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Décisions

CA Caen, 1re ch. civ., 10 septembre 2025, n° 24/02189

CAEN

Ordonnance

Autre

CA Caen n° 24/02189

10 septembre 2025

COUR D'APPEL DE CAEN

1ère Chambre civile

O R D O N N A N C E

N° RG 24/02189 - N° Portalis DBVC-V-B7I-HPSZ

Affaire :

LE CRÉDIT LYONNAIS

assisté de Me Véronique LEVET, avocat au barreau de CAEN

C/

Madame [N] [V] Demanderesse à l'opposition

Représentée par Me Cédric MOISAN, avocat au barreau de CAEN - N° du dossier 2019/075

Monsieur [C] [V] Défendeur à l'opposition, intimé à la procédure d'appel

Le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE [Adresse 5] représenté par son syndic, la société NEXITY venant aux droits du Cabinet POZZO GESTION CALVADOS, venant lui-même aux droits du cabinet BLOND BEATRIX

pris en la personne de son représentant légaL

Représentée par Me Noël PRADO, avocat au barreau de LISIEUX - N° du dossier A2000031

Le DIX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,

Nous, M-C DELAUBIER, conseillère chargée de la mise en état de la première chambre civile de la Cour d'Appel de CAEN, assistée de Mme COLLET, greffière lors des débâts et de Mme FLEURY, greffière lors du prononcé,

~~~~

Par jugement du 24 mars 2017, le tribunal de grande instance de Lisieux a prononcé la nullité des assemblées générales du syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 5] à [Localité 4] des 13 juin et 28 novembre 2015, rejeté le surplus des demandes et condamné le syndicat des copropriétaires à payer à Mme [N] [V] et son frère, M. [C] [V], une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le syndicat des copropriétaires représenté son syndic, le cabinet Blond Béatrix, a formé appel de cette décision par déclaration du 24 avril 2017.

Par arrêt rendu par défaut le 28 mai 2019, la cour a infirmé partiellement le jugement entrepris et a déclaré les consorts [V] irrecevables en leur contestation de l'assemblée générale des copropriétaires de la résidence [Adresse 5] du 28 novembre 2015.

Par acte du 18 novembre 2019, Mme [N] [V] a formé opposition à cet arrêt.

Par conclusions d'incident du 24 avril 2023, Mme [V] a demandé à voir déclarer l'appel du syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 5] irrecevable au motif que le mandat du syndic de l'époque le cabinet Blond Béatrix serait nul en l'absence d'ouverture par ce dernier d'un compte séparé au nom du syndicat comme le prévoit l'article 18 II de la loi du 10 juillet 1965 et que par suite, le cabinet Blond Béatrix était dépourvu de qualité pour interjeter appel.

Aux termes de ses écritures sur incident du 17 octobre 2023, le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 5] représenté par son syndic, la société Nexity venant aux droits du cabinet Pozzo Gestion Calvados, venant lui-même aux droits du cabinet Blond Béatrix, se prévalant des articles 73 et 74 du code de procédure civile, a conclu à l'irrecevabilité des conclusions d'incident qui ont été notifiées postérieurement à des conclusions au fond.

Il relevait en outre que la prétendue nullité du mandat du syndic et de son défaut de pouvoir n'avait jamais été évoquée antérieurement, de telle sorte que Mme [V] était irrecevable en vertu de l'article 910-4 du code de procédure civile en son incident.

Il concluait à l'irrecevabilité de sa demande et à sa condamnation au paiement d'une indemnité de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Subsidiairement, il sollicitait un sursis à statuer dans l'attente de la production par la banque LCL de la convention d'ouverture de compte N°[XXXXXXXXXX01] ouvert au nom du syndicat des copropriétaires et demandait qu'il soit ordonné à cette banque de produire ce document en vertu des dispositions de l'article 138 du code de procédure civile, et de réserver la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.

Le syndicat des copropriétaires exposait à cet égard que son syndic, la société Nexity, n'avait pas obtenu du Crédit Lyonnais, organisme bancaire auprès duquel le Cabinet Blond Beatrix avait ouvert le compte bancaire à son nom, la convention d'ouverture du dit compte.

Par ordonnance du 3 avril 2024, le conseiller de la mise en état a :

- ordonné à la Banque LCL, agence de [Localité 2], [Adresse 3] de communiquer la convention d'ouverture du compte du syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 5] à [Localité 4], ouvert sous le N°[XXXXXXXXXX01], comportant sa date d'ouverture, dans un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision,

- sursis à statuer sur l'incident dans l'attente de la production de cette pièce,

- renvoyé l'affaire à l'audience d'incident du 18 septembre 2024,

- réservé les dépens.

Par requête reçue le 21 août 2024, en rétractation ou modification de cette ordonnance, la SA Le Crédit Lyonnais (la société LCL) a saisi le conseiller de la mise en état, lui demandant au visa des articles 17, 138 et 141 du code de procédure civile, de :

- rétracter l'ordonnance rendue le 3 avril 2024,

- condamner le syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 5] aux dépens de l'incident ainsi qu'à lui payer la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 13 juin 2025, la société Le Crédit Lyonnais demande au conseiller de la mise en état de :

- rétracter l'ordonnance rendue le 3 avril 2024 ;

- débouter le syndicat des copropriétaires de l'ensemble de ses demandes ;

- débouter le syndicat des copropriétaires de sa demande de communication d'une attestation du compte n° [XXXXXXXXXX01]

- condamner le syndicat des copropriétaires aux dépens de l'incident ainsi qu'à la somme de 1.200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de sa demande de rétractation présentée en application de l'article 141 du code de procédure civile, la société Le Crédit Lyonnais rappelle qu'en vertu des articles L. 123-22 du code de commerce, de l'article L. 110-4 du même code dans sa version issue de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 et de l'article L. 561-12 du code monétaire et financier créé par l'ordonnance n°2009-104 du 30 janvier 2009, le délai de conservation des documents bancaires est de 5 ans et ajoute qu'il n'est pas possible de condamner une partie à produire une pièces sans qu'il soit établi avec certitude que les dites pièces existent et qu'elles les détient.

Elle fait valoir qu'en l'espèce, compte tenu de l'ancienneté de la convention d'ouverture de compte dont il est demandé la communication et de l'impossibilité matérielle pour elle de produire la pièce visée par l'ordonnance dont s'agit, elle est fondée à solliciter la rétractation de l'ordonnance.

Au surplus, elle rappelle n'avoir aucune obligation de produire un élément relatif au compte alors qu'en application des articles 9 du code de procédure civile et 1353 du code civil, il incombe au syndicat de copropriétaires de rapporter la preuve des éléments qu'il estime nécessaires au soutien de ses prétentions, et en particulier de justifier de la conservation des archives dont il demande la communication.

Elle en déduit que le syndicat des copropriétaires devra être débouté de sa demande de communication d'une attestation du compte litigieux et par suite de sa demande formée au titre de ses frais irrépétibles.

Dans ses conclusions d'incident n°2 notifiées par RPVA le 17 juin 2025, le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 5] à [Localité 4] demande au conseiller de la mise en état de :

- débouter la banque LCL de l'ensemble de ses demandes ;

- juger qu'il n'y a pas lieu à rétractation de l'ordonnance rendue le 3 avril 2024 sauf à y ajouter que la banque LCL, à défaut de pouvoir communiquer la convention d'ouverture du compte ouvert en ses livres sous le n°[XXXXXXXXXX01] comportant sa date d'ouverture, devra établir sous un délai d'un mois à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir, une attestation confirmant que ce compte a bien été ouvert en ses livres en en précisant la date d'ouverture ;

- condamner la banque LCL à lui régler la somme de 2.400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'incident.

S'en rapportant sur la recevabilité du recours en rétractation engagé par la société LCL, le syndicat des copropriétaires soutient que la requérante est mal fondée en ses demandes.

Il suspecte la banque d'avoir égaré la convention d'ouverture de compte et qu'il lui appartient à tout le moins d'établir une attestation ou tout document justifiant de l'existence du compte dont il a été titulaire et de sa date d'ouverture, ce qui apparaît dans ses possibilités dès lors qu'au surplus, celle-ci a été en mesure de mentionner sa date de clôture.

Il entend justifier de la preuve de l'existence de ce compte par les pièces versées aux débats et les propres affirmations de l'organisme bancaire, de sorte que le moyen tiré des articles 9 du code de procédure civile et 1353 du code civil devra être rejeté.

Par conclusions du 18 février 2025, Mme [V] demande au conseiller de la mise en état de :

- débouter la société LCL de l'ensemble de ses demandes ;

- dire n'y avoir lieu à rétractation de l'ordonnance rendue le 3 avril 2024 sauf à y ajouter que la banque LCL, à défaut de pouvoir communiquer la convention d'ouverture du compte ouvert en ses livres sous le n°[XXXXXXXXXX01] comportant sa date d'ouverture, devra produire dans un délai d'un mois suivant la signification de l'ordonnance à intervenir, tout document en sa possession venant préciser le nom du titulaire du compte, sa date d'ouverture et celle de sa clôture ;

- condamner la banque LCL aux dépens de l'instance.

Mme [V] fait valoir que c'est à tort que la société LCL se prévaut de la réduction de la durée de conservation des documents bancaires de 10 ans prévue par l'article L. 123-22 du code du commerce lequel n'a pas été modifié par la loi du 17 juin 2008 et demeure en vigueur. Elle précise en particulier que si l'article L.110-4 du code de commerce se rapportant au délai de prescription applicable en matière contractuelle à vocation à s'appliquer dans les rapports entre les parties à la convention d'ouverture de compte, l'obligation légale de conservation d'une durée exigée par l'article L. 123-22 du code de commerce demeure de sorte que l'organisme bancaire peut être valablement requis par la cour de produire les documents visés par l'ordonnance du 3 avril 2024.

Par ailleurs, elle constate que la société LCL n'apporte aucune explication ou justification quant aux raisons ou procédures ayant conduit à la prétendue disparition de la convention d'ouverture de compte litigieuse.

Elle assure que la société LCL a en sa possession des éléments relatifs au dit compte puisqu'elle a été en mesure de renvoyer la société Nexity vers son prédécesseur relativement à un compte qu'elle a identifié et dont elle mentionne la date de clôture.

Sur ce,

- Sur la recevabilité de la demande de rétractation présentée par la société LCL :

Selon l'article 138 du code de procédure civile, 'si, dans le cours d'une instance, une partie entend faire état d'un acte authentique ou sous seing privé auquel elle n'a pas été partie ou d'une pièce détenue par un tiers, elle peut demander au juge saisi de l'affaire d'ordonner la délivrance d'une expédition ou la production de l'acte ou de la pièce.'

Aux termes de l'article 141 du code de procédure civile, 'en cas de difficulté, ou s'il est invoqué quelque empêchement légitime, le juge qui a ordonné la délivrance ou la production peut, sur la demande sans forme qui lui en serait faite, rétracter ou modifier sa décision. Le tiers peut interjeter appel de la nouvelle décision dans les quinze jours de son prononcé.'

Il sera rappelé que le conseiller de la mise en état, dans le cadre de l'incident relatif à l'irrecevabilité de l'appel formé par le syndicat des copropriétaires sur le fondement de l'article 18 II de la loi du 10 juillet 1965, après avoir constaté que la société Nexity, syndic, n'avait pu obtenir de la société LCL la convention d'ouverture de compte, a fait droit à la demande présentée par le syndicat des copropriétaires en application de l'article 138 du code de procédure civile, ordonnant à l'organisme bancaire, au visa des dispositions de cet article, de communiquer la convention d'ouverture de compte litigieuse.

Il en résulte qu'en application de l'article 141 du code de procédure civile, la société LCL, tiers soumis à la production requise, est recevable en sa requête adressée 'sans forme' en vue d'obtenir du juge ayant ordonné la communication, la rétractation ou la modification de son ordonnance, dès lors qu'elle soutient ne pas avoir l'obligation ni être en mesure de fournir les documents qu'elle prétend ne pas avoir conservés.

- Sur le bien fondé de la demande de rétractation :

Il est établi qu' en réponse à l'irrecevabilité de l'appel soulevée par Mme [V] dans le cadre d'un incident formé devant le conseiller de la mise en état, et pour justifier du pouvoir du syndicat des copropriétaires, alors représenté par le cabinet Blond Béatrix, de former appel du jugement rendu le 24 mars 2017 par le tribunal de grande instance de Lisieux, le syndicat des copropriétaires, par l'intermédiaire de son syndic, la société Nexity, s'est rapproché de la société LCL, en son agence de [Localité 2] [Adresse 3], pour solliciter la convention d'ouverture du compte ouvert en ses livres n°[XXXXXXXXXX01], laquelle lui a répondu par courriel être 'au regret de ne pouvoir [lui] transmettre ce type d'informations', en lui laissant le soin de se 'rapprocher du cabinet Blond-Beatrix qui était en charge de la copropriété à l'époque'.

Le syndicat des copropriétaires avait précisé que la société Nexity, actuel syndic, n'était pas en possession de la convention d'ouverture du compte litigieuse, ignorant par ailleurs si à l'époque la dite convention avait été transmise en copie à son prédécesseur l'agence Pozzo.

Après avoir constaté le défaut d'obtention de la convention d'ouverture sollicitée auprès de la société LCL, le conseiller de la mise en état avait alors relevé qu'il paraissait surprenant que le syndicat des copropriétaires ait pu fonctionner pendant plusieurs années sans qu'aucun copropriétaire ainsi que les syndics successifs ne se soient inquiétés de l'absence d'un compte bancaire ouvert au nom du syndicat des copropriétaires, et qu'il pouvait légitimement être pensé que ce compte existe vraiment, ordonnant alors la communication sollicitée.

Il est constant que la société LCL n'a pas communiqué la convention litigieuse et entend obtenir la rétractation de la dite ordonnance, évoquant un empêchement légitime qui résulterait de son absence de toute obligation de conserver les documents relatifs à l'identité de ses clients habituels ou occasionnels au-delà du délai de 5 ans à compter de la clôture du compte et, en tout cas, d'une difficulté matérielle en ce qu'elle assure que, compte tenu des délais de conservation, elle n'est pas en mesure de communiquer la pièce sollicitée.

Il n'appartient pas au conseiller de la mise en état, dans le cadre de l'examen de la demande de rétractation, d'apprécier si la société LCL a ou non respecté une obligation de conservation des documents selon les textes applicables en la matière, ni de déduire de l'obligation de conservation à laquelle elle serait tenue la certitude de ce qu'elle serait en possession du dit document dès lors que le délai de conservation exigé légalement ne serait pas expiré.

A l'inverse, l'expiration du délai de conservation n'interdit pas au juge d'ordonner la présentation de documents qui auraient été conservés.

En l'occurrence, il y a lieu simplement de constater que la société LCL indique ne pas avoir conservé la convention d'ouverture de compte dont il a été ordonné la production.

En revanche, il doit être relevé que la société LCL fait bien état de l'existence d'un compte n°[XXXXXXXXXX01] ouvert dans ses livres tel que visé dans l'ordonnance du 3 avril 2024, donc au nom du syndicat des copropriétaires, et précise que ce compte a été clôturé le 17 mai 2017.

Par ailleurs, le procès-verbal d'assemblée générale du 11 juin 2016 des copropriétaires de la Résidence [Adresse 5] produit par le syndicat des copropriétaires mentionne en sa résolution n°9 que la copropriété est titulaire d'un compte bancaire séparé ouvert au Crédit Lyonnais, agence de [Adresse 3], sous le n° [XXXXXXXXXX01].

Compte tenu des difficultés dont fait état la société LCL, il y a lieu de modifier la décision prise le 3 avril 2024 ayant ordonné la production de la convention d'ouverture de compte n°[XXXXXXXXXX01].

En effet, il apparaît au vu des éléments d'information transmis, que celle-ci est en mesure d'attester de l'existence du compte n°[XXXXXXXXXX01] ouvert en ses livres au nom du syndicat des copropriétaires et clôturé le 17 mai 2017 et par suite d'en préciser sa date d'ouverture. Il lui sera ainsi enjoint de produire la dite attestation dans le délai de 15 jours de la signification de la présente décision.

- Sur les demandes accessoires :

Les dépens seront à la charge du syndicat des copropriétaires qui a intérêt à la production de la pièce sollicitée.

En revanche, l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Le conseiller chargé de la mise en état,

Modifie l'ordonnance rendue le 3 avril 2024 en ce qu'elle a ordonné à la Banque LCL, agence de [Localité 2], [Adresse 3] de communiquer la convention d'ouverture du compte du syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 5] à [Localité 4], ouvert sous le N°[XXXXXXXXXX01], comportant sa date d'ouverture, dans un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision ;

Enjoint désormais à la société LCL de produire une attestation confirmant l'existence d'un compte bancaire ouvert en ses livres au nom du syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 5] à [Localité 4], sous le N°[XXXXXXXXXX01], et clôturé le 17 mai 2017, et précisant la date d'ouverture du dit compte ;

Condamne le syndicat des copropriétaires aux dépens de l'incident de rétractation ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE

E. FLEURY

LE MAGISTRAT DE

LA MISE EN ETAT

M-C DELAUBIER

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