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Décisions

CA Pau, 2e ch. sect. 1, 10 septembre 2025, n° 23/02111

PAU

Ordonnance

Autre

PARTIES

Demandeur :

Enedis (SA)

Défendeur :

Ladeira (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Pellefigues

Avocats :

Lopez, Dulout

T. com. Dax, du 6 juin 2003

6 juin 2003

* * *

Par jugement contradictoire du 6 juin 2003, le tribunal de commerce de Dax a :

Dit que les demandes formulées par la SARL LADEIRA sont recevables et bien fondées

Débouté la société ENEDIS de l'ensemble de ses demandes

Condamné la société ENEDIS à payer à la SARL LADEIRA la somme de 5.810 € TTC au titre du préjudice subi par Ia surtension électrique

Condamné la société ENEDIS à payer à la SARL LADEIRA la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Condamné la société ENEDIS aux entiers dépens de l'instance dont les frais du présent jugement liquidé à la somme de 69,59 €TTC

- Ordonné l' exécution provisoire du présent jugement .

Par déclaration du 25 juillet 2023, la SA ENEDIS a interjeté appel de la décision.

La SA ENEDIS soulève des conclusions d'incident devant le conseiller de la mise en état aux fins de :

Vu les dispositions des articles 1245 et suivants du code civil

Vu les dispositions des articles 122, 123, 124, 789, 907 et 914 du code de procédure civile,

Vu la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union Européenne, de la Cour de Cassation et des juridictions du fond

INFIRMER le jugement rendu le 6 juin 2023 par le Tribunal de commerce de DAX en ce qu'il a jugé l'action recevable,

STATUANT A NOUVEAU,

Constater la prescription de l'action de société LADEIRA

En conséquence

DECLARER irrecevables les demandes formulées par la société LADEIRA

DEBOUTER la société LADEIRA de toutes ses demandes dirigées contre la société ENEDIS

CONDAMNER la société LADEIRA à verser à la société ENEDIS une légitime indemnité de 3.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNER la société LADEIRA aux entiers dépens de l'instance.

La société LADEIRA conclut à :

Vu les articles 907 et 789 du Code de procédure civile, dans leur version en vigueur jusqu'au 01 septembre 2024 et le Décret n°2023-1391 du 29 décembre 2023,

Vu l'avis de la 2ème Chambre civile de la Cour de cassation du 03 juin 2021,

Vu les pièces versées aux débats,

A titre principal :

SE DECLARER incompétent, ou dépourvu de pouvoir, pour statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la SA ENEDIS tirée de la prescription de l'action de la SARL LADEIRA.

RENVOYER l'affaire à une audience de mise en état en vue de sa clôture et fixation en audience de plaidoirie.

A titre subsidiaire :

RENVOYER l'affaire devant la Cour pour qu'elle statue sur la fin de non-recevoir et le fond.

A titre infiniment subsidiaire :

CONFIRMER le jugement déféré en ce qu'il a dit que les demandes de la SARL LADEIRA sont recevables.

REJETER la fi n de non-recevoir soulevée par la SA ENEDIS tirée de la prescription de l'action de la SARL LADEIRA.

SUR CE

En mai 2017 la SARL LADEIRA a été victime d'une surtension électrique qui a provoqué des dommages sur une équilibreuse à pneus, un compresseur, un outil de diagnostic, huit luminaires et le système de fermeture des deux portes sectionnelles du garage automobile qu'elle exploite.

Son assureur MMA a versé la somme de 2989,64 € au titre de l'indemnisation contractuelle et a initié un recours auprès de la société ENEDIS en charge de la distribution de l'électricité.

Le demandeur et le défendeur s'opposent sur le fondement de la responsabilité, la SARL LADEIRA considérant que la responsabilité contractuelle doit régir le présent litige et la société ENEDIS soutenant que le régime de responsabilité des produits défectueux est applicable en l'espèce s'appuyant sur l'article 1245-2 du Code civil.

Par décision dont appel le tribunal de commerce a considéré que la SARL LADEIRA avait à bon droit engagé son action sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun et que son action était soumise au délai de prescription de cinq ans édicté par l'article L 110-4 du code de commerce.

Il a en conséquence déclaré les demandes de la SARL LADEIRA recevables et a prononcé une condamnation à paiement à l'encontre de la société ENEDIS.

La SA ENEDIS sollicite l'infirmation du jugement rendu par le tribunal de commerce au motif de la prescription de l'action et en conséquence déclarer irrecevables les demandes formées par la société LADEIRA. Elle considère en effet que la législation relative aux produits défectueux est applicable aux relations entre professionnels et la prescription est donc encourue sur le fondement de l'article 1245-16 du Code civil qui institue une prescription triennale, le délai courant à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage. En l'occurrence la société LADEIRA avait nécessairement connaissance des dommages au jour de sa déclaration de sinistre et du courrier adressé à la société ENEDIS, soit le 17 mai 2017.

La société LADEIRA à titre principal soulève l'incompétence du conseiller de la mise en état pour connaître de la fin de non-recevoir présenté par la SA ENEDIS. Elle se réfère à l'article 907 du code de procédure civile dans sa version en vigueur jusqu'au 1er septembre 2024. L'article 907 fait référence à l'article 789 du code de procédure civile pour déterminer les pouvoirs juridictionnels du conseiller de la mise en état calqués sur ceux du juge de la mise en état devant le tribunal judiciaire.

Elle rappelle l'avis rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 3 juin 2021 aux termes duquel la Cour de cassation a énoncé que le conseiller de la mise en état ne peut connaître ni des fins de non recevoir qui ont été tranchées par le juge de la mise en état ou par le tribunal ni de celles qui bien que n'ayant pas été tranchées en première instance auraient pour conséquence de remettre en cause ce qui a été jugé au fond par le premier juge.

- Sur la compétence du conseiller de la mise en état :

Suivant les dispositions de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut du droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Aux termes de l'article 907 du code de procédure civile, lors de la procédure d'appel, le conseiller de la mise en état emprunte les pouvoirs conférés au juge de la mise en état. Ses pouvoirs sont définis à l'article 789 du code de procédure civile applicable à la présente instance.

Ainsi le conseiller de la mise en état a le pouvoir de trancher les fins de non recevoir suite à un décret du 11 décembre 2019 applicable à compter du 1er juin 2020.

Comme le prévoit l'article 789, auquel renvoie l'article 907 du code de procédure civile, le juge de la mise en état est compétent pour statuer sur les fins de non recevoir.

Cependant la deuxième chambre civile de la Cour de cassation tout en reconnaissant le principe d'une compétence du conseiller de la mise en état pour trancher les fin de non recevoir s'agissant des appels formés après le 1er janvier 2020 y ajoute deux restrictions dans un avis du 3 juin 2021 en précisant que : « le conseiller de la mise en état ne peut connaître ni des fins de non recevoir qui ont été tranchées par le juge de la mise en état près le tribunal, ni de celles qui, bien que n'ayant pas été tranchées en première instance, auraient pour conséquence, si elles étaient accueillies, de remettre en cause ce qui a été jugé au fond par le premier juge. »

En l'espèce la fin de non recevoir a été jugée en première instance par le tribunal de commerce qui a déclaré irrecevables les demandes formées par la SARL LADEIRA en tranchant la question du délai de prescription.

Dès lors le conseiller de la mise en état ne saurait sans outrepasser ses pouvoirs, statuer sur la fin de non recevoir tirée de la prescription après avoir déterminé le fondement de l'action en responsabilité engagée par la SARL LADEIRA.

Il ne revient pas en effet au conseiller de la mise en état d'infirmer un jugement de première instance et le débat devra être porté au fond devant la cour.

Il y a donc lieu de déclarer irrecevable la fin de non recevoir tirée de la prescription soulevée par la SA ENEDIS devant le conseiller de la mise en état.

La somme de 800 € sera allouée à la société LADEIRA sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le conseiller de la mise en état,

Déclare irrecevable la fin de non recevoir tirée de la prescription soulevée devant le conseiller de la mise en état par la SA ENEDIS.

Condamne la SA ENEDIS à payer à la société LADEIRA la somme de 800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile correspondant aux frais irrépétibles de l'incident

Réserve les dépens

Fait à [Localité 4], le 10 septembre 2025

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