Cass. 2e civ., 18 septembre 2025, n° 23-10.454
COUR DE CASSATION
Autre
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Martinel
Rapporteur :
Mme Caillard
Avocat général :
M. Adida-Canac
Avocat :
SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 4 octobre 2022), le 10 octobre 2019, Mme [X] a relevé appel d'un jugement du 3 octobre 2019 rendu par un tribunal judiciaire, l'ayant déboutée de sa demande en paiement d'une certaine somme formée contre M. [F] [B].
2. Le 24 avril 2020, elle a assigné M. [F] [B] devant le tribunal judiciaire en paiement d'une autre somme. Le juge de la mise en état du tribunal s'est dessaisi le 4 mars 2021 de cette procédure au profit de la cour d'appel. Les instances ont été jointes.
3. Par une ordonnance du 1er février 2022, que Mme [X] a déférée à la cour d'appel, le conseiller de la mise en état a déclaré prescrite l'action engagée le 24 avril 2020 par Mme [X] et l'a déboutée de sa demande d'expertise.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Mme [X] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son déféré à l'encontre de l'ordonnance rendue le 1er février 2022 par le conseiller de la mise en état, alors « qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique ; que les courriers électroniques expédiés par les agents habilités de la juridiction ou les avocats, ainsi que le journal de l'historique des échanges, sont enregistrés et conservés au moyen de dispositifs de stockage mis à disposition de chaque juridiction au travers des applications Winci CA et ComCi CA ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que Mme [X] verse aux débats deux messages RPVA datés du 10 février 2022, l'un de son conseil à 11h25 disant envoyer au greffe la requête en déféré, l'autre du greffe de la 1re chambre de la cour à 11h47 accusant réception du message précédent ; que, pour juger néanmoins irrecevable le déféré de Mme [X], la cour d'appel a considéré qu'elle ne fournit aucune explication sur le fait que les deux messages du 10 février 2022 dont elle se prévaut n'ont pas été enregistrés au RPVA tel que la cour et la partie adverse ont pu le constater ; qu'en statuant ainsi, tandis que la responsabilité de la conservation des échanges incombe à la juridiction et non au justiciable ou son avocat, la cour d'appel a violé l'article 930-1 du code de procédure civile, ensemble l'article 7 de l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d'appel. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 930-1, 748-3, 748-6 du code de procédure civile et l'article 7 de l'arrêté du 20 mai 2020 :
5. Selon le premier de ces textes, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique. Lorsqu'un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit, il est établi sur support papier et remis au greffe ou lui est adressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
6. Il résulte du second que les envois, remises et notifications mentionnés à l'article 748-1 font l'objet d'un avis électronique de réception adressé par le destinataire, qui indique la date et, le cas échéant, l'heure de celle-ci. Ces avis électroniques de réception ou de mise à disposition tiennent lieu de visa, cachet et signature ou autre mention de réception qui sont apposés sur l'acte ou sa copie lorsque ces formalités sont prévues par le présent code.
7. Aux termes du troisième, les procédés techniques utilisés doivent garantir, dans des conditions fixées par arrêté du garde des Sceaux, ministre de la justice, la fiabilité de l'identification des parties à la communication électronique, l'intégrité des documents adressés, la sécurité et la confidentialité des échanges, la conservation des transmissions opérées et permettre d'établir de manière certaine la date d'envoi et celle de la mise à disposition ou celle de la réception par le destinataire.
8. Selon le quatrième, les courriers électroniques expédiés par les agents habilités de la juridiction ou les avocats, ainsi que le journal de l'historique des échanges, sont enregistrés et conservés au moyen de dispositifs de stockage mis à disposition de chaque juridiction au travers des applications Winci CA et ComCi CA.
9. Pour déclarer irrecevable le déféré formé contre l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 1er février 2022, l'arrêt retient que la cour d'appel a été saisie du déféré le 14 février 2022 par voie de requête version papier et que les messages du réseau privé virtuel des avocats datés du 10 février 2022 versés aux débats par Mme [X] sont sujets à caution, aucune trace de leur existence n'ayant été trouvée au réseau privé virtuel des avocats dans l'instance de déféré ou dans les autres instances pendantes devant la cour d'appel opposant les mêmes parties.
10. L'arrêt ajoute que les communications par message électronique à la partie adverse et au greffe de la requête en déféré et de l'ordonnance concernée sont tardives et ne peuvent valider rétroactivement la saisine de la cour et que surtout, Mme [X] ne fournit aucune explication sur le fait que les deux messages du 10 février 2022 n'ont pas été enregistrés au réseau privé virtuel des avocats.
11. En statuant ainsi, alors que la responsabilité de l'enregistrement et de la conservation des échanges des messages mis à la disposition de la juridiction par les applications Winci CA et Comci CA ne peut incomber aux parties, la cour d'appel, qui aurait dû prendre en considération ces deux messages, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 octobre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne M. [F] [B] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [F] [B] à payer à Mme [X] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé publiquement le dix-huit septembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.