisation de la copropriété, pour installer un tel système.
Il est donc d'autant plus mal fondé à solliciter une minoration de la valeur locative à raison de l'absence d'extraction d'air lors de l'entrée en jouissance des locaux.
* sur la clause déchargeant le bailleur de ses obligations en cas de vices cachés :
La société Planet [Localité 14] sollicite l'application d'un abattement de 2% de ce chef.
L'article 10, 1° prévoit que, par dérogation à l'article 1721 du code civil, le preneur renonce à tout recours l'encontre du bailleur au titre des vices et défauts de la chose louée.
Cette clause, exorbitante du droit commun, justifie l'application d'un abattement de 1% tel que retenu par le premier juge.
* sur les charges de l'immeuble :
Selon l'article 7, 1°, b du bail, le preneur doit rembourser au bailleur la totalité des charges de copropriété afférentes aux locaux loués, en fonction des tantièmes de copropriété attachés par le règlement de copropriété auxdits locaux.
La société Planet [Localité 14], qui sollicite l'application d'un abattement de 2% à ce titre, prétend que la refacturation de charges faite par le bailleur depuis la prise d'effet du bail inclut les honoraires de gestion et l'assurance de l'immeuble.
Elle ne produit aucune pièce au soutien de ses dires, permettant à la cour d'apprécier ce qui est effectivement refacturé par le bailleur et si certaines des charges refacturées au preneur sont exorbitantes.
Aucun abattement ne saurait en conséquence être appliqué de ce chef dès lors que les charges récupérées sur le locataire sont, selon le bail, afférentes aux locaux loués, donc nécessaires à son activité, et que la répartition desdites charges entre les différents locataires s'effectue au prorata des tantièmes de copropriété.
* sur le remplacement des vitrages aux frais du preneur :
La société Planet [Localité 14] sollicite l'application d'un abattement de 1% de ce chef.
L'article 10, 2° du bail stipule que le preneur s'oblige à tenir les lieux loués en parfait état d'entretien et qu'il doit notamment réparer ou remplacer à ses frais les vitrages des lieux loués.
Or, l'obligation de remplacement des vitrages dont il est fait état dans cette clause relève de l'obligation d'entretien pesant sur le preneur, qui ne fait pas état d'une véranda ou d'une verrière dans les locaux loués.
La demande d'abattement à ce titre ne peut donc prospérer.
* sur la clause imposant au preneur de souffrir tous travaux sans aucune indemnité ni réduction de loyer :
La société Planet [Localité 14] sollicite l'application d'un abattement de 2% de ce chef.
L'article 11, 3° du bail stipule que, par dérogation aux dispositions des articles 1723 et 1724 du code civil, le preneur devra supporter, sans indemnité ni recours contre le bailleur, la gêne et les conséquences de toute nature qui résulteraient de l'exécution de tous travaux d'entretien, de réparations, grosses ou menues, passage de canalisation, etc, que le bailleur se réserve de faire exécuter dans les locaux loués, quelle qu'en soit la durée, cette dernière excédât-elle quarante jours.
Cette clause, qui ne prévoit aucune contrepartie pour le preneur, même si les travaux excèdent quarante jours, constitue une clause exorbitante du droit commun justifiant une minoration de 2% de la valeur locative.
- sur le remboursement de la surprime d'assurance de l'immeuble :
La société Planet [Localité 14] sollicite l'application d'un abattement de 1% de ce chef.
L'article 15, 2° du bail stipule que dans le cas où les activités exercées par le preneur entraîneraient pour le bailleur, notamment, une surprime d'assurance, le preneur sera tenu d'indemniser le bailleur de la surprime payée.
Cette surprime étant éventuellement due à raison de la seule activité du preneur, l'application d'un abattement à ce titre n'est pas justifiée.
* sur la clause imposant au preneur de prendre l'ensemble du bien loué dans l'état où le tout se trouvera lors de l'entrée en jouissance :
La société Planet [Localité 14] sollicite l'application d'un abattement de 2% de ce chef.
L'article 10, 1° du bail stipule que le preneur s'oblige à prendre les locaux loués dans l'état ils se trouveront lors de l'entrée en jouissance, sans pouvoir exiger du bailleur aucun travaux, ni remise en état, tous travaux nécessaires à l'adaptation des lieux à l'activité autorisée et à toute mise en conformité, qu'elle se révèle nécessaire lors de l'entrée en jouissance ou au cours du bail, étant à la charge du preneur.
La société locataire a été en mesure de visiter les lieux avant la signature du contrat de bail et elle a déclaré parfaitement les connaître en signant ce contrat. En outre, un abattement de 2% a été précédemment retenu au titre des travaux de mise en conformité des locaux.
Il n'y a dès lors pas lieu d'appliquer un abattement supplémentaire au titre de la clause précitée, étant précisé qu'en toute hypothèse, une telle clause ne décharge pas le bailleur de son obligation de délivrance.
* sur la clause imposant au locataire de souffrir tous travaux que le bailleur se réserve d'effectuer sur les parties communes :
La société Planet [Localité 14] sollicite l'application d'un abattement de 1% au motif que, par dérogation à l'article 1723 du code civil, le bail lui impose de souffrir tous travaux que le bailleur effectuerait sur les parties communes.
Elle ne vise pas la clause du bail prévoyant une telle obligation et il ne résulte pas de la lecture du contrat de bail, qu'une telle clause ait été stipulée.
La demande d'abattement ne peut en conséquence prospérer.
* sur la clause imposant au preneur de déposer à ses frais tous agencements, mobiliers, matériel et installations quelconques :
La société Planet [Localité 14] sollicite l'application d'un abattement de 2% de ce chef.
L'article 11, 3° du bail stipule que le preneur devra déposer, à ses frais, tous agencements, mobiliers, matériel et installations quelconques dont l'enlèvement serait utile pour l'exécution de tous travaux par le bailleur ou un quelconque occupant de l'immeuble.
Il ne s'agit pas d'une clause exorbitante du droit commun et il n'est pas justifié de retenir une minoration de la valeur locative à ce titre dans la mesure notamment où les travaux nécessitant la dépose des agencements, mobiliers, matériel et installations quelconques sont susceptibles de bénéficier au preneur.
La demande d'abattement sera rejetée.
* sur la clause pénale :
La société Planet [Localité 14], qui qualifie d'exorbitante la clause pénale du contrat de bail, sollicite l'application d'un abattement de 1% de ce chef.
L'article 17, 2° du bail stipule qu'à défaut de paiement du loyer, des accessoires et des sommes exigibles à chaque terme, huit jours après une simple lettre recommandée demeurée sans suite, le dossier sera transmis à l'huissier et/ou les sommes dues, automatiquement majorées de 10%.
Une telle clause pénale n'est pas exorbitante du droit commun et peut être soumise au pouvoir modérateur du juge en application de l'article 1231-5 du code civil de sorte que l'abattement doit être écarté.
Seules seront donc retenues la déduction au réel de la taxe foncière (1.146 euros) ainsi que les abattements au titre des travaux de mise en conformité (- 2%), de la clause de renonciation en cas de vices et défauts (- 1%) et de la clause de souffrance tous travaux (- 2%).
Au vu de l'ensemble de ces éléments, le montant du loyer du bail renouvelé au 1er juillet 2020 doit être fixé à la somme de 34.298,50 euros arrondie à 34.300 euros par an hors taxes et hors charges ([57,40 m²p x 650 euros] ' 1.146 ' [2% x 37.310] ' [1% x 37.310] ' [2% x 37.310]), par infirmation du jugement entrepris.
Le point de départ des intérêts sur les trop-perçus de loyer ne faisant l'objet d'aucune discussion, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que les intérêts dus sur la différence entre le nouveau loyer du bail renouvelé et le loyer provisionnel courent à compter du 26 avril 2021 pour les sommes dues à cette date puis à compter de chaque date d'exigibilité.
Pour les mêmes raisons, le jugement sera également confirmé en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens, comprenant les frais d'expertise judiciaire, seront confirmées.
Les parties succombant en leur appel respectif, elles supporteront leurs propres dépens d'appel et il ne sera pas fait droit aux demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a fixé le loyer du bail renouvelé à la somme de 35.107,75 euros par an hors taxes et hors charges ;
Le confirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,
Fixe à la somme de 34.300 euros par an hors taxes et hors charges le montant du loyer du bail renouvelé au 1er juillet 2020 entre la société GID Patrimoine et la société Planet [Localité 14], portant sur les locaux situés [Adresse 5] à [Localité 16] ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens d'appel ;
Déboute les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente, et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier La Présidente
DE
VERSAILLES
Code nac : 30B
Chambre commerciale 3-1
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 10 SEPTEMBRE 2025
N° RG 23/03973 - N° Portalis DBV3-V-B7H-V5NU
AFFAIRE :
S.A.R.L. GID PATRIMOINE
C/
S.A.R.L. PLANET [Localité 14]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Mai 2023 par le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de PONTOISE
N° RG : 21/00006
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Mélina PEDROLETTI
Me Oriane DONTOT
TJ [Localité 19]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A.R.L. GID PATRIMOINE
RCS [Localité 17] n° 510 865 546
[Adresse 3]
[Localité 10]
Représentants : Me Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 et Me Christophe DENIZOT de l'AARPI NICOLAS, DENIZOT & ASSOCIES, plaidant, avocat au barreau de Paris
APPELANTE
****************
S.A.R.L. PLANET [Localité 14]
RCS [Localité 19] n° 511 443 814
[Adresse 4]
[Localité 13]
Représentants : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF & TEYTAUD SALEH, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617et Me Cyril DRAI, plaidant, avocat au barreau de Paris
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 Mai 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseillère,
Madame Bérangère MEURANT, Conseillère,
Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,
Exposé des faits
Aux termes d'un acte sous seing privé du 10 avril 2009, la société GID Patrimoine a consenti à la société Planet [Localité 14], pour une durée de neuf années, un bail commercial portant sur des locaux situés [Adresse 4] à [Localité 16], aux fins d'y exercer une activité de « restauration, sur place à emporter ou à livrer, froide ou chaude », sous l'enseigne Planet sushi, moyennant un loyer annuel en principal de 60.000 euros.
Le bail s'est poursuivi au-delà du terme contractuel par tacite prolongation.
Par acte extra-judiciaire du 10 juin 2020, la société Planet [Localité 14] a sollicité du bailleur le renouvellement de son bail à compter du 1er juillet 2020, aux clauses et conditions du bail antérieur, moyennant un loyer annuel de 32.000 euros.
Le bailleur a accepté le principe du renouvellement du bail mais contesté le montant du loyer renouvelé, demandant que le loyer soit fixé à 71.304,69 euros par an hors taxes et hors charges.
Aucun accord n'a été trouvé entre les parties sur le montant du loyer du bail renouvelé.
Par acte du 26 avril 2021, la société Planet Enghien a fait assigner la société GID Patrimoine devant le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Pontoise aux fins de fixer le prix du bail renouvelé à la somme de 30.199 euros hors taxes et hors charges.
Par jugement avant dire droit du 14 décembre 2021, le juge des loyers commerciaux a ordonné une expertise confiée à M. [I] [U].
L'expert judiciaire a déposé son rapport le 10 octobre 2022, aux termes duquel il a conclu à une valeur locative annuelle, après correctifs, de 35.481,50 euros hors taxes et hors charges au 1er juillet 2020.
Par jugement du 9 mai 2023, le juge des loyers commerciaux a :
- dit que le montant du loyer du bail renouvelé au 1er juillet 2020 sera fixé à la somme de 35.107,75 euros hors taxes et hors charges, toutes autres clauses, charges et conditions du bail demeurant inchangées ;
- dit que la société' GID Patrimoine devra rembourser les trop-perçus de loyers depuis la date de renouvellement du bail, le 1er juillet 2020, à la société Planet [Localité 14], avec intérêts au taux légal à compter du 26 avril 2021 pour les sommes dues à cette date puis à compter de chaque date d'exigibilité' ;
- ordonné la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;
- rejeté les demandes plus amples des parties ;
- condamné la société' GID Patrimoine au paiement des dépens, en ce compris les frais d'expertise ;
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.
Par déclaration du 21 juin 2023, la société GID Patrimoine a interjeté appel de l'ensemble des chefs du jugement.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 7 janvier 2025, elle demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :
- juger, par application des articles L.145-33 et L.145-34 du code de commerce, que le loyer de renouvellement du bail dont s'agit, à effet du 1er juillet 2020, doit être fixé à la valeur locative dans le cadre d'un renouvellement de bail ;
- fixer en conséquence le loyer du bail renouvelé au 1er juillet 2020 à un montant annuel de 58.650 euros, subsidiairement 56.854 euros, plus subsidiairement 47.079 euros, en principal, hors charges et hors taxes ;
- condamner la société Planet [Localité 14] au paiement d'une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, avec droit de recouvrement direct.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 19 mars 2025, la société Planet [Localité 14] demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit que le montant du loyer du bail renouvelé au 1er juillet 2020 sera fixé à la somme de 35.107,75 euros hors taxes et hors charges, toutes autre clauses, charges et conditions du bail demeurant inchangées et, statuant à nouveau, de :
- fixer le prix du bail renouvelé au 1er juillet 2020 à la somme de 15.700 euros hors taxes et hors charges, toutes les autres clauses, charges et conditions du bail expiré demeurant inchangées sous réserve de celles qui seraient contraires aux dispositions de la loi n°2014-626 du 18 juin 2014 et au décret n°2014-1317 du 3 novembre 2014 ;
- débouter la société GID Patrimoine de toutes ses demandes plus amples ou contraires ;
- condamner la société GID Patrimoine au paiement d'une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, avec droit de recouvrement direct.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 10 avril 2025.
SUR CE,
Sur la fixation du loyer du bail renouvelé
L'article L.145-33 du code de commerce dispose que :
« Le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.
A défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après :
1° - Les caractéristiques du local considéré ;
2° - La destination des lieux ;
3° - Les obligations respectives des parties ;
4° - Les facteurs locaux de commercialité ;
5° - Les prix couramment pratiqués dans le voisinage.
Un décret en Conseil d'Etat précise la consistance de ces éléments. »
Selon l'article R.145-3 du même code, les caractéristiques propres au local s'apprécient en considération :
« 1° de sa situation dans l'immeuble où il se trouve, de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public ;
2° de l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l'exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux ;
3° de ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d'activité qui y est exercée ;
4° de l'état d'entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail ;
5° de la nature et de l'état des équipements et des moyens d'exploitation mis à la disposition du locataire. »
L'article R.145-6 de ce code ajoute que « les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire ».
L'article R.145-7 du même code précise que :
« Les prix couramment pratiqués dans le voisinage, par unité de surfaces, concernent des locaux équivalents eu égard à l'ensemble des éléments mentionnés aux articles R.145-3 à R.145-6.
A défaut d'équivalence, ils peuvent, à titre indicatif, être utilisés pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence.
Les références proposées de part et d'autre portent sur plusieurs locaux et comportent, pour chaque local, son adresse et sa description succincte. Elles sont corrigées à raison des différences qui peuvent exister entre les dates de fixation des prix et les modalités de cette fixation. »
La société GID Patrimoine demande à la cour de fixer le loyer du bail renouvelé à la somme de 58.650 euros HT et HC par an.
Elle demande à la cour de retenir une surface pondérée totale arrondie de 69 m²p en tenant compte de l'intégralité de la cour intérieure (lot n°52) utilisée en totalité comme terrasse par la société preneuse. Elle fait valoir qu'il s'agit d'un véritable lot de copropriété donné à bail, dont l'occupation présente un caractère pérenne, contrairement aux terrasses installées sur le domaine public ; que la terrasse comporte une vingtaine de places assises, ce qui permet de doubler la capacité d'accueil du restaurant ; qu'elle dispose d'un accès aux WC situés dans la cour intérieure.
Dans le panachage de références sélectionnées par l'expert judiciaire comme termes de comparaison, elle propose de retenir les références les plus proches et surtout les plus récentes, en excluant les références trop anciennes qui ne reflètent pas l'évolution des valeurs.
Elle estime que le prix unitaire doit être fixé à 850 euros/m²p/an, au regard de la très bonne situation des locaux loués dans un secteur d'active commercialité bénéficiant d'une chalandise à fort pouvoir d'achat, de l'état de l'immeuble, de bonne facture et en bon état d'entretien et de ravalement, du bon état d'entretien des locaux loués, de la destination du bail, bien adaptée au secteur, et des clauses du bail.
La société Planet [Localité 14] demande à la cour de fixer le loyer du bail renouvelé à la somme de 15.700 euros HT et HC par an, après corrections.
Elle demande à la cour de retenir la surface utile de 91,40 m² déterminée par l'expert judiciaire mais de ramener la surface pondérée des locaux à 47,79 m² arrondis à 48m², en appliquant un coefficient de pondération de 0,10 pour la surface en sous-sol non reliée et soutient qu'aucune terrasse appartenant au bailleur n'est donnée à bail, seul un droit de jouissance exclusif d'une moitié de cour, partie commune, l'étant.
Elle soutient que le prix unitaire doit être fixé à 400 euros/m²p/an, soit une valeur locative de 19.200 euros (48 m²p x 400 euros).
Elle invoque essentiellement le mauvais agencement des locaux, des modifications défavorables des facteurs locaux de commercialité liées à la crise Covid intervenue à la date de renouvellement des locaux pris à bail et estime qu'il y a lieu de prendre en considération les loyers de référence avant Covid-19 en les corrigeant à la baisse.
Sur ce,
Dans le cadre de l'évaluation du loyer du bail renouvelé, les parties s'opposent sur la superficie des locaux loués, le prix unitaire au m²p ainsi que sur les corrections à apporter à la valeur locative.
- Sur la superficie des locaux loués
Aux termes du bail, les locaux sont ainsi désignés :
« - Dans le bâtiment A, au rez-de-chaussée, un local composé d'un magasin, de trois réserves et d'un water-closet désigné dans le règlement de copropriété comme étant le lot n°2 ;
- Dans le Bâtiment A, au sous-sol, une cave désignée comme étant le lot n°15 ;
- Au sous-sol, une cave désignée comme étant le lot n°16 ;
- Au rez-de-chaussée à droite, un local composé de trois réserves, et droit à l'usage des water-closet situés dans la cour, désigné comme étant le lot n°42 ;
- Au rez-de-chaussée, le droit à la jouissance exclusive de la moitié de la cour, désigné comme étant le lot n°52.
Les lots n°2 et n°42 représentant ensemble une surface de 65,23 m², la superficie indiquée n'étant qu'une surface approximative. »
En l'absence d'un relevé effectué par un géomètre-expert, l'expert judiciaire a calculé une surface utile totale de 91,40 m² à partir des plans cotés.
Ce calcul n'est pas contesté par les parties, seule étant discutée l'absence de prise en compte de la terrasse.
Le bail vise un « droit à la jouissance exclusive de la moitié de la cour » et le preneur indique lui-même qu'il utilise une partie de la cour « donnée à bail », reconnaissant ainsi le droit du bailleur à occuper une partie de la cour.
La société Planet [Localité 14] n'établit pas qu'à un quelconque moment cette occupation a été remise en cause ou qu'elle est susceptible de l'être de sorte que son caractère pérenne doit être retenu.
La terrasse doit donc être incluse dans l'assiette du bail.
En revanche, seule la moitié de la cour, soit 19,22 m², sera comptabilisée, dès lors qu'il n'est pas démontré que le preneur occupe dans les faits l'intégralité de la cour, ainsi que le soutient le bailleur.
La cour retiendra donc une surface utile totale de 110,62 m².
La pondération des surfaces par l'expert judiciaire ne suscite pas d'observation de la part du bailleur, contrairement au preneur qui demande d'écarter la pondération de 0,20 retenue par l'expert pour la surface en sous-sol non reliée (22,15 m²) et d'appliquer un coefficient de 0,10, conformément au tableau communiqué par l'expert.
Selon les recommandations de pondération annexées à la cinquième édition de la charte de l'expertise en évaluation immobilière de mars 2017, les « annexes diverses non reliées » situées en sous-sol sont pondérées selon un coefficient compris entre 0,10 et 0,15. Le taux de 0,10 ne donnant lieu à aucune discussion de la part du bailleur, il sera appliqué à la surface en sous-sol non reliée de 22,15 m².
La surface de la terrasse (19,22 m²) sera pondérée selon un coefficient de 0,5 comme le propose le bailleur lui-même.
La surface pondérée des locaux sera en conséquence évaluée à 57,40 m² se décomposant comme suit :
- rez-de-chaussée bas ' salle de restauration (zone 1 sur 5 mètres depuis la façade) : 23 m² x 1 = 23 m²p
- rez-de-chaussée haut ' salle de restauration (zone 3 > 10 mètres) : 20,5 m² x 0,60 = 12,30 m²p
- cuisine, office au rez-de-chaussée : 24,37 m² x 0,40 = 9,75 m²p
- sanitaires au rez-de-chaussée : 1,38 m² x 0,40 = 0,52 m²p
- annexes non reliées au sous-sol (réserves, locaux sociaux) : 22,15 m² x 0,10 = 2,22 m²p
- terrasse : 19,22 m² x 0,5 = 9,61 m²p.
- Sur les caractéristiques du local considéré
Les locaux loués dépendent d'un immeuble de trois étages, de bonne facture avec façade en pierre de taille, situé dans la rue commerçante principale du centre-ville d'[Localité 15], à proximité du centre administratif et de la mairie, près de laquelle se trouve un parc de stationnement de 315 places.
L'entrée des locaux, sur la [Adresse 21], débouche sur un espace de commande comportant un comptoir de commande et une zone d'attente. En contrehaut de 8 marches se trouve une salle de restauration de 16 places assises, à partir de laquelle on accède par une porte vitrée à la terrasse extérieure, permettant l'installation d'une vingtaine de places assises. Au fond de la salle de restaurant, on accède à la cuisine et à une petite réserve en enfilade. Le sous-sol, comportant des réserves et des locaux sociaux, est accessible depuis les parties communes de l'immeuble via un escalier.
L'expert judiciaire a constaté que les locaux étaient en très bon état d'entretien.
Si la société locataire invoque le mauvais agencement des locaux, tout en profondeur, la configuration des locaux est particulièrement bien adaptée à l'activité de la société Planet [Localité 14] qui exploite un magasin sous l'enseigne Planet sushi proposant principalement des repas à livrer ou à emporter.
L'expert judiciaire n'a pas relevé de modification des caractéristiques du local pendant le bail écoulé et si la locataire évoque encore les conséquences de la pratique accrue du télétravail depuis la crise sanitaire, M. [U] a relevé que l'activité de la société Planet [Localité 14] comportait une part importante de livraison (60 %) et de vente à emporter (25 %), ce qui nuance très fortement les effets allégués de la pratique accrue du télétravail.
- Sur les prix couramment pratiqués dans le voisinage
L'expert judiciaire a estimé la valeur locative en renouvellement au 1er juillet 2020 à 650 euros/m²p/an et le juge des loyers a fait sienne cette valeur.
La société GID Patrimoine demande à la cour de retenir un prix unitaire de 850 euros/m²p tandis que la société Planet [Localité 14] estime que le prix unitaire ne peut excéder 400 euros/m² compte tenu de la date de renouvellement au 1er juillet 2020, durant la crise sanitaire.
Les parties ne communiquent pas de références locatives.
L'expert judiciaire a analysé au total 15 références sur la commune d'[Localité 15], portant sur des nouvelles locations entre juillet 2011 et novembre 2020 (9), des renouvellements amiables de baux entre 2019 et 2020 (5) et un renouvellement judiciaire avec prise d'effet en février 2016.
M. [U] précise dans son rapport qu'il s'est attaché à rechercher des éléments comparables dans la [Adresse 21] où sont implantés les locaux loués et dans un environnement proche.
Certains termes de comparaison apparaissent trop anciens (2011, 2013 et 2014) par rapport à la date de renouvellement du bail litigieux au 1er juillet 2020 et doivent être écartés.
Toutes les références datant de 2020, y compris celles postérieures à la date de renouvellement du bail, méritent d'être conservées dans le panel de comparaison compte tenu de leur très grande proximité dans le temps avec la date de renouvellement du bail litigieux.
La société GID Patrimoine fait observer que les loyers des agences bancaires, qu'elle assimile à des bureaux-boutiques, bénéficient de loyers moins élevés que les commerces traditionnels mais elle indique aussi, non sans contradiction, que l'une des références de location nouvelle les plus pertinentes est une agence bancaire. Ces références seront prises en compte à titre d'éléments de comparaison.
S'agissant des offres de location, M. [U] a pris le soin de préciser qu'il ne les mentionnait qu'à titre indicatif, afin « d'observer la tendance du marché » et non comme termes de comparaison.
Parmi les références mentionnées dans le rapport d'expertise judiciaire, la cour considère que 11 références sont pertinentes :
* s'agissant des nouvelles locations :
- un bail portant sur des locaux occupés par une agence bancaire et situés [Adresse 6], d'une surface pondérée de 101 m²p, avec une prise d'effet en novembre 2020, moyennant un loyer unitaire de 931 euros/m²p ;
- un bail portant sur des locaux occupés par un restaurant et situés [Adresse 12], d'une surface pondérée de 67,5 m²p, avec une prise d'effet en septembre 2020, moyennant un loyer unitaire de 534 euros/m²p ;
- un bail portant sur des locaux occupés par une agence PAP et situés [Adresse 11], d'une surface pondérée de 45 m²p, avec une prise d'effet en novembre 2017, moyennant un loyer unitaire de 930 euros/m²p ;
* s'agissant des renouvellements amiables :
- un bail portant sur des locaux occupés par une agence bancaire et situés [Adresse 8], d'une surface pondérée de 142 m²p, avec une prise d'effet en 2020, moyennant un loyer unitaire de 693 euros/m²p ;
- un bail portant sur des locaux occupés par une société active dans la téléphonie et situés [Adresse 9], d'une surface pondérée de 61 m²p, avec une prise d'effet en octobre 2020, moyennant un loyer unitaire de 712 euros/m²p ;
- un bail portant sur des locaux occupés par une agence bancaire et situés [Adresse 7], d'une surface pondérée de 148 m²p, avec une prise d'effet en 2020, moyennant un loyer unitaire de 601 euros/m²p ;
- un bail portant sur des locaux occupés par une agence PAP et situés [Adresse 1], d'une surface pondérée de 44 m²p, avec une prise d'effet en 2020, moyennant un loyer unitaire de 518 euros/m²p ;
- un bail portant sur des locaux occupés par une retoucherie et situés [Adresse 2], d'une surface pondérée de 28 m²p, avec une prise d'effet en 2019, moyennant un loyer unitaire de 450 euros/m²p ;
* s'agissant des renouvellements judiciaires :
- un bail portant sur des locaux occupés par un restaurant italien et situés [Adresse 18], d'une surface pondérée de 120,25 m²p, avec une prise d'effet en février 2016, moyennant un loyer unitaire de 400 euros/m²p.
Ces références fournissent une fourchette de valeurs comprises entre 400 euros/m²p et 931 euros/m²p, étant observé d'une part, que les nouvelles locations bénéficient usuellement de loyers plus élevés que les renouvellements amiables et d'autre part, que comme le fait observer la société GID Patrimoine sans être contredite, la [Adresse 21] est mieux cotée que la [Adresse 20], où les loyers sont moins élevés.
Au regard de l'ensemble des éléments précédemment développés concernant les caractéristiques des locaux loués, de la destination des lieux et de l'activité exercée, des facteurs locaux de commercialité et des prix couramment pratiqués dans le voisinage, il convient de fixer la valeur locative en renouvellement au 1er juillet 2020 à 650 euros/m²p, telle que justement retenue par l'expert judiciaire.
- Sur les correctifs à apporter à la valeur locative
Aux termes de l'article R.145-8 du code de commerce, « les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative. Il en est de même des obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages. Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l'acceptation d'un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge ».
L'expert judiciaire a appliqué à la valeur locative :
- une majoration de 15% au titre du droit de jouissance de la terrasse intérieure de l'immeuble,
- une minoration correspondant au montant de la taxe foncière,
- une minoration de 2% au titre des travaux de mise en conformité.
Outre ces majoration et minorations, le juge des loyers a retenu un abattement de 1% au titre de la clause déchargeant le bailleur de ses obligations en cas de vice caché.
Hormis la déduction du montant de la taxe foncière, la société locataire sollicite l'application de dix abattements, pour un total de 18%, à raison des clauses du bail qu'elle qualifie d'exorbitantes.
La société bailleresse considère que l'abattement total de 18% sollicité par le preneur est déraisonnable et que les seuls abattements justifiés sont la déduction au réel de la taxe foncière et l'abattement à hauteur de 2% au titre des travaux de mise en conformité des locaux mais que, toutefois, compte tenu des éléments de comparaison, aucun abattement ne peut être retenu.
* sur la majoration au titre de la terrasse :
Dans la mesure où la cour a retenu que cette surface était comprise dans l'assiette du bail, il n'y a pas lieu d'appliquer une majoration.
* sur la déduction de la taxe foncière :
Selon l'article 7, 2°, b du bail, le bailleur entend que le loyer perçu soit net de toutes charges et impôts et le preneur doit notamment lui rembourser la taxe foncière.
S'agissant d'une clause exorbitante du droit commun, le montant non discuté de la taxe foncière, soit 1.146 euros, correspondant au montant de la taxe foncière 2020 ainsi qu'il résulte du rapport d'expertise, doit être déduit de la valeur locative, étant observé qu'il n'est pas démontré que les références locatives prévoient le transfert de l'impôt foncier au preneur.
* sur les travaux de mise en conformité et l'absence de système d'extraction d'air :
La société Planet [Localité 14] sollicite l'application d'un abattement de 5% de ce chef et elle soutient par ailleurs que l'absence de livraison, à la prise d'effet du bail, d'un conduit d'extraction d'air, justifie une minoration de la valeur locative, qu'elle ne chiffre cependant pas.
L'article 10, 3° du bail stipule que le preneur devra effectuer à ses frais tous travaux qui pourraient être prescrits par les autorités administratives et/ou requis par la copropriété, lors de l'entrée en jouissance ou en cours de bail, aux fins notamment de permettre l'utilisation des locaux en fonction de leur destination contractuelle, en conformité avec la règlementation actuelle ou future, quelle que soit la nature des prescriptions administratives (hygiène, sécurité, législation du travail, etc).
Dès lors que l'exécution de travaux de mise aux normes en vigueur relève de l'obligation de délivrance prévue par les articles 1719 et 1720 du code civil, le bailleur devant délivrer des locaux conformes à l'usage pour lequel ils ont été donnés à bail, la clause transférant au preneur les travaux de mise aux normes a un caractère exorbitant du droit commun.
Un abattement de 2%, tel que préconisé par l'expert judiciaire, sera donc appliqué au titre des travaux de mise aux normes imposés à la société Planet [Localité 14], étant précisé que depuis l'entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2014, dite loi Pinel, l'article 10, 3° précité du bail ne peut conduire le bailleur à exiger du preneur qu'il prenne en charge les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de mettre en conformité le bien loué avec la réglementation, dès lors qu'ils relèvent des grosses réparations visées à l'article 606 du code civil.
En revanche, s'agissant du système d'extraction d'air, l'expert judiciaire a considéré, à juste titre, que l'absence d'un tel système n'empêchait pas la société Planet [Localité 14] d'exercer son activité.
En outre, la clause de destination précise elle-même que les locaux loués ne sont pas équipés d'un tel système d'extraction et prévoit les conditions de son installation par le preneur.
Ainsi, l'article 3, 1° du bail dispose :
« Le preneur ne pourra utiliser les lieux loués qu'à usage exclusif de restauration sur place à emporter ou à livrer, froide ou chaude. La restauration chaude s'entend des types de restauration n'entrainant aucune nuisance pour le voisinage, le local n'étant pas équipé de conduit de désenfumage ou de hotte aspirante.
Toutefois, le bailleur autorise par anticipation le preneur à exploiter toute activité de restauration chaude sous réserve de l'obtention par le preneur de toutes autorisations administratives et des autorisations de la copropriété relative à ces types de restauration chaude, ainsi que de la pose des installations adéquates. Cette autorisation ne constitue en aucun cas une condition substantielle du présent bail, la validité du bail ne pouvant être remise en cause si lesdites autorisations n'étaient pas obtenues par le preneur.
Le bailleur s'engage d'ores et déjà à solliciter la réunion d'une assemblée générale de la copropriété aux fins d'obtention des autorisations nécessaires à l'exploitation de l'activité de restauration chaude, les frais de ladite assemblée étant à la charge du preneur. » (souligné par la cour)
Le preneur, dont il n'est pas contesté qu'il a installé à ses frais une extraction d'air, n'invoque ni ne justifie d'aucune autorisation de la copropriété, pour installer un tel système.
Il est donc d'autant plus mal fondé à solliciter une minoration de la valeur locative à raison de l'absence d'extraction d'air lors de l'entrée en jouissance des locaux.
* sur la clause déchargeant le bailleur de ses obligations en cas de vices cachés :
La société Planet [Localité 14] sollicite l'application d'un abattement de 2% de ce chef.
L'article 10, 1° prévoit que, par dérogation à l'article 1721 du code civil, le preneur renonce à tout recours l'encontre du bailleur au titre des vices et défauts de la chose louée.
Cette clause, exorbitante du droit commun, justifie l'application d'un abattement de 1% tel que retenu par le premier juge.
* sur les charges de l'immeuble :
Selon l'article 7, 1°, b du bail, le preneur doit rembourser au bailleur la totalité des charges de copropriété afférentes aux locaux loués, en fonction des tantièmes de copropriété attachés par le règlement de copropriété auxdits locaux.
La société Planet [Localité 14], qui sollicite l'application d'un abattement de 2% à ce titre, prétend que la refacturation de charges faite par le bailleur depuis la prise d'effet du bail inclut les honoraires de gestion et l'assurance de l'immeuble.
Elle ne produit aucune pièce au soutien de ses dires, permettant à la cour d'apprécier ce qui est effectivement refacturé par le bailleur et si certaines des charges refacturées au preneur sont exorbitantes.
Aucun abattement ne saurait en conséquence être appliqué de ce chef dès lors que les charges récupérées sur le locataire sont, selon le bail, afférentes aux locaux loués, donc nécessaires à son activité, et que la répartition desdites charges entre les différents locataires s'effectue au prorata des tantièmes de copropriété.
* sur le remplacement des vitrages aux frais du preneur :
La société Planet [Localité 14] sollicite l'application d'un abattement de 1% de ce chef.
L'article 10, 2° du bail stipule que le preneur s'oblige à tenir les lieux loués en parfait état d'entretien et qu'il doit notamment réparer ou remplacer à ses frais les vitrages des lieux loués.
Or, l'obligation de remplacement des vitrages dont il est fait état dans cette clause relève de l'obligation d'entretien pesant sur le preneur, qui ne fait pas état d'une véranda ou d'une verrière dans les locaux loués.
La demande d'abattement à ce titre ne peut donc prospérer.
* sur la clause imposant au preneur de souffrir tous travaux sans aucune indemnité ni réduction de loyer :
La société Planet [Localité 14] sollicite l'application d'un abattement de 2% de ce chef.
L'article 11, 3° du bail stipule que, par dérogation aux dispositions des articles 1723 et 1724 du code civil, le preneur devra supporter, sans indemnité ni recours contre le bailleur, la gêne et les conséquences de toute nature qui résulteraient de l'exécution de tous travaux d'entretien, de réparations, grosses ou menues, passage de canalisation, etc, que le bailleur se réserve de faire exécuter dans les locaux loués, quelle qu'en soit la durée, cette dernière excédât-elle quarante jours.
Cette clause, qui ne prévoit aucune contrepartie pour le preneur, même si les travaux excèdent quarante jours, constitue une clause exorbitante du droit commun justifiant une minoration de 2% de la valeur locative.
- sur le remboursement de la surprime d'assurance de l'immeuble :
La société Planet [Localité 14] sollicite l'application d'un abattement de 1% de ce chef.
L'article 15, 2° du bail stipule que dans le cas où les activités exercées par le preneur entraîneraient pour le bailleur, notamment, une surprime d'assurance, le preneur sera tenu d'indemniser le bailleur de la surprime payée.
Cette surprime étant éventuellement due à raison de la seule activité du preneur, l'application d'un abattement à ce titre n'est pas justifiée.
* sur la clause imposant au preneur de prendre l'ensemble du bien loué dans l'état où le tout se trouvera lors de l'entrée en jouissance :
La société Planet [Localité 14] sollicite l'application d'un abattement de 2% de ce chef.
L'article 10, 1° du bail stipule que le preneur s'oblige à prendre les locaux loués dans l'état ils se trouveront lors de l'entrée en jouissance, sans pouvoir exiger du bailleur aucun travaux, ni remise en état, tous travaux nécessaires à l'adaptation des lieux à l'activité autorisée et à toute mise en conformité, qu'elle se révèle nécessaire lors de l'entrée en jouissance ou au cours du bail, étant à la charge du preneur.
La société locataire a été en mesure de visiter les lieux avant la signature du contrat de bail et elle a déclaré parfaitement les connaître en signant ce contrat. En outre, un abattement de 2% a été précédemment retenu au titre des travaux de mise en conformité des locaux.
Il n'y a dès lors pas lieu d'appliquer un abattement supplémentaire au titre de la clause précitée, étant précisé qu'en toute hypothèse, une telle clause ne décharge pas le bailleur de son obligation de délivrance.
* sur la clause imposant au locataire de souffrir tous travaux que le bailleur se réserve d'effectuer sur les parties communes :
La société Planet [Localité 14] sollicite l'application d'un abattement de 1% au motif que, par dérogation à l'article 1723 du code civil, le bail lui impose de souffrir tous travaux que le bailleur effectuerait sur les parties communes.
Elle ne vise pas la clause du bail prévoyant une telle obligation et il ne résulte pas de la lecture du contrat de bail, qu'une telle clause ait été stipulée.
La demande d'abattement ne peut en conséquence prospérer.
* sur la clause imposant au preneur de déposer à ses frais tous agencements, mobiliers, matériel et installations quelconques :
La société Planet [Localité 14] sollicite l'application d'un abattement de 2% de ce chef.
L'article 11, 3° du bail stipule que le preneur devra déposer, à ses frais, tous agencements, mobiliers, matériel et installations quelconques dont l'enlèvement serait utile pour l'exécution de tous travaux par le bailleur ou un quelconque occupant de l'immeuble.
Il ne s'agit pas d'une clause exorbitante du droit commun et il n'est pas justifié de retenir une minoration de la valeur locative à ce titre dans la mesure notamment où les travaux nécessitant la dépose des agencements, mobiliers, matériel et installations quelconques sont susceptibles de bénéficier au preneur.
La demande d'abattement sera rejetée.
* sur la clause pénale :
La société Planet [Localité 14], qui qualifie d'exorbitante la clause pénale du contrat de bail, sollicite l'application d'un abattement de 1% de ce chef.
L'article 17, 2° du bail stipule qu'à défaut de paiement du loyer, des accessoires et des sommes exigibles à chaque terme, huit jours après une simple lettre recommandée demeurée sans suite, le dossier sera transmis à l'huissier et/ou les sommes dues, automatiquement majorées de 10%.
Une telle clause pénale n'est pas exorbitante du droit commun et peut être soumise au pouvoir modérateur du juge en application de l'article 1231-5 du code civil de sorte que l'abattement doit être écarté.
Seules seront donc retenues la déduction au réel de la taxe foncière (1.146 euros) ainsi que les abattements au titre des travaux de mise en conformité (- 2%), de la clause de renonciation en cas de vices et défauts (- 1%) et de la clause de souffrance tous travaux (- 2%).
Au vu de l'ensemble de ces éléments, le montant du loyer du bail renouvelé au 1er juillet 2020 doit être fixé à la somme de 34.298,50 euros arrondie à 34.300 euros par an hors taxes et hors charges ([57,40 m²p x 650 euros] ' 1.146 ' [2% x 37.310] ' [1% x 37.310] ' [2% x 37.310]), par infirmation du jugement entrepris.
Le point de départ des intérêts sur les trop-perçus de loyer ne faisant l'objet d'aucune discussion, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que les intérêts dus sur la différence entre le nouveau loyer du bail renouvelé et le loyer provisionnel courent à compter du 26 avril 2021 pour les sommes dues à cette date puis à compter de chaque date d'exigibilité.
Pour les mêmes raisons, le jugement sera également confirmé en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens, comprenant les frais d'expertise judiciaire, seront confirmées.
Les parties succombant en leur appel respectif, elles supporteront leurs propres dépens d'appel et il ne sera pas fait droit aux demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a fixé le loyer du bail renouvelé à la somme de 35.107,75 euros par an hors taxes et hors charges ;
Le confirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,
Fixe à la somme de 34.300 euros par an hors taxes et hors charges le montant du loyer du bail renouvelé au 1er juillet 2020 entre la société GID Patrimoine et la société Planet [Localité 14], portant sur les locaux situés [Adresse 5] à [Localité 16] ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens d'appel ;
Déboute les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente, et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier La Présidente